LePartisan.info À propos Podcasts Fil web Écologie BLOGS Revues Médias
Mr Mondialisation

Think tank informel et citoyen francophone à visée internationale


▸ les 10 dernières parutions

13.10.2025 à 06:00

Tribune : l’édition jeunesse se mobilise pour Gaza

Mr Mondialisation

Plus de 500 professionnel·les du livre jeunesse signent une tribune, rédigée avant l’entrée des chars israéliens dans la ville de Gaza, pour demander la fin du génocide à Gaza, dénoncer la répression contre les associations et les manifestations de soutien au peuple palestinien, et appeler au respect du droit international. Alors que le plan de […]

The post Tribune : l’édition jeunesse se mobilise pour Gaza first appeared on Mr Mondialisation.
Texte intégral (1727 mots)

Plus de 500 professionnel·les du livre jeunesse signent une tribune, rédigée avant l’entrée des chars israéliens dans la ville de Gaza, pour demander la fin du génocide à Gaza, dénoncer la répression contre les associations et les manifestations de soutien au peuple palestinien, et appeler au respect du droit international. Alors que le plan de « paix » proposé par Donald Trump s’apparente à un écran de fumée, chez Mr Mondialisation, nous continuerons de relayer les voix opposées à ce crime contre l’humanité.

Le monde du livre jeunesse en France se fait l’écho d’une tribune anglaise pour la Palestine. Au 19 septembre, la tribune française réunissait déjà plus de 300 professionnel·les, la plupart autrices, auteurs, illustratrices, illustrateurs dont les ouvrages pour la jeunesse ont été primés, traduits et/ou sélectionnés par l’Éducation nationale.

Parmi elles et eux : Marguerite Abouet, Beatrice Alemagna, Julia Billet, Serge Bloch, Anne-Laure Bondoux, Emile Bravo, Marion Brunet, Benjamin Chaud, Alex Cousseau, Rébecca Dautremer, Marie Desplechin, Malika Doray, Bernard Friot, Ilya Green, Guillaume Guéraud, Sophie Guerrive, Bruno Heitz, Emmanuelle Houdart, Claude K. Dubois, Didier Lévy, Mademoiselle Caroline, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail, Aurélie Neyret, Nob, Martin Page, Eric Pessan, François Place, Claude Ponti, Anouk Ricard, Thomas Scotto, Alain Serres, Grégoire Solotareff, Catharina Valckx, Sylvie Vassallo, Flore Vesco, Hélène Vignal, Christian Voltz, Marie Wabbes, Jo Witek…

Photo de Mohammed Ibrahim sur Unsplash

TRIBUNE.

Le 5 septembre dernier, plus de 500 professionnel·les du monde du livre jeunesse et de l’éducation ont fait paraître une tribune adressée au gouvernement britannique, tribune initiée par Joseph Nhan-O’Reilly, défenseur international des droits et de l’éducation des enfants et Chris Haughton, illustrateur jeunesse récemment arrêté à Londres pour son soutien affiché à Palestine Action.

A l’instar de nos collègues d’Outre-Manche, nous lançons aujourd’hui un appel similaire depuis la France. En tant que professionnel·les du livre jeunesse et de l’éducation, nous œuvrons à protéger, inspirer et autonomiser les enfants partout dans le monde.

Nous sommes horrifié·es par le massacre de plus de 19 000 enfants à Gaza, par les milliers d’autres qui ont été blessés, mutilés ou sont devenus orphelins, ainsi que par la famine et le blocus humanitaire que leur inflige l’État d’Israël.

Photo de Mohammed Ibrahim sur Unsplash

Nous nous sentons obligé·es de prendre la parole pour les défendre. Nous sommes indigné·es par l’incapacité persistante de la communauté internationale à mettre fin au génocide et à demander des comptes à ses responsables.

Nous sommes également profondément préoccupé·es par les efforts visant à réprimer les manifestations et à restreindre la liberté d’expression. En exemple, la décision du gouvernement britannique de qualifier de « terroriste » le groupe Palestine Action, est absurde, en France, la procédure de dissolution du collectif Urgence Palestine et la récente perquisition contre l’Union Juive Française pour la Paix n’ont pas lieu d’être.

Nous avons aussi été particulièrement ébranlé·es par la suspension fin mars d’une enseignante qui avait accepté la minute de silence réclamée par ses élèves suite à la rupture du cessez-le-feu causant 400 morts à Gaza en une journée, dont 117 enfants.

« Israël bombarde. Les USA paient. Combien d’enfants avez-vous assassinés aujourd’hui ? » Source : Pamela Drew – Flickr CC

De manière générale, les personnes manifestant leur solidarité ne devraient pas être inquiétées ou entravées comme c’est pourtant le cas. En tant que personnes engagées dans la défense de la liberté d’écrire, de s’exprimer et de manifester sans crainte, nous considérons cette évolution avec une grande inquiétude.

Si nous ne pouvons pas parler librement du génocide du peuple palestinien, si nous ne pouvons pas condamner ceux qui le permettent et soutenir ceux qui y résistent, alors que recouvre le droit à la liberté d’expression ?

Nous demandons au gouvernement français de renoncer à la dissolution de Urgence Palestine ainsi qu’aux poursuites contre l’Union Juive Française pour la Paix et de stopper les procédures et les procédés qui visent à criminaliser les manifestations de soutien à Gaza.

« Recherché pour génocide ». Source : Pamela Drew – Flickr CC

Toutes les grandes organisations de défense des droits humains reconnaissent qu’il s’agit d’un génocide. Nous exhortons le gouvernement français à faire de même et à respecter ses obligations légales qui en découlent, notamment en mettant fin à tout commerce militaire et à toute autre coopération militaire avec Israël ainsi qu’en appelant au respect du droit international.

Nous attendons aussi du gouvernement français (comme l’a fait le gouvernement espagnol) qu’il demande officiellement la protection de ses ressortissant·es actuellement en route pour Gaza sur les flottilles humanitaires.

Nous ne pouvons nous taire alors que des enfants sont tués, affamés et privés de leurs droits élémentaires, définis et garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant. Leur vie, leur histoire et leur avenir comptent. Notre engagement envers eux nous oblige à nous exprimer, et nous continuerons à le faire jusqu’à ce que tous les enfants du monde puissent vivre et grandir dignement, en paix et en sécurité.

Source : Pamela Drew – Flickr CC

Les signataires


Photo de couverture: Rassemblement à Nîmes contre le génocide en Palestine en mai 2024 ; Source : Jeanne Menjoulet – flickr CC

The post Tribune : l’édition jeunesse se mobilise pour Gaza first appeared on Mr Mondialisation.
PDF

12.10.2025 à 10:00

Bolivie, microalgues et littoral indien : les 10 bonnes nouvelles de la semaine

Maureen Damman

Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actualité, voici les 10 bonnes nouvelles à ne pas manquer.  1. La Bolivie interdit les mariages d’enfants : un tournant historique pour les droits des filles ! Depuis le 25 septembre 2025, la Bolivie interdit sans exception les mariages et unions précoces avant 18 ans, supprimant les […]

The post Bolivie, microalgues et littoral indien : les 10 bonnes nouvelles de la semaine first appeared on Mr Mondialisation.
Texte intégral (1169 mots)

Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actualité, voici les 10 bonnes nouvelles à ne pas manquer. 

1. La Bolivie interdit les mariages d’enfants : un tournant historique pour les droits des filles !

Depuis le 25 septembre 2025, la Bolivie interdit sans exception les mariages et unions précoces avant 18 ans, supprimant les dérogations légales précédentes qui autorisaient les unions dès 16 ans. (Plan International France)

2. Les microalgues au service du climat : une solution durable pour piéger le carbone !

Ecoingénieurs a développé une méthodologie certifiée ISO 14064-2:2019 pour quantifier et certifier la capture carbone via la culture de microalgues marines, assurant une séquestration de CO₂ de plus de 1 000 ans.(Echosciences)

3. Chaque euro pour le climat en rapporte jusqu’à cinq !

Une étude de Claudia Kemfert au DIW révèle que chaque euro investi dans les renouvelables génère jusqu’à 4,8 euros d’économies pour la société allemande, notamment via la réduction des coûts de santé et dépendances énergétiques. Malgré cela, l’Allemagne dépense toujours 80 milliards d’euros par an en énergies fossiles. (Institut DIW Berlin)

4. Vers une restriction de l’octocrylène pour préserver l’environnement !

L’Anses demande une réduction drastique de l’octocrylène dans les cosmétiques en raison de sa toxicité sur les organismes aquatiques. Si adoptée par l’ECHA, la restriction entrera en vigueur fin 2026, avec une hausse modérée des prix estimée entre 4% et 7%. (France-info)

5. Une crème solaire venue des fleurs : quand le pollen sauve les coraux !

Des chercheurs de l’Université technologique de Nanyang ont créé une crème solaire à base de pollen de camélia, respectueuse des récifs coralliens. Testée avec un FPS de 30, cette formule naturelle évite les dégâts causés par les filtres chimiques classiques. (Université technologique de Nanyang)

6. Un pas de plus contre les tueurs d’abeilles : l’acétamipride bientôt banni des foyers !

L’acétamipride, insecticide néonicotinoïde controversé, sera interdit en usage domestique dans l’UE dès janvier 2028. Malgré son interdiction agricole en France, son usage en agriculture européenne reste toléré jusqu’en 2033, suscitant une forte opposition des apiculteurs. (Le Monde)

7. La Banque mondiale soutient un programme pour sauver le littoral indien et créer 100 000 emplois !

Le projet SHORE, financé à hauteur de 212,64 millions de dollars par la Banque mondiale, vise à restaurer 30 000 hectares de zones côtières en Inde tout en créant 100 000 emplois durables dans les États du Tamil Nadu et du Karnataka.(Banque mondiale)

8. En Angleterre, les médecins prescrivent de la nature, du sport et de l’art !

Le programme de prescription sociale du NHS a enregistré 5,5 millions d’orientations vers des activités non médicales depuis 2019, un succès qui vise à traiter les causes sociales des troubles de santé via plus de 3 300 travailleurs de liaison communautaire. (Euronews)

9. Zurich dit non aux souffleuses à essence pour un quotidien plus paisible !

Lors d’un référendum, 61,7% des habitants de Zurich ont voté pour interdire les souffleuses à feuilles à essence, répondant à la nuisance sonore persistante et limitant leur usage aux souffleuses à batterie sous conditions strictes.(Swissinfo)

10. La loutre géante fait son retour en Colombie !

Après deux ans d’expéditions, cinq groupes familiaux totalisant près de 30 loutres géantes ont été identifiés dans la forêt amazonienne colombienne, signalant un retour encourageant grâce aux efforts de conservation et à la protection des habitats clés.(Happyeconews)

–  Maureen Damman

The post Bolivie, microalgues et littoral indien : les 10 bonnes nouvelles de la semaine first appeared on Mr Mondialisation.
PDF

11.10.2025 à 10:00

Amazonie, arrestations, et Lecornu : les 10 actu de la semaine

Maureen Damman

Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actualité ? Voici notre top 10 des actualités à ne pas manquer cette semaine. 1. Lecornu jette l’éponge : un ministre en pleine tourmente Sébastien Lecornu, Premier ministre, a annoncé sa démission le 6 octobre. Il a été renommé Premier ministre par Emmanuel Macron le 10 octobre. […]

The post Amazonie, arrestations, et Lecornu : les 10 actu de la semaine first appeared on Mr Mondialisation.
Texte intégral (1005 mots)

Vous n’avez pas eu le temps de suivre l’actualité ? Voici notre top 10 des actualités à ne pas manquer cette semaine.

1. Lecornu jette l’éponge : un ministre en pleine tourmente

Sébastien Lecornu, Premier ministre, a annoncé sa démission le 6 octobre. Il a été renommé Premier ministre par Emmanuel Macron le 10 octobre.  (Libération)

2. Flottille Global Sumud : 171 expulsés vers la Grèce et la Slovaquie

Lors d’une opération internationale, 171 membres de la flottille Global Sumud ont été expulsés vers des pays européens, suscitant des questions sur la gestion des réfugiés. (Ouest-France)

3. Urgence : 1 association sur 4 menacée de disparition en France

Un quart des associations françaises risquent de fermer leurs portes dans les prochaines années, menacées par des difficultés financières accrues, d’après la fédération nationale des acteurs de la solidarité. (Fédération des acteurs de la solidarité)

4. Plus de 500 arrestations à Londres à cause de Palestine Action

La police britannique a arrêté plus de 500 manifestants en soutien à Palestine Action, groupe récemment classé comme terroriste par le Royaume-Uni, lors de rassemblements tendus. (BBC)

5. “Soutien massif en Europe aux Palestiniens de Gaza”

Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues d’Espagne, Italie, France, Allemagne et autres pays européens, réclamant la fin des bombardements à Gaza tout au long de la semaine. (Le Monde)

6. Martin Fourcade : le climat, priorité incontournable aux JO d’hiver

Le champion sportif appelle à intégrer désormais les enjeux environnementaux comme critères essentiels dans l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver, face à l’urgence climatique. (Le Monde)

7. Océan : alerte rouge face à un réchauffement sans précédent

Le dernier rapport scientifique révèle que l’océan connaît un réchauffement record, avec des conséquences dramatiques sur la biodiversité marine et les régulations climatiques mondiales. (Le Monde)

8. Le lourd prix de l’élevage porcin français

La Fondation pour la nature et l’homme évalue à près de 3 milliards d’euros par an le coût sanitaire et environnemental liés à l’élevage porcin, pointant diabète et cancers associés à la consommation de charcuterie. (Le Monde)

9. Brésil : JBS accusé de blanchiment de bétail issu de déforestation

L’ONG Greenpeace accuse le géant brésilien JBS d’avoir commercialisé des bovins élevés illégalement sur des terres déboisées, mettant en danger les efforts pour protéger l’Amazonie. (Le Monde)

10. “Amazonie : un souffle d’espoir malgré le réchauffement”

Des chercheurs observent que certains grands arbres d’Amazonie présentent une meilleure adaptation au changement climatique que prévu, laissant entrevoir une possible résilience du poumon vert. (Reporterre)

–  Maureen Damman

The post Amazonie, arrestations, et Lecornu : les 10 actu de la semaine first appeared on Mr Mondialisation.
PDF

10.10.2025 à 02:45

Terres menacées : Bouygues bétonne, les basques résistent

Maureen Damman

Au pays des irréductibles Basques, les paysans résistent face à la spéculation immobilière. Interview de Jakes, activiste local contre le géant Bouygues.  Aux portes de Cambo-les-Bains (Pays basque), 3,5 hectares de terres agricoles sont menacés. En effet, le sol de Marienia est devenu le symbole d’une lutte plus vaste contre la bétonisation du territoire et la […]

The post Terres menacées : Bouygues bétonne, les basques résistent first appeared on Mr Mondialisation.
Texte intégral (3317 mots)

Au pays des irréductibles Basques, les paysans résistent face à la spéculation immobilière. Interview de Jakes, activiste local contre le géant Bouygues. 

Aux portes de Cambo-les-Bains (Pays basque), 3,5 hectares de terres agricoles sont menacés. En effet, le sol de Marienia est devenu le symbole d’une lutte plus vaste contre la bétonisation du territoire et la spéculation immobilière.

Face au géant Bouygues Immobilier en collaboration avec des élus locaux, une mobilisation citoyenne déterminée s’est levée pour défendre cette terre nourricière de Marienia. Occupation agricole, actions directes, recours juridiques, et récoltes collectives : les opposant·es mêlent stratégie et enracinement local pour empêcher la disparition de ces sols fertiles.

Nous avons eu la chance d’échanger avec Jakes, membre du collectif OSTIA (Okupatzaile Sare Tematsua Irabazi Arte), acteur de cette résistance bien enracinée.

Avec toutes autorisations - Mariena
Avec toutes autorisations – Marienia

Terres agricoles en danger : Bouygues bétonne, Marienia résiste !

Mr Mondialisation : Quel est votre rôle dans cette mobilisation contre le projet Marienia ?

Jakes : Je suis Jakes, membre du réseau OSTIA (Okupatzaile Sare Tematsua Irabazi Arte), ce qui signifie : réseau déterminé des occupants jusqu’à la victoire. Ce réseau s’est constitué en novembre 2021 contre la spéculation foncière et immobilière au Pays basque.

Nous nous battons pour la défense de la terre nourricière, en menant plusieurs combats en collaboration avec les paysans, la confédération paysanne ELB (Euskal Laborarien Batasuna) et Lurzaindia, un peu comme Terre de Liens. Nous sommes plusieurs dizaines de personnes, réunies grâce à un réseau né d’une lutte menée à Arbonne pour la défense de terres agricoles, initiée par le syndicat ELB, et Lurzaindia. Ce fut une victoire : la vente du terrain agricole a été annulée.

Comme plusieurs problématiques immobilières et spéculatives émergeaient ici et là, il nous a semblé utile de constituer un réseau pour s’entraider, se prêter du matériel… C’est une “structure accordéon”, qui s’ouvre et se ferme en fonction des luttes. Parallèlement, le réseau OSTIA s’est déclaré comité local des Soulèvements de la Terre suite à la menace de dissolution du mouvement, puis s’est mobilisé contre l’A69 ou encore les projets de mégabassines.

Mr Mondialisation : En quoi consiste ce projet immobilier ?

Jakes : Tout a commencé en 2014, quand les propriétaires de terres agricoles ont exprimé des velléités spéculatives, main dans la main avec le maire de l’époque. Tous deux voulaient faire passer ces terres en zone constructible, ce qui multipliait par dix le prix du terrain.

Ces terres sont en fait de très bonne qualité et très planes, ce qui est plutôt rare au Pays basque. À l’époque et aujourd’hui encore un paysan y récolte le fourrage et y fait paître ses brebis.

Avec toutes autorisations - Marienia
Avec toutes autorisations – Marienia

« ils se vantaient d’avoir augmenté la part des zones agricoles ou naturelles, mais en réalité, ils avaient comptabilisé une multitude de petits espaces verts et de jardins pour faire gonfler artificiellement la surface “non artificialisée”.

L’opposition municipale a levé le lièvre »

Dès le départ, les élus d’opposition ont entamé une bataille contre ces modifications du PLU, votées par la commune de Cambo et l’agglomération du Pays basque (CAPB).

Les porteurs de la modification du PLU se vantaient d’avoir augmenté la part des zones agricoles ou naturelles, mais en réalité, ils avaient comptabilisé une multitude de petits espaces verts et de jardins pour faire gonfler artificiellement la surface “non artificialisée”. L’opposition municipale a levé le lièvre, et diverses associations comme le CADE (Coordination des Associations pour la Défense de l’Environnement) – qui s’était notamment battu contre le projet de LGV et disposait d’une expertise juridique solide – se sont mobilisés.

La modification du PLU a été dénoncée par les syndicats agricoles et la Chambre d’agriculture, ce qui a permis de réduire le nombre d’hectares concernés : une première victoire. Mais il restait tout de même 3,5 hectares devenus constructibles. Nous ne les avons pas abandonnés à la spéculation.

« il restait tout de même 3,5 hectares devenus constructibles. Nous ne les avons pas abandonnés à la spéculation. »

Les premiers rassemblements ont eu lieu devant le conseil de l’agglomération, puis différents recours ont été entamés contre le PLU et les permis de construire déposés par Bouygues et l’opérateur Office 64 de l’Habitat. Aujourd’hui, tous les recours possibles contre le PLU ont été épuisés ; il ne reste qu’un second et dernier recours en appel contre le permis de construire. Les mobilisations se sont renforcées à partir de 2022, quand le projet est devenu plus concret avec les premiers appels d’offres et la mise en vente des lots.

Après l’occupation à Arbonne, les forces se sont recentrées sur les terres de Marienia, ce qui a mené à une action d’OSTIA. Les membres du collectif ont en effet recouvert de terre la maquette du projet dans une agence de Bouygues Immobilier à Anglet. Quatre personnes ont été inculpées et ont été condamnées à une amende avec sursis. Bouygues a réclamé 40 000 euros de dommages et intérêts, mais n’en a obtenu que 10 000.

Avec toutes autorisations – Marienia

En avril 2024, les opposant·es ont interrompu le conseil municipal de Cambo, pour protester contre le refus du maire de toute discussion ou négociation. Les manifestant·es sont resté·es sur place jusqu’à ce que le maire lève la séance. Une bousculade due à l’intervention intempestive des gendarmes à la sortie a provoqué la chute du maire, et il a porté plainte. Une nouvelle procédure a été lancée contre trois personnes. 

Entre-temps, le premier compromis de vente entre Bouygues et les propriétaires est devenu caduc, puis a été reconduit en décembre dernier. La communauté d’agglomération, qui aurait pu exercer son droit de préemption pour empêcher cette vente ne l’a pas fait.

« Tandis que la Communauté d’Agglomération nous répétait que Marienia n’était pas une terre agricole, nous avons décidé, avec OSTIA, Lurzaindia et ELB, d’occuper les terres en les cultivant. »

Le 17 mai dernier, nous avons planté des pommes de terre, des courges, des piments, avec un “serment des bâtons” : chaque participant a planté un bâton dans la terre, avec l’engagement de revenir la défendre si le terrain était menacé. Malheureusement, les plantations ont été en partie saccagées, probablement par l’un des propriétaires. Mais nous avons quand même réussi à récolter plus de 2 tonnes de pommes de terre début septembre, vendues en soutien solidaire.

Mr Mondialisation : Pourquoi ce terrain de Marienia, classé jusque-là en terres agricoles, est-il ciblé par cette urbanisation ?

Jakes : Il y a clairement un besoin en logements, notamment sociaux. Ici, au Pays basque – surtout en s’approchant de la côte – beaucoup de logements sont construits, mais ne sont pas financièrement accessibles aux habitant·es. Beaucoup deviennent des Airbnb, des résidences secondaires ou des investissements spéculatifs.

« il existe énormément de bâtiments qui pourraient être rénovés pour servir de logements »

À Cambo, il existe énormément de bâtiments qui pourraient être rénovés pour servir de logements, ou d’espace déjà artificialisés : d’anciennes stations thermales, par exemple. Évidemment, nous ne voulons pas opposer production alimentaire et besoins en logement – les deux sont essentiels – mais on doit trouver d’autres solutions que l’artificialisation des terres agricoles.

« nous ne voulons pas opposer production alimentaire et besoins en logement – les deux sont essentiels – mais on doit trouver d’autres solutions que l’artificialisation des terres agricoles »

Mr Mondialisation : Quelles sont les conséquences environnementales et agricoles majeures que vous redoutez face à cette artificialisation des terres ?

Slogan - Avec toutes autorisations - Marienia
Slogan – Avec toutes autorisations – Marienia

Jakes : Il n’y a pas d’espèces spécialement menacées ici, ce sont des prairies. Mais chaque année, 290 hectares sont artificialisés au Pays basque et plus de 20 000 en France. 

Il est donc essentiel de freiner cette artificialisation, pour au moins trois raisons : d’abord, il n’y a pas assez de terres agricoles au Pays basque pour toutes les personnes qui souhaitent s’y installer. Ensuite, pour l’alimentation, il est indispensable de préserver des terres et des espaces agricoles. Enfin pour le climat, car l’artificialisation renforce le réchauffement climatique.

 » Ce combat peut sembler modeste en surface – 3,5 hectares, ce n’est pas grand-chose – mais ces terres sont devenues un symbole. »

Aujourd’hui, beaucoup de gens ont pris conscience des enjeux, y compris parmi les élu·es. Même la CAPB a mis en place un plan climat. Il faudrait qu’ils comprennent que faire marche arrière, ce n’est pas capituler : c’est tenir compte de ce que l’on sait mieux aujourd’hui, corriger les erreurs passées, et surtout être en cohérence avec les urgences du changement climatique.

Mr Mondialisation : Avez-vous trouvé des exemples inspirants d’autres luttes ou méthodes de mobilisation locale pour nourrir votre action ?

Avec toutes autorisations – OSTIA

Jakes : D’abord, à l’échelle locale, de nombreuses batailles ont été menées pour défendre l’agriculture paysanne, l’environnement et lutter contre la spéculation. Nous nous inscrivons dans cette histoire. Nous avons construit une coalition avec cinq entités : le syndicat paysan ELB, Lurzaindia, le CADE, “Nahi Dugun Herria”, les élu·es de l’opposition et OSTIA. Chacun a apporté ses expériences et son expertise, ce qui nous a rendus plus forts.

Ensuite, nous nous sommes inspirés d’autres luttes comme celle de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes que de nombreuses personnes du Pays Basque ont visitées et où certaines se sont impliquées. Nous nous sommes inspirés de leurs tactiques et réflexions. Le serment des bâtons, par exemple, vient de la ZAD.

Mr Mondialisation : Comment pouvons-nous aider concrètement la mobilisation contre ce projet ?

Jakes : L’occupation continue. Nous avons prévu de semer du blé panifiable dans les semaines à venir, et nous aurons besoin de bras pour nous soutenir. On essaie d’impliquer les gens au maximum, notamment via le relais de nos actualités sur notre canal Télégram, notre page Facebook et dans notre newsletter.

Nous avons également une caisse de dons pour faire face aux frais liés aux procès. D’autres mobilisations sont en préparation.

En décembre dernier, à la suite de discussions avec des élu·es communautaires, 60 d’entre eux ont demandé l’organisation d’un débat en Conseil communautaire sur l’artificialisation des terres. Un débat a eu lieu le 24 septembre mais seulement à la conférence des maires, une instance de la CAPB qui a lieu une fois par an. Rien de concret n’en est sorti.

Mr Mondialisation : la bataille de Marienia en quelques mots,… que faut-il retenir ?

« Il n’y a pas de petites batailles ».

Jakes : Il n’y a pas de petites batailles. Certes, 3,5 hectares peuvent paraître dérisoires face aux 400 hectares agricoles menacés par l’A69 par exemple, mais c’est un travail d’éducation populaire, et un signal envoyé aux spéculateurs et promoteurs immobiliers. Ils savent désormais qu’il y aura une opposition organisée à leurs projets, et ils y réfléchiront peut-être à deux fois.

« Marienia est devenu un emblème de la lutte pour les terres nourricières et contre la spéculation foncière. »

En somme, je n’ai pas de conseils à donner, je n’ai aucune légitimité pour cela. Quand cette lutte sera terminée et gagnée, nous ferons un gros “débrief” pour voir quels enseignements en tirer. Et cela pourra peut-être en inspirer d’autres.

– Maureen Damman

The post Terres menacées : Bouygues bétonne, les basques résistent first appeared on Mr Mondialisation.
PDF

09.10.2025 à 05:23

Face au génocide à Gaza, l’Italie bloque tout

Benjamin Remtoula

“Bloquons tout”, ou plutôt “Blocchiamo tutto”, cela fonctionne aussi en Italie ! C’est une véritable marée humaine qui s’est déversée dans tout le pays le lundi 22 septembre lors d’une grève générale en soutien au peuple palestinien. L’Italie, gouvernée par l’extrême droite, est encore loin de reconnaître l’État de Palestine ; et, comme nombre de […]

The post Face au génocide à Gaza, l’Italie bloque tout first appeared on Mr Mondialisation.
Texte intégral (2861 mots)

“Bloquons tout”, ou plutôt “Blocchiamo tutto”, cela fonctionne aussi en Italie ! C’est une véritable marée humaine qui s’est déversée dans tout le pays le lundi 22 septembre lors d’une grève générale en soutien au peuple palestinien. L’Italie, gouvernée par l’extrême droite, est encore loin de reconnaître l’État de Palestine ; et, comme nombre de ses voisins européens, continue de transporter des armes vers Israël.

Non seulement la mobilisation est massive – 1 million de personnes dans la rue selon certaines estimations, avec une jeunesse omniprésente – dans plus de 80 villes italiennes, mais surtout les modes d’action révèlent une volonté d’agir efficacement avec de nombreux blocages réalisés dans tout le pays.

Le peuple italien a saisi l’occasion de montrer un tout autre visage que celui véhiculé jusqu’ici par ses institutions.

Pourquoi une telle mobilisation ?

Deux ans après l’intensification du génocide à Gaza, le peuple italien a sans aucun doute vécu sa plus grande action de résistance depuis l’intifada étudiante de 2024. Comment expliquer un tel succès, une telle détermination et démonstration de force ?

Forcément, l’indignation citoyenne augmente à mesure que le projet de nettoyage ethnique à Gaza prend forme. La situation est urgente et dramatique depuis près de 24 mois maintenant, pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps pour voir enfin un pays européen réaliser des actions de blocage ?

Il y a d’abord l’effet cocotte-minute : à force de voir quotidiennement ces images et ces informations d’horreur sur nos smartphones, la colère intériorisée monte jusqu’à exploser sous la pression. 

Crédit : Sherwood Foto.

Ensuite, les manifestations réelles de ces deux dernières années ont nettement participé à construire cette spirale militante positive ; à créer du lien entre citoyens autour d’une indignation commune ; à donner le sentiment à des personnes qui n’étaient jamais descendues dans la rue auparavant qu’elles avaient le pouvoir d’influer sur la situation à leur échelle. 

Dans un article précédent, nous évoquions le combat militant des étudiants de Padoue en Italie. Très vite après le 7 octobre 2023, des assemblées générales ont été organisées en soutien à la Palestine et ses victimes. L’université a souvent été le lieu d’occupation pour ces activistes, afin de s’approprier l’espace public, de politiser, d’informer et d’engager la population. 

Si l’image de la cocotte-minute évoque l’idée de mobilisations spontanées, elles sont en réalité le résultat d’un travail important d’organisation et de sensibilisation dans la rue, mais aussi de créations de liens sociaux entre groupes d’activistes. 

Enfin, les Flottilles pour la liberté ont sans aucun doute été des vecteurs importants de la mobilisation actuelle. Bien que ces embarcations tentent de subvenir aux besoins de Gaza depuis de longues années, la présence de personnes importantes et influentes comme Rima Hassan ou Greta Thunberg à bord du Madleen puis du Handala a donné un réel poids médiatique à l’initiative.

Les mobilisations actuelles font écho à l’initiative internationale “Global Sumud Flotilla”, où les navires sont cette fois-ci nombreux (51) à tenter de briser le blocus alimentaire à Gaza. La répression, elle, n’a cessé de s’intensifier : des drones ont notamment attaqué les navires sans défense. Ces initiatives sont des exemples de désobéissance civile et incitent les citoyens à imiter le courage de ces “activistes marins”.

Situation vénitienne

Crédit : Sherwood Foto.

Nous avons suivi le cortège vénitien qui est parvenu à bloquer le port de Marghera (Venise), et ce pendant plusieurs heures, avant que la police ne repousse les manifestants à coup de puissants jets d’eau. Des activistes sont également parvenus à bloquer la route où une file interminable de camions d’approvisionnement de marchandises était empêchée d’accéder au port.

Les manifestants étaient contenus par quelques grands camions de police leur faisant face, mais aussi par un hélicoptère surveillant la situation en hauteur. Quelques drones se sont également immiscés périodiquement au-dessus de la foule. 

Cette action de blocage, réalisée dans plusieurs ports italiens, fait suite à l’appel des dockers de Gênes, afin d’agir directement contre la livraison d’armes transitant par la Méditerranée, depuis l’Italie donc en direction d’Israël.

“Free Palestine, Bloquons les armes”, pouvait-on lire en tête du cortège, sur fond de chants explicites :

Siamo tutti anti sionisti” “tout le monde déteste la police”, “tout le monde déteste Israël”.

Crédit : Sherwood Foto.

Le collectif antiraciste et antifasciste padouan “Open Your Borders” présent à Marghera tenait à souligner que le génocide palestinien est le résultat d’un système qui “normalise la discrimination et le nettoyage ethnique”. Selon les membres du mouvement, chaque attaque et chaque meurtre à Gaza sont le fruit d’une même logique “impérialiste et d’exclusion qui alimente le racisme partout dans le monde”.

Ceux-ci dénoncent en premier lieu l’Union Européenne qui garde inchangées ses relations avec Israël. Ils accusent en plus l’UE de “tuer des personnes réfugiées ou en mouvement avec la brutalité de ses frontières et de ses lois”. On pense forcément aux nombreux morts en mer Méditerranée, entre la Libye et l’Italie notamment, et non secourus (ni dans les lois ni dans les actes) par les pays européens. 

Bilan du 22 septembre

@Fsociété

La grève générale en soutien au peuple palestinien et aux Flottilles pour la liberté a été portée par divers syndicats faisant partie des “organisations syndicales conflictuelles et indépendantes, protagonistes de luttes et de grands conflits sociaux”, dont USB. Divers secteurs s’en sont trouvés impactés, dont les transports et l’enseignement. 

Si des manifestations ont afflué dans de nombreuses villes, la journée a surtout été marquée par cette volonté d’imposer un rapport de force avec plusieurs actions directes. Parmi elles, notons le blocage des stations de train à Milan et à Naples. Dans la capitale romaine, la station de train a également été bloquée, tout comme le périphérique routier.

L’autoroute entre Florence et Bologne a été rendue inaccessible par les manifestants. À Turin, des voies de train ont été occupées, tout comme “il corso Regina Margherita”, l’une des principales routes de la ville piémontaise. Enfin, des actions de blocage de ports maritimes ont été réalisées à Gênes, Livourne, Palerme, Salerne et Marghera.

Génération Palestine

Une autre journée de grève générale a été organisée ce vendredi 3 octobre, appuyée par le syndicat le plus important d’Italie : la CGIL, qui était pourtant absente au rendez-vous du 22 septembre. Cela fait suite à l’arrestation illégale en eaux internationales des navires de la Global Sumud Flotilla par Israël, ce mercredi 1er octobre. Des rassemblements spontanés ont eu lieu dans tout le pays le soir même et plusieurs sièges universitaires ont été occupés.

La colère monte également contre le gouvernement italien, qui a d’abord décidé d’apporter son aide aux navires de la flottille en envoyant une frégate de la marine italienne Alpino. Mais celle-ci s’est finalement retirée, à 240km de la côte gazaouie, afin de laisser le champ libre au Tsahal, et en évitant de perturber les relations diplomatiques entre les deux pays.

Comme dans de nombreux mouvements sociaux à travers le monde, la jeunesse est très mobilisée, notamment la génération Z. Cependant, Viola Carofalo, philosophe et porte-parole du parti Potere al Popolo, évoque plutôt un soulèvement de la « génération palestinienne ». Elle refuse en effet de réduire ces mouvements de colère à une question générationnelle, alors qu’il s’agit davantage d’un niveau d’inégalités, d’injustices sociales et de polarisation entre riches et pauvres, jamais vu auparavant. Un phénomène qu’elle qualifie de « global et intergénérationnel ». 

Cela dit, pourquoi Carofalo fait-elle le lien entre la Palestine et les mouvements sociaux qui ont éclaté en Malaisie, au Népal, à Madagascar, au Kenya, au Pérou ou encore au Maroc ? D’abord, elle considère que la lutte pro-palestinienne n’est pas seulement une réaction à la violence israélienne, mais est aussi et surtout le résultat de décennies de résistance du peuple palestinien et de ses organisations, qui sont parvenus à politiser et à transformer leur combat en une cause commune.

Crédit : Sherwood Foto.

Ensuite, elle évoque la dimension internationale des mobilisations de ces deux dernières années, avec une contestation qui se durcit ces derniers jours et l’expression d’une grande détermination. En effet, les activistes de la Global Sumud Flotilla viennent littéralement des quatre coins du monde, et les mobilisations spontanées suite à l’arrestation des navires ce 1ᵉʳ octobre ont fait irruption dans de nombreux pays.

La philosophe ajoute que dans toutes les mobilisations du monde, y compris au sein des protestations pour des questions à priori locales, on agite des drapeaux palestiniens, rappelant que ce symbole n’est jamais « trop petit, trop isolé ou trop démuni pour revendiquer son droit à une existence digne ».

Viola Carofolo : « La génération Palestine aura acquis ces dernières années des instruments et des aptitudes d’organisation qui seront fondamentales dans les années à venir. Un patrimoine de connaissances qu’il sera difficile d’éliminer. »

En somme, cette première journée de grève générale du 22 septembre et l’action du 3 octobre, qui en appellent d’autres, sont autant d’évènements exceptionnels pour l’Italie, qui démontrent le ras-le-bol général de la population et de la jeunesse, aussi bien du point de vue de sa mobilisation massive que de la montée en radicalité des actions menées contre un système occidental, et particulièrement l’Union Européenne, qui continue de protéger les crimes d’Israël à Gaza.

– Benjamin Remtoula (Fsociété)


Crédit photo de couverture : Crédit : Sherwood Foto.

The post Face au génocide à Gaza, l’Italie bloque tout first appeared on Mr Mondialisation.
PDF

08.10.2025 à 06:00

« Cyberécosocialisme » : l’utopie technologique qu’il nous faut ?

Mr M.

À cheval entre la société technologique et la société soutenable, écologiquement et socialement, voici la société cyberécosocialiste, qui nous permettrait, via la planification, de vivre bien et en harmonie avec le vivant. Cette utopie est-elle crédible ou représente-t-elle un énième techno-solutionnisme ? Si, à tout hasard, vous avez déjà regardé la série de science-fiction Star […]

The post « Cyberécosocialisme » : l’utopie technologique qu’il nous faut ? first appeared on Mr Mondialisation.
Texte intégral (3664 mots)

À cheval entre la société technologique et la société soutenable, écologiquement et socialement, voici la société cyberécosocialiste, qui nous permettrait, via la planification, de vivre bien et en harmonie avec le vivant. Cette utopie est-elle crédible ou représente-t-elle un énième techno-solutionnisme ?

Si, à tout hasard, vous avez déjà regardé la série de science-fiction Star Trek, vous vous souvenez peut-être de l’épisode Let That Be Your Last Battlefield, dans lequel le capitaine Kirk affirme que « la Terre n’est qu’un seul monde. Et nous avons appris à aimer tout le monde de manière équitable. »

Source : OM, flickr

Grand bien vous fasse pour comprendre ce mot valise – un peu barbare de prime abord – qu’est le cyberécosocialisme. Détaillée par Cédric Durand, économiste marxiste et critique de l’économie néolibérale lors d’une conférence à l’institut Laboétie en mars 2024, il s’agirait, en bref, du monde de Star Trek : « une société basée sur l’abondance grâce à la technologie, où tout le monde a l’essentiel sans l’excès, avec inévitablement une réduction ou une fin du travail, tout en vivant en harmonie avec la planète et ses écosystèmes. »

Même si aujourd’hui, cette utopie semble très loin de notre réalité, pouvons-nous espérer, à travers l’exploitation de la technologie, l’émergence d’une civilisation qui s’inspire du modèle du cyberécosocialisme  ? Cette utopie technologique ne risque-t-elle pas de masquer sous un vernis progressiste une reproduction des logiques extractivistes et néocoloniales ? Tentons de comprendre si et comment la technologie peut prendre le bon tournant pour une société plus juste.

Le cyberécosocialisme : une théorie d’abord paradoxale ?

Nombreux sont les technocrates et autres entrepreneurs de la Silicon Valley à dire que la technologie est neutre, car « tout dépend de l’usage qu’on en fait. » Pourtant, tout indique que la technologie est profondément encastrée dans des systèmes productivistes destructeurs, à commencer par son empreinte écologique croissante, son besoin exponentiel en ressources rares, et les dynamiques extractivistes qui l’accompagnent, souvent au détriment des écosystèmes et des communautés du Sud global.

Alain Damasio, affirme dans La vallée du Silicium qu’une vision neutre de la technologie est « quadruplement stupide » , parce que la technique cherche avant tout l’efficacité, qu’elle ne finance à travers les crédits impôts que des projets lucratifs, qu’elle formate des comportements de manière non anticipée et que l’on finit par ne plus savoir comment faire sans elle. Elle a une telle influence sur nos vies qu’elle nous retranche dans des silos de pensées grâce aux algorithmes, et illustre parfaitement l’adage “diviser pour mieux régner”.

Ces promesses technologiques sont rarement neutres et encore moins sans coût humain ou écologique. L’extraction du lithium en Argentine, du cobalt en République Démocratique du Congo, ou encore des terres rares en Chine ou au Groenland, s’accompagne d’une dévastation des territoires, d’un accaparement des terres, de pollution durable des nappes phréatiques, et d’une mise en danger des populations locales.

Crédit Photo ©David Zana

Comme le montrent les luttes de plus en plus nombreuses contre l’extractivisme (voir les mobilisations en Argentine ou aux Philippines), la transition « verte » reste marquée par une violence structurelle : celle d’un développement technologique conçu encore et toujours selon les règles du capitalisme globalisé.

Certes, l’impact des technologies pourrait être neutre sur le plan éthique, car il ne reste qu’un outil, un moyen d’appréhender le monde, mais la balance morale penche plutôt vers les influences négatives qu’elle apporte à notre quotidien. Encore en marge, certains théoriciens de « gauche » veulent que l’on reprenne le pouvoir sur les technologies, comme l’illustre le cybersocialisme ou son homologue écologique, le cyberécosocialisme.

L’exemple du Printemps arabe est suffisamment parlant pour montrer que la technologie peut aider à mener à des renversements de pouvoir orchestrés par la population, tout comme l’application Ushahidi, qui, au Kenya, permit de signaler les violences électorales en temps réel.

Le cybersocialisme comme origine

« C’est un concept qui pourtant ne date pas d’hier en fait, il vient du mouvement ouvrier du début du XXe siècle lui-même qui voyait en la technologie le moyen de se libérer de l’aliénation du travail, et mènerait à termes au temps libre », détaille Cédric Durand. Même si cette volonté des ouvriers n’est pas entendue par les détenteurs du capital technologique, des penseurs comme André Gorz soutiennent dans les années 60 que la croissance économique illimitée est insoutenable sur une planète aux ressources finies, par sa tendance à surexploiter les ressources naturelles et à engendrer des déséquilibres écologiques graves.

La technologie doit aussi être utilisée pour réduire le temps de travail, permettant aux individus de se libérer des contraintes du salariat et de se consacrer à des activités autonomes et créatives. Simultanément, James O’Connor, fondateur de la revue Capitalism, Nature, Socialism en 1988, introduit le concept de « deuxième contradiction du capitalisme », selon laquelle le capitalisme non seulement exploite les travailleurs, mais aussi dégrade l’environnement, ce qui peut mener à des crises écologiques.

Source : John Blower, flickr

Ce n’est pourtant qu’en 1993 que le terme « cybersocialisme » apparait dans Towards a New Socialism de l’informaticien britannique Paul Cockshott. Sa thèse est la suivante : grâce aux technologies, une démocratie économique directe et une planification efficace sont réalisables pour atteindre les objectifs sociaux et écologiques.

Cependant, cette promesse d’une libération par la technologie reste piégée dans un paradoxe : on ne peut pas prétendre réduire l’exploitation du vivant en s’appuyant sur des infrastructures qui la prolongent ou l’aggravent. Les premières victimes de la course aux métaux de la transition sont souvent les peuples autochtones, les militants écologistes (dont beaucoup sont assassinés chaque année, les mines étant la première cause de meurtre de militants écologistes dans le monde, selon Global Witness), et les écosystèmes eux-mêmes.

Croire en la société cyberécosocialiste

Même si croire en la société cyberécosocialiste semble difficile à l’heure actuelle, voici quelques billes pour y arriver lentement, mais sûrement.

La conscience de l’espèce et des inégalités

Bien qu’il soit parfois difficile de regarder ailleurs qu’en direction du mur dans lequel notre société semble foncer, « On peut tout de même voir émerger une certaine conscience de l’espèce », affirme Cédric Durand. « Ces derniers temps, la capacité de l’homme à comprendre et à façonner le monde a fait un bond en avant. […] Une conscience de l’espèce émerge, en particulier une conscience des défis environnementaux, mais aussi des droits de l’homme et du potentiel humain », écrit le sociologue suédois Göran Therborn, dans The World: A Beginner’s Guide.

Qui aurait cru, il y a 100 ans, qu’un parti politique centré sur le bien-être animal verrait le jour dans certains pays d’Europe, que les femmes s’arrogeraient elles-mêmes leurs droits, quand même les ouvriers étaient exploités jusqu’à 16 heures par jour, femmes et enfants compris ? « Si on regarde dans le temps long, jamais, il n’y a eu autant de capacité à faire émerger une conscience collective de l’humanité », assène l’économiste.

‘Le marchand de sable’, une fresque très forte de l’artiste Levalet, qui fait écho à la dureté de la vie parisienne. Les SDF, les mendiants, les ‘laissés pour compte’ y sont toujours plus présents. Source : Gustave Deghilage, flickr

Parallèlement, comme à l’aube de certaines révolutions, la précarisation de l’emploi ainsi qu’une paupérisation massive est à l’œuvre dans de nombreux pays occidentalisés. Selon un article du 17 juillet dernier publié par l’Observatoire des inégalités, les inégalités de revenu ont augmenté au cours des 25 dernières années, comme le montre le ratio de Palma, qui mesure la part des revenus perçue par les 10 % les plus riches par rapport aux 40 % les plus pauvres. Ce ratio est passé de 1 en 1999 à 1,11 en 2011, avant de redescendre légèrement pour atteindre 1,09 en 2021 et 2022, l’un des plus hauts niveaux depuis les années 2000. Ces informations, bien que noyées parmi l’infobombing en continu, peuvent éveiller une conscience populaire.

La possibilité d’une vie décente pour tous

Quand on réfléchit à un futur souhaitable, mais possible, on a l’impression qu’un mode de vie « décent » mais confortable n’est pas applicable à l’ensemble des êtres humains sans détruire le vivant. Pourtant, Julia Steinberger, co-autrice des rapports du GIEC, rappelle la possibilité d’une vie décente pour tous à l’échelle de toute la planète.

Dans son article Providing decent living with minimum energy: A global scenario, elle détermine des standards de vie décente (DLS) que l’on peut résumer comme suit :

La voie étroite d’un cyber-écosocialisme – Chaire de Cédric Durand à l’Institut La Boétie, le 19 mars 2024.

Il serait donc tout à fait possible de vivre dignement grâce une technologie contenue, comme le montre si magistralement l’œuvre de Marge Piercey, Une femme au bord du temps, dans laquelle une civilisation du futur utilise la technologie à bon escient pour le bien commun, avec un niveau de technologie maîtrisé et un rapport à la nature équitable.

Or, pour que ces standards soient réellement soutenables, il faudrait repenser la hiérarchie des besoins matériels, réduire drastiquement les consommations superflues dans les pays riches, et renoncer à l’idée que chaque humain devrait avoir accès à un smartphone, une voiture électrique ou une connexion 5G. Loin des utopies technologiques, certains territoires explorent des formes de sobriété choisie, déconnectées de la logique de croissance.

La nécessité d’une planification de l’économie et de l’écologie

Déjà en 1908, Alexandre Bogdanov décrivait dans son livre L’étoile rouge, une planète Mars régie par un système d’information généré par l’institut des calculs, qui surveille le mouvement des produits, les process de productions et les mouvements de la main d’œuvre. On y est ainsi capable d’ajuster la quantité et qualité de ce qui est produit via des ajustements en temps réel par le traitement des données, pouvant orienter alors le travail des individus en fonction des besoins de la société.

C’est ici en fait le principe même du cyberécosocialisme : « mobiliser les technologies de l’information et de la communication pour avoir un gouvernement plus conscient des systèmes économique et écologique« , décrit Cédric Durand. Prenons deux exemples évocateurs qui existent déjà : le système Global Forest Watch utilise des données provenant de satellites et d’autres sources pour suivre la déforestation en temps réel, identifier les zones à risque et aider à la préservation des forêts. La plateforme OceanMind utilise le big data pour surveiller les activités de pêche illégale.

Et concrètement ?

Avec des données précises sur la production et la consommation, il est possible de minimiser le gaspillage et de maximiser l’efficacité des ressources, des algorithmes sophistiqués peuvent optimiser les chaînes d’approvisionnement et la distribution. Cela permettrait, par exemple, de ne plus jamais dépasser une autre limite planétaire, dont 7 sur 9 ont déjà été franchies.

La maîtrise des données peut garantir que les décisions économiques et politiques sont basées sur des informations transparentes et accessibles à tous. Les plateformes numériques pourraient, en plus de nous faciliter le paiement des impôts, faire participer aux budgets, aux processus décisionnels divers et variés, aux prises de positions étatiques dans les conflits, aux gestions de nos eaux territoriales, etc…

Mais là encore, le diable est dans les détails : qui contrôle ces données ? Quels serveurs les hébergent ? Avec quelle électricité, et à quel coût écologique ? La numérisation accrue de la société nécessite une explosion des besoins en énergie, en stockage, en puces électroniques – autant de ressources souvent extraites dans des conditions opaques, polluantes, voire criminelles. Le rêve d’une planification écologique par le numérique pourrait se transformer en cauchemar techno-bureaucratique, s’il ne s’ancre pas dans une réduction radicale de la consommation matérielle et énergétique globale.

Et la décroissance ?

Finalement, le cyberécosocialisme ne risque-t-il pas d’être un oxymore, voire une impasse ? Car il prétend faire d’un accélérateur de crise (le numérique) une solution systémique, sans jamais interroger en profondeur les rapports de pouvoir et de dépendance que la technologie entretient avec le capitalisme extractiviste.

Utiliser le numérique comme une solution alors qu’il est l’une des causes du consumérisme et de la crise écologique semble absurde quand on sait qu’il représente à lui seul 3 à 4 % des émissions de gaz à effets de serre (GES), part qui ne cesse de grossir (sans compter les data centers qui avoisinent les 2 %).

En Espagne. Collectifs Sierra de Gata et No a la Mina de Cañaveral. Crédit : Red Global Anti-extractivism.

Même si ce pourcentage semble minime, il est en fait égal aux émissions du secteur aérien. Pourtant, les émissions de GES du numérique restent relativement basses par rapport aux secteurs traditionnels, tels que l’énergie, l’industrie ou encore les transports tout confondus qui oscillent, en répartition globale, entre 15 et 25 % chacun.

Cédric Durand modère le propos : « les partisans d’une société cyberécosocialiste cherchent à discriminer les usages du numérique : les usages émancipateurs des usages aliénants. Alors oui, le cyber peut nous aider à affronter le problème écologique, même s’il en fait partie. » L’utopie n’est tout simplement pas l’irréalisable, mais bien l’irréalisé.

Vers un cyberécosocialisme décroissant ?

Un cyberécosocialisme cohérent avec les limites planétaires ne peut faire l’économie d’une critique radicale de la croissance – même « verte », même « numérique ». Il s’agirait alors de repenser les usages technologiques, non pas selon des critères de rendement ou de confort, mais à l’aune de leur utilité sociale, de leur soutenabilité écologique, et de leur justice globale.

Cela suppose de sortir d’une vision occidentalo-centrée du progrès, d’écouter les luttes des peuples du Sud contre l’extractivisme (comme à Manono en RDC, ou dans les Andes), et d’intégrer à la planification écologique des critères de sobriété, de résilience locale et de démocratie directe. Un tel projet ne peut se construire que par des alliances fortes entre les mondes scientifiques, militants, techniques et populaires – en acceptant qu’une part du « progrès » doive être désappris.

Maureen Damman

The post « Cyberécosocialisme » : l’utopie technologique qu’il nous faut ? first appeared on Mr Mondialisation.
PDF
6 / 10
 Persos A à L
Carmine
Mona CHOLLET
Anna COLIN-LEBEDEV
Julien DEVAUREIX
Cory DOCTOROW
Lionel DRICOT (PLOUM)
EDUC.POP.FR
Marc ENDEWELD
Michel GOYA
Hubert GUILLAUD
Gérard FILOCHE
Alain GRANDJEAN
Hacking-Social
Samuel HAYAT
Dana HILLIOT
François HOUSTE
Tagrawla INEQQIQI
Infiltrés (les)
Clément JEANNEAU
Paul JORION
Michel LEPESANT
Frédéric LORDON
 
 Persos M à Z
Henri MALER
Christophe MASUTTI
Jean-Luc MÉLENCHON
Romain MIELCAREK
MONDE DIPLO (Blogs persos)
Richard MONVOISIN
Corinne MOREL-DARLEUX
Timothée PARRIQUE
Thomas PIKETTY
VisionsCarto
Yannis YOULOUNTAS
Michaël ZEMMOUR
LePartisan.info
 
  Numérique
Blog Binaire
Christophe DESCHAMPS
Louis DERRAC
Olivier ERTZSCHEID
Olivier EZRATY
Framablog
Tristan NITOT
Francis PISANI
Pixel de Tracking
Irénée RÉGNAULD
Nicolas VIVANT
 
  Collectifs
Arguments
Bondy Blog
Dérivation
Économistes Atterrés
Dissidences
Mr Mondialisation
Palim Psao
Paris-Luttes.info
ROJAVA Info
 
  Créatifs / Art / Fiction
Nicole ESTEROLLE
Julien HERVIEUX
Alessandro PIGNOCCHI
XKCD
🌓