Ici, personne n'entre sans la permission de l'ancien président de gauche, qui rêve d'un quatrième mandat à la tête du pays sud-américain.
C'est depuis cette localité, nichée au coeur de l'un des principaux centres de culture de la coca en Bolivie, qu'Evo Morales, 65 ans, étend son influence sur l'ensemble du Tropique de Cochabamba, une région du centre du pays qui compte quelque 260.000 personnes.
C'est aussi depuis ce lieu, où il s'est forgé dans les luttes syndicales depuis les années 1980, qu'il élabore sa stratégie de retour au pouvoir, malgré un arrêt de la Cour Constitutionnelle de 2023 qui fixe à deux le nombre maximum de mandats présidentiels.
Le village de 900 habitants sert également de refuge au premier président indigène du pays (2006-2019), visé depuis octobre par un mandat d'arrêt dans une affaire présumée de traite de mineure, une accusation qu'il qualifie lui de "persécution judiciaire".
Annulée mercredi par une juge, en même temps que les poursuites à son encontre, la mesure a été rétablie vendredi.
Depuis sept mois, la police n'a jamais tenté d'affronter les cultivateurs de coca, femmes et hommes, qui défilent plusieurs fois par jour à Lauca Eñe, armés de longs bâtons à la pointe effilée et de boucliers fabriqués à partir de barils d'essence.
A l'entrée du village, une dizaine de partisans croise ses lances pour barrer le passage. Ici, seules les poules et les chiens circulent librement sans éveiller de soupçons.
"On restera ici jusqu'à ce que notre frère Evo Morales accède à la présidence", clame auprès de l'AFP Willy Alvarado, un agriculteur de 54 ans.
Evo Morales entend se rendre à La Paz le 16 mai, entouré de ses partisans, pour soumettre sa candidature à l'élection présidentielle du 17 août, confiant qu'elle sera acceptée.
"Je ne pense pas qu'ils oseront rejeter ma candidature, car je suis légalement et constitutionnellement habilité", a-t-il déclaré lors d'un entretien cette semaine à l'AFP, qu'il a reçu dans son bureau installé au siège du puissant syndicat national des producteurs de coca, au coeur du village.
"le peuple se lèvera"
"Si on s'en prend au frère Evo, le peuple se lèvera sur-le-champ", lance Zenobia Taboada, une paysanne vêtue d'un gilet blanc sur un tee-shirt et une robe bleus, sa longue lance fermement tenue dans une main.
Chaque membre du principal syndicat de producteurs de coca donne régulièrement deux jours de son temps pour venir assurer la garde de l'ancien président.
Lorsqu'ils ne surveillent pas les entrées du village, ils se reposent sous des bâches en plastique, en mâchant des feuilles de coca.
"Qu'il pleuve, qu'il y ait du soleil ou qu'il fasse froid, ils ne bougent pas d'ici et assurent la sécurité", explique Vicente Choque, dirigeant cocalero proche d'Evo Morales.
"J'ai des flèches, mes compagnons ont des lances, des boucliers, au cas où", décrit-il.
Derrière lui, des hommes et des femmes, vêtus de leurs habits quotidiens, forment un bataillon. La plupart parlent le quechua.
"J'ai arrêté de travailler (...), je suis loin de ma famille, mais c'est ainsi que fonctionne l'organisation dans le Tropico", explique Marisol Mayta, 22 ans, vêtue d'un gilet portant l'inscription "commandant".
Zenobia Andia, qui a parcouru 100 kilomètres pour venir effectuer sa garde, se désole de la gestion de la crise économique du gouvernement du président Luis Arce, ancien allié d'Evo Morales. "Nous étions en haut et nous sommes tombés en bas", se lamente-t-elle.
Des postes de surveillance ont également été installés en dehors du village, dans le reste de la région du Tropique de Cochabamba.
Là, les administrations fonctionnent normalement. Mais si la police et l'armée sont présentes, elles évitent tout contact avec les partisans de l'ancien président.
Francisco Cáceres, un producteur de coca de 57 ans, dirige un poste installé devant un local de la police. Son groupe signale les entrées et sorties inhabituelles.
"Un coup de fil suffit" pour que toutes les routes du Tropique de Cochabamba soient bloquées "en cinq ou dix minutes", affirme-t-il.
Aujourd'hui, personne en Bolivie ne possède un pouvoir de mobilisation comparable à celui d'Evo Morales.
Texte intégral (718 mots)
Ici, personne n'entre sans la permission de l'ancien président de gauche, qui rêve d'un quatrième mandat à la tête du pays sud-américain.
C'est depuis cette localité, nichée au coeur de l'un des principaux centres de culture de la coca en Bolivie, qu'Evo Morales, 65 ans, étend son influence sur l'ensemble du Tropique de Cochabamba, une région du centre du pays qui compte quelque 260.000 personnes.
C'est aussi depuis ce lieu, où il s'est forgé dans les luttes syndicales depuis les années 1980, qu'il élabore sa stratégie de retour au pouvoir, malgré un arrêt de la Cour Constitutionnelle de 2023 qui fixe à deux le nombre maximum de mandats présidentiels.
Le village de 900 habitants sert également de refuge au premier président indigène du pays (2006-2019), visé depuis octobre par un mandat d'arrêt dans une affaire présumée de traite de mineure, une accusation qu'il qualifie lui de "persécution judiciaire".
Annulée mercredi par une juge, en même temps que les poursuites à son encontre, la mesure a été rétablie vendredi.
Depuis sept mois, la police n'a jamais tenté d'affronter les cultivateurs de coca, femmes et hommes, qui défilent plusieurs fois par jour à Lauca Eñe, armés de longs bâtons à la pointe effilée et de boucliers fabriqués à partir de barils d'essence.
A l'entrée du village, une dizaine de partisans croise ses lances pour barrer le passage. Ici, seules les poules et les chiens circulent librement sans éveiller de soupçons.
"On restera ici jusqu'à ce que notre frère Evo Morales accède à la présidence", clame auprès de l'AFP Willy Alvarado, un agriculteur de 54 ans.
Evo Morales entend se rendre à La Paz le 16 mai, entouré de ses partisans, pour soumettre sa candidature à l'élection présidentielle du 17 août, confiant qu'elle sera acceptée.
"Je ne pense pas qu'ils oseront rejeter ma candidature, car je suis légalement et constitutionnellement habilité", a-t-il déclaré lors d'un entretien cette semaine à l'AFP, qu'il a reçu dans son bureau installé au siège du puissant syndicat national des producteurs de coca, au coeur du village.
"le peuple se lèvera"
"Si on s'en prend au frère Evo, le peuple se lèvera sur-le-champ", lance Zenobia Taboada, une paysanne vêtue d'un gilet blanc sur un tee-shirt et une robe bleus, sa longue lance fermement tenue dans une main.
Chaque membre du principal syndicat de producteurs de coca donne régulièrement deux jours de son temps pour venir assurer la garde de l'ancien président.
Lorsqu'ils ne surveillent pas les entrées du village, ils se reposent sous des bâches en plastique, en mâchant des feuilles de coca.
"Qu'il pleuve, qu'il y ait du soleil ou qu'il fasse froid, ils ne bougent pas d'ici et assurent la sécurité", explique Vicente Choque, dirigeant cocalero proche d'Evo Morales.
"J'ai des flèches, mes compagnons ont des lances, des boucliers, au cas où", décrit-il.
Derrière lui, des hommes et des femmes, vêtus de leurs habits quotidiens, forment un bataillon. La plupart parlent le quechua.
"J'ai arrêté de travailler (...), je suis loin de ma famille, mais c'est ainsi que fonctionne l'organisation dans le Tropico", explique Marisol Mayta, 22 ans, vêtue d'un gilet portant l'inscription "commandant".
Zenobia Andia, qui a parcouru 100 kilomètres pour venir effectuer sa garde, se désole de la gestion de la crise économique du gouvernement du président Luis Arce, ancien allié d'Evo Morales. "Nous étions en haut et nous sommes tombés en bas", se lamente-t-elle.
Des postes de surveillance ont également été installés en dehors du village, dans le reste de la région du Tropique de Cochabamba.
Là, les administrations fonctionnent normalement. Mais si la police et l'armée sont présentes, elles évitent tout contact avec les partisans de l'ancien président.
Francisco Cáceres, un producteur de coca de 57 ans, dirige un poste installé devant un local de la police. Son groupe signale les entrées et sorties inhabituelles.
"Un coup de fil suffit" pour que toutes les routes du Tropique de Cochabamba soient bloquées "en cinq ou dix minutes", affirme-t-il.
Aujourd'hui, personne en Bolivie ne possède un pouvoir de mobilisation comparable à celui d'Evo Morales.