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05.11.2025 à 13:56

Les lycées français à l’étranger, acteurs historiques de la diplomatie ?

Antoine Vermauwt, Doctorant en Histoire de l'Éducation, enseignant au Lycée français de Stockholm (Suède), Université Lumière Lyon 2

La France est l’un des pays inventeurs de la diplomatie scolaire, mais quels fruits en a-t-elle tirés depuis le XIXᵉ siècle ?
Texte intégral (1891 mots)

C’est un réseau qui fait la fierté du Quai d’Orsay. On le dit immense, on le dit d’excellence. Le réseau scolaire dont a hérité l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) est en pleine expansion depuis le début des années 2000. Quels en sont les enjeux historiques ? Dans quelle mesure concourt-il au rayonnement de la France ?


Dans 138 pays et 612 établissements, plus de 400 000 élèves suivent un enseignement français, par la langue principale d’enseignement utilisée comme par les programmes scolaires appliqués. En mars 2018, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé un « cap 2030 » avec l’ambition affichée de doubler les effectifs scolaires du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) pour 2030, soit un objectif de 700 000 élèves.

Rien n’est sans doute moins désintéressé que la présence d’un État hors de ses frontières, quand bien même cette présence n’est que scolaire.

Mais de quoi cette diplomatie scolaire est-elle le nom ? À quoi sert-elle aujourd’hui et comment concourt-elle à la puissance française ?

Un réseau qui s’étend au XIXᵉ siècle

La présence scolaire française à l’étranger est très ancienne. Le réseau actuel est en partie l’héritier d’une histoire longue et féconde de mieux en mieux connue. Il s’étend surtout au XIXe siècle sous la triple impulsion des acteurs diplomatiques, des missions religieuses et des élites économiques françaises expatriées.

Le XIXe siècle, c’est encore le temps du primat des acteurs privés, même si, comme le rappelle Ludovic Tournès dans son Histoire de la diplomatie culturelle dans le monde parue cet automne, les frontières entre le privé et le public ont toujours été très poreuses. Ce n’est qu’au siècle suivant que se dessinent les contours d’une action vraiment publique : en matière d’action scolaire extérieure, l’État ne seconde plus, il se fait État-pilote.

Il faut dire qu’après 1945, l’inquiétude morale gagne les esprits dans un pays qui paraît à tous égards diminué. Comment peser encore, sinon par ce que la France pense faire de mieux : par sa langue d’abord, à laquelle on prête toutes les vertus, par son école ensuite, enfin et surtout, par sa culture ? Les autorités françaises en sont convaincues : la diplomatie scolaire et culturelle est la condition même de la puissance française dans le monde, d’autant plus que le pays doit tourner la page coloniale de son histoire.

Jean Basdevant, chef de la diplomatie culturelle au sein du Quai d’Orsay, l’assure en 1962 :

« Chaque Français doit désormais être bien conscient de ce que l’expansion de notre langue et de notre culture n’est plus un plaisant passe-temps mondain, mais constitue un des éléments essentiels de la puissance française dans le monde. »

Diversité du réseau et sentiment d’appartenance

L’État, qui subventionne l’AEFE à hauteur de 559 millions d’euros en 2024, le fait au titre de l’action extérieure, convaincu qu’il est qu’il en va de l’intérêt même de la nation. Instituée par une loi du 6 juillet 1990, l’AEFE a surtout permis une mise en réseau de l’ensemble des établissements scolaires français de l’étranger.

Bien que sa gouvernance soit quelquefois remise en cause et qu’elle soit aujourd’hui en situation de déficit budgétaire, l’AEFE a toutefois contribué à l’émergence d’un véritable sentiment d’appartenance au sein du réseau, au travers d’un agenda culturel d’année en année toujours plus rempli (programmes de mobilité, Orchestre des lycées français du monde, Semaine des lycées français du monde…).

Fourni par l'auteur

Mais comment unir un réseau marqué par une infinie diversité ? Divers par leurs effectifs qui peuvent aller de quelques dizaines à plusieurs milliers d’élèves, des petites structures d’Asie centrale aux énormes machines administratives que sont les lycées du Maroc, divers par les niveaux scolaires enseignés (certains ne dispensent qu’un enseignement primaire, d’autres vont de la maternelle aux classes préparatoires), ces établissements diffèrent enfin par leur mode de gestion.

Certains – largement subventionnés – sont des « établissements en gestion directe » (EGD), d’autres sont « conventionnés », d’autres enfin sont dits « partenaires » et sont homologués par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse sans être subventionnés.

De cette diversité même découle une évidence : la diplomatie scolaire est une pratique diplomatique complexe, qui échappe à toute réduction simpliste, tant ses motifs sont pluriels, et, disons-le, parfois ambivalents. Elle est tout à la fois l’expression d’une diplomatie de la langue, d’une diplomatie d’influence, d’un soft power français, le moyen commode de se constituer des clientèles étrangères (deux tiers des élèves du réseau ne sont pas français), enfin la réponse à un besoin de continuité scolaire de la part des Français qui émigrent temporairement ou durablement.

Pour de nombreuses familles – on compte environ 2 millions de Français de l’étranger –, l’expatriation n’est pensable ni possible que si elles sont assurées de pouvoir donner une éducation française à leurs enfants.

Un langage diplomatique en soi

Historiquement, toute diplomatie scolaire comporte en réalité des aspects culturels, linguistiques, économiques, politiques, géopolitiques, voire militaires. Elle ne peut manquer de s’inscrire plus généralement dans une diplomatie d’influence, qui, elle-même, va de pair avec une diplomatie du rayonnement et du prestige.

Cette diplomatie s’inscrit dans une stratégie culturelle globale qui, de concerts en tournées théâtrales, de campagnes médiatiques en cours de langue française, est marquée par une volonté de projection extérieure.

Elle est du reste quasiment un langage diplomatique en soi. Or ce langage est éminemment symbolique : l’école est utilisée comme un outil au service de l’affermissement d’une relation bilatérale ou, à l’inverse, comme le marqueur d’une détérioration.

Outil de rapprochement d’abord : la construction européenne suscite au lendemain du traité de Rome de 1957 une vague de créations scolaires, dont le lycée français Stendhal de Milan, qui existait officieusement depuis une dizaine d’années mais qui fait l’objet d’une inauguration symbolique en 1959 pour le centenaire de la bataille de Solférino.

Symptôme de tensions ensuite. Le recul de la France au Sahel ? Il se manifeste par la fermeture du lycée français de Niamey, au Niger, en 2024. La même année, l’aggravation des tensions diplomatiques entre l’Azerbaïdjan et une France trop arménophile selon Bakou provoque la fermeture du lycée français de la capitale azérie.

Des établissements soumis aux vents géopolitiques

Toute politique, dit-on, se mesure à ses résultats. La France est assurément l’un des pays inventeurs de la diplomatie scolaire, mais quels fruits en a-t-elle tirés depuis le XIXe siècle ? C’est la question qui obsède le ministère des affaires étrangères (MAE) depuis les origines mêmes de cette pratique diplomatique.

Peut-on en quantifier, peut-on en qualifier les résultats ? C’est une démarche possible et salutaire, mais elle est fragile, et sans cesse compliquée non seulement par la pluralité des missions qui sont assignées à la diplomatie scolaire, mais par sa nature même : on peut évaluer l’évolution d’effectifs scolaires, mais beaucoup moins mesurer le rôle d’un lycée français dans la création durable et à long terme d’affinités francophiles et de communautés francophones.

La diplomatie scolaire, le lycée français de l’étranger sont et resteront, qu’on le veuille ou non, des créations fragiles, soumises à tous les vents géopolitiques.

À l’heure où l’on demande à cette diplomatie de rehausser la « marque France » dans un monde toujours plus concurrentiel, à l’heure où l’éducation est de plus en plus une offre et où s’affirme partout le marketing scolaire, à l’heure surtout où est mise à l’épreuve la solidité de la démocratie, il est urgent de faire de ces établissements des sentinelles de valeurs à la fois démocratiques et pacifiques : au service donc non seulement de la France, mais du monde, mais de l’humanité.

The Conversation

Antoine Vermauwt est enseignant détaché auprès de l'AEFE.

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05.11.2025 à 13:56

Il y a cent ans, naissait le « New Yorker » sur une table de poker

Christopher B. Daly, Professor Emeritus of Journalism, Boston University

Lancé en 1925 par un dandy, Harold Ross, le « New Yorker » a imposé un ton, un style et une exigence littéraire qui ont redéfini la presse américaine.
Texte intégral (2413 mots)
Le « New Yorker » a repoussé les frontières du journalisme s'intéressant à tout ce que les autres magazines avaient tendance à dédaigner. Design Uncensored

Lancé en 1925 par un dandy, Harold Ross, le « New Yorker » a imposé un ton, un style et une exigence littéraire qui ont redéfini la presse américaine.

Littéraire dans son ton, grand public dans sa portée et traversé d’un humour mordant, le New Yorker a apporté au journalisme américain une sophistication nouvelle – et nécessaire – lorsqu’il a été lancé il y a cent ans ce mois-ci.

En menant mes recherches sur l’histoire du journalisme américain pour mon livre Covering America, je me suis passionné pour l’histoire de la naissance du magazine et pour celle de son fondateur, Harold Ross.

Ross s’intégrait sans peine dans un milieu des médias foisonnant de fortes personnalités. Il n’avait jamais achevé ses études secondaires. Divorcé à plusieurs reprises et rongé par les ulcères, il affichait en permanence un sourire aux dents clairsemées et une chevelure en brosse caractéristique. Il consacra toute sa vie d’adulte à une seule et même entreprise : le magazine The New Yorker.

Pour les lettrés, par les lettrés

Né en 1892 à Aspen, dans le Colorado, Ross travailla comme reporter dans l’Ouest alors qu’il était encore adolescent. Lorsque les États-Unis entrèrent dans la Première Guerre mondiale, il s’engagea. Envoyé dans le sud de la France, il déserta rapidement et gagna Paris, emportant avec lui sa machine à écrire portable Corona. Il rejoignit alors le tout nouveau journal destiné aux soldats, le Stars and Stripes, qui manquait tellement de personnel qualifié que Ross y fut engagé sans la moindre question, bien que le journal fût une publication officielle de l’armée.

Harold Ross et Jane Grant en 1926
Harold Ross et Jane Grant en 1926. Université d’Oregon

À Paris, Ross fit la connaissance de plusieurs écrivains, dont Jane Grant, première femme à avoir travaillé comme reporter au New York Times. Elle devint plus tard la première de ses trois épouses.

Après l’armistice, Ross partit pour New York et n’en repartit plus vraiment. Là, il fit la rencontre d’autres écrivains et rejoignit rapidement un cercle de critiques, dramaturges et esprits brillants qui se retrouvaient autour de la Table ronde de l’hôtel Algonquin, sur la 44e Rue Ouest à Manhattan

Au cours de déjeuners interminables et copieusement arrosés, Ross fréquentait et échangeait des traits d’esprit avec quelques-unes des plus brillantes figures du milieu littéraire new-yorkais. De ces réunions naquit aussi une partie de poker au long cours à laquelle participaient Ross et celui qui deviendrait son futur bailleur de fonds, Raoul Fleischmann, issu de la célèbre famille productrice de levure.

Au milieu des années 1920, Ross décida de lancer un magazine hebdomadaire consacré à la vie métropolitaine. Il voyait bien que la presse magazine connaissait un essor considérable, mais n’avait aucune envie d’imiter ce qui existait déjà. Il voulait publier un journal qui s’adresserait directement à lui et à ses amis – de jeunes citadins ayant séjourné en Europe et lassés des platitudes et des rubriques convenues qui remplissaient la plupart des périodiques américains.

Mais avant tout, Ross devait établir un business plan.

Le type de lecteurs cultivés qu’il visait intéressait également les grands magasins new-yorkais, qui y virent une clientèle idéale et manifestèrent leur volonté d’acheter des encarts publicitaires. Sur cette base, le partenaire de poker de Ross, Fleischmann, accepta de lui avancer 25 000 dollars pour démarrer – soit l’équivalent d’environ 450 000 dollars actuels.

Ross fait tapis

À l’automne 1924, installé dans un bureau appartenant à la famille Fleischmann, au 25 West 45th Street, Ross se mit au travail sur la plaquette de présentation de son magazine :

« The New Yorker sera le reflet, en mots et en images, de la vie métropolitaine. Il sera humain. Son ton général sera celui de la gaieté, de l’esprit et de la satire, mais il sera plus qu’un simple bouffon. Il ne sera pas ce que l’on appelle communément radical ou intellectuel. Il sera ce que l’on appelle habituellement sophistiqué, en ce qu’il supposera chez ses lecteurs un degré raisonnable d’ouverture d’esprit. Il détestera les balivernes. »

Ross ajouta cette phrase devenue célèbre : « Le magazine n’est pas conçu pour la vieille dame de Dubuque. » Autrement dit, le New Yorker ne chercherait ni à suivre le rythme de l’actualité, ni à flatter l’Amérique moyenne. Le seul critère de Ross serait l’intérêt d’un sujet – et c’est lui seul qui déciderait de ce qui méritait d’être jugé intéressant. Il misait tout sur l’idée, audacieuse et improbable, qu’il existait assez de lecteurs partageant ses goûts – ou susceptibles de les découvrir – pour faire vivre un hebdomadaire à la fois élégant, impertinent et plein d’esprit.

Ross faillit échouer. La couverture du premier numéro du New Yorker, daté du 21 février 1925, ne montrait ni portraits de puissants ni magnats de l’industrie, aucun titre accrocheur, aucune promesse tapageuse. Elle présentait à la place une aquarelle de Rea Irvin, ami artiste de Ross, représentant un personnage dandy observant attentivement – quelle idée ! – un papillon à travers son monocle. Cette image, surnommée Eustace Tilly, devint l’emblème officieux du magazine.

Le magazine trouve son équilibre

À l’intérieur de ce premier numéro, le lecteur découvrait un assortiment de blagues et de courts poèmes. On y trouvait aussi un portrait, des critiques de pièces et de livres, beaucoup de potins et quelques publicités.

L’ensemble n’était pas particulièrement impressionnant, donnant plutôt une sensation de patchwork, et le magazine eut du mal à démarrer. Quelques mois à peine après sa création, Ross faillit même tout perdre lors d’une partie de poker arrosée chez Herbert Bayard Swope, lauréat du prix Pulitzer et habitué de la Table ronde. Il ne rentra chez lui que le lendemain midi, et lorsque sa femme fouilla ses poches, elle y trouva des reconnaissances de dettes atteignant près de 30 000 dollars.

Fleischmann, qui avait lui aussi participé à la partie mais s’en était retiré à une heure raisonnable, entra dans une colère noire. Nul ne sait comment mais Ross réussit à le convaincre de régler une partie de sa dette et de le laisser rembourser le reste par son travail. Juste à temps, le New Yorker commença à gagner des lecteurs, bientôt suivis par de nouveaux annonceurs. Ross finit par solder ses dettes auprès de son ange gardien.

Une grande part du succès du magazine tenait au génie de Ross pour repérer les talents et les encourager à développer leur propre voix. L’une de ses premières découvertes majeures fut Katharine S. Angell, qui devint la première responsable de la fiction du magazine et une source constante de bons conseils. En 1926, Ross recruta James Thurber

et E.B. White, qui accomplissaient toutes sortes de tâches : rédaction de « casuals » – de courts essais satiriques –, dessin de caricatures, rédaction de légendes pour les dessins des autres, reportage pour la rubrique Talk of the Town et commentaires divers.

À mesure que le New Yorker trouvait sa stabilité, les rédacteurs et les auteurs commencèrent à perfectionner certaines de ses marques de fabrique : le portrait fouillé, idéalement consacré à une personne qui ne faisait pas l’actualité mais méritait d’être mieux connue ; les longs récits de non-fiction nourris d’enquêtes approfondies ; les nouvelles et la poésie ; et bien sûr les dessins humoristiques en une case ainsi que les comic strips.

D’une curiosité insatiable et d’un perfectionnisme maniaque en matière de grammaire, Ross était prêt à tout pour garantir l’exactitude. Les auteurs récupéraient leurs manuscrits couverts de remarques au crayon exigeant des dates, des sources et d’interminables vérifications factuelles. L’une de ses annotations les plus typiques était : « Who he ? » (NDT : « C’est qui, lui ? »).

Durant les années 1930, alors que le pays traversait une implacable crise économique, le New Yorker fut parfois critiqué pour son indifférence apparente à la gravité des problèmes nationaux. Dans ses pages, la vie semblait presque toujours légère, séduisante et plaisante.

C’est pendant la Seconde Guerre mondiale que le New Yorker trouva véritablement sa place, tant sur le plan financier qu’éditorial. Il finit par découvrir sa voix propre : curieuse, ouverte sur le monde, exigeante et, en fin de compte, profondément sérieuse.

Ross découvrit également de nouveaux auteurs, parmi lesquels A.J. Liebling, Mollie Panter-Downes et John Hersey, qu’il débaucha du magazine Time d’Henry Luce. Ensemble, ils produisirent certains des plus grands textes de la période, notamment le reportage majeur de Hersey sur l’usage de la première bombe atomique dans un conflit.

Un joyau du journalisme

Au cours du siècle écoulé, le New Yorker a profondément marqué le journalisme américain. D’une part, Ross a su créer les conditions permettant à des voix singulières de se faire entendre. D’autre part, le magazine a offert un espace et un encouragement à une forme d’autorité non académique : un lieu où des amateurs éclairés pouvaient écrire des articles sur les manuscrits de la mer Morte, la géologie, la médecine ou la guerre nucléaire, sans autre légitimité que leur capacité à observer avec attention, raisonner avec clarté et construire une phrase juste.

Enfin, il faut reconnaître à Ross le mérite d’avoir élargi le champ du journalisme bien au-delà des catégories traditionnelles que sont le crime, la justice, la politique ou le sport. Dans les pages de ce magazine, les lecteurs ne trouvaient presque jamais ce qu’ils pouvaient lire ailleurs. À la place, les lecteurs du New Yorker pouvaient y découvrir à peu près tout le reste.

The Conversation

Christopher B. Daly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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05.11.2025 à 13:55

Les Mondes du Nord, au cœur de l’histoire européenne

Vivien Barrière, Maître de conférences en histoire ancienne et archéologie, CY Cergy Paris Université

Alban Gautier, Professeur d’histoire médiévale, Université de Caen Normandie

Anne Lehoërff, Professeur des universités, chaire "Archéologie et patrimoine", CY Cergy Paris Université

Stéphane Coviaux, Professeur en classes préparatoires littéraires (lycée Fénelon, Paris)

Loin des clichés du Sud fondateur et du Nord marginal, quatre chercheurs renversent le récit européen. Leur enquête historique éclaire d’un jour nouveau les peuples et les mers du Nord.
Texte intégral (2535 mots)
Le char solaire de Trundholm (Danemark) mis au jour en Zélande du Nord en 1902. La face dorée (d’un diamètre de 25cm) symbolise le soleil tandis que le revers évoque la nuit. Il est daté d’environ 1400 avant notre ère. Bronze et or, 60cm de long. Musée National du Danemark, Copenhague, CC BY-SA

Alors que l’Europe s’est longtemps pensée depuis la lumière méditerranéenne, foyer auto-proclamé de la démocratie et de la civilisation, le Nord est resté dans l’ombre, relégué aux marges du récit historique. Dans leur imposante somme Les Mondes du Nord : De la Préhistoire à l’âge viking, qui vient de paraître aux éditions Tallandier, les historiens Vivien Barrière, Stéphane Coviaux, Alban Gautier et Anne Lehoërff prennent cette vision à contre-pied et nous proposent une enquête sans précédent au-delà du 50e parallèle. En plaçant les peuples et les terres nordiques au centre de leur analyse, ils braquent toute la lumière sur la riche histoire du Nord jusqu’à la fin du premier millénaire.


Aux environs de l’an mille, l’abbé anglo-saxon Ælfric d’Eynsham écrit ces mots à propos de son pays, l’île de Grande-Bretagne :

« Cette terre n’est pas aussi forte en vigueur ici, sur le bord extérieur de l’étendue de la terre, qu’elle ne l’est au milieu, dans des terres fortes en vigueur. »

La formule, frappante, interroge. Pourquoi donc un Anglais du début du XIe siècle aurait-il l’impression de vivre « au bord du monde » ? Pourquoi regarde-t-il son île comme reléguée à l’extrémité d’un univers habité dont le centre est bien plus au sud, sur les rives de la Méditerranée ? Et pourquoi le fait d’habiter une terre aussi excentrée et septentrionale serait-il un signe de faiblesse, voire d’infériorité ? Serait-ce l’expression d’une vision du monde propre à Ælfric ?

Assurément non.

Un siècle et demi plus tard, l’auteur de la Passion de saint Olaf, sans doute l’archevêque de Nidaros, Eystein Erlendsson, évoque, en un prélude inspiré, l’histoire de la Norvège, « cette très vaste contrée située au nord, bordée au sud par la Dacie », dont les habitants, longtemps asservis par l’aquilon – autrement dit le paganisme –, venaient d’en être libérés par « le doux vent du sud » que Dieu avait fait souffler en ces contrées lointaines.

Cette façon de se représenter le monde a en réalité une longue histoire. Portée par des géographes grecs, romains, arabes ou européens, reprise avec le développement des études historiques au XIXe siècle, elle fait de la Méditerranée la matrice de toute civilisation, le cœur, l’omphalos, une sorte de repère à partir duquel s’est construit un récit reléguant toutes les régions avoisinantes au rang de marges. À regarder l’Europe à travers une carte où le Nord magnétique est conventionnellement en haut et la Méditerranée « au milieu », l’esprit finit par intégrer que c’est sous cet angle que l’histoire doit être pensée.

Les Nords aux marges d’une histoire européenne centrée sur la Méditerranée

Dès lors, les Nords européens, plus pauvres et moins peuplés, apparaissent seconds, voire arriérés face au cœur méditerranéen des civilisations. La puissance de cette représentation est telle qu’un Anglais comme Ælfric ou qu’un Norvégien comme Eystein l’ont intériorisée ; et ce n’est que tardivement, avec la Réforme, la révolution industrielle et surtout l’éclatante prospérité des pays nordiques contemporains, que cette relégation s’est peu à peu renversée, faisant du Nord une direction dotée de connotations positives et des terres septentrionales des régions porteuses de progrès, motrices dans l’histoire humaine.

Par conséquent, écrire l’histoire de l’Europe, singulièrement dans ses périodes anciennes, a très souvent consisté à reproduire la marginalisation du Nord en mettant les sociétés méridionales au cœur du récit et des analyses. Tout au plus faisait-il irruption, de temps en temps, sous forme de bandes de pillards et de barbares dont on cherchait au mieux à élucider l’origine : des Cimbres et Teutons aux vikings en passant par les « grandes invasions », tout se passe comme si les peuples du Nord n’avaient accès à la « grande histoire » que lorsque certains de leurs représentants franchissaient le 50e parallèle de latitude nord. Les Européens du Nord ont pourtant une histoire qui ne se résume pas à cette vision réductrice. Retournons donc la carte.

En déplaçant le regard et en choisissant sciemment une géographie qui place les mers septentrionales au centre, quelle histoire écrit-on ?

Déplacer le regard

Tel est le point de départ de cet ouvrage rédigé par quatre auteurs : relever le défi d’une approche différente, qui se concentre sur des sociétés qui ont, elles aussi, une histoire pleine, riche, entière et non de « seconde zone ». Cette position, autant au sens géographique qu’intellectuel du terme, pourrait sembler artificielle. Elle ne l’est pas plus que celle qui consiste à reléguer les Nords au point de les exclure, sciemment ou non.

Cet extrait est issu de l’ouvrage Les Mondes du Nord : De la Préhistoire à l’âge viking, de Vivien Barrière, Stéphane Coviaux, Alban Gautier et Anne Lehoërff, qui vient de paraître aux éditions Tallandier. CC BY

Centrer l’attention sur « les Nords européens », c’est donc repousser la Méditerranée au bord de la carte, faire apparaître le Sud uniquement lorsque c’est nécessaire, comme une périphérie. Ainsi, au long des pages qui suivent, l’ombre de Rome – la Rome impériale des Césars puis celle, chrétienne, des papes – planera à plusieurs reprises sur « nos » Nords, mais elle restera le plus souvent en marge : Rome sera le nom d’un acteur certes influent, mais lointain, intervenant activement ou plus discrètement, sans que ces interventions soient vues comme les seules et uniques causes de développements dont les dynamiques sont d’abord à chercher dans les Nords eux-mêmes.

Où commencent, où s’arrêtent les Nords ? Imposer à l’étude un cadre géographique rigide et immuable sans aucune fluctuation sur plus de dix mille siècles n’aurait guère de sens. Si leur limite méridionale s’établit autour du 50e parallèle, traversant de part en part la grande plaine nord-européenne qui va des confins de l’Ukraine et de la Biélorussie jusqu’à la Picardie et, plus à l’ouest, à la Grande-Bretagne, il importe toutefois, selon les moments de l’histoire, d’élargir la focale.

En dépit de ces nécessaires fluctuations, le cœur du propos reste centré sur les régions qui bordent deux grandes mers, deux autres Méditerranées autour desquelles les échanges et les circulations n’ont cessé de façonner l’histoire depuis la formation de cet ensemble maritime au VIIe millénaire avant notre ère : la mer du Nord (avec la Manche) et la Baltique.

La mer du Nord et la mer Baltique

La première est une aire ouverte, propice au commerce, aux communications et à toutes les circulations, et ce, jusqu’à aujourd’hui. Rotterdam, qui n’est plus que le huitième port du monde en tonnage, reste le premier port européen : avec les trois suivants que sont Anvers, Hambourg et Amsterdam, il ouvre sur la mer du Nord. Celle-ci communique en effet avec l’Atlantique Nord par trois voies et passages larges et aisément praticables. On trouve d’abord la mer de Norvège : ouvrant sur un Nord plus extrême, elle donne accès aux régions polaires. Puis, le couloir formé par un chapelet d’archipels – Orcades, Shetland, Féroé – mène vers l’Islande et, au-delà, vers le Groenland et l’Amérique : on dira comment les vikings, à partir du IXe siècle, ont été les premiers à l’emprunter régulièrement. Enfin, au sud-ouest, le pas de Calais est un détroit relativement large (33 km au plus étroit). Cela explique sans doute pourquoi, à l’exception de Rome, nulle puissance n’a jamais contrôlé durablement ses deux rives ni été en mesure de limiter les circulations : la Manche, par conséquent, est à maints égards un prolongement de la mer du Nord, et leurs histoires sont étroitement liées.

La Baltique est au contraire une mer fermée. De nos jours, alors même que les classements incluent plusieurs ports de mers fermées comme la Méditerranée et la mer Noire, aucun des cinquante premiers ports mondiaux n’est situé sur ses rives. Des seuils de hauts-fonds divisent cette mer peu profonde en bassins, comme la baie de Lübeck, le golfe de Riga, le golfe de Finlande ou le golfe de Botnie. Sa seule ouverture est à l’ouest, où elle communique avec l’ensemble Kattegat/Skagerrak et avec la mer du Nord. À cette charnière entre deux mers, plus de 400 îles danoises dessinent un labyrinthe de passages maritimes – les principaux étant le Sund (ou Øresund), le Grand Belt et le Petit Belt –, tous assez étroits pour qu’on ait pu récemment y construire des ponts. L’accès est donc bien plus facile à contrôler qu’aux autres extrémités de la mer du Nord. Même si la Suède a pris possession au XVIIe siècle de la rive orientale du Sund, on est ici au cœur de ce qui a constitué, dès l’âge viking, la puissance des rois de Danemark.

Une cartographie de plus de dix mille siècles d’histoire

Quitte à faire le choix de l’immensité, autant relever également le défi de la très longue durée.

Les dernières recherches le permettent, en dessinant la possibilité d’une cartographie des temps les plus anciens, dans ces Nords dont l’histoire s’ouvre, comme celle de toute l’humanité, en Afrique. Les lignées humaines fossiles atteignent ces régions au climat hostile il y a 800 000 ans, et Homo sapiens ne s’y installe définitivement qu’au gré de la fonte progressive des glaciers, à partir de – 21 000/– 20 000.

Son histoire s’inscrit alors dans un paysage très différent de celui d’aujourd’hui.

Les mers que l’on connaît n’existent qu’en partie, tandis que d’immenses terres, depuis englouties, sont habitées : le « Doggerland ». À partir de 6500 avant notre ère environ, les Nords sont, globalement, ceux du monde contemporain. La naissance du monde agricole (le Néolithique) y est plurielle. Au cours des périodes suivantes (Âge du bronze, Âge du fer), les hommes y sont très mobiles.

C’est à partir de la fin de l’Âge du fer que l’on commence à identifier de manière plus précise les langues et les cultures des populations, qu’elles soient celtiques, germaniques, baltes, slaves ou finno-ougriennes. Ces groupes humains circulent, s’établissent, se rencontrent, échangent, sans que jamais les frontières entre eux soient durablement fixées. Viennent ensuite les Romains puis, dès le début du Moyen Âge, les Francs, qui se veulent leurs successeurs : les uns et les autres se font notamment les propagateurs du christianisme, dont l’empreinte marque durablement les mondes du Nord.

Dès lors, ceux-ci en viennent, surtout à partir du XIIe siècle, à ressembler à maints égards aux autres régions d’Europe : mêmes systèmes de gouvernement, même paysage religieux, même culture latine, mêmes façons d’écrire l’histoire des peuples et de leurs dirigeants. C’est là que se terminera notre histoire, car nous regardons d’abord les premiers temps qui ont fait l’originalité de ces espaces.

C’est donc l’histoire de Nords préhistoriques, anciens et médiévaux, toujours profondément singuliers bien que jamais séparés du reste du continent, que nous retraçons dans ce livre.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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04.11.2025 à 17:22

Une nouvelle étude en Ouganda montre que des chimpanzés appliquent des insectes sur leurs blessures

Kayla Kolff, Postdoctoral researcher, Osnabrück University

Loin d’être passifs face à la douleur, les chimpanzés explorent leur environnement pour soigner leurs blessures. Dans le parc national de Kibale (Ouganda), certains ont été vus immobilisant des insectes pour les presser sur une plaie ouverte…
Texte intégral (1424 mots)

Observé par hasard, l’usage d’insectes par les chimpanzés pour soigner leurs blessures révèle leur capacité à faire face de manière inventive à la douleur, et à s’entraider.


Les animaux réagissent aux blessures de multiples façons. Jusqu’ici, les preuves d’un usage de substances biologiquement actives pour soigner leurs plaies restaient très rares. Pourtant, une étude récente a rapporté le cas d’un orang-outan appliquant une plante médicinale sur une blessure, ouvrant une piste prometteuse.

Chez les chimpanzés, on sait qu’ils lèchent leurs plaies et qu’ils y pressent parfois des feuilles, mais ces comportements demeurent encore mal compris. On ignore à quelle fréquence ils surviennent, s’ils relèvent d’un geste intentionnel, et jusqu’où les chimpanzés peuvent faire preuve d’inventivité pour se soigner.

De récentes observations de terrain menées en Ouganda, en Afrique de l’Est, apportent aujourd’hui des éclairages fascinants sur la manière dont les chimpanzés font face à leurs blessures.

En tant que primatologue, je m’intéresse de près à la vie cognitive et sociale de ces animaux, et à ce que leurs comportements liés à la maladie peuvent révéler sur les origines évolutives du soin et de l’empathie chez l’être humain. Les chimpanzés comptent parmi nos plus proches parents vivants, et mieux les comprendre, c’est aussi en apprendre davantage sur nous-mêmes.

Dans nos recherches menées dans le parc national de Kibale, en Ouganda, nous avons observé à cinq reprises des chimpanzés appliquant des insectes sur leurs propres plaies ouvertes, et une fois sur la blessure d’un congénère.

De tels comportements montrent que les chimpanzés ne restent pas passifs face à une blessure. Ils explorent leur environnement, parfois seuls, parfois en interaction avec d’autres. S’il est encore prématuré de parler de « médecine », ces observations révèlent leur capacité à réagir de manière inventive – et parfois coopérative – aux blessures.

Chaque nouvelle découverte enrichit notre compréhension des chimpanzés et nous offre un aperçu des racines évolutives partagées avec nos propres réponses face à la douleur et à l’instinct de soin.

Attraper d’abord l’insecte

Nous avons observé ces applications d’insectes par hasard, alors que nous suivions et filmions le comportement des chimpanzés en forêt, en portant une attention particulière à ceux qui présentaient des plaies ouvertes. Dans tous les cas recensés, la séquence d’actions semblait délibérée. Le chimpanzé attrapait un insecte volant non identifié, l’immobilisait entre ses lèvres ou ses doigts, puis le pressait directement sur sa blessure. Le même insecte pouvait être réappliqué plusieurs fois, parfois après avoir été brièvement tenu dans la bouche, avant d’être finalement rejeté. D’autres chimpanzés observaient parfois la scène avec attention, comme mus par la curiosité.

Le plus souvent, ce comportement était dirigé vers la propre plaie du chimpanzé. Toutefois, dans un cas rare, une jeune femelle a appliqué un insecte sur la blessure de son frère. Une étude menée sur la même communauté avait déjà montré que les chimpanzés pouvaient tamponner les plaies d’individus non apparentés à l’aide de feuilles, ce qui soulève la question de savoir si l’application d’insectes pourrait, elle aussi, s’étendre au-delà du cercle familial. Qu’ils visent un proche ou un individu extérieur, ces gestes de soin révèlent les bases précoces de l’empathie et de la coopération.

La séquence observée ressemble fortement aux applications d’insectes déjà documentées chez les chimpanzés du Gabon. Cette similitude laisse penser que ce comportement pourrait être bien plus répandu chez les chimpanzés qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici.

La découverte réalisée dans le parc national de Kibale élargit notre compréhension des réactions des chimpanzés face aux blessures. Plutôt que de les laisser sans soin, ils adoptent parfois des comportements qui semblent délibérés et ciblés.

Premiers secours version chimpanzé ?

La question évidente est de savoir à quoi sert ce comportement. Nous savons déjà que les chimpanzés utilisent volontairement certaines plantes d’une manière bénéfique pour leur santé : en avalant par exemple des feuilles rugueuses qui aident à expulser les parasites intestinaux, ou en mâchant des tiges amères susceptibles d’avoir des effets antiparasitaires.

Les insectes, en revanche, posent une autre question. Rien ne prouve encore que leur application sur des plaies accélère la cicatrisation ou réduise le risque d’infection. De nombreux insectes produisent des substances antimicrobiennes ou anti-inflammatoires, ce qui rend l’hypothèse plausible, mais des tests scientifiques restent nécessaires.

Pour l’instant, on peut affirmer que ce comportement semble ciblé, structuré et volontaire. Le cas unique d’un insecte appliqué sur un autre individu est particulièrement intrigant. Les chimpanzés sont des animaux très sociaux, mais l’entraide active demeure relativement rare. À côté de comportements bien connus comme le toilettage, le partage de nourriture ou le soutien lors des conflits, l’application d’un insecte sur la blessure d’un frère suggère une autre forme de soin, qui dépasserait le simple maintien des liens sociaux pour peut-être améliorer concrètement l’état physique d’autrui.

Des questions en suspens

Ce comportement soulève de vastes interrogations. Si l’application d’insectes s’avère réellement médicinale, cela pourrait expliquer pourquoi les chimpanzés l’adoptent. Mais cela amène aussitôt une autre question : comment ce geste apparaît-il au départ ? Les chimpanzés l’apprennent-ils en observant leurs congénères, ou bien surgit-il de manière plus spontanée ?

Vient ensuite la question de la sélectivité : choisissent-ils certains insectes volants en particulier, et, si oui, les autres membres du groupe apprennent-ils à sélectionner les mêmes ?

Dans la médecine traditionnelle humaine, des insectes volants comme les abeilles ou les mouches vertes sont appréciés pour leurs effets antimicrobiens ou anti-inflammatoires. Reste à déterminer si les insectes utilisés par les chimpanzés procurent des bénéfices similaires.

Enfin, si les chimpanzés appliquent réellement des insectes dotés de propriétés médicinales, et qu’ils les placent parfois sur les blessures d’autrui, cela pourrait constituer une forme d’entraide active, voire de « comportement prosocial » – un terme qui désigne les actions profitant à autrui plutôt qu’à celui qui les accomplit.

Voir les chimpanzés du parc national de Kibale immobiliser un insecte volant pour le presser délicatement sur une plaie ouverte rappelle combien leurs capacités restent encore largement à découvrir. Cela s’ajoute aussi aux preuves croissantes que les racines des comportements de soin et de guérison plongent bien plus loin dans le temps de l’évolution. Si l’application d’insectes s’avère réellement médicinale, cela renforce l’importance de protéger les chimpanzés et leurs habitats, habitats qui préservent en retour les insectes qui peuvent contribuer à leur bien-être.

The Conversation

Kayla Kolff a reçu un financement de la Fondation allemande pour la recherche (DFG), projet n° 274877981 (GRK-2185/1 : Groupe de recherche en formation DFG « Situated Cognition »).

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04.11.2025 à 17:21

Ce que les statues coloniales dans l’espace public racontent de la France

Bertrand Tillier, Professeur d'histoire des patrimoines, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Retour sur l’histoire des statues coloniales, à l’occasion de l’installation à Nancy d’un « contre-monument » face à la statue du sergent Blandan, figure de la colonisation française en Algérie.
Texte intégral (1949 mots)

Que faire des statues coloniales dans l’espace public ? Y ajouter une plaque, discrète et rarement lue ? Les déboulonner, au risque de ne laisser qu’un vide qui n’aide guère à penser l’histoire ? À Nancy (Meurthe-et-Moselle), une œuvre collective, imaginée par Dorothée-Myriam Kellou pour le musée des Beaux-Arts, sera inaugurée le 6 novembre 2025.

Située face à la statue du sergent Blandan, figure de la conquête française de l’Algérie, cette Table de désorientation, invite le passant à interroger l’impensé colonial. Les contre-monuments de ce type offrent-ils une réponse pertinente ? Pour répondre à cette question, il est indispensable de saisir ce qu’ont représenté les statues coloniales.


Durant un siècle – posons des dates butoirs, puisqu’il le faut bien, même si elles pourraient être assouplies –, c’est-à-dire de la conquête de l’Algérie inaugurée en 1830 à la fastueuse célébration de son centenaire, la France fit ériger en métropole et sur le sol des territoires conquis (principalement sur le continent africain) un petit millier de statues monumentales figuratives. Ainsi distribuée dans l’espace physique et social, la statuaire publique peut être considérée comme un panthéon déconcentré et diffracté, déployé à l’échelle d’une nation et de son empire colonial.

Dans les Damnés de la terre, Frantz Fanon en a esquissé une typologie comprenant le militaire « qui a fait la conquête » (Blandan, Bugeaud, Faidherbe ou Lyautey) et « l’ingénieur qui a construit le pont » (Lesseps) : conquérir et bâtir étant des modalités complémentaires d’appropriation d’un territoire. À ces deux figures tutélaires, on peut en ajouter d’autres qui en sont comme des inflexions ou des extensions : l’aventurier érigé en explorateur et « découvreur » (Francis Garnier ou le sergent Bobillot en Indochine) ; l’administrateur civil, politique ou militaire (Joseph Galliéni en Afrique et en Asie, Joseph Gabard au Sénégal ou Jérôme Bertagna en Algérie et en Tunisie) ; le bienfaiteur, propriétaire foncier ou industriel (Borély de la Sapie en Algérie) ; l’homme d’Église occupé à convertir les populations autochtones (le cardinal Lavigerie en Algérie) ; le scientifique qui domine par le savoir (Paul Bert et Louis Pasteur en Indochine) et le créateur, artiste ou auteur (le peintre Gustave Guillaumet ou l’écrivain Pierre Loti), soucieux de valoriser les paysages, la culture, le pittoresque par son œuvre et par le rayonnement de celle-ci.

En louant ces figures, la statuaire publique procéda donc d’une double affirmation : celle des vertus de la colonisation et celle des mérites individuels de ses artisans les plus illustres.

Ces figures statufiées avaient vocation à symboliser et à signifier la colonisation à destination de la société française, qui devait s’enorgueillir de l’œuvre accomplie, et à celle des populations colonisées, qu’il fallait acculturer aux valeurs occidentales. On touche là à l’imaginaire du pouvoir performatif qu’on prêtait à la statuaire publique, dans un siècle à la fois statuomaniaque et statuophobe.

Une statue, deux lectures

Quand elle s’adressait aux Occidentaux, la statue monumentale proposait un héros, un destin exemplaire, un modèle de grandeur, un sujet d’admiration auquel on donnait un visage, un corps, une attitude et un récit ayant une valeur didactique citoyenne, puisque dans les territoires colonisés, les colons jouissaient pleinement de leurs droits civiques, à la différence des « indigènes » qui n’en avaient aucun.

En revanche, quand elle était destinée aux populations colonisées, la statue agissait moins dans cette économie exemplaire de la grandeur à imiter que dans la perspective d’une gestion de la force et même d’une affirmation de la terreur.

Une même statue était donc l’objet simultané d’un double régime de réception, qui se caractérisait par l’appartenance de ceux qui la regardaient, soit à la catégorie des colonisateurs (les vainqueurs et les dominateurs), soit à celle des colonisés (les vaincus et les asservis).

En somme, on pourrait dire que la statuaire publique établissait une partition fondée, d’un côté, sur la réception de ceux qui se reconnaissaient culturellement et idéologiquement dans le message, l’exemplarité ou les valeurs qu’elle transmettait et, de l’autre, sur la réception de ceux qui en étaient les spectateurs assujettis. Ces derniers continuaient à être contraints à un système de domination, où la statue prolongeait et rejouait les violences de la conquête et de la répression, en les inscrivant durablement dans le visible par le biais de la monumentalité.

Dans un cas comme dans l’autre, s’établit « la mission psychologique du monument » définie par l’historien Reinhart Koselleck : séduire, surprendre, élever ou impressionner – peut-être même terrifier – l’esprit de celles et ceux qui le regardaient.

Les rouages d’un système

Cette histoire de la statuaire publique comme instrument de l’empire colonial français ne saurait être déconnectée ni de l’histoire militaire des conquêtes et de leurs violences ni de l’histoire économique de l’exploitation forcée des populations colonisées et des spoliations des biens culturels ou des ressources naturelles.

En effet, l’entreprise coloniale reposa sur un ensemble de décisions, de pratiques, d’actes et de propos qui firent système, pour accaparer les territoires conquis par la brutalité afin d’en soustraire les richesses et d’en soumettre les populations dont les droits furent bafoués.

Les statues monumentales érigées dans l’espace public colonisé par les puissances coloniales participèrent donc de cette ambition totale, à laquelle faisait également écho l’odonymie) des rues et des communes.

En outre, cette histoire de la sculpture coloniale monumentale publique s’inscrit dans l’ensemble des politiques qu’on pourrait qualifier de politiques culturelles coloniales, qui recouvrent l’histoire de l’administration, de l’urbanisme, des institutions (par exemple, celle des musées d’art ou d’ethnologie, ou bien celle des expositions coloniales), de l’éducation, de la presse (qui fut un haut lieu de résonance et de promotion de la colonisation)… Sans oublier l’histoire des représentations, puisque les statues appartinrent à une écologie des images coloniales, où elles co-existèrent, circulèrent et furent données à voir avec des images de presse, des photographies, des cartes postales, des gravures de manuels scolaires ou des affiches de propagande.

Des effets miroirs entre l’espace métropolitain et l’espace colonisé

Entre 1830 et 1930, la politique de la statuaire coloniale française consista à transférer vers les territoires colonisés les modèles et les pratiques déjà en usage en métropole. On y reproduisit les mêmes types d’initiatives, les mêmes visées symboliques, et souvent les mêmes héros. Représentés selon des modalités stables, leurs statues étaient parfois reproduites à l’identique (répliques) ou conçues pour dialoguer avec d’autres (pendants), à l’image des effigies de Jules Ferry présentes à Paris, à Saint-Dié-des-Vosges, à Haïphong ou à Tunis.

Cette entreprise monumentale se fondait sur une volonté de constituer ce que le politiste et historien Benedict Anderson a théorisé comme des « communautés imaginées » scellées par des valeurs et une histoire décrétées communes, avec des effets miroirs entre l’espace métropolitain et l’espace colonisé, et leurs populations respectives.

Tous ces monuments, qui sont dans d’écrasantes proportions des objets figuratifs, relèvent du portrait (en médaillon, en buste ou en pied), de la figure en pied ou du type allégorique : les populations dites « autochtones », les races, la Patrie, la République, l’Histoire, la Liberté, l’Agriculture… et du bas-relief donnant à voir des épisodes narratifs sous la forme de tableaux-sculptures intégrés aux piédestaux, en complément de la figure principale nécessairement plus figée.

À ces répertoires iconographiques conjugués en vue d’augmenter la performativité didactique de la monumentalité, il convient d’ajouter le piédestal et son environnement solennisant d’emmarchements et de grilles. Celui-ci emprunte son langage opératoire à l’architecture et renvoie à cet imaginaire qui, fondé sur la puissance politique de bâtir, jouit d’un pouvoir de représentation sociale, de distribution spatiale et de légitimation symbolique.

En tant que combinaison d’éléments sculptés et architecturaux, la statuaire publique produit donc des représentations de la colonisation, au sens que le philosophe Louis Marin a donné à ce terme : représenter consiste à re-présenter, c’est-à-dire « exhiber, exposer devant les yeux/montrer, intensifier, redoubler une présence ». Ceci explique non seulement pourquoi, en grand nombre, les monuments érigés en Algérie furent « rapatriés » en France après l’indépendance de l’ancienne colonie (1962), mais aussi pourquoi ils furent réclamés par les autorités métropolitaines et comment ils s’inscrivirent alors sans susciter d’émoi dans de nouveaux contextes urbanistiques et mémoriels : le duc d’Orléans (d’Alger à Neuilly-sur-Seine en région parisienne), le général Juchault de Lamoricière (de Constantine à Saint-Philibert-de-Grand-Lieu en Loire-Atlantique) ou Jeanne d’Arc (d’Oran à Caen en Normandie).

L’histoire de la statue du sergent Blandan, de Boufarik (entre Alger et Blida) où elle fut inaugurée en 1887 à Nancy (Meurthe-et-Moselle) où elle fut installée en 1963, en est l’emblème. L’inauguration, le 6 novembre 2025 d’un « contre-monument » érigé dans ses parages, conçu par Dorothée-Myriam Kellou, s’inscrit dans ce contexte d’une histoire polyphonique, où la négociation et la pédagogie l’emportent sur le déboulonnement et le retrait de l’espace public.

La Table de désorientation dans laquelle il a pris forme veut faire tenir ensemble les fils inextricables d’une histoire toujours vive, qui est celle de la colonisation et de la décolonisation, de leurs mémoires contradictoires et de leurs héritages complexes, dont l’espace public est le théâtre.

The Conversation

Bertrand Tillier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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04.11.2025 à 17:21

Crimes contre l’environnement dans la guerre en Ukraine : que dit le droit ?

Nicolas Ligneul, Maitre de Conférences en Droit Public (HDR) à la Faculté de Droit, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

Sols pollués, inondations provoquées, forêts détruites, possibles contaminations radioactives… En Ukraine, l’environnement est depuis des années une victime collatérale de la guerre.
Texte intégral (1632 mots)

Les atteintes à l’environnement sont multiples dans le cadre de la guerre en Ukraine. Peuvent-elles susciter des poursuites – et des indemnisations – en tant que telles ? Le droit international comporte de nombreuses dispositions qui permettent de répondre à cette question.


Dès l’été 2022, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont mis en évidence les dommages considérables subis par l’Ukraine du fait de l’invasion à grande échelle de son territoire par la Russie qui avait été lancée quelques mois plus tôt.

Les dommages infligés à l’environnement étaient alors déjà très nombreux et ont encore nettement augmenté depuis. Ces rapports pointaient notamment les nombreuses contaminations aux produits chimiques en raison du pilonnage par l’armée russe des installations industrielles ; les dommages causés aux infrastructures de fourniture d’eau ; la destruction des forêts en raison des opérations ; la production de déchets militaires lourds ; ou encore la pollution de l’air, de l’eau et du sol.

Comme tous les conflits de haute intensité, la guerre en Ukraine a donc produit d’importants dommages environnementaux.

Dommages intentionnels causés à l’environnement

Lors de sa 62e session plénière en mars 2025, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat (Giec) a rappelé le principe selon lequel l’émetteur du carbone doit être tenu pour responsable des dommages qu’il cause.

Appliqué à la guerre en Ukraine, ce principe, qui est reconnu par de nombreux États et par le Giec, devrait conduire à une indemnisation par la Russie des dommages environnementaux observés en Ukraine du fait de la guerre.

Les dommages collatéraux provoqués à l’environnement en Ukraine à la suite de l’invasion russe sont donc des dommages de guerre et devraient être indemnisés à ce titre (pour une analyse générale des rapports entre le droit de la guerre et le développement durable, cf. Nicolas Ligneul, « Guerre et développement durable, la perspective du juriste », in le Développement durable, J.-L. Bischoff et C. Vivier Le Got (dir.), Connaissances et Savoirs, Paris, 2025).

Depuis 2022, ces dommages environnementaux ont changé de nature. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de dégâts collatéraux accidentels. De nombreux dommages environnementaux constatés en Ukraine ont été délibérément infligés par la Russie. Mais bien qu’intentionnels, certains de ces dommages ne sont pas susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre, alors que d’autres peuvent donner lieu à des poursuites au nom du droit des conflits armés.

En conduisant des opérations militaires sur le territoire de zones protégées pour la défense de l’environnement, l’armée russe a intentionnellement causé des dommages environnementaux. À droit constant, si ces dommages sont justifiés par une opération militaire, ils ne sont pas constitutifs de crimes de guerre du point de vue du statut de Rome ou des conventions de Genève.

Par exemple, transformer la centrale nucléaire de Zaporijia en camp militaire comme l’a fait la Russie, et plus généralement miner ou bombarder des centrales nucléaires ne constituent pas des crimes de guerre, même si ces attitudes sont gravement irresponsables et dangereuses.

Les dommages environnementaux engendrés par ces comportements ne seront probablement jamais indemnisés.

Les instruments internationaux d’indemnisation des dommages environnementaux à l’occasion des conflits armés sont très insuffisants. Ainsi, la convention du 10 décembre 1976 relative à l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles prévoit la possibilité de déposer une plainte devant le Conseil de Sécurité de l’ONU si un État a commis une atteinte à l’environnement à des fins militaires. Bien qu’elle ait été ratifiée par l’Union soviétique (et est donc censée être appliquée par la Russie, qui a repris les engagements juridiques de l’URSS) puis par l’Ukraine une fois celle-ci devenue indépendante, sa portée est si limitée qu’elle ne risque pas d’avoir une influence quelconque sur les atteintes environnementales constatées en Ukraine.

C’est donc le droit commun des dommages de guerre ou le droit ukrainien, lequel reconnaît la qualification d’écocide, qu’il faut mobiliser pour une telle indemnisation. Or, le droit ukrainien ne risque pas d’être imposé aux autorités russes.

Quant au régime des dommages de guerre, face à l’ampleur des dégâts, il ne permettra probablement pas de financer une reconstruction verte pourtant promue par les organisations internationales. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics ukrainiens et de nombreuses organisations non gouvernementales ont tenté de faire reconnaître un « écocide » en droit international et de créer un régime juridique spécifique d’indemnisation. À ce jour, ce projet n’a pas abouti.

Pour qu’il y ait une justice environnementale lors du règlement de la guerre en Ukraine, il faudra donc avoir recours aux qualifications de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. C’est donc vers les dommages environnementaux causés intentionnellement par la Russie susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité qu’il faut se tourner.

La Cour pénale internationale peut-elle agir ?

Certaines atteintes à l’environnement pourraient correspondre à la définition des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Le plus souvent, les accords environnementaux ne contiennent pas de réserves relatives à la guerre. Or, l’environnement naturel bénéficie d’une protection générale, comme tous les biens civils. Il bénéficie aussi d’une protection spéciale (Cf. articles 54 à 56 du Protocole additionnel n°1 aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux). Le droit international protège ainsi les ouvrages et installations contenant des « forces dangereuses », à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d’énergie électrique – des installations dont la destruction causerait un préjudice important à la population civile.

Lorsque des installations ou ouvrages contenant des forces dangereuses sont présentes sur les théâtres d’opérations ou à proximité, elles bénéficient d’une protection prévue par le droit international conventionnel et coutumier. Elles ne peuvent pas être détruites. Cela causerait trop de risques pour la population et pour l’environnement. La protection de ces installations est toutefois limitée à l’hypothèse où ces ouvrages ne sont pas utilisés à des fins militaires. Dans le cas contraire, leur attaque devient conforme au droit de la guerre, à condition d’être strictement nécessaire et proportionnée.

Ainsi, lorsque l’armée russe a détruit le barrage de Kakhovka, ou bombardé la centrale nucléaire de Tchernobyl, elle a porté atteinte à la protection spéciale reconnue par le droit international.

La violation de la protection spéciale est susceptible d’être qualifiée de crime de guerre. De même, si les autorités d’un pays belligérant décident de bombarder les infrastructures énergétiques de son ennemi dans un plan d’ensemble pour faire mourir de froid une population entière, l’attaque peut être constitutive d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité.

C’est la raison pour laquelle une procédure a été introduite à l’encontre de plusieurs responsables russes sur ce fondement à la Cour pénale internationale (CPI). La CPI permettra peut-être de condamner les auteurs de ces crimes, mais la pratique de l’indemnisation des victimes des crimes de guerre et l’absence évidente de prise de conscience de ces phénomènes par les États occidentaux font craindre que l’indemnisation du dommage environnemental soit très insuffisante.

The Conversation

Nicolas Ligneul ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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