20.08.2025 à 06:00
Le vrai rôle du Sénat : une emprise invisible
Mr M.
Le Sénat, très conservateur, est un verrou du système institutionnel actuel. Il ne dispose néanmoins que de pouvoirs limités et est constitué par un mécanisme très peu démocratique, à tel point que son existence pourrait être remise en question. Le Sénat, siégeant au Palais du Luxembourg à Paris, non élu par le peuple et obstacle […]
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Le Sénat, très conservateur, est un verrou du système institutionnel actuel. Il ne dispose néanmoins que de pouvoirs limités et est constitué par un mécanisme très peu démocratique, à tel point que son existence pourrait être remise en question.
Le Sénat, siégeant au Palais du Luxembourg à Paris, non élu par le peuple et obstacle aux transformations des institutions, ce garant de l’immobilisme gagnerait pourtant à évoluer — voire, tout simplement, à disparaître.

Un procédé très ancien destiné à protéger la bourgeoisie
À l’origine, le Conseil des Anciens, ancêtre du Sénat, fut mis en place en 1795 après l’exécution de Robespierre. La France passait alors d’un système monocaméral à un système bicaméral. Autrement dit, le pouvoir de créer des lois n’était plus détenu par une seule assemblée représentante du peuple (désignée au suffrage universel), mais partagé entre un parlement populaire élu au suffrage censitaire — seuls ceux qui s’acquittaient d’impôts pouvaient voter — et le Conseil des Anciens.
Ce dernier était élu au suffrage censitaire indirect, par de grands électeurs capables de payer une taxe très lourde. Pour simplifier, les membres de cette chambre étaient choisis par les plus aisés parmi les encore plus riches. Elle avait pour mission d’accepter ou de refuser les lois proposées par l’autre assemblée. Une façon, pour la bourgeoisie de l’époque, de verrouiller le système à son avantage et d’éviter toute radicalité.
Un système d’un autre temps
Or, plus de deux siècles plus tard, le Sénat représente toujours un reliquat de cette époque. S’il n’a certes plus le pouvoir de bloquer les lois de l’Assemblée nationale, il est cependant encore désigné par suffrage universel indirect. En d’autres termes, ses membres sont choisis par de grands électeurs — à savoir des élus locaux — et non par l’ensemble des Français.
Sociologiquement, ces grands électeurs sont connus pour leur conservatisme et ne représentent pas fidèlement l’ensemble du peuple. Ce fonctionnement favorise également les partis politiques très implantés localement. Depuis l’instauration de la Cinquième République, le Sénat a presque toujours été contrôlé par la droite et le centre, à l’exception d’une courte période entre 2011 et 2014 où la gauche a obtenu la majorité.

Un verrou institutionnel
Au vu de ces circonstances, on pourrait penser qu’il est urgent de changer ce mode de scrutin afin que cette assemblée reflète davantage la diversité du peuple. À titre d’exemple, le Rassemblement national ne compte que quatre sénateurs, et La France insoumise aucun, alors que ces deux partis représentaient à eux deux près de 45 % des voix lors de la dernière présidentielle.
Toutefois — et c’est là que ce système devient pernicieux — pour faire évoluer le mode de désignation des sénateurs, il est nécessaire de modifier la Constitution. Celle-ci, dans son article 24, stipule en effet que : « Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. »
Or, pour procéder à un changement de la Constitution, il faut soit l’approbation des deux chambres (Sénat et Assemblée) suivie d’un référendum, soit l’accord des 3/5 du Congrès (députés et sénateurs réunis), soit 555 parlementaires. À moins d’obtenir quasiment l’unanimité de l’Assemblée nationale (577 élus), il est donc nécessaire de convaincre une partie des sénateurs eux-mêmes. Or, la majorité d’entre eux — en particulier à droite — s’y oppose farouchement. En effet, pourquoi remettraient-ils en cause un système qui les avantage autant ?
Quels pouvoirs réels ?
Mais au-delà de son mode de désignation contestable, le Sénat dispose aussi de pouvoirs très limités sur le plan législatif. Les deux chambres — Assemblée et Sénat — ainsi que le gouvernement peuvent proposer des lois. Ces propositions naviguent d’une chambre à l’autre pour y être examinées jusqu’à obtenir un accord.
En cas de désaccord, une commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, est constituée. Si un compromis est trouvé, la loi est validée par les deux chambres. Si ce n’est pas le cas, l’exécutif peut alors demander à l’Assemblée nationale (Palais Bourbon) de trancher en dernier ressort.
S’il ne le fait pas, la proposition de loi est tout simplement abandonnée. En conséquence, le Sénat n’a aucun pouvoir d’imposer une décision au gouvernement ou à l’Assemblée. Par ailleurs, une loi sans l’aval du Premier ministre n’a quasiment aucune chance d’aboutir.
Protéger la constitution bourgeoise
Le véritable rôle du Sénat consiste, en réalité, à protéger la Constitution de la Cinquième République. Comme expliqué plus tôt, il est très difficile de modifier ce texte fondamental sans son accord. De fait, une majorité conservatrice au Sénat empêche toute tentative de réforme profonde de la Constitution.
Certains juristes avancent cependant qu’il serait difficile, politiquement, de résister à un référendum constitutionnel. En 1962, Charles de Gaulle en avait organisé un contre l’avis du Parlement, renforçant ainsi ses propres pouvoirs. Cette solution pourrait donc représenter une porte de sortie crédible.

Et si on en finissait avec le Sénat ?
Quoi qu’il en soit, en posant régulièrement des propositions de lois réactionnaires sur la table, le Sénat influence l’opinion publique, nourrit les médias et freine toute idée progressiste.
Par ailleurs, le fonctionnement du Palais du Luxembourg coûtera encore 359 millions d’euros au contribuable en 2025. En 2023, il disposait aussi d’une réserve financière de 1,9 milliard d’euros, destinée notamment à financer les retraites des anciens parlementaires. Des sommes certes modestes à l’échelle de l’État, mais qui pourraient symboliquement être redirigées vers des services publics plus utiles à la nation.
N’avoir qu’une seule assemblée n’a rien d’extraordinaire : de nombreux pays fonctionnent ainsi. Certains, comme la Suède, ont même supprimé leur chambre haute (en 1971).
Vers une transformation en une chambre du peuple ?
On pourrait aussi redonner au Sénat son rôle de filtre démocratique, en le transformant en une véritable assemblée du peuple. Il pourrait ainsi être composé de membres tirés au sort, pour contrebalancer le pouvoir des élus, souvent proches des élites économiques. Ce parlement citoyen aurait toute latitude pour débattre des projets de loi, les bloquer ou les inscrire à une liste de propositions soumises à référendum.
Un tel processus renforcerait le contrôle citoyen et protégerait les Français des abus de leurs représentants. Il permettrait alors d’en finir avec une assemblée bourgeoise, conservatrice, qui ne défend — au fond — que ses propres intérêts.
Mais pour en arriver là, il faudrait d’abord rompre avec la Cinquième République. Charge à chacun d’entre nous de se saisir de cette question.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Gérard Larcher, Président du Sénat français, 2018. Wikimedia.
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Malaise autour de la Dark Romance
Mr M.
La Dark Romance est un genre littéraire qui explore les interdits et suscite de nombreuses controverses. Décrit comme le petit frère psychopathe de la New Romance, il s’est d’abord développé sur internet via le site Whattpad. Ce phénomène de librairie séduit un large public, notamment des jeunes filles. Faut-il s’en méfier ? Oui, et on […]
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La Dark Romance est un genre littéraire qui explore les interdits et suscite de nombreuses controverses. Décrit comme le petit frère psychopathe de la New Romance, il s’est d’abord développé sur internet via le site Whattpad. Ce phénomène de librairie séduit un large public, notamment des jeunes filles. Faut-il s’en méfier ? Oui, et on vous explique pourquoi.
Les récits de Dark Romance reposent souvent sur des archétypes bien établis. Des héroïnes vierges et naïves, souvent jeunes et inexpérimentées, sont mises en scène. Elles se retrouvent face à des hommes dominateurs et toxiques. Des figures aux charmes irrésistibles malgré leurs comportements abusifs et leurs actes odieux.
L’archétype de séduction du beau ténébreux, mystérieux et musclé, au passé trouble, continue de fasciner. Enfin, le mythe « enemies to lovers » (d’ennemis à amants), incarné par exemple dans la Belle et la Bête, est constamment utilisé au cours du développement narratif.
Un genre littéraire qui banalise les violences
Au-delà des clichés, la Dark Romance se distingue par son approche très crue et graphique de la violence. Elle est ici psychologique, physique et surtout, sexuelle. Les héroïnes féminines sont quotidiennement soumises à des humiliations, menaces, et même des viols. Un contenu « trash » et vendeur, qui banalise les abus, les romantise et les érotise. Camille Emmanuelle, autrice féminisite et journaliste, y voit une glamourisation de la violence masculine.
Dans Captive de Sarah Rivens, l’héroïne est prostituée, brûlée sur une plaque de cuisson et séquestrée. Le personnage masculin incarne à la fois l’amant et le bourreau. Plumes du Web, éditeur de Le Serpent et la Mule, met en garde avec des trigger warnings. Ces avertissements incluent tortures, meurtres, viols, harcèlement, menaces et suicides. S’ils semblent essentiels, ils sont paradoxalement absents des couvertures.
La Dark Romance : des ventes colossales
Le genre connaît un succès commercial impressionnant depuis quelques années. Aujourd’hui, la trilogie Captive s’est vendue à plus de 500 000 exemplaires. Elle trône toujours en tête des ventes. Un véritable tour de force pour la jeune algérienne de 25 ans ! Depuis 2022, la saga The Devil’s Sons de Chloé Wallerand, avec ses gangs païens, misogynes et racistes, s’est écoulée à plus de 220 000 copies.
On trouve ces titres très facilement en librairie ou sur internet. Les couvertures sont colorées et arborent des motifs esthétiques et complexes. Étrangement, elles ne contiennent aucun avertissement visible, à l’inverse des boîtiers de films, de séries ou de jeux vidéo.
Un genre viral chez les jeunes filles
Mais le plus inquiétant se trouve être le lectorat de la Dark Romance. Ce dernier se situe majoritairement entre 12 et 18 ans… Un public adolescent, essentiellement féminin, jeune et inexpérimenté.
On peut donc s’interroger sur l’impact d’une telle littérature pour toute une génération. Car la Dark Romance présente une caricature du couple et des relations amoureuses toxiques. Le genre semble aussi faire l’apologie des milieux violents et misogynes, où la femme est relégué au rang d’objet. Les violences que subissent ces héroïnes peuvent aussi avoir un impact psychologique potentiel sur les jeunes lectrices.

Il semble judicieux d’instaurer un accompagnement et un dialogue autour de ces thématiques. Une communication bienveillante dans le cercle familial, ainsi qu’à l’école. Car le combat contre les violences sexistes et sexuelles est loin d’être gagné. Et si la Dark Romance semble banaliser ces abus, elle pourrait aussi aider à en prendre conscience.
Accompagner et sensibiliser
En jouant sur la frontière entre amour et violence, la Dark Romance soulève un débat important. Celui de la responsabilité des auteurs et des éditeurs face à leur jeune public. Si elle séduit par son intensité émotionnelle et ses intrigues captivantes, elle ne doit pas être lue sans un regard critique.
C’est ce que fait remarquer Magali Bigey, maîtresse de conférence en Sciences de l’Information et de la Communication. Loin d’être anodine, la popularité du genre chez les adolescentes interroge sur la représentation des relations amoureuses et la perception des rapports de force. L’accompagnement des (jeunes) lectrices et la sensibilisation aux thématiques abordées restent essentiels pour éviter une normalisation des abus sous couvert de fiction romantique.
– Florian DOARE
Photo de couverture de Yuliia Tretynychenko sur Unsplash
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La face cachée des soins dentaires
Mr M.
Vous allez chez le dentiste en toute confiance ? Ne soyez pas si serein. Cela ne signifie évidemment pas qu’il ne faut plus aller chez le dentiste : les soins bucco-dentaires sont essentiels pour prévenir infections, douleurs chroniques et atteintes plus graves de la santé générale. Mais ils méritent aujourd’hui d’être repensés, à la lumière […]
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Vous allez chez le dentiste en toute confiance ? Ne soyez pas si serein. Cela ne signifie évidemment pas qu’il ne faut plus aller chez le dentiste : les soins bucco-dentaires sont essentiels pour prévenir infections, douleurs chroniques et atteintes plus graves de la santé générale. Mais ils méritent aujourd’hui d’être repensés, à la lumière de nouveaux enjeux sanitaires et environnementaux.
Les soins dentaires, – quand ils ne font pas mal – ne sont pas aussi inoffensifs que vous le croyez. Derrière l’image des sourires éclatants et des innovations techniques se cachent des microplastiques et de perturbateurs endocriniens (PE), logés dans les matériaux et produits.
Résines composites, vernis, brosses à dents, mais aussi dentifrices et bains de bouche … autant de sources potentielles de microparticules plastiques et de substances chimiques capables de perturber le système hormonal. Un « combo gagnant » qui inquiète la communauté scientifique sur les risques sanitaires et environnementaux de cette pollution.
Bien sûr, l’objectif ici n’est pas de diaboliser les soins dentaires eux-mêmes, qui permettent de traiter des infections, d’éviter des extractions ou des complications sévères, mais d’appeler à une vigilance accrue sur les matériaux utilisés, leur innocuité à long terme, et les alternatives plus sûres à développer.

Microplastiques et perturbateurs endocriniens
« La bouche est un élément particulier dans l’exposition aux PE [perturbateurs endocriniens] et pas uniquement lors des soins dentaires. On sait qu’il y a des passages directs sublinguaux qui font que l’exposition au niveau de la bouche est importante », affirmait déjà en 2017, Sylvie Babajko, directrice de recherche à l’INSERM et spécialiste des questions de l’activité des perturbateurs endocriniens sur la santé dentaire.
La bouche est en fait particulièrement exposée aux perturbateurs endocriniens (tel que le bisphénol A) et aux microplastiques. Comme toutes les muqueuses, elle est fine et très vascularisée permettant une absorption rapide des polluants, parfois sans passer par le foie. Les matériaux dentaires, comme les composites, colles, et prothèses peuvent libérer ces composés sous l’effet de la salive, de la chaleur, du pH ou de la mastication, sans parler des gouttières et brosses à dents qui constituent d’autres sources d’exposition.

Ainsi, selon un article de l’EFSA publié en 2023, le BPA peut être absorbé par voie buccale à des doses préoccupantes, même lorsqu’elles restent inférieures aux seuils réglementaires, faisant de la cavité buccale un point d’entrée critique pour ces polluants invisibles, nécessitant une vigilance accrue en matière de prévention.
Pire, selon une étude publiée dans ScienceDirect en 2024, chaque acte de polissage ou de retrait de résine composite libère des milliers de particules plastiques, dont une partie est aspirée puis rejetée dans les eaux usées, rejoignant ainsi le cycle environnemental et s’accumulant dans la chaîne alimentaire, déjà surchargée de polluants en tout genre. Sylvie Babajko prévient :
« Toute intervention peut potentiellement être le moment précis où un maximum de substances toxiques sera libéré. »
Une fois dans le corps, les microplastiques et perturbateurs endocriniens peuvent provoquer du stress oxydatif, des inflammations, des déséquilibres hormonaux, et même des dommages cellulaires. Le risque est d’ailleurs d’autant plus grand pour les professionnels de santé exposés de manière répétée, ce qui pourrait accroître les risques respiratoires ou inflammatoires s’il n’y a pas de systèmes d’aspiration ou de filtration efficaces.
Ce constat ne remet pas en cause la nécessité d’intervenir médicalement quand cela est justifié. Un acte dentaire, même s’il comporte certains risques liés aux matériaux, reste souvent indispensable pour préserver la santé générale. L’enjeu est donc d’améliorer les pratiques, pas de s’en passer.
Chaque acte médical dentaire est une bombe de polluants libérés !
Les matériaux dentaires modernes contiennent des additifs tels que le bisphénol A (BPA), les phtalates, les retardateurs de flamme bromés ou encore des métaux lourds, destinés à améliorer leur résistance, leur couleur ou leur durabilité.
Or, ces substances ne sont pas chimiquement liées à la matrice plastique et peuvent migrer vers la salive, surtout lors des premières heures suivant la pose, ou lors de l’usure mécanique. Comprendre : tout le temps !
Selon une publication de l’Inserm (2022), les couches superficielles des vernis et des scellants dentaires peuvent relarguer des doses significatives de BPA, un perturbateur endocrinien avéré, sans parler de l’altération de développement des dents et de l’émail. Les effets délétères du bisphénol A (BPA) et des phtalates, en particulier le di(2-éthylhexyl)phtalate (DEHP), sont désormais bien établis dans la littérature médicale.
Des études expérimentales chez l’animal ont mis en évidence leurs impacts spécifiques sur la minéralisation dentaire. Notamment, une exposition chronique à de faibles doses de DEHP chez la souris induit des anomalies de l’émail, avec une hypominéralisation plus marquée chez les mâles.
Chez l’être humain, le BPA a été associé à un trouble du développement de l’émail (l’hypominéralisation molaire-incisive pour les plus techniques), qui affecte jusqu’à 15 % des enfants âgés de 6 à 8 ans, selon l’Inserm, la pathologie se manifeste par des dents plus fragiles, sensibles, et sujettes aux caries précoces. Forcément, l’étude met en évidence un lien entre l’exposition prénatale ou postnatale précoce au BPA et l’altération des gènes impliqués dans la formation de l’émail.
Il est donc fondamental de ne pas retarder ou éviter les soins chez l’enfant, mais de s’assurer que ceux-ci soient réalisés avec les matériaux les plus sûrs disponibles, tout en renforçant la prévention (alimentation, hygiène bucco-dentaire) pour limiter la nécessité de restaurations invasives.

Au-delà du domaine bucco-dentaire, ces perturbateurs endocriniens sont aussi suspectés de contribuer à un large éventail de pathologies. Diverses sources toxicologiques issues de plusieurs études suggèrent une implication du BPA et des phtalates dans l’infertilité, les cancers hormono-dépendants (sein, prostate), l’obésité infantile et les troubles neurodéveloppementaux, notamment les troubles du spectre autistique (TSA) et le déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH)
Un problème environnemental majeur
En dehors de ses effets sur les animaux humains, tout le vivant est là encore impacté. Les soins dentaires modernes, en particulier les actes de finition, de polissage et de retrait de matériaux composites ou prothétiques, génèrent une quantité significative de microplastiques et de nanoplastiques. Ces particules sont issues de matériaux synthétiques comme les résines composites, largement utilisées en dentisterie restauratrice. Une fois produites, elles sont partiellement aspirées par les systèmes de succion dentaire, puis dirigées vers les eaux usées sans dispositif de filtration spécifiquement conçu pour les retenir.
Selon l’étude publiée sur ScienceDirect, les stations d’épuration classiques ne parviennent à éliminer qu’une fraction de ces micro et nanoparticules plastiques. L’étude souligne surtout que les traitements des eaux usées sont inefficaces face aux plus petites tailles de particules (inférieures à 10 µm), lesquelles traversent les systèmes de filtration et se retrouvent dans les milieux aquatiques et terrestres.
L’étude appelle ainsi à une meilleure gestion des déchets et à des protocoles de protection renforcés, bien que, in fine tout se retrouve dans des décharges à ciel ouvert.
Quid des brosses à dents ?

Outre les soins chez un dentiste ou orthodontiste, les brosses à dents, les fils dentaires, dentifrices (et certains chewing-gums) contiennent également des microplastiques en quantité importante. Ainsi, de nombreux produits d’hygiène bucco-dentaire contiennent des microparticules de polyéthylène ou de polypropylène, ajoutées pour améliorer la texture ou l’efficacité nettoyante, qui sont directement ingérés et/ou rejetés dans des proportions variables dans l’environnement lors du brossage ou du rinçage.
Ces particules, du fait de leur stabilité chimique et de leur faible biodégradabilité, s’accumulent dans les rivières, les sols, les sédiments marins et même dans les organismes vivants, contribuant à la contamination de la chaîne alimentaire. Leur présence a été documentée dans les moules, poissons, crustacés et jusqu’à l’organisme humain (placenta, poumons), avec des effets potentiels encore à l’étude sur la santé publique.
Une réglementation encore insuffisante
L’Union européenne a interdit le bisphénol A (BPA) dans les biberons et certains jouets, mais son utilisation dans les matériaux dentaires reste autorisée, à condition de respecter des seuils d’exposition jugés « sans danger ». Or, plusieurs études (Inserm, 2022) montrent que les perturbateurs endocriniens peuvent agir à des doses bien inférieures à ces seuils, et que l’exposition chronique, même faible, pose un risque sanitaire réel.
Concernant les microplastiques, la réglementation européenne prévoit une interdiction progressive de leur ajout intentionnel dans les cosmétiques, mais exclut encore les matériaux dentaires et chewing-gums, laissant un vide réglementaire notable.
Les mesures actuelles reposent surtout sur l’information des professionnels et des patients, l’incitation à utiliser des matériaux sans BPA ni phtalates, et la mise en place de systèmes de filtration des eaux usées dentaires.
Cependant, ces initiatives restent limitées, manquent de cadres contraignants et peinent à se généraliser, en raison de coûts et d’enjeux techniques non résolus. Certaines initiatives développent des prothèses plastic-free, mais leur adoption reste freinée par des coûts élevés et des performances encore perfectibles.
Loin de nous l’idée de remettre en cause l’expertise des dentistes ou la nécessité des soins : ce sont des piliers de la médecine préventive. Mais comme dans d’autres domaines de la santé, une réflexion globale s’impose sur les pratiques, les matériaux et leur impact à long terme, pour faire émerger une dentisterie réellement biocompatible, durable et transparente.
En attendant une réglementation plus ferme et des innovations matérielles, chacun peut à son échelle faire des choix éclairés : interroger son praticien sur les matériaux utilisés, demander des alternatives sans BPA si disponibles, maintenir une hygiène rigoureuse pour prévenir les soins évitables, et participer à une transition vers une dentisterie plus durable, sans compromettre sa santé. Libre aussi à vous de privilégier les dentifrices sans plastique, par exemple.
– Maureen Damman
Photo de couverture de Nate Johnston sur Unsplash
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L’argent, véritable architecte du paysage politique
Mr M.
En politique, l’argent prend une place de plus en plus importante, à l’image des élections américaines de 2024 qui auront coûté plus de deux milliards de dollars en frais de campagne. De fait, loin des idéaux démocratique où les idées priment, un petit parti sans budget n’a en réalité aucune chance de l’emporter, tant le […]
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En politique, l’argent prend une place de plus en plus importante, à l’image des élections américaines de 2024 qui auront coûté plus de deux milliards de dollars en frais de campagne. De fait, loin des idéaux démocratique où les idées priment, un petit parti sans budget n’a en réalité aucune chance de l’emporter, tant le poids des lobbies et des médias de milliardaires reste prépondérant. Un véritable problème institutionnel qu’il est crucial d’exposer.
Il s’agit d’une cruelle réalité, mais sans financements massifs, il est aujourd’hui devenu impossible d’accéder au pouvoir dans la plupart des régimes dits « représentatifs » du monde.
Dans ce système, les puissances de l’argent donnent le tempo du débat public et font tout pour maintenir un statu quo qui va dans le sens de leurs intérêts économiques et idéologiques. Il serait pourtant envisageable de s’attaquer à ce problème en mettant en place quelques dispositifs de contrôles démocratiques.
Un système sous perfusion
Les sommes levées pour les campagnes électorales aux États-Unis représentent sans doute le plus grand symbole de systèmes politiques malades où l’argent a balayé toute possibilité démocratique. Le dernier scrutin dans le pays de l’oncle Sam a ainsi de nouveau battu des records, puisque Kamala Harris et Donald Trump ont respectivement reçu 1,65 et 1,09 milliard de dollars pour leur campagne.
Cette situation économique explique d’ailleurs en grande partie pourquoi aucun autre parti que les deux mastodontes (Républicains et Démocrates) n’arrive véritablement à émerger outre-Atlantique.
« En France, depuis 1995, le candidat qui a emporté les élections présidentielles disposait toujours du plus gros budget »
En France, ce point précis n’a pas encore atteint une telle démesure, mais le système n’en reste pas moins verrouillé par un problème de même nature. Depuis 1995, le candidat qui a emporté les élections présidentielles disposait toujours du plus gros budget (sauf en 2012, où François Hollande n’avait que le second). À l’inverse, les postulants aux petits financements végètent bien souvent en queue de peloton.
Il ne faut cependant pas non plus simplifier la situation au point d’affirmer qu’il s’agirait du seul critère ; on a également vu certains candidats avec un soutien pécuniaire important avoir des résultats désastreux comme Benoît Hamon en 2017 ou Valérie Pécresse et Anne Hidalgo en 2022. D’autres ont parfois réussi à faire de jolies percées en comparaison de leurs faibles moyens, comme Olivier Besancenot en 2007 ou Jean Lassalle en 2022, sans pour autant s’approcher du second tour.
L’emprise immense des médias
Malgré tout, au-delà des campagnes électorales, les puissances de l’argent disposent d’autres leviers pour influer sur les résultats des scrutins. Le plus redoutable d’entre eux reste sans aucun doute celui des médias de masse.
De fait, ce n’est pas pour rien si la grande majorité d’entre eux a été rachetée par des milliardaires. Pour les plus aisés, peser sur l’opinion demeure une absolue nécessité. En faisant triompher un candidat dont les idées iraient dans le sens de leurs intérêts, ils sont ainsi sûrs de voir leurs affaires prospérer.
À ce titre, la campagne électorale de 2017 représente sans doute le meilleur exemple. En effet, à l’époque, le parti pris était quasi unanime pour Emmanuel Macron. Un phénomène qui expliquait d’ailleurs pourquoi un quasi-inconnu du grand public avait réussi à atteindre le poste suprême en seulement quelques mois.
Les lobbies aux manettes
En plus des scrutins, les sociétés du monde entier sont également sous l’influence de puissants lobbies privés. Avec le même rôle que les médias, ces derniers pèsent de tous leurs poids sur les citoyens, mais surtout au sein des milieux politiques.
« pour un unique député européen, il existerait dix lobbyistes ».
Ainsi, les grandes entreprises investissent des fortunes sur des individus dont la seule charge est de faire pression sur les élus. Au parlement européen, où de nombreuses normes sont mises en place, ce phénomène est particulièrement présent. Selon une étude, plus de 5800 lobbies ont dépensé près d’un milliard d’euros dans ce but. On estime dès lors que pour un unique député européen, il existerait dix lobbyistes.
L’extrême droite elle aussi dans la danse
Que les grandes fortunes défendent leurs finances en œuvrant à ce que le camp du libéralisme triomphe toujours des élections apparaît comme une absolue évidence. Mais leur volonté d’imposer leurs propres règles ne se limite pas nécessairement à l’économie.
C’est ainsi que les milliardaires Vincent Bolloré et Pierre-Edouard Stérin, tous deux catholiques intégristes, s’emploient également depuis plusieurs années à faire infuser leurs idées d’extrême droite dans la société. Une façon de concilier leurs intérêts pécuniaires avec leurs convictions philosophiques. Aux États-Unis, Elon Musk a œuvré de la même manière auprès de Donald Trump, en particulier grâce au réseau Twitter qu’il a racheté et rebaptisé X.
Un système pyramidal antidémocratique
Avec cette situation, on ne peut décemment pas espérer la mise en place d’une véritable démocratie qui présupposerait une information libre et plurielle et des moyens d’expression équitables pour tous. De fait, nos institutions ont tout d’une ploutocratie.
À l’opposé, tout citoyen ou parti politique qui défendrait des idées à l’inverse des intérêts de la classe économique ne pourra pas compter sur le soutien des grandes fortunes ni des médias qu’elles détiennent. Pour avoir une chance d’accéder au pouvoir, ce type de mouvement devrait se structurer collectivement et parvenir à contrer la diabolisation souvent exercée par les éditorialistes des grandes chaînes TV. Un phénomène qui peut par exemple expliquer pourquoi la révolte des Gilets Jaunes n’a pas réussi à faire tomber la Macronie.
Les sommes nécessaires pour mener des campagnes électorales efficaces obligent d’ailleurs bien souvent les partis à emprunter de l’argent à des banques privées. Or, en étant contraints de procéder ainsi, les candidats remettent leur sort entre les mains de la finance envers qui ils peuvent se sentir redevables, ce qui peut poser des soucis d’indépendance.
De même, le fait qu’une banque puisse refuser de prêter des fonds à un parti soit parce qu’elle ne souhaite pas être associée à son image, soit parce que sa ligne politique va à l’encontre des ses intérêts, peut aussi se révéler extrêmement problématique.
La difficulté du système électoral
Pour s’extraire de cette situation, il conviendrait sans doute de modifier profondément les institutions en s’émancipant en premier lieu du système électoral actuel, véritable poison antidémocratique.
Devoir convaincre les citoyens de remettre leur pouvoir entre les mains d’élus coûtera nécessairement des sommes d’argent colossales. Il existe certes des financements publics pour les campagnes, mais ils maintiennent en grande partie l’ordre établi puisqu’ils dépendent des résultats des formations en lice.
Les partis sous influence
Le fait que les partis politiques soient autant dépendants de leurs résultats d’un point de vue financier représente déjà un immense problème concernant la sincérité de leur comportement et du scrutin. Certains aspireront ainsi à sauver leur appareil ou leur poste plutôt que défendre le bien commun.
La professionnalisation des politiciens est d’ailleurs elle aussi une question épineuse de ce point de vue. Un élu qui cherche à conserver sa place n’agira sans doute pas de la même façon que quelqu’un qui serait limité à un seul mandat. De même, les indemnités et les avantages économiques très importants des gouvernants ont de quoi attirer des membres de la bourgeoisie vers ces positions.
En abaissant ces revenus, on aurait pourtant des élus plus proches du peuple d’un point de vue financier. Un procédé qui impliquerait cependant de raffermir de manière drastique la lutte contre la corruption, notamment en augmentant la transparence et les processus de contrôle.
La démocratie comme antidote ?
En définitive, ce sont bien des mécanismes démocratiques qui pourraient permettre de se libérer des forces de l’argent.
Le tirage au sort représenterait par exemple une solution intéressante. En confisquant le pouvoir aux élus et en le confiant à des citoyens qui n’auront mené aucune campagne, l’aspect pécuniaire aura nécessairement beaucoup moins d’influence. Lorsque l’on est choisi par le hasard, il est par ailleurs plus probable que l’on ne soit pas en quête d’un poste pour de mauvaises raisons, et notamment financières.
Évidemment, pour en arriver à un système efficace de ce point de vue, il faudrait également mieux sensibiliser l’ensemble de la population à la vie politique, mettre à terre les lobbies et surtout sortir les médias du monopole des milliardaires en imposant un réel pluralisme (la réduction du temps de travail serait aussi un prérequis pour donner aux gens les moyens de redevenir citoyens impliqués).
Des solutions qui nécessiteraient sans doute que l’État investisse dans des organismes de contrôle et que les citoyens puissent avoir leur mot à dire (RIC, conventions citoyennes, etc.) afin d’alléger la puissance des représentants. Un moindre mal pour s’écarter définitivement de ce modèle de financement qui empêche l’avènement d’une véritable démocratie.
– Simon Verdière
Image d’entête @Zdead____artist/Unsplash
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Étude : Vivre en bord de mer augmente l’espérance de vie
Lisa Guinot
Selon une récente étude américaine, vivre proche du littoral serait bénéfique pour notre santé, allant jusqu’à augmenter notre espérance de vie. Résumé. Le lieu où nous vivons peut avoir de nombreux impacts sur notre santé. En ville, nous sommes souvent piétons, mais confrontés à la pollution, la surpopulation, au manque de nature et au stress. […]
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Selon une récente étude américaine, vivre proche du littoral serait bénéfique pour notre santé, allant jusqu’à augmenter notre espérance de vie. Résumé.
Le lieu où nous vivons peut avoir de nombreux impacts sur notre santé. En ville, nous sommes souvent piétons, mais confrontés à la pollution, la surpopulation, au manque de nature et au stress. Tandis qu’en montagne ou en campagne, la vie est souvent plus paisible, moins anonyme et l’air plus pur, mais les distances y sont aussi plus contraignantes, isolent parfois et rendent davantage dépendants de la voiture. Or, qu’en est-il du bord de mer ?

L’eau et l’horizon : des vertus apaisantes
Selon une étude américaine menée par des chercheurs de l’université d’État de l’Ohio, publiée le 29 mai 2025 dans la revue Environmental Research, vivre au bord de la mer augmenterait notre espérance de vie.
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont comparé la longévité des personnes qui vivent au bord de la mer à celle des habitants situés près des eaux intérieures comme les rivières, les lacs et les ruisseaux. Ces données ont été collectées entre 2010 et 2015 dans 66 263 secteurs des États-Unis. Les informations des chercheurs ont ensuite été complétées avec plusieurs autres sources nationales.
“La proximité des eaux côtières est positivement associée à l’espérance de vie”, ont affirmé les chercheurs de l’étude, d’après des propos rapportés par 20 Minutes.
Selon Fréquence Médicale, plusieurs critères ont été pris en compte pour mener cette étude, comme “la proximité avec les eaux côtières (à 0,20 ou 50 kilomètres), la présence d’eaux intérieures situées à moins de 10 ou 20 kilomètres carrés du lieu de vie, la pollution atmosphérique,les caractéristiques du terrain (relief, altitude, accessibilité…), les températures, la sécheresse, ou encore [et surtout] des données socio-économiques, comme les revenus et les informations démographiques”.
Les avantages de la vie en bord de mer
Mais alors pourquoi vit-on plus longtemps quand on est installé au bord de la mer ? Selon l’étude, ces habitants bénéficient d’un climat plus doux et sont moins victimes des températures extrêmes, des épisodes de sécheresse et des canicules.
La qualité de l’air est également meilleure au bord de la mer qu’en ville. Comme le précise Futura Sciences, l’air marin est plus riche en oxygène et moins chargé en dioxyde de carbone. Ainsi, il est plus pur que l’air urbain, qui contient beaucoup plus de polluants et de particules en suspension, nocifs pour notre santé.

Le bord de mer : un privilège de classe
Toutefois, cette étude précise que les personnes qui vivent en bord de mer ont généralement des revenus plus élevés. Or, selon une étude publiée par l’Insee en 2018, le niveau des revenus a une influence sur l’espérance de vie. En France, parmi les 5% des habitants les plus riches, l’espérance de vie des hommes à la naissance est estimée à 84,4 ans. A contrario, parmi les 5% d’habitants plus pauvres, l’espérance de vie est de 71,1 ans, soit un écart significatif de 13 ans.

Mais ce n’est pas tout. Les personnes qui vivent en bord de mer bénéficient d’infrastructures plus développées, notamment stimulés par la présence de tourisme et un paysage plus plat : un accès facilité aux loisirs et des transports plus accessibles. Cette mobilité leur permet ainsi de rejoindre plus facilement des pôles de soin et santé.
“Les habitants bénéficient d’un meilleur accès aux loisirs, comme les plages et les plans d’eau plus vastes, ainsi que d’une meilleure accessibilité aux transports grâce à un terrain plat et à des routes moins accidentées”, ont précisé les auteurs de l’étude.
Ainsi, bien que la mer améliore l’espérance de vie à travers des critères environnementaux, l’étude souligne que cet écosystème attire inversement des personnes dont la santé est déjà avantagée par le statut social. Autrement dit : le bord de mer préserve notre santé, mais les individus à la santé préservée sont attirés par le bord de mer.
Cette réalité questionne autant la détérioration irréversible de milieux naturels qui nous sont vitaux, que l’auto-perpétuation des privilèges de classe.
– Lisa Guinot
Photo d’entête LifeGuard @Unsplash
The post Étude : Vivre en bord de mer augmente l’espérance de vie first appeared on Mr Mondialisation.13.08.2025 à 03:39
L’IA générative : ultime bras armé de la désinformation
Maureen Damman
Les algorithmes génératifs choisissent à votre place le contenu que vous allez voir, mais ils servent aussi à générer directement de la désinformation. Point de vigilance. Avant les boomerstraps, il y avait déjà les deepfakes. Des d’anglicismes pour parler des dérives de l’Intelligence artificielle, souvent sous forme de fausses vidéos à caractères politiques. Discours d’Emmanuel […]
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Les algorithmes génératifs choisissent à votre place le contenu que vous allez voir, mais ils servent aussi à générer directement de la désinformation. Point de vigilance.
Avant les boomerstraps, il y avait déjà les deepfakes. Des d’anglicismes pour parler des dérives de l’Intelligence artificielle, souvent sous forme de fausses vidéos à caractères politiques.
Discours d’Emmanuel Macron annonçant sa démission, deepfake de l’ex-président américain Joe Biden conseillant aux électeurs de ne pas voter, ou faux comptes d’influenceurs… Le champ des possibles de ce nouvel outil n’est pas seulement fascinant, c’est une véritable menace à l’intégrité de l’information, déjà mise à mal par le monopole des médias par une poignée de milliardaires.
Les algorithmes génératifs : bras armé de la désinformation ?
« Ce n’est pas de la science-fiction, ça se passe en ce moment«
« Ce n’est pas de la science-fiction, ça se passe en ce moment« , prévient Lê Nguyên Hoang, spécialiste en éthique des Intelligences Artificielles (IA) dans une tribune pour TV5 monde.

L’Intelligence artificielle a fait exploser la capacité de manipulation de l’opinion publique, non seulement à travers les deepfakes de leaders politiques qu’on ne compte plus, mais aussi à travers le business juteux des faux comptes d’influenceurs, comme l’influenceuse virtuelle Lil Miquela sur Instagram et le compte TikTok d’Amandine Le Pen, une fausse nièce de Marine Le Pen.
Donald Trump, ouvrant toujours plus large la fenêtre d’Overton du populisme et du fascisme, est allé jusqu’à utiliser lui-même des images générées par IA de Taylor Swift et de ses fans à des fins politiques.
“Soyons rationnel, il faut croire en l’IA”
Il n’est pas rare d’entendre cette phrase au détour d’une conversation. Elle met en avant les mérites de l’IA dans le progrès et l’évolution de la civilisation humaine, comme dans la nouvelle de l’auteur de Science-Fiction Isaac Asimov La machine qui gagna la guerre, où toute décision et vérité sont émises par la superintelligence Multivac. Un moyen fantasmé d’atteindre le paroxysme de la servitude volontaire, concept de La Boétie décrivant notre tendance paradoxale à céder nos droits et pouvoirs à autrui – ici la machine – pour éviter le fardeau des choix politiques, au prix de notre liberté.
« 1,254 sites d’information et d’actualité générés par l’IA et gérés avec peu voire pas de supervision humaine »
En pratique toutefois, concéder notre confiance aveuglément est hautement risqué : une enquête de Newsguard a identifié à ce jour 1,254 sites d’information et d’actualité générés par l’IA et gérés avec peu voire pas de supervision humaine, incluant ainsi plus facilement de fausses informations.

L’IA ment mieux que l’humain
Pire, en plus d’être propice à faire circuler des fakenews de façon rapide et étendue, l’IA le fait plus efficacement que l’être humain. Une étude de l’Université de Zurich a montré que les faux tweets générés par GPT-3 étaient plus susceptibles d’être crus que ceux rédigés par des humains. Les participants étaient ainsi 3 % moins enclins à croire les faux tweets rédigés par des humains que ceux générés par GPT-328.
Les tweets contenant de fausses informations générés par GPT-3 étaient plus efficaces pour tromper les lecteurs que les tweets organiques contenant de la désinformation et les humains ne pouvaient pas distinguer de manière fiable entre les tweets créés par GPT-3 et ceux écrits par de vrais utilisateurs de Twitter, un peu comme un test de Turing inversé.
Et les géants de l’IA s’y sont mis à fond, créant des réseaux antagonistes génératifs (GAN), développés initialement par Ian Goodfellow, et permettant aujourd’hui de produire des deepfakes d’un réalisme saisissant. Ces vidéos truquées inondent les réseaux sociaux à une vitesse alarmante. L’exemple du deepfake de Barack Obama en 2018 déjà, visionné près de 3 millions de fois, illustre le potentiel destructeur de cette technologie.
IA génératives : guerre froide 3.0 ?
Évidemment, le conflit États-Unis-Russie-Chine vient ternir ce tableau déjà bien sombre : Le groupe russe Doppelganger, par exemple, déploie des techniques d’obscurcissement de texte pour contourner les systèmes de détection des deepfake utilisé par les réseaux sociaux. Or, comme l’affirme l’AFP, l’utilisation de l’IA dans les campagnes de propagande politique permet de produire un grand volume de contenu rapidement et de manière convaincante, rendant la désinformation plus difficile à détecter et à contrer.
L’IA contre l’IA : fausse bonne idée ?
Alors que les technologies d’IA générative continuent de progresser, la société doit urgemment trouver des moyens de distinguer le vrai du faux dans ce nouveau paysage informationnel. L’éducation aux médias et le développement de solutions technologiques robustes apparaissent plus que jamais comme des priorités pour préserver l’intégrité de notre espace informationnel.
Certains défendent ainsi la thèse suivante : il faut se servir de l’IA comme d’un bouclier high-tech contre la désinformation, avec des algorithmes de pointe, capables de disséquer le langage et de décortiquer les images en millisecondes, redéfinissent les frontières du fact-checking. « Nous assistons à une véritable révolution dans la vérification de l’information« , affirme le Dr. Elena Kovacs, directrice du Centre pour l’Intégrité Numérique, qui ajoute que « l’IA peut désormais détecter des nuances subtiles que l’œil humain pourrait manquer. »
Cependant, cette “avancée” soulève des interrogations. Le professeur Jean-Paul Durand, éthicien des médias, met en garde :
« Si l’IA est un outil puissant, elle ne doit pas remplacer le jugement humain. Le risque de créer une ‘bulle de filtrage’ algorithmique est réel.«
Mais n’y sommes-nous pas déjà, dans cette époque de scission entre les peuples à causes des bulles de filtrage ? Est-on en train de résoudre un problème par un problème ?
Sommet de l’IA : entre besoin de coopération et financements privés !
En attendant, il y a peu se déroulait le sommet de l’Intelligence artificielle du 6 au 11 février 2025 à Paris. À cette occasion d’ailleurs, le besoin d’une technologie plus frugale a été largement occulté. Pourtant, c’est également un enjeu majeur, puisque « Les centres de données (data centers) liés à l’IA et aux crypto-monnaies ont consommé près de 460 TWh (460×1012 Wh) d’électricité en 2022, soit environ 2% de la production mondiale. De nombreux experts s’accordent à dire que ce pourcentage aura vraisemblablement doublé d’ici 2026 ».
Tandis que Macron y présentait sa dernière levée de fonds “pour des projets de développement de l’IA ” : 109 milliards d’euros d’investissements, essentiellement étrangers – avec comme investisseurs l’Arabie saoudite – une table ronde spécifique a été consacrée à l’utilisation de l’IA pour “protéger les démocraties contre les cyberattaques et la manipulation de l’information”.
La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a participé activement au sommet pour promouvoir une IA respectueuse des droits fondamentaux, en mettant l’accent sur la transparence et la protection des données.
“Les Big Tech [ndlr : les géants de la tech ou GAFAM] ont une grosse responsabilité sur ces sujets «
souligne la présidente du CNIL, Marie-Laure Denis, dont l’institution a publié en avril ses premières recommandations sur l’IA. Ces entreprises doivent être particulièrement transparentes au sujet des données qu’elles utilisent afin que les utilisateurs puissent avoir confiance.”
Sans surprise, le sommet a également exploré l’utilisation de l’IA elle-même comme outil de lutte contre la désinformation, notamment pour la détection automatisée des faux contenus et le fact-checking automatisé. L’importance de l’éducation aux médias et de la sensibilisation du public aux risques de la désinformation a été soulignée, mais rien de concret n’a été avancé.
Edgars Rinkevics, le président de la Lettonie, rappelle l’enjeu premier de cette réunion : “ Lors du prochain cycle d’élections, l’IA ne sera pas seulement utilisée pour créer des deepfakes, mais pour analyser des comportements politiques des citoyens.”.
Quant à Meredith Whittaker, présidente de Signal, qui milite pour les technologies open source, elle prend le contre-pied en demandant qui, dans la salle, a entendu parler de Recall, un programme développé par Microsoft, permettant de mémoriser l’activité d’un appareil en prenant des captures d’écran toutes les cinq secondes. Seules quelques mains se lèvent.
“ Nous avons désespérément besoin de davantage de coopération sur l’IA, assure Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE, qui a lancé une plateforme sur le sujet. Nous faisons face chaque jour à de nouveaux risques, les gouvernements doivent travailler avec des plateformes de confiance, qui ont la connaissance de ces sujets, et nous avons besoin d’une gouvernance globale et cohérente qui cessent de nier le droit citoyen à une information rigoureuse.
À défaut d’en être là, et pendant que de grands journaux licencient leur rédaction au profit de l’IA, de nombreux médias indépendants (comme ici chez Mr Mondialisation) affirment des positions fortes et des lignes éditoriales de plus en plus claires contre l’usage de cet outil dans leur contenu journalistique, permettant a minima à l’internaute de s’abonner à un flux plus fiable d’information.
– Maureen Damman
Image d’entête @Budiey/Flickr
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