lsamuel
Dans le contexte de la rencontre organisée par les JNE le 8 janvier 2026 autour de sa pensée pour le 20e anniversaire de sa mort, nous mettons en ligne sur ce site un ensemble de textes de François Terrasson, en partie inédits. Voici un savoureux poème sur les extra-terrestres. Sur une autre planète, il y a peut-être LA MER Des armées, des prisons, des ghettos, des asiles Perdus dans le noir d’une galaxie lointaine Empires galactiques et royaumes stellaires ? en extase nos patrimoines génétiques Oui mais tout au fond d’un très très vieux cratère Photo : François Terrasson © DR L’article Les Extra-terrestres est apparu en premier sur Journalistes Écrivains pour la Nature et l'Écologie. (469 mots)
Qui roule ses vagues bleues dans un autre univers
Et des ponts, des usines, des autos, des camions
Et je suis sûr vous faites donc pas d’bile
Qu’ils ont bien aussi sans doute quelque part Tchernobyl
Les extra-terrestres sont peut-être des cons
Le Parc de la Vanoise et celui du Verdon
L’ONU, le Club Med et l’Ecole des Ponts
Et quand ils voient dans le ciel notre Terre fragile
Ils rêvent que nous sommes des êtres d’exception
Les extra-terrestres sont peut-être des cons
Ils se battent pour savoir même si nous existons
Ils n’ont pas de chefs mais ils ont de cheftaines
Qu’est-ce que ça change il faut que nous l’sachions
Demain il faut depuis la Tour Eiffel
Envoyer un message à tous ces sacrés cons
C’est avec surprise qu’ils nous découvriront
Rusés et menteurs, faux culs et faux frères
Vendeurs de salades et rongés d’émotions
Allons y, allons y, lançons leur un appel
Les extra-terrestres sont sûrement des cons
Nous pourrons alors en des étreintes exotiques
Ouvrir de nouveaux chemins à la vieille Evolution
Pour qu’à votre contact de haute civilisation
Les autres profitent de cet instant critique
Pour devenir si possible encore plus cons
L’esprit très bizarre qui nous a mis sur Terre
Révise son planning avec application
Et décide que ça suffit, ça commence à bien faire
La Perestroïka va commencer sur Terre
L’homme ne vivra que s’il cesse d’être con.
lsamuel
Dans le contexte de la rencontre organisée par les JNE le 8 janvier 2026 autour de sa pensée pour le 20e anniversaire de sa mort, nous mettons en ligne sur ce site un ensemble de textes de François Terrasson, en partie inédits. Voici ses réflexions sur la nature dans les pays baltes, écrites au lendemain de la fin de l’URSS. « Par ici, on est un peu communiste ! » disait encore, d’un air navré, la veille du putsch qui allait tout changer, un ami de Riga, capitale de la Lettonie. Et la nature? Est-elle communiste, transformée par le système, ou bien se débrouille-t-elle pour durer par elle-même, indifférente aux agitations politiques ? Dans ses processus intimes, physiologiques, il est certain que la vie garde les mêmes lois quel que soit le système. La tentative sous Staline du généticien Lyssenko, de forger une biologie basée sur d’autres lois que celles découvertes à propos de la nature « capitaliste », s’est écroulée sous les sarcasmes. Il s’agissait de prouver que la manière dont s’organise la matière vivante ne saurait être vue de la même façon selon qu’on est prolétaire ou « impérialiste ». La négation de l’universalité des données scientifiques a bien été une tentation de l’idéologie qui, depuis 1945, a administré la nature balte. Mais une tentation seulement. Les céréales et les forêts s’obstinant dans une biologie non fondée sur la pensée de Lénine, il a fallu faire avec. Cependant, cette volonté de différencier le milieu naturel en fonction du système politique peut très bien se manifester dans l’aménagement du territoire, faute d’avoir pu le faire dans l’intimité des lois biologiques. « Le goût pour l’étude de la nature et sa transformation » est souvent cité en URSS comme la base de motivation des naturalistes scientifiques. Il est bien rare que les photos officielles présentant l’immensité de la forêt n’aient pas pris soin d’y faire figurer au moins un pylône électrique. Nous voyons là une preuve de plus de cette réalité mondiale : un passage est une conception du monde. Dans le cas soviétique se dessine une volonté affichée de tout changer au profit de l’homme. Mais a-t-on besoin de partir à l’Est pour vivre dans un tel bain culturel ? La différence n’est-elle pas seulement qu’à l’Ouest les mêmes idées ne font que se cacher derrière les discours environnementalistes ? Avec des résultats pas si différents. C’est le résultat qui compte en effet. Les tendances lourdes de l’aménagement de la planète ne se comprennent que par des effets de comparaison entre différentes régions du monde. Un regard sur un petit morceau de l’ex-Union Soviétique est une partie du puzzle qui nous permettra de commencer à répondre à des questions clefs. Du genre : le désir de transformation radicale en fonction de l’homme a-t-il abouti ? Si oui, jusqu’où ? Avec quels avantages ou inconvénients ? Peut-on penser que la spécificité d’une région change quelque chose à tout cela ? L’originalité des pays baltes en URSS, leur ouverture ancienne sur l’Europe maritime, leur langue et leur culture non slaves, ont-elles quelque chose à voir dans la façon dont le communisme a piloté le milieu naturel et rural ? Y trouverons-nous quelques repères au service d’une politique conservationniste future ? Le passage au capitalisme est-il une chance pour la nature, etc. ? La Lituanie (capitale Vilnius) est l’héritière d’une histoire qui la vit s’étendre jusqu’à la Mer Noire (65 200 km2, 3 620 000 habitants). La Lettonie (capitale Riga) ne compte que 54 % de Lettons. Fortement russifiée, elle a également une vieille attirance et parenté avec la culture germanique d’une partie de ses fondateurs (63700 km2, 2 680 000 habitants). Au nord, l’Estonie est une petite Finlande dont elle n’est séparée que par le golfe du même nom. Capitale Tallin, 45 100 km2, 1 573 0000 h. Trois pays, trois natures ? La revendication nationaliste le laisse entendre : attachement au territoire, à sa poésie. Point de départ du désir d’indépendance fortement connecté aux revendications écologistes. Où trouver ce qu’il peut y avoir d’essentiel dans l’écologie de chacune de ces régions ? On peut parier que les bêtises de l’industrie lourde en matière de pollution n’offrent rien de bien différent de celles répertoriées en Ukraine ou en Russie. Et il serait surprenant que l’unique centrale nucléaire lituanienne d’Inalina soit d’une grande originalité. Le nationalisme, c’est toujours la Terre des ancêtres. Alors, qu’est-il important de comprendre de nos jours dans ce genre de pays ? Au-delà de la description fine des problèmes d’environnement. Très certainement les mouvements de fond, les traits dominants et structurants de l’attitude des populations vis-à-vis de l’ensemble du territoire. Avec les points de repère suivants : une idée de l’état du terrain avant le communisme, pendant et peut-être après. Dans les grandes lignes, sur des vastes ensembles de territoire, c’est-à-dire dans ce qui constitue l’image globale de la nature lettonne, lituanienne ou estonienne. Image objectivée telle que peut l’avoir le scientifique écologiste. Mais aussi image intériorisée et amoureusement retravaillée de l’attachement sensible aux campagnes et aux forêts, telle qu’elle renaît dans la pulsion identitaire de chaque peuple. Si vous consultez les revues locales de protection de la nature, telle que l’excellente Eesti Loodus (La nature estonienne) il sera vite évident que l’on est en pleine richesse biologique : lacs, marais, lycopodes, fougères, linaigrettes, poissons, oies sauvages, grues cendrées. Et le terrain ? Eh bien, le terrain c’est autre chose ! La richesse que l’on trouve dans les livre est celle des endroits riches, qui ne sont peut être pas dans le réel aussi continus, aussi proches et aussi étendus que dans les pages des revues. Les premiers mots de toute conversation sur les espaces naturels tournent autour de la notion de réserve et de parc national. On ne peut se défaire d’un sentiment de déjà vu, tout comme à propos d’industrie et de pollution. Si l’on se rend dans les parages de la rivière Causa à l’est de Riga, on se trouvera dans des lieux qui représentent, comme ailleurs, l’idéologie d’une civilisation de relégation de la nature, transcendant complètement les frontières du communisme. Règlementation stricte, beaucoup plus sérieuse par contre qu’en Occident. Et de ce fait plus pesante, montrant qu’il s’agit d’un espace à part, organisé en fonction du besoin de loisirs urbains. Et où les espèces naturelles, les espaces solitaires ont encore une place, le développement touristique n’ayant pas encore atteint des sommets. Mais il est prévu, souhaité. A un stade préliminaire aux engrenages destructeurs des parcs super-touristisés de l’Amérique, l’espace protégé balte s’avance très nettement sur la même voie. Partout dans la multitude de lacs, les visiteurs ont leurs équipements. Construits en bois, assez souvent (pas toujours) discrets, pas de trois étoiles dans cette nature. Des chalets disséminés vers lesquels se dirigent des sentiers de terre. S’agit-il là d’un tourisme diffus et équilibré tel que le rêvent les écologistes du monde occidental ? La réponse est oui. Mais il ne le fait pas exprès. La paralysie bureaucratique est incompatible avec l’expansion quelle qu’elle soit. L’envahissement de la nature en a été stoppé. Mais les indices d’une pulsion à construire sont là près des grands sites (lac des Tchoudes en Estonie à la frontière russe) souvent totalement noyés encore dans la sauvagerie, mais pointant les formes tarabiscotées de leurs constructions, le cimentage des pistes et un certain comportement déjà « Saint-Tropézien » du visiteur, inapte à viser la poubelle au moment du jet d’ordure. Dans le cas du tourisme, le manque de moyens financiers dû à la stagnation économique en a évité les conséquences néfastes sur la nature. Il est difficile de croire que la sagesse des implantations soit due plutôt à une culture respectueuse des espaces sauvages. Les indices existent d’une certaine coloration des esprits dans ce sens : légendes, sculpture d’hommage aux esprits des bois érigés aux lisières des forêts lituaniennes. Mais il est hautement probable que le poids en a été laminé comme presque partout par ce qu’il est convenu d’appeler la modernité. La confirmation peut se trouver justement dans la gestion des campagnes et des forêts. C’est là que se vérifie le fait que dans un climat de perception forte des éléments naturels, nous sommes dans des régions où celle-ci a débouché, de tout temps, sur une position ambigüe face à la nature, insuffisante pour assurer une conservation adéquate et un aménagement du territoire équilibré, lorsque la pression anti-nature moderniste a débuté. De tout temps, y compris avant le communisme. Les peuples qui ont défriché les forêts baltes s’y sont insérés progressivement. Ils ont développé un mode d’appropriation de l’espace par l’homme, uniforme dans une vaste région. Il n’y a rien qui caractérise une clairière à Ignalina (Lituanie) par rapport à une autre à Meerapaiu (Estonie), où on parle pourtant une langue d’un groupe linguistique absolument différent. Et si nous allions chercher la clairière, disons vers Zagorsk au nord de Moscou, à 800 km de là, rien ne serait changé. Nous sommes en présence d’un phénomène courant bien que pas du tout universel : l’adoption d’un même modèle d’insertion des hommes dans le milieu par des groupes humains par ailleurs séparés par toutes sortes de barrières : linguistique, naturelles, religieuses, etc. La partie concernant la manière dont on doit traiter la nature est cependant commune. Quelque facteur unificateur doit être passé par là… A moins qu’une lointaine parenté ? etc. Toutes les hypothèses sont ouvertes. Mais le fait est là. Il n’y a aucune originalité dans l’aménagement traditionnel rural qui indique une spécificité de l’un ou l’autre des trois pays. Et il n’y a même aucune particularité balte par rapport au grand voisin, la Russie Si l’on franchissait vers l’ouest la frontière polonaise, on serait d’ailleurs encore dans le même système. Vaste territoire où les clairières humaines ne laissent pratiquement pas d’arbres, à l’exception des bords de ruisseaux. Où elles se rejoignent progressivement jusqu’à la fameuse transition : un jour il n’y a plus des clairières dans la forêt, mais des forêts dans une immense clairière. On peut encore étudier les deux stades, et le passage du seuil, dans la nature balte. Il y a longtemps que l’ouest maritime de la Lettonie à l’exception de la bordure de mer boisée de pins, ne présente au regard que des étendus infinis. Mais allant de Vilnius vers Minsk et la Biélorussie, on trouvera des forêts, encore perdues dans les labours, mais parfois presque contiguës par certaines de leurs ramifications. Puis, à l’est lituanien, se découvriront les fermes encloses dans les bois, les horizons qui ne s’ouvrent que sur un ou deux kilomètres, des exemples saisissants d’une dizaine de mètres coupent le cordon ombilical entre les masses boisées, l’étoffe de la forêt alors tellement percée de trous qu’elle se désagrégera ensuite en îlots isolés. En milieu rural, la nature balte présente donc un modèle d’exclusion des milieux sauvages. L’exploitation humaine ne s’y mène pas comme dans des bocages britanniques ou français, ou comme certains prés-bois de montagne, en intégration fine avec les éléments naturels. Cependant la faible implantation en certains zones réalise, bien que ce ne soit pas le principe de base, des structures où la vie paysanne se trouve confrontée en permanence avec les grands bois, les lacs et les marécages. D’où l’image désirée et voulue dans l’appropriation mentale du territoire : un pays où la nature n’est jamais loin. Situation paradoxale où le mouvement de séparation de la nature est séculaire, mais où le désir de fonder une nouvelle image d’alliance est quasi permanent. Laboratoire d’expérimentation aussi, puisque tous les stades de l’installation humaine y sont encore représentés depuis celui quasiment néolithique jusqu’aux monocultures géantes. L’impact du régime socialiste là-dessus. Cela a été un coup de pouce à une espèce de « rationalisation » du paysage. Lisières tracées au cordeau, ruisseaux recalibrés, arbres éliminés. Mais aussi, le système ayant du mal à fonctionner : lieux abandonnés, récoltes envahies de plantes sauvages et potagères individuelles à l’ancienne. En bref, le communisme a radicalisé un cloisonnement homme-nature déjà dessiné ans les cultures. Il a tenté sans succès d’éliminer les poches où ce cloisonnement était encore si imparfait que l’habitant restait imprégné des mythologies forestières. Car il y a la forêt. Mais quelle forêt ? Il faut y entrer… Cela peut se produire par les sentiers longeant les lacs. Il y en a tellement. C’est plutôt là que le voyageur, attiré par le plan d’eau, sera tenté de jeter un coup d’œil dans le sous-bois. Les trembles, les chênes et surtout les bouleaux et saules s’éparpillent dans les mousses, les champignons, entourent des fondrières remplies de grandes lysimaques jaunes ou du butome plantain d’eau. Quelques troncs couchés ou rampants y créent très vite une ambiance de jungle à vie sauvage et multiforme. Défilant plus tard sur la route goudronnée, le visiteur, ayant parcouru des dizaines de kilomètres entre deux haies d’arbres, peut-il croire qu’à chaque tour de roue il avance ainsi au milieu d’un paradis biologique ? Il lui suffit de s’arrêter, d’entrer sous les arbres et d’avoir un brin de formation en sylviculture pour perdre ses illusions. Partout où l’humidité du sol n’impose pas la non intervention, la forêt est traitée en intensif ou semi-intensif. Plus visible dans les longues cohortes de pins rappelant la monoculture landaise de la France, le principe ne s’en applique pas moins à toutes les essences. Avec des degrés d’artificialisation par l’homme plus ou moins marqués selon les régions, ces boisements sont les enfants de la main humaine autant et plus que de la nature. L’importance de la régénération par plantation, c’est-à-dire autrement que par semis naturel, et surtout les méthodes d’éclaircissement y pèsent de tout leur poids, Les espacements retenues entre les arbres, beaucoup plus alignés et plus éloignés que dans une sylviculture extensive, donnent un aspect caractéristique de parc jardiné. Jardiné négligemment sans doute, car là aussi le système a eu du mal à s’appliquer vraiment. Mais on y a ajouté le travail et le nettoyage du sous-bois. Peu fréquent, mais suffisant pour créer l’ambiance. Ainsi ces immenses forêts couvrant parfois trente mille hectares d’un seul tenant relèvent en fait de la technique du « champ d’arbres ». Elles sont fortement éloignées de l’état naturel, et non pas seulement légèrement comme dans la sylviculture de régénération naturelle souvent pratiquée ne France par exemple. La gestion choisie est celle qui, depuis des siècles a eu la préférence en zone de culture germanique : craignant les difficultés climatiques on en est arrivé à une technique de production de bois où l’artificialisation a certainement dépassé sa justification première, pour devenir une philosophie de la forêt propre, nette et bien alignée. Ces grands bouleaux blancs superbes qui montent droit vers le ciel sont rangés là d’une façon dont la rigidité, pour être diffuse, n’en donne pas moins à l’usage l’impression que toute spontanéité naturelle est surveillée de près. La variété du sous-bois s’en ressent. Le petit nombre d’espèces n’est pas dû à la latitude septentrionale. A quelques pas de là, pourvu qu’au bord du marais la sylviculture ne soit pas passée, c’est un foisonnement. Ce modèle d’aménagement n’est pas communiste. En Europe Centrale, il couvre depuis le XVIIIe siècle une aire immense. Il s’agit d’une forêt très modifiée dont l’écosystème garde des apparences originelles, mais seulement elles, et non pas l’équilibre d’une forêt climacique. Cependant là aussi, la main des planificateurs a tenté de perfectionner ce qui allait déjà dans le sens de la simplification du milieu. La situation se retrouve ainsi complètement identique à ce qu’elle est en matière agricole : un travail soutenu et, somme toute, destructeur sur toutes les surfaces consacrées à la production. Avec abandon à une nature fort variée de tous les espaces difficiles. Ceux-ci se situant en longues lanières, mais jamais en milieux étendus : bords de rivière, petits marais, berges de lac. C’est donc par indifférence de l’homme que se maintient la nature balte. Nulle part il n’y a eu création de ces paysages compliqués qui signent l’accord humanité-nature avec interpénétration de l’un ou de l’autre. Encore plus, il est flagrant que la productivité a été pensée comme nécessitant une modification radicale des conditions de milieu, et pas seulement un pilotage des conditions écologiques au profit de l’homme. En cela les pays baltes ressemblent à maints endroits de la planète. Mais il s’agit ici d’un mode d’aménagement fort ancien, qui ne doit aux idées soviétiques qu’une marche avortée vers son perfectionnisme intégral. Le bilan est celui de pays pouvant aisément présenter des aires naturelles protégées, de grands lacs impressionnants, des stations de plantes rares, mais aucune harmonisation des activités humaines à l’écologie locale. La nature ne survit que par sa force, là où l’homme n’a pas eu les moyens de l’atteindre. Une dernière illustration pour qui douterait de la permanence de telles orientations dans la construction du paysage nous viendra des grands fleuves : le Niémen qui a une longue partie de son cours en Lituanie et surtout de la superbe Augava Dvina pour la Russie, qui en possède les sources. Ces deux rivières coupent les bas plateaux morainiques d’une bande souvent sinueuse où les caractéristiques paysagères, toujours marquées, sont atténuées fortement par l’extension de la zone inondable. Prairies coupées de bosquets, collines forestière à dénivelé brutal (Niémen) ou larges grèves mêlées aux marécages sur la puissante Daugava. Ruban de sauvagerie grignoté par les champs, le lit majeur n’est si naturel que parce que non soumis à l’activité des hommes. On saisit l’axe majeur du traitement de la Nature dans ces régions : une sorte d’ôte-toi de là que je m’y mette que la tradition n’avait jamais appliqué systématiquement, que les autorités soviétiques ont voulu conforter et qui pour avoir marqué durablement le visage des pays souffre malgré tout des exceptions notables. Et si on fermait les yeux en rêvant à l’avenir, il serait parfois possible de croire en les rouvrant, qu’un mauvais génie peut avoir fait la mauvaise farce de nous transporter déjà dans la future agriculture capitaliste des pays baltes. C’est-à-dire en des lieux qui ressembleront trait par trait au plateau suisse, à la basse Autriche, ou à des morceaux de la plaine du Rhin. Avec une régression accentuée des marais. Car à l’indifférence aura fait place une active agressivité contre tout ce qui est assainissable. Le refuge des mauvaises herbes sera éliminé à coup de pesticides. Les eaux des lacs verront arriver nettement plus de nitrates. Les chenilles des lisières auront le goût d’insecticide. Tout se dessine comme si le changement de système politique n’avait aucunement le pouvoir de changer la position anti-écologique, qui, comme nous l’avons vu, vient de loin. Mais plutôt de lui donner un nouvel essor. Et ceci malgré sans doute des intentions sincères au sein des nouveaux pouvoirs. En effet les concepts nécessaires manquent. Et leur absence n’a rien à voir avec le marxisme. Des adversaires de toujours du système soviétique sont heureux de stigmatiser ses gigantesques erreurs écologiques. Mais plus ça change et plus c’est toujours la même chose. Car dans le système libéral ils ont appliqué la même incapacité à comprendre les raisonnements complexes de l’écologie. Entre le communisme et le capitalisme, la Nature balte n’est certes plus entre la faucille et marteau, mais elle pourrait bien être entre le marteau et l’enclume, prêt à l’écrasement. Elle n’a jamais été bien traitée par les hommes. Ses premiers occupants lui ont laissé une place, mais très secondaire et rétrécie. Ses ingénieurs forestiers, depuis des siècles, ont éliminé les sous-bois sauvages. Les communistes out voulu pousser tout cela vers un idéal parfait de géométrisations, de soumission à l’homme. Ils ont échoué. Les agro-businessmen se préparent à réussir à leur place. Image du haut : Eeste Lodus, revue estonienne sur la protection de la nature L’article La nature balte, entre communisme et capitalisme est apparu en premier sur Journalistes Écrivains pour la Nature et l'Écologie. Texte intégral (4136 mots)
lsamuel
Dans le contexte de la rencontre organisée par les JNE le 8 janvier 2026 autour de sa pensée pour le 20e anniversaire de sa mort, nous mettons en ligne sur ce site un ensemble de textes de François Terrasson, en partie inédits. Voici ses réflexions sur les mares. Une étendue noirâtre, vaseuse, où trempent lourdement des branches pourries. Sur un petit espace, mais suffisant pour évoquer larves et tritons. Tel est l’archétype de la mare dans l’imagerie mentale. Eau stagnante, elle s’oppose dans la symbolique aux ruissellements clairs et joyeux. L’analyse de la perception et de sa charge émotionnelle est sans aucun doute la porte d’entrée pour l’étude des comportements. Décrire l’attrait pour la vie foisonnante des mares, ou au contraire la répugnance plus ou moins avouée est un champ immense pour un travail d’éthologie humaine de la nature. Dans la culture actuelle on peut brièvement caractériser ce nœud de problèmes par quelques lignes directrices : Ces différentes notions s’entrecroisent dans les esprits, y compris lors des descriptions d’écosystèmes. La sociologie et l’ethnologie des sciences montrent à quel point la communication scientifique est un rituel. Analysable et surprenant. L’image scientifique de la mare, même si on l’espère plus exacte que n’importe quel fantasme, est cependant également une image mentale. Prise dans le triangle maléfique des interactions perception-communication-comportement. S’il est peut-être facile à un physicien ou chimiste de respecter les formes rituelles symboliques de l’objectivité, dès que l’objet de science est le sujet de controverses à forte charge émotionnelle, l’objectivité en principe désirée se résume souvent à de pures apparences. En abordant l’écosystème mare, il serait très surprenant que les idéologies de la nature, contraires et multiples, restent sagement à la porte. Prendre conscience de cette dose obligatoire de subjectivité pourrait nous aider à connaître les racines sous-jacentes aux complications et conflits. Cette approche de la question des mares, au-delà de discussions parfois violentes, nous oblige à ne pas appliquer automatiquement les règles obligatoires du discours académique. Mais à DISCUTER SUR LES REGLES SOUS PEINE DE NE RIEN SAISIR DU PROBLEME. Le premier résultat, prenant l’allure de sacrilège, étant de dire : « quelle est la position philosophique, la conception du monde qui se cache derrière cette donnée scientifique ? ». Ou plus exactement derrière sa présentation, son interprétation. L’orateur confondant allègrement la donnée pure et la mise en scène qu’il en fait. Voici qu’on nous explique que certaines espèces sont indésirables dans la mare. Comme les massettes par exemple. Envahissantes. Opportunistes. Banales. Que les massettes soient envahissantes c’est sans doute vrai. Mais pas toujours. Pourquoi donc a-t-on oublié de le voir, ou de le dire ? Cela nous mènerait loin. Qu’est-ce que la notion d’envahissement ? Qui pourrait prouver, diagrammes écosystémiques à l’appui, que le milieu est moins équilibré après qu’avant. Mais la notion d’équilibre ne mérite-t-elle pas qu’on remarque son caractère flirtant avec « harmonie », « balance », « ordre » et… Quel équilibre aime-t-on et pourquoi ? Il est facile de dissimuler ces questions derrière l’usage d’une des nombreuses formules essayant de mesurer la biodiversité. Voilà aussi que le saule marsault est au banc des accusés. Est-ce mal d’être banal ? Vaudrait-il mieux qu’il soit rarissime pour se voir promu essentiel à la dite biodiversité ? Et pourtant, comptons un peu le nombre d’espèces d’insectes bénéficiant de ses fleurs. Interrogeons les larves de ses vieux bois pourris. Et tous les organismes qui se sentent mieux sous son abri qu’en plein soleil. La mare est le lieu de projection de nos choix. Il y en a d’autres. Mais la mare, redécouverte et « ne demandant qu’à être réhabilitée », nous propose un site de mise en scène des grandes idées actuelles sur la nature. Ce que cette analyse idéologique fait ressortir c’est une construction paradoxale et intenable : pour être pleinement elle-même la mare doit être remaniée et tenue à bout de bras par la « gestion conservatoire » après réhabilitation. Le caractère pervers et impraticable de ces notions n’est pas évident au premier abord. Une gestion des mares a bien existé quand elles servaient à quelque chose. Mais ce qu’on propose ce n’est pas un retour à une fonctionnalité, ni même une nouvelle. ON FERA COMME SI. La production d’espèces animales et végétales déterminées à l’avance comme étant SCIENTIFIQUEMENT CORRECT, une sorte d’élevage et de semi-agriculture, se présente comme étant LE FONCTIONNEMENT NATUREL DE LA NATURE. Discutons des objectifs. Discutons des motivations. Arrêtons de flirter avec la fraude scientifique pour étayer des choix qui ont d’autres moyens de se justifier. Et qui sont divers, et respectables dans leur diversité. Abandonnons l’illusion du « scientifiquement correct ». Et en attendant, laissons des mares sans pancartes, sans gestion, et sans comité scientifique, croupir dans les nuits sombres au fond des bois non inventoriés… Photo : observatoire enterré devant une mare © JF Noblet L’article La mare : fantasmes, science et pseudo-science est apparu en premier sur Journalistes Écrivains pour la Nature et l'Écologie. Texte intégral (1341 mots)
– la mare fait partie des lieux de dernier choix, soit parce qu’elle est perçue comme marécage négatif, soit parce qu’elle est, pour ceux qui aiment, un trop petit marécage;
– la mare porte des sous-images multiples : mare aux canards pas claire mais bien liquide, abreuvoir des vaches à eau peu troublée, ancienne marnière ou carrière peu à peu envahie par les eaux, petit étang à moitié abandonné aux phragmites, vieux trou d’eau noir, jungle de plantes ancrées dans la boue, etc.;
– la mare fait partie du négatif. Ceux qui la choisissent sont conscients de choisir du négatif par rapport aux critères usuels;
– la mare est un lieu pédagogique reconnu. Toutes sortes de méthodes, de « valises », de documents incitent à ETUDIER la mare;
– la mare est un lieu oublié dont la fonctionnalité a disparu. On ne sait pas très bien où elles sont;
– la mare est le plus souvent œuvre humaine au départ mais perd très rapidement les aspects symboliques de l’intervention de l’homme.
– La nature qui a de la valeur doit entrer dans un cadre institutionnel fondée sur l’idée de protection.
– La protection a pour but de construire un bouclier contre l’attaque, mais en aucun cas de faire cesser l’attaque.
– La valeur de la nature est faite d’éléments indépendants de l’homme.
– Ces éléments indépendants de l’humanité doivent cesser de l’être pour faire place à une gestion, étudiée, administrée, financée.
– La nature doit cesser d’évoluer et être figée à un stage bien déterminé.
– Il existe des parties de la nature déclarées « scientifiquement » sans intérêt, d’intérêt moindre, ou au contraire d’intérêt exceptionnel.
lsamuel
Dans le contexte de la rencontre organisée par les JNE le 8 janvier 2026 autour de sa pensée pour le 20e anniversaire de sa mort, nous mettons en ligne sur ce site un ensemble de textes de François Terrasson, en partie inédits. Voici ses réflexions sur les herpétologistes et autres spécialistes des sciences naturelles. À notre époque paradoxale, on peut encore trouver des gens qui étudient les sciences naturelles sans se soucier de protection de la nature. Aux yeux de n’importe quel naturaliste passionné une telle information semble complètement incroyable. Cependant ceux pour qui les espèces ne sont que du « matériel » biologique existent, qu’ils proviennent des forêts ou des savanes, du zoo ou de l’élevage, c’est tout à fait indifférent. À la limite, en cas de disparition on passera à autre chose. Ce qui différencie le conservationniste n’est pas de l’ordre de la compétence scientifique, mais de la sensibilité. Peut-être alors que ceux qui souhaitent voir vivre encore des serpents et des grenouilles au fond des forêts vierges feraient-ils bien de songer à s’étudier eux-mêmes un tout petit peu. Pour savoir où ils en sont par rapport au reste de la société, et même au sein de la communauté scientifique. Ils découvriraient qu’on n’a jamais vu personne se mettre à adorer une espèce rare de Triton sous prétexte qu’elle est rare, jamais transformé un frisson de terreur devant les tortillements de l’Orvet parce qu’on a expliqué qu’il est inoffensif, que ceux qui trouvent ça beau, intéressant, c’est-à-dire eux, batracho, herpéto… etc. sont perçus comme tout à fait spéciaux, voire un brin anormaux. La place de la nature dans la société, la valeur qu’elle a dans les esprits, les images mentales qui gouvernent les actes et les sensations sont les véritables moteurs qui font qu’en définitive nos animaux préférés se maintiennent ou sont éliminés. Ces domaines sont peu étudiés. Ils réservent des surprises, pas toutes agréables. La société, quelle qu’elle soit, aime bien tenter d’homogénéiser la pensée en diffusant ce qu’on appelle les modèles culturels. Seuls quelques individualistes échappent au modelage culturel qui, inconsciemment nous détermine sur tout : habits, nourriture, mimiques faciales, mais aussi réactivité vis-à-vis de la grenouille, de sa peau lisse un peu gluante, du serpent et de son mouvement saccadé et de son contact imaginé. Les herpétologistes n’ont pas de chance avec les modèles culturels. Leurs animaux évoquent beaucoup l’organique, le côté « tripes et boyaux » de la nature. Certains, par le milieu marécageux, où ils vivent, en rajoutent. Eaux perçues comme sales, foisonnantes de vie, cachées, putrides, œufs collants, glaireux, ou bien frémissement équivoques dans les broussailles. Chez nous, modernes citadins occidentaux, un modèle émotionnel inconscient tout à fait permanent malgré son irréalisme nous amène à nous conduire comme si nous étions de purs esprits, désincarnés et quasiment métalliques. Les vases grenouillesques, de ce point de vue, ne sont pas propres. Les bêtes qui y vivent non plus. Ceux qui s’y intéressent et aiment ces bêtes itou. Car ils transgressent le grand tabou. Nous devons faire comme si nous n’étions pas organiques, comme si nous vivions sans assisses biologiques. C’est un credo qui ne souffre pas de discussion et tous les aménagements l’appliquent, pour que nos concitoyens oublient les deux grands problèmes organiques que notre société échoue à gérer : la mort et la sexualité. Comment peut-on savoir tout cela ? Par l’observation comportementale. L’écoute non sollicitée, le repérage des gestes. Une éthologie humaine face à la nature. On comprendra mieux ensuite la diabolisation des friches, force de la nature en train de mettre de l’incontrôlé organique dans l’ordre humain de plus en plus technocratique. Et l’amateur de tritons dans tout ça ? Accroupi près de sa mare, entend-il arriver les bulldozers ? Et quand ceux-ci seront passés réalise-t-il que s’ils l’ont évité il ne perd rien pour attendre. Dévalorisé en même temps que le marécage, marginalisé en même temps que le serpent, il verra qu’on ne l’oublie pas. On ne le supportera qu’encagé dans les réserves avec des aumônes financières de plus en plus évanescentes ? Alors, adieu, veaux, vaches, tritons, couvées ?… Certainement pas ! Mais ceci passe par une compréhension approfondie de la société, de ses images et de ses valeurs. Et une action plus passionnelle et plus artistique peut-être que scientifique. Le plus grand risque est de se croire déjà vaincu au lieu d’avoir l’ambition de faire émerger de nouveaux modèles d’aménagements où bulldozers, herpétologues et tritons marcheront main dans la main. Photo : lézard ocellé d’Oléron © Marie-Do Couturier L’article Crapauds, lézards et herpétologistes est apparu en premier sur Journalistes Écrivains pour la Nature et l'Écologie. Texte intégral (942 mots)
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