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30.12.2025 à 12:31

La reconnaissance du Somaliland par Israël : un cadeau empoisonné ?

Robert Kluijver, Docteur associé au Centre de Recherches Internationales CERI, Sciences Po/CNRS, spécialiste de la Corne d'Afrique., Sciences Po

Israël est devenu le premier pays à reconnaître l’indépendance du Somaliland. Pour celui-ci, il pourrait s’agir d’une victoire diplomatique à la Pyrrhus…
Texte intégral (1720 mots)

Israël vient de devenir le premier pays à reconnaître l’indépendance du Somaliland, plus de trente ans après que celui-ci se soit de facto totalement détaché de la Somalie. À travers cette décision, Tel-Aviv cherche à obtenir une place forte sur la très stratégique mer Rouge, à faire pencher en sa faveur les équilibres géopolitiques régionaux et, possiblement, à expulser vers ce territoire de la Corne de l’Afrique de nombreux Palestiniens. Le Somaliland se réjouit de cette première reconnaissance internationale, mais est-il vraiment positif pour lui de se retrouver ainsi l’obligé d’Israël ?


Le 26 décembre dernier, Israël a surpris le monde entier en reconnaissant officiellement l’indépendance du Somaliland. Quelles sont les motivations de cette annonce inattendue, et quelles conséquences peut-elle avoir ?

Une anomalie diplomatique

L’État du Somaliland, formé en 1991, est indépendant à tous points de vue, mais Israël est le premier État souverain à le reconnaître. Pour tous les autres pays et les organisations internationales, le Somaliland (4,5 millions d’habitants) reste sous le contrôle de l’État somalien, duquel il a fait sécession après avoir subi une guerre aux allures de génocide à la fin des années 1980.

Aujourd’hui, l’État fédéral somalien est en proie aux attentats commis par les organisations Al-Chabaab et État islamique, connaît un niveau de violence élevé et un degré de corruption à battre tous les records.

En comparaison, le Somaliland est un havre de paix démocratique et stable, qui jouit de sa propre Constitution, d’un système politique et électoral qui fonctionne plutôt bien, de sa propre monnaie et de sa propre armée.

Billets de 500, 1 000 et 5 000 shillings du Somaliland. La monnaie a été introduite en 1994, trois ans après la proclamation d’indépéndance. Somalilandstandard.com

Le président Abdirahman Irro avait certainement besoin de cette bonne nouvelle. Après sa victoire le 13 novembre 2024, son gouvernement s’est enlisé dans des conflits claniques et a fait peu de progrès sur les fronts critiques de l’emploi des jeunes, de la croissance économique et de la lutte contre l’inflation. Après l’annonce israélienne, des foules en liesse sont descendues dans les rues de Hargeisa, la capitale du Somaliland.

Qu’apporterait une large reconnaissance internationale aux Somalilandais, à part la fierté ? L’acceptation de leurs passeports et l’intégration dans les systèmes bancaires internationaux, ce qui facilitera le commerce, ainsi que la liberté pour le gouvernement d’emprunter de l’argent aux organisations financières internationales afin de financer le développement.

Mais on n’en est pas là. Le président Trump n’a pas donné suite à l’initiative israélienne. « Qui sait ce que c’est, le Somaliland ? » a-t-il demandé.

Cependant, on sait que les États-Unis ont récemment visité les côtes du Somaliland pour étudier la possibilité de l’implantation d’une base militaire.

Une ligne de fracture géopolitique

Les vives réactions de l’Union africaine, de l’Égypte, de la Turquie et de maints autres membres de l’Organisation de la coopération islamique, qui ont tous affirmé leur attachement à l’intangibilité des frontières de la Somalie, dessinent une ligne de fracture géopolitique qui risque de s’aggraver dans un proche avenir. De l’autre côté, les pays qui estiment que l’indépendance du Somaliland serait dans leur intérêt – les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et le Kenya – gardent le silence. Le ralliement à ce camp d’Israël – et potentiellement, un jour, des États-Unis – lui donne cependant beaucoup plus de poids.

Officiellement, Israël n’a donné aucune explication spécifique justifiant cette reconnaissance. Mais la plupart des analystes s’accordent à dire que la sécurité des lignes maritimes menant, par la mer Rouge, au port israélien d’Eilat et au canal de Suez en est la raison principale. Les côtes du Somaliland, en face du Yémen et proches du détroit de Bab el-Mandab, offriraient à l’État hébreu une plate-forme pour prendre en tenaille le Yémen des Houthis et déjouer l’influence régionale turque.

Un deuxième intérêt moins cité est le désir israélien de trouver un pays qui accueillerait les Palestiniens que le gouvernement Nétanyahou cherche à expulser. Plus tôt cette année, les efforts israéliens et américains visant à négocier un accueil des Palestiniens dans divers pays, y compris au Somaliland, ont fait couler beaucoup d’encre. Bien qu’un tel scénario paraisse à ce stade hautement invraisemblable, l’État somalilandais pourrait y trouver son avantage, si cela impliquait une reconnaissance internationale plus vaste et d’importants transferts de fonds.

Rappelons à cet égard que l’exode de centaines de milliers de Palestiniens vers le Koweït et d’autres pays du Golfe après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967 contribua fortement au développement économique de ces pays. Mais les conditions étaient différentes. La main-d’œuvre palestinienne, éduquée et professionnelle, tombait à pic pour ces pays riches en pétrole mais manquant de ressources humaines, et par ailleurs arabophones. Au Somaliland, où 70 % des jeunes ne trouvent pas d’emploi, les Palestiniens auraient beaucoup plus de mal à s’intégrer.

Un troisième intérêt pourrait être de bouleverser un ordre régional globalement hostile à Israël. La reconnaissance du Somaliland, surtout si les Émirats, l’Éthiopie et les États-Unis venaient à emboîter le pas à Israël, sème le trouble parmi les rivaux de Tel-Aviv : l’Iran et le Yémen des Houthis, la Turquie et le Qatar (sponsors principaux de l’État fédéral somalien), ainsi que l’Égypte, alliée du Soudan, de l’Érythrée et de Djibouti pour isoler le rival éthiopien.

Un cadeau empoisonné ?

Cette reconnaissance surprise semble un pari risqué mais pourrait rebattre les cartes en faveur d’Israël. Un facteur clé est la légitimité domestique et la stabilité du gouvernement somalilandais, qui en fait un meilleur allié que le gouvernement de la Somalie fédérale.

À court terme, l’annonce semble jouer en faveur du président Irro et du légitime désir de reconnaissance du peuple somalilandais. Mais rentrer ainsi dans le camp israélien pourrait s’avérer, à moyen terme, un cadeau empoisonné. Les islamistes d’Al-Chabaab ont laissé le Somaliland tranquille depuis 2008 mais, de même que l’immense majorité des quelque 12 millions de citoyens de l’État fédéral, ils voient d’un très mauvais œil ce qui relève à leurs yeux d’une trahison à la fois de la cause palestinienne et de l’unité du peuple somalien. À suivre…

The Conversation

Robert Kluijver ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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29.12.2025 à 17:06

L’histoire édifiante du premier loup d’Éthiopie jamais capturé, soigné puis réintroduit dans la nature

Sandra Lai, Postdoctoral Researcher, Ethiopian Wolf Conservation Programme, University of Oxford

Peut-on sauver un animal sauvage sans nuire à l’équilibre naturel ? Dans les monts Simien, en Ethiopie, le destin d’un loup blessé par des hommes et sauvé par d'autres apporte une réponse riche en enseignements.
Texte intégral (1385 mots)

Blessé par balle dans les montagnes d’Éthiopie, un loup d’Éthiopie a survécu contre toute attente. Son sauvetage, inédit, a changé bien plus que son destin individuel.


Quelle est la valeur d’un seul animal ? Lorsqu’un animal sauvage est retrouvé grièvement blessé, l’option la plus humaine consiste souvent à pratiquer l’euthanasie pour lui éviter des souffrances prolongées. C’est le plus souvent ce qui se passe, parfois à bon escient. Car quand on réunit les moyens nécessaires pour le sauver, un animal ainsi réhabilité puis réintroduit dans la nature peut être rejeté par son groupe, peiner à trouver de la nourriture ou à échapper aux prédateurs. Et même s’il survit, il peut ne pas se reproduire et ne laisser aucune empreinte durable sur la population.

Mais il arrive parfois qu’un cas isolé montre qu’une intervention peut faire bien davantage que sauver la vie d'un individu. Elle peut aussi transformer notre idée de ce qui est possible.

C’est l’histoire d’une seconde chance qui s’est jouée dans les Monts Simien, en Éthiopie. Là-bas, à 3 000 mètres d’altitude, l’oxygène se fait plus rare. Les nuits sont froides, et la vie n’offre que peu de répit. C’est aussi le territoire du loup d’Éthiopie (Canis simensis), le principal prédateur de cet habitat et le carnivore le plus menacé d’Afrique. Il ne reste plus guère que 500 loups adultes dans les hauts plateaux éthiopiens, dont environ 60 à 70 dans les Monts Simien.

Début mai 2020, l'un d'entre eux a subi une blessure grave — une fracture du fémur causée par un tir d’arme à feu. Parce qu'il n'était plus capable de suivre sa meute dans les hautes terres implacables, son sort semblait scellé. Habituellement, l’histoire s’arrête là. Mais cette fois-ci, il en a été autrement.

Je suis chercheuse en postdoctorat au sein de l’Ethiopian Wolf Conservation Programme, un programme qui se consacre depuis trente ans à la protection du loup d’Éthiopie et de son habitat montagnard. J’ai eu l’honneur de faire partie de l’équipe qui a documenté, pour la toute première fois, le sauvetage d’un loup d’Éthiopie, son traitement clinique en captivité, puis sa remise en liberté réussie après réhabilitation.

Terefe, le survivant chanceux

Des gardes du parc ont découvert le loup étendu sous un pont et ont alerté Getachew Assefa, chef de l’équipe de suivi des loups du Ethiopian Wolf Conservation Programme dans le parc national des monts Simien.

Il est rare qu’un loup d’Éthiopie soit abattu à l’intérieur du parc. Les autorités éthiopiennes chargées de la faune sauvage et l’Ethiopian Wolf Conservation Programme ont donc décidé de capturer l’animal, effrayé, et de tenter de le sauver.

Il s’agissait d’une démarche sans précédent, aucun loup d’Éthiopie n’ayant jamais été maintenu en captivité auparavant. La décision de le sauver reposait à la fois sur l’origine humaine de sa blessure et sur le faible nombre de loups encore présents dans le massif du Simien.

Un petit refuge de montagne a rapidement été transformé en enclos de fortune pour l'accueillir. C’est là que, pendant les 51 jours suivants, sa réhabilitation s'est déroulée.

Durant ces quelques semaines, il a reçu des soins vétérinaires intensifs, sous la supervision d’experts. Il a été pris en charge par Chilot Wagaye, garde issu de la communauté locale. Les progrès ont d’abord été incertains, puis les os fracturés ont commencé à se ressouder et, au bout d’un mois, le loup a pu se tenir debout seul.

On le baptisa alors Terefe, un nom qui signifie « survivant chanceux » en amharique, la langue locale.

Retour à l’état sauvage : une histoire d’espoir

Une fois sa patte rétablie, l’impatience de Terefe à quitter le refuge est vite devenue manifeste. La nuit, il hurlait, sans doute pour tenter d’appeler les membres de sa meute.

Fin juin 2020, il a été relâché près de son groupe, équipé d’un collier GPS léger — le tout premier jamais posé sur un loup d’Éthiopie. Ce dispositif a permis aux chercheurs de suivre ses déplacements et d’explorer une question cruciale : un loup réhabilité peut-il se réintégrer dans la nature ?

L’Ethiopian Wolf Conservation Programme a suivi les déplacements de Tefere après la guérison de sa blessure afin de s’assurer qu’il allait bien.

Peu après sa remise en liberté, les observations ont confirmé que Terefe avait été réintégré au sein de sa meute. Il est resté plusieurs semaines dans son territoire d’origine. Mais il a ensuite commencé à se déplacer plus largement dans les montagnes, rendant parfois visite à des meutes voisines, avant de finir par s’établir près du village de Shehano.

D'abord, les habitants ont été surpris de voir un loup s’approcher ainsi de leurs maisons et ils ont tenté de le chasser. Mais les agents de suivi, dirigés par Getachew et Chilot, leur ont raconté l’histoire de Terefe.

De cette meilleure compréhension a découlé une évolution des attitudes. Les villageois se sont alors montrés plus enclins à protéger Terefe… et les nouveaux membres de sa meute. Car le loup avait trouvé une partenaire et le couple avait donné naissance à une portée de louveteaux.

Un sauvetage historique qui a protégé bien plus qu’une vie

Aujourd’hui, la « meute de Terefe » existe toujours. Terefe a non seulement survécu, mais il a aussi laissé une descendance. Il a également modifié quelque chose de fondamental, mais difficile à mesurer : les perceptions locales. Les loups sont parfois considérés comme une menace. Avec Terefe, ils sont devenus un symbole de résilience et une source de fierté.

L’histoire de Terefe ne signifie pas que chaque animal sauvage blessé peut ou doit être sauvé. Mais lorsque l’intervention est menée avec rigueur, une seule vie peut avoir une portée bien plus grande qu’on ne l’imagine — non seulement pour une espèce menacée, mais aussi pour les populations qui vivent à ses côtés. Aujourd’hui, Getachew me répète souvent que personne n'oserait plus faire de mal à Terefe.

Sa notoriété protégera-t-elle les membres de sa meute lorsqu’il ne sera plus là ? Protègera-t-elle d’autres individus de son espèce ? Terefe a été sauvé d’une blessure infligée par la main de l’homme, alors que de nombreux autres loups disparaissent lentement et silencieusement, victimes de la rage et de la maladie de Carré transmises par les chiens domestiques — une conséquence indirecte de la présence humaine dans les montagnes.

L’histoire de Terefe rappelle toutefois que les efforts de conservation ne sont jamais aussi efficaces que lorsqu'ils sont menés de concert avec les communautés locales. Elle laisse entrevoir l'étendue de ce que l'on peut accomplir lorsque des personnes attachées à un même territoire unissent leurs forces.

The Conversation

Sandra Lai ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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29.12.2025 à 16:15

À pierre-feuille-ciseaux, nos cerveaux peinent à agir au hasard… et c'est plus important qu'il n'y paraît

Denise Moerel, Research Fellow in Cognitive Neuroscience, Western Sydney University

Manuel Varlet, Professor in Cognitive Neuroscience, Western Sydney University

Tijl Grootswagers, ARC DECRA Senior Research Fellow in Cognitive Neuroscience, Western Sydney University

Des chercheurs ont analysé 15 000 parties de pierre-feuille-ciseaux pour comprendre comment notre cerveau prend des décisions en compétition et pourquoi nous avons tant de mal à rester imprévisibles.
Texte intégral (1148 mots)

Une étude révèle que nos choix en compétition sont influencés par les manches précédentes, même lorsque s’appuyer sur le passé peut nuire à notre stratégie.


Il existe une stratégie optimale pour gagner plusieurs manches de pierre-feuille-ciseaux : être aussi aléatoire et imprévisible que possible ; ne pas tenir compte de ce qui s’est passé lors de la manche précédente. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Pour comprendre comment le cerveau prend des décisions en situation de compétition, nous avons demandé à des participants de jouer 15 000 parties de shifumi, tout en enregistrant leur activité cérébrale.

Nos résultats, publiés dans Social Cognitive and Affective Neuroscience, confirmaient que ceux qui se laissaient influencer par les manches précédentes avaient effectivement tendance à perdre plus souvent. Nous avons également montré que les humains peinent à véritablement agir de manière aléatoire, et que l’on peut discerner divers biais dans leur activité cérébrale lorsqu’ils prennent des décisions dans un contexte compétitif.

Ce que l’on peut apprendre d’un jeu simple

Le domaine des neurosciences sociales s’est surtout attaché à étudier le cerveau d’individus pris isolément. Pourtant, pour comprendre comment notre cerveau prend des décisions lorsque nous interagissons en société, il faut recourir à une méthode appelée « hyperscanning ». Cette méthode permet aux chercheurs d’enregistrer l’activité cérébrale de deux personnes ou plus pendant qu’elles interagissent, offrant ainsi une mesure du comportement social plus proche des situations réelles.

Jusqu’à présent, la plupart des travaux utilisant cette approche se sont concentrés sur la coopération. Lorsqu’on coopère avec quelqu’un, il est utile d’agir de la manière la plus prévisible possible afin de faciliter l’anticipation des actions et des intentions de chacun.

De notre côté, nous nous sommes intéressés à la prise de décision en situation de compétition, où l’imprévisibilité peut conférer un avantage — comme lorsqu’on joue à pierre-feuille-ciseaux. Comment notre cerveau prend-il des décisions, et garde-t-il la trace des actions précédentes, à la fois les nôtres et celles de l’autre joueur ?

Pour explorer ces questions, nous avons enregistré simultanément l’activité cérébrale de paires de participants pendant qu’ils jouaient 480 manches de shifumi l’un contre l’autre sur ordinateur. Soit un total de 15 000 manches à partir duquel nous avons constaté que les joueurs peinaient à rester imprévisibles lorsqu’il s’agissait de choisir l’option suivante.

Même si la meilleure stratégie est d'agir de manière aléatoire, la plupart des personnes présentaient un biais net, en jouant trop souvent l’une des options. Plus de la moitié des joueurs privilégiaient « pierre », suivie de « feuille », tandis que « ciseaux » était l’option la moins choisie.

Par ailleurs, les participants avaient tendance à éviter de répéter leurs choix : ils optaient pour une option différente à la manche suivante plus souvent que ce que le hasard seul aurait permis d’attendre.

Des décisions en temps réel

Nous pouvions prédire la décision d’un joueur — choisir « pierre », « feuille » ou « ciseaux » — à partir de ses données cérébrales avant même qu’il n’ait donné sa réponse. Cela signifie que nous pouvions suivre le processus de prise de décision dans le cerveau à mesure qu’il se déroulait, en temps réel.

Nous avons non seulement trouvé dans le cerveau des informations sur la décision à venir, mais aussi sur ce qui s’était produit lors de la partie précédente. Le cerveau contenait des informations à la fois sur la réponse précédente du joueur et sur celle de son adversaire durant cette phase de prise de décision.

Cela montre que, lorsque nous prenons des décisions, nous utilisons des informations sur ce qui s’est passé auparavant pour orienter la suite : « il a joué pierre la dernière fois, alors que dois-je faire ? »

Nous ne pouvons pas nous empêcher d’essayer de prédire ce qui va se passer ensuite en regardant en arrière.

Or, lorsqu’il s’agit d’être imprévisible, s’appuyer sur les résultats passés est contre-productif. Seuls les cerveaux des joueurs qui ont perdu la partie contenaient des informations sur la manche précédente — ceux des gagnants n’en contenaient pas. Cela montre qu’une dépendance excessive aux résultats passés nuit bel et bien à la stratégie.

Pourquoi est-ce important ?

Qui n’a jamais souhaité savoir ce que son adversaire allait jouer ensuite ? Des jeux les plus simples à la politique internationale, une bonne stratégie peut offrir un avantage décisif. Nos travaux montrent que notre cerveau n’est pas un ordinateur : nous cherchons spontanément à prédire ce qui va se passer ensuite et nous nous appuyons sur les résultats passés pour guider nos décisions futures, même lorsque cela peut s’avérer contre-productif.

Bien sûr, pierre-feuille-ciseaux est l’un des jeux les plus simples qui soient — ce qui en faisait un bon point de départ pour cette recherche. Les prochaines étapes consisteront à transposer nos travaux à des contextes compétitifs où il est plus stratégique de tenir compte des décisions passées.

Notre cerveau est mauvais lorsqu’il s’agit d’être imprévisible. C’est généralement une bonne chose dans la plupart des contextes sociaux, et cela peut nous aider lorsque nous coopérons. En situation de compétition, en revanche, cela peut nous desservir.

En définitive, on peut en tirer une leçon simple : ceux qui cessent de trop analyser le passé ont peut-être davantage de chances de gagner à l’avenir.

The Conversation

Manuel Varlet a reçu des financements de l'Australian Research Council.

Tijl Grootswagers a reçu des financements de l'Australian Research Council.

Denise Moerel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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