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🖋 Marc ENDEWELD
Journaliste et écrivain

The Big Picture


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14.08.2025 à 02:07

[fiction] « House of cards » version Macron

Marc Endeweld

Texte intégral (11659 mots)

À l’époque, la proposition m’avait été faite par le directeur de la rédaction de La Tribune, Philippe Mabille, un pilier du quotidien économique et un journaliste qui aime autant la petite que la grande histoire : « ça t’intéresserait de faire une fiction d’été sur les débuts de Macron à l’Élysée ? ».

J’avais eu alors carte blanche pour raconter les premiers pas d’Emmanuel Macron rue du faubourg Saint-Honoré comme président, sur le mode de la fiction, à la manière des séries d’été de la grande époque des Échos qui adoraient proposer lors de la pause estivale, loin de l’actualité parisienne, ce genre de récit à ses lecteurs sur les coulisses du pouvoir politique et économique. Des vraies-fausses fictions, où s’entremêlaient vérités et situations vraissemblales, et où toutes les outrances de situation étaient permises, avec un seul but : amener finalement les lecteurs à toucher un peu plus du doigt la réalité d’une époque ou le fonctionnement indicible des coulisses, parfois « inatteignable » par un article de presse classique.

Par cet exercice, on touche du doigt les limites du journalisme, et notamment du « journalisme à la française », trop souvent légitimiste à l’égard des institutions politiques et oubliant un peu trop vite son rôle de contre-pouvoir. En télévision, le succès des séries américaines (ou étrangères) sur les coulissses des pouvoirs, politiques et économiques, et sur ce que les historiens appellent l’histoire immédiate, démontre en creux une attente du public, et notamment du public français, d’aller au-delà de la communication politique et des sacro-saints éléments de langage. On pense bien sûr aux classiques du genre comme The West Wing, House of Cards, Borgen, mais aussi, dans une version plus grand public, Scandal, qui a été inspirée par Judy Smith, une pro de la communication, qui a travaillé comme conseillère du président George H. W. Bushn sans oublier, bien sûr, l’indépassable The Wire, écrite par le journaliste David Simon et dont le sujet porte sur sa ville de Baltimore.

Sur des terrains plus sensibles d’ailleurs, comme celui de la grande criminalité internationale ou du renseignement, on peut penser à Gomorra, Narcos, The Americans, ou plus récemment, à Black Doves ou à La Diplomate, là encore les scénaristes américains ont réussi ces dernières années à ringardiser encore un peu plus la presse (mais aussi le cinéma classique, mais c’est un autre sujet), dans la mission de « donner à voir » au public, de jouer les petites souris de la démocratie. Mais même Hollywood s’est fait prendre à son propre piège : car dans l’ère de la post vérité et de la post covid, la réalité dépasse souvent la fiction.

Je vous propose donc aujourd’hui de relire ma « fiction d’été » écrite en 2020, car sur bien des aspects, il me semble qu’elle n’a pas si mal vieilli, au regard de la situation de la France et de son histoire politique récente. À travers cet exercice, j’avais rassemblé de nombreuses informations, voire quelques révélations recoupées, tout en profitant du mode fictionnel, pour inventer certaines mises en scène, ou au contraire relater certains coulisses tout à fait véritables. À vous de décrypter ce qui est de l’ordre de la fiction ou au contraire ce qui est de l’ordre des coulisses rapportés. Du côté de La Tribune, pour laquelle j’écrivais une chronique hebdomadaire et des enquêtes, Mabille avait alors respecté sa carte blanche, en publiant tel quel mon récit. Quelques mois après, à l’occasion d’un échange SMS avec Edwy Plenel, un des personnages qui apparaît dans mon récit, ce dernier m’avait remercié, sous forme de clin d’œil, de l’avoir cité…

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Épisode 1 : Darmanin, ou la malédiction de l'Intérieur

À Lyon, de retour chez lui, Gérard Collomb n'arrête pas de ruminer et de se repasser le film du quinquennat. Il jette un oeil à ses cartons tout juste déménagés de la mairie après sa cuisante défaite aux Municipales face aux Verts. Dedans, quelques archives, des photos de lui durant la dernière présidentielle. Il soupire. Le vieux lion est amer. Fatigué, aussi. En 2017, il avait jeté toutes ses forces dans la bataille, au point de se retrouver quelques jours à hôpital après l'élection, pour cause de surmenage. Un an et demi plus tard, l'affaire Benalla éclate en plein été. À l'époque, il « règne » sur la place Beauvau, le ministère de l'Intérieur, enfin le croit-il. Il a surtout l'impression de se faire balader par l'Elysée et son cher ami « Manu ». Jamais, il n'aura d'explication franche de la part de son ancien champion à propos de ce jeune chargé de mission inconnu qui va provoquer une déflagration dans toute la République et semer le doute sur le pouvoir. Il se souvient encore des mots du président de la République qui a encore voulu le retenir en octobre 2018 quand il a annoncé son départ dans la presse : « Je t'ai sauvé la vie, c'est Philippe qui voulait te virer au moment de l'affaire Benalla ! »

Mais le charme est rompu. Gérard n'a plus confiance en son ancien poulain, il claque la porte d'une « maison » qu'il n'a jamais comprise. Quelques jours plus tard, il échange à son sujet avec son ami Bayrou : « Mais tu te rends compte François ? Comment-a-t-il pu me faire ça ? Il m'a demandé de démissionner, pour me faire porter le chapeau de ce Benalla ! » À l'autre bout du fil, le béarnais, toujours exilé à Pau, et mis en examen, compatit : « Oui, Gérard, je sais, il me l'a fait à l'envers à moi aussi. C'est un psychopathe. Et puis, tu as vu toute cette mafia sarkozyste autour de lui, c'est quoi ce délire ? Comment l'expliques-tu ? Je n'avais pas "acheté" cela en 2017. On s'est bien fait avoir ». Collomb a du mal à recoller les morceaux. Il sait que Nicolas Sarkozy poussait depuis le printemps 2018 Emmanuel Macron à le remplacer par Gérald Darmanin avec Frédéric Péchenard comme secrétaire d'Etat. Autant le grand flic sarkozyste a son respect, autant il considère le maire de Tourcoing comme un opportuniste, un "petit" Sarkozy. Collomb sait que cette option a pourtant longtemps tenu la corde à l'Elysée. À l'époque, il lui arrivait souvent d'appeler son vieil ami Michel Charasse, qui avait alors l'écoute du président de la République. « Michel, tu y comprends quelque chose, toi ? »

Bien sûr, que Michel comprend. L'ancien ministre de Mitterrand connaît sa Sarkozie sur le bout des doigts. Depuis la cohabitation avec Balladur, il s'est rapproché du ban et de l'arrière ban des réseaux sarkozystes de Beauvau. Il connaît les petits arrangements, les combines des uns et des autres. Il est devenu un spécialiste des complots, petits et grands, de la République. Alors, la perspective de voir Darmanin débarquer à l'intérieur, il préfère en sourire. Quand Gérard lui raconte que Macron lui a confié deux jours après l'article du Monde sur Benalla que tout cela n'était qu'un complot sarkozyste, il ne peut s'empêcher de partir dans un grand éclat de rires. « Gégé », comme l'appelle Brigitte Macron, ne comprend toujours pas : « Tu sais ce qu'Emmanuel m'a dit deux jours après l'article ? En réunion de crise ? Que tout cela n'était qu'un coup de Bernard Squarcini, l'ancien patron de la DCRI ! »

Le « squale », comme il est surnommé par le tout Paris, s'amuse également de l'anecdote. Comme le dit son ancien ami Sarko, « de la mauvaise pub, c'est toujours de la pub ». Justement, dans l'entourage de Sarkozy, on s'impatiente. Le tir de barrage mené par Bayrou auprès de Macron contre la candidature Darmanin à l'Intérieur n'a pas été apprécié. L'ancien président pourtant, reste étonnamment calme, serein. « Tout cela va mal finir. Ne bougez pas, pour l'instant », explique-t-il à ses affidés. L'ancien président rumine sa revanche contre François Hollande. Il ne cesse de pester contre la justice, les juges rouges, le Parquet National Financier ! Les premiers ennuis d'Emmanuel Macron ne sont pas pour lui déplaire, il peut ainsi distiller ses conseils auprès de l'intéressé, qui ne manque jamais de l'écouter, consciencieusement, comme l'élève qu'il était à Henri IV : toujours donner l'impression d'écouter l'autre, le mettre en valeur, le flatter. Macron sait comment gérer Sarkozy. Enfin, le croit-il. Les deux fauves se jaugent, se tournent autour...

Il aura donc fallu attendre près de deux ans pour que Darmanin accède enfin à Beauvau. Dès le lundi soir de sa nomination, il n'attend pas une seconde pour appeler son prédécesseur : « Comment tu vas Casta ? Pas trop dur ? ». Castaner bafouille. Lui, comme Collomb, n'a pas le moral. « J'ai tout donné à Emmanuel, et il me vire comme un malpropre », rumine-t-il. « Tu vas voir Casta, les flics, je vais fissa les mettre dans le droit de chemin. Ils ont besoin d'un chef. Je te le dis, tu étais trop sympa avec eux. Et puis, tu vas voir, les rouges, les anars, je vais les casser, ils vont avoir peur de moi ». Castaner encaisse. En même temps, il n'est pas mécontent de quitter le navire au moment où il semble de plus en plus tanguer vers la droite. Il se dit que les vacances pour lui tombent à pic. Il va pouvoir se remettre à s'amuser avec ses amis, loin des caméras, reprendre son vieux scooter sur la Côte d'Azur. Il a quand même une dernier corvée à finir. Alors qu'il commençait à rêvasser à la suite, la voix cassante du nouveau patron des lieux le réveille : « Allo Casta ? T'est toujours là ? Hein, alors, on est d'accord, j'arrive ce soir à Beauvau, et t'assures la passation de pouvoir, avec tout le tralala ? Ok ? ».

En se dirigeant vers la place Beauvau, Darmanin reçoit un coup de téléphone de Nicolas Sarkozy en personne : « Ah mon Gérald, je tenais à vous féliciter pour votre nomination. On va pouvoir travailler ensemble pour le bien de la France. Il y a tellement de choses à faire. Mais la partie va être difficile, même si on a Castex dans la place. Je compte sur vous. En tout cas, félicitations ». Darmanin ressent une joie intense dans tout son corps, comme s'il avait gagné une course. Il a coiffé au poteau tous les prétendants, mis de côté les récriminations du père Bayrou, qui pestait déjà contre les sarkozystes auprès d'Emmanuel Macron. Mais, surtout, il a pu parler droit dans les yeux avec le président de la République. Première fois qu'il passe autant de temps avec lui.... « Cher Gerald, je te le dis, d'homme à homme, aie confiance dans la justice de ce pays, et ce pays te soutiendra », lui lance d'une manière sibylline le chef de l'Etat lors de leur rencontre. Façon Mitterrand.

Ah, cette fameuse justice ! Elle qui le pourchasse depuis le début du quinquennat pour ce qu'il appelle, auprès de ses proches, ses « écarts de jeune homme ».  Alors, forcément, le dernier coup de fil avant son arrivée lui fait l'effet d'une douche froide : « Allo monsieur le ministre, c'est le Premier ministre à l'appareil. Je voulais vous prévenir : d'un commun accord avec le président, on a décidé de nommer auprès de vous comme directeur de cabinet l'actuel coordonnateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, Pierre Bousquet de Florian. Je pense que c'est la meilleure solution. C'est un homme d'expérience. Il connaît bien la maison ». Silence du côté de Darmanin : il a beau être un jeune, il  sait que Bousquet, ex patron de la DST sous Chirac, déteste de près ou de loin tout ce qui ressemble à la Sarkozie. Cela date de l'affaire Clearstream 2, et de son éviction par Bernard Squarcini. Pourtant, les choses ne sont pas encore faites.

À l'Elysée, Emmanuel Macron rencontre au même moment celui qu'il avait nommé en 2017 et qui n'a pas du tout envie de reprendre du service à l'Intérieur, pas à son âge : « Monsieur le président, cette proposition m'honore, mais j'ai également peur de vous laisser seul avec certaines personnes de votre entourage... » Ce à quoi le chef de l'Etat répond, martial : « Je vous arrête, Pierre. Prenez le comme un ordre. Et puis, j'ai besoin de vous, pour la suite ». Décidément, le chemin risque d'être long jusqu'en 2022. Mais pour Jupiter, le temps presse. En regardant Bousquet s'éloigner de son bureau, le président repense à ce blanc bec de Darmanin : « Au premier écart, je lui balance une balle dans la tête, se dit-il. Comme tous les autres, il sera mort avant de pouvoir s'envoler... » Pas sûr que les manifestations de féministes contre le ministre de l'Intérieur ne lui déplaisent vraiment. Le piège peut se refermer.

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Épisode 2 : Brigitte et le «gang» des femmes

Ce soir-là, Roselyne Bachelot dîne avec la Première Dame à l'Atelier Éphémère, un petit restaurant du Touquet, situé à deux pas de la plage, rue Saint-Jean, à une centaine de mètres de la maison des Macron. Les deux femmes ne se connaissent pas très bien, mais ces deux-là s'entendent déjà à merveille. Et toutes les deux ne sont pas mécontentes de leur petit effet avec le remaniement. « Tu as vu ce que j'ai dit sur France Info ? Je leur ai répété que je ne me mêlais surtout pas de politique, et que je ne me sentais pas Première Dame... » Bachelot ne peut réprimer un petit rire nerveux : « Oui, c'est un peu comme moi qui avait dit que je ne reviendrai jamais en politique ! », lance spontanément l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. Brigitte Macron esquisse alors un sourire complice.

Les deux femmes s'étaient déjà croisées lors d'un vernissage de peintures, réalisées par le compagnon de l'un des collaborateurs de Brigitte. Paris est un village, et tout le monde se connaît. Un peu comme au Touquet. Des échos dans la presse ont rapporté que l'autre surprise du nouveau gouvernement, le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti, s'était laissé convaincre par Brigitte Macron d'entrer au gouvernement. Après le ministre Jean-Michel Blanquer, « l'épouse du chef de l'Etat » telle qu'elle souhaite désormais être présentée, peut donc compter sur un nouvel allié au coeur du pouvoir. En réalité, Dupond-Moretti, au carnet d'adresses bien fourni, fut l'avocat de l'une de ses connaissances, la productrice Yamina Benguigui, par ailleurs meilleure amie de son plus proche confident, l'ancien animateur télé Bernard Montiel.

Une histoire de famille donc. « J'aime beaucoup sa femme Isabelle par ailleurs », ajoute-t-elle. Bachelot n'est pas dépaysée. Depuis qu'elle traîne sur les plateaux télé comme chroniqueuse, le show-biz, ça la connaît. « C'est vrai, elle est très gentille, mais je préfère quand même l'Opéra ! » s'exclame l'ancienne ministre de la Santé. « Bon, tu sais, on me présente comme la véritable ministre de la Culture, mais je veillerai à te soutenir dans tout ce que tu entreprendras », tient tout de même à dire Brigitte Macron, entre le fromage et le dessert. « Naturellement, je ferai attention à Stéphane, il est tellement engagé dans sa mission sur le patrimoine », répond opportunément Bachelot. On ne perd pas ses réflexes politiques.

« Comment vois-tu 2022 ? » demande alors Brigitte Macron à Roselyne Bachelot. « À l'heure actuelle, je pense que l'actuel président a toutes ses chances. Qui lui arrive à la cheville ? Sarkozy ? Il a ses ennuis avec la justice. Hidalgo ? Dati ? Ce n'est pas sérieux... », tranche immédiatement la ministre, tentant de montrer un maximum de loyauté à l'égard de son nouveau patron. Pas question de laisser poindre la moindre ambiguïté à ce sujet. Bachelot sait qu'en politique le choc des égos peut créer des étincelles. La Première Dame  se laisse alors aux confidences : « Franchement, je ne sais pas s'il en a envie. Tellement d'énergie dépensée, et si peu de retours positifs. C'est vraiment un métier ingrat. Regarde le dernier plan européen, les médias expliquent qu'on doit tout à Angela Merkel ! C'est tellement injuste pour Emmanuel. Tout le monde a déjà oublié son discours de la Sorbonne. Et puis, je ne sais pas si c'est une bonne idée de se lancer de nouveau dans l'aventure de la présidentielle. Déjà que je n'ai pas aimé la précédente campagne... » Bachelot n'est pourtant pas dupe. Le coup du « attrapez-moi, ou je fais un malheur », elle le connaît par coeur : « Moi je pense que ton mari a la politique dans le sang. C'est un gagnant, ça se voit, c'est pour ça que je l'ai rejoint. De ce point de vue, il ressemble à Nicolas (Sarkozy), c'est un vrai animal politique et moi j'aime ça », conclut provisoirement la ministre.

Brigitte Macron embraye sur l'équipe de son président de mari : « Sa principale faiblesse, jusqu'à présent, ça a été son équipe. Pas assez solide, pas assez loyale, et puis tous ces "technos" arrogants autour de lui, qui l'empêchent toujours d'avancer dans ses projets, et qui ne sont pas en contact avec le pays », soupire-t-elle. Dans ce domaine, le départ d'Edouard Philippe n'est pas pour lui déplaire. Loin de là. Cela faisait des mois qu'elle alertait Emmanuel du double jeu de son Premier ministre. Dans son viseur également, le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, coupable à ses yeux d'avoir trop joué en faveur de Matignon, et de son ancien directeur de cabinet, Benoît Ribadeau-Dumas. « Très tôt, il s'est comporté comme le président bis, mais ce n'est pas son rôle ! » s'emporte-t-elle. A l'Elysée, le secrétaire général est aujourd'hui bien seul. De l'équipe originelle de 2017, il ne reste pratiquement plus que lui. « Au moins, moi, je sais rendre fidèle mes collaborateurs ! » ironise alors Brigitte Macron.  Elle pense alors à ses chers Pierre-Olivier (Costa), Tristan (Bromet), et puis à Bruno (Roger-Petit), le conseiller mémoire de l'Elysée, dont son bureau jouxte les siens. « Ce sont mes mousquetaires. Ils m'ont toujours protégé », ajoute-elle.

Brigitte Macron s'enquiert alors de la santé de Bernadette Chirac. Ces dernières semaines, on l'a dit souffrante. Roselyne Bachelot n'a pas plus de détails. Alors qu'elle a récupéré la présidence de l'opération pièces jaunes, la Première Dame n'a que peu de nouvelles en dehors de celles que lui donne son amie Line Renaud. Car le clan autour de Claude Chirac, la fille adorée de l'ancien président, préfère mettre les Macron à distance. Déjà, lors des obsèques de Jacques Chirac à l'automne dernier, sa fille, habile communicante, avait mis à distance l'Elysée, malgré l'envie d'Emmanuel Macron de s'emparer de « l'événement ». La gardienne du temple avait imposé une cérémonie intime. Ce jour-là, le chef de l'Etat n'a prononcé aucun discours. Son nom ne fut même pas évoqué dans le communiqué de l'archevêché pour annoncer la cérémonie solennelle à Saint-Sulpice. Et surtout, crime de lèse-majesté, il n'a eu le droit à aucune image avec la famille. Durant quelques heures, le virevoltant Macron est apparu comme un président effacé. « Le jour des obsèques, j'ai compris pourquoi il ne pouvait pas gagner en 2022 », confie alors Jean-Louis Borloo, à l'un de ses amis. « Il ne faut jamais sous-estimer les femmes en politique ».

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Épisode 3 : La République des initiés

Quelque part du côté de l'avenue d'Iéna, dans le « triangle d'or » parisien, entre la Seine et les Champs-Elysées, Alex tourne en rond dans le grand appartement qu'un de ses amis lui a prêté depuis qu'il est sorti de prison. Sa libération, il l'attendait depuis plusieurs semaines, et elle est intervenue, comme par ironie, un jour avant le confinement national décidé par le président Macron. Le 16 mars, l'intermédiaire Alexandre Djouhri, mis en examen dans le dossier du financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, fut ainsi libéré de la prison de Fresnes, pour raisons médicales. La nouvelle passa quasiment inaperçue au moment même où le pays tout entier sombrait sous l'épidémie de Covid-19. Les exégètes des coulisses parisiens se perdirent pourtant en conjectures.

Depuis, « Monsieur Alexandre » prend son mal en patience. Pour occuper son temps, il ne loupe aucune miette des dernières actualités politiques... « On l'a sauvé ! Son quinquennat était foutu, il n'avait plus rien à dire... », expose ainsi Alex à l'un de ses amis. La personne au centre de son attention ? Emmanuel Macron, bien sûr. C'est du reste ce que les sarkozystes du premier cercle aiment se dire depuis le dernier remaniement. Le policé Camille Pascal, ancienne plume de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, et ancien directeur de cabinet de Dominique Baudis au CSA, s'amuse de la situation, en envoyant le SMS suivant à son ancien patron : « Vous êtes revenu ? » De son côté, Alex est doublement satisfait, car son ancien avocat, maître Dupond-Moretti n'est autre que le nouveau garde des Sceaux. Il n'a pas essayé de le joindre bien sûr, il sait qu'il ne le prendra plus au téléphone. Comme l'ami Jean-Louis (Borloo) aime à le dire : « Toute la République a été mise sur écoutes par le PNF ! » Les masques sont tombés depuis les révélations du Point, mais cela faisait des années que l'ancien ministre de l'Écologie de Nicolas Sarkozy pestait contre ce qu'il considérait comme « le cabinet noir de François Hollande ».

Homme de gauche, de « sang mêlé », Dupond-Moretti, surnommé « Acquittator », n'est pas loin de penser la même chose. Les magistrats le craignent. L'un d'eux a d'ailleurs préféré raccrocher les crampons. Procureur en Guadeloupe, Jean-Luc Lennon fut par le passé en poste à Bastia, et avant encore, il fut un ancien flic dans les Hauts-de-Seine... De quoi former un magistrat chevronné. De quoi aussi lui apporter la « carte mentale » lui permettant de s'y retrouver dans ces entrelacs de relations qui forment notre République des initiés. Lui, comme d'autres, savent très bien comme interpréter les récentes promotions gouvernementales. Comme on dit, plus c'est gros, plus ça passe. C'est que maître Dupond-Moretti entretient notamment des liens d'amitié avec Thierry Herzog, l'avocat et ami de Nicolas Sarkozy. « Thierry est un fan de chanson française, il connaît Serge Lama par coeur », dit de lui son ami Eric. Ces derniers mois, Dupond-Moretti s'était également rapproché de Brigitte Macron. L'avocat a d'ailleurs eu comme cliente l'une de ses connaissances, la productrice Yamina Benguigui.

Dupond-Moretti, mais également Darmanin à l'Intérieur. Nicolas Sarkozy ne cesse de se réjouir de ces dernières nominations. Il revient de loin pourtant. À l'automne 2016, l'ancien président perdait les primaires de la droite. « Si j'avais gagné, jamais Macron n'aurait été élu. Mais, en 2022, ça ne va pas être le même scénario », se rassure-t-il. Sarkozy ne peut supporter de s'être fait griller la politesse par un jeune banquier de chez Rothschild. Mais il préfère jouer fair-play : « Il fait de son mieux. Les dernières nominations vont dans le bon sens », explique-t-il aux journalistes.

À l'automne 2016, pourtant, comme Alex aujourd'hui, Nicolas comptait ses amis. À l'époque, même certains de ses proches avaient tourné casaque. En septembre de cette année-là, le magazine Valeurs Actuelles l'avait invité à rencontrer plusieurs centaines de lecteurs dans le très chic Pavillon Royal, niché au coeur du bois de Boulogne. Sarkozy est alors d'une humeur de chien. Dans la loge, l'ambiance est glaciale. Dès les premières minutes, il fait mine de ne pas vouloir monter sur scène. Finalement, malgré quelques minutes de retard, il se lance devant les 500 participants au dîner. Après avoir fait son show durant plus d'une bonne heure, et avoir répondu aux dernières questions, Nicolas Sarkozy se lève pour dire au revoir, et reprend d'un coup le micro : « Je vous remercie, surtout je ne veux pas que vous pensiez que je suis un homme seul, je suis venu avec des amis politiques fidèles... J'ai des alliés. J'ai des collaborateurs... Véronique Waché, Sébastien Proto... Et il y a les amis. » Il se tourne vers Yves de Kerdrel, alors directeur général de Valeurs Actuelles : « Tu es un ami ». Puis s'oriente vers Camille Pascal, attablé dans l'assistance : « Et vous avez un ami que vous connaissez, lisez toutes les semaines... » Il demande à l'intéressé de se lever. Et conclut : « Ce message s'adressait bien à ceux auxquels il était destiné ».

À l'automne 2016, les co-actionnaires de VA, Charles Villeneuve comme Etienne Mougeotte, soutenaient Alain Juppé. Cinq ans plus tôt, alors que Nicolas Sarkozy était encore à l'Elysée, les deux compères avaient participé aux réunions du « groupe Fourtou », du nom du grand patron de Vivendi qui avait réuni communicants, chefs d'entreprises et autres « influenceurs » pour aider le président d'alors à se faire réélire. Parmi les participants du groupe Fourtou, on trouvait alors un certain Sylvain Fort, qui deviendra plus tard la plume d'Emmanuel Macron à l'Elysée. Comme quoi, les transfuges sont toujours utiles en politique.... Et aujourd'hui, avec certains de ses proches au coeur même du pouvoir, Sarkozy compte bien en profiter : « Il est comme requinqué. Macron a du souci à se faire », observe un de ses proches. D'ailleurs, Sarko appelle constamment son ami le publicitaire Jacques Séguéla qui a inventé le slogan « Si c'est le chaos, c'est Sarko ». « T'as vu Jacques, j'ai repris ton idée pour mon dernier livre. Je l'ai appelé "Le temps des tempêtes". Je voulais vraiment te remercier, car je crois que j'ai retrouvé mon modjo. Et tu as raison, Macron n'est pas du tout à la hauteur ».

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Épisode 4 : Nettoyage d’été à LREM

« C'est un peu un cul de sac, ce parti ! », lance un ancien d'En Marche en ce début d'été. À la rue Saint-Anne, où est situé le siège de LREM, la seule sortie de secours donne d'ailleurs sur l'entrée principale : il n'est pas possible de s'enfuir autrement... À « En Marche », ils sont pourtant nombreux à vouloir quitter le navire. À l'Assemblée, les réunions et autres déjeuners se transforment vite en bureaux des pleurs. Après la bérézina des municipales, les « marcheurs » ont vraiment le moral en berne. Le patron du mouvement, Stanislas Guerini, a décidé de se mettre en stand by : « on a vraiment l'impression que l'Elysée s'en fout royalement », expose-t-il à des amis. À l'Elysée, Alexis Kohler savoure : le secrétaire général n'a jamais été un chaud partisan de la sauvegarde d'un parti présidentiel. Son opinion était faite dès 2017. Le président lui-même ne croit plus qu'En Marche peut lui servir à quelque chose. « J'ai comme l'impression que Macron leur dit : les gars, continuez à foncer droit dans le mur... » se marre un ex-macroniste.

Alors ce matin, ça ne va décidément pas fort rue Saint-Anne. Sibeth Ndiaye vient pourtant d'arriver pour la première réunion de la « Commission nationale des talents » dont elle fait désormais partie. Sa mission est donc de trouver de nouveaux talents pour renflouer les forces vives d'En Marche. C'est pourtant loin de ses préoccupations actuelles. « J'ai déjeuné il y a quelques jours avec Cédric, il n'en pouvait plus d'attendre, c'est totalement inhumain ce que l'Elysée a fait subir aux secrétaires d'Etat ! », lance-t-elle, encore en mode post-trauma. À l'autre bout de la table, l'un des pontes de LREM, Jean-Marc Borello, patron du groupe SOS, et ami du couple présidentiel, la regarde avec amusement. Lui qui a commencé la politique au cabinet de Gaston Defferre à Marseille au début des années 1980, en a vu d'autre. « C'est la Vème République ma chère Sibeth », répond-il, un brin goguenard.

La frustration de Sibeth Ndiaye est pourtant ressentie par nombre de ses anciens collègues de la « bande de la Planche ». Ceux que l'on présentait comme les plus fidèles d'Emmanuel Macron se retrouvent bien esseulés depuis quelques mois. Leur « chef », Ismaël Emelien, est parti de l'Elysée début 2019. Et leur champion de substitution, Benjamin Griveaux, qui devait ravir la mairie de Paris, s'est retrouvé éjecté de l'arène parisienne après l'épisode peu glorieux de sa porn video dévoilée sur Internet. « Emmanuel n'est plus le même », raconte Sibeth à un ancien conseiller d'Arnaud Montebourg, qui opine : « On dirait qu'il s'est fait gouroutiser par Patrick Buisson comme durant la seconde partie du mandat Sarkozy ». Sibeth et son ancien camarade s'étaient retrouvés l'été dernier lors d'un week-end organisé par l'ancien ministre du Redressement productif qui s'était amusé à rassembler ses anciens collaborateurs. Sibeth, devenue Porte-parole du gouvernement, avait passé une tête au cours de ce week-end champêtre. Le temps de faire une photo avec Arnaud... et de se rappeler les bons souvenir du quinquennat Hollande, quand le PS existait encore, vraiment.

Sibeth a le vague à l'âme. Comme tous les bébés de la Planche, elle comme Emelien se cherchent un nouveau patron. Via une boucle Telegram, chacun y est d'ailleurs allé de son commentaire quand, en cours de confinement, leur ancien mentor Dominique Strauss-Kahn a publié un long texte sur l'épidémie de Covid-19 et ses conséquences économiques. « Quel souffle ! ». « Dominique est vraiment un grand homme ». « Lui a une stratégie, une vision ». « Et puis, il est crédible ». Ces derniers jours, le clan de la Planche s'est également amusé de voir que l'ex-socialiste Didier Guillaume s'est fait sortir du gouvernement alors qu'il avait accepté de renoncer à concourir aux municipales à Biarritz. « Encore un qui s'est fait avoir par le patron... », soupire un. « Vous vous rendez compte, Brigitte aura eu raison de nous ! » s'emporte un autre. Quand Telegram devient une thérapie de groupe... Pourtant, quand le président Macron leur envoie encore un message par ce même canal, tous répondent au garde à vous. « Comment tu vois les choses Ismaël ? ». « Tu peux me faire un mémo d'ici lundi ? ». « Faites-moi vos propositions ». Comme l'illusion de peser encore. Mais au fond d'eux, tous savent que le quinquennat n'est déjà plus le leur.

D'autres y croient encore. Leurs rivaux historiques dans la macronie, les jeunes de la « bande de Poitiers », ces anciens du MJS canal Cambadélis. À leur tête, l'ancien conseiller politique d'Emmanuel Macron à l'Elysée, Stéphane Séjourné, mais également les députés Pierre Pierson et Sacha Houlié. Quelques jours avant le remaniement, ceux-là espéraient encore pouvoir mettre la main sur En Marche. Ils multipliaient les réunions pour peaufiner leur OPA, se répartissaient déjà les postes, imaginaient encore un tournant social au quinquennat. Et puis, rien. Leur opération échoua avant même d'être lancée. À l'Elysée, un allié s'en est allé, le conseiller spécial Philippe Grangeon, annoncé sur le départ depuis de nombreux mois. Leur ancien camarade Aurélien Taché, qui a préféré partir d'En Marche avec quelques autres pour fonder un nouveau groupe à l'Assemblée, dénommé « écologie, démocratie, et solidarité », n'a pourtant cessé de leur répéter : « Je vous avais prévenu, il n'y a plus rien à attendre d'En Marche ». C'est l'avis du reste d'un autre député, l'entrepreneur lyonnais Bruno Bonnell qui avait rêvé, au tout début du quinquennat, de diriger ce nouveau parti mouvement. Depuis, lui comme d'autres tentent de tracer leur route sans se préoccuper du président. L'heure du grand déballage n'est pourtant pas encore venu.

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Épisode 5 : L’Elysée entre chiens et loups

Ce soir d'août, c'est la fête à l'Elysée. Le couple Macron a invité les principaux ministres du gouvernement, mais également certains de ses plus fidèles soutiens. Après la période de l'épidémie de Covid-19, l'heure est à la détente auprès du chef de l'Etat. Le carton d'invitation indique 20h30. Les premiers invités arrivent par grappes, remontant la cour d'honneur, traversant ensuite les salons pour rejoindre le jardin. C'est sur la pelouse que les tables ont été dressées, des flambeaux ont été disposés un peu partout autour. Quand on s'éloigne des tables, les visages sont plongés dans une demi-obscurité d'été. Le président reste debout sur les marches qui amènent au jardin. À ses côtés, se tient Olivier Dussopt, cet ancien socialiste venu de l'Ardèche promu ministre délégué des comptes publics lors du dernier remaniement. Les deux hommes vont continuer à échanger à l'écart du reste des invités toute une partie de la soirée. De son côté, Brigitte Macron passe de table en table pour saluer les convives.

Tout d'un coup, des cris s'échappent de la salle des fêtes du palais : « C'est vous le sauvage ! », « Des années de colonisation pour aboutir à quoi ? À la guerre civile ! », « On ne gouverne pas la France pour les bobos ! », « Oh, mais le seigneur de Vendée n'est pas content ? » Piqués dans leur curiosité, certains des invités se rapprochent de la salle des fêtes. Un petit attroupement forme une sorte de cercle, comme pour assister à un combat de boxe. Au milieu de l'arène improvisée, on trouve le vicomte Philippe de Villiers en grande joute avec l'écolo soixante-huitard Daniel Cohn Bendit. « Cher monsieur, moi, j'ai l'écoute d'Emmanuel, il sait que l'Europe est le seul projet progressiste possible, le seul projet pour la France », assène ce dernier, pas mécontent de son petit effet « je suis l'ami du président ». « Vous voulez savoir ce qu'il me dit le Président ? Il me dit que j'ai bien raison de critiquer les technocrates, qu'ils soient de Paris ou de Bruxelles », lui répond de Villiers. Et l'homme de droite de tacler l'ancien gauchiste : « Et comment vous pouvez vous dire l'ami du président, alors que son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin cite explicitement un auteur d'extrême droite, Laurent Obertone, en parlant "d'ensauvagement" de la société... Ce n'est pas vraiment vos idées, non ? ».

Dany voit rouge : « Mais c'est le rôle d'un président de la République de parler à tous les Français ! Et Emmanuel n'a jamais dévié de son projet initial, il est toujours fidèle à ses discours de 2017, tenez, regardez ce qu'il a demandé à faire à Stora sur l'Algérie, c'est pas vraiment votre tasse de thé ce travail de mémoire sur l'Algérie, hein, monsieur le réactionnaire... Et puis, Emmanuel lui-même a parlé d'ensauvagement du monde lors de son discours des ambassadeurs en 2019, pas vrai Romain ? » Romain, c'est Romain Goupil, un des nombreux visiteurs du soir du président depuis le début du quinquennat. Le cinéaste, ex Mao, posté à côté de Cohn-Bendit, comme prêt à faire le coup de poing, opine immédiatement : « Oui, et l'ensauvagement du monde, c'était le thème de la géopolitologue Thérèse Delpech, notre amie avec Dany, qui était, comme nous, favorable à la guerre en Irak ! Car le seul avenir possible de la France passe par les Etats-Unis ».

« Ah bon ? Ah bon ? Les Etats-Unis de Trump continuent de vous faire rêver ? », répond immédiatement de Villiers. « Je n'ai pas l'impression que c'est le sentiment d'Emmanuel Macron qui essaye de trouver une nouvelle voie avec Vladimir Poutine ». « Mais que racontez vous là ? Poutine est un odieux personnage, qui a essayé de déstabiliser sa campagne en 2017 ! » éructe alors Goupil.

« Oh, vous savez l'essentiel est de retrouver le chemin de la concorde nationale, l'essentiel est de rétablir l'ordre républicain, notamment dans les écoles... », lance alors un nouveau venu dans la discussion. Il s'agit du politologue Laurent Bouvet, qui est venu accompagné de sa femme, Astrid Panosyan, cadre à Unibail, et l'un des piliers d'En Marche. « Et je crois qu'avec Brigitte Macron et Jean-Michel Blanquer, on a fait évoluer Emmanuel sur cette thématique. D'où son discours sur le séparatisme ». « Mais ce discours d'exclusion est affreux ! Il ne vise que l'Islam en réalité », s'énerve alors Cohn-Bendit. « Vous êtes un angéliste Daniel, et on a vu ce que ça a donné ces dernières années », lui répond Bouvet. « D'ailleurs, le président m'a commandé une note sur le sujet pour sa prochaine campagne ». « Ah bon ? Mais moi aussi ! Il m'en a demandé une sur la jeunesse ! » s'étonne une nouvelle fois Dany.

« Le "en même temps" macronien a encore frappé ! » s'exclame alors la journaliste Anna Cabana venue accompagner son compagnon Blanquer à la fête élyséenne. « Oui, c'est vrai, c'est comme Thiphaine Auzière qui lance une classe préparatoire privée dans le 16ème arrondissement... », ose alors Goupil. C'est le moment qu'a choisi Brigitte Macron pour arriver au milieu du petit groupe, accompagnée de son ami Bernard Montiel, l'ex-animateur de télévision. « On parle de ma fille ici ? Je suis très fière d'elle », expose alors la Première Dame suffisamment fort pour être entendue d'une bonne partie de l'assistance qui commence à se désagréger. Les convives reviennent alors dans le jardin pour déguster le dîner. Il est à peine 22 heures, mais Jean-Yves Le Drian préfère prendre congé, et regagner son appartement parisien. Il a encore un dernier conseil de Défense le lendemain matin avec le Président. De loin, il salue ce dernier, et s'engouffre rapidement dans sa voiture officielle. À l'intérieur, il regarde sa femme, et lui dit : « Tout cela ne fait pas encore un programme pour 2022. Je ne sais pas trop où l'on va entre Cohn-Bendit et De Villiers. Je crains que le président ne le sache pas lui-même ».

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Épisode 6 : Tous sur écoute

Dans ses bureaux de la rue de Miromesnil, Nicolas Sarkozy exulte. Ses pires ennemis – les magistrats du pôle financier – sont pris la main dans le sac. Dans le cadre d'une enquête préliminaire entre 2016 et 2019, ils ont espionnés les téléphones de grands ténors du barreau parisien, qui ont pour caractéristique commune d'avoir appelé maître Thierry Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy. Et il y a du beau monde : Dupond-Moretti, Veil, Haïk, Lussan, et Canu-Bernard. Les magistrats financiers se sont également intéressés à la « géolocalisation » des téléphones concernés. Un Big Brother grandeur nature opportunément révélé par Le Point deux semaines avant le remaniement. « On va l'utiliser comme prétexte pour supprimer le PNF ! », s'exclame l'ancien président auprès de l'un de ses amis venu lui rendre visite.  Nicolas Sarkozy n'est pourtant pas étonné. Quelques jours plus tôt, il avait été tenu au courant que le dossier allait sortir... « On va le sortir. Tu fais ton indigné et Belloubet va demander une enquête », lui a même glissé son ami Macron, comme Sarkozy aime le répéter auprès de son entourage.

« Ton indigné. » Au sein du pouvoir, ils sont peu nombreux à conserver leurs illusions sur le respect de la loi concernant les écoutes et surveillances électroniques. Entre les multiples lois « antiterroristes » qui se sont multipliées depuis une vingtaine d'années et les évolutions technologiques, rien n'est plus facile aujourd'hui que d'espionner à distance. « Les smartphones sont devenus de véritables mouchards », avertit un policier spécialisé dans la sécurité informatique. L'arme fatale reste Pegasus, un logiciel israélien capable d'intercepter en temps réel l'écran de votre iPhone. Même plus besoin de passer par le GIC - le groupement interministériel de contrôle -, il suffit de se procurer le matos adéquat via des officines privées.

À l'Élysée, un obscur conseiller de la présidence, qui n'apparaît sur aucun organigramme officiel, ne se prive pas de laisser entendre que n'importe quel appareil peut être surveillé : « Vous savez, vos mails, c'est comme si vous écriviez un blog public », balance-t-il régulièrement aux journalistes. Pas de preuves d'écoutes, mais l'ambiance est à la parano. Au sein du pouvoir, ils sont désormais nombreux à programmer la minuterie de leurs différentes messageries pour supprimer automatiquement leurs messages, façon autodestruction des messages adressés à  l'équipe de Mission Impossible. La Macronie n'est pas la seule à être parano. Mélenchon, Branco et consorts, tous sont persuadés d'être plus ou moins écoutés. Les exclus de la Macronie voient aussi des complots partout : « Les digues de l'État de droit ont vraiment sauté ! » s'exclame l'un d'eux. « Mais non, c'est l'esprit transgressif du Nouveau Monde. Ce sont tous les codes classiques qui ont sauté », lui rétorque un ministre encore bien en cours.

C'est que depuis la victoire d'Emmanuel Macron, on assiste à des rapprochements étonnants. Bousquet de Florian, jusqu'alors grand coordonnateur du renseignement à l'Élysée, patron de la fameuse task force, devenu directeur de cabinet de Gérald Darmanin, a décidé d'enterrer la hache de guerre avec son pire ennemi, Bernard Squarcini. « C'est normal, c'est l'union nationale ! », rigole l'ancien patron du renseignement intérieur. D'ailleurs, celui-ci avait également été pris la main dans le sac il y a dix ans. Ses services avaient espionnés les journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, pour tenter de découvrir quelles étaient leurs sources dans l'affaire Bettencourt. À l'époque, le scandale avait été énorme.

Aujourd'hui, Frédéric Veaux, l'ancien numéro 2 de la DCRI (à l'époque l'adjoint de Squarcini), est devenu le directeur général de la police nationale. Et sa compagne, la magistrate Véronique Malbec, est devenue la directrice de cabinet du nouveau Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Interrogé à l'époque par la justice sur l'affaire des fadettes, Frédéric Veaux avait répondu dans le vague : « Ayant pris mes fonctions au mois de janvier 2010, j'ai découvert un métier que je ne connaissais pas [...]. Il m'a fallu un peu de temps pour maîtriser tous les aspects : encore aujourd'hui il m'arrive d'apprendre des choses. » On dirait le ministre Dupond-Moretti qui a récemment expliqué à la télé qu'il était encore en phase d'apprentissage : « On avance à petits pas, on n'arrive pas là comme un cador. Tout le monde m'en aurait voulu d'ailleurs. Je n'ai pas honte de dire que j'apprends mon métier, j'en apprends les codes, ce ne sont pas les miens. »

Si vous cherchez un cador, vous le trouverez plutôt du côté de Nicolas Sarkozy. Mais même lui s'y perd depuis quelques semaines, oscillant entre « Mon ami Emmanuel » et « Macron n'est pas à la hauteur ». L'avocat d'affaires qu'il est redevenu doit également gérer la grosse affaire en cours au sein du capitalisme français. Ses amis Arnaud, Bernard et Vincent ont décidé en plein été de se tirer la bourre sur le dossier Lagardère. Il est loin le temps où Sarkozy président pouvait siroter tranquillement une orangeade sur le pont du yacht de Vincent sans être dérangé en dehors de quelques paparazzis. Là, il s'agit d'une affaire de gros sous. Et d'influence. « Quelle mouche a piqué Vincent ? Pourquoi a-t-il décidé de s'allier si rapidement avec Amber contre Arnaud et Bernard ? », se demande Sarko en essayant de s'endormir auprès de sa femme Carla Bruni. « Ces trois-là ne vont quand même pas me mettre des bâtons dans les roues pour mon grand retour. Il faut que je convoque Arnaud rue de Miromesnil dès mon retour à Paris. »

À l'Élysée, Emmanuel Macron regarde l'opération avec la plus grande attention, reprenant ses réflexes de banquier d'affaires qu'il n'a jamais vraiment perdu. Lui joue la carte Arnault contre Bolloré qui lui est devenu hostile dans les premiers mois du quinquennat. Si le clan breton avait réussi à se rapprocher du jeune candidat à la présidentielle, multipliant les dîners entre Yannick et le couple Macron, par l'entremise de Jacques Séguéla, l'ambiance n'est plus au beau fixe.

« Tu vois Alexis, le coup de Bollo, c'est du grand art. Mais cela m'inquiète. Autant je conserve une grande confiance à l'égard de Bernard Arnault – Brigitte est tellement proche de sa femme... – autant, je sais que Bolloré risque de nous faire des difficultés. Il n'y a qu'à voir l'antenne de CNews qui multiplie les sujets poujadistes et relaie sans nuances les réseaux d'extrême droite. » À l'écoute de ses mots, le secrétaire général de l'Élysée se permet d'interrompre son chef : « Justement, M. le Président, cela peut aussi vous servir dans votre stratégie "je suis votre sauveur face au déluge à venir". Cela permet de cliver au maximum le débat entre réactionnaires et progressistes. C'est ce que dirait Emelien du reste... ». « Ne me parle plus d'Emelien, cher Alexis. S'il y a bien un inspirateur à cette stratégie, il s'appelle Michel Charasse, mon ami et regretté Charasse, qui connaissait parfaitement le coup que Mitterrand avait déjà fait avec Jean-Marie Le Pen. Et c'est justement ce qu'avait tenté de faire Hollande à la fin de son quinquennat, sauf que je lui ai coupé l'herbe sous le pied. » « Oui, et Charasse, vous a bien aidé sur le volet justice d'ailleurs durant toute cette période... », répond Alexis Kohler. Énigmatique pour le profane. Emmanuel Macron, lui, a bien compris, et se met à rire, plus détendu que jamais. Pendant que ses ennemis s'angoissent d'être écouté et sombrent dans la parano, lui s'amuse à apparaître encore comme le grand ordonnateur. Quelle ironie après le trou d'air qu'il a connu pendant la crise des gilets jaunes où il était apparu si faible. À l'Élysée, le président savoure : autour de lui, c'est toujours un champ de ruines. « Tout est sous contrôle », songe-t-il en prenant congé de son secrétaire général.

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Épisode 7 : Tête de Turc

Si Emmanuel Macron est inquiet, ce n'est pas par rapport à la situation française. Durant son séjour au fort de Brégançon, le jeune président s'est surtout préoccupé des événements internationaux. Car ça pète de tous les côtés, même si les médias français en parlent finalement assez peu. Des sujets pas assez vendeurs pensent sûrement les patrons des chaînes dites « tout info ». Sauf quand le chef de l'Etat décide du jour au lendemain de se déplacer à Beyrouth après la terrible explosion : là, les images de sa visite tournent alors en boucle. « Avec ta chemise blanche, tu étais magnifique », lui a même assuré Brigitte après ce coup diplomatique.

C'est pourtant dans les coulisses que tout se joue. Au Liban, Macron était accompagné de deux proches connaissances : Samir Assaf, un haut cadre dirigeant du groupe HSBC, et Rodolphe Saadé, le PDG et directeur général de la compagnie maritime CMA CGM. Ces deux franco-libanais connaissent le chef de l'État depuis assez longtemps. Le premier a même organisé en septembre 2016 un dîner de fundraising à Londres pour sa future campagne présidentielle. Quant à CMA CGM, elle s'est alliée en février dernier au groupe MSC pour faire une offre au gouvernement libanais afin de reprendre la gestion du port de Beyrouth. Car c'est un site clé pour le réseau de transport mondial de conteneurs.

Voilà pour le business. Pour l'heure, ce qui préoccupe le plus le président français, c'est son homologue turc qui multiplie les provocations en Méditerranée orientale et en Libye. Depuis que Macron a donné une interview à The Economist en novembre 2019, Erdogan est devenu l'ennemi public numéro 1 dans sa tête. « Pourquoi Donald Trump a laissé faire sur ce dossier le département d'Etat et le Pentagone ? » se demande chaque jour Macron. Une fois n'est pas coutume, le jeune président s'est laissé surprendre en pleine crise du Covid-19 : alors que toutes les télés du monde braquaient leur projecteur sur l'épidémie et la Chine, « l'Etat profond » américain décidait de jouer discrètement la carte turque contre les intérêts européens.

Quelques semaines plus tard, désormais installé au fort de Brégançon, Macron essaye d'interroger le président Trump lors d'un entretien téléphonique. Trump : « Manu, tu vois, moi, j'ai un vrai Etat profond contre moi. Toi, je me souviens que tu avais dénoncé l'été dernier l'Etat profond du Quai d'Orsay face à tes diplomates. Ces pauvres petites choses ! Je ne t'ai pas cru à l'époque, tu surjouais. Moi, j'ai vraiment des opposants au coeur du système. Et ces opposants ont décidé de me faire chier sur le moyen-Orient et la Libye. Désolé mon gars, mais j'avais d'autres chats à fouetter pendant ce temps là, et c'est vrai que j'ai laissé faire... Ils ont décidé de soutenir Erdogan et le gouvernement de Tripoli contre Haftar en Libye, et toi, eh bien, tu t'es retrouvé dans l'impasse ». Macron :  « Et ça continue Donald ! J'ai beau avoir remis plusieurs fois Erdogan à sa place, rien n'y fait. Comment tu ferais toi ? Comment tu vois les choses ? »

Trump : « Moi, je vois surtout un président qui n'a plus de stratégie. Et qui ne sait plus où donner de la tête. Mais surtout, je vois très bien pourquoi Erdogan te renvoie toujours dans la position d'un petit garçon. Car il a toutes les cartes pour se le permettre en plus ! Désolé Manu de te le dire aussi franchement, mais Erdogan a longtemps eu davantage de respect pour Tsipras que pour toi. Et après tu t'étonnes que vous n'arriviez pas à avoir l'avantage au sein même de l'OTAN... Laisse-moi rire. Mais je pense surtout que les services turcs et la CIA se connaissent très bien et se parlent, sans parler des Algériens ! ». Macron : « Que veux tu dire ? » Trump : « Tu le sais parfaitement ». Macron (sur la défensive) : « Non, non, je ne vois vraiment pas. Si tu préfères les insinuations, je préfère raccrocher et appeler Angela » Trump : « Ah non, pas elle, je la déteste. Les Allemands ont d'ailleurs appris à nous détester ces dernières années. Ils n'ont toujours pas digéré les écoutes de la NSA. Mais ils n'ont pas les couilles de mettre leurs forces dans la bataille, et de t'aider à constituer l'armée européenne de tes rêves... » Macron (soupirant) : « Je sais, je sais... » Trump (interrompant Macron) : « Bon, Manu, faut que je te laisse, CNN a encore fait un sujet sur moi. Ils parlent d'Epstein. Ils veulent vraiment ma mort, ils ont tous essayé, la Russie, et maintenant la pédophilie, incroyable ! Plutôt qu'Angela, tu devrais appeler ton nouvel ami Poutine. Lui, en vrai, c'est un chic type. Il joue carte sur table, à l'ancienne. Comme au bon vieux temps de la guerre froide... Le KGB, eux, ils savaient jouer à la loyale. Comme la mafia en Italie pendant la seconde guerre mondiale... Ils nous ont tant aidé ceux-là, on l'oublie toujours. Allez, Manu, bye bye ».

Décidément, le président Macron ne se fait toujours pas à ce Trump qui ose écourter les conversations sans y mettre plus de formes, le traitant finalement comme bien peu de choses. Quoi ? Lui, le président français ? Il imagine Mitterrand et Reagan, Mitterrand et Bush, Bush junior et Chirac. Ça, ça avait de la gueule. Sans parler de De Gaulle et Kennedy. Même quand Français et Américains se détestaient, il restait entre eux toujours la classe. Aujourd'hui, avec Trump, on se croirait au fast food de la diplomatie. « Et puis, comment Donald peut-il dire que je n'ai pas moi-même en France un Etat profond que je dois brider, remettre à sa place, si je veux faire avancer les dossiers tels que je les ai décidés ? » Macron n'a toujours pas digéré le clash qu'il a dû gérer au printemps dernier avec Jean-Yves Le Drian, son ministre des affaires étrangères. En plein mois de mai, la cellule diplomatique de l'Elysée avait pourtant fini de le convaincre de prendre ses distances avec le maréchal Haftar en Libye... alors même qu'il l'avait reçu à l'Elysée le 9 mars.

Mais durant plusieurs jours, Le Drian et ses équipes, fervents supporters d'Haftar, firent le siège de l'Elysée pour que le président revienne sur sa décision de lâcher le maréchal. La hache de guerre finit par être enterrée quelques jours avant le remaniement, au moment même où Trump reprend l'avantage face au Département d'Etat et au Pentagone sur les dossiers Erdogan et Libye. Macron peut de nouveau apparaître comme l'homme d'aucun clan, et se présenter au monde comme le grand médiateur. Enfin, le croit-il. En attendant, il doit de nouveau se coltiner la politique intérieure. Au moment du remaniement, il propose ainsi le poste du ministère de l'Intérieur à Le Drian. Mais celui-ci ose lui répondre par une fin de non recevoir : « Si je ne peux pas nommer mon propre directeur de cabinet, en l'occurence Cédric Lewandowski, qui m'avait accompagné, comme tu le sais, à la Défense durant tout le quinquennat Hollande, je préfère refuser. Je crois que tu le comprendras aisément ». Lewandowski, pour Macron, reste un épouvantail. L'homme qui a réussi à résister à Bercy et à Alexis Kohler quand il était le puissant directeur de cabinet à Brienne. « Voilà, ça, c'est l'Etat profond, n'est-ce pas ma chérie ? » Macron s'est en fait endormi sur sa table de travail, et il lance sa question en se réveillant. Il est pourtant seul dans son bureau du fort de Brégançon. À chacun ses obsessions.

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Épisode 8 : Un « monsieur X » pour 2022 ?

« Et si on te mettait, toi, à Matignon ? » La question du président Macron se veut innocente, mais pas tellement. Dans son bureau de travail, celui se situant à l'angle, il fait face en ce début d'été à son secrétaire général, le très discret Alexis Kohler. « Comme ça tu pourrais continuer à terroriser les directeurs d'administration en direct », poursuit le chef de l'Etat. « Je ne suis pas sûr d'être la bonne personne pour ce poste. Je préfère l'ombre. Et j'ai tellement de dossiers à gérer dans les prochains mois, j'ai besoin de rester sur le pont à l'Elysée, mais vous êtes le seul juge... »

En guise d'un secrétaire général à Matignon, le président décidera finalement d'y nommer un ancien secrétaire général adjoint, Jean Castex. Sans l'ombre d'un doute. Peu importe si l'image technocratique de l'exécutif se renforce à 600 jours de la présidentielle. Seule compte « l'efficacité » estime Emmanuel Macron. Et puis, dans ce domaine si restreint des « technos » seuls capables de gouverner l'Etat, il sait que lui seul peut faire l'affaire : « Quelle figure propose LR ou le PS ? Hollande ? Bertrand ? C'est une blague ! »

Ce dimanche de fin d'été, le président a demandé à Bruno Roger-Petit, son « conseiller mémoire », de l'accompagner en balade du côté du Touquet. Histoire de prendre l'air, loin de la capitale. « Bruno, comment tu vois les choses ? ». L'ancien journaliste s'exécute : « Monsieur le président, je pense que votre principal adversaire aujourd'hui, c'est l'inconnu. On pourrait se retrouver dans un scénario où un "monsieur X" apparaîtrait dans les derniers mois de la présidentielle...  » À ces mots, le jeune président se raidit, sa mâchoire se contracte.

« Un "monsieur X" ? On a vu où ça a terminé du temps de de Gaulle ! Tu penses par exemple à un Ruffin qui pourrait coaliser ces satanés Gilets jaunes ? »

Face à l'interrogation présidentielle, « BRP » affine son scénario catastrophe : « Pas sûr que Ruffin ait la niaque pour se farcir Méluche. Vous avez d'ailleurs intérêt à ce que Mélenchon se présente. Comme Hidalgo, il peut neutraliser la gauche, car tous deux sont de véritables repoussoirs pour toute une frange de l'électorat. Mais je pense plutôt à Onfray... » Macron le coupe aussitôt : « Oui, Onfray, c'est un souci. J'ai vu qu'il avait été interviewé il y a quelques jours par Thinkerview sur Internet, il a déjà fait plus de 1 million de vues. Son discours prend à droite comme auprès d'une gauche déboussolée. Son profil m'inquiète ».

« En même temps, ça fait partie du plan, reprend le conseiller mémoire. Hystériser les extrêmes tout en les émiettant pour mieux apparaître comme le choix de la raison, comme le rempart face à l'extrémisme. C'est bien ce que proposait notre bon vieux Michel [Charasse]. On n'a rien inventé de mieux depuis Mitterrand ». Macron : « Oui, d'ailleurs, tu as vu ? J'en ai profité pour appeler Danièle Obono après cet article dépassant les bornes dans Valeurs Actuelles. Ils ne pourront plus dire que je n'appelle qu'Eric Zemmour ».

Le portable présidentiel se met tout d'un coup à sonner sans arrêt. Plusieurs SMS tombent. « Urgent. Mediapart vient de publier un nouvel article sur Alexis Kohler. Nous devons en parler rapidement. Clément L. » « Regarde Bruno, "les chiens" sont de nouveau de sortie. Là aussi, rien n'a changé depuis François Mitterrand. Edwy Plenel est toujours là. Parfois, je me dis que je n'aurais pas dû le chercher sur les questions fiscales lors du débat télé avec Bourdin... » « BRP » soupire : « Ah, Plenel ! ».

Le président reprend : « Tu sais ce que Philippe Grangeon avant son départ de l'Elysée me disait ? Que Plenel pourrait bien être ce Monsieur X ». BRP : « Ah oui, ce n'est pas bête. En bon vieux trotskiste, il doit rêver de se relancer en politique. Regardez Joffrin avec Hollande. Mais lui ne peut y aller que sur son nom. Et c'est vrai qu'il pourrait faire de l'ombre à Mélenchon, comme à Hollande. Il peut ratisser large, y compris des Gilets Jaunes qu'il a défendu dans un livre. Il faut se méfier du moustachu, Grangeon a raison. C'est aussi le sentiment de notre ami Bertrand Delais. Lui aussi pense que Plenel est en train de préparer un truc. Pour lui, c'est ce qui explique la cabale qu'ils ont lancé contre vous et Alexis, mais bon, ça ne change rien aux faits qui sont rapportés, tout de même... »

Emmanuel Macron n'écoute plus son fidèle conseiller. Son regard se perd dans l'écran de son smartphone. Alexis Kohler lui envoie des textos également. Mais ce n'est pas pour parler de Mediapart. C'est de nouveau pour parler du Liban. Le secrétaire général de l'Elysée lui demande de revenir d'urgence au Château pour évoquer discrètement le nouveau voyage du président français dans ce pays dévasté. « Là-bas, on est vraiment à deux doigts d'une guerre ». Ces mots de ses conseillers diplomatiques raisonnent dans sa tête. Car Emmanuel Macron connaît la situation pour le moins sensible en Méditerranée orientale. Et le jeune président français mesure à quel point l'histoire peut peser lourd en ces temps difficiles. « Cher Bruno, je suis obligé de te laisser à ces enfantillages, je dois rentrer à Paris. L'Histoire avec un grand H m'appelle. Alexis veut que je le rejoigne pour préparer notre nouvelle venue au Liban. Les grandes puissances nous attendent au tournant. Je dois être à la hauteur ». Après ces paroles grandiloquentes qui ressemblent à celles d'un Villepin, BRP voit alors débarquer les gorilles du service de la protection. Fini la balade avec le président. Un hélicoptère vient d'atterrir dans le champ voisin pour ramener d'urgence Emmanuel Macron à Paris. Lui n'a plus qu'à marcher pour retrouver sa voiture garée à plusieurs kilomètres de là. C'est ce qui s'appelle être au service de la République.

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04.08.2025 à 01:18

[revue] : Ursula von der Leyen a l'habitude de perdre ses SMS

Marc Endeweld

Texte intégral (2124 mots)

Dans un article sidérant, le New York Times a révélé le 1er août que les SMS échangés entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le PDG de Pfizer, Albert Bourla, lors des négociations sur les vaccins contre la Covid-19 avaient tout simplement été effacés au cours de l’été 2023. Depuis trois ans, le quotidien réclame à la Commission d’avoir accès à ces SMS pour poursuivre ses investigations journalistiques dans l’affaire dite du « Pfizergate », ces négociations qui ont abouti au premier semestre 2021 à la signature du plus gros contrat conclu par l’Union Européenne de son histoire, un deal d’un montant de 35 milliards d’euros avec le laboratoire pharmaceutique contre la fourniture de 1,8 milliard de doses de vaccin.

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« L’opacité entourant l’ensemble des négociations entre l’UE et Pfizer est en cause »

Face aux multiples refus de la Commission, le New York Times avait saisi en 2023 la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) pour accéder à ses échanges avec Albert Bourla, le PDG de Pfizer – des SMS susceptibles d’éclairer les conditions de négociation du fameux contrat avec le labo de Big Pharma. Au printemps dernier, la Cour de justice avait finalement donné raison aux journalistes du célèbre quotidien. Dans leur arrêt de mai 2025, les juges de la Cour soulignent que la Commission devait « fournir des explications crédibles permettant au public et à la Cour de comprendre pourquoi ces documents sont introuvables », compte tenu notamment de l’ampleur du contrat conclu avec Pfizer. Sur le site Euractiv, l’excellente journaliste Elisa Braun commente : « le scandale dépasse la simple question des SMS. C’est l’opacité entourant l’ensemble des négociations entre l’UE et Pfizer qui est en cause. Les détails des conditions financières ou du processus de discussion restent largement inaccessibles au public.»

C’est en fait dans une lettre envoyée le 28 juillet 2025 au New-York Times que la Commission européenne explique que si elle n’est pas en mesure d’accéder favorablement à la demande du quotidien américain, c’est qu’elle ne dispose pas des fameux SMS échangés entre von der Leyen et Bourla. Selon cette lettre, le chef de cabinet d’Ursula von der Leyen, Björn Seibert, aurait lu les messages « au cours de l’été 2021 » sur le téléphone de la présidente et aurait décidé de ne pas les archiver d'une manière qui les aurait rendus accessibles au public. Il a estimé que ces messages étaient uniquement destinés à planifier des appels pendant la pandémie. Cette décision intervient pourtant peu de temps après une première demande formelle d’accès à ces messages, déposée dès mai 2021 par le journaliste Alexander Fanta.

Les données des téléphones n’ont pas été sauvegardées

Toujours selon la lettre de la Commission, les SMS auraient disparu depuis au moins juillet 2023. Le téléphone de la présidente a été « remplacé plusieurs fois », sans que les données ne soient sauvegardées. Les anciens appareils ont été réinitialisés et recyclés, rendant toute récupération des messages impossible.

Ce n’est pas la première fois qu’Ursula von der Leyen perd ses SMS. En janvier 2020, le grand magazine allemand Der Spiegel racontait à ses lecteurs dans une enquête détaillée comment plusieurs SMS de l’ancienne ministre de la Défense (poste qu’Ursula von der Leyen a occupé de décembre 2013 à juillet 2019) avaient disparu et qu’ils ne pouvaient pas être transmis à une commission d’enquête du Bundestag, le parlement allemand, qui investiguait à l’époque sur la signature de contrats grassement rémunérés entre le ministère et des consultants externes.

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Quand von der Leyen efface ses messages

Selon le rapport du ministère de la Défense dévoilé par Der Spiegel, les messages provenant du BlackBerry professionnel de von der Leyen ont été supprimés en août 2019 par la négligence d'un conseiller : « Le ministère affirme que le fonctionnaire responsable ignorait tout simplement que les SMS sur le téléphone du ministre pouvaient être pertinents pour la commission. Il a plutôt traité le téléphone de l'ancien commandant de la Bundeswehr comme n'importe quel autre appareil officiel du bureau, a supprimé les données et l'a renvoyé à l'entreprise exploitante pour destruction ». Mais on apprend également que von der Leyen aurait elle-même détruit tous ses messages sur un deuxième téléphone : « L'absence de messages sur son téléphone risque d'éveiller de nouveaux soupçons au sein de la commission d’enquête », commente Der Spiegel.

« Une fois de plus, personne au ministère n'est responsable de quoi que ce soit », déclare alors Tobias Lindner, membre du Parti vert et président de la commission d’enquête. Si von der Leyen a été disculpée en 2020 par le rapport final de l'enquête qui a conclu que ce sont des officiers supérieurs de l'armée et des responsables gouvernementaux qui avaient commis des violations, cet épisode illustre de nouveau le comportement pour le moins léger de von der Leyen et notamment son mépris pour les règles de transparence dans son activité politique.

Les critiques de la Cour des comptes européenne

Plus globalement, on s’aperçoit également avec cette affaire du « Pfizergate » que l’Union Européenne dans son fonctionnement est loin d’avoir acquis les standards de transparence de la démocratie américaine alors que les lobbys sont nombreux à Bruxelles pour tenter d’influer sur les décisions de la Commission ou sur les votes du Parlement européen.

En 2022, le média Politico, a fait ainsi état du rapport spécial de la Cour des Comptes européenne qui est particulièrement sévère quant aux conditions de négociation du contrat Pfizer et qui également très critique quant au refus de la Commision de divulguer les détails de cet épisode : « Nous avons eu accès aux documents pertinents de la Commission, à l’exception de ceux concernant la participation de la présidente de la commission aux négociations préliminaires avec Pfizer/BioNTech », note ainsi la Cour des comptes dans son rapport spécial.

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28.07.2025 à 23:34

Dassault a présenté au gouvernement un projet de fusion avec Thales

Marc Endeweld

Texte intégral (920 mots)

Depuis la mort de Serge Dassault en 2018, la succession du groupe éponyme semble s’éterniser en l’absence d’héritier naturels : « C’est un groupe familial sans famille. Chez les Dassault, il n’y a personne », se désespère un acteur de la place. Succéder au fondateur Marcel Dassault n’avait pas été chose facile, mais à la suite de Serge, la famille semble incapable de produire de nouveaux industriels, se délectant avant toute chose de toucher de confortables dividendes.

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Quand Laurent Dassault discutait avec Vincent Bolloré

C’est dans ce contexte familial qu’en juin, Laurent Dassault, le deuxième fils de Serge, qui avait un temps brigué la présidence du groupe, a cédé son fauteuil au conseil de la holding GIMD (Groupe Industriel Marcel Dassault) à ses deux fils, Julien et Adrien. GIMD détient les participations de la famille dans Dassault Aviation (62%), Thales (25%), Dassault Systèmes (40%), mais aussi Immobilière Dassault, Artcurial, Dassault Wine Estates ou encore le Groupe Figaro.

En début d’année, la nomination d’Éric Trappier, toujours PDG de Dassault Aviation, à la tête du GIMD1 a été vue par certains analystes financiers comme une situation

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26.07.2025 à 23:59

Enquête IGPN dans les Ardennes : trois policiers mis en examen

Marc Endeweld

Texte intégral (3869 mots)

Sale temps pour les flics. Deux ans après l’affaire Hedi, l’IGPN (l’inspection générale de la police nationale) a rendu un rapport cinglant de 200 pages à l’encontre des quatre policiers de la BAC mis en examen pour violences aggravées comme l’ont révélé Mediapart et Marsactu. Dans la nuit du 1er au 2 juillet 2023 à Marseille, ils avaient gravement blessé à la tête par un tir de LBD un jeune homme de 21 ans. Dans leur rapport, les « boeufs carottes » confirment un « usage disproportionné » de la force sur Hedi qui « qui ne représentait aucune menace immédiate », et réclament un conseil de discipline à l’encontre des quatre fonctionnaires mais aussi de leur cheffe.

Quand les policiers paument 400 kg de cocaïne…

Mais depuis quelques jours, c’est surtout les suites de l’enquête de l’IGPN sur «l’opération Trident» de l’Ofast, l’Office anti-stupéfiants, qui secoue toute la maison police. Tout part d’une « livraison surveillée », technique policière encadrée par la justice visant à laisser entrer des chargements de drogue en France pour mieux identifier les groupes de narcotrafiquants responsables et faire tomber les têtes de réseaux. Dans le cadre de l’opération Trident, un chargement de 400 kilos de cocaïne, en provenance de Colombie jusqu’au port de Marseille, s’est purement évaporé sans qu’aucune interpellation n’ait lieu, et alors même qu’il était censé être sous surveillance policière. Un fiasco.

À l’Ofast Marseille, deux commissaires ont été mis en examen pour « complicité de faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique », « complicité d’atteinte à l’intimité par captation d’images et de paroles » et « violation du secret d’une enquête portant sur la criminalité organisée ». Trois autres policiers ont été mis en examen, notamment pour « importation de stupéfiants en bande organisée », dont deux ont été placés en détention provisoire. Tous sont soupçonnés de corruption.

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Coup de filet surprise au commissariat de Charleville-Mézières

Les secousses de l’affaire Trident ont été ressenties cette semaine jusqu’à Paris, au siège de l’Ofast. Car mardi, les bureaux de l’Office situés à Nanterre ont été perquisitionnés, comme Le Parisien l’a révélé. Dans le viseur de l’IGPN, deux policiers, dont une figure de la lutte anti-drogue au centre de l’enquête sur l’opération Trident comme l’a confirmé Le Monde. Les domiciles personnels de ces policiers ont également été perquisitionnés.

L’enquête s’accélère donc, et commence à s’étendre aux quatre coins de France. Et si un réseau de flics ripoux au niveau national était en train d’être démantelé ? Un cauchemar pour le ministère de l’Intérieur. À tel point qu’aujourd’hui, la Direction Nationale de la Police Judiciaire (DNPJ) tient à dire au Parisien que tout cela n’est qu’une « chasse aux sorcières » et que les récentes perquisitions de Nanterre s’inscrivent dans le cadre d’une enquête préliminaire du Parquet de Paris distincte du dossier Trident. Pour la place Beauvau, il ne faudrait surtout pas qu’on associe davantage toutes ces perquisitions et mises en examen de policiers qui se sont accumulées ces derniers jours.

Car au cœur de l’enquête ciblant l’opération Trident, l’IGPN se demande si les fonctionnaires de police mis en examen ne sont pas eux-mêmes impliqués dans la disparition des 400 kg de cocaïne disparus. Selon Le Parisien, ils auraient eux-mêmes sollicités des trafiquants pour écouler la drogue… Et on apprend dans Le Monde que « les investigations démontrent qu’à la demande d’Arnaud D. [le commandant H.] avait sollicité l’une de ses sources dans l’est de la France, (…) ce qui a permis d’opérer une transaction de près de 50 ou 70 kilos de cocaïne ».

Une coïncidence ? C’est dans ce contexte que j’apprends cette semaine auprès de plusieurs sources policières que dans le cadre d’une enquête menée par le même parquet de Paris, trois policiers du commissariat de Charleville-Mézières dans les Ardennes ont été mis en examen et mis à pied. Au commissariat de Charleville, ils étaient affectés ces dernières années à la lutte contre les stups, parmi eux un certain Stéphane S., qui s’occupe désormais des cambriolages. Un matin, il y a une dizaine de jours, ces trois fonctionnaires de police ont été interrogés par surprise par l’IGPN et leurs domiciles ont été perquisitionnés. Sylvie Sanchis, la directrice départementale de la police nationale (DDPN), arrivée il y a moins d’un an, n’a pas été tenue au courant de ce coup de filet. Là encore, les enquêteurs de la police des polices soupçonnent des faits de corruption et le non respect du secret des enquêtes.

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À Paris, une source m’affirme que l’enquête visant ces trois fonctionnaires de police en poste dans les Ardennes a bien un éventuel lien avec les autres investigations de l’IGPN concernant l’affaire Trident, mais je n’ai pas pu me faire confirmer ce point précis auprès d’autres contacts. Il faudra que j’attende six jours après ma première prise de contact avec le Sicop, le service de la communication de la Police Nationale, pour que je reçoive par mail ce mardi 29 juillet cette réponse succincte en fin de mâtinée : « Une enquête est bien en cours concernant trois policiers de Charleville-Mézières. Elle n'a en revanche aucun lien avec l'affaire Trident ». Entre temps, la presse locale a consacré sa une à l’affaire.

Commissariat de Charleville-Mézières

Les Ardennes, « c’est un peu la Corse du Nord »

Si on parle généralement peu des Ardennes, c’est pourtant « un peu la Corse du Nord », me confiait il y a deux ans un ancien journaliste local. Ainsi, les Ardennes ont été l’un des terrains de chasse du clan Hornec, qui règne sur tout le Nord-est de la France. Mais ce département frontalier est surtout aujourd’hui l’un des points de passage du trafic de drogue en provenance du port de Rotterdam au Pays-Bas, mais aussi du port d’Anvers en Belgique, trafic principalement contrôlé par la Mocro Maffia, ce puissant cartel de la drogue qui contrôle un tiers du marché européen de la cocaïne. À Charleville-Mézières, le quartier de la Houillère est un haut lieu de trafic entre la Belgique et la Seine-Saint-Denis.

Dans ce contexte particulièrement tendu (Belgique et Pays-Bas devenant peu à peu des narco-États), cela fait de nombreuses années que l’IGPN sait que le commissariat de Charleville-Mézières dysfonctionne à plusieurs niveaux. Le policier Stéphane S., que j’ai tenté de joindre, sans succès, a ainsi fait l’objet d’un premier signalement il y a environ sept ans. Selon mes informations, des investigations ont alors été menées mais n’ont donné lieu à aucune poursuite. Un quatrième policier, auparavant en poste à Charleville-Mézières et désormais à Reims, pourrait également être concerné par l’enquête actuelle visant les Ardennes.

Cette affaire survient alors que l’actuel préfet des Ardennes, Alain Bucquet, un ancien commissaire de police, est sur le départ. Contacté, il n’a pas répondu à mes questions. Fin août, il doit être remplacé par un ancien militaire, Christian Chassaing, actuellement directeur de la direction des usagers et des polices administratives à la préfecture de police de Paris. Le nouveau venu va donc avoir du pain sur la planche. De leur côté, les services de presse de la police nationale et du cabinet du ministre Retailleau, également contactés, pourtant si prompts à communiquer sur certains dossiers, ont préféré rester silencieux au sujet de ces nouvelles mises en examen de policiers (et donc silencieux au moins six jours pour le Sicop donc).

Ajout le 29 juillet 2025 à 17h30 : j’ai intégré la réponse officielle du Sicop, le service de presse de la Police Nationale, qui conteste tout lien entre le dossier ardennais et l’affaire Trident, six jours après les avoir contactés une première fois, sans me commenter les autres éléments d’information que j’ai publiés.

De son côté, L’Ardennais, le quotidien local (groupe L’Union) a consacré sa Une de ce jour, mardi 29 juillet 2025 à mes révélations. Dans son article qu’elle consacre à l’affaire, la journaliste qualifie de « bombe » mes informations sur cette enquête de l’IGPN visant trois policiers du commissariat de Charleville-Mézières :

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Pour compléter votre lecture, vous pouvez lire cet article du Point qui fait état d’un récent rapport de la Cour des Comptes particulièrement inquiétant : « Entre drogue et corruption, la France prend doucement le chemin d’un narco-État », 28 novembre 2024.

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20.07.2025 à 00:34

Attal-Macron : l'histoire d'un double divorce

Marc Endeweld

Texte intégral (1417 mots)

Pour son come-back médiatique, il pensait avoir tout préparé. Fin juin, Gabriel Attal accorde une interview au Monde, reprise deux jours plus tard dans un long papier de Libération, tout en dévoilant le lendemain à L’Opinion ses pistes de programme économique. Ces titres de presse ne semblent pas avoir été choisis par hasard pour celui qui veut hériter du « social-libéralisme » qu’Emmanuel Macron aurait porté au pouvoir dès 2017. Le message est clair : les militants peuvent compter sur moi pour 2027.

Quand Emmanuel vole la vedette à Gabriel

Come-back médiatique, car depuis la dissolution de juin 2024, Gabriel Attal n’est déjà plus « à la mode » dans le petit Paris. Son départ (ou plutôt, son renvoi) de Matignon l’a même relégué au second plan, après avoir profité d’une vraie « Attalmania » à partir de l’automne 2023 dans les couloirs du pouvoir et des rédactions. Sur ce point, Emmanuel Macron peut être satisfait de son coup d’éclat institutionnel. D’autant qu’à l’international, l’heure est au trumpisme et aux tumultes. Les faiseurs d’opinion se lancent désormais à la recherche d’un président martial pour y faire face, plutôt qu’un jeunot inexpérimenté comme Gabriel Attal.

Pour se donner un semblant d’envergure, l’ancien Premier ministre, le plus jeune à ce poste de toute la Vème République, n’a rien trouvé de mieux que de rencontrer à deux reprises Tony Blair… celui qui a précipité son pays dans la guerre américaine en Irak en 2003 en relayant les fake news de George W. Bush et de son administration néoconservatrice. D’abord, le 15 mai 2025 : « Échange passionnant ce matin avec Tony Blair sur l’avenir de la Défense européenne, les défis et opportunités de l’intelligence artificielle, la protection de nos démocraties ». Puis, nouvelle rencontre entre les deux hommes à Londres le 18 juin, et nouveau tweet. On passera sur la lourdeur du symbole…

À ce jeu de com’, Gabriel Attal s’est pourtant fait avoir comme un bleu. Samedi 5 juillet, lors du rassemblement au Cirque d’Hiver pour les dix ans des Jeunes avec Macron (désormais appelés les « Jeunes en marche »), Emmanuel Macron a réussi à voler la vedette à son ex Premier ministre en s’invitant par surprise, et surtout en annonçant assez clairement ses ambitions pour 2032, date à laquelle il pourra se représenter. C’est du moins son rêve comme je l’avais expliqué début mai. Profitant des applaudissements, le président a été jusqu’à affirmer à ses jeunes partisans qu’il aurait «besoin d’eux pour dans deux ans, pour dans cinq ans, pour dans dix ans».

Juste avant cette annonce tonitruante, Gabriel Attal a dit vouloir « proposer un chemin » aux Français pour 2027. L’occasion est donc trop belle pour Emmanuel Macron qui ne manque pas de recadrer son ancien collaborateur : «Si dans les deux ans qui viennent, on passe notre temps à parler de 2027, à ne rien faire, à être dans les calculs, à être dans les divisions, ce sera aucun d’entre nous dans deux ans». Bref, faites ce que je dis, pas ce que je fais. « Je suis le premier président de notre histoire qui n’a pas le droit, constitutionnellement, de se représenter », avait-il semblé regretter, le 13 mai sur TF1.

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Attal-Macron, une rivalité ancienne

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23.06.2025 à 21:09

L'Azerbaïdjan à l'assaut de Benalla

Marc Endeweld

Texte intégral (8696 mots)

Cette histoire empoisonne la vie du président Macron depuis plusieurs mois. On y trouve tous les ingrédients d’un bon feuilleton d’espionnage : un pays, l’Azerbaïdjan, sous l’influence de différentes puissances (Russie, Turquie, Israël) et dirigé d’une main de fer par Ilham Aliyev, un contrat de plusieurs millions d’euros avec Farkhad Akhmedov, un oligarque russo-azerbaïdjanais, mais aussi l'un des plus grands yachts du monde, le Luna, qui a appartenu par le passé à un autre oligarque, le russo-israélien Roman Abramovitch, et enfin l’Élysée, qui fait l’objet d’une intense campagne de déstabilisation.

Et parmi les personnages centraux de cette histoire, on retrouve surtout Alexandre Benalla, l’ex-chargé de mission de l’Élysée, qui a été l’un des plus proches collaborateurs du président de la République, avant d’être viré pour avoir joué les gros bras sous uniforme policier lors du 1er mai 2018 à la place de la Contrescarpe de Paris.

Est-ce justement la date anniversaire du 1er mai qui a inspiré l’Azerbaïdjan ? Dans la guerre hybride que mène depuis deux ans ce petit État pétrolier du Caucase contre la France comme je l’avais relaté dans un précédent article, tous les coups sont permis. C’est ainsi que Bakou actionne fin avril la grosse Grosse Bertha contre l’Élysée en soufflant sur les braises de l’affaire Benalla, au moment même où le président français tente de survivre diplomatiquement entre Poutine, Trump et Netanyahou, dans un monde, il faut bien le dire, de plus en plus incertain.

Une dépêche azerbaïdjanaise suscite l’inquiétude de l’Élysée

Le 28 avril 2025, l’agence de presse azerbaïdjanaise (l’APA), bras armé médiatique du président Ilham Aliyev, l’homme fort du pays, a en effet publié une dépêche, diffusée notamment en Français, affirmant qu’Interpol, l’organisation internationale de la police criminelle qui regroupe 196 États, a délivré une notice rouge à l’encontre d’Alexandre Benalla, ce que la presse francophone appelle habituellement un « mandat d’arrêt international ». Un coup de tonnerre. Dans le viseur des autorités azerbaïdjanaises ? Un contrat qu’Alexandre Benalla a signé avec Farkhad Akhmedov le 15 novembre 2018, quelques semaines après son départ de l’Élysée.

« Après une longue procédure, le Secrétariat général d’Interpol a inscrit le citoyen français Alexandre Benalla sur la liste internationale des personnes recherchées avec une notice rouge en avril 2025, jugeant la recherche justifiée et a notifié tous les États membres en conséquence », assure alors l’agence de presse azerbaïdjanaise, qui ajoute que cette inscription de l’ancien chargé de mission de l’Élysée sur la liste internationale des personnes recherchées date de courant avril et fait suite à une demande de l’Azerbaïdjan.

Très vite, cette dépêche azerbaïdjanaise fait le tour de cercles initiés à Paris, ceux du grand commerce international et de la communauté du renseignement au sens large, via des messageries « sécurisées ». De très rares comptes sur X postent l’article en question, et les tweets ne provoquent aucun reprise ni aucun buzz. Bref rien ne filtre, mais l’inquiétude gagne immédiatement les hautes sphères du pouvoir.

Où est donc Alexandre Benalla ? Est-il à l’étranger, lui qui vit en partie entre Paris et Genève ? D’autant que l’agence de presse d’Azerbaïdjan écrit une phrase pour le moins ambigüe : « Une « notice rouge » entraîne la détention de la personne dans le pays où elle est trouvée et son extradition vers le pays requérant. Il est notoire qu’A. Benalla fait actuellement l'objet d'une procédure d'extradition dans un pays tiers ». L’inquiétude redouble : et si Alexandre Benalla avait-il déjà été arrêté ?

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No comment d’Interpol, silence de l’Azerbaïdjan

Lorsque je prends connaissance de cette dépêche quelques heures après sa publication, je contacte les services d’Interpol sur l’existence d’une telle notice rouge délivrée à l’encontre d’Alexandre Benalla. Le mercredi 30 avril, le bureau de presse me répond par ces mots : « Lorsqu’un service de police de l’un des 196 pays membres d’INTERPOL communique au Secrétariat général, à Lyon, des informations sur une arrestation, une enquête ou des malfaiteurs en fuite, ces informations demeurent la propriété de ce pays membre. INTERPOL ne fait donc aucun commentaire sur des affaires ou des individus particuliers, sauf circonstances spéciales et s’il y a été autorisé par le pays membre concerné. Pour ce qui est de votre question concernant cette personne/affaire, nous vous conseillons de contacter les autorités des pays concernés. » No comment donc.

Le même jour, je prends contact avec l’ambassadrice d’Azerbaïdjan, Leyla Abdullayeva, qui ne me retourne aucune réponse. Je sollicite aussi une figure de la communauté azerbaïdjanaise à Paris et je questionne le ministère des affaires étrangères à Bakou. Silence radio. Guère étonnant alors que des négociations secrètes sont toujours en cours entre la France et l’Azerbaïdjan, comme on le verra plus loin, pour aplanir les différents diplomatiques de ces dernières années (la France a soutenu l’Arménie en guerre il y a encore peu avec l’Azerbaïdjan), mais aussi pour essayer de régler la situation de plusieurs Français actuellement en prison à Bakou ou assigné à résidence.

Le vendredi 2 mai, j’interroge ainsi le conseiller communication de l’Élysée, Jonathan Guémas, qui m’assure dans un premier temps qu’il va se renseigner auprès de la cellule diplomatique et du directeur de cabinet, avant de me dire plusieurs jours après qu’il revient bredouille. Même la communication de l’Élysée n’est pas informée de ce dossier ultra-sensible. Dans le reste de l’appareil d’État, y compris au sein de services chargés de veiller aux ingérences étrangères, on préfère ouvrir les parapluies à la simple évocation du nom de l’ancien chargé de mission de l’Élysée. Je tente également de joindre l’avocate d’Alexandre Benalla à Paris, Jacqueline Laffont. Là aussi, silence. Enfin, quand j’arrive à contacter directement Alexandre Benalla, il me répond qu’il ne souhaite faire aucun commentaire.

Compte X suspendu et les mystérieux EDL « du château »

Est-ce une coïncidence ? Dans les heures qui suivent mes questions, le compte X d’Alexandre Benalla est soudainement fermé, et le restera durant plusieurs semaines – l’ancien chargé de mission de l’Élysée semble alors s’imposer une diète numérique après un dernier message datant du 20 mars. Trois mois plus tard, comme si de rien n’était, Alexandre Benalla signe son retour numérique le 18 juin en soutenant sur X l’esclandre de Rachida Dati contre le journaliste Patrick Cohen sur le plateau de l’émission C à vous (France 5).

Début mai, l’ambiance n’est manifestement plus au show. Quelques heures avant mes différentes prises de contacts officiels, une source qui suit de près l’affaire me transmet des EDL de crise (Éléments de langage) au sujet de la dépêche azerbaïdjanaise, et me signale au passage que ces éléments de langage proviennent de l’« entourage du château ». Étrange car de son côté, Guémas, le conseiller com’ de l’Élysée, n’est pas au courant.

Cette note anonyme est là pour insinuer le doute – sans pour autant le faire officiellement ce qui permet de maintenir le silence sur cette affaire – sur la véracité des informations délivrées par l’agence de presse azerbaïdjanaise qui, rappelons le, est d’abord une institution d’État dans un pays détenu par une main de fer par Ilham Aliyev : « Les récentes affirmations des médias azerbaïdjanais (…) concernant l’émission d’une notice rouge par Interpol à l’encontre d’Alexandre Benalla, ancien collaborateur de l’Élysée, soulèvent des interrogations quant à leurs motivations. Ces informations, non confirmées par des sources indépendantes et absentes de la base publique d’Interpol, suggèrent une possible opération de communication orchestrée par les autorités azerbaïdjanaises ».

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Quand le parquet azerbaïdjanais réclame le dossier Benalla

Qu’il y ait une opération de Bakou contre Paris, c’est une évidence. Reste que cette note anonyme ajoute à la confusion. En effet, elle n’infirme pas clairement les affirmations azerbaïdjanaises. Par ailleurs, contrairement à ce qu’elle affirme, une notice rouge n’apparaît pas nécessairement dans la base publique d’Interpol comme l’organisme international basé à Lyon me l’a rappelé dans sa réponse officielle. Et pour cause : dans de nombreux dossiers, pour laisser les services de police du monde entier agir le plus efficacement, la notion de surprise est essentielle.

Au final, après plusieurs jours de vérifications auprès de différentes sources, j’ai réussi à confirmer certains éléments, et à en infirmer d’autres.

D’abord, Alexandre Benalla n’a pas été arrêté dans un « pays tiers » comme le sous-entend la dépêche de l’agence de presse azerbaïdjanaise qui va jusqu’à affirmer que ce dernier fait alors l’objet d’une procédure d’extradition. Selon plusieurs sources, l’ancien chargé de mission de l’Élysée passe toujours une bonne partie de son temps entre Paris et Genève. Ainsi, quelques jours après la publication de la dépêche, le 5 mai, Alexandre Benalla a été vu à Paris. Et lors de la semaine du 19 mai, il s’est déplacé de Genève vers la Centrafrique en vol privé, via Casablanca au Maroc, selon l’une de ses connaissances. Et le 26 mai, il était de nouveau à Paris.

Pour autant, l’Azerbaïdjan a bien multiplié les démarches ces derniers mois à l’encontre d’Alexandre Benalla. C’est ainsi que le parquet général d’Azerbaïdjan a demandé en septembre dernier à la justice française d’accéder au fameux dossier des contrats russes, révélé par Médiapart en décembre 2018 et février 2019, et qui a amené le PNF (Parquet National Financier) à ouvrir dans la foulée une enquête préliminaire. Cette dernière a été confiée aux policiers de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE). La justice française n’a pas donné suite à cette demande azerbaïdjanaise, selon nos informations.

À la même période, l’Azerbaïdjan a également demandé aux autorités suisses des informations personnelles sur Alexandre Benalla, notamment l’adresse de son domicile dans les environs de Genève, histoire de faire monter la pression sur l’ancien chargé de mission de l’Élysée en laissant planer l’idée d’une prochaine demande d’extradition. Là aussi, la Suisse n’a pas donné suite. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? C’est alors que l’Azerbaïdjan a déposé une demande auprès d’Interpol, dans les semaines précédant la fin avril, réclamant la délivrance d’une notice rouge à l’encontre d’Alexandre Benalla. Avant cette démarche auprès d’Interpol, l’Azerbaïdjan avait en fait convoqué à plusieurs reprises l’intéressé pour qu’il s’explique devant la justice. Ce dernier ne s’est jamais présenté.

Interpol a t-il délivré une notice rouge contre Alexandre Benalla ?

Qu’est devenue cette demande ? Selon nos informations, le secrétariat général d’Interpol a bien enregistré la demande de l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’ancien chargé de mission de l’Élysée et a procédé à l’étude du dossier.

Rappelons que si Interpol est rattaché à l’ONU, son fonctionnement ne s’apparente nullement à une instance diplomatique. Cette agence de coopération policière, basée à Lyon, est avant tout technique. Si Interpol veille – via son secrétariat général chargé de l’étude des demandes de notices et une commission de contrôle – que les États autoritaires n’abusent pas de mandats de recherche contre des opposants politiques, le dossier d’Alexandre Benalla relève du droit commun. De fait, selon plusieurs interlocuteurs – policiers, gendarmes, experts –, il ne fait aucun doute qu’Interpol ne peut s’opposer à une telle demande si les procédures habituelles sont suivies à la lettre. Libre aux États ensuite de transcrire ou non la notice rouge dans leurs propres fichiers nationaux de recherche.

En principe, ce n’est qu’une fois diffusée aux polices du monde entier qu’une notice rouge peut faire l’objet d’un appel individuel (toutefois, une notice rouge ne peut faire l’objet d’une réclamation officielle d’un État comme dans une instance diplomatique). Interrogé, un avocat spécialiste des procédures d’appel auprès d’Interpol me certifie qu’un appel individuel lors de son examen ne permet pas de suspendre une notice. Un autre interlocuteur qui a l’habitude de travailler avec l’institution internationale de coopération policière m’assure pour autant que tout « dépend de la nature “sensible” de l’appel ». Dit autrement : suspendre une notice, c’est à la tête du client.

Justement, trois sources de haut niveau – une policière, une autre de renseignement, enfin, un contact étranger en lien avec Interpol – m’ont toutes fait état d’un même scénario : suite à la sollicitation de l’Azerbaïdjan, le secrétariat général d’Interpol aurait bien décidé d’émettre une notice rouge contre Alexandre Benalla avant que des pressions françaises amènent l’institution à renoncer à procéder à sa diffusion : « En principe, émission d’une notice rouge vaut diffusion, mais dans le cadre de ce dossier particulier, il y a eu un contre-ordre venant de très haut empêchant sa diffusion », m’assure ainsi la source de renseignement. Ce lundi 23 juin, une source interne à l’organisation policière internationale m’assure qu’après avoir été active début mai, la notice rouge concernant Alexandre Benalla n’est aujourd’hui plus active.

D’autres interlocuteurs me rappellent que le président d’Interpol, l’émirati Ahmed Nasser al-Raisi fait l’objet d’une enquête judiciaire en France pour « complicité de torture » suite au dépôt de plainte de deux ressortissants britanniques. « Un moyen de pression ? », se demandent ces sources. Pourtant, dans les faits, ce président d’Interpol n’a aucun poids dans l’institution, et n’a aucune influence sur les décisions prises par le Secrétaire général, qui est actuellement le commissaire brésilien Valdecy Urquiza, ancien directeur de la Coopération internationale au sein de la Police fédérale brésilienne.

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Des négociations secrètes pour libérer des Français à Bakou

Une chose est sûre, ce dossier Benalla se retrouve depuis des mois au cœur de la bataille diplomatique entre la France et l’Azerbaïdjan. « À travers Benalla, les Azerbaïdjanais tapent en fait sur Macron. Le président Aliyev fait une fixette sur son homologue français, il en fait une affaire personnelle », assure une source diplomatique. Les renseignements français n’hésitent pas à évoquer la main de Moscou dans ce dossier, comme je l’avais précédemment relaté. Mais d’autres acteurs étrangers pourraient jouer un rôle.

Sur ce dossier ultra-sensible, l’Élysée est en tout cas en mode forteresse assiégée. Au sein de l’État, les acteurs traditionnels comme le Quai d’Orsay ou une bonne partie des services sont quasiment débranchés, écartés du règlement du conflit avec l’Azerbaïdjan. Au « château », rue du Faubourg Saint-Honoré, c’est en fait le conseiller Paul Soler, officiellement « envoyé spécial pour la Libye », qui a été discrètement mandaté par le président pour gérer l’affaire avec Bakou et mener des négociations secrètes. « C’est l’envoyé spécial de Macron en Azerbaïdjan », me signale un initié du pouvoir.

Au fil des ans, « monsieur Paul », dont le nom était apparu dans la presse au moment de l’affaire Benalla, est devenu pour Emmanuel Macron un véritable couteau suisse à l’international, son émissaire personnel envoyé aux quatre coins du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, notamment aux Émirats. Concernant l’affaire azerbaïdjanaise, Paul Soler a fait appel à certains de ses contacts israéliens pour l’aider dans ses négociations secrètes. Et à la tête de l’État, seules deux autres personnes suivent le dossier pour le président : Nicolas Lerner, patron de la DGSE et son ancien camarade de promo de l’ENA, et Patrice Faure, le directeur de cabinet de l’Élysée.

Une rencontre furtive entre Macron et Aliyev

Au-delà du cas Benalla, l’Azerbaïdjan a d’autres moyens de pression sur la France. Bakou détient ainsi depuis janvier 2024 un Français, Martin Ryan, accusé d’espionnage. En procès depuis le début de l’année, ce dernier encourt quinze ans de prison. En septembre 2024, un autre Français, le street-artiste Théo Hugo Clerc, était condamné à trois ans de prison pour avoir réalisé un simple graffiti dans le métro de Bakou. Dans le cadre des négociations secrètes menées par Paul Soler, ce dernier a finalement été gracié et libéré le 26 mai dernier par le président Aliyev.

Un signe d’apaisement ? Dix jours plus tôt, Emmanuel Macron et Ilham Aliyev s’étaient croisés lors du sommet de la Communauté politique européenne à Tirani en Albanie où 47 chefs d’État européens se réunissaient. Bien évidemment, cette rencontre a immédiatement été commentée par l’agence de presse azerbaïdjanaise qui en a même publié une photo :

Par contre, en France, l’Élysée ne communique pas sur cette furtive rencontre. Car dans ce dossier Akhmedov, l’Azerbaïdjan n’a pas uniquement Alexandre Benalla dans le viseur. Cette affaire devient carrément impossible pour Paris lorsqu’à l’été 2024, le franco-marocain Anass Derraz, un quarantenaire cadre de la SAUR établi à Dubaï, l’une des multinationales de l’eau française, se retrouve assigné à résidence par les autorités azerbaïdjanaises alors qu’il est de passage à Bakou. Car comme Alexandre Benalla, Anass Derraz est mis en cause par les Azerbaïdjanais dans le dossier du contrat avec Farkhad Akhmedov. « En fait, Derraz est littéralement pris en otage par Bakou car ils cherchent à faire venir Benalla en Azerbaïdjan. Ils l’ont arrêté pour faire pression sur Alexandre… », explique un proche du dossier.

Aujourd’hui, cela fait bientôt un an qu’Anass Derraz essaye de repartir d’Azerbaïdjan. Or, la semaine dernière, on apprenait par l’AFP que son procès pour « corruption » avait débuté à Bakou : « M. Benalla est présenté par les médias azerbaïdjanais comme une connaissance de M. Derraz. Anass Derraz réfute formellement ces accusations. Face aux juges (…) l’intéressé, placé en résidence surveillé depuis l’été 2024, s’est plaint de ne pas avoir accès à une traduction française des débats, ce qui a entraîné le report de l’audience au 19 juin ». Ce 19 juin, après quelques échanges le matin, cette fois-ci avec la présence d’un traducteur, le procès a encore été repoussé jusqu’au 5 juillet.

En coulisses, les négociations via des canaux parallèles se poursuivent. Car les Azerbaïdjanais aimeraient également récupérer deux de leurs ressortissants aujourd’hui emprisonnés en France.

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Un contrat de 6,14 millions $ dans le viseur de Bakou

De fait, depuis plusieurs mois, la presse à Bakou affirme que la justice azerbaïdjanaise – en réalité, le Service de sécurité de l’État, le contre-espionnage azerbaïdjanais – enquête sur l’un des volets les plus sensibles de l’affaire Benalla, dit des « contrats russes ». Dans le viseur : un contrat de consultance qu’Alexandre Benalla et Anass Derraz ont signé le 15 novembre 2018 avec le milliardaire russo-azerbaïdjanais Farkhad Akhmedov1, longtemps investi en Russie dans le secteur du pétrole et du gaz (sa fortune personnelle est estimée à 1,6 milliard de dollars par Forbes).

Ce contrat d’un montant de 6,14 millions de dollars avait pour objectif d’obtenir la levée de l’immobilisation du Luna, un magnifique yacht appartenant à Farkhad Akhmedov qui s’était retrouvé placé sous séquestre aux Émirats arabes unis2 dans le cadre d’une procédure de divorce aux multiples rebondissements entre le milliardaire russo-azerbaïdjanais et son ex-femme.

La lettre confidentielle IOL écrivait en octobre dernier qu’« aucune preuve n'a été obtenue par Intelligence Online étayant les allégations de collusion entre l'ex-employé de l'Élysée et Anass Derraz dans le cadre de ce contrat ». Reste que Benalla et Derraz ont bien co-signé ce contrat de 6,14 millions de dollars comme les policiers français de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) l’ont notifié après quatre ans d’enquête dans un rapport de synthèse datant du 14 février 2023 que j’ai pu consulter.

« L’exécution de ce contrat, auquel se trouvait rattaché un second contrat (…) devait valoir aux intéressés de percevoir, en cumul, 6 140 000 dollars US, somme inéquitablement répartie entre eux, sachant que tandis que Monsieur Benalla devait percevoir 3 690 000 millions de dollars US, son acolyte devait se contenter de 2 450 000 dollars US », précisent ainsi les policiers de la BRDE dans leur rapport. Il était prévu un acompte de 400 000 dollars pour Alexandre Benalla et de 200 000 dollars pour Anass Derraz.

Face aux Azerbaïdjanais, ce dernier explique avoir bien travaillé à Dubaï contre cette rémunération, et qu’il s’agit nullement d’un « pot-de-vin », alors qu’il est accusé à Bakou d’en avoir reçu un. J’ai contacté l’avocate française d’Anass Derraz qui m’a répondu qu’elle ne s’occupait plus du dossier et m’a renvoyé vers la famille, qui est régulièrement reçue par l’Élysée. Les proches de ce cadre de la SAUR essayent tant bien que mal de faire valoir ses droits et ses intérêts, tant à Paris qu’à Bakou, dans un dossier aux multiples implications, notamment géopolitiques et présidentielles.

En tout cas, sur l’existence de ce contrat lié à la situation du Luna, la presse azerbaïdjanaise dit donc vrai depuis des mois même si elle a par ailleurs multiplié les allégations invérifiables ou mensongères au sujet de Derraz. En février dernier, un site azerbaïdjanais avait dévoilé une copie intégrale de ce contrat, signé comme suit :

Quand Anass Derraz prend ses distances avec Benalla

Dans le dossier français, Anass Derraz s’est retrouvé mis en garde-à-vue, les 7 et 8 décembre 2021 par les policiers de la BRDE, « en tant qu’associé à Monsieur Benalla au contrat de consultance dressé le 15 novembre 2018 pour le compte de l’oligarque Farkhad Akhmedov ». Face aux policiers français, le jeune quarantenaire apporte alors de nombreux éléments de contexte et des souvenirs qui ne jouent pas en la faveur de l’ex-chargé de mission d’Emmanuel Macron : « M. Benalla avait évoqué qu’il voulait travailler dans le domaine de la sécurité, en capitalisant sur sa soit-disant prestigieuse expérience à l’Élysée…», se rappelle-t-il.

En dépit de cette co-signature du contrat, Anass Derraz, qui vit depuis une dizaine d’années à Dubaï, assure qu’il n’est pas un ami d’Alexandre Benalla. Face aux enquêteurs français, Anass Derraz tient déjà à prendre ses distances avec l’ancien chargé de mission de l’Élysée et explique avoir travaillé (et bien travaillé) en parallèle : « Monsieur Benalla était clairement connu de la famille Akhmedov de par son ancienne qualité de conseiller au palais présidentiel (…) moi j’étais tout petit dans ce dispositif (…) Je ne sais pas ce qu’il a vendu à M. Akhmedov pour sa part de rémunération. Rétrospectivement, dès lors que nos misions étaient totalement distinctes, j’aurais dû signer un contrat séparé (…) ma mission était sans rapport avec celle de Monsieur Benalla, car je n’étais pas impacté par ce qu’il faisait. Je faisais ma mission dans mon couloir avec des parties prenantes sans que l’intervention de M. Benalla ne soit visible : par “parties prenantes”, j’entends Timur [le fils d’Arkhad Akhmedov, ndlr], la société qui gère le yacht, les autorités portuaires, les grandes familles émiraties, les avocats locaux dont l’avocat Tamimi et d’autres (…) j’avais six ou sept réunions par week-end sur le même sujet, j’étais au quotidien en contact avec les avocats et Timur… Selon moi, M. Benalla n’a pas opéré auprès des autorités locales pour répondre aux attentes de notre client commun puisque je ne l’ai pas vu à Dubaï et je n’ai pas relevé d’actions qu’il aurait pu mener sur place… ». L’avocat Tamimi est l’un des plus grands avocats de Dubaï qu’Anass Derraz a donc sollicité sur le dossier Farkhad Akhmedov pour essayer de suspendre le placement sous séquestre du Luna.

De son côté, Alexandre Benalla a l’habitude de travailler avec les Émirats – par le passé, il s’est occupé de la sécurité de l’ambassade émirati à Paris – et connaît plusieurs protagonistes qui ont une connaissance fine de l’Azerbaïdjan. C’est ainsi que l’ancien chargé de mission de l’Élysée est devenu un proche d’Umaro Sissoco Embaló, le président de Guinée-Bissau qui entretient les meilleures relations avec son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliyev. À l’origine, Benalla et Sissoco Embaló se sont rencontrés grâce à une connaissance commune, le franco-israélien Philippe Hababou Solomon (à lire à son sujet, cet article de Marianne), qui dispose aussi d’un passeport diplomatique de Guinée Bissau, et qui avait accompagné l’ex-chargé de mission dans une tournée africaine à l’automne 2018 peu de temps après son éviction de l’Élysée. Sur ce dossier azerbaïdjanais, un autre protagoniste s’est énormément activé ces derniers mois : Germain Djouhri, le fils du célèbre intermédiaire Alexandre Djouhri (l’un des prévenus du procès Libye / Sarkozy), qui a multiplié les prises de contacts auprès des autorités françaises depuis qu’Anass Derraz se retrouve assigné à résidence à Bakou.

L’affaire Benalla continue donc des années plus tard d’empoisonner l’Élysée, particulièrement sur les terrains diplomatiques et géopolitiques. Rappelons qu’à Paris, l’avocat chargé des intérêts de l’Azerbaïdjan n’est autre que maître Olivier Pardo, qui a également parmi ses clients le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou ou la ministre de la Culture Rachida Dati, qui entretient depuis de nombreuses années les meilleures relations avec cet État du Caucase, au point d’intéresser la justice comme l’a révélé récemment l’Obs.

En réalité, si la justice française avait pu avancer plus rapidement, les responsabilités des uns et des autres auraient pu être clarifiées et la France aurait pu se retrouver davantage à l’abri d’éventuels chantages ou autres pressions venant d’intérêts étrangers. Et Anass Derraz aurait pu éviter d’être assigné à résidence et poursuivi à Bakou…

Les difficultés des policiers français sur le dossier Benalla

De leur côté, depuis 2019, malgré une succession de difficultés rencontrées3 , les policiers français enquêtent méticuleusement et patiemment pour le Parquet National Financier (PNF) sur cette affaire dite des contrats russes visant l’ancien chargé de mission de l’Élysée et initialement dévoilée par Mediapart. Selon les policiers, la justice émiratie n’a pas coopéré sur le dossier Luna / Akhmedov contrairement aux justices marocaines et britanniques4. Et dans leur rapport de février 2023, les enquêteurs de la BRDE accusent : « Nous pouvons légitimement présumer que […] M. Alexandre Benalla a pu jouer sinon abuser de son influence réelle ou supposée pour percevoir, directement ou non, des avantages et subsides de ces oligarques ».

Cette affaire est donc particulièrement sensible pour l’Élysée alors que les tensions géopolitiques se sont accentuées depuis les révélations de presse de 2018. À l’époque, le site Mediapart n’avait fait état dans leurs révélations initiales que d’un contrat de sécurité signé entre Alexandre Benalla et Farkhad Akhmedov, ainsi que d’autres contrats de sécurité signés entre des sociétés gérées de fait, selon les policiers de la BRDE, par l’ancien chargé de mission alors que ce dernier était encore en poste à l’Élysée avec Iskander Makhmudov, un autre oligarque russe d’origine ouzbèke. Je reviendrai en détail sur tous ces éléments dans un prochain article. Au final, 941 000 euros ont été effectivement versés à Alexandre Benalla, ses associés et prestataires.

Concernant le contrat Luna appartenant à Farkhad Akhmedov, l’ex-chargé de mission de l’Élysée a touché 353 000 euros (400 000 dollars) dès décembre 2018. Mais l’intéressé aurait bien aimé toucher l’ensemble des sommes promises dans le contrat, comme il le précise aux policiers français qui l’interrogent au cours de l’enquête : « Il devait y avoir un complément sous forme de “success fee” la réussite de la mission. Malheureusement, la médiatisation autour de monsieur Akhmedov notamment dans Mediapart a rendu caduc le versement du “success fee”. Ayant été exposé comme il l’a été, je ne me voyais en aucun cas faire un recours pour demander le solde de tout compte… » Quel gentleman !

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Sur l’affaire Benalla, vous pouvez également lire ces articles, notamment deux que j’avais écrits en septembre 2021 lors du premier procès :

Izzat Khatab, l’« ami » d’Hollande, Macron et Benalla, fait l’objet d’une plainte pour agression (16/09/2021, QG)

Les angles morts du procès Benalla (30/09/2021, QG)

"L'espion du président", protecteur de Benalla et toujours à l'Elysée (24/04/2019, Soazig Quéméner, Marianne)

Sur Paul Soler et son action en Libye dès 2016/2017 :

Libye, jeux troubles à l’Elysée Révélations sur des messages secrets (1-2) (6 avril 2023, Off Investigation)

(Re)voir le reportage d'enquête diffusé en juin 2019 dans “Envoyé Spécial” (France 2) :

1

Contacté à plusieurs reprises, l’avocat français de Farkhad Akhmedov n’a pas donné suite. Par contre, l’oligarque avait tenu à publier un droit de réponse à un article de Médiapart publié en février 2024 dans lequel il indiquait qu’il ne pouvait être considéré comme « un oligarque au parfum de soufre » ou un « proche de Vladimir Poutine », en ce « qu’il n’entretient aucun lien, personnel ou d’affaires, avec la Russie ou son gouvernement, et ce depuis son retour dans son pays d’origine, l’Azerbaïdjan, il y a plus de dix ans ». Et le droit de réponse ajoute : « Cette absence de proximité avec la Russie a d’ailleurs été reconnu par le Conseil de l’Union européenne, qui a retiré le nom de M. Farkhad Akhmedov de la liste des personnes sanctionnées le 15 septembre 2023 ». En mars 2023, une conversation téléphonique entre Farkhad Akhmedov et un producteur russe a été rendue publique par un média ukrainien : les deux hommes y critiquent très fortement Vladimir Poutine.

2

À l’origine, c’est en 2014 que Farkhad Akhmedov rachète ce yacht le Luna à Roman Abramovich, l’oligarque russe et israëlien et propriétaire du club de foot Chelsea FC. En octobre 2017, le Luna est saisi à Dubaï par décision d'un tribunal britannique et à la suite d'une collaboration entre le Royaume-Uni et Dubaï. Mais Farkhad Akhmedov entame alors une procédure auprès de la justice des Émirats arabes unis qui conclut, à l'inverse, que son ex-épouse n'a aucun droit sur ce yacht.

3

Dans leur rapport de synthèse du 13 février 2023, les policiers de la BRDE font état de leurs difficultés lors de l’interpellation d’Alexandre Benalla et de son épouse, le 14 décembre 2021 suivie d’une perquisition de leur domicile, qu’ils qualifient d’« infructueuse au possible ». Et de préciser : « tandis que tard la veille, le téléphone mobile de l’intéressé bornait en cet endroit - suivant la géolocalisation que nous avions entreprise pour nous assurer de sa présence… la visite des lieux ne nous permettait de relever aucun appareil connecté ». Les policiers laissent clairement entendre qu’Alexandre Benalla a été prévenu de leur perquisition.

Le 19 décembre 2022, ces derniers procèdent à une nouvelle interpellation d’Alexandre Benalla au sein du restaurant L’Élysée Saint Honoré dans le 8ème arrondissement de Paris. Mais si l’intéressé est cette fois-ci interpellé en possession de son smartphone, les policiers ont quand même fait choux blanc en ne pouvant accéder à son contenu : « son titulaire refusait, dès l’entame de cette reprises de la garde-à-vue, de nous communiquer les codes de décryptage seuls à même de nous permettre de poursuivre nos investigations techniques ».

Dès juillet 2018, les policiers avaient été confrontés à de nombreuses difficultés en enquêtant sur Alexandre Benalla. On se souvient de la rocambolesque perquisition à son domicile de l’époque, entre porte close et coffres-forts disparus… Sur ce dernier volet, la justice a discrètement ordonné un non-lieu fin juin 2024.

4

Si, à l’origine, la justice émiratie n’a collaboré avec la justice française sur l’affaire Benalla et le dossier dit des « contrats russes » au cours de l’enquête policière française d’avant 2023, elle semble avoir collaboré avec l’Azerbaïdjan dans le cadre de la demande de notice rouge à l’encontre de l’ex-chargé de mission de l’Élysée. Une source m’indique qu’entre temps, les Émirats ont signé plusieurs conventions de coopération judiciaire, notamment la France.

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