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16.12.2025 à 16:28

La bactérie et la goutte de pluie : une autre histoire des cycles de l’eau

Emma Haziza

Texte intégral (5550 mots)

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Temps de lecture : 19 minutes

Ce texte est extrait du livre Vers des politiques des cycles de l’eau, dirigé par Marin Schaffner et Mathias Rollot, paru en 2025 aux éditions Le bord de l’eau dans la collection « En Anthropocène ».


En premier lieu, je voudrais témoigner d’une tendance de fond que j’observe au niveau mondial sur la façon d’approcher aujourd’hui une vision plus systémique de la science, plus appliquée également. La science doit venir résoudre des problèmes concrets du quotidien. Les enjeux liés à la cinétique rapide du changement climatique font partie de ces sujets qui nécessitent une recherche-action opérationnelle. J’observe de plus en plus de chercheur·es à l’échelle internationale prendre cette tangente vers plus de pluridisciplinarité, et qui font évoluer la recherche scientifique par des voies disruptives. Les approches en silo – depuis les grandes disciplines héritées – apparaissent à un nombre croissant de scientifiques comme un modèle en train de s’épuiser, car il ne répond plus aux problématiques immédiates de notre monde moderne, qui n’a plus le temps de collecter des données sur un temps long pour affirmer des tendances et engager des prises de consciences. Dans un monde en mouvement, dont la bascule est à la fois extrêmement rapide et parfois même violente, si l’on veut répondre aux enjeux de vulnérabilité territoriale, il y a une nécessité de plus en plus flagrante à travailler avec des approches pluridisciplinaires et transversales. Au fond, il s’agit peut-être de pouvoir approcher un territoire un peu comme on approche un être vivant.

Dans ce contexte, la question du cycle de l’eau qui nécessiterait une approche systémique (du fait de la complexité des enjeux en place) nous est enseignée dès le primaire de manière simpliste, comme un cycle renouvelable, sans intervention humaine au sein de chaque processus. Et quelque part, c’est cette image qui reste ensuite dans la conscience collective empêchant de se confronter à une réalité qui nécessite des actions de fonds comme d’urgence. À titre d’exemple, dès qu’il pleut, tout le monde est persuadé que le problème de sécheresse est résolu.

L’une des découvertes les plus incroyables de ces dernières décennies est que le cycle de l’eau n’existe et ne se renouvelle que grâce au vivant.

On oublie à quel point la nature est bien plus complexe que cela. L’une des découvertes les plus incroyables de ces dernières décennies – et qui illustre cette complexité – est le fait que le cycle de l’eau n’existe et ne se renouvelle que grâce au vivant. Ce ne sont pas simplement des molécules d’eau qui précipitent, s’évaporent, ruissellent ou s’infiltrent, mais une symbiose entre un microbiote atmosphérique composé de spores et de bactéries pathogènes de végétaux capables de générer les pluies. Une goutte de pluie ne prend donc naissance que grâce à un support et dans de nombreux cas, celui-ci est un organisme vivant, en l’occurrence une bactérie dont la stratégie de colonisation s’appuie sur sa capacité à fabriquer la pluie. On change alors de paradigme, ce n’est plus la forêt qui a besoin de la pluie mais la pluie qui se met à avoir besoin de la forêt pour exister.

Nos représentations générales sont formées de telle manière qu’on ne pense généralement qu’aux molécules d’eau et à leur changement d’états. L’approche de la complexité des systèmes naturels nous embarque dans une histoire merveilleuse dont on ne perçoit qu’une infime partie avec l’état actuel de nos connaissances. Or, de la même manière que nous-mêmes sommes fait·es de 100 000 milliards de bactéries et de seulement 37 milliards de cellules humaines, le cycle de l’eau est en interaction permanente avec de nombreux organismes vivants, et n’existe que grâce à eux.

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De l’importance de regarder correctement les nuages

Pour poursuivre cette idée, j’aimerais prendre l’exemple de « l’ensemencement » des nuages. C’est un terme que l’on entend généralement pour qualifier une pratique humaine – et donc artificielle – qui consiste à provoquer des pluies en envoyant des molécules chimiques dans l’atmosphère. Cela se pratique depuis des décennies, que ce soit en Chine, en Australie, à Dubaï, ou encore au Mexique. Je précise ici qu’au niveau mondial est actuellement en train de se dérouler une chasse à cellui qui va récupérer l’eau de l’autre – et cette guerre de l’eau se joue sur trois plans, les eaux souterraines, les réseaux de surface, mais également au niveau de nos eaux atmosphériques.

Si on s’intéresse tout particulièrement à « l’ensemencement » naturel des nuages, en dehors de toute interaction avec les humains, cette phase est plus que nécessaire, puisque c’est la fonction intégrante de création de la pluie. Pour que la goutte d’eau puisse se former et passer ainsi de l’état de vapeur à l’état liquide, il faut un support, une sorte de « graine » (et c’est bien pour cela qu’on utilise le terme d’ensemencement comme on pourrait l’utiliser sur le plan agricole). À l’échelle de la planète, la majorité de ces « graines » sont des grains de sel arrachés aux mers et océans par les vents et transportés en haute altitude pour contribuer à la formation des pluies. C’est ce qui explique que 80 % des pluies se trouvent au-dessus des océans. Une partie de ces pluies formées (20 à 21 %) arrive sur les continents. S’opère alors ce qu’on appelle un recyclage continental, c’est-à-dire que ces pluies vont se renouveler au-dessus des terres émergées.

« L’ensemencement » naturel des nuages est largement dû à une bactérie qui peut former de la glace sur sa capsule et attirer ainsi la vapeur d’eau pour la condenser sous forme de microgouttelettes de pluie.

En 1982, un chercheur a mis en évidence le fait qu’une majeure partie de cette « graine » était en fait une bactérie (du genre Pseudomonas) qui a la faculté sur sa capsule d’être glaçogène, c’est-à-dire de former de la glace et d’attirer ainsi la vapeur d’eau en la condensant sous la forme de microgouttelettes de pluie. Une fois que celles-ci ont atteint un poids suffisant sur le plan gravitaire, les gouttes d’eau tombent et forment ainsi la pluie. Or cette bactérie est un pathogène sur l’ensemble du monde végétal. Elle a donc besoin des couverts végétaux pour proliférer, et être ensuite emportée en haute altitude pour contribuer à la formation de pluies. La nature nous a donc offert une bactérie capable de régénérer les pluies continentales.

La Sienne depuis la berge à Beslon. Photographie ©GANG – https://gvng.fr/constantia

Comprendre cela, c’est comprendre que, si l’on veut pouvoir régénérer des pluies en temps de sécheresse, nous avons besoin à la fois d’un maximum de couvert végétal (des forêts, mais aussi des champs) et du moins d’intrants chimiques possibles (car des tests montrent que ces bactéries sont tuées par les pesticides et meurent au-dessus de 30°C). À l’heure actuelle, dans le sud de l’Espagne, de grands problèmes de lutte contre les sécheresses se concentrent massivement sur la coupe d’arbres – car on estime qu’un arbre pompe 1 000 litres d’eau par jour, et que cela entre en concurrence avec les besoins humains. Des réflexions similaires existent aussi sur certains massifs forestiers en France. Les arbres, par leur évapotranspiration, sont pourtant aujourd’hui les meilleurs des climatiseurs – puisqu’ils répartissent la vapeur d’eau. Méconnaître le rôle de chaque élément du système et conserver une logique en silo conduit à des prises de décisions absurdes.

A-t-on donc vraiment bien compris la complexité et la magie extraordinaire de ces cycles de l’eau ? Les respecte-t-on ? Ne sommes-nous pas en train de regarder un problème plus vaste par des bouts de lorgnettes ? Les décisions qui sont prises en rapport avec la ressource en eau – toujours dans des logiques de production, de rentabilité et de concurrence – ont-elles encore un sens ?

Personne ne dit jamais qu’il n’y a pas de cycle du carbone sans cycle de l’eau : si vous n’avez pas d’eau dans vos sols, vous n’aurez jamais de captation de carbone.

Je pose ces questions car l’eau est au fondement de l’alimentation de tous les systèmes économiques. Il n’y a pas un seul système économique dans le monde qui ne s’appuie pas sur de l’eau. Si vous voulez de l’énergie, par exemple, il vous faut de l’eau – que ce soit pour aller chercher du pétrole, extraire du charbon, faire de l’hydroélectricité ou refroidir des centrales

Lire aussi | Face à la bataille de l’eau, l’hypothèse biorégionaliste・Mathias Rollot (2023)

Le réchauffement n’est qu’un épouvantail

On nous raconte également très souvent que tous les désastres climatiques en cours (ces inondations et ces sécheresses qui témoignent d’une accélération du cycle de l’eau) sont liés au réchauffement climatique. Pourtant, la majeure partie du dérèglement des cycles de l’eau est directement liée aux pratiques humaines – et aux manières dont iels perçoivent ces cycles, les gèrent et les exploitent. Dès le début du XXe siècle, on a ainsi assisté à une course – de la part des grands dictateurs comme des grandes puissances capitalistes – au contournement massif des cours d’eau. Cette tentative de domination de la nature était une manière de montrer que l’ingénierie humaine peut dompter et maîtriser les cycles ; et les États-Unis comme la Russie ont commencé à détourner leurs grands fleuves. D’ailleurs, le détournement des fleuves russes vers le Turkménistan et l’Ouzbékistan (avec 1,2 million de prisonniers de guerre – les fameux goulags), en vue de transformer d’immenses steppes désertiques en plaines luxuriantes de coton (celles-là même qui aujourd’hui permettent d’obtenir les volumes gigantesques nécessaires à la fast fashion), c’est ce qui amène aujourd’hui à la disparition de la mer d’Aral : et l’on voit que cela n’est en rien directement lié, de prime abord, au changement climatique. On voit donc bien avec cet exemple comment les systèmes économiques existants sont directement liés aux manières dont on a dominé l’eau et dont on a empêché toute possibilité de restauration de ces cycles entravés.

La majeure partie du dérèglement des cycles de l’eau est directement liée aux pratiques humaines – et aux manières dont les humains perçoivent ces cycles, les gèrent et les exploitent.

Partout sur la planète, il n’y a quasiment plus aucun endroit dans lequel cette eau n’a pas été pillée en surface. Mais l’autre mouvement corollaire, c’est celui du pillage en profondeur. En Inde, où l’eau affleurait historiquement à moins de 4 mètres quasiment partout, il y a désormais certaines régions où, même à 500 mètres de profondeur, on ne trouve plus d’eau. Un nouveau marché est même en train de naître en Inde, où les petit·es propriétaires terrien·es ne vendent désormais plus leur production agricole, mais leur eau (voyant passer tous les jours des dizaines de camions-citernes chez eux, pour emmener l’eau vers des endroits où il n’y en a déjà plus). Cela conduit à des désastres, absolument cruciaux à comprendre, car on assiste à des migrations massives, vers les grands centres urbains – en Inde mais aussi en Ouzbékistan ou en Chine –, de personnes qui ne peuvent plus rien faire pousser et parfois même qui n’ont plus à boire. Là encore, ces migrations ne sont pas directement liées au changement climatique, mais plutôt à nos modèles de consommation et à nos modèles d’aménagement. De la même manière, la majeure partie de l’effondrement massif de la biodiversité découle de la déstabilisation des chaînes trophiques, par la disparition des habitats et par les pollutions. En cela, le changement climatique n’est qu’un accélérateur de problématiques préexistantes. Nos émissions de CO2 ne sont qu’une couche supplémentaire sur des dérèglements plus profonds, découlant de nos modèles de sociétés.

A l’aube, brume sur la Sienne sous le pont de Hyenville. Photographie ©GANG – https://gvng.fr/constantia

Restaurer au lieu de bouleverser

Comprendre ces cycles de l’eau de façon systémique, cela permet en retour de pouvoir envisager de restaurer ces cycles, et de les ralentir. Ce que cela veut dire, c’est qu’une fois que la goutte d’eau tombe sur le sol, il va falloir lui faire suivre le chemin le plus long possible, pour qu’elle ait le temps au maximum de réussir à s’infiltrer. Car sur 100 % de pluie qui tombe, dans un cadre idéal, ce sont seulement 9 à 10 % qui pénètrent à l’intérieur des sols et rejoignent une nappe phréatique. On est donc dans un contexte où il faut envisager toute une série de solutions et de moyens pour parvenir à cela : jouer avec l’ombre et la limitation de l’érosion (c’est pour cela que l’on parle beaucoup d’agroforesterie et de haies), jouer avec des phénomènes de rétention naturelles ou biomimétiques (afin de recréer un maximum de verticalité dans ces cycles de l’eau accélérés), etc. Par exemple, dans la ville de Montpellier (où j’ai longtemps vécu), nous avions fait une étude sur tous les puits anciens, afin de retrouver les endroits où l’eau peut rejoindre la nappe ; et nous avons découvert que la seule zone encore restante d’impluvium, c’était le jardin des plantes historique de la ville. Sans ce jardin municipal qui est protégé, il n’y aurait plus un seul endroit aujourd’hui, dans une ville de cette taille, pour permettre une verticalité du cycle de l’eau.

Sur ces cinq dernières années en France, plus de 50 % des personnes qui ont été inondées l’ont été en dehors de zones inondables.

Or tout cela commence à se voir de façon flagrante. Sur ces cinq dernières années en France, plus de 50 % des personnes qui ont été inondées l’ont été en dehors de zones inondables. Cela ne veut pas dire que l’on mesure mal les zones inondables. C’est juste que les cartographies existantes s’appuient sur les tracés des lits mineur et majeur des cours d’eau, alors que l’eau aujourd’hui n’a même plus le temps de rejoindre les lits des rivières et des fleuves – et qu’elle prend donc d’autres chemins, non prévus par les cartographies existantes. Dans une telle situation de déshydratation des sols, le moindre axe d’écoulement préférentiel se transforme en véritable cours d’eau – par exemple une rue. Commencer à comprendre cela, c’est donc comprendre que le risque change, qu’il se modifie.

Lire aussi | Inondations et barrages dans la vallée de la Vesdre : l’aménagement du territoire en question ・Marie Pirard (2023)

En 2024, il a beaucoup plu (peut-être trop même, comme a pu le démontrer le nombre de sinistré·es d’inondations dans les Hauts-de-France), et on pourrait donc avoir l’impression que les problèmes de sécheresses des années précédentes sont résolus, et que nos nappes sont à nouveau bien pleines. Mais, c’est là où il est important de regarder ces enjeux à l’échelle de plusieurs années. Par exemple, l’année 2018 a beaucoup ressemblé à l’année 2024 (avec une crue majeure de la Seine, pour celleux qui s’en souviennent, et des nappes bien rechargées) ; et, pour autant, on a eu trois semaines de canicule en juillet qui nous ont fait rebasculer, presque sans transition, dans un état de sécheresse historique. Ce phénomène porte aujourd’hui un nom scientifique, et il est constaté partout à travers le monde : ce sont des « sécheresses éclairs ». Et nous ne sommes pas habitué·es à cela. Pour rappel, la grande sécheresse de 1976 (qui avait conduit à la création d’un « impôt sécheresse » pour tous les habitants – ce qui avait coûté son poste de Premier ministre à Jacques Chirac à l’époque) était une « sécheresse froide ». Il y avait eu alors une forte absence de précipitations, mais pas d’anomalie de température à la hauteur de ce que nous enregistrons ces dernières années.

Au début des années 2000, les zones de crise pouvaient correspondre à 2 % du territoire national ; à partir de 2017, quasiment chaque année, près de 90 % du territoire est en crise.

Or aujourd’hui, on peut avoir des sécheresses moins importantes en termes de manque de pluie, mais les températures de plus en plus caniculaires (qui peuvent dorénavant atteindre 42°C dès le mois de juin à Paris et 46°C dans le Sud, comme en 2019) génèrent des sortes de « sèche-cheveux » massifs, qui peuvent entraîner des bascules extrêmement rapides. Il va donc assurément falloir restaurer ces cycles rapidement, mais il va aussi falloir de l’agilité. Ça devient une urgence pour nos territoires. Ce sont pourtant des questions qui sont encore très loin de se poser, dans nos institutions, à la hauteur de ces urgences. Par exemple, en France, nous n’avons quasiment aucun·e expert·e sécheresse – car la question ne se posait que très rarement dans des climats tempérés comme les nôtres. Et donc, personnellement, j’ai dû me former sur le tas, à partir de 2017, en travaillant à partir de toute la littérature existante ; puis en essayant de modéliser, au plus près des territoires ce qui est en train de se passer, année après année. Tout cela demande de la recherche-action, mais aussi de « disrupter » les modèles scientifiques habituels.

Moutons de prés salés en bord de Sienne, dans le havre de Regnéville-sur-Mer. Photographie ©GANG – https://gvng.fr/constantia

Remettre les pieds dans les bassines

Pour finir, ce tour d’horizon, j’aimerais revenir sur les enjeux et les controverses des bassines – qui me paraissent être une autre très bonne porte d’entrée pour comprendre les problématiques et les enfermements systémiques qui sont aujourd’hui les nôtres. Mon enjeu ici sera de reposer le décor de manière globale.

Ainsi, si cette question des bassines existe, c’est d’abord parce que nous avons eu la crise de sécheresse de 1976 (que j’évoquais précédemment) et qui a fait très peur au gouvernement à l’époque. Gouvernement qui avait alors choisi l’option de préserver les cours d’eau et les nappes, plutôt que les autres usages, lorsque celles-ci se retrouvent dans des états de tension extrêmes. Une réglementation avait été mise en place, qui fait que – aujourd’hui encore – dès lors que l’on atteint un scénario qui ressemble à celui de 1976, des arrêtés préfectoraux sont pris dans les zones en crise, interdisant tous les usages qui ne sont pas considérés comme « prioritaires ». Ce qui est priorisé, c’est la salubrité publique, les hôpitaux et les eaux domestiques. L’irrigation agricole devient donc strictement interdite dans de telles périodes de crise. Au début des années 2000, il arrivait ainsi, certaines années, d’avoir des zones de crise qui correspondait à 2 % du territoire national ; puis 10 % du territoire au début des années 2010 ; et, à partir de 2017, quasiment chaque année, près de 90 % du territoire en phase de crise. On demande donc à une profession agricole – qui s’est appuyée sur un modèle d’irrigation massive comme on l’y a incitée durant des décennies – de stopper net son activité en été. Les agriculteur·es se retrouvent ainsi à devoir stopper des productions énormes en termes de volumes, qui sont destinées à l’export et qui représentent donc, en cumulé, des milliards d’euros. À noter au passage, en outre, que beaucoup de pays sont totalement dépendants de certaines de nos productions : le Maroc par exemple, avec notre blé. Les questions sont donc d’ordre économique mais aussi géopolitique, et elles sont extrêmement complexes.

Dans les bassines, l’eau stagne et avec l’apport aérien de matières organiques, croupit. Cette eau croupissante engendre un développement algaire et un risque de prolifération, notamment de salmonelle et de cyanobactéries.

Quand de telles décisions de crise sont prises, les instances agricoles se questionnent donc sur les manières de contourner ce schéma-là. Or, quand on regarde dans les textes, on voit qu’il est possible d’irriguer lorsque vous êtes dans une zone où il existe une retenue collinaire (c’est-à-dire, une sorte de mini-barrage qui permet de retenir des eaux d’écoulement qu’on utilisera avec un effet retard) – les retenues naturelles pouvant aussi être utilisées durant ces phases de crise. C’est ainsi que dans des zones complètement plates, telles que les Deux-Sèvres, où il n’y a absolument aucune possibilité de créer des retenues collinaires, on a eu l’idée de venir pomper dans les nappes, durant la phase hivernale, avant les arrêtés sécheresse du printemps. Ce qu’on appelle une « bassine », c’est l’équivalent de jusqu’à 260 piscines olympiques remplies avec de l’eau extrêmement pure – de l’eau souterraine protégée jusque-là tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Cette eau est stockée dans une sorte d’immense bassin avec un fond plastifié en attendant l’été et la période de risque de restriction maximale. Sauf que dans ces bassines, il se passe un phénomène à la fois tellement logique et prévisible, et un danger connu par les humains depuis la nuit des temps : l’eau stagne et avec l’apport aérien de matières organiques, croupit. C’est un danger qui a particulièrement marqué les consciences collectives dans notre pays. Les épidémies de choléra ont engendré une défiance sur la relation entre l’eau et les humains. Et c’est une des raisons majeures qui a poussé la France à assécher une grande partie de ses marais et de ses zones humides, et d’éloigner l’eau des villes en endiguant les cours d’eau.

Pour en revenir aux bassines, cette eau croupissante engendre le développement algaire et le risque de prolifération, notamment de salmonelle et de cyanobactéries. Cela semble pourtant être du bon sens : on a tous déjà vu de l’eau stagnante dehors et constaté un changement de couleur et le développement de bactéries. À l’heure du changement climatique, d’autres risques comme le développement de moustiques-tigres s’additionnent. Certains témoignages de développement algaire dans certaines retenues de substitutions (dites « bassines ») sont tels que des plongeurs ont été envoyés pour décolmater les stations de pompage d’irrigation bouchées par les algues. Pour conclure, ces bassines représentent des systèmes qui ne servent même pas leur cause initiale, c’est-à-dire l’assurance d’un stockage d’eau efficace et de qualité. Il s’agit purement et simplement d’une appropriation de l’eau souterraine impliquant des grands exploitants, dont principalement des céréaliers, pour une eau qui au final n’est même pas assez qualitative pour être exploitée de manière sûre.

Lire aussi | Depuis le delta du Pô, regarder en face la crise climatique・Un groupe d’amis du Delta (2025)

Ces bassines sont donc le reflet d’un contournement de la réglementation, mais d’un contournement bien particulier, car ce sont les préfets qui à la fois interdisent les usages non prioritaires, tout en autorisant le pompage des bassines. Un double discours qui sert à essayer d’empêcher que certaines économies fragiles ne se retrouvent piégées face à un changement climatique trop rapide et trop violent. La France, d’ailleurs, fait partie des pays qui se réchauffent le plus rapidement dans le monde – on ne s’en rend pas forcément compte, mais notre territoire se réchauffe 20 % plus rapidement que la moyenne planétaire. Nous sommes donc, de fait, sur un temps de bascule qui est du même ordre que celui de la zone arctique ou du Canada. Sur l’Amérique du Nord et sur l’Europe du nord, les bascules sont particulièrement rapides ; et les systèmes agricoles ne peuvent pas réussir à s’adapter.

Avec cette controverse des bassines, on fait fi d’une véritable prise de conscience de ce qu’est le cycle de l’eau, et des problèmes profonds qu’il est en train de rencontrer. En pompant, on déconnecte la nappe de la rivière, ce qui déconnecte ensuite tout le vivant des cours d’eau, créant des à-secs plus rapidement…

Sources de la Sienne dans la forêt de Saint-Sever. Photographie ©GANG – https://gvng.fr/constantia

Le problème mondial des aquifères

La bascule mondiale en cours tend ainsi vers une perte de l’eau continentale – cette eau qui était dans nos cours d’eau et dans nos nappes. Une récente mission de la NASA (la mission « GRACE ») a montré, via deux satellites, que la variation de la gravité terrestre entre 2002 et 2017 est directement liée au niveau d’extraction des nappes d’eau souterraines, à l’échelle planétaire.

À ce jour, 21 des 37 plus grands aquifères du monde sont en voie d’extinction et de tarissement. Tout cela va poser des questions géopolitiques majeures dans les années et les décennies à venir. Des questions de migrations hydriques aussi, nécessairement. Car, par exemple, l’un de ces grands aquifères est en Chine et 1 milliard de personnes sont en train de se nourrir de riziculture directement dépendante de cette gigantesque nappe qui atteint des niveaux critiques. Ou encore, dans le Middle West américain, vaste région de plaines agricoles, il faudrait 2 700 ans de pluie pour restaurer les aquifères profonds. Il semble donc aujourd’hui impossible de résoudre les choses avec des solutions simples.

Rappelons que l’eau douce représente 2 % de l’eau mondiale, les nappes 1 % et nos cours d’eau 0,00028 %. Nos fleuves et nos rivières sont donc extrêmement fragiles.

À travers cet état des lieux, l’idée était de permettre une prise de conscience de cette nécessité d’une approche systémique par plusieurs prismes, qui s’avère fondamentale pour notre avenir. En se mettant de nouveau à respecter le cycle de l’eau, nous allons nous remettre à restaurer tous les cycles. Ensuite nous devons intégrer à quel point l’eau a des capacités exceptionnelles, c’est une vraie surdouée – elle est en effet à la fois solvant extraordinaire, elle refroidit, réchauffe et nous l’utilisons dans tous nos systèmes industriels sans exception. C’est aussi une eau (souvent invisible) qui fait qu’aujourd’hui nous sommes tout·es habillé·es et que nous nous nourrissons (notre bol alimentaire étant en moyenne composé de 3 000 litres d’eau par jour). Tout cela rend la problématique de préservation quantitative et qualitative de l’eau continentale cruciale pour le devenir de l’humanité.

Rappelons pour finir que l’eau douce représente 2 % de l’eau mondiale. Les nappes 1 %. Nos cours d’eau, eux, 0,00028 %. Nos fleuves et nos rivières sont donc extrêmement fragiles. Nos nappes sont en train d’être pillées. C’est notre avenir qui se joue devant nous. Alors gardons en tête que les cycles de l’eau sont non renouvelables et vivants ; et que sans eux, il n’y a plus rien.

Image d’accueil : « La Sienne à la sortie du barrage du Gast ». Toutes les photographies qui illustrent cet article sont issues du projet de recherche-création « À la recherche de Constantia – Une itinérance de bassin-versant », de l’auteur Marin Schaffner et des photographes et architectes du collectif GANG.

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11.12.2025 à 14:52

La fabrique d’un boycott : comment Israël a perdu le charbon colombien

Andreas Malm · Maxy Guedes

Texte intégral (6299 mots)

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Temps de lecture : 27 minutes

Cet article est la version française et enrichie de « The Making of a Coal Boycott. Inside the campaign to break the toxic relationship between Colombian mining and Israeli militarism », une enquête parue dans la revue Jewish Currents en octobre 2025. La traduction a été réalisée par la co-autrice.

Le 1er novembre 2023, trois semaines après le début de la guerre israélienne contre Gaza, cinq jours après l’entrée des chars dans la bande de Gaza, le lendemain de l’ensevelissement de plus de 150 Palestinien·nes sous un immeuble d’habitation à Nuseirat – dont environ la moitié étaient des enfants, beaucoup jouant au football à proximité de la maison au moment des bombardements –, un acteur fait son entrée en scène depuis l’autre côté de l’Atlantique : Sintracarbón, le syndicat des mineurs de charbon colombiens. Dans un communiqué, Sintracarbón qualifie les événements de « génocide » et appelle le gouvernement colombien à « suspendre les exportations de charbon vers Israël »

« Nous sommes conscients que notre travail actuel est cause de souffrance, de douleur et de mort pour nos frères et sœurs en Palestine, nous confie quelques mois plus tard Juan Carlos Solano, mineur de charbon et membre de Sintracarbón. Nous avons vu comment Israël utilise l’énergie que nous produisons pour fabriquer toute cette technologie de pointe et ces logiciels, tous ces instruments de guerre. Nous avons dit aux entreprises que nous ne voulons pas que notre travail ait cet effet dans une autre partie du monde. C’est pourquoi nous signons ces documents pour protester contre la guerre d’extermination. »

Plus proche du bain de sang, Leyla, une militante palestinienne, est galvanisée par cet appel. Originaire de Gaza mais vivant à Amman en Jordanie, Leyla, qui a souhaité conserver l’anonymat, travaille pour Disrupt Power, un collectif de recherche militant palestinien en quête de moyens pour enrayer la machine de mort. Pour elle, le charbon est la cible idéale : « Le charbon importé en Israël est directement injecté dans son réseau électrique unifié. Il alimente les colonies de Cisjordanie, l’intelligence artificielle utilisée pour bombarder Gaza, les usines d’armement, les bases : tout fonctionne à l’électricité », nous explique-t-elle lors d’un entretien en juin 2025. En collectant des données, Leyla et ses collègues découvrent que plus de 60 % de ce charbon provient de Colombie. Après avoir identifié les navires qui transportent le charbon et les ports où ils accostent, ils transmettent leurs recherches à l’Institut Palestinien de Diplomatie Publique (PIPD), une ONG basée à Ramallah.

Au printemps 2024, Amira, une militante du PIPD qui a également requis l’anonymat, quitte la Cisjordanie avec une mission : convaincre le gouvernement colombien de ne pas exporter son charbon vers Israël.

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Le décret 1047, préambule à l’arrêt des exportations de charbon colombien vers Israël

Lorsque la Grande-Bretagne occupa la Palestine à partir de 1917, elle apporta avec elle une économie fonctionnant aux combustibles fossiles. Principale source d’électricité, le charbon joua un rôle crucial dans l’accélération de la colonisation de la région. Au début du XXe siècle, les colonies juives bénéficièrent d’un accès privilégié au réseau électrique palestinien nouvellement établie siècle, le charbon importé demeura la principale source d’électricité produite et distribuée sur les territoires conquis en 1948 et en 1967.

Mais à l’aube du nouveau millénaire, du gaz fut découvert dans les eaux de la Palestine historique, et Israël intensifia rapidement son extraction afin d’alimenter ses centrales électriques avec cette ressource. Ce fut un succès mitigé

À la veille du génocide à Gaza, entre un cinquième et un quart de l’électricité israélienne provenait de la combustion du charbon, extrait en grande partie de terres violemment dépeuplées en Colombie.

C’est avec cette réalité en tête qu’Amira se rend à Bogota début 2024, espérant convaincre la Colombie de mettre fin à une collaboration qui a ravagé de nombreuses vies des deux côtés de l’Atlantique. Elle veut s’adresser à un gouvernement colombien qui, pour la première fois de son histoire, est composé de forces de gauche. En 2022, Gustavo Petro, ancien membre du Mouvement du 19 avril (M-19), organisation de guérilla d’extrême gauche, a été élu président de la Colombie. Il a été soutenu par une multitude de mouvements sociaux, dont Sintracarbón, les groupes indigènes et les organisations environnementales. Petro avait fait campagne avec le slogan « la politique de vie » et avec un programme de refonte de l’économie colombienne, prévoyant notamment – et c’est là le plus audacieux – de la sevrer des énergies fossiles. Après sa victoire, le gouvernement a rapidement lancé le programme de transition le plus radical jamais mis en œuvre dans un pays producteur d’énergies fossiles : interdiction totale de toute nouvelle infrastructure liée aux énergies fossiles

Lire aussi | Il faut détruire les infrastructures des énergies fossiles・Andreas Malm (2023)

L’une des architectes de ce programme est Susana Muhamad, première ministre de l’Environnement de Petro jusqu’au début de l’année 2025. Lorsque nous la rencontrons en avril 2025, elle nous confie se préparer à mener sa propre campagne présidentielle. Figure emblématique de la justice climatique et de la protection de la biodiversité en Colombie, elle est également palestinienne, petite-fille d’un immigrant ayant fui la conscription dans l’armée britannique en 1925.

Susana Muhamad a renoué avec la Palestine lors d’un voyage en Cisjordanie en 2009. « Mon grand-père n’est jamais retourné en Palestine, mais il est resté en contact au fil des ans par courrier, notamment avec sa femme et les deux enfants qu’il avait laissés derrière lui. J’avais des dizaines de cousins éparpillés autour de Ramallah qui savaient que j’existais. Ils n’arrêtaient pas de me demander : ‘Pourquoi n’es-tu pas venue plus tôt ?’ Ces liens familiaux transcendent le temps et l’espace », nous raconte-t-elle.

Manifestation et concert de soutien à la Palestine devant le palais présidentiel de Bogotá en 2024. Wikimedia.

C’est donc à Susana Muhamad qu’Amira, l’activiste du PIPD, choisit de rendre visite. Lorsqu’elles se rencontrent autour d’un café à Bogotá, la militante expose sa mission à la ministre. Susana Muhamad est horrifiée d’apprendre le rôle crucial que joue le charbon colombien dans le génocide en cours : «  J’ai dit : « Il faut absolument que le président Petro soit au courant » – et j’ai ouvert la voie aux mouvements sociaux palestiniens pour qu’ils transmettent directement leur message au président. » Petro, qui a toujours affiché sa solidarité avec les Palestiniens, est aisément convaincu

Outre-Atlantique, la décision de Petro de se désengager concrètement du génocide commis par Israël fait des vagues. Il s’agit de la plus grande victoire à ce jour pour la campagne en faveur d’un embargo énergétique contre Israël, voire pour le mouvement de boycott dans son ensemble. Le Front populaire de libération de la Palestine et le Hamas saluent cette initiativeJacobin : « La Colombie étant le premier exportateur de charbon vers Israël, cette décision n’est pas seulement une victoire symbolique, mais elle démontre l’impact considérable qu’un embargo énergétique plus large pourrait avoir pour mettre fin au génocide israélien à Gaza. »

Outre-Atlantique, la décision de Petro de se désengager concrètement du génocide commis par Israël fait des vagues. Il s’agit de la plus grande victoire à ce jour pour la campagne en faveur d’un embargo énergétique contre Israël, voire pour le mouvement de boycott dans son ensemble.

En réaction à l’annonce de l’embargo, la Compagnie israélienne d’électricité, principal fournisseur d’électricité du pays, déclare être en négociations avec des « fournisseurs alternatifs » d’énergie afin d’« élargir sa marge de manœuvre ». Il n’empêche que l’asphyxie des approvisionnements colombiens menace de laisser Israël à bout de souffle en matière d’énergie.

Plus tard, il s’avéra pourtant que l’extraction minière alimentant Israël ne s’interrompit pas si rapidement. Même après l’interdiction de Petro, des navires continuèrent de quitter les ports colombiens à destination des territoires occupés, les compagnies d’extraction de charbon trouvant le moyen de contourner la loi. Le décret 1047 n’a donc pas fait cesser les exportations, mais il marqua le préambule de leur arrêt.

L’enclave charbonnière de Colombie

Avril 2025, région de Cesar au nord de la Colombie. En traversant le « couloir minier » colombien, nous nous heurtons à des murs camouflant les immenses cratères. D’imposants remparts de pierre et de scories ont été construits par les compagnies fossiles pour dissimuler ces terres désolées. Un glissement de terrain inopiné a creusé un point de vue surplombant la fosse, nous permettant d’admirer le paysage : une cuvette s’enfonçant à des centaines de mètres sous terre, des terrasses noires serpentant sur les flancs de la mine pour le passage des camions. Rien ne peut pousser, rien ne peut vivre sur cette terre. Pour reprendre les mots de l’universitaire et militant colombien Felipe Corral Montoya, qui nous accompagnait lors de ce voyage : « C’est un désert mort ».

Mine Drummond, La Loma, Cesar. Photo Maxy Guedes.

Autrefois, racontent les habitants, cette région était baignée de bleu et de vert et l’on s’adonnait aux activités de pêche, de culture et d’élevage. Mais tout a basculé avec l’arrivée des multinationales minières. La plus grande entreprise de la région est Drummond, dont le siège social se trouve à Birmingham, en Alabama. Elle gère la ville de La Loma comme un mini-État virtuel, devenu le prototype de la ville minière : un seul grand employeur, un réseau de maisons à un étage pour les travailleurs et leurs familles. L’entreprise s’est implantée à Cesar en 1993 et a aussitôt entrepris de défricher les terres par la forceOn les a pratiquement forcés à les céder », explique une habitante de La Loma, sous couvert d’anonymat. Beaucoup se sont ensuite retrouvés dans l’impossibilité de revenir, leurs champs ayant été réduits en cendresla mort d’innocents, des viols, des déplacements de population. Dieu seul sait combien de paysans gisent ensevelis ici », poursuit l’habitante. « Le charbon qui sort de cette terre est taché de sang », conclut-elle.

Plus au nord, les habitant·es de la région de La Guajira ont subi le même sort

« Dieu seul sait combien de paysans gisent encore enterrés ici… Le charbon qui sort de cette terre est taché de sang. »

Une habitante du village de La Loma, dans la région charbonnière de la Colombie

L’arrivée des géants miniers dans les années 1990 a coïncidé avec une intensification du conflit armé qui ravageait la Colombie depuis plusieurs décennies, opposant paramilitaires d’extrême droite et guérillas d’extrême gauche. Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’Armée de libération nationale (ALN) sont nées des révoltes paysannes contre la concentration des terres entre les mains de grands propriétaires terriens. Ces groupes s’en prirent alors aux infrastructures de l’industrie charbonnière, faisant sauter des trains de charbon, kidnappant des cadres et des ingénieurs. En réponse, Drummond créa sa propre force paramilitaire sous l’égide de la milice d’extrême droite existante, les Autodefensas Unidas de Colombia (AUC)

Gigantesques pneus pour les véhicules des mines, La Loma. Photo Maxy Guedes.

C’est ainsi que s’est constituée l’enclave charbonnière en Colombie

La Colombie est ainsi un cas paradigmatique d’échange écologiquement inégal, ses ressources naturelles étant constamment extraites pour alimenter le marché mondialL’homme blanc mange du charbon », a déclaré une femme Wayuu à la chercheuse Aviva Chomsky : « Ni nous ni nos animaux ne mangeons de charbon, ce n’est pas notre mode de vie. »

Situé à deux pas de Santa Marta, la première ville construite par les colons espagnols en Colombie, le « port Drummond (Puerto Drummond) » est une voie ferrée qui longe le rivage et se prolonge au-dessus de l’eau, soutenue par d’épais piliers en ciment

Pêcheurs devant le port Drummond, Santa Marta. Photo Maxy Guedes.

Depuis le port, nous remontons la voie ferrée, le long de la côte de La Guajira. Elle traverse le territoire d’une communauté Wayuu. Sur cette terre aride et poussiéreuse, la population vit de l’élevage et de la pêche. Maria Dolores en est l’autorité matriarcale traditionnelle. Elle déplore la pollution du réservoir d’eau par les particules de charbon projetées depuis les trains. À cela s’ajoute le changement climatique. « Aujourd’hui, le soleil est beaucoup plus chaud qu’avant », constate-t-elle. Son fils Luis Carlos ajoute : « Quand la pluie arrive, nous sommes heureux, car nous pouvons semer, les fleurs éclosent et nos animaux ont de l’eau à boire. Mais aujourd’hui, les pluies sont faibles et rares. Le désert nous encercle. »

Maria Dolores, autorité matriarcale traditionnelle d’une communauté Wayuu, La Guajira. Photo Maxy Guedes.

En empruntant les routes sinueuses qui mènent aux montagnes de la Sierra Nevada, nous rencontrons une autre communauté autochtone : celle du peuple Kankuamo, dans la ville de La Mina. Les Kankuamo ont survécu aux génocides perpétrés par les conquistadors en se réfugiant dans les hauteurs. Près d’un demi-siècle plus tard, la guerre civile et le charbon les ont rattrapés. Des centaines de Kankuamo ont été assassiné·es, des familles entières déplacées, plusieurs sites sacrés de la communauté ont été perdus au profit de l’expansion des mines. La poussière de charbon a contaminé l’eau et la terre. « Lorsque nous avons commencé à revendiquer la possession ancestrale de ces territoires, le conflit armé s’est intensifié et les demandes de titres miniers se sont multipliées dans la région. Ils voulaient nous déplacer pour mener à bien leurs mégaprojets, car les montagnes sont riches en or et en charbon. Le peuple Kankuamo a été menacé d’extermination », nous raconte Daniel Maestre Villazón, tout en frottant régulièrement le « poporo » traditionnel, une calebasse évidée contenant de la poudre de coquillages broyés.

Daniel Maestre Villazón avec son ‘poporo’, communauté Kankuamo de La Mina. Photo Maxy Guedes.

Les Kankuamo ont réagi en affirmant leur identité et en rappelant leurs droits. « Nous sommes actuellement en train de retrouver la culture et les traditions que nous avions abandonnées », explique Maestre Villazón. Les Kankuamo entretiennent une relation spirituelle avec la « nature sacrée », constamment menacée par l’extractivisme et désormais aussi par le changement climatique. « Le climat est devenu instable. Pendant de longues périodes, il ne pleut presque pas, puis il y a des cyclones beaucoup plus violents qu’avant. Même ici, dans les montagnes, le climat n’est plus ce qu’il était. » Il montre du doigt un sommet montagneux : « Avant, il était recouvert de neige. »

Glencore et Drummond figurent toutes deux sur la liste du Guardian des 100 entreprises qui ont le plus contribué à embraser la planète sous l’effet des énergies fossiles

Dans ces zones sacrifiées résultant de la mainmise sur les ressources naturelles, une litanie de malheurs s’est abattue

Lieu sacré de la communauté Kankuamo de La Mina. Photo Maxy Guedes.

L’implication d’Israël dans le conflit armé en Colombie

Israël est profondément impliqué dans cette histoire d’extraction destructrice. Tout au long du conflit armé colombien, des acteurs israéliens ont contribué à ouvrir la voie à Drummond et Glencore, en assistant et en équipant les forces militaires de droite. Une histoire d’implications sordides largement documentées, et encore vive dans les mémoires en Colombie

D’autres pays qu’Israël ont certes acheté davantage de charbon à la Colombie, mais aucun n’a laissé une empreinte aussi déterminante sur le développement sanglant de cette industrie.

Il est un nom que les souvenirs de cette période évoquent inévitablement. C’est celui de Carlos Castaño, le fondateur de l’AUC, les « forces d’Autodéfense Unies de Colombie » – une milice d’extrême droite. Au début des années 1980, ce jeune Colombien anticommuniste s’installe en Israël pour deux ans. Il suit des cours dans des écoles militaires ainsi qu’à l’Université hébraïque. Dans son autobiographie, il décrit cette expérience en termes élogieux : « Je n’ai pas seulement appris l’entraînement militaire en Israël. C’est là que j’ai acquis la conviction qu’il était possible de vaincre les guérilleros en Colombie. J’ai commencé à comprendre comment un peuple pouvait se défendre contre le monde entier. (…) De fait, j’ai repris des Israéliens l’idée d’autodéfense [par la large diffusion] d’armes ; chaque citoyen de ce pays est un soldat en puissance. »

À son retour chez lui, Castaño entre dans l’armée et gravit les échelons des paramilitaires. En 1997, il les unifie sous le commandement de l’AUC, dont l’une des branches s’est spécialisée dans le défrichage des terres pour Drummond. En 2001, ses membres assassinent trois dirigeants syndicaux

Israël a fourni près de 40 % des armes utilisées par l’armée pour combattre les guérilleros en Colombie.

L’implication d’Israël dans le conflit armé dépasse largement le cas de Carlos Castaño. Au milieu des années 1980, des rebelles des FARC, alliés à des syndicalistes et des intellectuels de gauche, fondent un parti politique appelé Unión Patriótica (Unité patriotique). L’État colombien réagit en anéantissant physiquement le parti, tuant plus de 6 000 de ses membres – cadres, maires, candidats à la présidentielle – en l’espace de vingt ans. L’opération à l’origine de ces meurtres est en partie conçue par Rafael Eitan, agent du Mossad et ancien conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Yitzhak Rabin. Par ailleurs, l’AUC elle-même a bénéficié d’un entraînement intensif dispensé par Yair Klein

Ancienne résidence de Pablo Escobar, juste à côté du port Drummond à Santa Marta. Photo Maxy Guedes.

À l’opposé du spectre politique, on trouve l’image quasiment en miroir de ces intrications : une partie de la gauche colombienne a créé des liens avec la résistance armée palestinienne. Dans les années 1970, le groupe de guérilla M-19 a envoyé ses combattants s’entraîner dans les camps de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). « Durant notre lutte armée, mes camarades sont allés au Sahara s’entraîner avec l’OLP. C’est là qu’est né notre amour pour la Palestine », nous a confié le président colombien Gustavo Petro, lui-même ancien membre du M-19, qui ne regrette pas ce passé

La position de Gustavo Petro est en tout point opposée à celle de ses prédécesseurs, issus de la droite.

En avril 2025, nous avons retrouvé Petro dans le palais présidentiel, en face de la Cour suprême. C’est cette même cour qui fut prise d’assaut par les commandos du M-19 voilà 40 ans, lors de leur action la plus spectaculaire en 1985, au cours de laquelle 300 personnes avaient été prises en otage, dont des juges. Dans le raid de l’armée qui a suivi, près de 100 personnes sont mortes. Un mois plus tôt, Gustavo Petro avait été arrêté, condamné pour possession d’armes, emprisonné et soumis à la torture. Aujourd’hui, il a aménagé son bureau de président comme le foyer confortable d’un militant de gauche, rempli de livres marxistes. Sur un meuble trône une colombe coiffée d’un keffieh.

La position de Petro est en tout point opposée à celle de ses prédécesseurs, issus de la droite. En 2013, le président Juan Manuel Santos s’était rendu à Jérusalem pour serrer la main de Netanyahu et signer un accord de libre-échange entre les deux pays. Dans le journal Haaretz, il s’est dit « très fier » que la Colombie soit qualifiée d’« Israël de l’Amérique latine »

Gustavo Petro, avec sa colombe parée d’un keffieh dans son bureau du palais présidentiel. Photo Maxy Guedes.

Désormais, le camp de gauche pro-palestinien est au pouvoir en Colombie. Mais jamais Israël et la Palestine n’ont cessé de peser sur les luttes internes dans le pays.

Le sang qui a coulé en Colombie continue d’être associé à cette terre lointaine. « Ils sèment la mort et la destruction partout où ils passent », déclare une ancienne combattante des FARC, en pointant le lien entre les compagnies charbonnières, les États-Unis et Israël. La plupart des membres de cette guérilla se sont démobilisés depuis l’entrée en vigueur de l’accord de paix en 2016. Ils mettent désormais leur conscience marxiste au service de projets autres que la lutte armée, comme la transition énergétique. Lors d’un cours sur la transition énergétique équitable qui se tient dans une université populaire de Fonseca, à La Guajira et auquel nous assistons, un participant déclare : « Nous sommes du côté de ceux qui souffrent de la guerre. Nous sommes du peuple. Nous soutenons la décision de Petro d’arrêter d’exporter du charbon ».

Lire aussi | Face aux pénuries d’énergies fossiles・Charles-François Mathis (2022)

Un vice caché dans le décret ? Campagne de boycott, saison 2

En août et septembre 2024, juste après la signature du décret 1047, les exportations de charbon vers Israël ont chuté à zéro. En octobre de la même année, la compagnie Glencore a expédié un dernier navire, puis s’est tourné vers d’autres clients pour vendre le charbon extrait de La Guajira. Depuis ses mines et ses quais de chargement portuaires sud-africains le négociant en matières premières a continué de transporter le carburant vers Israël — et l’on ne peut exclure un détournement du charbon colombien depuis d’autres ports. Selon toute apparence, la société a cependant respecté l’interdiction, peut-être usée par la pression militante

Face à la résistance des élites économiques et aux ressources limitées du nouveau gouvernement, les mouvements sociaux colombiens ont été mis à contribution pour surveiller le respect de l’embargo par les compagnies charbonnières

Près d’un an après le décret 1047, les navires de Drummond avaient fait en sorte que la Colombie reste le principal fournisseur de charbon de l’occupation.

La compagnie fossile a non seulement profité de l’absence de contrôle gouvernemental, mais aussi d’une faille dans le décret lui-même. Selon l’article 3 du décret 1047, l’interdiction d’exporter ne s’applique pas aux contrats signés avant l’entrée en vigueur de la loi, c’est à dire au milieu de l’année 2024, comme c’est le cas pour le contrat liant Drummond à Israël. C’est cet article que le ministère du Commerce a invoqué lorsque le PIPD et la branche colombienne du mouvement BDS ont exigé des explications sur la possibilité pour Drummond de bafouer l’interdiction. « D’une certaine manière, le décret se contredit. D’un côté, il privilégie les droits humains à la propriété privée. De l’autre, il considère les obligations commerciales comme sacrées. Techniquement, Drummond n’enfreint donc peut-être pas le décret », nous a expliqué Helena Müllenbach Martínez, cofondatrice de la campagne internationale Resist Glencore, lors d’un entretien en juin, visiblement frustrée.

Dès lors, la coalition hétéroclite d’acteurs qui avait mobilisé le soutien au boycott initial se remet à l’action. Le PIPD transmet aux ministères concernés les données recueillies sur le contournement du décret. En mai, la Garde indigène Wayuu – un réseau de protection communautaire non armé – se joint à divers groupes alliés pour bloquer les mines de charbon de Cesar et La Guajira pendant une journée, brandissant des drapeaux palestiniens et réclamant un embargo effectif. Des groupes Wayuu et des syndicats organisent des réunions avec des représentants du gouvernement pour leur faire part de leur opposition au contournement de l’interdiction. Sintracarbón publie un communiqué véhément réitérant son appel au boycott – communiqué signé également par le syndicat des travailleurs du pétrole et la fédération nationale des peuples autochtones

À son siège de La Loma, Drummond sent la pression monter. La société publie un communiqué pour contester sa culpabilité

Panneau Drummond, La Loma, Cesar. Photo Maxy Guedes.

Jusqu’à cette vague de protestations, Petro semble ne pas avoir été informé de la subversion de son décret. « Drummond nous trompe peut-être », lâche-t-il lors de notre entretien. Mais face à cette campagne dénonçant le mépris de Drummond pour son ordre, le président revient sur le devant de la scène. Mi-juillet 2024, il fait recouvrir le palais présidentiel de drapeaux palestiniens. Le 23 du même mois, il prononce un discours

Cependant, dès le lendemain du discours de Petro, Drummond envoie un autre navire : le Fortune quitte son port colombien chargé de près de 100 000 tonnes de charbon, à destination d’IsraëlTant que les navires se trouvent dans les eaux colombiennes, il est en droit d’envoyer la marine, déclara-t-elle. C’est incroyable pour les autres pays de voir qu’une telle chose est possible. » Depuis l’ordre donné à la marine, PIPD n’a enregistré aucun départ de navire. Un approvisionnement de plusieurs décennies vers Israël s’est brutalement interrompu.

En juillet 2025, Petro ordonne à sa marine d’intercepter toute future livraison à Israël – une annonce sans précédent dans l’histoire des initiatives de boycott, et peut-être aussi dans celle des relations entre États et capitaux étrangers.

Le 20 août 2025, une autre raison de se réjouir survient pour les activistes : la présidence publie un second décret, le n°0949

Mais cette loi n’est probablement qu’un épisode de plus dans une lutte de longue haleine. Après le décret 1047, Glencore et Drummond ont intenté 17 procès au gouvernement colombien, réclamant à chaque fois des millions de dollars en arguant le respect d’accords de libre-échange. Désormais, « il y aura encore plus de procès, car Drummond comptait sur une décennie de ventes supplémentaires et les contrats ont maintenant été annulés », déclare Helena Müllenbach Martínez.

Port Drummond, Santa Marta. Photo Maxy Guedes.

Plus incertaine encore sera la situation en 2026, lorsque la Colombie élira un nouveau président. Les derniers sondages offrent une lueur d’espoir d’un maintien de la gauche

À peine l’encre présidentielle était-elle sèche que des parlementaires conservateurs et des candidats à la présidence exigeaient que la Cour suprême colombienne abroge le décret 0949

Lire aussi | Total face au réchauffement climatique (1968-2021)・Christophe Bonneuil, Pierre-Louis Choquet et Benjamin Franta (2021)

Quel que soit l’issue de l’initiative colombienne de boycott, celle-ci a inspiré de nombreux acteurs des mouvements pour la Palestine et le climat. « Enfin un gouvernement qui a pris des mesures contre Israël. Beaucoup de pays du Sud étaient censés faire bien plus pour la Palestine, pour perturber économiquement la machine génocidaire. Mais jusqu’à présent, et nous sommes en septembre 2025, seule la Colombie s’y emploie », déplore Mohammed Usrof. Le Gazaoui, qui vit au Qatar, a participé à la création de l’Institut palestinien pour la stratégie climatique. Ces dernières années, il est devenu

Quel que soit l’issue de l’initiative colombienne de boycott, celle-ci a inspiré de nombreux acteurs des mouvements pour la Palestine et le climat.

Lors de la récente COP30 au Brésil, la campagne pour un embargo énergétique s’est concentrée sur ce pays : le Brésil s’est officiellement engagé à la fois à atténuer le changement climatique et à mettre fin à sa complicité avec le génocide. Toutefois, alors que les syndicats de travailleurs du pétrole ont exhorté le président Luiz Inácio Lula da Silva à suivre l’exemple de Petro

« ce que les Palestiniens et les mouvements pour la justice climatique affirment depuis longtemps : les chaînes d’approvisionnement en combustibles fossiles sont des armes de guerre. Les gouvernements et les entreprises qui continuent à vendre du pétrole, du diesel et du kérosène à Israël, même par le biais d’intermédiaires, alimentent le génocide. Les États doivent imposer un embargo énergétique total et combler les lacunes juridiques qui rendent la complicité profitable. Les peuples doivent se soulever contre les États complices et imposer un embargo énergétique populaire. Lors de la COP30, nous devons définir ce qu’est le leadership climatique, et sa seule définition est de fermer les pipelines de la guerre, et non de les dissimuler derrière la comptabilité carbone. »

Du point de vue de militants du collectif palestinien Disrupt Power comme Leyla, le modèle de l’embargo colombien est pourtant mûr pour être mis en place par d’autres pays. Elle détaille les ingrédients de ce boycott réussi : « Un syndicat a lancé le mouvement, puis des mouvements de solidarité se sont mobilisés et des décideurs politiques ont pu être influencés. Un embargo énergétique venant de la base peut réellement aboutir. Le défi consiste désormais à le mettre en œuvre dans d’autres pays, comme l’Afrique du Sud, le Brésil et la Turquie. Ces chaînes d’approvisionnement ne seront pas démantelées en un jour. »

En effet, en Afrique du Sud par exemple, devenue l’un des fronts du mouvement de boycott

L’eau rare et polluée près de la communauté Wayuu, La Guajira. Photo Maxy Guedes.

De façon plus abstraite, cet épisode peut être perçu comme une illustration frappante du conflit entre deux dialectiques.

La première est une dialectique de destruction. Le charbon colombien a alimenté l’occupation et le génocide en Palestine

D’un autre côté, il y a une dialectique de résistance. Le boycott du charbon est né d’une remarquable réciprocité entre les mouvements sociaux en Colombie et en Palestine et – fait unique – d’un pouvoir exécutif de gauche. Une fois au gouvernement et à la présidence, Muhamad et Petro ont fièrement répondu aux appels des campagnes extraparlementaires et ont, à leur tour, encouragé les militants. Cette situation est néanmoins exceptionnelle, et nécessite une lutte constante pour la maintenir dès lors qu’un appareil d’État bourgeois s’efforce de perpétuer le statu quo et qu’une droite revancharde est prête à reconquérir le pouvoir. Les mouvements ont actionné le frein d’urgence du train du charbon. Reste à savoir s’ils parviendront à l’arrêter.

Image d’accueil  : mine de Cerrejón, Colombie du nord, 2013. Wikimedia.

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