Patrick Le Hyaric
Où sont donc passés les prétendus défenseurs des paysans, ceux qui occupent tout le côté droit de l’hémicycle nous faisant croire qu’il fallait d’urgence « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ».
Les agriculteurs sont en ce moment en train de subir au moins trois événements qui montrent que ce n’est pas le manque de pesticides qui les plombe, mais le trop de capitalisme.
Parlons d’abord des betteraves. Le premier groupe sucrier, Téréos, ferme trois sucreries. Une à Abbeville (Somme), une autre à Vic (Aisne) et la troisième à Marconnelle (Pas-de-Calais). Au bout, près de 240 salariés vont perdre leur emploi et des dizaines de paysans vont arrêter la production de betterave à sucre.
Pourquoi ? Non pas pour les raisons que prétendait réparer la fameuse loi Duplomb mais en raison d’un règlement européen de 2005 que j’avais durement combattu au Parlement européen. Celui-ci oblige la France à réduire sa production de sucre d’au moins 6 millions de tonnes. La France n’ayant réduit sa production que de 2,1 millions de tonnes, une réunion du Conseil des ministres de l’Union européenne en 2007 enjoint à notre pays d’appliquer la directive afin de permettre à des pays tiers d’exporter leur production sucrière vers l’Union européenne sans aucun droit de douane. À ceci s’ajoute une délibération de l’Organisation mondiale du commerce au profit du Brésil, de la Thaïlande et de l’Australie demandant à l’Union européenne de ne plus soutenir sa production sucrière.
Cette splendeur du capitalisme et ses joies du « marché ouvert où la concurrence est libre » a conduit le même groupe Téréos qui licencie en France à s’implanter au Brésil où il fabrique du sucre de canne qu’il exporte en Europe. Mais où est passé le sieur Duplomb qui n’y trouve rien à redire…
Prenons un second exemple : Le groupe laitier Lactalis qui bénéficie de 18,6 millions d’euros d’aides publiques selon le rapport de la commission d’enquête sénatoriale rédigé par Fabien Gay, mais compresse les prix du lait à la production, éjecte des producteurs de nos régions de sa collecte. Après s’être implanté au Brésil au printemps, ce groupe a acquis au mois de juin, le groupe laitier américain Général Mills. Et, il vient d’acquérir la semaine dernière une entreprise laitière en Nouvelle-Zélande pour une valeur de deux milliards d’euros. Autrement dit, Lactalis, comme Téréos, veulent profiter à plein des traités de libre-échange pour grossir leurs profits tout en étouffant nos producteurs, avec le projet d’importer du lait et des produits laitiers, du sucre, des biocarburants fabriqués à partir des grandes fermes-usines dans les pays du Pacifique.
On cherche en vain, à ce propos, les protestations indignées de Monsieur Duplomb et ses amis qui veulent « lever les contraintes au métier d’agriculteur ».
La pire des « contraintes au métier d’agriculteurs » est bien l’insertion de l’agriculture dans l’économie capitaliste mondialisée.
Prenons un dernier exemple : Le prix du blé acheté à la ferme frôlait les 300 euros la tonne en 2022. Il n’est plus aujourd’hui qu’à 180 euros la tonne. Le coût de production moyen d’une tonne est estimé selon les exploitations aux alentours de 220 euros. Le producteur de blé perd donc de l’argent en travaillant.
Que disent, ici encore, Monsieur Duplomb et sa clique protégeant les parasites lovés au cœur du système. Rien. Silence.
Et par ailleurs, continuer à attiser le conflit avec le gouvernement algérien, comme le fait M. Retailleau, va faire de nombreuses victimes parmi nos producteurs de blé car l’Algérie achetait jusque-là la moitié de notre production. Voilà qui coûte si cher aux paysans, sans que, Boualem Sansal ne voit s’entrouvrir la porte de sa geôle ?
Paysans, les gouvernants mentent. Votre ennemi ce ne sont pas les normes, mais la voracité des prédateurs capitalistes.
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La Terre
#LaTerreSeLève
Des scientifiques ont mis en évidence l’utilité de très grandes aires marines protégées pour encourager la biodiversité, après avoir étudié celle mise en place dans l’archipel des Chagos dans l’océan Indien.
Une zone protégée géante de 640.000 km², l’une des plus grandes du monde, a été mise en place en 2010 dans cette région actuellement sous souveraineté britannique mais dont le contrôle doit à l’avenir revenir à l’île Maurice. La pêche commerciale et les activités extractives y sont interdites.
Les chercheurs, qui viennent de publier leurs conclusions dans la revue Journal of applied ecology, y ont suivi les déplacements d’espèces de tortues de mer, de raies manta de récif et de plusieurs oiseaux marins.
Les animaux étudiés dans l’étude sont ainsi restés quasi exclusivement (à 95%) dans le périmètre protégé malgré leurs déplacements liés à la nourriture, à la reproduction ou à leurs habitudes de migration locale.
Les aires marines protégées (AMP) « sont souvent conçues pour protéger des richesses locales comme des barrières de corail et la faune associée », explique Alice Trevail, chercheuse à l’université d’Exeter, l’une des auteurs.
L’utilité d’une version plus étendue de ces espaces de protection a été débattue par les scientifiques, dans la mesure où certaines espèces très mobiles pourraient en dépasser facilement les limites.
Mais « nous avons aussi démontré leur nécessité pour protéger les grands animaux mobiles, qui ont de très longs rayons de déplacement ».
Les animaux étudiés dans l’étude sont ainsi restés quasi exclusivement (à 95%) dans le périmètre protégé malgré leurs déplacements liés à la nourriture, à la reproduction ou à leurs habitudes de migration locale.
Ces conclusions soulignent aussi l’intérêt de ces grands espaces de protection pour atteindre 30% de protection des océans d’ici 2030, objectifs de la COP15 biodiversité de 2022, relèvent les auteurs.
Ils rappellent que les niveaux de protection restent inégaux, des activités « dommageables » à la biodiversité comme la pêche restant autorisées dans certains espaces pourtant théoriquement protégés.
Patrick Le Hyaric
Après une puissante mobilisation populaire, le Conseil constitutionnel a censuré la loi Duplomb et particulièrement l’article réintroduisant le néonicotinoïde, l’acétamipride en fondant sa décision sur la Charte de l’environnement, intégrée depuis 2005 dans la Constitution.
L’avis est net « Le législateur, en permettant de déroger […] à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement ».
Autrement dit, les gardiens de la constitution infligent un camouflet à tous les promoteurs de ces insecticides aux effets néfastes avérés sur les écosystèmes et la santé humaine.
Du même coup, ils rappellent la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement, particulièrement les principes de précaution et de prévention.
Sans être aussi nette sur la construction de mégabassines, le conseil émet des « réserves d’interprétation » Les prélèvements d’eau pour ces stockages ne peuvent se faire dans les nappes souterraines longues à se recharger. La « raison impérative d’intérêt général majeur » inscrite dans le texte pour ces projets peut être contestée devant les tribunaux. C’est ici une quasi censure.
Cette décision est désormais un point d’appui pour les combats à venir pour une bifurcation agro-écologique de la production agricole. En effet, la bataille pour l’intérêt général, pour la défense de la petite et moyenne paysannerie, pour le droit à l’alimentation doit se poursuivre, car l’esprit de la loi amplifiant l’insertion de la production agricole et alimentaire dans le capitalisme mondialisé est maintenue.
La contestation de la décision du Conseil constitutionnel par le sénateur Duplomb et de ministres et des agri-businessman à la tête de la FNSEA sont ridicules quand ils bavardent sur l’ouverture des marchés qui contraindrait d’acheter des aliments contenant des pesticides dangereux pour au moins trois raisons :
1- Ils admettent donc que ces éléments chimiques dans l’alimentation sont dangereux.
2 – Ce sont bien eux qui ont voté et fait voter le « principe de marché ouvert où la concurrence est libre » contenu dans les traités européens, les traités de libre-échange et poussé à une agriculture d’exportation et d’importation au détriment de la souveraineté agricole et alimentaire.
3 – Qu’ils aient le courage de porter le combat pour la réduction des pesticides dans les instances européennes et d’utiliser la « clause de sauvegarde » de nos productions tant que les autres pays ne s’alignent pas sur le mieux-disant social et environnemental.
La période que nous vivons place l’agriculture et l’alimentation au cœur du débat public. C’est une bonne nouvelle.
Elle confirme s’il en était besoin l’utilité de la revue La Terre dans ces débats pour une bifurcation agro-écologique de la production alimentaire.
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Patrick Le Hyaric
Solidaire des populations du département de l’Aude, et soutenant les efforts des forces de sécurité civile, des élus locaux, de toutes les habitantes et habitants engagés dans un combat sans merci contre le feu aux dimensions exceptionnelles, nous ne pouvons qu’une fois encore appeler à la réflexion sur les causes de cette catastrophe et à l’action nécessaire contre celles-ci.
On ne peut d’un côté verser des larmes de crocodile sur la détresse et l’angoisse des habitants, comme le fait le Premier ministre, et de l’autre imposer un « budget contraint ». Doux euphémisme pour dire que le pouvoir s’apprête à réduire encore les crédits publics indispensables à la sécurité civile, à la protection des habitants et à la lutte contre les modifications climatiques.
Un rapport parlementaire a alerté depuis un moment sur le manque de moyens de lutte contre l’incendie. On peut ainsi augmenter sans cesse le budget militaire, mais on ne peut pas acheter le nombre suffisant de Canadairs. Le prix de base d’un tel engin de lutte contre les incendies de 35 millions d’euros doit être comparé au prix des engins de morts comme Le Rafale qui selon les options coûte entre 52,8 millions et 217 millions d’euros.
Celles et ceux qui ont approuvé la politique viticole européenne qui a conduit à la transformation de milliers d’hectares de vignobles en friches, combiné à l’affaiblissement de l’élevage, devraient rendre des comptes aujourd’hui, au moment où cette politique réactionnaire ouvre la route à l’agressivité des flammes.
Enfin, l’Aude comme la Californie, subissent les mêmes phénomènes climatique où alternent des périodes de pluie intenses et une tendance générale à l’assèchement des sols. Une combinaison de chaleur et de sécheresse qui transforme de grands espaces de la planète en bouilloire. Ce processus provoque un développement de la biomasse qui, par la suite, se transforme en feux géants dans une zone méditerranéenne où les modifications du climat conduisent à une élévation globale des températures. Celle-ci devient l’espace où s’aggrave la surchauffe planétaire. Rappelons qu’actuellement la moitié de notre pays fait l’objet « d’arrêtés préfectoraux sécheresse ».
Le feu et ses destructions, humaines, naturelles, de maisons et d’équipements ne sont pas fatals. Le feu peut être évité et combattu.
Cela nécessite des moyens humains et financiers donc la sortie de l’austérité et de la militarisation.
Cela appelle aussi une autre politique agricole et forestière basée d’abord sur la valorisation et la rémunération du travail humain, de l’économie familiale combinée avec la coopération, un développement harmonieux des territoires. Une telle orientation doit être reliée avec un grand combat international pour des réorientations économiques réduisant l’utilisation des énergies carbonées dans l’objectif de protéger le climat.
Bien loin de la collaboration Trump-Von Der Leyen qui prévoit d’importer la valeur de centaines de milliards d’euros de pétrole et de gaz de schiste américain.
Si rien n’est fait, des incendies comme celui que subissent dramatiquement les populations de l’Aude et d’autres en Europe auront lieu plus souvent et sur de nouveaux espaces du territoire français et européen.
Non, décidément, ce n’est pas l’écologie qui est punitive !
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Fabrice Savel
C’est une victoire. Une victoire partielle certes contre la loi Duplomb. Au regard des exigences de la Charte de l’environnement adossée à la Constitution, le Conseil constitutionnel « censure les dispositions de l’article 2 de la loi qui permettaient de déroger par décret à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits », en particulier l’acétamipride dont la nocivité pour la santé est largement documentée et dénoncée.
En revanche, le Conseil constitutionnel se contente de formuler « deux réserves d’interprétation pour encadrer la portée de l’article 5 relatif à l’implantation d’ouvrages de stockage d’eau », les mégabassines. Et, l’augmentation des seuils réglementaires permettant l’autorisation des élevages intensifs ont été relevés a été validé par le Conseil constitutionnel.
Du côté de la FNSEA, on ne s’y trompe pas en saluant une décision qui » valide en grande partie le texte mais menace plusieurs filières ».
Parmi les opposants on n’est pas dupes. Pour la Confédération paysanne, « cette décision n’est qu’une victoire en demi-teinte. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour notre santé, pour la filière apicole et pour la biodiversité de manière générale, cela n’enlève en rien l’intention première de ce texte : accélérer la fuite en avant de l’agriculture vers un modèle toujours plus productiviste, permettre la compétitivité de la « Ferme France », en favorisant la restructuration des fermes par leur concentration. » Pour le syndicat paysan, « les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible. Cette loi s’oppose à la possibilité d’assurer une vraie souveraineté alimentaire, qui préserve la santé des citoyen·nes et de notre environnement.
Nous appelons les paysan·nes et les citoyen·nes à amplifier la mobilisation et à la renforcer, dès la rentrée. L’alimentation est une question hautement stratégique qui peut être un point de convergence important pour que cette rentrée sociale soit explosive et pour qu’enfin nos vies priment sur leurs profits ! »
Pour Terre de Liens, « l’essentiel du texte reste dangereux : l’article 3 n’a pas été censuré. Il autorise le gouvernement à relever les seuils des ICPE d’élevage, au mépris du principe de non-régression environnementale. »
« L’article 2, c’est l’arbre qui cache la forêt. L’article 3 demande aux agriculteurs de renouer avec la compétitivité en agrandissant leur exploitation, en sacrifiant leurs sols, leur santé et les ressources naturelles dont dépend leur métier », alerte Philippe Pointereau, président de la Fondation de Terre de Liens.
Générations Futures qui regrette que les articles relatifs à l’eau et à l’élevage soient validés par le Conseil salue une première victoire (en demi-teinte) et rappelle l’impératif de rester mobilisés pour exiger que le Président de la République ne promulgue pas l’entièreté de la loi Duplomb !
Le chef de l’État, en serviteur zélé des promoteurs de l’agriculture industrielle, c ‘est pour sa part empressé d’annoncer qu’il promulguerait au plus vite la loi Duplomb telle qu’elle résulte de la décision du Conseil constitutionnel, qui a jugé par ailleurs que son adoption est conforme.
Or, on sait que ce texte n’a pas été soumis au débat et au vote des parlementaires mais a été adopté par le truchement de procédure législative… Emmanuel Macron tente ainsi d’éteindre – en plien des coeurs des vacances d’été – la mobilisation exceptionnelle contre cette loi écocide, dont la pétition demandant son retrait dépasse les deux millions de signatures. Le combat doit donc s’amplifier.
Patrick Le Hyaric
Nous n’en avons pas fini avec les puissantes répliques sismiques provoquées par la loi « Duplomb », improprement baptisée « loi pour lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ».
Ce texte soutenu par les macronistes en perdition, les droites et l’extrême droite shootées au trumpisme a été imposé grâce à l’utilisation, par les soutiens de cette loi, d’artifices législatifs empêchant tout débat à l’Assemblée nationale, dans le but de réunir une commission mixte paritaire où ces mêmes forces politiques vivent dans un entre-soi donnant raison à Robespierre sur « la perfide tranquillité du despotisme représentatif * ».
Le souci du détail nous conduit à préciser que sur les quatorze membres de cette commission, trois ont été d’éminents responsables de la FNSEA.
Soulignons également d’emblée que cette loi ne « lève aucune contrainte au métier d’agriculteur ». Les contraintes du métier sont faites de lever aux aurores et de coucher bien après le soleil, d’inexistence de week-end et de jours fériés, d’absence de loisirs, de travail et encore de travail pour gagner toujours moins et répondre aux sommations de la banque qui ne perd jamais un sou des remboursements de crédits dopés d’intérêts, sans considération des incertitudes liées à la météo, à la fatigue, aux maladies humaines, animales ou végétales, alors que les prix des denrées agricoles à la ferme sont compressés.
La fameuse loi « Duplomb » ne dit mot de tout cela. Elle est en effet un projet programmatique de la concentration agraire, de l’accélération de l’industrialisation de la production agricole et alimentaire pour une insertion toujours plus grande de la production agricole dans le capitalisme mondialisé qui ne garantit plus la qualité sanitaire des aliments, les éliminations des plus petites fermes , l’assèchement des eaux des nappes phréatiques.
Une sérieuse et importante documentation montre désormais que ce type de développement agricole piloté par les firmes transnationales de l’agrochimie détruit la santé humaine en même temps que celle des sols, des eaux des rivières comme de la mer, et des végétaux.
Les médecins et les scientifiques ne cessent d’alerter sur l’augmentation des cancers, et le développement des maladies de Parkinson ou d’Alzheimer résultant de l’utilisation d’engrais phosphatés ou de pesticides.
Or, les articles de cette loi constituent un concentré de mépris pour les centaines de milliers de personnes et leurs familles atteintes d’affections de longue durée en lien avec l’environnement agricole où elles vivent et où elles ont grandi. Parmi elles, les paysans-travailleurs figurent en bonne place. Ceux-ci sont méprisés par les pouvoirs successifs, par les sociétés agro-chimiques qui amassent des brassées de milliards en vendant du poison et en combattant toute solution alternative. Méprisés aussi par les parlementaires qui ont voté cette loi contre le « principe » constitutionnel « de précaution ».
Mais l’une des nouveautés de ces dernières années est la conscience grandissante des possibilités de se nourrir correctement offertes par un autre système agro écologique à l’encontre de la fuite en avant ultra-capitaliste qui fait mal aux corps et à la nature. Leur insécurité et leurs angoisses franchissent encore une marche supplémentaire quand le projet de budget de super-austérité dans lequel est froidement prévu la réduction des remboursements de soins, notamment pour celles et ceux qui sont atteints de pathologies de longue durée.
Émerge la conviction, de plus en plus largement partagée, que le pouvoir en place gouverne contre le peuple, contre l’intérêt général et pour la seule minorité des possédants. Ils viennent d’en avoir des preuves manifeste: le rapport de la commission d’enquête du Sénat, à l’initiative de Fabien Gay, voté par les parlementaires de toutes opinions membres de ladite commission, établit que les aides publiques aux entreprises – sans contrôle ni contrepartie – représentent 211 milliards d’euros au moment même où le gouvernement dit chercher 40 milliards pour combler les déficits.
Le magazine économique Challenges, de tendance libérale, a montré que l’avoir total des 500 plus grandes fortunes françaises est passé de 454 milliards d’euros en 2016 à 1 228 milliards d’euros en 2024. C’est 100 milliards d’euros de plus chaque année pour chacune de ces 500 familles, soit l’équivalent de deux fois le budget de l’Éducation nationale.
Enfin, la protestation populaire contre la majorité du bloc bourgeois qui a voté la loi « Duplomb » s’exprime clairement avec une pétition signée – au moment où j’écris ces lignes – par plus de deux millions de citoyennes et de citoyens. Ses partisans ont beau sortir l’artillerie lourde avec ministres, sous-ministres, chaînes d’infos continues réactionnaires, Coordination rurale et Fnsea, rien n’y fait.
Et pour cause ! La double rupture démocratique que révèle une nouvelle fois cette loi travaille en profondeur la société.
Elle a d’abord été rédigée pour faciliter la construction de méga-bassines, soutenir les fermes industrialisées, autoriser l’utilisation de l’acétamipride. Mais elle a été votée contre l’avis de vingt-deux sociétés savantes médicales, contre la Ligue contre le cancer, contre les administrateurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, contre la Fondation pour la recherche médicale, contre la Fédération des mutuelles de France -représentant des millions d’assurés- , contre le Conseil scientifique du CNRS et des centaines de médecins et de chercheurs qui ont multiplié les tribunes d’alerte et de protestation, des dizaines de chefs cuisiniers et de spécialistes en gastronomie.
Il n’y a pas que dans le bureau ovale de Trump qu’on méprise les avis des scientifiques ! Ce déni de démocratie explose à la face de celles et ceux qui n’évoquent ce mot que pour leur gargarisme matinal.
Ensuite, le choc est frontal entre une majorité parlementaire composite qui n’est pas représentative de la société et des forces citoyennes qui se lèvent est manifeste. Les partis qui ont voté la loi « Duplomb » sont ceux qui n’ont pas obtenu de majorité en 2024.
Le président de la République – qui n’a recueilli qu’un faible des inscrits sur les listes électorales – ne doit son élection qu’à un vote barrage contre l’extrême droite et il est minoritaire au Parlement.
La droite de plus en plus extrémiste qui pavane au gouvernement n’a recueilli qu’à peine 6 % des votants. Le Premier ministre est à Matignon que grâce à des petits arrangements politiciens. Ajoutons que toutes ces bonnes âmes considèrent les abstentionnistes comme des citoyens n’ayant aucun avis. Or, c’est parce qu’ils en ont qu’ils considèrent cette prétendue « démocratie parlementaire ou présidentielle » comme une imposture contre le pouvoir démocratique des travailleuses, des travailleurs, des citoyennes et des citoyens.
Les expériences récentes les confortent dans ce comportement qui, en apparence, organise le silence des urnes pour mieux hurler l’aspiration à prendre son destin en main, à prendre le pouvoir sur les activités, le travail et la production.
Du référendum sur la Constitution européenne en 2005, aux mouvements contre la casse du droit du travail, à celui contre la contre-réforme des retraites – adoptée par un coup de force – ou encore le mépris des conclusions de la conférence citoyenne pour le climat en 2019… Les preuves de cette fausse démocratie ne manquent malheureusement pas.
Le mouvement contre la loi « Duplomb » et celui qui s’amorce contre le plan d’austérité Bayrou à l’initiative de l’intersyndicale montre que le mouvement social et citoyen existe bel et bien. Il est porteur d’espoir. Cela montre aussi que la thèse selon laquelle notre pays basculerait irrémédiablement à droite est contrebattue.
Le paysage médiatique et la représentation politique bêlante ne rendent pas compte de la réalité d’un pays pétri de justice sociale et environnementale, prêt à combattre les discriminations, aspirant à mêler combat anthropologique et combat écologique, brûlant du désir d’égalité et de volonté de vivre ensemble dans un monde de paix. Le champ médiatique et gouvernemental cache les opinions progressistes dans leur diversité. Mais cela ne les empêche pas d’exister, de penser et se penser, de se mobiliser, de se faire entendre, de se rassembler.
Voici mise à nu la violente collision démocratique en cours. Une aspiration démocratique populaire qui se heurte à un système institutionnel au service d’une démocratie parlementaire, faussement représentative manœuvrée par des élus qui décident majoritairement pour les intérêts du grand capital, quitte à briser la santé, à étouffer l’environnement, à raccourcir les vies jusqu’à rendre le monde invivable.
C’est parce que ce moment de rupture démocratique va à son paroxysme que les forces ayant constitué le Nouveau Front populaire doivent se retrouver, se reparler et bâtir ensemble un projet commun d’alternative progressiste. La démarche unitaire de l’intersyndicale contre le programme Bayrou montre une voie féconde à soutenir et à amplifier.
Au-delà, recoudre les fils coupés de la souveraineté populaire appelle de combattre la double dépossession des citoyennes et citoyens que masque le suffrage prétendument universel : dépossession de l’exercice réel du pouvoir sous couvert de démocratie parlementaire biaisée dans le cadre actuel des institutions ; dépossession de tout pouvoir citoyen et populaire sur la sphère de la production et du travail – chasse gardée des « actionnaires-propriétaires ». C’est ce combat contre le mépris de la citoyenneté qui émerge sous différentes formes, dont celle de la pétition contre la loi « Duplomb ».
Dans le même mouvement grandit l’aspiration d’une transformation fondamentale de l’organisation de la société humaine inséparablement d’un changement radical des rapports entre la société des humains qui doivent vivre en paix avec l’ensemble du vivant non-humain.
Émerge ainsi, particulièrement dans une part importante de la jeunesse, loin des discours dominants, non seulement l’aspiration à un changement de société, mais aussi d’un plus haut degré de civilisation. La conquête du pouvoir citoyen sur l’État et sur les productions, la démocratie réelle, deviennent le but et le moyen des transformations structurelles vers le post-capitalisme. Un terreau fertile à l’initiative communiste !
* M. Robespierre, Discours sur le gouvernement représentatif à l’Assemblée nationale le 10 mai 1793
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Patrick Le Hyaric
Les forces de droite, les précaires ministres Retailleau et Genevard en tête, ont entrepris de justifier avec d’insoutenables arguments le contenu de la loi Duplomb.
Nous relevons ici une série de contrevérités et leur apportons des réponses argumentées.
Celles et ceux qui invoquent la science et la rationalité pour défendre la loi Duplomb n’écoutent précisément pas la science et les scientifiques. En effet, pas moins de 1300 chercheurs et soignants de l’INSERM, du CNRS ou d’INRAE se sont prononcés contre la loi Duplomb, mettant en avant son impact sanitaire et environnemental négatif.
La loi Duplomb a été votée contre l’avis de 22 sociétés savantes médicales ! Contre l’avis de La Ligue contre le cancer, contre l’avis des administrateurs de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, contre l’avis de la Fondation pour la recherche médicale, contre l’avis de 20 mutuelles et groupes mutualistes, contre l’avis du Conseil scientifiques du CNRS, contre l’avis de la fédération des régies d’eau potable.
Une étude scientifique suisse sur 14 enfants a montré que l’on retrouve chez 13 d’entre eux de l’acétamipride dans le liquide céphalorachidien (liquide ou baigne le cerveau et la moelle épinière). Une étude chinoise sur un échantillon de 300 personnes confirme les résultats de cette étude suisse.
Cet argument pétri d’un relativisme ne garantit pas la santé. Ainsi, s’il est vrai que la « grippe est moins pire que le covid », vous pouvez cependant mourir des deux. Il est démontré désormais que l’utilisation d’engrais phosphaté issus des importations marocaines chargé en cadmium prépare une crise sanitaire d’ampleur. On retrouve partout désormais des pollutions des eaux dites « potables ». En Bretagne, les nitrates provoquent la prolifération d’algues vertes toxiques. Les insecticides et pesticides multiplient les cancers, notamment dans les familles paysannes.
Précisément, l’une des questions aujourd’hui posée est celle de la « souveraineté agricole et alimentaire » dans ce qui était un grand pays agricole. Or, aujourd’hui 43 % de la surface agricole utile de notre pays sert à produire pour l’exportation dans le cadre du « grand marché libre ». Et nous importons globalement 20 % de notre alimentation. Mais il existe désormais des secteurs comme les fruits et légumes où nous importons jusqu’à la moitié de notre consommation. La direction de la FNSEA berne les paysans, et ses adhérents, depuis les choix faits par Giscard d’Estaing, en valorisant le concept « d’agriculture, pétrole vert ».C’est à dire une agriculture pour l’exportation afin d’améliorer la balance commerciale de la France.
En réalité, c’est l’intégration de la production agricole dans la mondialisation capitaliste avec en amont, de grands secteurs industriels fournisseurs des moyens de production – engrais, machines, produits de traitements, etc – Et en aval les oligopoles de la transformation « agro-alimentaire » et les centrales de distribution.
Partant de là, la production agricole et alimentaire capitaliste considère l’alimentation telle une marchandise comme une autre avec des prix mondiaux déconnectés des coûts réels de production et la rémunération du travail paysan.
En effet, qu’y a-t-il de commun entre un agrarien brésilien qui exploite 3 000 voire 4 000 hectares et un paysan du Burkina Faso où même avec un paysan de la plaine de la Beauce ? Rien, bien sûr. Le prix mondial est donc une hérésie du capitalisme mondialisé. Dans cette compétition mondiale, les droites françaises – mais pas seulement malheureusement – ont voulu faire de l’agriculture non plus le cœur de l’alimentation, de la santé et du développement des territoires, mais une marchandise pour la balance commerciale. Pour cela, il a fallu en permanence compresser les prix à la production. Il y a une différence entre une orientation consistant à développer une agriculture vivrière et une agriculture d’exportation.
Cette phrase, maintes fois répétée sur des plateaux TV, ainsi que les crachats de ministres à la tête creuse, vise d’un même mouvement à culpabiliser le paysan et le consommateur. Le paysan produirait trop cher et le consommateur voudrait des produits peu chers et de qualité. C’est typique de l’argumentaire de justification des aliénations. Si les mandataires du capitalisme s’acharnent à ne pas vouloir installer des prix « plancher » ou « de base » rémunérant le travail paysan, c’est précisément pour ne pas avoir à augmenter les salaires des salariés.
Le prix d’une alimentation tirée d’une production agricole de masse à prix bas – contre la rémunération du travail paysan – de plus en plus intégrée à la mondialisation capitaliste, réduit l’alimentation à une variable d’ajustement (relative) des budgets des ménages écrasés notamment par le prix du logement.
C’est la quadrature du cercle : les salariés ont besoin de manger pour renouveler leur force de travail. Le capitalisme ne veut pas (ou peu) augmenter les salaires et a donc besoin de mettre en circulation une alimentation dont le prix est contenu – même s’ils ont augmenté ces derniers temps en conséquence de l’organisation de la fluctuation des prix mondiaux à la production par les firmes transnationales. Ainsi, le prix du beurre flambe actuellement parce qu’on détruit à petit feu la production laitière. Le prix du café est également très élevé en lien avec les modifications climatiques et l’organisation du marché par les firmes capitalistes. Il conviendrait de développer cette analyse, mais, à grands traits, le capitalisme fait en permanence pression sur les prix agricoles pour ne pas à avoir à augmenter les salaires ouvriers.
C’est vrai. Mais la construction des méga bassines répond à d’autres objectifs. Elle privatise l’eau pour une minorité de grandes exploitations au détriment des petites exploitations et de l’ensemble de la population. De plus, l’eau des méga bassines est obtenue par pompage des nappes phréatiques dont le niveau est en souffrance avec le réchauffement climatique et les épisodes de sécheresse. Une autre réponse existe depuis longtemps, celle des « lacs collinaires » qui mettent en réserve l’eau de pluie. Ajoutons qu’il faut se préparer à de nouvelles pratiques culturales tenant compte des modifications climatiques. Celles-ci s’opposent à l’industrialisation de l’agriculture et appellent le déploiement d’un processus vers l’agrobiologie. De nombreuses études et l’observation montrent que, à la différence des parlementaires au service de l’agrochimie et de l’agro-industrie, partout dans le pays, des paysans de tout horizon travaillent déjà avec de nouvelles pratiques, combinent l’amélioration de la vie des cheptels et des cultures (et y compris de leur santé) avec recherche de meilleurs revenus en diminuant les intrants – engrais, antibiotiques, produits chimiques.
Sur 290 substances chimiques actives utilisées en France, l’Union européenne s’apprête à en interdire la majorité d’ici l’année 2035, au point que le ministère de l’Agriculture préparait un programme de suppression de l’usage de 75 molécules chimiques.
Pour l’acétamipride, l’EFSA a conclu à la nécessité d’approfondir encore les travaux de recherche et a souligné des risques sérieux pour la santé humaine, celle des organismes aquatiques, des pollinisateurs (les abeilles notamment) et des oiseaux. Rappelons que les populations d’oiseaux se sont effondrées en Europe ces dernières années, en lien avec l’intensification agricole. Dans son dernier rapport publié en mai 2024 l’agence européenne confirme son évaluation en mettant en garde : « Des incertitudes majeures dans l’éventail des preuves de toxicité neurodéveloppementale (toxicité pour le cerveau) de l’acétamipride »
On rejoint ici une conception de l’agriculture extractive de matières premières pour les marchés mondiaux.
Rien n’interdit à notre pays d’imposer ses propres règles plus strictes en matière de protection de la santé et de l’environnement. Elle le fait d’ailleurs dans certains cas. L’article 44 de la loi Égalim interdit la vente de produits agricoles et de denrées alimentaires qui ne sont pas autorisées à la production ou à la vente en France. Il suffit d’amender l’article 44 de cette loi pour interdire aussi les produits d’importation – qui ne respectent pas nos règles sanitaires et environnementales – destinés à la vente.
Ce n’est, en effet, pas un hasard si la loi n’a pas prévu d’exclure les produits importés. La FNSEA, et les droites n’en disent mot très bizarrement !
Pourtant, un rapport du Sénat avait calculé une fourchette entre 10 % et 25% de produits importés en France qui ne respectent pas les règles minimales imposées aux producteurs Français.
En cas de menace grave pour la santé et l’environnement, il est possible de faire déclencher « la clause de sauvegarde européenne » pour protéger nos producteurs, la santé et l’environnement.
Il se dit aussi que les produits néonicotinoïdes enrobés ne seraient pas dangereux pour les abeilles. Certains ajoutent que du fait du non-fleurissement de la betterave à sucre, il n’y a aucun risque puisque les abeilles n’y vont donc pas butiner. Or, les pollinisateurs vont butiner les repousses de racines brisées qui elles fleurissent et les mauvaises herbes qui sont forcément contaminées par les molécules présentes dans les sols. Elles aussi fleurissent et attirent des abeilles. Ajoutons que les molécules chimiques restent longtemps dans les sols et restent toxiques pour tous les insectes et peuvent être absorbées par la culture suivante, possiblement attirante des pollinisateurs. L’enrobage est aussi nocif que les pulvérisations.
Ce qui tue l’agriculture, c’est la concentration agraire, c’est l’endettement et le surendettement des paysans, ce sont les prix insuffisants et le marché mondial.
Ce qui tue l’agriculture, c’est le réchauffement climatique comme l’a montré le Haut Conseil pour le Climat en 2024 qui montre que la production agricole est menacée dès l’année 2035. (Cliquez ici pour accéder au site du Haut Conseil pour le Climat). Dans le cas de la betterave à sucre, la prolifération de pucerons est liée aux modifications climatiques avec des températures hivernales moyennes qui augmentent.
Au nom de ce mensonge il faudrait accepter le développement des cancers et d’autres maladies ?
Alternative technique ? La réintroduction de l’acétamipride concerne environ 400 000 hectares pour la culture de betterave sucrière et des noisettes. En passant, il s’agit pour la betterave d’alimenter des méthaniseurs pour du biocarburant. Et la noisette est la plupart du temps utilisée pour fabriquer le Nutella.
Ce pesticide est destiné à combattre le puceron vert, qui transmet le virus de la jaunisse aux betteraves et décime les cultures.
En 2018, une expertise collective d’Inrae et de l’Anses avait listé et analysé l’ensemble des alternatives disponibles, leur efficacité, leur possible utilisation et leur durabilité.
Après deux ans d’études il a été conclue que: 96 % des utilisations de néonicotinoïdes disposent d’alternatives efficaces. Dans 8 cas sur 10, ces alternatives ne sont pas chimiques : il peut s’agir d’application d’une couche d’argile protectrice, de lutte via des micro-organismes, de perturbation de l’accouplement, etc.
Il a été proposé aux betteraviers qu’une seule alternative chimique pour lutter contre le puceron vert : l’association de deux pesticides, le lambda-cyhalothrine et le pyrimicarbe. Puis en 2021, une mise à jour de l’avis, des deux agences sur la lutte contre la jaunisse de la betterave, ont ouvert la voie à plusieurs solutions.
Quatre d’entre elles sont immédiatement disponibles : deux insecticides (flonicamide et spirotétramate) et des techniques à appliquer sur les parcelles (paillage et fertilisation organique) doivent permettre de réduire les pucerons. À noter que les deux insecticides proposés ont des effets moindres sur l’environnement et seraient bien plus efficaces que l’acétamipride.
Et, l’Anses a établi que dix-huit autres solutions pourraient être disponibles dans les 2 à 3 ans ; Il s’agit des stimulateurs de la défense des plantes et l’utilisation de cultures compagnes permettant de réguler les populations de ravageurs. Ces méthodes ne sont pas suffisantes à elles seules. L’agence recommande donc de poursuivre les études pour identifier les combinaisons les plus prometteuses.
L’alternative fondamentale ? Repenser nos méthodes et revenir à l’agronomie contre le diktat des firmes chimiques. Du reste, dans un rapport publié en 2023 de l’inspection générale de l’agriculture insistait sur la nécessité de rechercher des alternatives en matière de protection des cultures. « La reconception des systèmes de production s’impose : la protection des cultures, en transition agroécologique, passe par un profond changement des itinéraires techniques et des modes de production » y est-il écrit. (Cliquez ici pour lire : Produire de l’alternative en protection des cultures – Retour d’expérience)
Mais ceci s’oppose à la mainmise des secteurs d’amont – firmes des semences, de l’engrais des machines, des banques – et des secteurs d’aval, celui qui achète les aliments – industries de collecte, de transformation, de distribution. Bref, cela s’oppose aux mécanismes capitalistes qui broient les petits et moyens paysans et s’enrichissent sur le consommateur.
Travaillons à l’unité des tous les travailleurs.
Alors que la loi ne traite pas avec précision des missions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), un décret publié en catimini le 8 juillet prévoit deux dispositions particulièrement préoccupantes. L’une permet au ministre de l’Agriculture de décider, par arrêté, d’une liste de pesticides qu’il souhaite voir examiner de manière prioritaire et contraint l’Anses à prendre en considération cette liste dans la définition de son calendrier d’autorisation de mise sur le marché.
Il s’agit d’une pression directe sur l’agence veillant à la qualité alimentaire et à l’environnement, – l’Anses -, qui devra désormais d’abord examiner les demandes de pesticides choisis autoritairement par le ministre.
La seconde disposition, complémentaire de celle-ci, introduit dans les critères de mise sur le marché, celui dit « de condition agronomique ». Ceci cache en fait la volonté de permettre l’utilisation de produits dont la nocivité est avérée, mais jugée par certains indispensables à la production.
L’affaire est grave. Laisser seul le ministère de l’Agriculture prendre de telles décisions est contraire à notre droit puisque l’Anses est sous la triple tutelle des trois ministères.
Les principes de précaution et de prévention, qui, tous deux, figurent dans la Constitution, sont allègrement violés, tout comme le principe de non-régression. L’indépendance de l’Anses est mise en cause, ainsi que la possibilité de faire prévaloir les critères de santé et environnementaux sur les enjeux d’augmentation de la productivité – afin de ne pas traiter ceux de la rémunération du travail paysan.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État devraient être saisis immédiatement.
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Patrick Le Hyaric
À l’initiative d’Éléonore Pattery, 23 ans, actuellement étudiante en Master QSE et RSE (Qualité, Sécurité, Environnement / Responsabilité Sociétale des Entreprises), la pétition contre ce qui est communément appelée « Loi Duplomb » est en train de devenir un événement politique de haute portée. À l’heure où ces lignes sont écrites, nous marchons vers le million et demi de signatures.
C’est en tant que future professionnelle de la santé environnementale et de la responsabilité collective, qu’Éléonore Pattery a initié cette campagne de signatures sur le site de l’Assemblée nationale quand cette loi n’a été adoptée que par l’entremise de manigances d’arrière-salles au Parlement. L’Assemblée nationale n’a pas eu à en débattre véritablement. Les amendements déposés par l’opposition de gauche et des écologistes ayant été rejetés sans débat.
En plus d’être une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire, cette loi devient le symbole de la démocratie parlementaire foulée au pied par les intérêts de l’agrochimie et de l’agrobusiness. Et maintenant, la Présidente de l’Assemblée nationale, bien contrainte de la remettre à l’ordre du jour des débats, ne veut surtout pas de nouveau vote.
Or, il peut devenir impossible de nier cette vague citoyenne qui montre le rejet massif d’une loi qui menace notre santé, notre biodiversité et l’avenir de notre agriculture en réintroduisant des pesticides néonicotinoïdes, comme l’acétamipride, ou en facilitant l’appropriation de la ressource en eau au profit de quelques gros agri-manager et l’agrandissement de fermes-usines.
Un débat doit avoir lieu, avec un droit d’amendement et un vote. Le président de la République a le pouvoir de ne pas promulguer cette loi qui ne « protège » pas le travail paysan, mais protège les firmes de l’agro-industrie.
Et, l’Anses
Mieux encore, alors que la loi ne traite pas avec précision les missions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), un décret publié le 8 juillet prévoit deux dispositions particulièrement préoccupantes. L’une permet au ministre de l’Agriculture de décider, par arrêté, d’une liste de pesticides qu’il souhaite voir examiner de manière prioritaire et contraint l’Anses à prendre en considération cette liste dans la définition de son calendrier d’autorisation de mise sur le marché.
Il s’agit d’une pression directe sur l’agence veillant à la qualité alimentaire et à l’environnement, -l’Anses-, qui devra désormais d’abord examiner les demandes de pesticides choisis par le ministre.
La seconde disposition, complémentaire de celle-ci, introduit dans les critères de mise sur le marché, celui dit « de condition agronomique ». Ceci cache en fait la volonté de permettre l’utilisation de produits dont la nocivité est avérée, mais jugée par certains indispensable à la production.
L’affaire est grave. Laisser seul le ministère de l’Agriculture prendre de telles décisions est contraire à notre droit puisque l’Anses est sous la triple tutelle des trois ministères.
Les principes de précaution et de prévention, qui, tous deux, figurent dans la Constitution, sont allègrement violés, tout comme le principe de non-régression. L’indépendance de l’Anses est mise en cause, ainsi que la possibilité de faire prévaloir les critères de santé et environnementaux sur les enjeux d’augmentation de la productivité – afin de ne pas traiter ceux de la rémunération du travail paysan.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État devraient être saisis immédiatement.
Amplifions le grand mouvement citoyen en cours.
La Terre
Lancée par une étudiante le 10 juillet sur la plateforme de l’Assemblée nationale, la pétition contre la loi Duplomb dépasse le million de signatures.
À partir du seuil des 500.000 signatures, atteint samedi, et à condition qu’elles soient issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale peut décider d’organiser un débat en séance publique. Mais la loi ne sera pas réexaminée sur le fond et encore moins éventuellement abrogée.
La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet s’est dite sur franceinfo « favorable » à l’organisation d’un tel débat. Mais il « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée » qui va, selon elle, « sauver un certain nombre de nos agriculteurs ».
Aucune pétition n’a jamais été débattue dans l’hémicycle dans l’histoire de la Ve République.
Le texte de l’étudiante de 23 ans, Eléonore Pattery, suscite un engouement inédit, abondamment relayé sur les réseaux sociaux par des personnalités comme Pierre Niney et des députés de gauche. Le rythme des signatures s’est accéléré ce week-end.
Cette loi « est une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire », écrit dans sa pétition l’étudiante.
Adoptée le 8 juillet au Parlement, elle prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe.
Ce produit est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n’avoir aucune alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale.
A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre « un tueur d’abeilles ».
Ses effets sur l’humain sont aussi source de préoccupations majeures.
La pétition réclame également « la révision démocratique des conditions dans lesquelles la loi Duplomb a été adoptée ».
Au Parlement, elle avait en effet connu un parcours expéditif avec une motion de rejet préalable, déposée par son propre rapporteur Julien Dive (LR) pourtant favorable au texte. Le député l’avait justifié en dénonçant l’ « obstruction » de la gauche, qui avait déposé plusieurs milliers d’amendements.
L’absence de réel débat dans l’hémicycle est l’un des arguments avancés par les députés de gauche qui ont déposé un recours le 11 juillet devant le Conseil constitutionnel, espérant sa censure pour vice de procédure, ce qui pourrait empêcher sa promulgation.
Cette possibilité de pétitions sur le site de l’Assemblée, qui date de 2019, est un exemple de « démocratie participative qui pourrait faire bouger des lignes », estime la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, qui évoque la possibilité, pour le président de la République, de retarder la promulgation de la loi en demandant une seconde délibération au Parlement.
En attendant, la pétition « met une pression politique » sur les députés, souligne son collègue Benjamin Morel.
L’ensemble des partis de gauche ont appelé samedi à la tenue de ce débat. « Face aux lobbies, nous sommes des millions: l’écologie contre-attaque », s’était félicitée sur X la patronne des Ecologistes Marine Tondelier.
Le président et le Premier ministre « doivent entendre la colère populaire contre cette loi passée en force. Ils doivent renoncer à la promulguer », a écrit dimanche sur X le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard.
À l’inverse, Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, premier syndicat agricole, très favorable à la loi Duplomb, estime que l’agriculture française « disparaîtra » si on lui impose « des normes supérieures » à celles de ses voisins européens.
The Conversation
Par Pierre Lebailly, Maître de Conférences en Santé publique, membre de l’Unité de recherche Interdisciplinaire pour la prévention et le traitement des cancers – ANTICIPE, chercheur en épidémiologie au Centre de Lutte Contre le Cancer François Baclesse à Caen, Université de Caen Normandie et Isabelle Baldi, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier, co-directrice de l’équipe EPICENE (Épidémiologie du cancer et des expositions environnementales) – Centre de Recherche INSERM U 1219, Université de Bordeaux
Plus d’un an après l’annonce de la mise en pause du plan Écophyto II+, qui visait à « réduire les usages de produits phytopharmaceutiques de 50 % d’ici 2025 », et son remplacement par la controversée stratégie Écophyto 2030, la question des pesticides revient sur le devant de la scène parlementaire dans le cadre des débats autour de l’adoption de la proposition de loi « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », dite loi « Duplomb » (du nom du sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, qui l’a initiée). L’occasion de rappeler que les agriculteurs sont les premiers exposés aux produits phytosanitaires, ce qui n’est pas sans conséquence pour leur santé.
Les effets délétères des pesticides sur la santé, et en particulier sur celle des exploitants agricoles des pays occidentaux et de leurs familles, sont de mieux en mieux documentés. Plusieurs types de cancers sont notamment plus répandus dans les populations d’agriculteurs que dans la population générale. C’est aussi le cas de diverses maladies neurodégénératives et respiratoires.
Voici ce que l’on en sait à l’heure actuelle, et les questions qui restent posées.
Sous l’appellation de « pesticides » sont regroupés un ensemble de produits de synthèse ou naturels visant à lutter, le plus souvent en les détruisant, contre les organismes jugés nuisibles pour l’être humain ou ses activités, notamment en agriculture.
Ces substances répondent à quatre usages : il peut s’agir de produits phytopharmaceutiques (les plus connus des pesticides, ceux qui sont utilisés sur les cultures), de certains biocides (utilisés dans les bâtiments d’élevage ou en salle de traite, pour traiter le bois afin de le protéger des insectes et des moisissures…), de certains médicaments vétérinaires (antiparasitaires externes ou antifongiques) et enfin de certains médicaments destinés à la santé humaine (anti-poux, anti-gale, anti-mycoses…).
Les pesticides ont donc par nature une activité toxique vis-à-vis du vivant. Ils sont de ce fait soumis à une réglementation plus ancienne et plus contraignante que la plupart des autres produits chimiques. Cette réglementation, établie au niveau européen, est complexe, car elle vise à encadrer le quadruple usage de ces substances.
L’histoire des pesticides commence à la fin du XIXe siècle. En France, dès les années 1880, certaines substances (arsenicaux, dérivés du cuivre et du soufre) ont été employées dans les régions où l’agriculture s’intensifiait, notamment en viticulture et en arboriculture. Déjà à cette époque, des médecins hygiénistes notèrent chez les travailleurs agricoles l’émergence de nouvelles maladies liées à leur emploi.
Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que l’usage des pesticides prend véritablement son essor, avec le passage à une production industrielle en quantité et en variété des familles chimiques. Conséquence : dès les années 1950-1970, plusieurs constats préoccupants sont faits.
Des intoxications aiguës se produisent, dans les vergers en Californie, chez les applicateurs d’organophosphorés, ainsi que chez d’autres travailleurs en contact avec les végétaux après les traitements. Des contaminations alarmantes de l’environnement sont détectées, et des travaux révèlent que le lait humain est lui aussi contaminé, notamment par certains insecticides de la famille des organochlorés (tels que le DDT ou le lindane).
Dès les années 1960, en France, certains médecins du travail agricole se préoccupent des effets des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles. Aux États-Unis, les critiques associées à leur utilisation ont alimenté dès cette époque d’importantes mobilisations protestataires, dénonçant leurs effets délétères sur la santé des saisonniers agricoles, des consommateurs ou de la faune sauvage.
Après plus de cinquante ans d’études épidémiologiques (1970-2020), il est maintenant admis que les populations agricoles des pays à forts revenus, dans lesquels la plupart des études ont été conduites, présentent des particularités en matière de risque de cancer.
Dans les pays occidentaux, on observe un excès de certains cancers dans les populations agricoles, par rapport à la population générale.
Il s’agit principalement des cancers de la prostate (cancer masculin le plus fréquent en France, il touche chaque année près de 60 000 hommes, entraînant le décès de près de 9 000 d’entre eux), des lymphomes non hodgkiniens et des myélomes multiples.
Pour les cancers de la prostate, au moins 5 méta-analyses ont été conduites sur le lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides et elles ont conclu pour quatre d’entre elles à une augmentation de risque variant de 13 à 33 %. Quelques méta-analyses ont porté sur le lien avec des familles chimiques spécifiques de pesticides comme celle sur les insecticides organochlorés qui a conclu à une augmentation de risque variant de 30 à 56 % selon les molécules étudiées. Pour les lymphomes, une méta-analyse datant de 2014 montrait une augmentation de risque variant de 30 à 70 % pour les 7 familles chimiques étudiées.
Dans sa première expertise collective publiée en 2013, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) concluait à une présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la survenue de ces trois cancers. Cette conclusion a été maintenue lors de la mise à jour de cette expertise collective, en 2021.
En raison de ces données scientifiques, ces trois cancers font l’objet de tableaux de maladies professionnelles en France (tableau 59 du régime agricole pour les lymphomes non hodgkiniens incluant les myélomes multiples et, tableaux 61 (régime agricole) et 102 (régime général) pour les cancers de la prostate).
D’autres cancers ayant fait l’objet de moins d’études (leucémies, tumeurs du système nerveux central, sarcomes, cancers du rein et de la vessie), seraient aussi plus fréquents chez les utilisateurs professionnels de pesticides. L’expertise collective Inserm de 2021 a conclu à une présomption moyenne de lien pour ces cancers.
Enfin, de nombreux autres cancers ont été très peu étudiés et n’ont d’ailleurs pas pu faire l’objet d’une analyse détaillée par les expertises de l’Inserm de 2013 et 2021 par manque de moyens humains et/ou de données disponibles. Il s’agit des cancers broncho-pulmonaires, des cancers digestifs (colorectaux, estomac, pancréas, foie, œsophage), des cancers gynécologiques (sein, ovaires, corps et col de l’utérus), des cancers ORL ou des lèvres et des cancers de la thyroïde.
Il faut noter que peu d’études épidémiologiques ont analysé les liens entre la survenue de cancers ou de maladies chroniques et l’exposition à des familles ou des molécules pesticides spécifiques. En effet, la plupart des études conduites portaient sur des effectifs réduits, ne permettant pas d’explorer la diversité des molécules.
On considère que plus de 1000 molécules à activité pesticide ont été homologuées en Europe, et ont été présentes pour une utilisation agricole à un moment ou un autre. Certaines molécules étant retirées tandis que de nouvelles sont homologuées, aujourd’hui, on considère que le nombre de molécules autorisées est plus proche de 400.
Cependant, il est important de considérer également les molécules retirées du marché, en raison des effets retardés qu’elles peuvent avoir (comme dans le cas du lindane, interdit en France depuis 1998 pour les usages agricoles et assimilés – mais seulement en 2006 dans les produits anti-poux, qui persiste encore néanmoins dans l’environnement).
Ainsi, dans le meilleur des cas, pour des cancers très étudiés et pour des familles chimiques de pesticides très anciennes (herbicides tels que le 2,4D ou insecticides organochlorés comme le DDT, utilisés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale), il n’existe pas plus d’une dizaine d’études disponibles permettant de documenter un lien.
Dans la méta-analyse de 2015 qui a conclu à une augmentation de risque de cancer de la prostate de plus de 50 % pour les expositions professionnelles au lindane, faute de données, les auteurs n’ont pu analyser que 5 organochlorés parmi la vingtaine qui ont été utilisés massivement dans le monde depuis les années 1950…
Les auteurs de la méta-analyse de 2014 qui a établi un lien entre lymphomes non hodgkiniens et expositions à des pesticides spécifiques (21 familles chimiques et plus de 80 matières actives rapportées) n’ont identifié que 12 études fournissant des données sur les phénoxy-herbicides (2,4D, MCPA…).
En 2017, d’autres auteurs se sont focalisés sur le lien entre ces lymphomes non hodgkiniens et l’exposition au 2,4D à partir de 12 études cas-témoins et d’une cohorte historique dans une usine de production de cet herbicide. Cette méta-analyse a pu conclure à une augmentation du risque de 70 % chez les professionnels les plus exposés.
Au-delà des cancers, des données de plus en plus nombreuses et convergentes indiquent que l’exposition aux pesticides a pour conséquences d’autres effets sur la santé. Les effets sur le cerveau, par exemple, sont de mieux en mieux documentés.
D’après les expertises collectives de 2013 et de 2021 de l’Inserm, le niveau de présomption du lien entre l’exposition aux pesticides et le développement d’une maladie de Parkinson est fort. Les connaissances sur ce lien se sont constituées au cours du temps à partir de la survenue de quelques cas observés chez de personnes ayant été exposées à des substances proches de certains herbicides (des toxicomanes ayant consommé des drogues contenant une substance, le MPTP, très proche chimiquement du paraquat et du diquat, deux herbicides largement utilisés).
Ces constats ont été renforcés par des études géographiques montrant une plus forte prévalence de la maladie dans certaines zones agricoles, puis des études cas-témoins et quelques données de cohorte. Au final, les nombreuses études publiées mettent en évidence un risque de maladie de Parkinson quasiment doublé chez les personnes ayant été exposées aux pesticides.
Les données toxicologiques renforcent la compréhension de ce lien : chez des animaux exposés en laboratoire à certains pesticides (notamment la roténone, une molécule dérivée d’une plante et considérée comme un insecticide biologique), des atteintes neurodégénératives ont été mises en évidence.
Par ailleurs, plus d’une cinquantaine d’études ont également révélé des altérations des performances cognitives (capacités du cerveau à traiter les informations) chez les personnes exposées de manière chronique aux pesticides, ce qui a également conduit l’expertise collective de l’Inserm à conclure à un niveau de présomption fort pour ces troubles.
Ces résultats interrogent sur un possible lien avec la maladie d’Alzheimer, pour laquelle les troubles cognitifs peuvent représenter des symptômes précurseurs. Cependant, le nombre d’études sur cette maladie reste aujourd’hui encore limité. De ce fait, le niveau de présomption du lien est considéré comme « moyen ».
Il faut enfin souligner que certaines altérations respiratoires chroniques ont donné lieu à un grand nombre d’études probantes au cours des dix dernières années, amenant l’Inserm à la conclusion d’un niveau de présomption fort entre l’exposition aux pesticides et le risque de développer une bronchopneumopathie chronique obstructive, une grave maladie inflammatoire des bronches.
La difficulté à documenter l’effet de molécules pesticides spécifiques a été en partie résolue dans certaines études récentes, qui se sont essentiellement appuyées sur de grandes cohortes prospectives.
C’est par exemple le cas de l’Agricultural Health Study aux USA, qui porte sur plus de 50 000 agriculteurs utilisateurs de pesticides inclus à la fin des années 1990 (les questionnaires initiaux interrogeaient les agriculteurs sur l’usage d’une cinquantaine de molécules spécifiques).
En France, depuis le milieu des années 2000, la cohorte AGRIculture & CANcer (AGRICAN) suit plus de 182 000 affiliés agricoles dans 11 départements français métropolitains, dont près de 70 % d’agriculteurs/éleveurs. Ces participants sont utilisateurs de pesticides pour plus de 70 % des hommes et plus de 20 % des femmes.
Les cohortes Agricultural Health Study et AGRICAN sont en outre associées avec des données du recensement agricole norvégien au sein d’un consortium international de cohortes agricoles nommé AGRICOH.
Parallèlement, la plupart des études cas-témoins plus récentes permettent d’analyser le lien avec des pesticides spécifiques. De plus, certaines de ces études cas-témoins – les plus anciennes – sont réunies en consortium internationaux portant sur des maladies ciblées, généralement peu fréquentes, et bénéficiant du regroupement de cas à l’échelle internationale.
C’est le cas du consortium INTERLYMPH : regroupant plus de 20 études cas-témoins conduites dans une dizaine de pays différents, dont la France, il porte sur plus de 17 000 patients atteints de lymphomes.
À l’heure actuelle, AGRICAN a permis d’obtenir des résultats concernant les effets d’expositions professionnelles agricoles – incluant les pesticides – sur les cancers de la prostate, de la vessie, du côlon et du rectum, du système nerveux central, des ovaires ainsi que pour les myélomes multiples ou les sarcomes.
Pour chacun de ces cancers, plusieurs secteurs de production ont été associés à des effets délétères, ainsi que certaines tâches associées soit à une exposition directe, lors de l’application des pesticides sur les cultures ou en traitement de semences, soit à l’exposition indirecte : réentrée (autrement dit, le fait de revenir dans les cultures juste après les traitements, ce qui conduit à un contact avec des surfaces traitées et un transfert de résidu de la plante vers la peau des travailleurs), contact avec des semences enrobées, récoltes…
Pour permettre aux personnes ayant travaillé en agriculture d’estimer leurs expositions à certains pesticides, en fonction des cultures sur lesquelles elles sont intervenues, un outil épidémiologique (PESTIMAT) a été élaboré. Celui-ci a permis d’évaluer l’influence, dans la survenue de tumeurs du système nerveux central, de molécules pesticides spécifiques, telles que les herbicides, insecticides et fongicides carbamates.
Par ailleurs, en 2019, AGRICOH a permis de conclure à une association entre l’exposition au glyphosate et la survenue d’un type de lymphome particulier, le lymphome diffus à grandes cellules B. Cette analyse a également permis de détecter une association entre l’exposition à un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes, la deltaméthrine, et la survenue d’une autre hémopathie lymphoïde (les leucémies lymphoïdes chroniques).
Enfin, en 2021, les travaux d’INTERLYMPH ont montré (en s’appuyant sur 9 études cas-témoins pour 8 000 patients atteints de lymphomes), que l’exposition des agriculteurs à deux insecticides, le carbaryl et le diazinon, était associée à un doublement du risque de certains lymphomes. L’année suivante, d’autres travaux menés dans le cadre d’INTERLYMPH ont révélé que chez les personnes ayant utilisé pendant de nombreuses années des phénoxy-herbicides comme le 2,4 D, les risques de survenue de plusieurs lymphomes spécifiques étaient doublés.
L’impact de l’exposition professionnelle aux pesticides sur la santé humaine, notamment en termes de cancers et de certaines maladies neurodégénératives, ne fait guère de doute aujourd’hui, en raison d’une littérature scientifique nombreuse et convergente. Les arguments en faveur d’un lien entre cette exposition et d’autres maladies, en particulier respiratoires et endocriniennes, sont aussi de plus en plus nombreux au fil des ans.
Cependant, les connaissances nécessitent d’être encore renforcées. En effet, des zones d’ombre persistent notamment quant aux fenêtres d’exposition les plus critiques. L’impact des expositions aux pesticides pendant la vie fœtale et l’enfance est aussi une source de préoccupations.
Par ailleurs, si l’agriculture est le secteur professionnel utilisant les plus grandes quantités de pesticides, de nombreux autres secteurs d’activité sont également concernés, mais nettement moins étudiés (espaces verts, industrie du bois, hygiène publique, pompiers, industries agroalimentaires…).
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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