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Motus & Langue Pendue - Un journal intime de la société, avec des contenus situés quelque part entre l’art, la discussion entre potes et le journalisme.

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18.03.2025 à 15:03

MotusRania

Texte intégral (1392 mots)

Par Rose

Photo de Serpae

Pour qui je me prends ?

C’est une question que je me surprends à me poser à moi-même régulièrement. Dans des situations tout à fait variées. Quand j’ai des plans très précis pour soutenir le deuil amoureux d’un proche, quand j’explique pourquoi le revenu universel minimum sauverait l’humanité, quand je regarde avec un peu de condescendance deux hommes qui parlent de meufs dans le métro. Quand j’écris des billets. Mais surtout, surtout, c’est une question que je me pose depuis que j’ai décidé de me lancer à mon compte.

Ces deux dernières années ont été marquées par la fin de mon salariat. C’est-à-dire que j’ai enfin eu le temps de faire autre chose que de produire de la richesse pour un tiers. Sauf que ça impliquait d’en produire directement pour moi. Et le monde entier s’en est retrouvé teinté.

Pour qui je me prends à prétendre pouvoir être utile à quelqu’un d’autre ?

Quand j’étais étudiante, la question ne se posait pas. J’étudiais. Elle ne s’est pas plus posée quand j’étais salariée. Bizarrement. Je donnais de mon temps, dans un cadre défini, en échange d’un salaire. C’était un contrat. J’étais sérieuse, impliquée. Je prenais des risques, j’avais des idées, je me payais même le luxe de le prendre mal quand on les remettait en cause. Aujourd’hui je n’ai plus besoin de personne. C’est moi toute seule qui les remets en cause, mes idées.

Pour qui je me prends ?

J’ai commencé à lire mes livres autrement, à écouter les podcasts différemment, à entendre la parole des autres d’une nouvelle manière. Je me demandais d’où venait l’expertise ? Pourquoi je leur faisais confiance à tous ? Comment ils faisaient pour sembler si légitimes ? Comment les mots et les idées coulaient si facilement ? Si ça leur coûtait de prendre position ? S’ils avaient eux-mêmes confiance en leur avis ?

Les autres me fascinent. Leurs gestes. La manière dont ils posent leur voix. Tous les angles morts qu’ils éclairent. L’assurance. Les épaules. La tête haute.

Je parcours le monde persuadée de ne rien savoir et d’avoir tout à apprendre. Constamment. Je suis hyper à l’aise avec l’idée qu’un jour, un.e inconnu.e vienne, et m’annonce que je me suis trompée. Tout ce temps. Je lui répondrais alors « ah bon ? c’était donc ça ? ». Parce que c’est là le niveau de confiance que j’accorde à ma légitimité. De quoi je suis faite au fond et pourquoi je pense ce que je pense ?

Pour qui je me prends ?

Je fais partie de ces personnes qui ont des facilités. On me disait ça enfant. Que j’avais des facilités. J’apprenais vite, je comprenais vite, j’étais à peu près bonne en tout. Rien n’était insurmontable. Il est passé où le moi enfant à la confiance absolue ? Pourquoi l’adulte doute à la place ? J’aurais pensé l’inverse.

Mais non.

Bien entendu que non.

Le monde s’est considérablement élargi depuis mon moi enfant, il m’a montré des chemins sinueux dans des environnements inconnus, il a éclairé des paradis, il a brûlé des rêves et massacré des dogmes, il a imprimé dans ma chair et dans ma tête que tout bouge, constamment, et qu’il est impossible de rester immobile sur une terre qui tourne. Et ma légitimité s’est mise à tourner elle aussi. Ma confiance en moi s’est pris des séismes. J’ai soudain compris que je pouvais rater, me tromper, n’être pas toujours la bonne personne, pas toujours du bon côté, pas toujours au bon moment.

Pour qui je me prends ? Quand il y a tant que je ne sais pas ? Quand je n’ai vécu que ma vie ? Quand je ne parle que pour moi ? Et pourquoi on m’écouterait ?

Et pourquoi on écoute quiconque ? En réalité, le monde s’est élargi grâce à tous les gens qu’il a mis sur ma route, et qui ont osé raconter. Les autres, cette altérité-là, a rendu mon paysage bien plus immense. Si immense que j’ai pris conscience de la place infime que j’y occupais. Avec tous les autres. Et leurs idées, leurs épaules, et mes angles morts. À nous tous, on fait le monde. À nous tous on le foire, on le façonne, on essaye de faire mieux. À nous tous on apprend. Chaque parole nourrit la prochaine. Un doute après l’autre.

La question, finalement, est-ce que ce ne serait pas : pour qui je me prends, à croire que je devrais me prendre pour quelqu’un, pour être quelqu’un ?

Si on doute, c’est probablement qu’on sait nos limites et nos œillères, qu’on sait que la vérité est multiple, que les vies sont denses, et qu’il est impossible d’avoir raison.

Nos modèles de confiance absolue sont nombreux dernièrement. Ils sont à la tête de la première puissance mondiale, ils défendent leur ami violeur en commission parlementaire ou à la télé, ils appellent à la guerre et rêvent d’en être les héros. Ce sont des brutes. Des hommes au cœur sec et à la langue vociférante. Ils s’invitent chez nous tous les jours pour nous hurler leurs plaies. Ils crient à la haine du talent. À la haine du génie. Ils se proclament immenses. Ils ont oublié qu’ils étaient tout petits. Aussi petits que le reste d’entre nous. Et que nous sommes des milliards à faire le monde. Et que nous savons nous, que nous sommes petits parce qu’il y a encore tant de choses à apprendre. Et que c’est des uns et des autres, que nous apprenons. Et que c’est seulement ensemble que nous sommes immenses. 

Nos doutes serviraient-ils alors à faire tourner le monde ?

Et dans ce cas, n’est-ce pas eux qui ont oublié, depuis longtemps, de se poser la question : pour qui je me prends ?

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27.02.2025 à 12:35

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Par Charlotte Giorgi et Marius Uhl

Depuis que son nouveau maître s’amuse à balancer des saluts n@zis à la foule, les discussions autour d’un départ de masse de la plateforme X se multiplient. Le choix paraît simple : on se lève et on se casse, non?

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