27.06.2025 à 17:56
Le spectacle de la droite.
aplutsoc
Texte intégral (1177 mots)
Pierre-Édouard Stérin milliardaire, patriote identitaire proclamé et néanmoins exilé fiscal en Belgique, a un plan pour permettre à ses amis de l’extrême droite, RN, Reconquête et de la droite extrême, Retailleau, Ciotti, de confisquer le débat public en France. Si la question de gagner, préoccupait les partis du NFP autant que l’extrême droite s’en préoccupe, on serait moins inquiets. Pour l’heure, sous l’égide de PERICLES (acronyme de Patriotes Enracinés Résistants Identitaires Chrétiens Libéraux Européens Souverainistes), c’est 150 millions d’euros que Pierre-Édouard Stérin a prévu de dépenser pour réaliser l’union des droites les plus réactionnaires et permettre leur victoire électorale.
A commencer par les municipales de 2026 pour lesquelles PERICLES prévoit la formation des candidats identifiés comme partenaires, ceux du Rassemblement National et du Parti Républicain. Un tel activisme et un aussi beau projet de financement dénoncés dans l’Humanité dés juillet 2024 a fini par intéresser les députés qui ont souhaité entendre Pierre-Édouard Stérin sur « l’organisation des élections en France ». Stérin refusa une première fois le 14 mai d’être entendu par la commission d’enquête parlementaire, puis le 20 mai il a signifié de nouveau qu’il ne se déplacerait pas. Après avoir déclaré que « Rien ne justifie que M.Stérin se place au-dessus des lois de la République » , le président de la commission d’enquête Thomas Cazenave, député de Gironde, a annoncé que la justice serait saisie.
P-E Stérin, le roi des coffrets Smartbox, était plus disponible pour organiser « le sommet des libertés » le 24 juin au Casino de Paris avec son ami Bolloré, réalisant ainsi une coproduction PERICLES-Journal Du Dimanche (JDD) dont les invités vedettes étaient Bardella, E. Ciotti, Sarah Knafo, Marion Maréchal et quelques élus LR. Retailleau était excusé, il préfère traiter avec P-E Stérin en privé place Beauvau, dans les salons du ministère.
S’il faut en dire davantage pour comprendre à quel point est mensongère l’étiquette « apolitique » apposée par ces messieurs sur l’affiche de leur spectacle « Murmures de la cité », on rappellera que c’est par la grève que la rédaction de Marianne s’est opposée en juin 2024 au rachat du magazine par une entreprise partisane au service de l’extrême droite qui leur est apparue incompatible avec leur indépendance éditoriale. Face à la volonté des salariés le rachat du titre par M. Stérin a échoué.
PERICLES est une arme de la bataille politico-culturelle que Pierre-Édouard Stérin veut livrer à ses adversaires au premier rang desquels on trouve les femmes qui défendent leurs droits, les immigrés, les syndicalistes.
Pierre-Édouard Stérin a de gros moyens ; en fait sa fortune dépasse le milliard. De 400 millions ! Elle est placée dans plusieurs fonds (Fonds du bien commun, Otium capital Periclès…). Mais cela ne l’empêche nullement de convoiter l’argent public, l’argent des impôts qu’il s’est organisé pour ne pas payer en France.
« Murmures de la cité », le spectacle monté à Moulins dans l’Allier est un exemple de cette voracité à s’emparer, pour son projet politique nauséabond, des subventions publiques que ses amis politiques refusent ailleurs à la culture. Une mise en scène du récit national à prétention historique sert de prétexte à la chasse aux subventions.
Mais le pire est à venir : il est fort à craindre que les sommes accordées par des collectivités locales aux entreprises de M. Stérin comme « Murmures de la cité » servent à faire déferler sur l’Allier, toute l’extrême droite de France qui prépare son rassemblement sous couvert de spectacle, à Moulins le 11 juillet. Déjà des menaces ont été proférées à l’encontre d’une responsable de l’office de tourisme, attaquée en tant que femme (« la donzelle » !). Et des responsables départementaux de la FSU, notre camarade Vincent Présumey, et de la CGT, Laurent Indrusiak, ont aussi fait l’objet de menaces de mort sur des sites fascistes.
Nous voyons clair dans le projet de l’extrême droite, elle s’en prend le plus directement à ceux qui combattent pour un front unique contre l’axe Le Pen-Stérin-Retailleau, faible déclinaison française de l’axe fasciste qui réunit les réactionnaires de tous les pays derrière Trump et Poutine. C’est pour cela que nous encourageons à ne laisser aucune menace sans dépôt de plainte, aucune agression sans réaction. Cela est un appel à tous les partisans de la démocratie pour qu’ils s’organisent et que le fascisme ne passe pas.
Le 27/06/2025.


Plus de 150 personnes réunies à Moulins vendredi 27 contre Stérin, Murmures, Zita and co.


27.06.2025 à 10:56
Le 27 juin 1905, il y a 120 ans en Russie… Mutinerie du cuirassé Potemkine.
aplutsoc
Texte intégral (1579 mots)
D ans l’histoire du mouvement ouvrier, la révolution de 1917 en Russie a éclipsé celle de 1905. Pourtant qui a oublié les figures des mutins du cuirassé Potemkine dont les images du film d’Eisenstein rappellent le souvenir, le « Dimanche Rouge » à Saint-Pétersbourg, l’émergence des premiers soviets ?
L’Empire russe de 1905, c’est 22,9 millions de km2, 150 millions d’habitants. Cependant, si la Russie restait un pays essentiellement paysan et arriéré, les forces motrices de la Révolution russe étaient en fermentation, de la classe capitaliste aspirant à la démocratie bourgeoise face à l’autocratie des Romanov, à ces 3 millions de prolétaires industriels qui à eux seuls produisaient la moitié au moins du revenu annuel du pays et vivaient dans des conditions infernales pour des salaires de misère.
La paysannerie à peine sortie du servage en 1861, aspirait quant à elle à une vaste réforme agraire ; mais si la classe paysanne est dispersée sur tout le territoire, le prolétariat est mobilisé en grande masse dans les centres industriels.
Lorsque Nicolas II déclare la guerre au Japon en février 1904, un air d’insouciance flotte sur la cour du Tsar ! Après les manifestations patriotiques vint la stupeur de la défaite, de l’humiliation, la colère des masses. La période de « Printemps » gouvernemental, époque de tentative du rapprochement entre le pouvoir et le peuple en cette fin de 1904 a fait faillite, rien ne semblait changer dans l’Empire russe !
Le 9 janvier 1905
« Souverain, nous, les ouvriers, nos enfants, nos femmes et nos vieillards débiles, nos parents, nous sommes venus vers toi, souverain, pour demander justice et protection… ». La pétition que les ouvriers de Saint-Pétersbourg adressent au Tsar, en procession derrière le Pope Gapone, des icônes, des portraits de l’empereur, c’est bien une supplique, qui énumérait toutes les doléances, de l’amnistie des prisonniers politiques aux libertés publiques et à la journée de 8 heures, elle avait aussi un esprit de classe : le droit de grève était exigé !
La manifestation historique du 9 janvier, ce fut un chef, un prêtre en soutane, menant le peuple vers le Palais d’Hiver. Mais le véritable acteur, c’était le prolétariat.
La répression impitoyable du général Trepov, les centaines de morts, les milliers de blessés du Dimanche Rouge, eut une influence radicale sur le prolétariat de toute la Russie. Pendant deux mois, les grèves secouèrent l’Empire, des mines du Donetz aux compagnies de chemins de fer, dans plus de 12 villes. En février 1905, Trotsky écrivait qu’« après le 9 janvier, la révolution ne connaitra pas d’arrêt »… « La force principale de cette troupe immense est constituée par le prolétariat ; voilà pourquoi la révolution procède à l’appel de ses soldats par la grève ».
La vague révolutionnaire consécutive aux événements de janvier 1905 balaya l’ensemble de la Russie pour battre son plein en octobre et décembre 1905. Le « Dimanche sanglant », loin d’affecter le seul mouvement ouvrier, déclencha immédiatement, dans toutes les catégories sociales, une poussée de fièvre politique. Mais ce fut la vague de grèves qui constitua l’élément dynamique le plus vigoureux de la révolution de 1905, vérifiant ainsi la formule de Rosa Luxemburg, « L’Histoire de la grève de masse en Russie se confond avec l’histoire de la révolution ».
Si le premier soviet de la révolution russe fut fondé vers la mi-mai à Ivanovo – Voznesenk, centre textile de la région de Moscou, la « Manchester russe », la grève générale d’octobre 1905 engendra un organe dont l’influence s’étendit dans la Russie entière, l’organe de direction de la révolution ouvrière : le Conseil des députés ouvriers de Saint-Pétersbourg.
Les soviets, héritiers politiques des conseils de la Commune de Paris, étaient les organes d’auto-administration prolétarienne et l’expression démocratique des ouvriers. L’élection des députés au soviet reste un symbole unique et premier de démocratie directe et ouvrière à la base. Elle se faisait à main levée en Assemblée Générale, dans les fabriques, et les députés étaient révocables à tout moment. Cela donnait l’impression aux travailleurs de participer réellement aux activités du soviet qu’ils avaient mis en place. Le soviet devient immédiatement l’organisation même du prolétariat.
Des troubles apparaissaient aussi dans les campagnes, le moujik se révoltait également. Il s’installa dans les terres des propriétaires fonciers, saccageant les domaines, incendiant châteaux et propriétés. Cependant la Révolution dans le monde paysan se cantonnera à seulement 85 districts, soit 1/7ème de la Russie.
La révolution et les défaites des troupes russes ont eu une influence majeure dans l’armée. C’est ainsi que le 27 juin 1905 éclata une mutinerie dans la flotte de la Mer Noire à bord du cuirassé Potemkine. Les matelots neutralisèrent les officiers, hissèrent le drapeau rouge, et conduisirent leur bateau dans le port d’Odessa. Ils se rallièrent à la révolution. Mais incapables de gagner le reste de la flotte, isolés, ils livrèrent leur bâtiment à la Roumanie.
« Les jours de Liberté »
Pour Lénine et les bolcheviks, deux tâches possibles étaient assignées à la révolution : ou bien les choses se terminaient par une victoire sur le tsarisme au profit d’une république démocratique, ouvrant la voie au socialisme, ou bien on aboutirait à un arrangement entre le tsarisme et la bourgeoisie – une caricature de constitution aux dépens du peuple.
Au début du mois d’octobre la grève est générale à Moscou. Il aura suffi qu’un jour d’octobre elle se déclare sur la ligne de chemin de fer Moscou-Kazan pour que tous les chemins de fer de Russie cessent de fonctionner. Puis c’est au tour de la poste et des télégraphes, d’usine en usine, de ville en ville, la grève d’octobre devient générale : les étudiants, intellectuels, ingénieurs, médecins, tous s’y joignent. Le pays est paralysé.
Le 17 octobre, le tsar cède et concède sous la pression des masses et signe « Le Manifeste d’octobre » qui promet les libertés fondamentales, une Douma [parlement] législative, à l’élection de laquelle toutes les classes de la société devront participer. Il contente ainsi surtout la classe capitaliste émergente en Russie et les libéraux. Tandis qu’ils chantent la « Marseillaise », un couplet nouveau et significatif est dans la bouche du peuple : « Aux morts la liberté, aux vivants la prison » ! Déjà commence la répression policière.
« Les huit heures et un fusil »
Les revendications ouvrières n’ont pas été satisfaites par le « Manifeste d’octobre ». Les ouvriers mènent campagne pour la journée de huit heures, provoquant la haine de la presse bourgeoise.
En novembre et en décembre des régions rurales entières se soulèvent, des révoltes éclatent dans la flotte de Kronstadt à Sébastopol, elles sont toutes sévèrement réprimées par l’armée. Alors que Lénine prône l’insurrection armée, alors que le soviet des députés ouvriers de Saint-Pétersbourg, prépare l’affrontement armé, ses dirigeants dont Léon Trotsky sont arrêtés. Les consignes du gouvernement sont claires : « Pas de prisonniers », « Ne pas ménager les cartouches » !
Alors que la répression s’abat dans tout le pays, c’est à Moscou que l’insurrection armée prend corps, les révolutionnaires élevant partout des barricades. Le peuple entonne le Chant des Martyrs : « Vous êtes tombés pour tous ceux qui ont faim, tous ceux qu’on méprise et opprime… »
Du 9 au 17 décembre 1905, le prolétariat de Moscou, presque sans armes, résiste à une armée moderne et bien équipée. C’est dans le quartier de Presnia, dans ce Montmartre moscovite, que furent tirés les derniers coups de feu. Plus de mille morts et blessés, plus de 20 000 dans le pays. La contre-révolution victorieuse, arrête, juge, déporte en Sibérie des dizaines de milliers de révolutionnaires ; les militants sociaux-démocrates sont contraints de s’exiler ou d’entrer dans la clandestinité.
Une période de réaction s’abat sur l’Empire russe, c’est la terreur d’Etat ; d’ailleurs les Russes, ironiques, surnommaient les potences « les cravates de Stolypine » du nom du premier ministre.
En dépit de la défaite, la Révolution russe de 1905 a formé par l’expérience les cadres révolutionnaires. Elle a éprouvé la justesse de la tactique définie par les bolcheviks : grèves politiques de masse, organisation de soviets d’ouvriers et de paysans, mobilisation des masses en vue de l’insurrection. Lénine a pu écrire : « Sans la répétition générale de 1905, notre victoire de 1917 eut été impossible ».
Laurent Gutierrez
26.06.2025 à 10:57
Soutien à l’Ukraine Résistante – Parution du numéro 39-40 daté du 1er Juillet 2025.
aplutsoc
Texte intégral (1812 mots)
Au moment où approche pour nombre de nos lecteurs, l’heure du départ pour les congés d’été, nous attirons l’attention de ceux-ci sur la toute nouvelle édition du bulletin Soutien à l’Ukraine Résistante confectionné par les Brigades Éditoriales de Solidarité. 218 pages d’informations concentrées !
Alors que l’Axe Trump-Poutine rend la situation militaire de l’Ukraine plus difficile, c’est le moment de faire connaître toutes les facettes de la réalité ukrainienne, militaire, sociale, politique, culturelle, toutes les facettes de la lutte d’un peuple contre une agression militaire impérialiste féroce.
Alors, n’oubliez pas d’emporter dans vos bagages de vacances les liens pour lire et faire connaître cette réalité !
Pour vous inciter à découvrir et faire connaître cette publication, nous reproduisons ci après l’éditorial de Vitalyi Dudin intitulé « Qu’est-ce qui empêche la fin de la guerre ? » et le sommaire.
Cliquer sur les liens :
- Pour télécharger gratuitement le Numéro 39-40 du bulletin Soutien à l’Ukraine Résistante
- Pour retrouver toute la collection du bulletin.
Editorial du numéro 39-40 du bulletin
Qu’est-ce qui empêche la fin de la guerre ? Deux problèmes principaux. Par Vitalyi Dudin.
Malgré quelques espoirs, la guerre d’agression russe contre l’Ukraine se poursuit et se fait plus intense. Chaque jour, je vois des images épouvantables de destructions massives dans ma ville natale, Kyiv, à Kharkiv et dans d’autres magnifiques cités, qui étaient difficiles à imaginer. Ces scènes, dignes d’un film de catastrophe, font partie de notre vie quotidienne. Les endroits où nous nous promenions se transforment en cendres noires et en ruines. Pendant ce temps, les envahisseurs russes lancent de nouveaux assauts non seulement à l’est et au sud, mais aussi au nord, dans la région de Soumy.
Ici, en Ukraine, le conflit a vraiment les caractéristiques d’une guerre populaire en raison de l’ampleur de la participation de la population à l’effort de guerre : plus d’un million de personnes servent dans l’armée, un peu plus sont engagées dans les secteurs des infrastructures critiques et beaucoup d’autres sont impliquées dans des activités volontaires. Les négociations d’Istanbul cachent les plans expansionnistes de Moscou et ne pourront guère réussir (voir ci-dessous).
Mon existence même en tant que civil et en tant que militant des droits du travail a changé radicalement. Je reçois des messages de travailleurs des chemins de fer qui ont besoin d’argent pour les drones et d’autres équipements ; les proches des salariés décédés à la suite d’attaques de missiles sur leur lieu de travail me font part de leurs problèmes pour obtenir des aides sociales ; les infirmières près de la ligne de front se plaignent de ne pas recevoir les primes promises. Parfois, nous réussissons à surmonter de tels défis, mais nous voulons tous que la guerre se termine le plus rapidement possible.
Bien sûr, la résistance héroïque des défenseurs ukrainiens et les opérations spéciales étonnantes sur le territoire russe ont beaucoup contribué à affaiblir la machine de guerre du Kremlin. Mais après avoir perdu le soutien militaire américain, les chances d’une victoire stratégique de l’Ukraine se sont réduites. Les négociations d’Istanbul ont clairement montré que la position ukrainienne est désormais beaucoup plus souple pour tenter de chercher une solution pacifique (cessez-le-feu de 30 jours, par exemple). Au contraire, les exigences russes se font plus offensives et agressives. Grâce à Donald Trump, la Russie a repris l’initiative sur le champ de bataille et cela reflète une réalité objective. L’impossibilité de mettre fin à la guerre vient de la faiblesse de la position de l’Ukraine dans les négociations et elle ne peut être surmontée par une mobilisation plus importante des hommes sur le front. Alors quels sont les facteurs qui rendent l’Ukraine plus faible ?
Problème n° 1 – Le pseudo-pacifisme qui sévit parmi les forces progressistes occidentales.
Ce premier problème est extrêmement douloureux pour moi. Beaucoup de gens, dans le mouvement socialiste, ne veulent traditionnellement pas aborder des questions telles que la violence, l’État et la souveraineté. Cela les conduit à une mauvaise compréhension de la situation ukrainienne. Certains ne reconnaissent pas la nature décoloniale et anti-impérialiste de la lutte ukrainienne. Leur analyse se base sur une vision dépassée du système international où les États-Unis étaient considérés comme le seul impérialisme et où la Russie était représentée comme leur victime.
Et même si Donald Trump dit « comprendre » chaleureusement le sentiment impérialiste de Poutine, cela n’a pas changé les conclusions que tirent ces personnes qui se prétendent des intellectuels de gauche. Les régimes les plus réactionnaires de l’histoire de l’Amérique et de la Russie exercent une pression énorme sur l’Ukraine aujourd’hui, tandis que certains cherchent des arguments pour justifier qu’une nation attaquée ne mériterait pas de soutien international. Je suis curieux de savoir comment les protagonistes de la théorie de la « guerre par procuration » s’arrangeront avec le fait que l’Ukraine continue de se battre sans l’aide directe des États-Unis et même malgré des actions hostiles de la part ce pays.
Beaucoup de militants de gauche s’opposent au soutien militaire à cause de leur éthique antimilitariste. Et apportent une excuse philosophique sophistiquée afin de ne pas envoyer d’armes à un pays envahi, provoquant plus de souffrances parmi les innocents. La contradiction d’une telle posture devient particulièrement absurde lorsqu’elle est avancée par ceux qui prétendent être des révolutionnaires ou des radicaux…
Pour moi, il est évident que de tels rêveurs veulent avoir une vie tranquille à l’intérieur d’un système capitaliste sans tenter réellement de le renverser. Être contre les armes revient à se réconcilier avec le fléau de l’esclavage. Vivre sous la protection de l’OTAN et avoir peur d’une « militarisation excessive » de l’Ukraine ressemble à de l’hypocrisie.
À l’inverse : si les travailleurs ukrainiens remportent la guerre, ils se verront encouragés pour poursuivre une lutte émancipatrice pour la justice sociale. Leur énergie renforcera le mouvement ouvrier international. Expérience de la résistance armée et de l’action collective : voilà une condition préalable clé pour l’émergence des véritables mouvements sociaux qui défieront le système.
Problème n° 2 – L’incapacité de l’État ukrainien à placer les intérêts publics au-dessus des intérêts du marché.
Les élites dirigeantes en Ukraine encouragent le libre marché et le système basé sur le profit comme seul moyen possible d’organisation de l’économie. Toute idée de planification de l’État ou de nationalisation des entreprises doit, pour eux, être rejetée car faisant partie du patrimoine soviétique.
Le problème est que la version ukrainienne du capitalisme est totalement périphérique et incompatible avec la mobilisation de ressources nécessaires à l’effort de guerre. Le dogmatisme idéologique dominant place l’Ukraine dans le piège d’une économie primitive et qui dépend largement de l’aide étrangère. Nous vivons dans un pays d’hommes d’État riches et d’un État pauvre. Le gouvernement essaie de limiter sa responsabilité dans la gestion du processus économique et d’éviter d’imposer un impôt progressif élevé sur les riches et les entreprises. Cela conduit à une situation où le fardeau de la guerre est supporté par des gens ordinaires qui paient des impôts sur leurs petits salaires, qui servent dans l’armée, qui perdent leurs maisons…
Il est impossible d’imaginer qu’il y ait du chômage pendant la guerre à grande échelle. Mais en Ukraine, cela existe avec un niveau extrêmement élevé d’inactivité économique de la population ainsi qu’une pénurie incroyable de main d’œuvre. Ces carences peuvent s’expliquer par la réticence de l’État à créer des postes de travail et à l’absence de stratégie visant à impliquer massivement les gens dans l’économie dans des centres d’emploi.
Nos politiciens pensent que les dysfonctionnements historiques du marché du travail peuvent être résolus sans une ingérence active de l’État ! Malheureusement, les réformes dans le sens de la déréglementation en temps de guerre ont créé une multitude de contre-incitations qui démotivent les Ukrainiens à l’heure de chercher un emploi salarié. Voilà pourquoi la qualité de l’emploi devrait être améliorée en augmentant les salaires, avec de véritables inspections du travail et de vrais espaces de démocratie sur le lieu de travail. Seule une politique socialiste démocratique pourra ouvrir la voie à un avenir durable pour l’Ukraine, où toutes les forces productives travailleraient pour la défense nationale et une protection sociale juste.
Et maintenant, nous pouvons aller droit au but. Sans un soutien militaire et humanitaire à la hauteur, l’Ukraine ne pourra pas protéger sa démocratie et sa défaite affectera les libertés politiques partout dans le monde. Par ailleurs, nous devons rester critiques envers les responsables gouvernementaux ukrainiens et leur refus d’en finir avec le consensus néolibéral qui sape l’effort de guerre. Il sera particulièrement difficile de gagner une guerre contre un envahisseur étranger si nous avons beaucoup de problèmes internes, à cause d’une économie capitaliste dysfonctionnelle.
Kyiv, 9 juin 2025.
Vitalyi Dudin est juriste et membre de la direction de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social).
Sommaire du numéro 39-40
25.06.2025 à 14:13
Quelques remarques de Kavita Krishnan du 25 juin 2025.
aplutsoc
Texte intégral (764 mots)
Aussi tentant que cela puisse être, on ne peut considérer le cessez-le-feu israélo-iranien-américain comme une victoire du « reste » contre « l’impérialisme occidental ». Nous ne sommes pas en 2003 : nous vivons bel et bien dans un monde multipolaire, mais c’est un monde que Trump ou Netanyahou souhaitent (et non un monde qu’ils craignent).
L’ordre mondial multipolaire est celui où une poignée de grands régimes illibéraux s’accordent pour se donner carte blanche pour commettre des crimes contre l’humanité et des génocides, dans leurs sphères d’influence respectives. L’ère Trump est une aubaine pour cet ordre mondial.
Trump et Netanyahou ont attaqué l’Iran, confiants que la Chine et la Russie n’interviendraient pas. De même, Israël s’en tire impunément avec son génocide à Gaza, encouragé non seulement par les États-Unis, mais aussi par la Chine et la Russie, qui ne sont pas seulement « neutres » : elles sont partenaires d’Israël tant sur le plan commercial que dans les technologies d’incarcération de masse, de colonialisme de peuplement et d’apartheid.
Considérez ces faits :
– Interrogé sur les raisons pour lesquelles la Russie n’a pas aidé l’Iran, Poutine a répondu que c’était parce qu’« Israël est aujourd’hui presque un pays russophone ».
– Gardant à l’esprit ses intérêts commerciaux au Moyen-Orient (y compris avec Israël), la Chine est restée prudemment neutre face à l’attaque israélienne contre l’Iran.
– La Chine demeure la principale source d’importations d’Israël, même pendant le génocide de Gaza. Il ne s’agit pas de « propagande médiatique occidentale » : c’est fièrement annoncé par l’agence de presse officielle chinoise Xinhua et le portail chinois « Belt and Road ».
– L’entreprise chinoise Hikivision produit les caméras et la technologie de reconnaissance faciale utilisées pour la surveillance de masse de la communauté musulmane ouïghoure du Xinjiang, au nom de la protection de la Chine et du monde contre les terroristes. Elle exporte la même technologie en Israël, où elle est utilisée contre une autre nationalité musulmane – les Palestiniens de Cisjordanie – également au nom de la protection d’Israël et du monde contre les terroristes.
Vous souvenez-vous du logiciel Pegasus d’Israël, utilisé pour espionner les détracteurs de Modi en Inde ? Eh bien, ce même Pegasus a été utilisé pour espionner secrètement des journalistes et autres critiques de Poutine – de Russie, de Biélorussie, de Lettonie, d’Estonie et d’Israël – tandis qu’Israël refuse de vendre Pegasus aux gouvernements estonien et ukrainien – pays que Poutine a envahis ou prévoit d’envahir. « Propagande occidentale » ? Eh bien, ces faits sont rapportés par Access Now et Citizen Lab, les mêmes groupes qui enquêtent et dénoncent l’utilisation de Pegasus et d’autres technologies de surveillance contre les accusés, les avocats et tant d’autres de Bhima Koregaon. On ne peut pas citer ces groupes lorsqu’il s’agit de l’Inde et les qualifier de propagandistes occidentaux lorsqu’il s’agit de la Russie.
Nous ne pouvons pas penser le monde en termes de camps, de guerres froides et d’unipolarité contre multipolarité. Si nous voulons soutenir les Gazaouis, les Palestiniens, les musulmans indiens, nous devons également soutenir les Iraniens et les Ouïghours contre leurs régimes (et nous aurions dû soutenir les Syriens contre Assad qui était soutenu par la Russie même si Assad et Israël n’ont rien fait l’un contre l’autre). Si nous voulons que l’Iran combatte et gagne une guerre lancée par Israël et l’Iran, nous devrions sûrement vouloir que l’Ukraine combatte et gagne une guerre lancée par la Russie ?
Source : page Facebook de Kavita Krishnan.
Kavita Krishnan est une universitaire indienne, marxiste et féministe. Elle a rompu avec le CPI-ML dont elle avait été membre et dirigeante durant de nombreuses années, en 2022 après l’invasion de l’Ukraine. Sa sensibilité à la question des droits humains s’est forgée dans le combat pour les droits des femmes, contre le viol et les violences sexistes, et les droits des classes parias intouchables ainsi que dans son opposition à la persécution sanglante des minorités musulmanes en Inde par les milices hindou-fascistes liées au parti de Modi.
24.06.2025 à 12:31
Au fait, le conclave à Bayrou ?
aplutsoc2
Texte intégral (529 mots)
Cela pourrait faire une jolie chansonnette : « Tout le monde se fout _ Du conclave à Bayrou _ Tirelilou ! »
Cette indifférence générale est en elle-même un bel indicateur politique. Pour bien comprendre les données de la question : le RN vient de confirmer qu’il ne votera pas de censure de Bayrou sur ce sujet. Le RN est « contre » la loi retraite, mais il fait tout ce qu’il faut pour qu’elle s’applique. Le RN obéit au patronat. Soit dit en passant, ceci éclaire son vote sans conséquence pour la résolution des députés PCF demandant l’abrogation, seul vote parlementaire à ce jour sur cette loi, le 4 juin dernier.
Donc, Bayrou peut continuer à s’affaisser, entre Bétharram et son conclave, pendant que Retailleau tente des rafles façon Trump pour préparer l’union des droites avec le RN …
Selon la CFDT, qui a tenu à bout de bras le dit conclave, et donc Bayrou, pendant des mois, l’échec est la faute du patronat, qui ne voulait rien entendre sur la « pénibilité », bloquant du même coup une « mesure d’âge », ou disons une mesurette qui aurait été toujours bonne à prendre : l’abaissement de 67 à 66 ans et demi de l’annulation de la décote.
A l’heure où sont écrites ces lignes, Bayrou reçoit les « partenaires sociaux » à sa demande. La CGT et FO, qui ont fini par quitter le conclave à juste titre, ont demandé à être conviées …
Tout ce que l’on nous raconte sur les retraites repose sur deux mensonges.
Mensonge n°1 : les moyens financiers n’existeraient pas pour financer les retraites et donc impossible de revenir à la retraite à 60 ans, avec 37,5 annuités et 75% du meilleur salaire (pour rappeler la revendication historique du syndicalisme ! ). Cela alors que la productivité du travail est des dizaines de fois plus importante qu’en 1946 lors de la généralisation de la retraite par répartition !
Mensonge n°2 : il y aurait une « dette publique » qu’il ne faudrait pas léguer à nos enfants. Rectification : il n’y a aucune dette publique, hé non. Le mécanisme ainsi désigné est celui par lequel les Etats capitalistes alimentent la finance, les bourses et la spéculation. Ils empruntent au capital qui fait ensuite rouler la dette sur les marchés financiers, pouvant toujours récupérer la totalité de l’emprunt en revendant les titres, les intérêts ayant été remboursés depuis des années et nos impôts servant à faire tourner la pompe.
Et maintenant ? Hé bien maintenant, de même qu’il faut l’unité du NFP pour affronter le RN et Macron comme y appellent Lucie Castet et l’Après avec le rassemblement du 2 juillet prochain, il faut imposer l’unité syndicale contre la politique économique et sociale de vol des richesses produites par la majorité, donc la mobilisation toutes et tous ensemble pour imposer un gouvernement et un régime démocratiques, qui haussent les salaires et abrogent la loi retraite de Macron !
24.06.2025 à 12:02
Iran, point au 24 juin à 12H.
aplutsoc2
Texte intégral (1038 mots)
Photo illustrant cet article : Pakhshan Azizi, militante féministe kurde dont l’exécution prochaine est annoncée par le régime iranien.
Moment remarquable dans la combinaison entre crises aux sommets, crise internationale et poussées d’en bas : le tweet de Trump proclamant un étrange « cessez-le-feu » entre l’Iran et Israël, félicitant l’Iran d’avoir averti les Etats-Unis de l’envoi d’un « petit nombre » de missiles sur leur base militaire au Qatar, félicitant ensemble l’Iran et Israël, puis remerciant Dieu pour tout le monde en général et pour lui-même en particulier !
Ce matin Israël annonce que l’Iran, qui dément (mais alors qui a envoyé la dernière salve sur Tel-Aviv ?!) viole le cessez-le-feu et va riposter au viol du cessez-le-feu. Pour l’heure donc la guerre continue sous le label de « mesures de rétorsions réciproques contre les viols du cessez-le-feu de Trump ». Vous suivez ?
Hier, les bombardements israéliens ont touché la prison d’Evin à Téhéran, lieu central de terreur politique, où se trouvent aussi les deux français Cécile Koelher et Jacques Paris. Selon le Conseil de coordination des enseignants iraniens, syndicat indépendant, rapportant les récits des familles de prisonniers, « les bâtiments administratifs, la zone de visite, la cour de sécurité, la clinique, l’entrée principale, le quartier 4, ainsi que les quartiers de sécurité 209, 240, 241 et « Deux-Alef », ont été gravement endommagés. Le quartier des femmes est également touché, avec des parties du plafond, des murs et des fenêtres effondrés. Les familles des prisonniers ont exprimé leur inquiétude quant à la santé physique et mentale de leurs proches, notamment en raison du manque de services médicaux appropriés.
Le Conseil a également signalé que tous les prisonniers du quartier 4 ont été transférés à la prison du Grand Téhéran. Des informations non confirmées ont été publiées concernant le transfert de détenus du quartier 209 vers des lieux inconnus, bien que ces informations n’aient pas encore été confirmées par les familles. »
Il y a par contre accord entre les communiqués iranien et israélien pour prétendre qu’il n’y a pas de victimes parmi les prisonniers politiques …
Juste au moment du tweet de Trump félicitant tout le monde au nom de Dieu, le régime iranien a annoncé la prochaine exécution de la militante féministe et kurde Pashkan Azizi. Tous les fondamentalistes monothéistes peuvent avec lui féliciter encore les mollahs !
Ces faits montrent une chose : la lecture « traditionnelle » de cette guerre sous la forme « agression impérialiste contre un pays semi-colonial » retarde d’un siècle, et aboutit au campisme, alors qu’au Proche-Orient les peuples affrontent deux axes contre-révolutionnaires, l’axe de la soi-disant « résistance » mené par le régime iranien, cassé par la chute de Bachar el Assad, et l’axe Trump-pouvoir israélien, les deux axes alternant voire mélangeant affrontements militaires entre eux et collaboration, complicité. Deux axes qui ont aussi pour point commun leur liaison avec Poutine, bon ami de Khamenei et bon ami de Netanyahou.
D’Iran nous parvient cette voix du rappeur oppositionnel et féministe, qui a récemment échappé à la mise à mort, Toomaj Salehi : « L’ennemi de mon ennemi n’est pas mon ami ».
De plus en plus, pour les syndicalistes indépendants, les féministes et l’opposition de l’intérieur (à bien distinguer des monarchistes et des Moudjahidines du peuple qui voudraient monopoliser la voix de la diaspora), les bombardements israéliens ou américains et la répression du régime forment une même chappe contre le peuple. En même temps, ils cherchent et chercheront à utiliser tout affaiblissement militaire du régime pour le frapper et le renverser.
D’ailleurs, la ligne dominante de Trump et de Netanyahou, malgré les propos démagogiques ou cherchant à ménager le proche avenir, est bien la préservation du régime. La formule grotesque de Trump – Make Iran Great Again, MIGA – qu’il a, dans un précédent tweet, présentée comme devant remplacer la vilaine formule Regime change, contient toutes ces ambigüités, car au fond il n’y a pas tant d’ambigüités : ce qui les terrorise, ce sont les peuples, iraniens, syrien, palestinien …
Cette guerre n’est en rien le remake de la guerre de G.W. Bush contre l’Irak en 2003 comme veulent le croire tout ceux qui n’arrivent pas à intégrer le réel à leur vision du monde, et comme Netanyahou se l’imagine peut-être en se prenant pour Bush-Zorro.
Elle est, après et avec la guerre d’écrasement génocidaire de l’Ukraine de Poutine, la provocation du Hamas du 7 octobre 2023 et la fuite en avant vers le génocide du pouvoir israélien, mais face à la résistance ukrainienne, à la vraie résistance palestinienne – non pas le Hamas mais le peuple qui ne veut pas partir -, la révolution syrienne, une nouvelle étape de la décomposition de l’ordre capitaliste mondial de la multipolarité impérialiste, qui porte avec lui la guerre et les guerres, dans la catastrophe climatique et la destruction des bases de la vie et de la culture humaine. C’est en ce sens que celles et ceux qui veulent reconstituer un internationalisme réel et efficace doivent la comprendre. Et c’est urgent.
Rappel :
nous avions déjà évoqué le cas de Pakhsan Azizi dans une publication du 21 janvier 2025.
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