16.08.2025 à 14:17
15 août : appel des familles d’otages à la grève générale en Israël.
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Texte intégral (612 mots)
C’est historique. La crise provoquée dans la population judéo-israélienne par la dynamique génocidaire de la guerre contre Gaza voit les familles d’otages appeler à la grève générale contre Netanyahou et son gouvernement, en conjuguant l’exigence de libération des otages – qui n’est pas seulement un sujet vital et horrible pour ces familles, mais qui renvoie à la définition fondatrice d’Israël comme refuge contre l’antisémitisme – et à l’arrêt du massacre et de la famine organisée à Gaza.
Au même moment, le ministre « de la Sécurité nationale », le fasciste Itamar Ben Gvir, est allé se filmer menaçant Marwan Barghouti dans sa cellule, en lui criant que tant qu’il tuerait des femmes et des enfants, lui, Ben Gvir, le combattrait ! En réalité, le ministre fasciste, dopé par Trump et Poutine et enivré par le projet de Netanyahou d’occuper Gaza-ville, a peur de cet homme enfermé qui, dans des conditions démocratiques, serait probablement élu contre le Hamas dans un Etat palestinien !
Histadrout, la centrale syndicale israélienne, sollicitée, a refusé d’appeler à la grève. Ceci n’est pas seulement une attitude d’appareil bureaucratique, mais renvoie à ses liens organiques avec l’Etat israélien. Car justement : si cet Etat est un refuge pour les Juifs, la libération des otages doit passer devant, mais si cet Etat est un mécano colonial destructeur, il n’est plus un refuge. C’est le devenir, c’est la nature de l’Etat qui sont en cause : son statut de refuge et son caractère d’Etat de droit sont liés et exigent la reconnaissance pleine et entière de tous les droits nationaux et démocratiques des Palestiniens (le retour et/ou la prise en compte de la situation des réfugiés, depuis 1947, y compris), son caractère colonial niant l’existence de la nation palestinienne conduit à la destruction de son caractère de refuge pour les juifs. C’est le choix …
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué du RAAR, Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes :
« Le 17 août prochain le forum des familles des otages appelle à une grève générale contre la décision de Netanyahou de conquérir l’ensemble de la bande de Gaza.
Le projet de Netanyahou est une catastrophe supplémentaire annoncée pour la population de Gaza, menacée par de nouveaux dangers mortels. Mais aussi pour les otages encore aux mains du Hamas dans des conditions ignobles.
Au massacre à Gaza, avec son cortège de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, s’ajoute maintenant la famine qui tue notamment des dizaines d’enfants, en raison des obstacles maintenus par le gouvernement israélien à l’entrée massive de l’aide humanitaire nécessaire.
Pour hâter la fin de cette guerre, l’action de la population israélienne est indispensable. Le 17 août peut être un moment important de la mobilisation populaire.
Le RAAR apporte son soutien à la grève générale du 17 août et à l’action du camp de la paix, particulièrement du mouvement Standing Together qui multiplie les actions de protestation et invite au refus de cette guerre injustifiable.
Il appelle l’ensemble des organisations opposées à la guerre en cours à Gaza à la solidarité avec ce mouvement de grève. »
16.08.2025 à 12:09
L’Axe Trump/Poutine contre les peuples européens.
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Lire la suite (483 mots)
Trump et Poutine, de bout en bout aux conditions de Poutine, se sont donc réunis … et n’ont officiellement rien décidé. Les deux bandits ont un problème : ils n’ont ni détruit l’Ukraine, ni asservi l’Europe. En Serbie, la population affronte les nervis de leur « ordre » mondial, en ce moment même.
Trump avait pourtant dit qu’il ferait les gros yeux en cas d’absence d’accord, mais en fait il a été (comme toujours) d’accord avec Poutine pour qu’il n’y ait pas d’accord. Il s’est déclaré « super-content » – content aussi de sa conversation téléphonique, dans l’avion, avec Loukachenko !
Ce non-accord, l’Ukraine est cependant sommée de le respecter ! Comme prévu, Trump déclare que la balle est maintenant chez elle. C’est hélas le cas de le dire : les bombardements s’intensifient. Toutefois, la double pénétration russe sur deux axes, au Nord de Pokrovsk, semble avoir été jugulée : ce n’était pas l’enfoncement russe du front du Donbass mais une opération pour le communiqué à la veille du sommet.
Poutine a menacé l’Ukraine et toute l’Europe en leur disant qu’elles n’ont pas intérêt à perturber le « processus de paix » qui vient de commencer !
Lavrov a joué les décontractés avec un teeshirt affichant CCCP (URSS), alors que dans toute l’Alaska, et pas qu’à Anchorage, des manifestations, massives à l’échelle de cet Etat et bien entendu reliées au mouvement No King contre Trump, se déroulaient contre les deux brigands et pour l’Ukraine.
Plus clairement que jamais, l’Axe Trump/Poutine, entente impérialiste américano-russe, est dirigé contre l’Europe, sous l’œil attentiste mais intéressé de la Chine. C’est là la principale portée politique de ce « sommet » pour qui veut aider la lutte et l’ émancipation de celles et de ceux d’en bas : toute attaque, maintenant, visant à empêcher la mise en mouvement des peuples d’Europe et à battre la résistance ukrainienne, se situe directement dans le cadre de l’Axe réactionnaire mondial des fascistes 2.0 Trump et Poutine.
Anchorage :

15.08.2025 à 18:58
La révolution se cherche en Serbie. Sans aucun doute, les deux gangsters vont en parler ce soir.
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Texte intégral (4962 mots)
Quand Trump et Poutine ont annoncé leur sommet, Netanyahou a annoncé qu’il allait occuper Gaza-ville. Et la nuit précédant le sommet, Vucic, président poutinien (et néanmoins candidat à l’UE) de la Serbie, a fait le choix de l’affrontement.
Nous publions ici « en vrac » vu l’urgence :
1°) les résumés et analyses de nos amis du site Samizdat2, Robert, Karel et Jean-Pierre.
2°) un billet bien senti de Veronika Zorn, intervenante sur les réseaux sociaux.
3°) Un message de l’écrivain serbe Tomislav Markovic communiqué par l’ami Vincent Mespoulet.
1)
Serbie. « Attaque contre l’État ou attaque de l’État contre le peuple » – résumé de la manifestation du 13 aout
le 15 août 202
Publié le 14 août 2025
Hier soir, des manifestations de masse ont eu lieu dans toute la Serbie en réponse à une attaque menée par des militants du SNS (Parti progressiste serbe de Vucic ndt.) contre des citoyens qui avaient manifesté la veille à Vrbas et à Bačka Palanka. Émeutes, violences et poursuites ont éclaté. Le gouvernement dénonce une attaque contre l’État, tandis que les citoyens accusent la police de soutenir le parti au pouvoir.
Le scénario des manifestations dans toutes les villes était le même. Après le rassemblement initial, les citoyens ont défilé devant les comités locaux du Parti progressiste serbe, où les attendaient militants et cordons de police.
Une soirée de violence a suivi. Le ministre de l’Intérieur, Ivica Dačić, a déclaré hier soir qu’il s’agissait d’une attaque contre l’État, contre les citoyens qui ont des opinions politiques différentes des manifestants et contre la police.
« De nombreux citoyens ont été blessés, dont six policiers. Ceux qui se dirigeaient vers les locaux du Parti progressiste serbe, les bloqueurs (étudiants) et les manifestants ont attaqué sans raison les citoyens et la police », a déclaré le ministre Dacic, selon le ministère de l’Intérieur.
Durant la nuit, des voitures ont également été vandalisées près des bureaux du Parti progressiste serbe, notamment des véhicules sans plaques d’immatriculation. On ignore pour l’instant l’auteur des dégâts.
À Novi Sad, les locaux du SNS ont été incendiés, une arme a été saisie
La situation dans cette ville était particulièrement préoccupante tout au long de la soirée. Des tirs pyrotechniques ont eu lieu depuis les locaux du Parti progressiste serbe, des pierres et d’autres objets ont été lancés. Des citoyens ont brisé les vitres des locaux du SNS. À un moment donné, un homme est sorti des lieux avec une arme à feu avec laquelle, selon les citoyens, il aurait tiré en l’air.
La situation à Novi Sad était tendue.
Tard hier soir, Ivica Dačić (ministre de l’intérieur) s’est également exprimé à cette occasion, déclarant que la personne en question était un enseigne (sous-officier) de l’armée serbe et qu’il était prétendument « en mission officielle pour sécuriser une personne protégée ».
« Lors de cette attaque, il y avait un risque de pertes humaines. Un homme qui portait sur lui une arme officielle conformément à la loi, l’adjudant de l’armée serbe Vladimir Brkušanin, a été grièvement blessé. S’il n’avait pas sorti son pistolet officiel et ne l’avait pas utilisé, je suis sûr que lui et tous les autres auraient subi de graves conséquences, voire perdu des vies humaines », a déclaré Dačić dans une interview accordée à « TV Informer ».
On ne sait pas quelle personne protégée est impliquée, mais Dačić a annoncé qu’il tiendrait une nouvelle conférence de presse aujourd’hui.
Le directeur de l’Agence de sécurité militaire, le lieutenant-général Đuro Jovanović, a déclaré aujourd’hui lors d’une conférence que « des membres de l’armée serbe du détachement de police militaire à vocation spéciale Cobra ont été attaqués alors qu’ils accomplissaient leurs tâches et obligations habituelles pour sécuriser une personne. Au cours de l’attaque contre des membres de l’armée, par des inconnus, avec des matraques, des fusées éclairantes et autres engins pyrotechniques, sept membres de l’armée serbe ont été blessés dont quatre souffrent de blessures physiques graves. Lors de cet incident malheureux, des membres de l’armée serbe ont averti à plusieurs reprises le groupe d’attaquants inconnus qu’ils étaient des fonctionnaires autorisés, qu’ils étaient membres de l’armée, mais les attaquants n’ont pas voulu abandonner, ils ont poursuivi leurs attaques », a déclaré Jovanović.
Vučić qui était à Pioneer Park, a annoncé un « nettoyage »
« À 10h15, je me suis retrouvé devant le Parlement, en bordure de Ćacilendi, car ils ont annoncé une attaque. Je suis donc venu ici pour être avec la population », a posté Vučić sur Instagram. Parmi les personnes présentes se trouvaient un grand nombre d’hommes arrivés peu avant dont le frère du président, Andrej Vučić.
Jusqu’à présent, Andrej Vučić n’est jamais apparu de cette manière lors de manifestations, du moins le public n’en était pas averti.
Dans un discours , Vučić a déclaré qu’il y avait eu une attaque bien organisée à Novi Sad, « et quand les manifestants ont rencontré une résistance dans la rue Stražilovska, ils sont retournés sur le campus (de l’Université de Novi Sad) pour récupérer les poteaux », a déclaré Vučić.
« Nous n’avons même jamais envisagé d’envoyer l’armée, et ce n’est pas nécessaire. Il n’y aura pas de guerre civile. Je les invite à s’asseoir et à discuter », a déclaré Vučić, ajoutant : « En ce moment, nous prenons des mesures. Les rues de Belgrade et bientôt de Novi Sad sont débarrassées des voyous. Il n’y aura aucune pitié pour les voyous et les hooligans », a-t-il affirmé.
Les étudiants bloqueurs : le gouvernement voulait provoquer une guerre civile
Les étudiants bloqueurs ont annoncé sur les réseaux sociaux tard hier soir que le gouvernement voulait provoquer une guerre civile avec des conflits la nuit dernière.
« Le régime a depuis longtemps identifié les coupables : les étudiants et les citoyens. Les dirigeants de l’État ne se cachent plus derrière des discours de dialogue ; le président a annoncé une purge. La police a une fois de plus protégé les fidèles du régime qui jetaient des pierres et tiraient des feux d’artifice sur les manifestants. Ils sont même allés à la rencontre de la population avec des armes à feu », ont écrit les étudiants bloqueurs sur Instagram. « Ils ne les laisseront pas continuer à détruire des vies humaines. »

Manifestations en Serbie le 13/8 au soir
Des manifestations sont organisées ce soir dans plus de 20 localités en Serbie, dont cinq à Belgrade seulement, suite à l’attaque perpétrée hier soir contre des citoyens à Vrbas et Bački Petrovac. MASINA est sur place ; suivez-nous sur notre site web et sur les réseaux sociaux pour les dernières informations.
Les étudiants bloqueurs ont appelé tous les citoyens serbes à manifester dès 20 heures, suite aux événements survenus hier à Vrbas, Bačka Palanka et Bački Petrovac. Le début de la manifestation a été marqué par des tensions liées aux contre-manifestations des partisans du Parti progressiste serbe.
20.13
Des rassemblements ont commencé dans toute la Serbie
Des citoyens se rassemblent à divers endroits en Serbie. Le carrefour près de la Faculté de droit de Belgrade est bloqué, tout comme le rond-point près de la municipalité de Novi Beograd.
Après la réunion et un bref blocage du rond-point près de la municipalité de Novi Beograd, les citoyens se sont dirigés vers les locaux du SNS.
Selon nos journalistes sur place, les partisans du SNS se rassemblent également en grand nombre.
20.23
Dragoslav Ljubicic arrêté
Dragoslav Ljubičić, administrateur du syndicat EPS Nezavisnost et secrétaire général du SDS, a été arrêté.
20.29
Contre-manifestations du SNS
Selon N1, des manifestations citoyennes ont lieu ce soir à Gornji Milanovac, Smederevo, Kragujevac et Čačak, et les partisans du Parti progressiste serbe organisent des contre-rassemblements devant les bureaux du parti.
20 h 38
Les émeutes ont commencé.
À Novi Sad, des militants du SNS lancent des engins pyrotechniques sur les habitants devant les bureaux du Parti progressiste serbe. Des tensions persistent également à Belgrade, Čačak et Kraljevo.
Émeutes à Novi Sad.
22h00
Affrontements avec la gendarmerie à Novi Beograd
À Novi Beograd, des affrontements ont eu lieu entre la gendarmerie et des citoyens, dont un journaliste de Mašina. Des gaz lacrymogènes ont été tirés et des conteneurs ont été renversés.
La situation est également tendue dans d’autres quartiers de la ville.
Nouvelle Belgrade
23 h 00
Dacic : « Une attaque horrible contre l’État »
Le ministre de l’Intérieur Ivica Dačić s’est adressé aux citoyens serbes et a déclaré que plusieurs citoyens et policiers avaient été blessés lors des incidents survenus ce soir à travers la Serbie.
« Une attaque horrible a été perpétrée contre l’État et contre les citoyens. De nombreux citoyens et policiers ont été blessés. Les manifestants ont attaqué les policiers et les citoyens sans raison », a déclaré Dačić.
Dačić a ajouté que la police a sauvé la vie des citoyens et la leur ce soir, et il les a félicités « pour tout ce qu’ils font pour préserver l’ordre public et la paix ».
Le ministre a appelé tout le monde à se retirer des rues.
Des gaz lacrymogènes ont été lancés à New Belgrade.
23 h 16
VJT : « La violence dans les rues de la capitale ne doit pas rester impunie »
Le Parquet supérieur de Belgrade (VJP) a ordonné à la police d’identifier toutes les personnes qui ont attaqué les policiers qui sécurisaient des rassemblements de citoyens non enregistrés dans la capitale ce soir.
« Les personnes qui ont fait usage de la force contre des policiers seront poursuivies pour l’infraction pénale de comportement violent lors d’un événement sportif ou d’un rassemblement public en vertu de l’article 344a du Code pénal », a déclaré le VJP dans un communiqué.
Le Parquet supérieur de Belgrade réitère une fois de plus que la violence dans les rues de la capitale ne doit pas rester impunie, surtout lorsqu’elle est commise contre les autorités chargées de garantir l’ordre public et la paix.
La gendarmerie s’en prend aux citoyens.
23 h 24
La gendarmerie frappe des citoyens dans le centre-ville de Belgrade, une personne arrêtée
Des membres de la gendarmerie interviennent dans le centre-ville et frappent les citoyens à coups de matraque.
Selon nos informations, un jeune homme a été interpellé et blessé.
Arrestation dans le centre de Belgrade.
23 h 37
Allégations concernant des armes à feu à Novi Sad
Comme l’ont raconté les habitants de Novi Sad à N1, dans cette ville, un militant du SNS (parti progressiste serbe de Vucic) aurait pointé une arme sur les citoyens et tiré un coup de feu en l’air.
Plusieurs citoyens ont été blessés lors d’affrontements avec des membres du SNS.
Rédaction de Masina traduction Google revue pour Réseau Bastille.
2) Le billet de Veronika Zorn :
Il y a un immense moment de gauche actuellement sur le continent européen et hélas un moment qui n’intéresse pas du tout les démocraties européennes, ni chez nos dirigeants qui reçoivent le président nationaliste, pro-russe et corrompu Aleksandar Vučić, comme l’a fait Emmanuel Macron, ni même et c’est presque plus grave, dans les partis de gauche.
Car oui, une révolution a lieu en Serbie depuis des mois, tellement féconde en leçons d’organisation autonome, menée par les étudiants, mais riche du soutien d’une grande partie de la population, et la répression s’intensifie aujourd’hui, car le pouvoir se sent pousser des ailes en raison de toutes nos lâchetés qui se comptent en argent des mines de lithium et en contrats d’armement.
Les fascistes flairent toujours le moment propice pour eux. Comme Netanyahou a annoncé son intention d’envahir Gaza juste avant le sommet Trump-Poutine, afin que son action soit au moins tacitement reconnue par les deux fascismes voraces qui se partagent leur sphère d’influence en Alaska sous couvert de discuter de la paix en Ukraine (l’Europe pour Poutine, le Moyen-Orient pour Trump), ainsi Vučić a aussi compris qu’il avait les mains libres.
Le scénario est limpide, sauf pour notre gauche qui s’aveugle. Répression en Serbie et déstabilisation de la Bosnie qui bouillonne. Les Serbes de Bosnie alignent les provocations, aiguillonnés et soutenus par Orban, dont le patron moscovite lui a donné pour mission de semer le chaos chez ses voisins. Le risque de reprise d’une guerre dans les Balkans est réel, ce qui entraînerait immanquablement les voisins serbes et croates dans le conflit et renforcerait les tendances réactionnaires qui pourrissent les deux pays, dont les nationalismes sont toujours vivaces.
Donc rien de la part de la gauche européenne : pas un soutien, pas une alerte. Même pour les chantres de la lutte contre la haine anti-musulmane, qui devraient pourtant s’intéresser de très près à cette question, alors que la Bosnie contient la seule communauté musulmane autonome avec une représentation politique en Europe (l’Albanie a accepté la vassalisation à Meloni et le Kosovo est tenu par les États-Unis), dont l’équilibre est crucial, car le pays fait partie, comme la Syrie, des terres de djihad dans l’imaginaire takfiriste.
Un embrasement des Balkans serait l’événement rêvé pour les chantres de la suprématie chrétienne, afin de justifier et d’intensifier des politiques islamophobes. Mais encore une fois, rien : l’hypocrisie totale, la bêtise et l’aveuglement volontaire devant l’effet domino qui menace de se mettre en branle avec le démembrement de l’Ukraine.
3) Le message de Tomislav Markovic :
[Tomislav Marković, né en 1976, vit et travaille à Belgrade. Il écrit notamment de la poésie, de la prose et des essais, et a notamment publié Vreme smrti i razonode (2009) et un recueil de poésie, Čovek zeva posle rata (2014). Des traductions de ses textes ont été publiées dans plusieurs langues dont l’albanais, le slovène, l’anglais et le hongrois. Il est auteur de la maison d’édition Partizanska knjiga depuis 2016.]
Tomislav Marković : La guerre est revenue à la maison
L’ancien président de la Serbie, Aleksandar Vučić, a laissé tomber ses gants et renoué avec son radicalisme originel. Le mécontentement populaire persiste depuis novembre dernier. Même les mois d’été, pourtant calmes, n’ont pas apaisé la colère générale contre le régime progressiste criminel. La cote du Parti progressiste serbe est en baisse. Un climat s’est créé qui envoie clairement à Vučić le message qu’il est une antiquité. Ses actions contre les étudiants et les citoyens rebelles non seulement n’ont pas porté leurs fruits, mais n’ont fait qu’intensifier la résistance générale. En bref, Vučić et les bandits progressistes ont expiré. Nous les avons trop longtemps tolérés. Il est temps qu’ils quittent la scène politique et se retrouvent là où ils doivent être : en détention, purgeant de lourdes peines de prison.
Vučić et ses militants progressistes n’ont jamais reculé devant la violence, mais ces derniers jours, ils ont radicalement augmenté leur niveau de violence, tentant de provoquer des conflits civils, voire la guerre. Une telle évolution est tout à fait logique : les radicaux ne connaissent pas d’autres méthodes d’action politique que la violence, qui est leur essence même depuis leur apparition au début des années 1990.
La phalange de Vučić
Des images de violence brutale et flagrante ont inondé les médias et les réseaux sociaux. Des groupes « progressistes » sillonnent la Serbie et attaquent les manifestants – à Bački Petrovac, Bačka Palanka, Vrbas, Novi Sad, Belgrade… Des hommes masqués, musclés et tatoués, la plupart le visage couvert, armés de couteaux, de pieds-de-biche, de matraques en bois à pointes métalliques, de pierres, d’engins pyrotechniques, de bouteilles d’eau et d’œufs congelés, et de divers autres objets contondants pour fracasser les têtes – ils se disposent là où leur chef leur ordonne de le faire et attaquent les manifestants pacifiques.
Les phalanges de Vučić se rassemblent dans les locaux du SNS, d’où ils tirent des engins pyrotechniques dangereux sur les manifestations de citoyens rebelles. Ils se positionnent également dans la rue, stratégiquement, à proximité des manifestations, et de là, ils bombardent les citoyens, parmi lesquels se trouvent de nombreuses femmes et des enfants mineurs, de tirs de mortiers, de jets de bouteilles, de pierres, de clés anglaises et de divers objets métalliques. Ils poursuivent les manifestants dans les rues et les frappent.
À Bački Petrovac, des hordes de voyous ont attaqué les organisateurs d’une exposition sur les manifestations. À Novi Sad, plusieurs centaines de voyous « progressistes » ont peint les façades des immeubles du drapeau tricolore serbe et ont frappé les habitants qui protestaient contre la dégradation de leurs immeubles. À Vrbas, ils ont bombardé les manifestants de projectiles préparés à l’avance, principalement des bouteilles congelées et autres objets similaires, qu’ils avaient préalablement préparés et conservés dans un camion frigorifique garé près des locaux du parti. À Novi Sad, ils ont tiré sur les manifestants avec des engins pyrotechniques interdits et les ont agressés à plusieurs reprises. Et ainsi de suite.
Troupes SA avancées
L’armée personnelle de Vučić, composée de soi-disant « loyalistes », est en réalité la lie de la société serbe, une bande de bashi-bozuk rassemblés autour du Parti radical serbe depuis des décennies. Dans les années 1990, ils se sont engagés dans des formations paramilitaires et sont allés en Croatie et en Bosnie pour massacrer et piller. Aujourd’hui, ils s’en prennent physiquement à leur propre peuple. Ils n’ont pas encore commencé à utiliser des snipers, comme leurs prédécesseurs, mais l’un d’eux a sorti une arme et a ouvert le feu devant les bureaux du parti à Novi Sad.
Les phalanges hooliganes de Vučić sont composées de criminels de toutes sortes : trafiquants de drogue, voyous, meurtriers ayant purgé leur peine, usuriers, délinquants, brutes, individus suspects qui ont trouvé refuge au sein du parti au pouvoir, c’est-à-dire dans leur environnement naturel. Les citoyens en ont reconnu beaucoup sur les réseaux sociaux ; il s’agit le plus souvent de personnes issues du milieu criminel. Des responsables du parti sont parfois présents à leurs côtés, ce qui peut paraître étrange à première vue, mais est en réalité logique. Les cadres « progressistes » sont par vocation des voyous, des racailles, et c’est précisément à cause de leurs traits sociopathes qu’ils se sont retrouvés dans l’administration publique et au sein du parti.
Vučić a créé sa propre version des troupes SA, la Sturmabteilung, les divisions d’assaut. Tout comme les premières phalanges SA frappaient les opposants aux nazis dans les rues des villes allemandes, et parfois les tuaient, les successeurs actuels de la Sturmabteilung traquent et tabassent les opposants aux progressistes dans les rues des villes serbes. Autrement dit, Vučić est revenu à son radicalisme d’origine et suit les modèles de sa jeunesse criminelle. N’oublions jamais qu’il était un haut responsable du Parti radical serbe criminel, l’adjudant de Šešelj, qu’il a visité les positions serbes pendant le siège de Sarajevo, qu’il a menacé de tuer cent musulmans pour un Serbe, qu’il a participé à la persécution et à la déportation des Croates de Serbie, ainsi qu’à la saisie de leurs biens.
La police au service des criminels
Tandis que les unités d’assaut « progressistes » saccagent et blessent les citoyens rebelles, la police et la gendarmerie observent la scène avec calme. Non seulement elles ne font rien pour protéger les personnes attaquées des criminels, mais elles subissent elles-mêmes la violence des paramilitaires « progressistes ». À Vrbas, on a pu assister à des scènes étranges : les troupes d’assaut de Vučić tirent sur les policiers et les gendarmes avec divers projectiles, et ces derniers encaissent calmement les coups, bien qu’ils soient en tenue anti-émeute complète et obligés de se défendre et de défendre les autres.
La police travaille en étroite collaboration avec les paramilitaires du parti et les protège lorsqu’ils se rassemblent dans les locaux du parti. Les gendarmes encerclent la zone pour empêcher les manifestants d’approcher. Tandis que les phalangistes frappent les citoyens, la police fait semblant d’être muette, puis arrête ceux qui ont été agressés et battus, et laisse les violents tranquilles. Il ne lui vient jamais à l’esprit de poursuivre les émeutiers et les casseurs. La Sturmabteilung de Vučić est au-dessus des lois, plus puissante que la police ; les criminels du parti sont sous la protection spéciale des soi-disant forces de l’ordre. En réalité, la police n’existe plus en Serbie ; il s’agit d’un groupe armé en uniforme qui ne protège ni les lois, ni l’ordre, ni la vie ni les biens des citoyens, mais fonctionne exclusivement comme la police du parti, défendant la bande de bandits qui a usurpé le pouvoir et l’État.
C’est tellement bizarre qu’il faut l’expliquer aux enfants d’âge préscolaire. Dans chaque communauté, il y a des individus sociopathes, des meurtriers potentiels, des voleurs et des bandits. C’est pourquoi la communauté s’organise, collecte des fonds et emploie un groupe de personnes pour défendre les autres contre ces maniaques. Ce groupe s’appelle la police. Or, en Serbie, ce groupe, financé par les citoyens, ne protège absolument pas les citoyens, ne fait pas son travail, mais travaille pour les criminels, et la plupart des policiers le font gratuitement. Voilà où nous en sommes après deux siècles de tentatives pour créer un État. Après tout, l’État n’est peut-être pas fait pour tout le monde.
Des décennies de mal et de méfaits
Le gang qui a déclenché quatre guerres dans les années 1990, sévi dans le quartier, commis de nombreux crimes de guerre, détruit tout ce qui lui tombait sous la main, semé le malheur de millions de personnes et bâti sa carrière sur ce sujet, veut maintenant lancer une opération similaire sur son territoire. Ne pouvant plus exporter la guerre hors des frontières de la Serbie, les radicaux de tous bords veulent écraser un peu leur propre peuple. Ils ont déjà écrasé tout le monde et sont désormais hors de leur portée. L’opinion publique semble quelque peu décontenancée, ce qui est d’ailleurs étrange. Des fauteurs de guerre et des criminels de guerre provoquent le déclenchement d’une guerre civile, ce qui est logique, le mot lui-même est éloquent, il n’y a pas de quoi s’étonner.
Toutes les horreurs qui frappent la Serbie ces derniers temps sont la conséquence d’un passé non surmonté, de mensonges, de malveillance, d’aveuglements, de notre incapacité à affronter nos propres crimes et à sortir du cercle vicieux du mal et de la perversité dans lequel nous sommes tombés après la Huitième Session. Depuis près de quatre décennies, nous nourrissons et nourrissons des criminels de guerre, des profiteurs, des instigateurs, étouffés par une frénésie nationaliste, laissant les pires racailles et criminels nous piéger.
Depuis des décennies, la majorité de la population vote pour divers radicaux, progressistes, populistes et autres dérives d’une idéologie inhumaine et sanguinaire. Cette troupe de bandits a occupé toutes les institutions serbes pendant des décennies, a tué notre Premier ministre Zoran Djindjic, qui tentait de changer les choses, et nous a replongés dans l’obscurité totale après une brève période d’espoir. Les forces dites démocratiques ont relativisé le passé, refusé d’affronter les crimes, cohabité, fait des déclarations de réconciliation avec les socialistes et nous ont tous ridiculisés.
Les conséquences des péchés oubliés
Les profiteurs de guerre n’ont jamais été privés de leurs biens pillés, les criminels politiques n’ont pas été épurés, la « loi de lustration » (d’épuration) n’a jamais été appliquée, et le SPS et le SRS n’ont pas été interdits, grâce à Koštunica, un homme qui a assuré la continuité de l’ère et du régime Milošević. Tout cela n’est que la conséquence de ces péchés anciens, pour la plupart oubliés.
La grande majorité agit comme une folle, nie le génocide de Srebrenica, n’a jamais entendu dire que Sarajevo était assiégée, n’a aucune idée que la moitié des Albanais du Kosovo ont été expulsés du Kosovo, ne sait rien des camions frigorifiques, n’a aucune idée des fosses communes, ne se soucie pas des camps de concentration, des villages brûlés, des villes détruites ou des années de massacres et d’oppression de nos voisins les plus proches.
Et maintenant, toute cette dissimulation du mal, ces accords avec les criminels, cette tolérance envers le pire du monde, ont pris fin. Le sang coule désormais dans les villes serbes, et non plus en Croatie, en Bosnie et au Kosovo. La guerre revient. Elle est ramenée par les mêmes criminels, parce qu’ils sont restés impunis, parce qu’ils ont été récompensés pour leurs crimes par cette société brisée.
15.08.2025 à 13:14
Face au sommet des brigands, le communiqué de la honte de J.L. Mélenchon.
aplutsoc2
Texte intégral (2068 mots)
Le billet de blog de Jean-Luc Mélenchon du 14 août 2025 sur le sommet Trump/Poutine du lendemain en Alaska est un modèle de crapulerie, de mensonge et d’ignorance crasse, et mérite à ce titre un petit commentaire, porteur de leçon politique.
D’aucuns auraient encore, peut-être, pu imaginer que J.L. Mélenchon allait dénoncer ce sommet de brigands et aurait appelé à les combattre du point de vue des peuples, ukrainien et palestinien notamment, comme le dit le clair communiqué des autochtones Inuits et Aléoutes d’Alaska. Impossible de faire sérieusement croire que c’est ce qu’il fait là. Pour lui si ce sommet inaugure un monde « cruel », c’est bien mérité pour « l’Europe » et il va falloir que « la France », sous sa direction comme chacun sait, prenne toute sa place dans cette cruauté : tel est son programme.
Ignorance crasse, mensonge et crapulerie se concentrent notamment dans la phrase suivante :
« Les dirigeants de l’Union européenne ont accepté le scénario conclu en 2008 à Budapest en faveur de l’annexion par l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie, véritable déclaration de guerre à la Russie. »
Mensonge : comme l’écrit un camarade qui était alors journaliste ukrainien, « à son avis, qu’est-ce qu’il s’est passé en 2008 au juste ? Pour moi, c’est l’un des points les plus délirants des campistes, parce qu’il se trouve que je couvrais le sommet en tant que journaliste à l’époque, et je me souviens de la plus noire dépression chez les « euroatlantistes » qui m’entouraient. Pendant des mois entiers, ils avaient espéré qu’on leur octroierait un « plan d’actions pour l’adhésion » à l’OTAN, au lieu de quoi on leur a dit un truc gentil genre « oui, il faut absolument qu’on se revoit un de ces jours, peut-être un café après les vacances de Noël ? Je suis débordé en ce moment, et plus tard on déménage à l’étranger, mais tu as raison on doit bien sûr boire un coup éventuellement ». Après quoi, j’ai haussé les épaules, n’étant pas vraiment fan de l’OTAN, et tout le monde est passé à autre chose. »
Lors de ce sommet de l’OTAN, c’est en fait la demande d’adhésion de la Géorgie et celle de l’Ukraine qui ont été ajournées à la Saint-Glinglin. Le mensonge s’élève au niveau de la crapulerie quand Mélenchon écrit « annexion par l’OTAN » : exactement le langage de Poutine and co !
L’ignorance crasse du politicien gaulois borné qui mélange les capitales européennes apparaît, elle, dans sa localisation à « Budapest » (Hongrie), alors que ce sommet de l’OTAN s’est tenu à Bucarest (Roumanie). Y aurait-il là un écho inconscient du mémorandum de Budapest, ce traité international toujours passé sous silence par les menteurs qui prétendent que l’OTAN avait et a pour rôle d’ « annexer » l’Europe orientale, traité par lequel l’Ukraine a cédé son arsenal nucléaire, alors le troisième du monde, à la Russie, sur injonction de l’OTAN et de l’UE confortant la Russie, avec en échange la solennelle garantie de ses frontières ? C’était en 1994 …
Mélenchon poursuit en assenant que Poutine a « gagné la guerre » – c’est clair, c’est là la méthode Coué performative pour que la réalité se conforme à son souhait le plus profond :
« Poutine a gagné la guerre parce que l’Ukraine ne peut la gagner sans un engagement des USA d’une ampleur qui n’est plus à l’ordre du jour. Pour cause de Chine. Les USA ne peuvent donc pas se tirer d’affaires en vainqueurs. Ils devront accepter qu’une nouvelle carte de l’Europe soit dessinée. »
Admirons à nouveau le mensonge sans doute mêlé d’ignorance de cette dernière phrase : les USA seraient soi-disant contraints d’accepter une nouvelle carte de l’Europe, alors que Trump et Vance l’appellent de leurs vœux ! Hé oui, Mélenchon comme tous les campistes poutinien fait aussi le jeu de l’impérialisme américain à l’âge de l’Axe Trump/Poutine !
Poursuivons :
« Pour finir, l’Europe politique y aura donc laissé sa peau. Elle a prouvé qu’elle n’existe pas et n’en a ni la volonté ni les moyens. Plus que jamais ce sera l’Europe allemande. C’est-à-dire le néant. »
Là encore, larmes de crocodiles : qu’il n’y ait aucune forme d’union des peuples européens contre Trump et Poutine est le combat actuel d’un Mélenchon. Une telle union suppose d’autres gouvernements, des gouvernements démocratiques, et se fera nécessairement avec l’Allemagne. Assimiler l’Allemagne au « néant » revient à vouloir – avec Trump et avec Poutine – que l’Europe soit le « néant ».
Après l’Europe comme ennemi, Mélenchon concentre son tir contre l’Ukraine, qui pour lui a perdu, doit avoir perdu :
« Mais surtout parce que son système politique tient à un fil. Tout concourt à l’effondrement : avoir interdit les syndicats et les partis d’opposition, avoir maintenu Zelenski en place alors que son mandat présidentiel est fini, avoir tenté de sauver les corrompus qui pillent l’effort de guerre, les désertions massives, tout cela a brisé le lien unissant le système Zelenski à son peuple en guerre. »
Mensonge, ignorance crasse et crapulerie là encore : au moment même ou ces lignes infâmes sont publiées, et où les perroquets répètent les mensonges du Chef, tel Aurélien Taché , sur les « syndicats interdits », les camarades de « Soyons comme nous sommes » (1), l’association syndicale des personnels de santé menée notamment par des femmes, tenaient leur conférence à Odessa malgré les bombes russes – photo ci-dessous d’une réunion précédente de ce mouvement, communiquée par le camarade Patrick Le Tréhondat, du RESU. Les syndicats existent et combattent en Ukraine et aucun parti politique n’est interdit – les clientèles liées à la Russie n’étaient aps des partis.
Au RESU, nous sommes en contact avec les syndicalistes, les étudiants et les féministes d’Ukraine qui mènent la lutte ET contre l’invasion ET contre la corruption et viennent de réaliser la « révolution des pancartes » qui a bloqué Zelensky à propos de la corruption. Nous sommes, nous, avec eux, parce qu’avec eux nous sommes contre l’invasion !
Se joignant à Poutine, aidant Poutine à faire reprendre son exigence colonialiste par les Etats-Unis, Mélenchon veut la peau de Zelensky (qu’il orthographie Zelenski, à la russe !) :
« Le départ de Zelenski est la condition de l’accord. Tout simplement parce que son mandat est fini et que je ne crois pas la Russie capable de signer quoique ce soit avec quelqu’un bientôt remplacé par un autre qui pourrait tout remettre en cause. »
Non seulement il exige le départ de Zelensky et veut des « élections » sous influence, mais il appelle de ses vœux le déplacement des frontières européennes au profit de la Russie, en accord avec Trump et Vance, tout en signalant au passage à quel point les revendications des nationalités européennes lui sont odieuses, et ce n’est pas nouveau :
« Je note pour mémoire à cette occasion : sur cette base les appétits de bouts d’Ukraine en Pologne et en Hongrie seront rallumés. Dès lors, d’une façon ou d’une autre, la question des frontières va revenir plus forte que jamais. Nous avions proposé une conférence des frontières sous l’égide de l’OSCE en 2016. On me fit le procès stupide de m’accuser de vouloir les changer. J’argumentais qu’elles le feraient sans nous. Et que mieux valait prendre les devants en organisant la discussion que de subir les guerres que ce genre de situation déclenche. On a vu depuis comment l’Ecosse, la Catalogne, la Flandre aujourd’hui belge ont posé un problème. »
Aucun procès ici : Mélenchon confirme que sa position sur les frontières en Europe a toujours été celle de Poutine. Elle est aujourd’hui partagée à Washington.
La place politique qu’assume ici J.L. Mélenchon est celle du digne héritier de ceux qui, en 1956 appelaient à écraser Budapest sous les chars et qui faisaient de même en 1968 contre Prague : stalinisme. Mais cette place, il entend l’assumer au compte du dérisoire impérialisme français :
« Un gouvernement insoumis aura les mains libres pour engager tout autre chose, tout autrement pour que la France puisse déployer son offre de non-alignement altermondialiste. Une tout autre Europe peut être en vue. »
Une Europe aux frontières remodelées par Trump, Vance et Poutine, traitant en prime l’Allemagne de « néant » : dans la vassalisation de l’Europe menée par l’Axe Trump/Poutine, Mélenchon prétend ménager la place de la France, qui serait « non-alignée », ce qui veut dire aujourd’hui : ni contre Poutine, ni contre Trump.
Tout ce billet de J.L. Mélenchon est une trahison consciente du programme du Nouveau Front Populaire sur l’Ukraine et pour une politique étrangère démocratique. Mais il créé en même temps les conditions pour n’être jamais en position de pouvoir pour appliquer ce petit programme de sous-impérialisme en talonnette : cette France « insoumise » et « non-alignée » dans le monde « cruel » et « multipolaire » des Trump et des Poutine serait, beaucoup plus efficacement du point de vue impérialiste français, dirigée par l’union des droites Retailleau/Bardella/Le Pen !
La leçon politique à en tirer en France ?
Que l’unité contre le budget Bayrou, la V° République et l’union des droites, doit se faire et se fera, et qu’elle doit se faire en battant politiquement le principal obstacle, et donc le principal atout du pouvoir en place, qu’est aujourd’hui la direction de LFI avec J.L. Mélenchon au premier chef. Elle se fera, et nous mettrons LFI dans l’unité, parce que dans la défensive se développant en offensive sociale à laquelle elles vont être acculées, les larges masses auront besoin d’unité et de démocratie, et sentent et sentiront instinctivement que le soutien de Mélenchon à Poutine, lié à son autoritarisme, est devenu un obstacle pour se défendre et pour aller de l’avant.
VP.
(1) une autre fois, nous parlerons des délicates questions de traduction de ce sigle !

La conférence syndicale des infirmières le 15 août 2025 à Odessa :

15.08.2025 à 10:45
Discussion à propos de la Russie.
aplutsoc2
Texte intégral (4453 mots)
Dans le présent article, je discute les positions d’un secteur de l’opposition russe de gauche qui me semble être ce qui, en Russie et dans l’émigration, est le plus proche des idées convenues qui, souvent, en « Occident » ou dans « le Sud », dominent au sein de l’« extrême-gauche » ou de la « gauche radicale » (les formules géopolitiques globalisantes telle que « l’Occident » ou « le Sud » font d’ailleurs partie de ces représentations idéologiques communes).
Le premier article, d’Alexeï Sakhnine et Liza Smirnova, intitulé Les gauches et l’opposition anti-Poutine, tente d’expliquer la propre faiblesse de leur courant et de dessiner, sinon une stratégie, du moins une orientation. Il est paru en français sur le site de LFI, l’Insoumission, le 5 juillet, et en russe (sans doute sa version originale) sur le site oppositionnel russe Рабкор (« correspondances ouvrières »). Ce site a été fondé et longtemps animé par Boris Kagarlitsky, qui est actuellement un détenu politique dont la libération doit être exigée, comme tous les autres prisonniers politiques, inconditionnellement.
Le second article porte justement la signature de B. Kagarlitsky et contient des éléments d’analyse économique que l’on rencontre souvent chez lui, et il est cosigné avec Alexeï Sakhnine – c’est en soi un évènement qu’un article soit cosigné par un actuel prisonnier politique en Russie, Kagarlitsky, et par un émigré, Sakhnine. Il est paru dans Le Monde Diplomatique d’août 2025 sous le titre L’éventualité d’une détente avec Washington divise les élites russes. Pourquoi M. Poutine est-il inflexible ? Nous le reproduisons ci-dessous.
Les deux articles couvrent donc des questions différentes mais s’éclairent l’un par l’autre car ils se recoupent non seulement dans leurs conceptions fondamentales mais dans la ligne politique qu’ils dessinent.
Présentons rapidement les auteurs. Boris Kagarlitsky est une figure historique de l’opposition de gauche se définissant comme socialiste et révolutionnaire, à la fin de l’URSS puis en Russie, connu en Occident par des traductions de ses ouvrages sur le capitalisme mondialisé ou l’intelligentsia russe. Alexeï Sakhnine et Liza Smirnova furent deux des trois opposants russes (le troisième est Andreï Rudoï) qui ont pu quitter la Russie pour la France en octobre 2022 où ils ont été accueillis par J.L. Mélenchon qui les présente comme ses amis politiques russes, voire comme sa caution anti-Poutine (« vous voyez bien que j’ai des amis russes anti-Poutine »).
Concernant l’Ukraine, tant Kagarlitsky que Sakhnine ont soutenu l’occupation de la Crimée et l’agression russe dans le Donbass en 2014. En février 2022 et depuis, ils se sont opposés à l’ « opération militaire spéciale » d’invasion de toute l’Ukraine – à la différence du dirigeant du « Front populaire russe », Sergueï Oudaltsov, qui cesse à ce moment-là d’être présenté comme l’ « ami de Mélenchon » en Russie. L’arrestation de B. Kagarlitsky fin 2023 eut lieu en même temps que celle d’Igor Girkin, criminel de guerre et personnage clef de l’occupation d’une partie du Donbass en 2014, idole d’une partie de la droite national-tsariste, et que Kagarlitsky soutenait depuis 2014 « depuis la gauche ». Ce dernier fut ensuite libéré puis arrêté à nouveau.
* * *
Sakhnine et Smirnova constatent leur propre faiblesse, en tant que courant politique, en Russie : « Avant la guerre, la gauche anticapitaliste en Russie n’a pas réussi à s’organiser en une force politique autonome. » Outre l’apathie attribuée aux masses russes et la répression, l’explication qu’ils avancent de ce fait est que cette dite « gauche anticapitaliste » s’alignait soit derrière le KPRF, le PC russe qui est en fait une composante du pouvoir poutinien (eux écrivent que sa direction était – mais on devrait dire « est » – « profondément imbriquée » avec le pouvoir), soit derrière l’opposition libérale dont la figure la plus connue était Alexeï Navalny, ce qui, selon eux, « repoussait la majorité pauvre » et sapait l’identité politique de la « gauche anticapitaliste ».
Pourtant, Navalny est devenu très populaire, conviennent-ils, quand il a abordé via la corruption les questions de justice sociale : ils parlent, entre guillemets, d’un « virage à gauche » de celui-ci, mais n’envisagent pas pour autant que la « gauche anticapitaliste » puisse ou eut pu s’engager dans une opposition radicale à Poutine sur le plan de la démocratie.
Depuis le 24 février 2022, l’opposition n’aurait selon eux pas dépassé cette « classe moyenne » libérale qui serait un repoussoir pour les larges masses car elle évoque pour elles le terrible accroissement des inégalités des années 1990, la répression faisant le reste. Ni le Mouvement Féministe Antiguerre, ni les anarchistes, ni les nationalités non russes opprimées dans la Fédération de Russie (qui n’a de fédérale que le nom), ni les luttes syndicales, ni bien sûr les combattants clandestins liés à l’Ukraine, ne sont mentionnés.
Pourtant, le mécontentement est là, disent-ils : malgré la pression conformiste les sondages le disent, et le fait qu’après une période de hausse des salaires (affirmation discutable qui demanderait à être examinée en détail en distinguant régions et branches économiques), voire de « keynésianisme militaire » (affirmation plus discutable encore …), les salaires réels reculent à présent, ce qui produira des luttes.
A juste titre, les nombreux déserteurs et le mécontentement parmi les soldats sont signalés comme autant de foyers possibles de luttes sociales et politiques, mais l’opposition libérale émigrée est accusée de ne voir dans les anciens soldats que des délinquants dangereux (ceci aussi demanderait à être discuté car le danger physique et social, notamment à l’encontre des femmes, représenté par les soldats de retour, est un énorme problème bien réel).
De fait, plus que Poutine, la cible de cet article est l’émigration russe anti-guerre, critiquée dans le prolongement de la dénonciation de l’opposition libérale d’avant 2022, et avec elle tous les opposants à Poutine se situant sur le terrain de la démocratie et de la défense des libertés. Voici un passage clef :
« La veuve de Navalny souligne que l’opposition comptait auparavant sur le soutien de l’administration américaine, mais qu’elle espère désormais l’aide de l’Union européenne. Cela s’inscrit parfaitement dans le discours des autorités russes, qui dépeint l’opposition comme un élément de la machine militaro-politique d’un ennemi extérieur. La position actuelle de l’opposition libérale confirme ce constat et incite les Russes à s’unir autour du gouvernement actuel. »
Les auteurs réalisent-ils qu’ici, ils justifient la position de Poutine contre l’opposition libérale émigrée en expliquant qu’en effet, cette opposition est alignée sur « l’Occident », OTAN puis (car Trump est là, bien qu’ils n’en parlent pas), Union Européenne ?
De fait, leur attaque contre l’opposition libérale est identique dans ses termes à celle du régime poutinien, et motive leur position d’hostilité à toute unité pour la défense des libertés démocratiques contre ce régime – les termes « démocratie », « liberté », « libertés démocratiques », sont d’ailleurs totalement absents de leur vocabulaire politique et n’apparaissent que lorsqu’il s’agit d’attaquer les « libéraux » vendus à « l’Occident » et tout opposant de gauche qui serait tenté de réaliser un front unique démocratique avec eux.
Tous mis dans le même sac alors que leurs positions sont beaucoup plus diverses et nuancées, les opposants démocratiques et « libéraux » sont fondamentalement accusés de s’être alignés sur les « autorités ukrainiennes et leurs alliés occidentaux ». Les positions ainsi dénoncées sont les suivantes : « retour aux frontières de 1991, démantèlement du régime en Russie par les forces des vainqueurs et de leurs alliés, et paiement de réparations par chaque Russe. »
En creux, nous voyons donc ici que pour cette « gauche anticapitaliste » russe autoproclamée à l’ombre de LFI en France, les frontières ukrainiennes ne sont pas légitimes, et la chute de Poutine en combinaison avec une défaite militaire de celui-ci en Ukraine n’est pas, n’a jamais été, une option. Quant à l’argument selon lequel les réparations devraient être payées par « chaque Russe », il sert à faire peur dans les chaumières et fait fi des textes et propositions nombreux de militants de gauche ukrainiens – et russes – visant à faire payer les oligarques et seulement eux.
Sur le site Рабкор, cet article est illustré d’un montage mettant en vis-à-vis, en opposition, la figure de Lénine et celle de Navalny :

Forte symbolique, dont on ne sait si elle est involontaire ou assumée : l’ennemi apparent n’est pas Poutine, mais sa victime la plus célèbre, mis en opposition avec Lénine. Lénine, pourtant, avait affirmé une orientation politique contre le pouvoir russe dans la guerre, avec la plupart des opposants dès 1904 dans la guerre russo-japonaise, et quasi seul en 1914 : le défaitisme révolutionnaire. De même qu’ils excluent tout combat mettant en avant les mots d’ordre de défense de la démocratie et des libertés, qui pourraient produire à leurs yeux des alliances impures, de même Sakhnine et Smirnova excluent tout défaitisme révolutionnaire envers l’Ukraine. Ils ne parlent d’ailleurs jamais d’invasion de l’Ukraine, mais d’une « guerre en Ukraine » ou d’une guerre menée par « l’Occident » contre la Russie – comme Poutine là encore.
La dernière partie de l’article de Sakhnine et Smirnova est intitulée « Stratégie » : à l’encontre de toute unité pour la défense des libertés et de tout défaitisme pro-ukrainien, c’est une orientation « pacifiste » qui est mise en avant. On s’en fout, expliquent-ils, que ce soit la Russie ou que ce soit « l’Occident » qui gagne la guerre : dans ce propos, l’Ukraine a disparu !
Sourds à toute explication à ce sujet (car ils n’ont pas manqué d’en entendre) nos auteurs sont comme des social-patriotes français qui, en 1956, se disaient indifférents au fait que la France ou le peuple algérien gagne la guerre car seule « la paix » comptait, ou comme certains démocrates libéraux pacifistes américains disant la même chose un peu plus tard à propos du Vietnam …
Trump apparait, et n’apparait que, dans la péroraison finale sur la nécessité de sortir la « gauche russe » des « salles où se réunit le parti occidental de la guerre » pour mener la prétendue lutte anti-guerre « contre l’extrême-droite » (qui elle aussi apparaît là, et pas quand il était question de Poutine) dans le monde en général. Trump est pourtant le meilleur collaborateur de Poutine contre l’Ukraine : ce fait fondamental, qui ne cadre pas avec la vision du monde simpliste qui sous-tend cette fausse « stratégie », est donc ignoré.
Les « Ukrainiens » apparaissent pourtant au passage, faisant l’objet d’un appel à se rassembler avec les Russes « contre la guerre » (un tel appel, en Ukraine, reviendrait à appeler à collaborer avec l’occupant). Tel serait le but de la campagne « La paix par en bas » qui a organisé un forum à Cologne fin 2024. Quelques dizaines de manifestants à Cologne, Paris et Berlin, sous le parrainage de la néo-poutinienne dirigeante de LFI Sophia Chikirou, le gros des participants fournis par le POI français, et un courant anarchiste appelant à ce que tous les soldats du monde désertent mais se plaignant de cette mainmise, sans oublier le soutien du World Socialist Web Site si équivoquement policier, telle est l’action exemplaire ici préconisée …
Il est bien évident, ceci dit, que c’est l’aspiration à la paix, à ce que le massacre des couches les plus jeunes et les plus pauvres prenne fin, qui constitue en Russie la base de toute perspective aujourd’hui. Mais toute force politique qui entend combattre « le capitalisme » dans sa forme réelle russe, à savoir l’oligarchie poutinienne, doit rendre cette aspiration efficace en la conjuguant à l’objectif de chasser Poutine et au soutien au combat anti-impérial, et anti-impérialiste, du peuple ukrainien, et des peuples non russes de Russie.
En Russie, le pacifisme efficace conduit à l’objectif de battre et chasser Poutine et au soutien à la résistance ukrainienne armée et non armée. Ces objectifs sont évidemment absents chez la « Gauche post-soviétique », nom que se donne le groupe des auteurs de ce texte, qui semble un nom plus exact que celui de « gauche anticapitaliste ». Scinder l’aspiration à la paix de son débouché politique et de sa pointe révolutionnaire défaitiste, c’est faire du pacifisme l’acceptation plus ou moins protestataire du régime existant.
La volonté des auteurs de soutien aux aspirations pacifistes qui sont certainement, de manière plus ou moins claire, celles de la majorité des Russes, et aux luttes sociales dans le monde du travail, volonté dont la sincérité ne fait pas de doute, de même que leur volonté également de donner une perspective à la révolte de bien des soldats, tout cela ne peut aboutir, car ils le coupent eux-mêmes des revendications démocratiques (la liberté et la démocratie !), politiques (chasser Poutine) et du défaitisme révolutionnaire en Russie par rapport à l’Ukraine.
Le contraste est frappant avec l’Ukraine où la gauche « post-soviétique » a de fait disparu car elle était poststalinienne ou prorusse, laissant le champ aux militants de gauche qui se sont engagés pleinement dans la lutte contre l’invasion impérialiste à visée génocidaire de leur pays, au plus tard le 24 février 2022 au petit matin, et sans ambigüité. La nouvelle gauche ukrainienne, qui est en partie engagée dans l’armée, peut bien avoir des éléments de vocabulaire communs, hérités du XX° siècle, avec l’extrême-gauche ou la gauche radicale traditionnelles, mais elle n’est plus « post-soviétique ». Anti-autoritaires, syndicalistes, artistes, féministes, LGBT, militant.e.s du Sotsialnyi Rukh, de divers groupes, socialistes démocratiques, socialistes nationalistes et anarcho-nationalistes, anarcho-écolos et autres, forment en Ukraine des courants vivants et nouveaux. La gauche radicale et écologiste d’Europe centrale et de Scandinavie leur fait de plus en plus échos et, par le RESU/ENSU, un combat est mené pour faire connaître leur existence et leurs importantes contributions pratiques et théoriques ailleurs dans le monde.
C’est de cela dont les militants russes antipoutiniens et anticapitalistes ont besoin de se rapprocher. Inversement, l’invocation d’une sorte de cordon ombilical « post-soviétique » signifie le refus d’aller de l’avant. Qu’on le veuille ou non, elle porte la nostalgie, sinon de l’ère stalinienne, du moins de l’ère brejnévienne, au motif du trauma des années 1990 où ce sont les forces sociales oligarchiques qui grandissaient sous Brejnev – Gazprom ! – qui ont siphonné toutes les richesses du pays.
Si la question nationale a fait sortir la grande majorité de nos camarades ukrainiens de toute vision nostalgique du temps de l’étatisme et d’une supposée protection sociale généralisée, parce qu’ils appartiennent à une nation opprimée et menacée, cela est beaucoup plus difficile à des militants russes, là aussi en raison de la question nationale, car ils ont intégré les réflexes et les habitus de la domination sous le voile de l’innocence – ainsi, Sakhnine et Smirnova parlent encore des « peuples frères » sans comprendre que cette expression pour les Ukrainiens comme pour les Iakoutes ou les Géorgiens veut dire le knout, les enlèvements, les viols et la non-reconnaissance comme sujets existants. Et LFI ou le POI agissent comme des « soutiens » qui les empêchent de se libérer du vieux carcan : les voilà, les forces « occidentales » mortifères envers eux !
* * *
A la différence du précédent article, celui de Kagarlitsky et Sakhnine dans le Monde Diplomatique semble vouloir mettre au centre de son analyse les rapports nouveaux inaugurés par Donald Trump avec la Russie. L’article souligne qu’avant février 2022 et les sanctions « occidentales », 35% du commerce extérieur russe se faisait avec l’UE et seulement 17,5% avec la Chine, et que la très grande majorité (ce trait remonte d’ailleurs au début des années 2000) des investissements directs russes à l’étranger se situaient en Europe (70% sans même compter les centres financiers offshore, Chypre, le Luxembourg et les Pays-Bas, où il s’agit, ajouterais-je, de capitaux « fluides », allant vers l’Europe mais pas seulement). En 2024, la Chine est montée à 34% des exportations russes, dont celles des secteurs dits de pointe. Et là, un peu comme une surprise inattendue semble-t-il, arrive Trump, la réconciliation avec les Etats-Unis et l’offre d’une étreinte économique soudaine – en fait, Poutine est lié à Trump de longue date et a misé sur son élection.
Selon les auteurs, ceci produit une crise dans les « élites russes » car réapparait le risque, souligné par un sous-titre du Monde Diplomatique, de devenir ou redevenir (spectre des années 1990 ?) un « appendice de l’Occident ». Des secteurs conséquents veulent préserver les gains de la guerre, à savoir le rapprochement avec la Chine : aucun sous-titre n’évoque le fait que la Russie pourrait devenir un « appendice de la Chine », c’est uniquement le fait d’être un appendice de « l’Occident » qui serait à déplorer pour les auteurs comme pour le Diplo …
La crise se traduirait au plan idéologique : les « anti-impérialistes » entendant unir Russie et « Sud global » en une « majorité mondiale » contre « l’Occident » seraient méfiants envers Trump, les Etats-Unis et leurs capitaux avides de s’investir, et c’est de ce côté que Kagarlitsky signale les personnages ayant le plus de positions de pouvoir, à savoir le directeur du Conseil de politique étrangère et de la défense, Sergueï Karaganov, et le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avec eux le Club Valdaï, alors que dans l’autre camp on aurait notamment l’oligarque Constantin Maloféiev et l’idéologue Alexandre Douguine, pour qui l’Occident doit certes être combattu sous sa forme actuelle, mais pour être sauvé et retrouver, avec l’aide de la Russie, sa vraie tradition. Sont également cités dans ce « camp » là Mme Lvova-Belova (qui, par ailleurs, rappelons-le, dirige les enlèvements d’enfants en Ukraine pour la russification), et le ministre de la Défense Belooussov.
Voilà, notons-le, de bien curieux « occidentalistes » pour qui le redressement du dit « Occident » passe largement par sa destruction. Les auteurs soulignent d’ailleurs que les deux « camps » sont d’accord sur la nécessité de vaincre l’Ukraine ; que les thèses des uns et des autres étaient jusque là mélangées et que c’est maintenant, depuis la main tendue de Trump, qu’elles se sépareraient nettement, bien que, y revient la conclusion, l’affrontement des proaméricains et des prochinois soit « pour l’instant seulement rhétorique », ce qui relativise fortement la thèse de l’article …
Tout cela est fort intéressant, mais est relié à une occultation, un refoulement ou un non-dit : à aucun moment la Russie n’est envisagée comme étant elle-même une puissance impérialiste, au même titre que les Etats-Unis et que la Chine, et même une puissance impérialiste de premier rang, avec ces deux partenaires-concurrents-rivaux, par rapport aux autres impérialismes, européens, Japon, « BRICS+ ».
De même, comme c’était déjà le cas dans l’article sur « la gauche » russe de Sakhnine et Smirnova, les dimensions fascistes de l’idéologie et de la pratique du régime poutinien sont occultées. Il ne s’agit pas seulement, pour lui, de dominer l’Ukraine, mais d’éliminer les Ukrainiens par la mort ou la russification. L’impérialisme contemporain, capitaliste, et l’idéologie impériale bloquant la constitution de la Russie en nation citoyenne démocratique, font corps dans cette orientation fasciste (rashiste, disent les Ukrainiens), totalement occultée par nos auteurs qui partagent les préjugés et les non-dits de la « nation » dominante russe.
Dans une certaine mesure, cette tentative de théoriser une bipartition de l’oligarchie et de l’intelligentsia russe entre proaméricains et prochinois fait penser au clivage qui avait structuré le monde intellectuel russe et celui des agents étatiques (qui se recoupent conflictuellement), au XIX° siècle, entre occidentalistes et slavophiles. Mais avec une inversion : Kagarlitsky et Sakhnine attribuent le « messianisme », via Douguine, aux proaméricains, alors qu’au XIX° siècle c’étaient les slavophiles les messianistes et les occidentalistes les rationalistes (de ces derniers, il n’y en a plus guère !).
En fait, pour un Douguine, il ne s’agit pas du tout d’une ouverture sur l’Amérique ou sur l’Europe, mais d’une domination de l’Europe et de l’Asie assortie d’une collaboration avec l’extrême droite européenne et américaine, très ancienne chez lui, qui est par exemple un copain de David Duke, du Ku-Klux-Klan. La méfiance envers la Chine, soupçonnée de pouvoir être un allié de revers de « l’Occident » en général ou de l’Europe, n’est pas du tout une idée nouvelle chez Douguine, pour qui « l’Eurasie » dominée par la Russie devrait englober le Tibet, le Xin Jiang et la Mongolie en envoyant la Chine vers les mers du Sud.
Que Kagarlitsky tente de présenter Douguine comme un proaméricain ne manque à vrai dire pas de sel, lui qui s’était retrouvé avec lui en 2014 pour aller célébrer en Crimée son annexion officielle !
Si l’on envisage la Russie comme une puissance impérialiste autonome, ce que ne font pas, ce que ne veulent surtout pas faire nos auteurs, alors on comprend qu’elle joue avec les deux autres pôles, économiquement beaucoup plus puissants qu’elle, sa propre puissance reposant sur les facteurs militaires, l’étendue territoriale et les matières premières, pour tirer son épingle du jeu, mais que ce n’est pas facile.
Globalement, Trump a pour l’heure échoué à décoller la Russie de la Chine, et c’est là un des enjeux potentiels du sommet d’aujourd’hui en Alaska. Mais le premier enjeu est l’Ukraine et, avec elle, la vassalisation de l’Europe : tant Trump que Xi Jinping veulent bien, au moment présent, d’une domination impérialiste russe sur la moitié de l’Europe. En même temps, les capitaux chinois cherchent des champs d’expansion en Sibérie, Asie centrale et Russie. Et pas seulement les capitaux, mais de possibles colons. Les contradictions sont donc très vives.
Ceci n’est pas ni une révélation, ni une nouveauté que l’effet Trump viendrait seulement de faire apparaître, et doit s’analyser en relation avec la question des formes de la guerre mondiale qui se profile, et se profilerait d’autant plus vite et dangereusement qu’Ukraine et Europe seraient asservies – et ce dernier point constitue aujourd’hui l’accord central de toutes les « élites russes » avec leur chef Poutine et avec Trump : voila ce qu’occulte l’affirmation selon laquelle le clivage entre vassaux de Washington et vassaux de Beijing se dessinerait en Russie, comme si celle-ci était déjà un pays dominé voire partagé par les autres impérialismes …
Dans leur article se voulant stratégique, Sakhnine et Smirnova disent vouloir rejeter la non-indépendance des « anticapitalistes », dénonçant les alignements, surtout envers les libéraux et le supposé « Occident », mais aussi envers le KPRF. Mais tout horizon est bouché à ces « postsoviétiques » grands-russes par leur refus de la perspective de renverser Poutine avec l’Ukraine et pour la démocratie. Mais alors, il est permis de se demander si un « clivage des élites » entre prochinois « anti-impérialistes » voulant fédérer le « Sud global », et les soi-disant proaméricains (… à la Douguine !), ne pourrait pas être leur divine surprise. Ce serait bien là le pire des alignements, prolongeant en les aggravant les précédents …
Vincent Présumey, le 15 août 2025.
Lien vers l’article en français de Sakhine et Smirnova.
Article de Kagarlitsky et Sakhnine :
15.08.2025 à 06:45
Alaska : non au sommet des brigands !
aplutsoc2
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Les assassins vont se réunir.
Depuis quelques heures en ce matin du 15 août 2025 les manifestants protestent à Anchorage, Alaska, avec le réseau Stand up Alaska et les organisations syndicales (photo).
Voici le communiqué des organisations autochtones inuites et aléoutes d’Alaska :
Aucun accord avec les criminels de guerre sur le sol alaskien
Alors que le président Donald Trump s’apprête à rencontrer le président russe Vladimir Poutine en Alaska le 15 août pour discuter de la crise ukrainienne, le Mouvement autochtone se tient aux côtés des Alaskiens et de ceux qui, à travers le pays, condamnent toute tentative de légitimer les crimes de guerre russes sur le territoire alaskien.
L’Alaska connaît le coût de l’impérialisme russe. Pendant plus d’un siècle, les colonisateurs russes ont volé et exploité des terres, décimé les populations autochtones d’Alaska par la violence, les maladies et l’esclavage, et anéanti des cultures par la suprématie religieuse. Aujourd’hui, nous observons la même stratégie impérialiste en Ukraine : annexion de territoires, ciblage de civils et déportation forcée de plus de 20 000 enfants ukrainiens – un crime de guerre au regard du droit international.
L’histoire de l’Alaska sous la domination russe ne nous rend pas neutres, elle fait de nous des témoins. La décision d’accueillir Poutine, un criminel de guerre, sur le sol alaskien est une trahison de notre histoire et de la clarté morale qu’exigent les souffrances de l’Ukraine et des autres peuples occupés.
Le Mouvement autochtone s’oppose à tout accord qui force l’Ukraine à céder des territoires, à récompenser l’agression ou à réduire au silence ceux dont la vie est en jeu. Nous nous opposons à la montée du fascisme et à l’occupation violente partout, que ce soit en Ukraine, en Palestine ou ici en Alaska. Aucun de nous ne sera libre tant que nous ne le serons pas tous.

12.08.2025 à 14:38
Que faut-il faire le 10 septembre ? La grève, c’est évident !
aplutsoc2
Texte intégral (888 mots)
Le déni de démocratie s’aggrave encore : le gouvernement entend faire appliquer le budget Bayrou de casse de tous les droits sociaux avant même qu’il ne soit voté, ou plutôt censuré, à l’Assemblée nationale !
En effet, Bayrou a, le 15 juillet, adressé aux « partenaires sociaux » (c’est-à-dire syndicats de salariés d’une part, organisations patronales d’autre part) une « lettre de cadrage » exigeant leur accord d’ici au 30 septembre pour la suppression des jours fériés (lundi de Pâque et 8 mai, Bayrou ayant découvert que le premier n’a pas de signification « religieuse » et le second sans doute pas de sens historique !), et pour dégager « 4,2 milliards dès 2026 » sous forme de transfert par les patrons d’une partie des profits ainsi réalisés (à noter que, selon la CGC, ces profits s’élèveraient à 8 milliards !) !
Ensuite, Bayrou a pondu, le 8 août, une « lettre de cadrage » contre l’Assurance chômage, adressée aux mêmes « partenaires sociaux », qui les enjoint d’ « ouvrir une négociation » (sic !) pour dégager de 2 à 2,5 milliards d’ « économies » supplémentaires par an de 2026 à 2029, et pour cela, notamment, augmenter encore la durée minimale d’emploi et diminuer encore la période de référence déterminant le droit à indemnisation, son montant et sa durée. Il s’agit de prendre sur les salaires, car, rappelons le, les indemnisations du chômage, comme toutes les prestations sociales, sont du salaire produit par les travailleurs et socialisé.
Les confédérations (CGT, FO, CFDT, CFTC, CGC) ont répondu par un communiqué à juste titre virulent, mais qui n’annonce pour l’heure rien d’autre que leur réunion du 1° septembre.
En même temps, le débat, en plein été, traverse les couches militantes syndicales sur « le 10 septembre » dont des réseaux divers, ex-GJ, extrême droite comprenant que le RN ne peut plus soutenir Bayrou, extrême gauche, veulent faire le point de départ d’un mouvement d’ensemble dont les contours varient selon les uns et les autres.
FO dit, ou plutôt laisse dire, avoir « appelé à la grève » en déposant un préavis qui couvre en fait tout l’automne, ce qui ne mange pas de pain. Dans la CGT, des fédérations et unions départementales ont, pour leurs raisons internes propres, appelé au « 10 septembre » : Chimie-Energie, Commerce, Voyagistes, UD du Nord, du Pas-de-Calais, des Pyrénées orientales … et le n°2 de la confédération, Laurent Brun vient de diffuser un texte expliquant longuement que même si ce n’est pas clair il vaut mieux en être pour encadrer et orienter. Il ne parle pas d’appel confédéral à la grève.
L’évaluation de la disposition à l’action ne doit par ailleurs pas oublier les près de 320 000 signatures en plein été sur la pétition unitaire sur le budget Bayrou, malgré son contenu réel que nous avons souligné, orienté en réalité non sur le fait de défaire totalement ce budget mais sur le « dialogue social », que la CFDT, avant la réunion intersyndicale nationale, organise en invitant à sa « rentrée syndicale » le 26 août François Bayrou lui-même et la ministre de la destruction du Code du travail, Mme Panosyan-Bouvet. Et surtout pas, bien entendu, les plus de 2,1 millions de signatures exigeant clairement, elles, l’abrogation de la loi Duplomb, et qui ont déjà contraint le Conseil constitutionnel à un premier recul.
C’est le 1° octobre prochain que le budget Bayrou doit être présenté en conseil des ministres. Même sans la rumeur du 1° septembre, il était évident que la traditionnelle journée d’action traine-savate d’octobre n’était pas de mise cette année, et que ce n’est pas seulement son transfert en septembre qui s’impose. De plus, la rentrée scolaire va immédiatement voir reprendre les luttes contre les suppressions de postes et leurs conséquences, pour la défense de l’école publique et contre les réseaux Stérin.
La réponse à la question « on fait quoi le 10 septembre », voire avant, est évidente : la grève ! Y compris pour les privés d’emplois, les retraités, les jeunes en formation et les travailleurs « indépendants », la grève, à savoir la vraie grève qui regroupe et donne de la force, peut et doit être le cadre d’union et d’action. Cela en vue de défaire le budget Bayrou, annuler les suppressions de postes à l’école publique, abroger la loi Duplomb, hausser les salaires, avant octobre, de façon à ce que la chute annoncée de Bayrou soit la victoire des travailleurs, contre Macron, le RN, l’union des droites et la V° République !
11.08.2025 à 12:43
Venezuela : exigeons la réapparition en vie de Martha Lia Grajales
aplutsoc2
Texte intégral (783 mots)
Nous appelons les citoyennes et citoyens, militants, syndicalistes, défenseuses et défenseurs des droits humains, à signer la pétition ci-jointe, dont voici la traduction française !
Dernière minute, ajout du 13/08/25 : on a su que Martha Lia Grajales a été présentée devant un tribunal pour « crime contre la nation » (!?) avec début de montages policiers sur des liens avec les Etats-Unis, etc., alors qu’il s’agit justement d’une figure populaire du chavisme historique. Voici quelques heures elle a été relâchée pendant l’instruction en attente du procès : « une petite victoire qui nous rappelle que quand l’arbitraire devient trop visible il peut être contré collectivement », écrit une camarade venezuelienne.
Défendre les droits humains des classes populaires n’est pas un crime : Liberté immédiate pour Martha Lía Grajales*
Nous, soussignés, militants des mouvements sociaux, des organisations de défense des droits humains, des partis politiques démocratiques, créateurs et intellectuels de différents pays, avons appris avec préoccupation la nouvelle de l’arrestation au Venezuela de l’avocate des droits humains Martha Lía Grajales, membre du collectif « Surgentes (Collectif des Droits Humains) ». Martha, mère d’un adolescent, est une militante engagée pour la justice sociale et chaviste qui travaille avec des communautés dans différents quartiers populaires de Caracas, en particulier dans la paroisse de San Agustín.
Le 5 août 2025, Martha a accompagné soixante mères qui ont organisé une veillée devant le Tribunal Suprême de Justice du Venezuela, pour exiger aux autorités de réviser les accusations portées contre leurs enfants, injustement accusés de terrorisme à la suite de l’échéance électorale du juillet 2024. Lors de cette action pacifique, les mères et les défenseurs des droits humains ont été agressés par des civils arrivés à moto, armés et munis d’objets contondants, qui se sont comportés comme des bandes paramilitaires. Les femmes présentes à la veillée ont été violemment attaquées et dépouillées de leurs effets personnels, en particulier leurs téléphones portables et leurs cartes d’identité.
Le 8 août, Martha Lía Grajales et d’autres défenseurs des droits humains, aux côtés des mères concernées, ont participé à un rassemblement en solidarité avec les femmes agressées. Vers 16 heures, à la fin de cet evénement en soutien à l’association des « Mères en Défense de la Vérité », Martha Lía Grajales, carte d’identité n° 29.565.914, est amenée à un poste de contrôle de la Division des Enquêtes Criminelles rattachée à la Police Nationale Bolivarienne. Accompagnée au poste par d’autres militants présents au rassemblement, Grajales explique aux fonctionnaires de police que sa carte d’identité lui avait été volée le mardi 5 août, près du bâtiment du Tribunal Suprême de Justice pendant la veillée organisée par les « Mères en Défense de la Vérité ». Alors que ces échanges avaient lieu, des véhicules conduits par des personnes se présentant comme des policiers sont arrivés sur les lieux et ont emmenée Grajales.
Martha Lía Grajales a ainsi été enlevée par un groupe d’hommes se présentant comme des policiers mais ne portant pas d’identification, qui l’ont forcée à monter dans un véhicule utilitaire gris sans plaques d’immatriculation. Les faits se sont produits sur l’avenue Francisco de Miranda, entre les avenues 1 et 2, à Los Palos Grandes, à Caracas. On ignore toujours où elle se trouve. Elle portait un t-shirt blanc et un pantalon vert.
Nous demandons que son intégrité physique soit protégée, qu’il lui soit permis de communiquer avec ses avocats et sa famille, et que ceux-ci soient informés de son lieu de détention. Nous exigeons la libération immédiate de Martha Lía Grajales.

11.08.2025 à 09:42
Contre le sommet des bandits, la lutte des peuples.
aplutsoc2
Texte intégral (933 mots)
David Shishkan est mort au combat, près de Zaporijjia, ce 9 août 2025. Cet anarchiste ukrainien – « anti-autoritaire de gauche » plus précisément, adversaire de toute forme de domination, se réclamant de la tradition de Bakounine et Makhno, et pour cela même engagé dans l’armée ukrainienne – était un artiste reconnu très au-delà des milieux de gauche comme l’un des plus grands, sinon comme le plus grand, « performeur » d’Ukraine, et avait à ce titre affronté physiquement l’extrême-droite ukrainienne qu’il s’attachait à discréditer par son engagement militaire pour l’Ukraine, dont l’idée nationale était pour lui « un projet de gauche et anti-autoritaire ». Patrick Le Tréhondat l’avait interviewé en février 2024.

Anas Al-Sharif était un journaliste palestinien, originaire d’Ashkelon, dont le père avait été tué par l’armée israélienne. Resté à Gaza, il filmait, documentait et dénonçait la famine, lui-même affamé puisque resté à Gaza, organisée par l’Etat israélien, qui l’avait dénoncé comme « responsable d’une celle terroriste du Hamas » : très clairement, filmer la famine voulue par cet Etat est selon celui-ci du « terrorisme ». Anas Al-Sharif avait été primé par Amnesty International. Il a été assassiné sciemment, de manière assumée, par des tirs visant leur tente juste à côté d’un hôpital, avec trois de ses collègues, travaillant pour al-Jazeera, ce 10 août 2025.

Il n’y a strictement rien de fortuit dans ces deux assassinats de jeunes combattants pour la liberté. Et dans les deux cas, les assassins prétendent « combattre le nazisme » dans le cas de l’armée russe, « combattre le Hamas » dans le cas de l’armée israélienne, alors que ce sont eux les porteurs de la réaction héritière des fascismes du XX° siècle.
Rien de fortuit, surtout, dans le fait que ces deux morts de trop, parmi des milliers d’autres, le sont au compte de l’ordre mondial de Trump et Poutine dont Netanyahou est un parangon, lui qui l’a, avec le Hamas, alimenté et renforcé. Cet ordre/désordre mondial doit tuer pour se maintenir, car la résistance ukrainienne armée et non armée, la résistance palestinienne non armée de la population, et les soulèvements sociaux et démocratiques comme en Serbie, en menacent immédiatement toutes les fondations.
Engagé dans une course de vitesse avec la résistance démocratique du peuple américain, Trump après son faux ultimatum et ses gesticulations « nucléaires » – qui n’ont jamais menacé la Russie mais ont signifié que lui aussi veut faire savoir qu’il peut manier cette arme – a donc fait à Poutine le cadeau d’un sommet avec lui, en Alaska, le 15 août prochain, pour parler de l’Ukraine sans l’Ukraine.
Le jour même de l’annonce de ce « sommet », Netanyahou rendait public l’objectif de l’occupation militaire de la ville de Gaza, contre lequel ont eu lieu les plus grandes manifestations israéliennes depuis octobre 2023.
Les brigands impérialistes veulent sacrifier les peuples ukrainien et palestinien et asservir l’Europe. Pour ce faire, ils n’ont pas de meilleurs serviteurs que les campistes et les « pacifistes » pour qui la Russie combattrait l’OTAN – et les mêmes en se présentant comme les plus « propalestinien » contribuent en fait à isoler le peuple palestinien, dont la défense passe par la solidarité avec la cause du peuple ukrainien et de tous les peuples.
L’Europe est ainsi placée dans une situation de tenaille dans laquelle ses gouvernements capitalistes sont conduits à capituler, vers l’asservissement, comme l’a notifié Mme Van der Leyen en concluant un accord « commercial » et en fait politique avec Trump aux conditions de ce dernier.
Pour l’urgence sociale comme écologique, les peuples européens sont et seront conduits à affronter les pouvoirs en place et à sauver l’Europe, ses acquis culturels, sociaux et démocratiques, contre l’axe impérialiste Trump/Poutine. La Serbie n’est pas marginale, elle montre la voie. Et l’affrontement social qui s’annonce en France de même.
11.08.2025 à 08:35
Le vrai du faux ou le faux du vrai, Kerundira.
aplutsoc2
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Incommensurable ignominie
De la soi disant « civilisation »
Totalement à l’ouest
Civilisation autoproclamée autojustifiée autodéclarée
Dominant le monde de son arrogance
De mâle hypertrophié hypertestostéroné
De sa prétention à l’exclusivité
A ne pas être de ces barbares là
Du tout venant venu d’ailleurs
De cet autre monde attardé limité et sauvage,
Obscurantiste et bas du front
Quand elle-même la grande et l’unique et son virilisme triomphant
Redresse son front auréolé de gloire
Surtout s’il est national
Et qu’il rassemble
Le plus blanc que blanc
Le plus chrétien que chrétien
Le plus grand le plus fort
bombant le torse et plastronnant bon teint
Plus pur que le mal venu
Le mal né
Le né ailleurs
L’illégitime perpétuel
Le déclassé le rejeté
Exploitable et jetable à merci
Par l’autosatisfait de souche
Sans limites et sans pitié
Kerundira
10 août 2025

11.08.2025 à 00:04
Soutien à l’Ukraine Résistante – Parution du numéro 41 spécial « Journées de juillet en Ukraine ».
aplutsoc
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L’équipe de rédaction du bulletin Soutien à l’Ukraine Résistante vient de produire un numéro 41 spécialement consacré aux journées de Juillet 2025 en Ukraine qui ont vu la levée en masse de la jeunesse avec le soutien explicite des plus larges couches de la population contre la fameuse loi N°12414 qui visait à étouffer l’indépendance et l’action des organes de lutte contre la corruption. Cette mesure relevant d’une orientation typiquement oligarchique a suscité un rejet massif avec plusieurs journées de mobilisation de rue à travers tout le pays malgré les contraintes de la guerre, alors même que la Russie a intensifié durant tout le mois de juillet les bombardements nocturnes sur les centres urbains.
Le rapport de force créé par cette mobilisation a contraint Zelensky à faire marche arrière et à retirer cette loi.
Ce numéro donne donc le récit détaillé, jour par jour, de la mobilisation sociale et démocratique du 22 juillet au début août. Ce sont 60 pages de reportages et de documents à chaud. Et 60 pages richement illustrées !
Une excellente lecture pour ceux qui ne comprennent toujours pas que le peuple ukrainien ne veut pas subir une « nouvelle Russie », ni de l’extérieur, ni de l’intérieur !
Ce numéro spécial de Soutien à l’Ukraine résistante doit beaucoup à: Philippe Bouvard (Union syndicale Solidaires), Stefania Caristia, Nico Dix (L’Anticapitaliste) et surtout à nos ami·es d’Ukraine de l’Atelier féministe, Bilkis, Drapeau noir, Groupe de protection des droits humains de Kharkiv, Priama Diia, Sotsialnyi Rukh, Sphère, Suspilne, The Kyiv Independent et à tant d’autres qu’il est impossible de les nommer.
Cliquer sur les liens :
10.08.2025 à 17:35
Trump et Poutine : bas les pattes devant l’Ukraine ! Communiqué du RESU du 10 août 2025.
aplutsoc2
10.08.2025 à 07:00
Le vrai problème de l’agriculture.
aplutsoc2
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La carte illustrant cet article provient de l’excellente page Facebook climatologique et agronomique de Serge Zaka. Voici ses commentaires : « Nous rentrons dans le cœur de la canicule. Les 40°C devraient être dépassés en France pendant au moins 5 jours. Cette durée est particulièrement remarquable. Jusqu’à 41.1°C dans la vallée du Rhône aujourd’hui. Sur le réseau principal de Météo-France, les 40°C sont 19 fois plus fréquent depuis l’an 2000. Oui, vous avez bien lu, 19 fois plus fréquents. »
« Je n’arrive toujours pas à y croire. Les prévisions de lundi restent unanimes et alarmantes sur l’ensemble des modèles. Avec des températures brutes de 40 à 44 °C sur de vastes régions, nous dépasserons largement les seuils de tolérance de tous les végétaux et animaux présents. Il ne s’agirait pas simplement de records mensuels battus, mais de records absolus pulvérisés, non pas de façon isolée… mais par dizaines. Si ces prévisions se réalisent, c’est un cauchemar absolu pour tous les agriculteurs du sud-ouest de la France. »
PENDANT CE TEMPS, que font les gros richards subventionnés qui dirigent la FNSEA et la Coordination rurale ? Ils appellent à une seconde loi Duplomb pour pouvoir mettre des néonicotinïdes partout ; ils veulent toujours faire dissoudre par Bayrou et Retailleau, tout à fait complaisants avec eux, l’Agence Française de la Biodiversité qu’en attendant ils attaquent physiquement ; et ils fantasment sur l’idée d’engloutir Sandrine Rousseau sous un océan de purin – leur purin, sous-produit de leur production.
Rarement secteur de la production, justement, aura été si mal représenté : par des industriels agro-financiers cherchant à organiser une clientèle misérable en milices de nervis. A un moment donné, ça suffit : c’est le message des près de 2,2 millions de signatures portant l’exigence majoritaire d’abrogation de la loi Duplomb : à la campagne comme à la ville, le mensonge sur « les agriculteurs » ne prend plus !
Il nous faut un régime et un gouvernement démocratiques, qui, face à l’urgence, socialise le sol, exproprie les richards qui polluent, permette ainsi à la petite production de prospérer pour de bon, protège forêts et zones humides, et appelle toute l’Europe à affronter les narcopétroliers planétaires pour qui l’humanité peut bien griller, les Trump et les Poutine !
Débat public d’Aplutsoc sur la situation française
Dimanche 21 septembre 14 h
Maltais rouge 40 rue de Malte Paris 11° + Zoom nous contacter.
08.08.2025 à 14:49
Victoire contre l’acétamipride, transformons l’essai pour l’abrogation de la loi Duplomb !
aplutsoc2
Texte intégral (551 mots)
Le Conseil constitutionnel a statué sur plusieurs sujets jeudi 7 août. Aucune illusion n’est de rigueur envers cette institution créée par et pour la V° République. Cependant, cette constitution autoritaire n’a pu se délester de textes comportant des éléments de garantie des droits, dans son préambule et dans divers additifs. Le Conseil constitutionnel avait donc une difficulté concernant la loi Duplomb : la charte de l’environnement, incorporée à la constitution en 2005, est de toute évidence, à la lettre, en contradiction avec cette loi.
Le Conseil constitutionnel a fait service minimum mais il a du coup porté un coup à l’offensive des pollueurs trumpistes : il a censuré la disposition sur les néonicotinoïdes dont l’acétamipiride, et a émis une « réserve » sur les mégabassines. C’est bien le moins !
Mais il valide le reste de la loi et du coup la procédure elle-même, par laquelle une loi a été votée par le parlement sans débat, ce qui, en démocratie, en entrainerait l’annulation !
Si le Conseil constitutionnel a du casser l’article le plus connu de la loi Duplomb, sans vouloir aller plus loin, c’est évidemment en raison de 2,1 millions et plus de signatures exigeant son abrogation.
Les capitalistes qui se font passer pour des agriculteurs et des paysans, à la tête de la FNSEA et de la Coordination rurale, les Duplomb and co, hurlent que betteraviers et autres marchands de noisettes seront ruinés par la concurrence européenne ! Il est vrai que l’exécutif Macron/Bayrou/Retailleau, qui a soutenu la loi du cancer et son adoption sans discussion, est mal placé pour exiger des autres gouvernements européens l’interdiction des néonicotinoïdes !
Le Conseil constitutionnel a en outre censuré l’allongement de la durée de rétention des personnes étrangères condamnées dans l’attente de leur expulsion, en raison du principe de droit selon lequel la détention provisoire doit toujours être une exception, et ne peut donc être systématisée dans telle ou telle circonstance. Ce principe procède de l’Habeas corpus, acte fondateur de l’Etat de droit (Angleterre, 1689) : nulle personne ne peut être emprisonnée sans motif notifié et sans les moyens de sa défense, et son intégrité corporelle et morale doit être préservée. L’Etat de droit, pour Retailleau comme pour les Trump et les Poutine, est l’ennemi : il proclame que le « bien commun », cher aux Stérin et aux J.D. Vance, est au-dessus de l’Etat de droit.
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs validé la loi sur les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille et le durcissement des règles sur l’immigration à Mayotte.
Répétons le : c’est la lame de fond des 2,1 millions de signatures qui seule explique l’annulation de cette disposition de la loi Duplomb. Pour l’abrogation, comme pour empêcher le budget Bayrou de casser le temps de travail et les droits sociaux, la mobilisation généralisée et donc centralisée contre les lieux de pouvoir est nécessaire, dès la rentrée !
07.08.2025 à 14:31
Mégafeux et pyrocumulus, France.
aplutsoc2
Texte intégral (740 mots)
Les mégafeux sont apparus en Australie vers 2003, mais le terme n’est employé que depuis 2013 : ces très grands feux de forêts provoquent des convections atmosphériques produisant la formation de nuages mélangés de suie, dont la foudre propage l’incendie ailleurs, les pyrocumulus. Ce phénomène avait été repéré, et décrit, auparavant seulement lors des éruptions volcaniques – et dans les « champignons » des explosions nucléaires.
La Californie, la Grèce, le Portugal, puis l’Espagne, les ont connus depuis : c’est la destruction totale des paysages de ces pays et leur désertification qui sont engagées.
Les mégafeux ne sont pas la seule forme d’incendie dont le nombre et l’ampleur est causée par le réchauffement climatique provoqué par la combustion humaine des hydrocarbures, moyen industriel de consommer de l’énergie à moindre coût et puissant palliatif objectif à la tendance cyclique et croissante à la baisse du taux général de profit nécessairement induite par l’accumulation capitaliste.
Ainsi, dès les années 1990 et avant, les forêts tropicales et équatoriales, Amazonie, Congo, Bornéo …, sont rongées par un type spécifique de feux, déclenchés le plus souvent de façon volontaire pour défricher en vue de créer des cultures comme le soja ou l’huile de palme, qui ne s’arrêtent plus de progresser par le biais des sols humides, pendant des années : très polluants, ils asphyxient les villes indonésiennes et malaises dès 1997. En 2017 le président Bolsonaro au Brésil a levé tout obstacle légal aux incendies volontaires de destruction de l’Amazonie menés par les firmes de l’agro-business et les pauvres pionniers en freelance qui leurs servent d’éclaireurs, et Lula de retour au pouvoir n’a pas fait grand-chose pour limiter les dégâts.
De même les forêts boréales en Sibérie et au Canada soit affectées par des incendies gigantesques.
Si, dans cette « classification » des feux de l’époque de la crise biogéoclimatique, nous prenons la formation de pyrocumulus comme la différence spécifique des « mégafeux », alors nous pouvons dire que ce phénomène inconnu dans le passé historique vient d’arriver en France. Lors de la canicule de 2022, arrivée, là aussi pour la première fois, par la voie par où venait auparavant la fraicheur, l’ouest atlantique, sur la France et les îles britannique, des mégafeux se sont amorcés dans les Landes. Mais les incendies des Corbières, dans l’Aude, qui sont déjà les plus grands par leur surface (plus de 17 000 hectares à l’heure où sont écrites ces lignes) depuis 1949, et les plus rapides connus, viennent de voir, dans l’après-midi du mercredi 6 août 2025, se former, par l’ascension d’air brûlant, un angoissant pyrocumulus, analogue à ceux qui sont apparus en masse sur les montagnes du Sud-Est de l’Australie lors de l’été austral 2003. Ce serait alors le cas le plus proche des zones tempérées non méditerranéennes (ici, en limite méditerranéenne, mais le bassin aquitain devient de plus en plus une fournaise chaque été) d’un tel phénomène.
Si la finalité sociale résidait dans les besoins humains et donc naturels, un tel évènement serait de nature « Pearl Harbour », produisant une mobilisation générale pour stopper le processus catastrophique au niveau déjà atteint et faire face à ses conséquences.
François Bayrou : « L’évènement aujourd’hui, c’est un évènement qui est lié au réchauffement climatique et lié à la sécheresse. » Sans blague ?
Pour rappel, Macron, vœux de fin d’année 2022 : « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? ». Sans blague …

06.08.2025 à 12:15
La Lettre d’Informations Syndicales du RESU : parution du numéro 15 !
aplutsoc
Lire la suite (467 mots)
A l’heure où l’Ukraine connaît un net accroissement de la pression militaire russe et après un mouvement populaire de la jeunesse ukrainienne rejetant avec succès une loi anti-démocratique et pro-oligarchie, la parution du numéro 15 de la Lettre d’Informations Syndicales du RESU (Réseau Européen de Solidarité avec l’Ukraine) est la bienvenue pour répondre au besoin de faire connaître largement les luttes sociales et syndicales menées par le peuple ukrainien.
Ce numéro couvre les informations de la période de février à juillet 2015.
Un numéro à faire circuler le plus largement possible !
Sommaire
- Éditorial : Arrêtez la saisie des biens de la FPU
- Appel des syndicats ukrainiens : arrêtez la terreur russe, protégez la paix et la justice
- Campagne :
- Arrêtez les importations de gaz russe !
- Soutien des syndicats ukrainiens au front
- Luttes des femmes en Ukraine
- Luttes étudiantes en Ukraine
- Luttes des personnes LGBTI+ en Ukraine
- Luttes environnementales en Ukraine
- Autres actualités et analyses sur l’Ukraine
- Luttes des travailleurs de la santé en Ukraine
- Luttes des travailleurs en Ukraine – chemins de fer
- Autres nouvelles syndicales d’Ukraine
- Problèmes sociaux en Ukraine
- Luttes communautaires en Ukraine
- Luttes environnementales en Ukraine
- Autres contributions
- Solidarité (appels aux dons)
- Solidarité avec les travailleurs et les syndicats ukrainiens (actualités)
- Luttes ouvrières en Biélorussie
- Analyse :
- Trois ans de guerre en Ukraine : le point de vue d’un syndicaliste russe, par Kirill Buketov, secrétaire politique de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation
- Évolution du mouvement syndical en Ukraine, par Oleksandr Skiba
- Lectures complémentaires
Disponible en deux versions : langue française, langue anglaise.
06.08.2025 à 11:10
Interventions Syndicales Numéro 11 – Août 2025 – Avis de parution
aplutsoc
Lire la suite (394 mots)
Sortir un bulletin Interventions Syndicales au cœur de l’été ! La situation le justifie. Car rarement ce moment de fin juillet début août, d’ordinaire le plus atone de l’année, n’aura été autant dominé, de bas en haut, par les conversations portant sur ce qui pourrait, sur ce qui devrait, se passer à la rentrée, dans un mois et demi …
La faute au budget Bayrou, bien sûr, dont le commentaire tient une bonne place de ce numéro. La faute à la capitulation devant les exigences « commerciales » de Trump des États européens, les mêmes qui laissent la famine génocidaire détruire la population de Gaza, qui n’arment pas immédiatement l’Ukraine pour que Poutine, et Trump avec lui, se prenne un grand coup.
Et donc, la faute à la perspective d’une censure de Bayrou, car cette fois-ci le RN ne peut pas le sauver sous peine de perdre sa base ! Censure de Bayrou qui, Macron refusant tout gouvernement démocratique issu de la majorité relative qui a gagné les législatives qu’il a provoquées l’an dernier, pourrait le conduire à nommer un gouvernement d’ « union des droites » avec Retailleau et le soutien, avec ou sans participation, du RN !
Au sommaire de ce numéro estival :
- Edito – pages 1 / 2
- Non, la dette ne doit pas être remboursée… – page 2
- Budget Bayrou : Sa vérité et la nôtre – pages 3 /4
- Accord Europe-états Unis: une capitulation au profit de l’extrême droite – page 5
N’hésitez pas à partager ce numéro d’Interventions Syndicales dans votre entourage personnel, professionnel, militant..
Envoyez commentaires, contributions ou critiques sur notre boite mail : aplutsoc [@] netc.eu
05.08.2025 à 17:34
Guerre mondiale : quid ? par Vincent Présumey.
aplutsoc2
Texte intégral (9178 mots)
Le spectre de la guerre mondiale est là, depuis quelques années déjà.
Récemment, on a même vu Trump manier ce spectre de manière gesticulatoire pour donner l’impression qu’il « fait quelque chose », alors qu’il livre l’Ukraine à Poutine, et pour que l’on parle d’autre chose dans la grande presse US que de l’affaire Epstein, c’est-à-dire l’affaire Trump/Epstein. Medvedev, bouffon de Poutine, ayant pondu l’un de ses messages habituels, Trump a prétendu le prendre au sérieux et envoyer des sous-marins (à propulsion nucléaire ou à charges nucléaire, on ne sait) dans les « zones appropriées » (?). En fait, tout ce dont il menace réellement Poutine ce sont des mesures commerciales à échéance, pour l’heure, du 8 août : ce n’est en rien une menace et rappelons que la Russie (avec la Corée du Nord et la Biélorussie !) est jusque-là le seul Etat à ne PAS avoir subi les tarifs commerciaux de Trump !
Justement, ces tarifs commerciaux, au niveau (en fait énorme) de 15%, ont été, au nom des Etats européens, entérinés par la « présidente » de la Commission européenne Van der Leyen, ce contre quoi la France notamment proteste, mais sans rien envisager pour l’heure qui mette en cause le système institutionnel qui permet une telle opération. Les relations entre les puissances européennes, c’est-à-dire les plus anciennes puissances capitalistes-impérialistes, l’Amérique et l’Asie, et entre elles, sont totalement mises en cause par la situation actuelle.
Dans cet article, je compte revenir sur la question de la « guerre mondiale » : qu’est-ce qu’une « guerre mondiale », quels sont les risques et quelle forme prendrait-elle ? – et sur la question, inséparable de la précédente, de la situation européenne par rapport à la « guerre mondiale », angle mort ou épicentre.
Les deux guerres mondiales du XX° siècle.
La notion de guerre mondiale dérive des deux guerres mondiales du XX° siècle. Elle est donc inséparable de l’impérialisme, stade du capitalisme où prédominent les grands trusts à la fois internationaux, et en ce sens multinationaux, et appuyés sur des Etats puissants, et en ce sens « nationaux », ces Etats menant un partage et des repartages du monde assurant l’exportation et la fluidité des capitaux, au compte de l’accumulation illimitée et de la circulation accélérée du capital. Les deux guerres mondiales ont été provoquées par la mise en cause du « partage » existant et ont conduit à des repartages.
Elles ont donc été « inter-impérialistes », à condition de préciser que les blocs impérialistes initiaux dans ces guerres, se sont recomposés en cour de route : 1914 commence par l’affrontement de la Triple Entente des impérialismes britannique, français et russe, avec la Triple Alliance dominée par l’impérialisme allemand (et pratiquement tout de suite quittée par le fragile impérialisme italien), mais ce dispositif, qui conduit à un blocage, sera bouleversé par l’intervention de l’impérialisme nord-américain, d’une part, et la révolution russe produisant une dilatation à l’Est de l’impérialisme allemand prélude à son effondrement, d’autre part.
1939 commence par un partage de l’Europe centrale et orientale entre l’impérialisme allemand et l’impérialisme russe agissant à travers la bureaucratie stalinienne, à ce stade sous forme de prédation et d’occupation directe plus que d’exportation de capitaux, partage mis en cause par Berlin en 1941 basculant vers la domination totale du continent (impliquée dès 1940 par l’occupation de la France), ce qui induisit alors de manière accélérée une explosion expansive de l’impérialisme nord-américain à la fois vers l’Europe, contre l’impérialisme allemand, et vers l’Asie, contre l’impérialisme japonais. Les Etats-Unis seront le principal vainqueur, mais par un ordre mondial régulé par eux au moyen du partage de l’Europe avec la domination russo-stalinienne, et de la restauration en second rang des puissances impérialistes d’Europe occidentale, y compris l’Allemagne poussée vers l’Ouest, et du Japon.
Les deux guerres mondiales du XX° siècle se sont, de plus, combinées aux révolutions et ont aussi pour ainsi dire enveloppé des guerres nationales de libération ou de résistance à l’occupation. Le maillon faible russe, dans la première guerre mondiale, a sauté en 1917, et c’est l’irruption de la révolution en Allemagne qui a accéléré la fin de la guerre. Les poussées révolutionnaires suscitées par la barbarie nazie en Europe, ainsi que les révolutions nationales chinoise et indienne, et dans plusieurs pays d’Asie, ont marqué la seconde guerre mondiale et en ont accéléré le dénouement.
Les « guerres mondiales » furent des guerres à l’échelle mondiale, bien qu’on ait, de 1914 à 1941 quand la seconde guerre mondiale se « mondialise » pleinement du fait de Barbarossa et de Pearl Harbour, une transition allant de la guerre européenne aux impacts mondiaux, à la guerre proprement mondiale. Cette transition correspond au passage d’un système impérialiste mondial, étatique et économique, dominé par les puissances européennes, à un système dominé, après 1945, par les Etats-Unis et l’URSS.
Ces deux guerres ne sont pas nettement délimitées par les dates de 1914-1918 et de 1939-1945. Ainsi, les guerres des Balkans précèdent et préparent la première guerre mondiale à partir de 1912, les guerres civiles et les interventions contre-révolutionnaire en Russie, le repartage du Proche et du Moyen Orient avec le traité de Lausanne et l’expulsion des Grecs de Turquie, et encore l’occupation de la Ruhr, prolongent la première guerre mondiale jusqu’en 1923. De même et plus encore, l’agression de la Chine par le Japon dès 1931, celle de l’Ethiopie par l’Italie en 1935, la guerre civile espagnole en 1936-1939, et la reprise de l’expansion allemande (Anschluss, Munich) préparent la seconde guerre mondiale, laquelle sera, une fois « terminée », suivie par le commencement réel de la guerre d’Algérie, par la guerre civile chinoise, l’indépendance et la partition de l’Inde, la Nakba palestinienne, voire le blocus de Berlin puis la guerre de Corée comme dernières étapes avant une stabilisation globale effective. Les guerres « locales » sont donc reliées aux processus mondiaux. Il n’en demeure pas moins qu’il n’y a eu « guerre mondiale » que lorsque les grandes puissances impérialistes se sont battues directement les unes contre les autres.
Ces précisions rapides visent à faire comprendre que la catégorie de « guerre inter-impérialiste », si elle situe bien les éléments causaux initiaux des guerres mondiales, ne saurait en résumer toute l’analyse et la caractérisation concrètes.
La « guerre froide » et l’illusion de l’équilibre de la terreur.
La formule « troisième guerre mondiale » a hanté les décennies d’après 1945, mais elle n’a pas eu lieu. Le système mondial combinant, de manière conflictuelle mais globalement régulée, l’hégémonie financière, monétaire, commerciale, technologique, militaire et donc politique de l’impérialisme nord-américain, avec le repoussoir du bloc « soviétique », a vu des guerres locales sévères – Corée, Vietnam – mais pas d’explosion globale, la tentation d’attaque nucléaire US sur la Chine ayant été repoussée aux Etats-Unis début 1951, et la tentation de provocation nucléaire réciproque URSS/Etats-Unis l’ayant été lors de la crise des missiles prenant Cuba (et la révolution cubaine) en otage, en 1961.
Officiellement c’est donc l’ « équilibre de la terreur », ou la doctrine MAD (Mutual Assured Destruction) qui a évité la troisième guerre mondiale entre les Etats-Unis et l’URSS et leurs alliés respectifs. La réalité est différente : après les destructions de la seconde guerre mondiale, l’accumulation a repris mondialement, léguant les dangers économiques et écologiques démultipliés à la période suivante, et elle a repris dans le cadre de ce système mondial au maintien duquel les deux « camps » avaient intérêt. La « guerre froide » a donc été une coopération contre-révolutionnaire, particulièrement manifeste – et efficace- autour de 1968 où les mouvements révolutionnaires des masses les ont tous deux menacés. La Chine de Mao s’est elle-même intégrée, avec des contradictions, à ce dispositif.
Par conséquent, il est permis de dire qu’en réalité, le risque de guerre mondiale, et de guerre nucléaire, était, malgré les discours dominants, moins élevé pendant la « guerre froide » qu’aujourd’hui.
Cela ne signifie pas pour autant que des dérapages incontrôlés n’ont pas été au bord de se produire, lors de la crise des missiles à Cuba et au début des années 1980 lors de la crise du pouvoir soviétique (successions Brejnev-Andropov-Tchernenko-Gorbatchev), ainsi qu’entre l’URSS et la Chine en 1969, ou entre l’Inde et le Pakistan et potentiellement la Chine, à plusieurs reprises (rappelons que la Chine a l’arme nucléaire depuis 1964, l’Inde 1998, le Pakistan 1999).
Les guerres comme les révolutions, comme les autres faits sociaux mais de manière particulièrement accentuée, ne dépendent en effet pas que des forces sociales objectives, mais aussi des facteurs subjectifs momentanés et hasardeux, « erreurs humaines » ou bêtise humaine y compris (cela vaut déjà pour la forme prise par le déclenchement de la guerre mondiale en août 1914). Cette importante remarque vaut bien entendu pour aujourd’hui …
Il importe de comprendre que ce n’est pas en tant que telle la « dissuasion » par l’arme atomique, après son emploi par les Etats-Unis sur Hiroshima et Nagasaki en 1945, qui a évité la troisième guerre mondiale crainte comme un échauffement de la guerre froide Etats-Unis/URSS, mais la forme prise, après les destructions de la seconde guerre mondiale, par l’accumulation capitaliste mondiale dans et sur la base d’un ordre mondial relativement régulé, permettant en fin de compte de faire passer les intérêts communs, contre-révolutionnaires, des puissances rivales, au premier plan, ce qui fait que cette période de conflictualité mondiale est avant tout une période de coopération et de partage entre elles. L’existence même de l’ONU et d’un droit international se développant progressivement, en a participé, malgré ses limites et ses blocages.
Dans ce système, les dépenses militaires principalement américaines et soviétiques ont été le volant d’entrainement de la reprise économique mondiale à son départ, celui des « Trente Glorieuses », et ont en outre été étroitement connectées aux innovations technologiques. Après le retournement économique de 1973 par contre, elles continuent dans des technologies nouvelles (« guerre des étoiles ») aux Etats-Unis, mais deviennent un obstacle absolu au passage de l’économie soviétique d’un régime d’accumulation fondée sur le capital fixe centralisé à un capitalisme concurrentiel intégré au marché et aux flux financiers mondiaux.
De 1991 à 2008.
La chute du mur de Berlin et du rideau de fer en 1989 puis l’éclatement de l’URSS dans les 15 républiques qui étaient censées la constituer, en 1991, ont, dans la représentation idéologique et médiatique absolument dominante, constitué la fin d’un des deux camps de la guerre froide, et donc de celle-ci, et même la « fin du communisme ». Tout le système mondial conflictuel mais régulé de l’après 1945 s’est en réalité effondré, ouvrant la voie à l’instabilité et posant les mines de la déstabilisation des Etats-Unis eux-mêmes.
Ce fut une belle, et paradoxale, inversion idéologique agissante que ceci ait d’abord passé, notamment aux Etats-Unis, pour un triomphe dans lequel la domination « pacifique » de ce pays, moyennant quelques règlements de compte sommaires dont le prototype fut donné par la première guerre du golfe en 1991, allait désormais pleinement s’exercer, pour les siècles des siècles (la « fin de l’histoire »).
En réalité, les années 1990 montraient déjà la déstabilisation généralisée montante, et la crise éco-climatique globale galopante.
Les attentats (crimes de masse) du 11 septembre 2001 ont mis fin, dans les représentations dominantes, à cette torpeur et à ces illusions. Mais il ne s’agissait pas d’une attaque impérialiste rivale visant les Etats-Unis, et encore moins de l’expression, même déformée, d’une quelconque guerre populaire de libération : il s’agissait du choc en retour de la manipulation de réseaux financiers-religieux ultra-réactionnaires. Ce choc ne conduisit pas à une atténuation de la volonté étatsunienne de domination mondiale, tout au contraire il l’a rendue ouvertement agressive et guerrière, tous azimuts.
Ce premier tournant déboucha sur le second, avec la crise économique et financière globale de 2008 : c’est à partir de là que l’impérialisme nord-américain entre vraiment en crise, à la fois au plan social interne et dans son rôle mondial. La perte de l’ordre régulé quoique conflictuel de l’après-1945, effective depuis 1989-1991, fait dès lors pleinement sentir ses effets. Ce long décalage rend les convulsions qui, désormais, se succèdent à un rythme accéléré, d’autant plus puissantes et violentes.
C’est, en particulier, à partir de 2008 que s’affirme clairement ce qui s’était en fait mis en place auparavant, mais qui conduit alors à la confrontation quand il s’agit de se répartir les pertes plutôt que les profits : les impérialismes chinois et russe ainsi qu’une série fluctuante d’aspirants impérialismes, sous-impérialismes et autres, « BRICS » et au-delà, débarquent au premier plan.
L’idée selon laquelle la liste des « puissances impérialistes » serait immuable parce que le monde est entièrement saturé de capital est fausse : même avec saturation l’accumulation se poursuit, en intensité autant qu’en extension, par destruction/prédation/innovation, et de nouveaux centres d’accumulation, qui peuvent être qualifiés d’ « impérialistes » dès lors qu’ils doivent exporter leurs capitaux en s’appuyant sur leurs Etats, apparaissent, venant compliquer et bousculer le système, et accroitre les risques de guerres et d’explosions, à toutes les échelles, dont, en définitive, l’échelle mondiale.
2008-2022.
C’est donc dans le contexte de la période de crise ouverte en 2008 et aggravée depuis d’une manière qui tend à l’accélération et s’articule à la crise géo-bio-climatique (révolutions arabes à partir de 2011, Maidan et première phase de la guerre russe contre l’Ukraine en 2013-14, Brexit, première présidence Trump et présidence Bolsonaro au Brésil, Covid, et, je vais y revenir : 24 février 2022, 7 octobre 2023, 21 janvier 2025 …), que la « guerre mondiale » comme conséquence possible, voire probable, de ces développements, est revenue obturer l’horizon.
Cette représentation a, forcément, ses dimensions fantasmatiques, associées aux thématiques apocalyptiques propres à notre époque. Elle traduit le rebond massif des dépenses militaires, toujours reliées, quoi que sans doute moins directement, aux innovations technologiques, alors que ces dépenses avaient fortement baissé en Europe dans les années 1990. Y compris dans le cas français, où l’ « outil militaire » est central et organiquement lié aux institutions de la V° République, la poursuite de nombreuses « Opex » (opérations extérieures surtout africaines, à présent en pleine déconfiture), les réformes autour de 2010, sous Sarkozy, avaient diminué le volume des investissements militaires. Le moment actuel en Europe et singulièrement en Allemagne et en France est, tout au contraire, marqué par les plans astronomiques de relance dans la durée d’investissements militaires croissants. L’économie mondiale est plus que jamais une économie d’armements.
Le principe « dissuasif » selon lequel les guerres majeures entre les plus grandes puissances impérialistes, autrement dit les guerres mondiales, seraient évitées grâce à l’équilibre de la terreur nucléaire, revêt une absurdité plus grande dans la période actuelle que dans la période de la guerre froide dont il provient : la production d’armes de destruction massive, pas seulement nucléaires et thermonucléaires mais chimiques et bactériologiques, et d’armes flirtant avec cette dimension tout en étant réputées employables dans un cadre « conventionnel » (bombes à uranium enrichi, bombes « GBU-57 » employées en Iran par les Etats-Unis les 21-22 juin dernier …), serait supposée éviter la guerre totale précisément dans la mesure où leur emploi est possible, car toute garantie réelle de non-emploi supprimerait la « dissuasion » !
Trois dates clefs.
Le 24 février 2022, l’agression russe généralisée de la Russie contre l’Ukraine a ouvert en Europe une guerre durable, à la fois conventionnelle, potentiellement nucléaire, et innovante. Conventionnelle, avec des tranchées et des lignes de front, d’une gravité sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale. « Nucléaire » en ce sens qu’elle est menée à l’abri du chapeau nucléaire russe et dans la menace permanente du recours à l’arme atomique (en ce sens, les récentes déclarations de Trump, même si elles valent ce qu’elles valent, sont les premières menaces étatsuniennes analogues), sans oublier la menace sur les centrales nucléaires et leur prise en otages. « Innovante-technologique », avec notamment le rôle des drones, du renseignement, sur fond d’auto-organisation de la société ukrainienne voire des soldats et soldates.
La guerre mondiale et la guerre nucléaire sont revenues d’un coup dans les spectres de l’actualité. Mais le caractère de la guerre côté ukrainien, avec le rôle de l’auto-organisation et des nouvelles technologies caractérisées par leur légèreté, montre qu’une guerre populaire, démocratique, n’a pas besoin, elle, d’armes de destruction massive, armes nucléaires comprises.
Le 7 octobre 2023, la provocation pogromiste du Hamas a donné une impulsion sans doute capitale à la poursuite de l’agression poutinienne et à la seconde élection de Donald Trump aux Etats-Unis, tout en engageant le pouvoir israélien dans une fuite en avant dont l’aboutissement ne peut qu’être génocidaire. Ce n’était pas inéluctable, comme l’a montré le long cessez-le-feu courant du 18 janvier au 18 mars 2025, mais la destruction et la famine organisées à Gaza, depuis, sont le choix délibéré du pouvoir israélien, à l’ombre de Trump. Deux guerres en Europe ou tout près ont donc une logique génocidaire, en Ukraine et en Palestine, mais cette dernière a aussi servi à réactiver les représentations « campistes » ne tenant pas compte des éléments nouveaux, rendant impuissant le « mouvement propalestinien ».
Le 21 janvier 2025, l’investiture de Trump, flanqué du vice-président Vance, et, jusque début juin 2025, du milliardaire fou Musk, a lancé un processus de coup d’Etat et de destruction des libertés publiques aux Etats-Unis, rencontrant une résistance sociale et démocratique croissante, affirmé une alliance, ou plutôt un « axe » fluctuant mais puissant, avec Poutine, et plongé l’Europe et les Etats européens dans une crise existentielle ; Trump a en outre mis à l’ordre-du-jour l’annexion, et donc la guerre ou la soumission, du continent nord-américain (Canada, Groenland, Panama) – la dimension la plus bousculante de ce tournant ! – et il a produit, par les tarifs protectionnistes, un processus, en fait déjà engagé, d’implosion du marché mondial et de la division internationale du travail.
Avec Trump, ce n’est pas seulement l’abandon de l’Europe par Washington qui est à l’ordre-du-jour, mais l’éventualité d’une guerre sur deux fronts, Poutine et Trump/Vance prenant en tenaille le « vieux continent ».
Envisager la guerre mondiale aujourd’hui.
Les deux facteurs globaux qui mettent à l’ordre du jour la guerre mondiale inter-impérialiste sont donc l’aggravation des rivalités inter-impérialistes, dans le cadre de ce qui est aujourd’hui appelé « multipolarité » – multipolarité impérialiste ! – et, d’autre part, le recours à la guerre pour éviter ou dévier la révolution (comme en 1914) : s’il est vrai que le risque de révolution peut différer ou empêcher la guerre, et que des révolutions prolétariennes et démocratiques victorieuses la feraient partir du paysage, il reste certain qu’à un moment donné la guerre elle-même a pour fonction objective de prévenir la révolution, d’autant que la principale guerre contemporaine, de la Russie contre l’Ukraine, est avant tout contre-révolutionnaire, et que cette dimension est bien présente aussi de la part du prétendu « axe de la résistance » Iran/Hezbollah/Hamas/Houthis, comme de la part du pouvoir israélien dans sa fuite en avant génocidaire.
Il nous faut envisager schématiquement comment la guerre mondiale, rapide ou différée, est envisageable du point de vue de Washington surtout, de Beijing et de Moscou. Ce schématisme a ses limites mais il est nécessaire et utile pour fixer les enjeux et clarifier l’analyse. Il est schématique surtout dans la mesure où il tente de se situer du point de vue des trois principales puissances impérialistes actuelles en faisant abstraction des autres, mais c’est là un point crucial : les autres, en l’occurrence, ce sont surtout les vieux impérialismes européens, et leur mise hors-jeu dans la détermination des pires lignes de force mondiales est justement un fait central qui, nous le verrons, ne fait pas que marginaliser l’Europe, mais donne à la lutte des classes et aux combats démocratiques en Europe un caractère en dernière analyse tout à fait central. Enfin, cette schématisation se situe principalement, parmi les trois « grands », du point de vue de Washington, car les Etats-Unis, qui ne sont plus le chef d’orchestre mondial, restent en même temps, déstabilisés, la première puissance impérialiste mondiale. Au plan économique, ils ne sont plus le principal centre de création de survaleur et de capital, mais ils restent le centre logistique des flux de capitaux, financiers aussi bien que matériels.
Fausse actualité du schéma alliance atlantique contre bloc eurasien.
Le premier visage possible de la guerre mondiale pourrait être désigné comme sa forme convenue « traditionnelle » recyclant les représentations de la guerre froide : c’est la guerre entre les Etats-Unis et les anciens « pays communistes », Russie et Chine, flanquées de la Corée du Nord, de l’Iran et de la Biélorussie.
Au plan géostratégique ce serait donc une guerre entre l’espace atlantique et maritime mondial et un bloc eurasiatique. Dans ce cadre, l’OTAN garde son importance et l’Europe, champ de bataille possible, est un point d’appui pour les Etats-Unis qu’ils ont intérêt à garder et donc à protéger. Sur les flancs Sud du bloc eurasiatique, le Japon, la Corée du Sud et Taiwan contiennent la Chine à l’Est, le Vietnam peut s’avérer un pivot allié des Etats-Unis (belle ironie de l’histoire), l’Inde est stratégiquement décisive, Israël contre l’Iran est un pilier clef, et l’Arabie saoudite avec les pétromonarchies doivent être conservées comme alliés. Dans le bloc eurasiatique, les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale et la Mongolie extérieure forment un vide potentiel dragué par tout le monde mais tout de même principalement susceptible, sous l’égide chinoise plus que russe, d’être intégré au bloc eurasiatique, d’autant que le Pakistan et l’Afghanistan des talibans sont déjà dans l’orbite de Beijing. La Turquie devient un pilier stratégique non seulement face à la mer Noire, mais en direction justement de cette Asie centrale. L’aire arctique, en outre, revêt une importance croissante.
L’Afrique et l’Amérique hors Etats-Unis sont a priori des zones non vitales de la guerre, mais attention, le bloc eurasien entend bien entrainer avec lui le prétendu « Sud global » qui n’a plus rien d’anticolonialiste et est une notion idéologique et politique entièrement impérialiste, conduisant à l’union sacrée. Les dictateurs du Venezuela, du Nicaragua, de Cuba, du Mali, du Burkina, du Niger, de la Guinée … pouvant être mis à contribution.
Disons tout de suite que les récentes gesticulations verbalement nucléaires de Trump ne constituent pas un retour vers cette première hypothèse schématique : bien plus important est l’envoi d’un Steve Witkoff pour « négocier » à Moscou. L’affaiblissement relatif mais structurel de l’impérialisme nord-américain fait qu’il veut foncièrement éviter cette configuration. Il se trouverait face à face aux deux autres principales puissances impérialistes avec deux fronts géographiquement éloignés l’un de l’autre, à savoir l’Europe centrale et orientale et la mer de Chine.
Les leçons de ses échecs cumulés depuis 2003, échecs du déploiement de la « guerre sans fin contre le terrorisme » de G.W. Bush, en Irak et en Afghanistan, renonciation à intervenir en Syrie (sauf l’aide au PKK-PYD) en 2013, difficultés causées par la gestion impossible de la fuite en avant de l’allié israélien … le conduisent à souhaiter au moins une neutralisation de l’aire européenne et proche-orientale pour pouvoir se centrer contre la Chine, son principal rival économique mondial. C’est là sa doctrine officielle, même si les révolutions et les guerres dans le monde arabe puis en Ukraine en ont perturbé l’application, depuis le tournant d’Obama et H. Clinton vers le « pivot Asie-Pacifique », en 2011.
Le pivot Asie-Pacifique et la théorie de l’évitement, autant que possible, du fait d’avoir deux guerres majeures à mener, ou deux fronts mondiaux à gérer, sont en partie inspirés par le coût de la gestion des deux occupations de l’Irak et de l’Afghanistan. Involontairement, cette orientation exprime bien le déclin relatif des Etats-Unis, car leur rôle mondial central depuis 1945 venait précisément de leur victoire dans la guerre sur deux fronts, à peu près les mêmes d’ailleurs, contre l’Allemagne et contre le Japon, qu’avait été pour eux la seconde guerre mondiale.
L’hypothèse « atlantisme versus eurasisme » ne correspond donc pas aux lignes de fractures réelles sur lesquelles s’organise actuellement la marche à la guerre mondiale, parce que Washington n’en veut pas, mais elle a une importance heuristique, si l’on peut dire, considérable, car son évitement dicte sa politique.
Du pivot Asie-Pacifique à l’axe Trump/Poutine.
La mise en œuvre effective du centrage sur l’aire Asie-Pacifique a besoin, en dernière analyse, d’une alliance russe : là est la force de la ligne trumpienne du point de vue des intérêts impérialistes étatsuniens.
Idéalement, la ligne trumpienne conduit au second visage schématique possible de la guerre mondiale, opposant Etats-Unis et Chine avec une Russie neutre ou pro-américaine. Séparer la Russie de la Chine devient alors un enjeu premier, et il faut pour cela lui livrer l’Ukraine et, potentiellement, l’Europe centrale et orientale, ceci conduisant à un délaissement étatsunien, pour le moins, envers l’Europe et envers l’OTAN. Sur les flancs Sud de l’Eurasie, l’Inde reste un pivot décisif en tant qu’allié contre la Chine, et l’Iran un ennemi à vaincre ou neutraliser. Les verrous ou points d’appui antichinois au Sud et à l’Est sont grosso modo les mêmes que dans la première hypothèse, alors qu’en Europe celle-ci en prend le contrepied radical. On aura reconnu là les grandes lignes de la politique étrangère trumpienne, pas si erratique et émotionnelle qu’on le raconte souvent.
Mais cette orientation sous-tendait déjà bien des aspects de la politique de Joe Biden. Ce qu’aucun des dirigeants impérialistes rivaux n’avait prévu, c’était la résistance ukrainienne : tous croyaient, avec Poutine, que l’Ukraine tomberait en trois jours. Biden avait anticipé, dans ce cas, un ensemble de sanctions économiques et financières coupant la Russie du marché mondial et la livrant en fait, tel un fruit mûr et même faisandé, à la Chine, ainsi détournée du Pacifique vers l’Asie intérieure et fort encombrée de ce « cadeaux » instable et dangereux.
Rien ne s’est passé comme prévu, et la raison première en est la lutte par en bas du peuple ukrainien, et le sentiment de soutien à sa lutte dans l’ensemble du monde ex-soviétique, et y compris le début de recomposition d’un véritable internationalisme à l’échelle mondiale, que nous ne devons pas enjoliver mais qu’il ne faut pas sous-estimer non plus.
Dans l’état de fait résultant de la levée en masse du peuple ukrainien, faisant échouer le plan russe et conduisant à une guerre longue, les Etats-Unis et les puissances européennes se sont trouvés contraints à un soutien militaire mesuré à l’Ukraine, visant à prolonger la situation, à ne pas produire d’effondrement russe conduisant à des convulsions révolutionnaires, et à verrouiller à l’Ukraine la pulsion expansionniste russe. Trump à partir de là est passé ouvertement à la constitution d’une alliance avec la Russie.
Trois raisons fondamentales expliquent l’intérêt majeur de l’impérialisme nord-américain à l’alliance russe. La première est celle que j’ai déjà mentionnée : militairement, les Etats-Unis préfèrent n’avoir affaire qu’à une seule superpuissance contre eux et non pas à deux liguées entre elles, et voudraient pouvoir se concentrer sur le front pacifique.
Mais s’ajoute à cela une seconde raison dont il faut bien saisir la dimension : les impérialismes européens, devenus secondaires après 1945, sont perçus comme encombrants, superfétatoires, éventuellement coûteux s’il faut les protéger ou les maintenir à flot, tout en restant des concurrents dangereux, y compris parfois en matière militaro-territoriale – c’est particulièrement le cas de la France avec sa « dissuasion » et ses Zones Economiques Exclusives liées à la préservation de ses « outremers ». En matière économique, le concurrent sérieux est l’Allemagne. Une domination russe de l’Europe centrale et orientale complétée par une neutralisation de l’Allemagne et une « remise au pas » de la France ne serait pas du tout un mauvais plan du point de vue des intérêts les plus généraux de l’impérialisme nord-américain.
La troisième raison, étroitement reliée à la seconde, consiste dans la convergence idéologique entre les néofascismes trumpien et poutinien, résultat des contradictions internes des deux puissances, convergence concentrée dans le cas de Trump et de la bande de nervis tous plus ou moins prorusses qu’il a installés à la tête de l’armée et du renseignement, et qui, chez lui, remonte à la fin des années 1980, quand l’exportation des capitaux « soviétiques », sous forme mafieuse, prend en main le crédit à la mafia immobilière de la côte Est (Trump), ainsi qu’à des officines financières de haute volée (Epstein).
La combinaison de la seconde cause, visant à abaisser l’Europe, et de la troisième, celle de la convergence néofasciste, signifie pour l’Europe des gouvernements de type Orban, Fico, Meloni, et signifierait union des droites Retailleau-Bardella parrainée par Stérin en France, aile la plus antimigrants de la CDU et AfD avec connexion avec le BSW en Allemagne. L’extrême-droite et l’union des droites en Europe, sans oublier leurs antennes dans la post-gauche populo-campiste, est l’expression politique la plus poussée de la décadence profonde des impérialismes européens et de leur soumission à l’axe Trump/Poutine. Mais cette tendance ronge aussi les gouvernements néolibéraux, socio-libéraux ou ordo-conservateurs actuellement en place en France, Royaume-Uni, Allemagne, qui, pris à la gorge, dessinent une résistance à l’axe Trump/Poutine puis la sabotent par leurs politiques antisociales et antidémocratiques et leur ardent désir de ne pas couper les ponts avec Washington, même quand Washington leur crache dessus.
Crise des orientations étatsuniennes.
Mais à présent, après quelques mois seulement de mise en œuvre frénétique de l’orientation trumpienne, celle-ci entre en crise car ses résultats ne sont nullement au rendez-vous.
Le problème n’est pas tant, comme le disent les médias, que Trump n’a pas arrêté la guerre en Ukraine « en un jour » comme il le répétait dans ses meetings de campagne. Sur ce point, c’est l’Ukraine le problème : il faudrait pour Trump qu’elle capitule. Mais il n’y est pas arrivé, bien qu’il ait fortement aggravé la situation militaire et probablement joué un rôle dans l’inspiration des tentatives illibérales de Zelensky en matière de lutte contre la corruption, qui ont rencontré la résistance du peuple et de la jeunesse.
Or, pendant ce temps, la Russie, loin de se décoller de la Chine, voit sa dépendance économique, monétaire, et aussi militaire (avec ici le facteur supplémentaire de la Corée du Nord), envers elle s’aggraver de jour en jour. L’attaque de Netanyahou contre l’Iran et l’intervention de Trump ont mis en évidence la passivité russe envers la défense de l’Iran, mais ne semblent pas avoir dévissé, là non plus, la Russie de la Chine.
A ce stade, tout se passe comme si l’orientation trumpienne avait profité un maximum à la Russie sans affaiblir l’axe géostratégique qu’elle forme à présent avec la Chine. L’axe Trump/Poutine fonctionne et menace l’Ukraine et l’Europe, mais il ne contribue pas au « pivot Asie-Pacifique » tenu pourtant pour le seul décisif à Washington, dans l’establishment traditionnel comme dans la camarilla trumpienne.
La crise de cette orientation arrive donc nécessairement, et passe par les crises et les spasmes de Donald Trump et de son « administration ». Pire, elle se combine avec la montée de la résistance démocratique du peuple américain et avec la crise au sommet dans la nébuleuse trumpienne (rupture de Musk, affaire Epstein, distanciation des MAGA « purs et durs », le tout avec J.D. Vance en embuscade).
Les « colères de Trump contre Poutine », comme disent les médias, et son coup de sang contre le bouffon Medvedev, expriment tout cela. L’espoir – fondamentalement vain – d’un retour de Trump à un atlantisme traditionnel en réalité mort et enterré, anime, dans ce contexte, bien des chefs d’Etat européens encore aujourd’hui … tels les morts enterrant leurs morts …
Il peut en effet y avoir des foucades, et même des foucades dangereuses où l’éventualité du fou ou de l’idiot appuyant au mauvais endroit et au mauvais moment sur un mauvais bouton, peut survenir, mais il ne peut plus y avoir de retour pur et simple à l’atlantisme d’« avant », réunissant puissances européennes et Etats-Unis dans le cadre d’une alliance stable et solide.
La troisième hypothèse : les hégémons cohabitent … pour un temps.
En fait, s’est déjà dessinée la troisième hypothèse, si celle de la guerre mondiale « convenue » entre « Est » et « Ouest » et celle de la guerre mondiale Etats-Unis/Chine avec pivot russe et pivot indien isolant la Chine, sont écartées : l’apparente non-guerre par partage hégémonique.
Cette troisième hypothèse a en effet transparu, dès la campagne électorale de Trump, dans diverses déclarations de celui-ci (et déjà lors de sa première présidence) selon lesquelles Taiwan et la Corée du Sud, voire le Japon, coûtent cher à « l’Amérique », un peu comme l’Europe est censée lui coûter. L’éventualité de l’abandon de Taiwan et du front de la mer de Chine existe chez Trump, qui avait aussi, rappelons-le – ce fut même le principal exploit diplomatique de sa première présidence – tenté un rapprochement avec la Corée du Nord, lequel avait échoué.
Mais le contenu d’un apaisement avec la Chine, ou d’une limitation du bellicisme à la guerre commerciale déjà menée (les droits de douane imposés à la Chine sont au jour d’aujourd’hui de 30%, moins que les 39% appliqués à la Suisse, mais avec le risque, d’ici le 12 août, qu’ils repartent fortement à la hausse), a été donné sur un tout autre terrain, lorsque Trump et Vance ont préconisé l’annexion du Canada et du Groenland, ainsi que la reprise du canal de Panama, cette dernière annonce visant la Chine. Avec, en prime, le symbole de la débaptisation du golfe du Mexique, c’est une prétention à l’hégémonie territoriale sur tout le continent nord-américain qui s’est soudain manifestée là, et que les chefs d’Etat du reste du monde ont pris au sérieux, pas comme le gag grossier qu’elle aurait été sous le premier mandat de Trump (qui avait d’ailleurs déjà, alors, proposé d’acheter le Groenland).
Associée à la main tendue à Poutine, la saisie du grand nord arctique américain pourrait même aller de pair avec l’occupation des pays baltes par la Russie, dans une sorte de grand partage dont on peut imaginer – nul doute que les dirigeants des Etats l’imaginent – l’extension mondiale : l’Amérique aux Etats-Unis, le continent européen à la Russie, l’Asie-Pacifique à la Chine. Bien entendu, les « détails » scabreux ne manquent pas (quid de l’Afrique ? du Japon ? etc.), mais les grandes lignes d’un partage hégémonique, susceptible de faire leur place à tel ou tel « BRICS+ », sont théoriquement bien là.
Cette vision dystopique de trois hégémons totalitaires – car ils seraient tous les trois totalitaires – rejoint celle du fameux roman de Georges Orwell, 1984 (paru en 1949) où l’Océania, centrée sur les Etats-Unis (les îles britanniques, l’Afrique australe et l’Australie/Nouvelle-Zélande étant ses têtes de pont hors Amériques), l’Eurasia centrée sur la Russie, et l’Estasia centrée sur la Chine, se partagent le monde, avec une zone disputée en guerre permanente (Afrique, angles de l’Asie), mais sans guerre mondiale.
Mais chez Orwell, il s’agit d’empires totalitaires décadents et stables, installés dans la misère et le mensonge. La dynamique de l’accumulation illimitée et de la circulation accélérée du capital qui fournit son carburant aux processus hégémoniques n’est pas stable, mais expansive, surtout quand la tendance à la baisse des taux de profit et la crise écologique stressent l’accumulation. Le partage hégémonique ne serait donc qu’une transition vers … la guerre mondiale, à nouveau.
La possibilité d’un apeasement momentané des Etats-Unis avec la Chine peut se dessiner. Les discussions sur les tarifs commerciaux sont aléatoires, mais Trump dit viser une rencontre au sommet avec Xi Jinping. Le problème est que ce dernier n’est guère visible depuis plusieurs mois, et que Beijing bruisse de rumeurs sur la crise dans les sommets. Le soutien à la Russie avec les risques qu’il comporte et ses coûts qui, comme l’avait sans doute anticipé l’administration Biden avant le 24 février 2022 même si ce n’est pas dans les proportions supposées, sont pour l’heure sans doute plus élevés que ses profits ; le caractère incontrôlable par Beijing du régime nord-coréen qui a formé son propre axe avec Moscou, indépendant de Beijing ; le tout alors que la résistance sociale, certes dispersée, est massive en Chine : tous ces facteurs nourrissent cette crise au sommet que la pression tarifaire des Etats-Unis peut accélérer.
En outre, la sœur de Kim-Jong-Un, Kim Yo Jong, dont le rôle symbolique et diplomatique est important dans le régime nord-coréen, vient d’annoncer que la porte à des négociations directes avec les Etats-Unis pourrait se rouvrir, alors que la Corée du Sud est toujours traitée en ennemi ; et le président taiwanais Lai-Ching-te s’est vu annuler un passage officieux par les Etats-Unis au cour d’un voyage international. Ces faits vont dans le sens de l’apaisement avec la Chine.
En même temps, la récente poussée d’hostilités terrestres mais aussi maritimes entre la Thaïlande et le Cambodge s’est arrêtée et les deux Etats ont remercié … le président américain. Dans cette affaire, on peut comparer, dans une certaine mesure car la portée en est quand même moindre, le pied-de-nez fait à la Chine, tuteur du Cambodge et allié de la Thaïlande, à ce qu’elle-même avait réalisé en parrainant l’accord Iran/Arabie saoudite en mars 2023.
Enfin, les Etats-Unis, avec semble-t-il l’implication de J.D. Vance, viennent de prendre des contacts à la fois avec la junte birmane, que soutient Beijing, et avec la KIA, armée nationaliste kachin en guerre avec elle, dont le territoire, au Nord du Myanmar, est frontalier du Yunnan chinois et également adjacent à l’Arunachal Pradesh et au Nagaland en Inde. Ces contacts portent sur la production et le transport des terres rares lourdes, celles qui ont le plus d’applications militaires, et dont la Chine détenait le quasi-monopole.
L’ensemble de ces faits mis bout à bout (voir à ces sujets le blog du camarade Andrea Ferrario, en italien) permettent de dire que la situation de l’impérialisme chinois est beaucoup moins solide qu’on ne le dit généralement (conflit Thaïlande/Cambodge, situation au Myanmar) et que des éléments d’apaisement, de collaboration géostratégique, existent. Et donc, qu’il aurait intérêt, lui aussi, du moins dans un premier temps, à chercher à s’insérer dans une ligne de partage du monde et de coopération conflictuelle. Surtout – c’est pour lui une pierre de touche – si Taiwan lui est livrée, ce qu’il préfèrerait obtenir par la pression et la collaboration interne du Guomindang, que par une guerre.
Répétons-le, l’hypothèse non de la guerre mondiale rapide, mais de la multipolarité des hégémons impérialistes, n’est pas une hypothèse où il n’y aurait pas de guerre mondiale. Celle-ci en reste l’horizon, et lorsque j’énumérais, sommairement, les « détails scabreux », zones de partage difficile et autres, ci-dessus, il faut leur rajouter la question centrale de l’Europe. En effet, le point commun à l’hypothèse 2 (où l’axe Trump/Poutine piège la Chine, ce qui n’est absolument pas le cas au moment présent) et à l’hypothèse 3 du Yalta global des hégémons, c’est l’asservissement de l’Europe.
Cet asservissement commencerait par l’écrasement génocidaire de l’Ukraine, et se poursuivrait par la mainmise russe sur la Baltique et sur les Balkans, ce qui implique, pour le moins, l’écrasement de la révolution en Serbie : son président Vucic, soutenu par l’UE et Macron, essaie de s’y employer. Cette mainmise russe requiert l’abdication de la Pologne et la « finlandisation » de l’Allemagne. La France devrait donc être mise au pas. Le processus politico-militaire ainsi dessiné passe, je l’ai dit, par l’extrême-droite et les diverses formules d’union des droites. Royaume-Uni et Irlande, séparés du continent, pourraient former la tête de pont de l’Océania – pardon, des Etats-Unis.
Ce qui fait que ceci n’est pas de la science-fiction est que l’asservissement de l’Europe correspond à l’intérêt commun des trois hégémons impérialistes, quels que soient par ailleurs leurs antagonismes (seule l’hypothèse d’une collaboration de revers UE/Chine, surtout Allemagne/Chine, peut tenir contre cette perspective, si et seulement si les politiques américaine et russe y contraignaient la Chine).
La question européenne.
L’asservissement de l’Europe ne consiste pas seulement dans la mise au pas des impérialismes européens. Ce sont les peuples qui sont visés. Cet asservissement commence maintenant, par quatre piliers, qui pour tout véritable internationaliste, sont indissociables, c’est-à-dire qu’ils appellent une lutte combinée :
- La guerre génocidaire de Poutine contre l’Ukraine,
- La guerre génocidaire de Netanyahou contre la Palestine,
- L’offensive raciste contre les « migrants », en Amérique du Nord et en Europe.
- La destruction de l’Etat de droit.
Evidemment, les gouvernements européens qui ne sont pas déjà d’extrême-droite ou d’union droite/extrême-droite, ont déjà pavé la voie à ces éléments de destruction et d’asservissement. Ainsi, en France, Macron a amorcé la dérive illibérale conduisant à la destruction de l’Etat de droit. Mais ce n’est pas un fasciste pour autant : le régime adapté à la pleine soumission à Trump et Poutine n’est pas le sien.
L’Etat de droit est une forme juridico-constitutionnelle de l’Etat bourgeois qui engrange un certain nombre d’acquis démocratiques issus de la lutte des classes : une déclaration des droits fondamentaux dont la garantie doit demeurer quelle que soit la majorité politique, lesquels intègrent aujourd’hui l’égalité des individus des deux sexes, la liberté d’orientation sexuelle et la garantie de protection de la vie privée, ainsi que la protection des communs et du vivant ; une institution judiciaire indépendante du pouvoir en place comme du pouvoir législatif ; une séparation des pouvoirs garantissant l’autonomie du législatif ; l’habeas corpus et les garanties juridiques de protection des personnes ; les libertés politiques, d’expression, d’organisation, de manifestation, de pétition ; la laïcité de l’Etat et de l’école, fondement de la liberté de pensée et des libertés religieuses ; les franchises universitaires ; la garantie d’existence de médias pluriels indépendants ; la garantie d’existence de syndicats indépendants ; la reconnaissance de la notion de consensus scientifique, interdisant un soi-disant pluralisme dans l’enseignement des sciences. Cette liste contient tout ce que les Trump et les Vance veulent explicitement et très consciemment détruire.
Si les oligarques américains, russes et chinois n’aiment pas l’Europe, ce n’est pas en raison de son passé colonial, mais en raison de cet ensemble de droits et de garantie, le continent d’où a rayonné le capitalisme ayant aussi été, du même coup, celui d’où a rayonné l’aspiration à la démocratie et la révolution prolétarienne.
Il importe donc de distinguer ce qui est défense civilisationnelle véritable, c’est-à-dire défense démocratique, et défense des intérêts impérialistes, en Europe. Le cas français est décisif. La dissuasion nucléaire française et les possessions d’outremer assurant de larges (et, en fait, surdimensionnées pour la France) Zones Economiques Exclusives, sont des attributs de l’impérialisme français, non des conquêtes sociales et démocratiques. La défense de celles-ci requiert la rupture avec la forme institutionnelle autoritaire et présidentielle de la V° République.
Mais les Etats européens sont pris à la gorge, et pris en sandwich, par l’axe Trump/Poutine. Ils ont des velléités de défense que leurs gouvernements abandonnent. Le paradigme de ces abandons, c’est le prétendu accord commercial entre la Commission de l’UE et Trump. Celui-ci soulève l’ardente nécessité d’institutions communes réellement démocratique, ce que n’est pas l’Union Européenne. Comme est soulevée celle, que je ne développerai pas dans cet article, d’une alternative européenne à l’OTAN.
Il appartient donc, de toute urgence, aux courants révolutionnaires et démocratiques dans le mouvement ouvrier, écologiste, féministe, de mettre en avant une politique internationale et militaire pour l’Europe. Voila le premier test mondial de la refondation d’un internationalisme véritable.
Cette politique internationale et militaire démocratique comporte quelques volets principaux qui s’imposent.
D’abord, armer l’Ukraine maintenant. Plus haut, j’ai signalé que la guerre telle que la mènent les Ukrainiens montre ce que pourrait être une guerre pour la démocratie dans laquelle l’initiative d’en bas et les technologies légères jouent tout leur rôle. Sans exclure la stratégie et la tactique traditionnelle des corps d’armée, elle n’a pas recours aux armes de destruction massive notamment nucléaires. Elle demande donc un budget important dans l’immédiat mais à échéance de quelques années beaucoup moins élevé que celui des lois de programmation militaire actuelles de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, calibrées non pour défendre l’Ukraine et le continent contre les forces fascistes du XXI° siècle, mais pour défendre les intérêts de puissances impérialistes sur le déclin tout en satisfaisant les trusts de l’armement, voire en achetant … aux Etats-Unis, comme Ursula von der Leyen l’a promis à Trump !
Tout aussi immédiatement, sauver les Palestiniens. Une intervention armée humanitaire, brisant le blocus, ne serait pas aujourd’hui une intervention impérialiste, car elle serait au contraire un défi à l’axe Trump/Poutine, un coup direct à Netanyahou, et un facteur d’affaiblissement du Hamas. Seuls des démocraties peuvent se permettre une telle intervention, seuls des gouvernements démocratiques représentant la majorité peuvent la mener sans arrière-pensées.
Le « mouvement propalestinien » tel qu’il résulte d’années de campisme et de fétichisme antisioniste risque fort de se cabrer contre une telle perspective, donc de s’opposer à l’aide effective aux Palestiniens …
Un gouvernement démocratique en France ou dans une autre puissance européenne prenant ces deux initiatives, ukrainienne et palestinienne, produirait un coup de tonnerre mondial, et susciterait une vague mondiale de soutien parmi les peuples, et de menaces de la part des hégémons impérialistes, lesquels de toute façon veulent en finir avec l’Europe.
Il faut donc, et c’est le troisième point militaire clef après l’Ukraine et la Palestine, préparer un réarmement européen contre Trump et contre Poutine. Il ne doit pas consister en armes de destruction massive, et donc l’offre macronienne de « dissuasion » nucléaire française à tout le continent n’est pas une protection pour celui-ci. Par contre, il doit être combiné à la solidarité avec les peuples en lutte contre Trump et Poutine, dont les peuples américain et russe. Contre Trump, la question de garanties militaires conjointes avec le Canada et le Groenland est posée immédiatement.
Contre cette politique militaire prolétarienne et démocratique, le gauchisme campiste est le premier obstacle. D’ores et déjà, des mots d’ordre s’opposant à toute intervention pour briser le blocus de Gaza circulent dans ces milieux, au motif que la France est impérialiste, que c’est le « sionisme » qui doit être dénoncé, et pas les Palestiniens sauvés. Des formules creuses telles que « La seule intervention légitime, c’est celle des peuples », servent à couvrir le refus d’une solidarité effective afin de continuer à cultiver le pré carré « propalestinien ».
Mais l’intervention des peuples contraignant les gouvernements à envoyer des navires de guerre protéger des convois de nourriture, est légitime, elle pose la question du pouvoir et ouvre le combat pour des gouvernements démocratiques représentant la majorité et répondant aux urgences, les urgences militaires et internationalistes comme les urgences sociales et écologiques – au cas où les connaisseurs en textes programmatiques d’antan n’auraient pas compris, je précise : vous pouvez traduire « gouvernements démocratiques » par « gouvernements ouvriers et paysans » dans la langue d’autrefois !
Le déclin des impérialismes européens et le long décentrage de l’Europe dans la lutte des classes à l’échelle mondiale conduit à cet apparent mais fécond paradoxe qu’aujourd’hui, les contradictions intenables qui affectent l’Europe prise entre Trump et Poutine offrent aux révolutionnaires du XXI° siècle la possibilité, et donc la responsabilité, de poser la question du pouvoir aussi, voire surtout, par le canal des revendications militaires internationalistes. Par cette voie, l’Europe n’indiquerait pas au monde le chemin de la guerre mondiale inter-impérialiste, mais celui de la révolution prolétarienne et démocratique, dont la dimension militaire est et sera incontournable, permettant de nous sauver, le monde, la culture humaine et nos enfants avec nous, de la guerre mondiale comme catastrophe imminente, et de vivre au-delà de l’effondrement bioclomatique.
Vincent Présumey, les 4-5 août 2025.
05.08.2025 à 17:25
Les progrès de l’union des droites : l’exemple de la dérive de la démocratie chrétienne allemande.
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Texte intégral (793 mots)
En ce début du mois d’août, la « Taz » (journal en ligne comparable au « Guardian » britannique) rapporte que Saskia Ludwig, députée du parti chrétien-démocrate allemand (la CDU), s’est rendue en Hongrie à l’invitation d’un réseau de droites « illibérales » pour participer à la « MCC Feszt » (1). Ludwig y a publiquement remis en cause le « pare-feu », terme qui désigne en Allemagne le refus principiel de toute collaboration avec l’extrême-droite, représentée aujourd’hui par l’AfD. Avec la montée continue de cette dernière depuis sa création en 2013, la tentation se fait de plus en plus forte pour la CDU de se rapprocher de ce parti qui recycle ouvertement des symboles et slogans nazis.
Même en Allemagne de l’est, cependant, où l’AfD est très puissante, tous les partis ont jusqu’ici refusé de former une coalition avec elle, y compris lors des dernières élections régionales, où la poussée a été très forte en Thuringe. Mais Ludwig estime que cette mise au rebut prendra fin au plus tard lors des élections du Land de Mecklembourg-Poméranie à l’automne 2026. Contactée par la Taz, la CDU ne s’est pas exprimée quant à la participation de Saskia Ludwig au MCC Feszt. Cette absence de condamnation est significative et indique que le tabou est près d’être brisé.
L’extrême-droitisation de la CDU s’était accélérée depuis que ce parti conservateur avait réussi à faire voter à l’aide des voix de l’AfD des lois restrictives vis-à-vis de l’immigration quelques semaines avant les nouvelles élections au Bundestag de février dernier. Depuis, le nouveau chancelier, Friedrich Merz (CDU), a pris position contre l’interdiction de l’AfD au moment où la cour suprême (« Bundesverfassungsgericht », littéralement : tribunal constitutionnel confédéral) classait officiellement ce parti comme étant d’extrême-droite, ouvrant la voie à une procédure d’interdiction. Alors que la coalition CDU-SPD s’était mise d’accord sur la nomination d’une nouvelle juge au tribunal constitutionnel, début juillet, une campagne de diffamation aux accents de croisade anti-woke a été menée à la fois par l’AfD et des députés de la CDU, – reprochant à la candidate Frauke Brosius-Gersdorf d’être d’extrême-gauche, et caricaturant en autres, de conserve avec des prélats catholiques, ses positions sur l’avortement. Brosius-Gersdorf avait également eu le malheur d’évoquer l’éventualité d’une interdiction de l’AfD.
Cette campagne de dénigrement a été amplifiée par la chaîne d’extrême-droite « Nius », récemment fondée sur le modèle de Fox News par l’ancien président de « Bild », le premier titre de la presse de boulevard en Allemagne. A l’aide des portails anti-avortement, de la plateforme X, et en utilisant la plateforme de mobilisation CitizenGo, une pétition contre la nomination de Brosius-Gersdorf a réuni en quelques jours 120 000 signatures. A la mi-juillet, 50 à 60 députés CDU, prenant argument des multiples lettres, pétitions et courriels qu’ils auraient reçus, ont décidé de ne pas respecter l’accord avec les sociaux-démocrates et de mêler leurs voix à celles de l’AfD pour rejeter, avec succès, la nomination de la juge.
Ce qu’on peut constater, c’est que les coalitions au Bundestag se font de plus en plus instables. La dernière grande coalition (CDU-SPD lors du dernier mandat de Merkel) avait été marquée par de grosses tensions internes au sein du SPD (l’aile gauche ayant poussé – sans succès – à la sortie de ladite grande coalition – qu’on appelle « GroKo » outre-Rhin). Cependant, cela n’avait pas affecté la stabilité du gouvernement. La coalition tricolore qui a suivi a été malmenée en interne par les libéraux (FDP) jusqu’à leur sortie prématurée qui a déclenché des élections anticipées. Alors que la GroKo nouvellement mise en place était censée être gage de stabilité par son centrisme, des trublions indisciplinés de la CDU contaminés par la « Nouvelle (Extrême-)Droite » mettent l’attelage avec les sociaux-démocrates en difficulté après seulement quatre mois de gouvernement commun. Il serait inédit qu’une GroKo éclate avant terme, mais c’est devenu une possibilité. Pas de gouvernement avec un parti perméable au néofascisme ! Sortie immédiate du SPD de la GroKo ! Gouvernement SPD – Die Linke – Verts (Rot-rot-grün) !
(1) Un festival « culturel » de la droite extrême « enracinée ». Photo illustrant cet article.
RV, le 05/08/2025, mise à jour du 06/08/2025.
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