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15.11.2025 à 14:37

« Revenge quitting » : est-ce vraiment une bonne idée de régler ses comptes au moment de quitter son emploi ?

Kathy Hartley, Senior Lecturer in People Management, University of Salford

Après le quiet quitting, voici le revenge quitting : la démission comme acte de rébellion. Ce phénomène mondial révèle une fracture grandissante entre employés épuisés et systèmes managériaux à bout de souffle.
Texte intégral (1490 mots)
Les départs spectaculaires peuvent nuire à la carrière, surtout dans des secteurs restreints où les réputations circulent vite. GaudiLab/Shutterstock

Quitter son poste avec fracas, c’est la nouvelle manière pour certains salariés d’exprimer leur ras-le-bol. Entre vidéos virales, mails incendiaires et départs spectaculaires, le « revenge quitting » traduit une colère profonde contre le monde du travail.

Beaucoup d’entre nous ont déjà ressenti la colère provoquée par un traitement injuste au travail – et parfois même l’envie soudaine de tout quitter. Chefs tyranniques, remarques humiliantes ou salaires dérisoires peuvent alimenter ces réactions impulsives. Mais tandis que la plupart des employés ravalent leur colère et retournent à leur poste, certains décident de partir d’une manière qui fait clairement passer le message à leur employeur. Bienvenue dans le monde du « revenge quitting ».

Contrairement au « quiet quitting », où les salariés restent en poste mais se contentent d’en faire le strict minimum, le « revenge quitting » consiste à partir de manière bruyante et spectaculaire.

Ce phénomène s’est désormais répandu dans le monde entier : certains filment leur démission pour les réseaux sociaux, envoient des mails d’adieu cinglants ou quittent leur poste à la dernière minute – parfois à deux heures du début d’un cours qu’ils devaient assurer.

Ces scènes illustrent la dimension libératrice du « revenge quitting » : une manière de reprendre sa dignité lorsque l’on se sent ignoré ou maltraité. Mais elles révèlent aussi autre chose qu’une simple montée du drame au travail ou un effet de génération : elles montrent qu’une partie des travailleurs, lorsqu’ils sont poussés à bout, sont désormais prêts à partir en faisant du bruit.

Dans son ouvrage classique de 1970 Défection et prise de parole (Exit, Voice, and Loyalty), l’économiste Albert Hirschman expliquait que face à une situation insatisfaisante, les individus disposent de trois options : faire entendre leur voix (voice), faire preuve de loyauté (loyalty) ou quitter (exit). Le « revenge quitting » relève de cette dernière catégorie – mais sous une forme particulière, pensée pour faire passer un message clair aux employeurs.

Plusieurs dynamiques au travail augmentent la probabilité de « revenge quitting » :

  • des supérieurs ou des environnements de travail toxiques : des recherches montrent qu’une supervision maltraitante rend les salariés plus enclins à riposter et à démissionner ;
  • le mauvais traitement par les clients : là aussi, des études indiquent que le manque de politesse ou l’incivilité de la clientèle peuvent déclencher des envies de vengeance chez les employés en contact direct avec le public ;
  • l’épuisement émotionnel : le surmenage ou le manque de soutien peuvent pousser certaines personnes à adopter des comportements de représailles, y compris des démissions spectaculaires ;
  • la culture des réseaux sociaux : des plateformes comme TikTok offrent une scène, transformant la démission en acte non seulement personnel, mais aussi performatif.

Risques et alternatives

Bien sûr, le « revenge quitting » comporte des risques. Les départs spectaculaires peuvent nuire à la carrière, surtout dans des secteurs restreints où les réputations circulent vite, ou lorsque les démissions s’enchaînent après de courts passages dans plusieurs postes. Pour les personnes très qualifiées, expérimentées et dotées d’un bon historique professionnel, ces risques restent toutefois plus limités.

Quelles sont donc les alternatives ?

  • faire entendre sa voix plutôt que partir : exprimer ses préoccupations auprès du service des ressources humaines, des responsables du bien-être au travail ou des représentants syndicaux lorsqu’ils existent ;

  • se désengager : se retirer discrètement, par exemple en limitant le temps passé à préparer les réunions ou en évitant les tâches supplémentaires, afin de reprendre un certain contrôle sur sa situation.

Ces alternatives peuvent, au final, nuire davantage aux organisations qu’un départ spectaculaire (à moins que le « revenge quitting » ne devienne un phénomène généralisé dans la structure). Mais bien sûr, tout le monde n’a pas la possibilité de démissionner, même lorsqu’il en a envie.

Une enquête menée en 2023 a révélé que plus de la moitié des travailleurs dans le monde souhaiteraient quitter leur emploi, mais ne le peuvent pas. Les raisons sont multiples : responsabilités financières, manque d’opportunités ou contraintes familiales.

Les chercheurs spécialistes du monde du travail appellent ces personnes des « reluctant stayers » (des « employés coincés malgré eux »). Une étude sur deux organisations a montré qu’environ 42 % des salariés entraient dans cette catégorie. D’autres travaux ont observé que ces salariés « bloqués » finissent souvent par élaborer des stratégies de représailles : ils diffusent discrètement de la négativité ou sapent la productivité. À long terme, cela peut s’avérer plus nuisible pour l’entreprise que le « revenge quitting » lui-même.

L’impact du « revenge quitting » dépend sans doute du contexte. Dans les petites structures, un départ soudain peut être dévastateur, surtout si l’employé possède des compétences rares ou très recherchées. Une démission bruyante peut aussi peser sur les collègues qui doivent gérer les conséquences.

Dans les grandes organisations, l’effet est généralement moins grave : elles peuvent plus facilement absorber le choc. Lorsqu’un cadre ou un employé hautement qualifié quitte bruyamment son poste, les employeurs cherchent en général à éviter ce scénario, en tentant de résoudre les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent. Pour cette raison, le « revenge quitting » se manifeste plus souvent chez les travailleurs plus jeunes, précaires ou peu soutenus.

Un départ en fanfare en 2012.

Que peuvent faire les employeurs ? Le « revenge quitting » est souvent le signe que les dispositifs classiques de soutien aux salariés ne fonctionnent plus. Beaucoup d’équipes de ressources humaines sont déjà surchargées et peinent à répondre à toutes les attentes. Mais certaines pratiques de base peuvent encore faire la différence.

Cela passe par une communication ouverte, où les employés se sentent en sécurité pour évoquer les problèmes, et par une formation des managers afin d’éviter les comportements abusifs ou le micro-management. Par ailleurs, même si cela semble évident, des charges de travail ou des conditions inéquitables finissent toujours par susciter du mécontentement : il est donc essentiel de veiller à l’équité. Les employeurs doivent aussi tenir compte des attentes des jeunes générations, souvent plus attachées au respect et à l’équilibre de vie.

En définitive, le « revenge quitting » met en lumière des dysfonctionnements profonds dans l’entreprise. Quitter bruyamment peut donner au salarié un sentiment de pouvoir, surtout sur le moment, mais c’est rarement une bonne nouvelle, ni pour lui, ni pour l’organisation.

The Conversation

Kathy Hartley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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15.11.2025 à 14:34

Un empereur romain à genoux devant un roi perse : que faut-il lire derrière la nouvelle statue dévoilée à Téhéran ?

Peter Edwell, Associate Professor in Ancient History, Macquarie University

Érigée sur la place Enghelab, à Téhéran, une statue montre l’empereur romain prosterné devant Shapur Ier (qui régna autour de 242–270 apr. J.-C.). D’où vient cette imagerie ? Et pourquoi cette statue apparaît-elle maintenant ?
Texte intégral (1788 mots)

La mise en scène d’un empereur romain défait et soumis à Shapur Ier n’est pas nouvelle : elle puise dans l’imagerie triomphale de l’Iran antique. Mais son apparition sur la place Enghelab, à Téhéran, intervient à un moment où le pouvoir cherche à exalter la résistance nationale.


Une nouvelle statue dévoilée ces derniers jours en Iran représente un empereur romain se soumettant à un roi perse. Érigée sur la place Enghelab à Téhéran, la statue intitulée À genoux devant l’Iran montre l’empereur se prosternant devant Shapur Ier (qui régna aux alentours de 242 à 270 de notre ère). Mais d’où vient cette imagerie ? Et pourquoi cette statue a-t-elle été érigée maintenant ?

L’ascension de Shapur

Au IIIᵉ siècle de notre ère, une nouvelle dynastie appelée les Sassanides prend le pouvoir dans l’Iran antique. En quelques années, le premier roi sassanide, Ardachir Ier, commence à menacer les territoires romains en Mésopotamie (dans les régions correspondant aujourd’hui à la Turquie, l’Irak et la Syrie). Les Romains avaient arraché ces terres aux Parthes, les prédécesseurs des Sassanides.

Ardachir entend désormais reconquérir une partie de ces territoires perdus. Il remporte quelques succès dans les années 230. Mais son fils et successeur, Shapur Ier, porte cette ambition à un tout autre niveau. Ce dernier défait une armée romaine venue l'envahir en 244, une victoire qui entraîne la mort du jeune empereur romain Gordien III.

Dans les années 250, Shapur lance une vaste offensive en territoire romain à travers l’Irak, la Syrie et la Turquie. Deux grandes armées romaines sont vaincues et des dizaines de villes tombent. En 253, il s’empare d’Antioche, l’une des cités les plus importantes de l’empire. Certains de ses habitants, se trouvant au théâtre au moment de la chute de la ville, s’enfuient terrorisés tandis que les flèches pleuvent sur la cité.

L'empereur fait prisonnier

Si la prise d’Antioche est une lourde défaite pour les Romains, l'événement qui marque un tournant se situe en 260. Après une bataille à Édesse (dans l’actuelle Turquie méridionale), l’empereur romain Valérien est capturé. C’est la première et unique fois dans l’histoire qu’un empereur romain tombe vivant aux mains de l’ennemi. Valérien est emmené en Perse, avec des milliers d’autres prisonniers.

Son sort fait naître, par la suite, quantité de récits. Selon l’un d’eux, Valérien et des soldats prisonniers auraient été contraints de construire un pont sur le fleuve Karoun, à Shushtar. Les vestiges de cet ouvrage, connu sous le nom de Band-e Qayṣar (« le pont de l’empereur »), sont encore visibles aujourd’hui.

Le Band-e Kaïsar, construit par les Romains à Shushtar, en Iran, aurait été édifié par des prisonniers romains durant le règne de Shapur Ier.
Les ruines du pont Band-e Qayṣar. Ali Afghah/Wikimedia

Selon un autre récit, Shapur aurait exigé que Valérien se mette à quatre pattes pour servir de marchepied, afin que le roi perse puisse monter à cheval. Shapur aurait également ordonné qu'après sa mort, le le corps de Valérien soit conservé, empaillé et placé dans une armoire. Ainsi, l’humiliation était totale.

On érigea des représentations des victoires de Shapur sur Rome dans tout l’empire perse. Plusieurs bas-reliefs sculptés célébrant ces triomphes ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Le plus célèbre se trouve sans doute à Bishapur, dans le sud de l’Iran, où Shapur fit construire un palais magnifique. On y voit Shapur richement vêtu et assis sur un cheval. Sous le cheval gît le corps de Gordien III. Derrière lui se tient le captif Valérien, retenu par la main droite de Shapur. La figure placée à l’avant représente l’empereur Philippe Iᵉʳ (qui régna de 244 à 249 apr. J.-C.), successeur de Gordien. Il implore la libération de l’armée romaine vaincue.

Shapur sur son cheval.
Shapur est assis sur son cheval, sous lequel gît le corps de Gordien III. Derrière lui se tient le captif Valérien. Marco Prins via Livius, CC BY

Shapur fit également graver une immense inscription en trois langues, qui célébrait notamment ses victoires majeures sur les Romains. Connue aujourd’hui sous le nom de Res Gestae Divi Saporis, elle est encore visible à Naqsh-i Rustam, dans le sud de l’Iran.

Le grand empire romain avait été profondément humilié. Les Perses emportèrent d’immenses ressources mais aussi des spécialistes comme des bâtisseurs, des architectes et des artisans, issus des villes conquises. Certaines cités de l’empire perse furent même repeuplées avec ces captifs.

Une nouvelle statue célébrant une vieille victoire

La statue révélée à Téhéran semble s’inspirer directement d’un bas-relief commémoratif de Naqsh-i Rustam. La figure agenouillée est présentée, dans plusieurs médias, comme Valérien. Si elle est effectivement inspirée du bas-relief de Naqsh-i Rustam, cette figure agenouillée correspond plutôt à Philippe Iᵉʳ, Valérien y étant représenté debout devant Shapur. Néanmoins, les déclarations officielles affirment qu'il s'agit bien de Valérien, notamment celle de Mehdi Mazhabi, directeur de l’Organisation municipale de l’embellissement de Téhéran, consignée dans un rapport :

La statue de Valérien reflète une vérité historique : l’Iran a toujours été une terre de résistance au fil des siècles […] En installant ce projet sur la place Enghelab, nous voulons créer un lien entre le passé glorieux de cette terre et son présent porteur d’espoir.

Les grandes victoires de Shapur sur les Romains restent une source de fierté nationale en Iran. La statue a ainsi été décrite comme un symbole de défi national après le bombardement par les États-Unis des installations nucléaires iraniennes en juin.

Bien que ces victoires sassanides remontent à plus de 1 700 ans, l’Iran continue de les célébrer. La statue s'adresse clairement au peuple iranien, dans la foulée des attaques américaines. Reste à savoir si elle constitue également un avertissement adressé à l’Occident.

The Conversation

Peter Edwell a reçu des financements de l'Australian Research Council.

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15.11.2025 à 14:33

Pour les artistes comme pour les scientifiques, l’observation prolongée permet de faire émerger l’esprit critique

Amanda Bongers, Assistant Professor, Chemistry Education Research, Queen's University, Ontario

Madeleine Dempster, PhD Candidate in Art History, Queen's University, Ontario

Le processus consistant à observer et à se poser des questions sur ce que l’on regarde est nécessaire à tous les niveaux scientifiques, et les étudiants en sciences peuvent l’apprendre grâce à l’analyse visuelle inspirée de l’histoire de l’art.
Texte intégral (2664 mots)

S’il semble évident que les scientifiques doivent développer des compétences en analyse visuelle, ces dernières ne sont pas suffisamment enseignées ni mises en pratique dans nos universités.


C’est l’une des difficultés de l’apprentissage des sciences : il repose en partie sur des images et des simulations pour représenter des choses que nous ne pouvons pas voir à l’œil nu. Dans des matières comme la chimie, les étudiants peuvent avoir du mal à visualiser les atomes et les molécules à partir des symboles complexes qui les représentent.

Pourtant, la plupart des cours de chimie dispensés l’université n’aident pas les étudiants à mieux comprendre ces représentations. Les étudiants passent leurs cours à regarder passivement des diapositives pleines d’images sans s’impliquer ni générer les leurs. En s’appuyant sur leurs capacités innées plutôt qu’en apprenant à affiner leur pensée visuelle et leurs compétences en analyse d’images, de nombreux étudiants finissent par se sentir perdus face aux symboles et ont recours à des techniques de mémorisation fastidieuses et improductives.

Que pouvons-nous faire pour aider les élèves à analyser et à tirer des enseignements des visuels scientifiques ? La solution se trouve peut-être du côté de l’histoire de l’art. Il existe de nombreux parallèles entre les compétences acquises en histoire de l’art et celles requises dans les cours de sciences.

Développer un œil averti

Se sentir déconcerté par une œuvre d’art ressemble fortement à l’expérience que font de nombreux étudiants en chimie. Dans les deux cas, les spectateurs peuvent se demander : que suis-je en train de regarder, où dois-je regarder et qu’est-ce que cela signifie ?

Et si un portrait ou un paysage peut sembler, a priori, porter un message simple, les œuvres d’art regorgent d’informations et de messages cachés pour un œil non averti.

Plus on passe de temps à regarder chaque image, plus on peut découvrir d’informations, se poser des questions et approfondir son exploration visuelle et intellectuelle.

Par exemple, dans le tableau du XVIIIe siècle intitulé Nature morte aux fleurs sur une table de marbre (1716) de la peintre néerlandaise Rachel Ruysch, en regardant plus longuement les fleurs, on découvre plusieurs insectes dont les historiens de l’art interprètent la présence dans un contexte plus large de méditations spirituelles sur la mortalité.

Nature morte représentant de nombreuses fleurs sur fond noir, avec des insectes posés sur certaines feuilles
Avez-vous remarqué les insectes dans Nature morte avec des fleurs sur une table de marbre ? (Rijksmuseum)

Le domaine de l’histoire de l’art est consacré à l’étude des œuvres d’art et met l’accent sur l’analyse visuelle et les capacités de réflexion critique. Lorsqu’un historien de l’art étudie une œuvre d’art, il explore les informations que celle-ci peut contenir, les raisons pour lesquelles elle a été présentée de cette manière et ce que cela signifie dans un contexte plus large.


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Processus d’observation et de questionnement

Ce processus d’observation et de questionnement sur ce que l’on regarde est nécessaire à tous les niveaux de la science et constitue une compétence générale utile.

L’organisation à but non lucratif Visual Thinking Strategies a créé des ressources et des programmes destinés à aider les enseignants, de la maternelle au lycée, à utiliser l’art comme sujet de discussion dans leurs classes.

Ces discussions sur l’art aident les jeunes apprenants à développer leurs capacités de raisonnement, de communication et de gestion de l’incertitude. Une autre ressource, « Thinking Routines » (Routines de réflexion) du projet Zero de Harvard, inclut d’autres suggestions pour susciter l’intérêt des élèves pour l’art, afin de les aider à cultiver leur sens de l’observation, de l’interprétation et du questionnement.

Pour regarder de manière critique, il faut ralentir

De telles approches ont également été adoptées dans l’enseignement médical, où les étudiants en médecine apprennent à porter un regard critique grâce à des activités d’observation attentive d’œuvres d’art et explorent les thèmes de l’empathie, du pouvoir et des soins.

Une personne assise à un bureau regardant des images médicales
L’observation des œuvres d’art peut aider à enseigner aux professionnels l’observation critique, une compétence essentielle pour interpréter les images médicales. (Shutterstock)

Les programmes d’humanités médicales aident également les jeunes professionnels à faire face à l’ambiguïté. Apprendre à analyser l’art change la façon dont les gens décrivent les images médicales, et améliore leur score d’empathie.

Les compétences nécessaires à l’analyse visuelle des œuvres d’art exigent que nous ralentissions, que nous laissions notre regard vagabonder et que nous réfléchissions. Une observation lente et approfondie implique de prendre quatre ou cinq minutes pour contempler silencieusement une œuvre d’art, afin de laisser apparaître des détails et des liens surprenants. Les étudiants qui se forment à l’imagerie médicale dans le domaine de la radiologie peuvent apprendre ce processus d’observation lente et critique en interagissant avec l’art.

Les étudiants en classe

Imaginez maintenant la différence entre un cadre calme comme un musée et une salle de classe, où l’on est obligé d’écouter, de regarder, de copier, d’apprendre à partir d’images et de se préparer pour les examens.

En cours, les étudiants prennent-ils le temps d’analyser ces schémas chimiques complexes ? Les recherches menées par mes collègues et moi-même suggèrent qu’ils y consacrent très peu de temps.

Lorsque nous avons assisté à des cours de chimie, nous avons constaté que les élèves regardaient passivement les images pendant que l’enseignant les commentait, ou copiaient les illustrations au fur et à mesure que l’enseignant les dessinait. Dans les deux cas, ils ne s’intéressaient pas aux illustrations et n’en créaient pas eux-mêmes.

Lorsqu’elle enseigne la chimie, Amanda, l’autrice principale de cet article, a constaté que les élèves se sentent obligés de trouver rapidement la « bonne » réponse lorsqu’ils résolvent des problèmes de chimie, ce qui les amène à négliger des informations importantes mais moins évidentes.

Analyse visuelle dans l’enseignement de la chimie

Notre équipe composée d’artistes, d’historiens de l’art, d’éducateurs artistiques, de professeurs de chimie et d’étudiants travaille à introduire l’analyse visuelle inspirée des arts dans les cours de chimie à l’université.

Grâce à des cours simulés suivis de discussions approfondies, nos recherches préliminaires ont mis en évidence des recoupements entre les pratiques et l’enseignement des compétences en arts visuels et les compétences nécessaires à l’enseignement de la chimie, et nous avons conçu des activités pour enseigner ces compétences aux étudiants.

Un groupe de discussion composé d’enseignants en sciences à l’université nous a aidés à affiner ces activités afin qu’elles correspondent aux salles de classe et aux objectifs des enseignants. Ce processus nous a permis d’identifier de nouvelles façons d’appréhender et d’utiliser les supports visuels. À mesure que nos recherches évoluent, ces activités sont également susceptibles d’évoluer.

Exemple d’activité d’analyse visuelle associant une œuvre d’art à un visuel de chimie
Exemple d’activité d’analyse visuelle associant une œuvre d’art à un visuel de chimie. À gauche : Étude cubiste d’une tête, par Elemér de Kóródy, 1913 (The Met). À droite : Analyse d’une réaction de cycloaddition (fournie par l’auteur).

De nombreux étudiants en sciences ne poursuivent pas une carrière traditionnelle dans le domaine scientifique, et leurs programmes mènent rarement à un emploi spécifique, mais les compétences en pensée visuelle sont essentielles dans le large éventail de compétences nécessaires à leur future carrière.

Par ailleurs, l’analyse visuelle et la pensée critique deviennent indispensables dans la vie quotidienne, avec l’essor des images et des vidéos générées par l’IA.

Développer des compétences pour ralentir et observer

Intégrer les arts dans d’autres disciplines peut favoriser la pensée critique et ouvrir de nouvelles perspectives aux apprenants. Nous soutenons que les arts peuvent aider les étudiants en sciences à développer des compétences essentielles en analyse visuelle en leur apprenant à ralentir et à simplement observer.

« Penser comme un scientifique » revient à se poser des questions sur ce que l’on voit, mais cela correspond tout aussi bien à la façon de réfléchir d’un historien de l’art, selon les principes suivants :

  1. Observer attentivement les détails ;

  2. Considérer les détails dans leur ensemble et dans leur contexte (par exemple, en se demandant : « Qui a créé cela et pourquoi ? ») ;

  3. Reconnaître la nécessité de disposer de connaissances techniques et fondamentales étendues pour comprendre ce qui est le moins évident ;

  4. Enfin, accepter l’incertitude. Il peut y avoir plusieurs réponses, et nous ne connaîtrons peut-être jamais la « bonne réponse » !

The Conversation

Amanda Bongers receives funding from SSHRC and NSERC.

Madeleine Dempster reçoit un financement du Conseil de recherches en sciences humaines.

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