Rédaction
Depuis quelques années, certains membres de la MCD, avec d’autres, participent bénévolement à faire vivre la revue universitaire en ligne « Mondes en décroissance ». La revue est pour l’instant le seul espace francophone de publication académique entièrement consacré à la décroissance. Elle a déjà publié trois numéros, dont un numéro de lancement, un varia et un numéro consacré à « Décroissance et entreprises« . Le numéro 4, qui publiera les actes de la Caravane contre-croissance, devrait sortir à l’été 2025. Deux autres numéros sont en préparation, avec des appels à contribution toujours en cours : le numéro 5 sur les « questions difficiles de la décroissance« , et le numéro 6 sur « Féminisme et décroissance« .
Nous relayons intégralement dans cet article l’appel à contributions pour le numéro 6 consacré à « Féminisme et décroissance », qui nous semble contribuer à défricher un sujet encore trop peu discuté. À la MCD, nous défendons la décroissance comme un étant un écoféminisme, car ce qui compte vraiment ce ne sont pas les activités de production économique mais les activités de reproduction sociale : ce sont elles qui constituent la base, le socle, sur lequel repose toute la vie de la société. Quelques articles écrits à ce sujet à retrouver sur le site de la MCD :
Depuis quelques décennies, les publications sur le féminisme et sur la décroissance se multiplient. Au départ, traitées séparément, les deux notions commencent à être croisées et confrontées, bien que ces travaux et initiatives restent assez marginales, notamment en langue française.
Traditionnellement, le féminisme a suscité peu d’intérêt dans la pensée décroissante (Wichterich, 2015) et reste un objet de discussion minoritaire au sein de ce mouvement. Dans les discours féministes majoritaires, on trouve peu de traces de la notion de décroissance, si ce n’est chez les écoféministes, dont Françoise d’Eaubonne, qui introduit le terme en 1974 dans Le féminisme ou la mort, mais dans une perspective souvent restreinte à la décroissance démographique (Goldblum, 2023 ; Lepesant, 2023).
L’émergence, en 2017, du collectif Feminisms and Degrowth Alliance (FaDA) marque une première reconnaissance explicite des liens entre les deux mouvements. Ces articulations ne sont pas seulement théoriques : elles traversent de nombreuses luttes concrètes de par le monde.
Les imaginaires proposés tant par les décroissant·es que les féministes se croisent, se fondent ou se distinguent. Dans ce dossier, la décroissance est entendue comme une philosophie des limites ayant pour objectif de préserver la vie en commun en sortant de l’emprise de la croissance sur l’économie, la vie sociale et politique. Elle se définit à la fois comme une décrue économique, une décolonisation de nos imaginaires et de nos modes de vie et une repolitisation : c’est un trajet, une époque, une parenthèse entre le rejet du monde de la croissance et le projet de sociétés post-croissance.
Le féminisme est ici appréhendé comme un mouvement pluriel – des féminismes – porté par une « même protestation fondée sur la conscience d’une oppression spécifique » (Picq, 2002), et un processus global de mobilisations et de revendications en faveur de l’égalité des sexes et des genres permettant l’amélioration des conditions de vie.
Pourquoi et comment penser des liens entre féminisme et décroissance ? Suffit-il d’une alliance entre ces deux mouvements ou devons-nous leur chercher un fondement commun ? (Dengler, Saave-Harnack, 2019). C’est ce fil conducteur que souhaite explorer ce numéro de Mondes en décroissance, en mettant en lumière à la fois les convergences, les tensions et les potentialités d’une théorie féministe de la décroissance – ou d’une décroissance féministe. Pour cela, plusieurs axes de réflexion sont proposés : une confrontation des principes et des histoires des deux courants ; une réflexion sur les imaginaires et les récits ; une approche technocritique croisée ; et enfin une interrogation sur les reconfigurations du travail.
Cet axe veut mettre en lumière les croisements entre féminisme et décroissance, afin de contribuer à dessiner les contours d’une théorie féministe décroissante et/ou d’une décroissance féministe.
La décroissance émane en partie d’une critique radicale du développement et de son monde (Latouche, 2023 ; La Ligne d’Horizon, 2002). Or, dès les années 1980, des mouvements de femmes ont dénoncé l’ethnocentrisme, le racisme, le sexisme des politiques et projets de développement exogènes et porteurs de principes néolibéraux, perçus comme prolongement du colonialisme (Beaulieu, Rousseau, 2011). Ces critiques paraissent pourtant invisibilisées alors qu’elles rejoignent celles faites par la décroissance contre l’idéologie productiviste et extractiviste. Ainsi, malgré une apparente convergence, celle-ci ne va pas de soi quand il s’agit de raconter l’histoire de ces mouvements.
Mais, ces politiques de développement ont aussi été portées par « de nombreuses féministes libérales et responsables d’agences de développement pour intégrer les femmes au développement » (Beaulieu, Rousseau, 2011). En effet, le féminisme, loin d’être caractérisé par une homogénéité au sein des groupes et individus qui s’en revendiquent, ne signifie pas toujours lutter contre toutes les formes de domination. Pour certains courants il se limite à une meilleure inclusion des femmes dans la société de croissance, sans tenir compte des enjeux spécifiques auxquels font face les femmes minorisées (hooks, 2017). Quelle est la portée transformatrice d’un féminisme reprenant les activités et les imaginaires dominants, se contentant d’y inclure les femmes et de leur y donner un accès jusque là refusé ou minoritaire : production, consommation, travail, pouvoir, représentation politique ? Si l’un des enjeux des contributions à cet axe est de rendre visibles les articulations, les convergences et les divergences entre décroissance et féminisme, il s’agit aussi d’identifier les féminismes compatibles avec la vision de la décroissance définie en introduction.
De longues luttes relient certains courants féministes et la décroissance, fondés sur une volonté d’émancipation : valorisation du soin et des activités relationnelles (care), écologie, critique d’une économie patriarcale et productiviste, remise en cause des rapports de domination. Autant de luttes pour conserver la vie sociale – l’un des objectifs politiques de la décroissance – que les inégalités participent à détruire. C’est pourquoi la décroissance est en recherche d’une égalité radicale, que les approches intersectionnelles peuvent venir consolider en tenant compte du cumul des systèmes d’oppression (le genre, la race, la classe, l’orientation sexuelle, l’âge). Catia Gregoratti et Riya Raphael (2019) affirment que l’alliance des pensées décroissantes et féministes ne peut être solide qu’en proposant un nouveau récit de la décroissance prenant en compte les critiques féministes et écoféministes. Si la décroissance est entendue comme philosophie des limites ayant pour objectif de préserver la vie en commun en sortant de l’emprise de la croissance sur l’économie, la vie sociale et politique, quels sont les apports féministes qui peuvent proposer une alternative à la croissance sans limites ? À l’inverse, quels apports la décroissance peut-elle proposer aux féminismes ?
La croissance n’est pas seulement un système économique, c’est également un monde : les sociétés de croissance induisent des représentations, des modes de vie, une façon d’être au monde, à soi et aux autres. La croissance a colonisé tant notre quotidien que nos imaginaires (Latouche, 2009). Le patriarcat produit les mêmes effets, dans les mêmes domaines. Ces deux phénomènes inextricables doivent être compris et combattus ensemble pour sortir de l’oppression capitaliste (Mies, 1986) qui, avec le « tournant libidinal du capitalisme », est passé au XXIe siècle d’un capitalisme de production à un capitalisme reposant sur un désir de consommation (Dany-Robert Dufour, 2014).
Ce système d’oppression fait naître des rapports sociaux de consommation, qui étendent la domination capitaliste à l’ensemble de la vie sociale et non plus « aux simples rapports de production ». Ces rapports sociaux de consommation sont souvent genrés et hétéronormés : ces normes touchent les comportements, les choix de vie, la satisfaction des besoins (se nourrir, se loger, s’habiller…), les loisirs et le divertissement, dont les manifestations les plus évidentes s’incarnent dans la publicité. Cette domination se manifeste jusque dans la récupération des idées des mouvements de déconstruction du genre et d’émancipation des sexes par le marketing et la mode (unisexe, non genrée, faisant la place à de nouveaux canons esthétiques…) à des fins d’expansion de la sphère marchande. Celle-ci concerne aussi les corps : quelles sont les perspectives féministes et décroissantes sur cette marchandisation, notamment dans le cas du travail du sexe et de la Gestation Pour Autrui ? Les articles qui s’inscrivent dans cette perspective pourront chercher à explorer en quoi la société de consommation est à la fois une société de croissance et une société patriarcale (Federici, 2019).
Mais ces mouvements d’émancipation, décroissants et féministes, qui combattent les normes oppressives du capitalisme de consommation et du patriarcat, ne sont-ils pas eux-mêmes colonisés par le régime de croissance ? Régime qui, au-delà des modes de vie et des imaginaires, dépolitise notre quotidien en s’appuyant sur le libéralisme et l’individualisme. Autrement dit, « et si l’individualisme et le libéralisme, qui déterminent si fortement nos manières de considérer le monde, façonnaient aussi les mouvements politiques engagés pour la justice sociale et l’émancipation ? » (Vidal, 2019). L’argument du choix, par exemple, concernant la prostitution et la pornographie, est parfois considéré comme une variante libérale et individualiste du féminisme (Minsky, 2024). Comment tenir compte de ces questions qui renouvellent le féminisme, sans rien céder sur la défense des femmes et de leur intégrité (Vidal, 2019) ?
À l’intersection de la décroissance et du féminisme, l’écoféminisme pense conjointement domination et exploitation des femmes et de la nature par un système patriarcal capitaliste et vient proposer des contre-récits, composés de « luttes frontales » et de « luttes feutrées » (Pruvost, 2024). Ces dernières peuvent prendre des formes accessibles et quotidiennes que Myriam Bahaffou explore pour proposer une représentation incarnée des écoféminismes (Bahaffou, 2022), refusant un accaparement du terme « écoféminisme » par les classes dominantes. D’autres formes de luttes feutrées nécessitent de vivre en milieu rural et d’avoir « un champ à soi » (Agarwal, 2012 [1994]). Choisir de vivre en non-mixité dans des communautés rurales (Rimlinger, 2022) ou adopter un mode de vie qui s’organise autour de la subsistance (Mies and Bennholdt-Thomsen, 1999 ; Pruvost, 2021) incarnent des objectifs décroissants et féministes visant une réhabilitation et une valorisation des communs. Par ailleurs, la philosophe Jeanne Burgart-Goutal souligne que c’est au Nord de repenser son fonctionnement et non au Sud de rattraper le Nord dans une course toujours plus grande à la Modernité (Burgart-Goutal, 2017), ce qui implique de penser la décroissance de façon globale. Le terme d’imaginaire est ici mobilisé pour souligner le fait que, bien que l’on trouve des initiatives écoféministes concrètes et incarnées, celles-ci ne soient pas la norme dans la société de croissance mais nous encouragent néanmoins à réfléchir à une société qui reposerait sur un fonctionnement autre : « au travail de reproduction et de production en régime capitaliste est opposée la nécessité de partager du nord au sud le travail de subsistance » (Benquet et Pruvost, 2019).
Dans une société décroissante et post-croissance, les activités de care et de subsistance pourraient constituer les piliers d’un monde viable, car elles répondent à nos besoins les plus fondamentaux. Comment penser dès maintenant le quotidien comme un espace politique décroissant et féministe basé sur la solidarité et le collectif en s’inspirant des propositions écoféministes ? Que ces initiatives soient accompagnées d’un discours politique décroissant et féministe ou qu’elles soient l’objet d’une démarche individuelle, elles s’inscrivent dans des carrières déviantes (Becker, 1985) face à l’hégémonie de la croissance et son monde. Quels pourraient être alors les objectifs d’une décroissance féministe intersectionnelle qui améliore les conditions de vie des individus et préserve les ressources planétaires sans imposer un seul imaginaire ?
Comment construire un récit commun entre décroissance et féminisme en tenant compte des différents rapports sociaux de sexe, de classe et de race ? Enfin, cette réflexion sur les imaginaires nous invite à appréhender le rôle que peut jouer l’art dans la construction de nouvelles représentations de ces imaginaires. En ce sens, quels peuvent être les apports de la fiction écoféministe dans la diffusion de nouveaux narratifs (Vakoch, 2012 ; Kallis et March, 2015) ?
Si la décroissance est une philosophie des limites, les discours autour de la technique laissent précisément penser que l’humanité peut s’affranchir de ces limites plutôt que de choisir le renoncement. Il ne s’agit pas que les un·es renoncent à des usages au profit des autres, mais plutôt de décider collectivement de renoncer à des dispositifs. Cela demande d’interroger les implications économiques et politiques desquelles ils résultent (Bihouix, 2014), leurs effets environnementaux, sociaux et démocratiques. Ni technophobie, ni technophilie, il s’agit plutôt de considérer que la technique n’est pas neutre (Ellul, 1954 ; Martin, 1991). Elle redéfinit toujours les rapports sociaux, les espaces de vie et le champ des possibles (Jarrige, 2014) : un mode d’emploi est en réalité un mode de vie (Maison commune de la décroissance, 2022).
La critique de la technique est l’un des fondements de la décroissance. Pour les écoféministes, cette critique est également primordiale. Ce mouvement, né dans les années 1970 et particulièrement actif dans les décennies qui suivent aux États-Unis, s’est notamment structuré autour de grandes luttes écologistes et nucléaires menées par des femmes (Burgart-Goutal, 2020). La domination sur la nature exercée par la civilisation industrielle y est assimilée à la domination patriarcale, auxquelles vient s’ajouter la domination coloniale de l’Occident sur le reste du monde.
Dans le monde de la technique, toute innovation technique est assimilée à un progrès social. Dans le cas de l’émancipation des femmes, la pilule incarne par exemple l’un de ces progrès social et médical à partir des années 1960. Des études ont depuis mis en évidence les effets secondaires de cette méthode contraceptive sur la santé physique et mentale des femmes, et démontré les inégalités sociales qui apparaissent concernant le recours à la contraception (Bajos et al., 2014). Certaines critiques sont parfois adressées au contrôle des naissances et l’eugénisme permis par ces techniques (Merchant, 2003), la transformation du désir d’enfant en « droit à l’enfant » biologique (Charrier et Clavendier, 2016 ; Marcelli 2016) permis par le développement de la technique et de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), ou les opérations de réassignation de sexe pour certaines personnes trans. Comment une décroissance féministe permettrait-elle d’aborder la question de la surmédicalisation et la dépendance à l’industrie pharmaceutique et au marché dans tous les temps de la vie des femmes (règles, sexualité, contraception, souci esthétique et de soi, maternité, grossesse et procréation, ménopause…) ? Comment peut-on appliquer la réflexion décroissante sur la technique aux féminismes, à rebours de la volonté de mettre les technosciences au service des objectifs féministes ?
Pour d’autres mouvements féministes, les technosciences sont des perspectives pour que s’accomplissent la justice entre les genres et l’émancipation des femmes – tel que ce fut le cas avec l’électroménager dans les années 1950, ou la pilule dans les années 1960 – et la fin de la soumission au capitalisme et au travail (productif et reproductif). Les articles pourront venir interroger la place de la technique dans le rapport au corps et les changements biologiques, en interrogeant les apports et les limites de l’affranchissement et de l’émancipation des normes de genre. Plus largement, ils pourront interroger le rôle de la technique dans le quotidien (objets électroménagers, par exemple). Comment appréhender ces combats pour l’accès aux soins dans une perspective technocritique ? Quel type de contrôle la technique, et notamment le système médical, exerce-t-elle sur les corps et les mentalités, notamment lorsqu’elle est accessible aux minorités de genre, raciales et aux populations précaires ?
La technique ne se résume pas seulement au médical, elle s’incarne également dans les objets techniques du quotidien. Dans le cadre des activités de reproduction sociale, ces objets sont commercialisés de façon toujours plus importante avec l’argument de soulager la charge de travail domestique – très souvent celle des femmes. Pourtant, ces objets et ces techniques peuvent participer à la division genrée du travail (Gardey, 2002). Delphine Gardey pose notamment la question du sexe des objets : comment deviennent-ils genrés ? Si la technique est présentée comme une source d’émancipation dans nombre de ses manifestations (médicale, dans les modes de vie occidentaux modernes), elle semble toujours soumise à des normes patriarcales, voire vient les renforcer. Alors que la technique est inhérente à nos modes de vie actuels, peut-on les réorganiser pour dépendre plus d’une répartition équitable du travail que d’objets techniques dont la production est incompatible avec des ambitions décroissantes ? Au sein des mouvements féministes, les techniques peuvent être au service de l’émancipation des femmes et des minorités sexuelles ou dénoncées comme outil du patriarcat. L’enjeu de cet axe est d’identifier et d’analyser les relations qu’entretiennent les différents courants féministes avec la technique.
Dans une logique de croissance économique, c’est l’ensemble de la chaîne économique qui doit croître : de l’extraction de ressources naturelles aux déchets, en passant par la production et la consommation. Dans le monde de la croissance, où l’augmentation du PIB n’est plus seulement un indicateur mais est la boussole qui guide toute politique publique (Latouche, 2021), chacune de ces activités économiques est devenue une fin en soi, tout comme l’est la croissance. Il s’agit non plus de répondre à des besoins sociaux mais d’extraire pour extraire (extractivisme), de produire pour produire (productivisme) et de consommer pour consommer (consumérisme), dans la mesure où cela est bon en soi pour la recherche de croissance, elle-même considérée bonne en soi. Ces stades superlatifs de l’activité économique sont consubstantiels à l’industrialisation de nos sociétés. Comment à chacun de ces stades les femmes sont-elles aux premières lignes des dégâts causés par l’extension infinie de ces activités économiques ou au contraire plus mobilisé·es pour pallier leurs effets délétères du fait des assignations genrées de nos sociétés ?
Par ailleurs, la question du travail est transversale à l’ensemble des activités de la chaîne économique. Les travaux de l’économiste Antonella Picchio (2015) ont démontré que la décroissance avait laissé de côté la division sexuelle du travail et le travail domestique, pour privilégier les enjeux de production et de consommation. Quant au féminisme, son courant libéral, né au XIXe siècle et consolidé au XXe, a développé une vision de l’égalité consistant à promouvoir le rattrapage des femmes dans les sphères de pouvoir, jusque là dominées par les hommes, en particulier les activités de production économique. En découlent des luttes pour l’accès au marché du travail, pour l’égalité salariale, contre le plafond de verre, contre le genre des métiers… Ce « féminisme de marché » (Pochic, 2018) est critiqué au sein d’autres mouvements féministes ainsi que par la décroissance : ne concerne-t-il pas seulement des femmes privilégiées et éduquées ? N’a-t-il pas pour corollaire la dévalorisation des activités communautaires (Gorz, 1983 : 125-127) et de reproduction sociale (Faircloth ; 2011), principalement réalisées par les femmes ? Ces activités incluent principalement nourrir les membres d’un foyer et entretenir ce dernier, se chauffer, s’occuper des enfants, prendre soin des aîné·es et des plus vulnérables, préparer des fêtes et des rituels (Pruvost, 2019).
Dans une perspective décroissante, c’est la perpétuation de ces activités de soin (care) et de subsistance qui permet que des activités productives soient réalisées, et non l’inverse. Dans quelles mesures ces activités pourraient-elles devenir le fondement commun d’une décroissance féministe et d’un féminisme décroissant ?
Les propositions féministes de rémunération de ces activités sont-elles des solutions qui permettraient leur revalorisation et leur reconnaissance (Federici, 1975) ? Comment ne pas reproduire les dominations de genre, de classe et de race que vivent celles et ceux qui effectuent majoritairement ces activités ?
Au-delà du travail, comment repenser les activités économiques en croisant les théories féministes et décroissantes dans d’autres champs, comme la dette (Bruneau, 2022), la monnaie, etc. ? Ou plus largement, dans des propositions économiques alternatives, comme l’Économie sociale et solidaire (Guérin, 2019).
Comment repenser le système économique actuel en partant d’une théorique décroissante et féministe pour un une application concrète à l’échelle individuelle et collective, qui concerne tant les activités quotidiennes que les institutions ?
Les propositions de communication peuvent croiser plusieurs axes, et les dépasser.
Pour ce dossier thématique, les types de contributions attendus sont les suivants :
Les propositions comprendront un titre, un résumé de 500 mots, 5 mots-clés (dont à minima l’un ou plusieurs des mots décroissance/post-croissance/objection de croissance), ainsi qu’une courte présentation biographique.
La date limite de soumission des résumés est fixée au mardi 30 juillet 18 h (UTC +2) et doivent être envoyées à l’adresse mondes-en-decroissance@proton.me.
Après la soumission du résumé puis le retour du comité de rédaction, les articles seront à envoyer au plus tard le 15 novembre.
Les consignes de mises en forme, en particulier de la bibliographie, sont accessibles ici.
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Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)
Fleur Bertrand-Montembault
Il y a quelques jours, quand je suis rentrée à la maison, la première chose que m’a dite mon compagnon c’est « Est-ce que tu as entendu parler de Loïs Boisson ? » Comme je n’écoute pas les infos sport et que je n’ai aucun réseau social, mon champ de compétence sur « ce qui se dit », « ce qui se fait », « ce qui se regarde »… est généralement très limité, alors, de temps en temps, il a la gentillesse de se charger de la transmission, pour que je reste « connectée » avec le monde qui m’entoure. Il a donc fallu qu’il m’explique qu’en ce moment avait lieu Roland-Garros et que Loïs Boisson est une joueuse qui a créé la surprise en battant des joueuses bien mieux classées qu’elle (en particulier la n°3 et la n°6 mondiale), alors qu’elle-même n’est classée « que 361e mondiale ».
Engouement populaire donc, tant et si bien que je découvre que tout le monde autour de moi prévoit de regarder le match de ce jeudi 5 juin, dans un milieu où l’intérêt pour le tennis et le sport de compétition télévisuel est d’habitude (très) limité.
Alors, je me demande « qu’est-ce que le phénomène Loïs Boisson nous révèle de notre rapport à la compétition et au jeu ? » Et en quoi cela pourrait-il nourrir une perspective décroissante sur le sujet ?
Pour moi, le phénomène Loïs Boisson révèle à la fois que le sport moderne perd de son attrait lorsque (où devrais-je écrire « puisque » ?) c’est toujours les mêmes qui gagnent (le principe de plaisir du jeu et de la compétition avant celui d’être « premier » est fondamentalement celui de ne pas connaître à l’avance l’issue du match). Pourquoi ? Parce qu’ils ont accumulé un tel capital économique et sportif (et parfois social et médiatique) que personne ne peut réellement espérer rivaliser avec eux (Federer, Nadal, le PSG, le Real Madrid…), sauf grosse surprise. Il révèle aussi un sentiment naïf et populaire (que je partage) en faveur des partants perdants, en faveur des petits contre les gros, en faveur des outsiders plutôt que des habitué-es des podiums (et je plains l’Américaine Coco Gauf, 2e mondiale, lors de la demi-finale du 5 juin, qui fera sans doute face à un public totalement acquis à Loïs Boisson)…. Mais comment ne pas voir que cette comète Loïs Boisson retombera soit dans les limbes de l’anonymat des sportives auxquelles personne ne s’intéresse réellement quand « elles ne gagnent pas », ou intégrera à son tour le sérail, un jour peut-être détrônée par une autre comète, plus jeune et plus en forme qu’elle ?
Personnellement, je n’ai aucun goût pour le sport et n’en pratique pas, si ce n’est du vélo, de la marche et à l’occasion de la danse de salon, ; je n’ai aucun esprit de compétition, suis généralement mal à l’aise avec l’idée de gagner (ma grand-mère raconte souvent cette anecdote sur mon enfance : quand je jouais au Scrabble avec elle je m’arrangeais toujours pour perdre ou mal compter les points…) ; ai abandonné le judo à la ceinture marron parce qu’il fallait faire des compètes pour passer ceinture noire, et que depuis l’âge de 8 ans l’idée même de me battre pour gagner SUR quelqu’un me provoque des crises d’angoisse par anticipation (certainement dû à un combat de judo où des parents avaient crié à leur fille « vas-y écrase la !!!», ce qu’elle avait fait…) ; et j’ai même eu le snobisme de me désintéresser toute ma vie du sport télévisé au point de (je le jure) n’avoir pas vu une seule image des JO de Paris.
De plus, je suis décroissante et à la compétition, je préfère la coopération. Mon dernier argument en faveur de l’abandon du « mode compétitif », parce qu’il est tout simplement absurde comme mode de relation sociale, remonte à l’an dernier. À l’occasion de la journée internationale des migrants, nous (des collectifs de soutien aux exilés) avions programmé une journée festive sur le campement de Ouistreham (équivalent normand – très miniaturisé et beaucoup plus préservé du harcèlement des autorités – de la jungle de Calais) où réside de jeunes hommes soudanais de l’ethnie Zaghawa, ayant fui la guerre et le génocide en cours au Darfour. Nous avions apporté de grands jeux en bois, dont l’un consistait à lancer des anneaux en corde sur ce modèle de chevalet.
Chaque accroche ne vaut pas les mêmes points, certaines rapportent 500, d’autres 1000, d’autres encore 3000. Le jeu a immédiatement plu aux habitants du camp qui en ont d’emblée évacué la dimension compétitive (et pourtant ils la pratiquent quand ils jouent aux cartes, et peuvent être bien énervés quand ils perdent…) qui n’y ont vu qu’un jeu d’adresse… Belle leçon de l’altérité (parmi tant d’autres…) pour nous bénévoles : qu’il nous est soudain apparu stupide d’additionner des points par centaines de milliers quand on peut tout simplement s’exercer à atteindre un geste beau et précis !
Malgré tout cela, il y a quelques mois, une discussion avec des décroissants suisses du journal Moins ! m’a placé en position « d’avocate du diable » en faveur de la compétition et du sport, et cela m’avait donné envie d’écrire pour clarifier mes idées à ce sujet. Voici donc quelques réflexions inspirées de Roland-Garros et d’un débat enflammé quelque part en Suisse, sur les rives du lac de Neuchâtel.
En définissant la décroissance comme l’opposition politique à la croissance et à sa triple emprise sur l’économie, la société et la politique, la cohérence idéologique nous situe effectivement du côté des tenants de la théorie critique radicale du sport 1. La radicalité de la décroissance n’est pas synonyme d’intransigeance, mais effort de cohérence : celle de s’attaquer aux racines du mal, aux causes du succès de la croissance et de son monde. Cette radicalité résonne avec celle de la théorie critique du sport (et de la culture de masse etc…), qui nous fournit les outils intellectuels et conceptuels pour dénoncer les multiples aliénations des pratiques sportives modernes, dont la principale fonction est de légitimer l’ordre établi, qu’il soit marchand ou étatique.
Comme pour la technique, il ne s’agit pas, en tant que décroissant-es et anticapitalistes, de dire qu’il y a des bons et de mauvais usages du sport, mais de démontrer en quoi il est intrinsèquement, en tant que tel, un outil de domination et d’aliénation :
À ce titre, le phénomène Loïs Boisson illustre très bien notre goût pour le mythe capitaliste et individualiste du « self made man » (celui qui s’est fait tout seul) : celui qui s’élève le doit à son propre mérite, parce qu’il a plus travaillé ou plus exploité son talent que les autres, qui ont eu les mêmes chances de départ, mais n’ont pas aussi bien réussi. Loïs Boisson c’est le « quand on veut on peut » incarné, c’est la fable méritocratique vivante. Des histoires comme Loïs Boisson, on en trouve dans le monde du spectacle, de la culture, de la musique, de l’humour, du business, et toutes ont la même fonction sociale : celle de nous faire rêver à ces parcours uniques, accessibles à « celles et ceux qui en veulent vraiment» (et revers de la médaille, celles et ceux qui échouent, ou pire, qui dévient, peuvent être tenu-es pour seul-es responsables de leur faillite personnelle)
Face à cela, nous défendons non pas seulement l’idée de l’égalité comme égalité des chances, mais comme égalitarisme radical où aucune différence (permises, contrairement à ce qu’en disent les libéraux qui s’opposent à l’égalitarisme) ne devrait justifier les inégalités (ce qui nécessite notamment des mécanismes de répartition des richesses, de distribution, et des systèmes de plancher-plafond tel que proposés par le concept d’espace écologique) parce qu’elles abîment la vie sociale.
C’est d’ailleurs justement dans cette optique de préservation de la vie sociale que je cite souvent dans mes conférences une référence sportive, qui m’a valu cette fois d’être contredite par nos compagnons de Moins! Il y a quelques années, alors que je prenais un café dans un PMU où un écran télé diffusait sans le son une chaîne d’info en continu bien connue, je fus happée par ce qui était écrit sur un des bandeaux : « ils ont fait un match merveilleux, ils ont joué, pour et avec les autres ». La citation était de Christophe Galtier, entraîneur du PSG. En me renseignant, je tombais bien vite sur des articles qui s’interrogeaient sur la série de défaites qu’essuyait alors le PSG, qui avait pourtant la plus grande collection de meilleurs joueurs de foot du monde. Certaines analyses démontraient qu’en réalité cette addition de stars desservait l’équipe, chacun jouant « pour la fame » 2, et donc pour soi. L’entraîneur avait dû réapprendre à cette collection d’individus juxtaposés les uns aux autres à faire équipe. Voilà pourquoi il se réjouissait de les avoir enfin vus jouer les uns avec les autres et les uns pour les autres. Et dans sa joie, nous retrouvions notre slogan de la MCD « l’objectif de la décroissance, c’est de conserver la vie sociale, de retrouver le sens de la vie en commun, vécue par, pour et avec les autres », ce qui m’avait proprement fasciné. J’utilise donc souvent cette métaphore pour faire le parallèle entre une équipe et une société : pour combattre l’individualisme, il faut renverser la priorité donnée actuellement à l’individu sur la vie sociale et chacun sait que, pour autant les individualités ne sont pas niées dans une équipe. Simplement, elles ne sont juste pas prioritaires sur le fonctionnement du groupe, comme cela arrive également dans les chorales et les batacudas.
Or, pour certaines des personnes avec qui je discutais, on ne pouvait comparer une équipe sportive à une chorale ou une batucada, car l’enjeu n’était pas le même (quand on chante ou on joue de la musique, il ne s’agit pas de gagner) et surtout, il fallait se gardait d’encourager des références qui pouvaient laisser penser que le sport de compétition aurait encore sa place dans un trajet de décroissance / une perspective post-croissance.
Si j’avoue avoir découvert la critique radicale du sport lors de cette discussion (je me suis rattrapée depuis), mon interrogation reste la même à ce jour : pouvons-nous réellement prétendre qu’une société post-croissance serait une société totalement débarrassée d’espaces de compétition et de pratiques sportives ?
À titre personnel, je trouve cela dérangeant parce que cela continue de perpétuer deux idées qui me semblent politiquement dangereuses :
J’entends qu’il existe, historiquement et géographiquement, des sociétés de coopération sans compétition que les anthropologues ont réussi à nous faire connaître. S’en inspirer, oui ; se laisser coloniser par leurs modes de vie et leur rapport au monde, au temps, à l’espace, aux autres : oui également ; mais mimer ou calquer leurs modes de fonctionnement, vraiment ? Je trouve cela naïf et illusoire. Sans défendre du tout que les éléments cités au paragraphe précédent soient dans la nature de l’homme, comment effacer 3000 ans d’histoire dans laquelle ces modes de relations ont existé (sous des apparences, des institutions différentes) et prétendre que plus personne ne cherchera à les investir, car nous aurons réussi à tout pacifier et réorienter vers le bien commun ?
Et puis, cela confirme qu’en oies blanches de la politique, nous ne voulons jamais nous poser la question de la conflictualité. Bien sûr, dans une perspective révolutionnaire, la décroissance sera un moment d’auto-institution de la société par elle-même (et non par le haut). Mais il y aura des perdants à ce système. Suffira-t-il de mécanismes institutionnels, démocratiques, économiques de redistribution des ressources et des places pour éviter qu’ils ne réinstaurent une société de domination ?
Dans la conclusion de son excellent livre « Terre et Liberté », Aurélien Berlan aborde la question de la conflictualité en ces termes « face au problème de notre « insociable sociabilité » (Kant) qui fait que nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres, mais que nous avons aussi du mal à nous supporter et à nous accorder, l’attitude la plus courante, quand on rêve de formes de vie plus autonomes, est de plonger la tête dans le sable : le problème n’est pas identifié ou il est rejeté comme un faux problème, un stigmate du capitalisme qui sera dépassé par la vie en commun et le partage, vecteurs de reconstitution de l’harmonie sociale. Rien n’est plus néfaste à la quête de l’autonomie que ce genre de fadaises iréniques. Pour surmonter un problème, encore faut-il le regarder en face. Et une fois pris au sérieux, cette quête invite à un double équilibrisme » pour poursuivre plus loin : « Secundo, nous devons entretenir une culture du conflit qui ne cherche pas à fuir la conflictualité, mais à l’assumer tout en cultivant les qualités humaines permettant d’en désamorcer le potentiel explosif »
Piste plus intéressante que l’appel à l’homme nouveau et à l’éducation des masses, mais est-elle suffisante pour autant ? En tant que décroissante, si je défends la fin d’une société fondée sur les rapports de domination et de violence, je ne crois pourtant pas pouvoir prétendre que la société post-croissance en sera exempte : il me semble qu’il faut donc des espaces pouvant accueillir ces modes de rapport sociaux sans que ceux-ci ne viennent mettre en péril la vie naturelle et sociale. Une société peut-elle exister sans « soupape de sécurité », sans événements mettant en scène la confrontation des antagonismes (autrement que par la discussion, l’identification des controverses, ou la médiation ) ? Est-ce que la compétition sportive débarrassée de ses enjeux marchands et dénuée de toute vocation éducative ne pourrait-elle pas offrir une possibilité à la conflictualité de s’exprimer sans (trop) de péril ?
Et que les meilleurs perdent !
---------------Rédaction
Que nous montre l’affaire des eaux minérales Nestlé ? Exactement la même chose que la tentative de reprendre les travaux de l’A69 ou que la loi Duplomb. Que l’écologie officielle de la droite et du centre ne sont que des façades et que sur cette question de l’écologie, la frontière entre la droite et l’extrême-droite n’est que rhétorique.
Il y a quelques jours, Agnès Pannier-Runachier, la ministre de la transition écologique était l’invitée de France-Info et était interrogée sur le largage par Greenpeace de 10 tonnes de blocs de pierre au large de Barcarès pour dénoncer les chaluts qui raclent les fonds marins même dans des zones protégées. Indignation de la ministre pour dénoncer le largage de 10 tonnes de « gravats » (sic) par un « bateau battant pavillon étranger » (sic). Et pourtant, pendant sa diatribe anti-écolo, que montraient les images diffusées ? Qu’il ne s’agissait pas du tout de « gravats » mais bien de blocs de pierre (il y en avait 15 au total). Croyez-vous que la ministre ait tant soit peu essayé de ne pas tenir un discours à ce point contredit par les faits ? Pas du tout !
Agnès Pannier-Runnacher est bien la ministre de la trahison écologique.
Mais d’où lui vient son aplomb ?
C’est là qu’il faut remarquer la similitude entre toutes ces réactions anti-écolo : c’est que cette anti-écologie n’est en réalité qu’une écologie antisociale et laxiste qui réduit ses leviers d’action aux seules incitations.
Ce qui sert de façade à cette mascarade, c’est la fameuse dénonciation de « l’écologie punitive » qui est systématiquement brandie.
Expression inventée il y a des années par Frédéric Nihous, président du parti Chasse, pêche, nature et tradition, dans un clip de la campagne présidentielle de 2007, et repris en 2014 par Ségolène Royal.
Idéologiquement, ce qui se joue derrière ce slogan facile, c’est la priorité néolibérale accordée à ce que l’on appelle la « liberté négative » (càd la liberté comme absence de contraintes) sur la « liberté positive » (qui garantit au citoyen un certain contrôle sur les lois dans un système démocratique, et une protection contre la domination et l’arbitraire).
C’est sur cette liberté positive que les écologistes doivent fonder leurs politiques.
Ce qui a 2 implications majeures :
Chacun.e aura remarqué que c’est avec ironie que nous reprenons cette accusation de laxisme pour la retourner contre la droite et l’extrême-droite. Parce que si la gauche n’est pas toujours écologiste, l’écologie politique ne peut être défendue que par une certaine gauche.
Rédaction
La MCD paye sa tournée en Normandie !
Interventions à Caen, au Havre et à Rouen de Michel Lepesant, fondateur de la MCD : « La décroissance, solution politique ? » Entrée gratuite.
Pour beaucoup, c’est la croissance qui est la solution : pour créer de l’emploi, pour équilibrer le budget, pour financer la transition écologique, les services publics…
Or pour un décroissant, comment la croissance pourrait être la solution alors qu’elle est le problème.
Mais quelle est la nature de ce problème ?
Question décisive au moment de définir en quoi la décroissance serait la solution.
L’intervention aura pour objectif de présenter la décroissance comme solution politique parce que la croissance est d’abord un problème politique.
Autrement dit, on pourrait changer de modèle économique et même de modèle social, mais si on ne s’attaque pas aussi au modèle politique, alors il y a toutes les (mal)chances que toutes nos propositions et nos alternatives tombent à l’eau.
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