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la Maison commune de la décroissance

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25.06.2025 à 11:26

Rédaction

Texte intégral (7278 mots)

Depuis quelques années, certains membres de la MCD, avec d’autres, participent bénévolement à faire vivre la revue universitaire en ligne « Mondes en décroissance ». La revue est pour l’instant le seul espace francophone de publication académique entièrement consacré à la décroissance. Elle a déjà publié trois numéros, dont un numéro de lancement, un varia et un numéro consacré à « Décroissance et entreprises« . Le numéro 4, qui publiera les actes de la Caravane contre-croissance, devrait sortir à l’été 2025. Deux autres numéros sont en préparation, avec des appels à contribution toujours en cours : le numéro 5 sur les « questions difficiles de la décroissance« , et le numéro 6 sur « Féminisme et décroissance« .

Nous relayons intégralement dans cet article l’appel à contributions pour le numéro 6 consacré à « Féminisme et décroissance », qui nous semble contribuer à défricher un sujet encore trop peu discuté. À la MCD, nous défendons la décroissance comme un étant un écoféminisme, car ce qui compte vraiment ce ne sont pas les activités de production économique mais les activités de reproduction sociale : ce sont elles qui constituent la base, le socle, sur lequel repose toute la vie de la société. Quelques articles écrits à ce sujet à retrouver sur le site de la MCD :

Appel à contributions « Féminisme et décroissance » pour la revue Mondes en décroissance

Depuis quelques décennies, les publications sur le féminisme et sur la décroissance se multiplient. Au départ, traitées séparément, les deux notions commencent à être croisées et confrontées, bien que ces travaux et initiatives restent assez marginales, notamment en langue française.

Traditionnellement, le féminisme a suscité peu d’intérêt dans la pensée décroissante (Wichterich, 2015) et reste un objet de discussion minoritaire au sein de ce mouvement. Dans les discours féministes majoritaires, on trouve peu de traces de la notion de décroissance, si ce n’est chez les écoféministes, dont Françoise d’Eaubonne, qui introduit le terme en 1974 dans Le féminisme ou la mort, mais dans une perspective souvent restreinte à la décroissance démographique (Goldblum, 2023  ; Lepesant, 2023).

L’émergence, en 2017, du collectif Feminisms and Degrowth Alliance (FaDA) marque une première reconnaissance explicite des liens entre les deux mouvements. Ces articulations ne sont pas seulement théoriques : elles traversent de nombreuses luttes concrètes de par le monde.

Les imaginaires proposés tant par les décroissant·es que les féministes se croisent, se fondent ou se distinguent. Dans ce dossier, la décroissance est entendue comme une philosophie des limites ayant pour objectif de préserver la vie en commun en sortant de l’emprise de la croissance sur l’économie, la vie sociale et politique. Elle se définit à la fois comme une décrue économique, une décolonisation de nos imaginaires et de nos modes de vie et une repolitisation : c’est un trajet, une époque, une parenthèse entre le rejet du monde de la croissance et le projet de sociétés post-croissance.

Le féminisme est ici appréhendé comme un mouvement pluriel – des féminismes – porté par une «  même protestation fondée sur la conscience d’une oppression spécifique  » (Picq, 2002), et un processus global de mobilisations et de revendications en faveur de l’égalité des sexes et des genres permettant l’amélioration des conditions de vie.

Pourquoi et comment penser des liens entre féminisme et décroissance ? Suffit-il d’une alliance entre ces deux mouvements ou devons-nous leur chercher un fondement commun ? (Dengler, Saave-Harnack, 2019). C’est ce fil conducteur que souhaite explorer ce numéro de Mondes en décroissance, en mettant en lumière à la fois les convergences, les tensions et les potentialités d’une théorie féministe de la décroissance – ou d’une décroissance féministe. Pour cela, plusieurs axes de réflexion sont proposés : une confrontation des principes et des histoires des deux courants  ; une réflexion sur les imaginaires et les récits  ; une approche technocritique croisée ; et enfin une interrogation sur les reconfigurations du travail.

Cet axe veut mettre en lumière les croisements entre féminisme et décroissance, afin de contribuer à dessiner les contours d’une théorie féministe décroissante et/ou d’une décroissance féministe.

La décroissance émane en partie d’une critique radicale du développement et de son monde (Latouche, 2023 ; La Ligne d’Horizon, 2002). Or, dès les années 1980, des mouvements de femmes ont dénoncé l’ethnocentrisme, le racisme, le sexisme des politiques et projets de développement exogènes et porteurs de principes néolibéraux, perçus comme prolongement du colonialisme (Beaulieu, Rousseau, 2011). Ces critiques paraissent pourtant invisibilisées alors qu’elles rejoignent celles faites par la décroissance contre l’idéologie productiviste et extractiviste. Ainsi, malgré une apparente convergence, celle-ci ne va pas de soi quand il s’agit de raconter l’histoire de ces mouvements.

Mais, ces politiques de développement ont aussi été portées par « de nombreuses féministes libérales et responsables d’agences de développement pour intégrer les femmes au développement » (Beaulieu, Rousseau, 2011). En effet, le féminisme, loin d’être caractérisé par une homogénéité au sein des groupes et individus qui s’en revendiquent, ne signifie pas toujours lutter contre toutes les formes de domination. Pour certains courants il se limite à une meilleure inclusion des femmes dans la société de croissance, sans tenir compte des enjeux spécifiques auxquels font face les femmes minorisées (hooks, 2017). Quelle est la portée transformatrice d’un féminisme reprenant les activités et les imaginaires dominants, se contentant d’y inclure les femmes et de leur y donner un accès jusque là refusé ou minoritaire : production, consommation, travail, pouvoir, représentation politique ? Si l’un des enjeux des contributions à cet axe est de rendre visibles les articulations, les convergences et les divergences entre décroissance et féminisme, il s’agit aussi d’identifier les féminismes compatibles avec la vision de la décroissance définie en introduction.

De longues luttes relient certains courants féministes et la décroissance, fondés sur une volonté d’émancipation : valorisation du soin et des activités relationnelles (care), écologie, critique d’une économie patriarcale et productiviste, remise en cause des rapports de domination. Autant de luttes pour conserver la vie sociale – l’un des objectifs politiques de la décroissance – que les inégalités participent à détruire. C’est pourquoi la décroissance est en recherche d’une égalité radicale, que les approches intersectionnelles peuvent venir consolider en tenant compte du cumul des systèmes d’oppression (le genre, la race, la classe, l’orientation sexuelle, l’âge). Catia Gregoratti et Riya Raphael (2019) affirment que l’alliance des pensées décroissantes et féministes ne peut être solide qu’en proposant un nouveau récit de la décroissance prenant en compte les critiques féministes et écoféministes. Si la décroissance est entendue comme philosophie des limites ayant pour objectif de préserver la vie en commun en sortant de l’emprise de la croissance sur l’économie, la vie sociale et politique, quels sont les apports féministes qui peuvent proposer une alternative à la croissance sans limites ? À l’inverse, quels apports la décroissance peut-elle proposer aux féminismes ?

La croissance n’est pas seulement un système économique, c’est également un monde : les sociétés de croissance induisent des représentations, des modes de vie, une façon d’être au monde, à soi et aux autres. La croissance a colonisé tant notre quotidien que nos imaginaires (Latouche, 2009). Le patriarcat produit les mêmes effets, dans les mêmes domaines. Ces deux phénomènes inextricables doivent être compris et combattus ensemble pour sortir de l’oppression capitaliste (Mies, 1986) qui, avec le « tournant libidinal du capitalisme », est passé au XXIe siècle d’un capitalisme de production à un capitalisme reposant sur un désir de consommation (Dany-Robert Dufour, 2014).

Ce système d’oppression fait naître des rapports sociaux de consommation, qui étendent la domination capitaliste à l’ensemble de la vie sociale et non plus « aux simples rapports de production ». Ces rapports sociaux de consommation sont souvent genrés et hétéronormés : ces normes touchent les comportements, les choix de vie, la satisfaction des besoins (se nourrir, se loger, s’habiller…), les loisirs et le divertissement, dont les manifestations les plus évidentes s’incarnent dans la publicité. Cette domination se manifeste jusque dans la récupération des idées des mouvements de déconstruction du genre et d’émancipation des sexes par le marketing et la mode (unisexe, non genrée, faisant la place à de nouveaux canons esthétiques…) à des fins d’expansion de la sphère marchande. Celle-ci concerne aussi les corps : quelles sont les perspectives féministes et décroissantes sur cette marchandisation, notamment dans le cas du travail du sexe et de la Gestation Pour Autrui ? Les articles qui s’inscrivent dans cette perspective pourront chercher à explorer en quoi la société de consommation est à la fois une société de croissance et une société patriarcale (Federici, 2019).

Mais ces mouvements d’émancipation, décroissants et féministes, qui combattent les normes oppressives du capitalisme de consommation et du patriarcat, ne sont-ils pas eux-mêmes colonisés par le régime de croissance ? Régime qui, au-delà des modes de vie et des imaginaires, dépolitise notre quotidien en s’appuyant sur le libéralisme et l’individualisme. Autrement dit, « et si l’individualisme et le libéralisme, qui déterminent si fortement nos manières de considérer le monde, façonnaient aussi les mouvements politiques engagés pour la justice sociale et l’émancipation ? » (Vidal, 2019). L’argument du choix, par exemple, concernant la prostitution et la pornographie, est parfois considéré comme une variante libérale et individualiste du féminisme (Minsky, 2024). Comment tenir compte de ces questions qui renouvellent le féminisme, sans rien céder sur la défense des femmes et de leur intégrité (Vidal, 2019) ?

À l’intersection de la décroissance et du féminisme, l’écoféminisme pense conjointement domination et exploitation des femmes et de la nature par un système patriarcal capitaliste et vient proposer des contre-récits, composés de « luttes frontales » et de « luttes feutrées » (Pruvost, 2024). Ces dernières peuvent prendre des formes accessibles et quotidiennes que Myriam Bahaffou explore pour proposer une représentation incarnée des écoféminismes (Bahaffou, 2022), refusant un accaparement du terme « écoféminisme » par les classes dominantes. D’autres formes de luttes feutrées nécessitent de vivre en milieu rural et d’avoir « un champ à soi » (Agarwal, 2012 [1994]). Choisir de vivre en non-mixité dans des communautés rurales (Rimlinger, 2022) ou adopter un mode de vie qui s’organise autour de la subsistance (Mies and Bennholdt-Thomsen, 1999 ; Pruvost, 2021) incarnent des objectifs décroissants et féministes visant une réhabilitation et une valorisation des communs. Par ailleurs, la philosophe Jeanne Burgart-Goutal souligne que c’est au Nord de repenser son fonctionnement et non au Sud de rattraper le Nord dans une course toujours plus grande à la Modernité (Burgart-Goutal, 2017), ce qui implique de penser la décroissance de façon globale. Le terme d’imaginaire est ici mobilisé pour souligner le fait que, bien que l’on trouve des initiatives écoféministes concrètes et incarnées, celles-ci ne soient pas la norme dans la société de croissance mais nous encouragent néanmoins à réfléchir à une société qui reposerait sur un fonctionnement autre : « au travail de reproduction et de production en régime capitaliste est opposée la nécessité de partager du nord au sud le travail de subsistance » (Benquet et Pruvost, 2019).

Dans une société décroissante et post-croissance, les activités de care et de subsistance pourraient constituer les piliers d’un monde viable, car elles répondent à nos besoins les plus fondamentaux. Comment penser dès maintenant le quotidien comme un espace politique décroissant et féministe basé sur la solidarité et le collectif en s’inspirant des propositions écoféministes ? Que ces initiatives soient accompagnées d’un discours politique décroissant et féministe ou qu’elles soient l’objet d’une démarche individuelle, elles s’inscrivent dans des carrières déviantes (Becker, 1985) face à l’hégémonie de la croissance et son monde. Quels pourraient être alors les objectifs d’une décroissance féministe intersectionnelle qui améliore les conditions de vie des individus et préserve les ressources planétaires sans imposer un seul imaginaire ?

Comment construire un récit commun entre décroissance et féminisme en tenant compte des différents rapports sociaux de sexe, de classe et de race ? Enfin, cette réflexion sur les imaginaires nous invite à appréhender le rôle que peut jouer l’art dans la construction de nouvelles représentations de ces imaginaires. En ce sens, quels peuvent être les apports de la fiction écoféministe dans la diffusion de nouveaux narratifs (Vakoch, 2012 ; Kallis et March, 2015) ?

Si la décroissance est une philosophie des limites, les discours autour de la technique laissent précisément penser que l’humanité peut s’affranchir de ces limites plutôt que de choisir le renoncement. Il ne s’agit pas que les un·es renoncent à des usages au profit des autres, mais plutôt de décider collectivement de renoncer à des dispositifs. Cela demande d’interroger les implications économiques et politiques desquelles ils résultent (Bihouix, 2014), leurs effets environnementaux, sociaux et démocratiques. Ni technophobie, ni technophilie, il s’agit plutôt de considérer que la technique n’est pas neutre (Ellul, 1954 ; Martin, 1991). Elle redéfinit toujours les rapports sociaux, les espaces de vie et le champ des possibles (Jarrige, 2014) : un mode d’emploi est en réalité un mode de vie (Maison commune de la décroissance, 2022).

La critique de la technique est l’un des fondements de la décroissance. Pour les écoféministes, cette critique est également primordiale. Ce mouvement, né dans les années 1970 et particulièrement actif dans les décennies qui suivent aux États-Unis, s’est notamment structuré autour de grandes luttes écologistes et nucléaires menées par des femmes (Burgart-Goutal, 2020). La domination sur la nature exercée par la civilisation industrielle y est assimilée à la domination patriarcale, auxquelles vient s’ajouter la domination coloniale de l’Occident sur le reste du monde.

Dans le monde de la technique, toute innovation technique est assimilée à un progrès social. Dans le cas de l’émancipation des femmes, la pilule incarne par exemple l’un de ces progrès social et médical à partir des années 1960. Des études ont depuis mis en évidence les effets secondaires de cette méthode contraceptive sur la santé physique et mentale des femmes, et démontré les inégalités sociales qui apparaissent concernant le recours à la contraception (Bajos et al., 2014). Certaines critiques sont parfois adressées au contrôle des naissances et l’eugénisme permis par ces techniques (Merchant, 2003), la transformation du désir d’enfant en « droit à l’enfant » biologique (Charrier et Clavendier, 2016 ; Marcelli 2016) permis par le développement de la technique et de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), ou les opérations de réassignation de sexe pour certaines personnes trans. Comment une décroissance féministe permettrait-elle d’aborder la question de la surmédicalisation et la dépendance à l’industrie pharmaceutique et au marché dans tous les temps de la vie des femmes (règles, sexualité, contraception, souci esthétique et de soi, maternité, grossesse et procréation, ménopause…) ? Comment peut-on appliquer la réflexion décroissante sur la technique aux féminismes, à rebours de la volonté de mettre les technosciences au service des objectifs féministes ?

Pour d’autres mouvements féministes, les technosciences sont des perspectives pour que s’accomplissent la justice entre les genres et l’émancipation des femmes – tel que ce fut le cas avec l’électroménager dans les années 1950, ou la pilule dans les années 1960 – et la fin de la soumission au capitalisme et au travail (productif et reproductif). Les articles pourront venir interroger la place de la technique dans le rapport au corps et les changements biologiques, en interrogeant les apports et les limites de l’affranchissement et de l’émancipation des normes de genre. Plus largement, ils pourront interroger le rôle de la technique dans le quotidien (objets électroménagers, par exemple). Comment appréhender ces combats pour l’accès aux soins dans une perspective technocritique ? Quel type de contrôle la technique, et notamment le système médical, exerce-t-elle sur les corps et les mentalités, notamment lorsqu’elle est accessible aux minorités de genre, raciales et aux populations précaires ?

La technique ne se résume pas seulement au médical, elle s’incarne également dans les objets techniques du quotidien. Dans le cadre des activités de reproduction sociale, ces objets sont commercialisés de façon toujours plus importante avec l’argument de soulager la charge de travail domestique – très souvent celle des femmes. Pourtant, ces objets et ces techniques peuvent participer à la division genrée du travail (Gardey, 2002). Delphine Gardey pose notamment la question du sexe des objets : comment deviennent-ils genrés ? Si la technique est présentée comme une source d’émancipation dans nombre de ses manifestations (médicale, dans les modes de vie occidentaux modernes), elle semble toujours soumise à des normes patriarcales, voire vient les renforcer. Alors que la technique est inhérente à nos modes de vie actuels, peut-on les réorganiser pour dépendre plus d’une répartition équitable du travail que d’objets techniques dont la production est incompatible avec des ambitions décroissantes ? Au sein des mouvements féministes, les techniques peuvent être au service de l’émancipation des femmes et des minorités sexuelles ou dénoncées comme outil du patriarcat. L’enjeu de cet axe est d’identifier et d’analyser les relations qu’entretiennent les différents courants féministes avec la technique.

Dans une logique de croissance économique, c’est l’ensemble de la chaîne économique qui doit croître : de l’extraction de ressources naturelles aux déchets, en passant par la production et la consommation. Dans le monde de la croissance, où l’augmentation du PIB n’est plus seulement un indicateur mais est la boussole qui guide toute politique publique (Latouche, 2021), chacune de ces activités économiques est devenue une fin en soi, tout comme l’est la croissance. Il s’agit non plus de répondre à des besoins sociaux mais d’extraire pour extraire (extractivisme), de produire pour produire (productivisme) et de consommer pour consommer (consumérisme), dans la mesure où cela est bon en soi pour la recherche de croissance, elle-même considérée bonne en soi. Ces stades superlatifs de l’activité économique sont consubstantiels à l’industrialisation de nos sociétés. Comment à chacun de ces stades les femmes sont-elles aux premières lignes des dégâts causés par l’extension infinie de ces activités économiques ou au contraire plus mobilisé·es pour pallier leurs effets délétères du fait des assignations genrées de nos sociétés ?

Par ailleurs, la question du travail est transversale à l’ensemble des activités de la chaîne économique. Les travaux de l’économiste Antonella Picchio (2015) ont démontré que la décroissance avait laissé de côté la division sexuelle du travail et le travail domestique, pour privilégier les enjeux de production et de consommation. Quant au féminisme, son courant libéral, né au XIXe siècle et consolidé au XXe, a développé une vision de l’égalité consistant à promouvoir le rattrapage des femmes dans les sphères de pouvoir, jusque là dominées par les hommes, en particulier les activités de production économique. En découlent des luttes pour l’accès au marché du travail, pour l’égalité salariale, contre le plafond de verre, contre le genre des métiers… Ce « féminisme de marché » (Pochic, 2018) est critiqué au sein d’autres mouvements féministes ainsi que par la décroissance : ne concerne-t-il pas seulement des femmes privilégiées et éduquées ? N’a-t-il pas pour corollaire la dévalorisation des activités communautaires (Gorz, 1983 : 125-127) et de reproduction sociale (Faircloth ; 2011), principalement réalisées par les femmes ? Ces activités incluent principalement nourrir les membres d’un foyer et entretenir ce dernier, se chauffer, s’occuper des enfants, prendre soin des aîné·es et des plus vulnérables, préparer des fêtes et des rituels (Pruvost, 2019).

Dans une perspective décroissante, c’est la perpétuation de ces activités de soin (care) et de subsistance qui permet que des activités productives soient réalisées, et non l’inverse. Dans quelles mesures ces activités pourraient-elles devenir le fondement commun d’une décroissance féministe et d’un féminisme décroissant ?

Les propositions féministes de rémunération de ces activités sont-elles des solutions qui permettraient leur revalorisation et leur reconnaissance (Federici, 1975) ? Comment ne pas reproduire les dominations de genre, de classe et de race que vivent celles et ceux qui effectuent majoritairement ces activités ?

Au-delà du travail, comment repenser les activités économiques en croisant les théories féministes et décroissantes dans d’autres champs, comme la dette (Bruneau, 2022), la monnaie, etc. ? Ou plus largement, dans des propositions économiques alternatives, comme l’Économie sociale et solidaire (Guérin, 2019).

Comment repenser le système économique actuel en partant d’une théorique décroissante et féministe pour un une application concrète à l’échelle individuelle et collective, qui concerne tant les activités quotidiennes que les institutions ?

Les propositions de communication peuvent croiser plusieurs axes, et les dépasser.

Types de contributions attendues

Pour ce dossier thématique, les types de contributions attendus sont les suivants :

  • Articles à comité de lecture (max. 60 000 signes, espaces compris, hors biblio.) : nous en attendons qu’ils enrichissent la littérature existante par leur qualité et leur originalité. Les auteurices devront se concentrer sur la force et la clarté de leurs arguments, en s’appuyant sur les approches et méthodologies de leur choix. Les articles sont soumis à un comité de lecture avec une expertise à l’aveugle.
  • Notes de lecture (max. 6 000 signes, espaces compris, hors biblio.) : les notes de lecture fournissent une évaluation critique d’un ouvrage publié récemment. Elles visent à éclairer sa contribution aux débats en cours sur les idées de la post-croissance et de la décroissance. Les notes de lecture seront évaluées par le comité de rédaction.
  • Les précurseurs et précurseuses de la décroissance (max. 20 000 signes, espaces compris, hors biblio.) : nous attendons des contributions relatives aux précurseurs et précurseuses de la décroissance qu’elles présentent tout ou partie de l’œuvre d’auteurice ayant contribué à l’émergence de la décroissance et de la post-croissance. Les contributions devront mettre en évidence de manière claire les arguments des auteurices qui contribuent ou ont contribué à ces débats en les contextualisant. Les articles sont soumis à un comité de lecture avec une expertise à l’aveugle.
  • Points de vue (max. 12 000 signes, espaces compris, hors biblio.) : les points de vue sont un format court, destinés à contribuer aux débats d’idées de manière informée et argumentée, sans pour autant être des contributions scientifiques. Nous attendons des points de vue qu’ils contribuent avec des arguments originaux et à même de faire évoluer les perspectives liées à la post-croissance et à la décroissance. Les points de vue seront évalués par le comité de rédaction.
  • Présentations de thèses et mémoires de recherche (max. 6 000 signes, espaces compris, hors biblio.) : avec ce format, nous souhaitons ouvrir la possibilité à de jeunes auteurices de présenter leurs travaux de recherche. Les présentations seront évaluées par le comité de rédaction.

Recommandations à l’autorat

Les propositions comprendront un titre, un résumé de 500 mots, 5 mots-clés (dont à minima l’un ou plusieurs des mots décroissance/post-croissance/objection de croissance), ainsi qu’une courte présentation biographique.

La date limite de soumission des résumés est fixée au mardi 30 juillet 18 h (UTC +2) et doivent être envoyées à l’adresse mondes-en-decroissance@proton.me.

Après la soumission du résumé puis le retour du comité de rédaction, les articles seront à envoyer au plus tard le 15 novembre.

Les consignes de mises en forme, en particulier de la bibliographie, sont accessibles ici.

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05.06.2025 à 23:12

Fleur Bertrand-Montembault

Texte intégral (3197 mots)

Il y a quelques jours, quand je suis rentrée à la maison, la première chose que m’a dite mon compagnon c’est « Est-ce que tu as entendu parler de Loïs Boisson ? » Comme je n’écoute pas les infos sport et que je n’ai aucun réseau social, mon champ de compétence sur « ce qui se dit », « ce qui se fait », « ce qui se regarde »… est généralement très limité, alors, de temps en temps, il a la gentillesse de se charger de la transmission, pour que je reste « connectée » avec le monde qui m’entoure. Il a donc fallu qu’il m’explique qu’en ce moment avait lieu Roland-Garros et que Loïs Boisson est une joueuse qui a créé la surprise en battant des joueuses bien mieux classées qu’elle (en particulier la n°3 et la n°6 mondiale), alors qu’elle-même n’est classée « que 361e mondiale ».

Engouement populaire donc, tant et si bien que je découvre que tout le monde autour de moi prévoit de regarder le match de ce jeudi 5 juin, dans un milieu où l’intérêt pour le tennis et le sport de compétition télévisuel est d’habitude (très) limité.

Alors, je me demande « qu’est-ce que le phénomène Loïs Boisson nous révèle de notre rapport à la compétition et au jeu ? » Et en quoi cela pourrait-il nourrir une perspective décroissante sur le sujet ?

Pour moi, le phénomène Loïs Boisson révèle à la fois que le sport moderne perd de son attrait lorsque (où devrais-je écrire « puisque » ?) c’est toujours les mêmes qui gagnent (le principe de plaisir du jeu et de la compétition avant celui d’être « premier » est fondamentalement celui de ne pas connaître à l’avance l’issue du match). Pourquoi ? Parce qu’ils ont accumulé un tel capital économique et sportif (et parfois social et médiatique) que personne ne peut réellement espérer rivaliser avec eux (Federer, Nadal, le PSG, le Real Madrid…), sauf grosse surprise. Il révèle aussi un sentiment naïf et populaire (que je partage) en faveur des partants perdants, en faveur des petits contre les gros, en faveur des outsiders plutôt que des habitué-es des podiums (et je plains l’Américaine Coco Gauf, 2e mondiale, lors de la demi-finale du 5 juin, qui fera sans doute face à un public totalement acquis à Loïs Boisson)…. Mais comment ne pas voir que cette comète Loïs Boisson retombera soit dans les limbes de l’anonymat des sportives auxquelles personne ne s’intéresse réellement quand « elles ne gagnent pas », ou intégrera à son tour le sérail, un jour peut-être détrônée par une autre comète, plus jeune et plus en forme qu’elle ?

Personnellement, je n’ai aucun goût pour le sport et n’en pratique pas, si ce n’est du vélo, de la marche et à l’occasion de la danse de salon, ; je n’ai aucun esprit de compétition, suis généralement mal à l’aise avec l’idée de gagner (ma grand-mère raconte souvent cette anecdote sur mon enfance : quand je jouais au Scrabble avec elle je m’arrangeais toujours pour perdre ou mal compter les points…) ; ai abandonné le judo à la ceinture marron parce qu’il fallait faire des compètes pour passer ceinture noire, et que depuis l’âge de 8 ans l’idée même de me battre pour gagner SUR quelqu’un me provoque des crises d’angoisse par anticipation (certainement dû à un combat de judo où des parents avaient crié à leur fille « vas-y écrase la !!!», ce qu’elle avait fait…) ; et j’ai même eu le snobisme de me désintéresser toute ma vie du sport télévisé au point de (je le jure) n’avoir pas vu une seule image des JO de Paris.

De plus, je suis décroissante et à la compétition, je préfère la coopération. Mon dernier argument en faveur de l’abandon du « mode compétitif », parce qu’il est tout simplement absurde comme mode de relation sociale, remonte à l’an dernier. À l’occasion de la journée internationale des migrants, nous (des collectifs de soutien aux exilés) avions programmé une journée festive sur le campement de Ouistreham (équivalent normand – très miniaturisé et beaucoup plus préservé du harcèlement des autorités – de la jungle de Calais) où réside de jeunes hommes soudanais de l’ethnie Zaghawa, ayant fui la guerre et le génocide en cours au Darfour. Nous avions apporté de grands jeux en bois, dont l’un consistait à lancer des anneaux en corde sur ce modèle de chevalet.

jeu en bois avec anneaux

Chaque accroche ne vaut pas les mêmes points, certaines rapportent 500, d’autres 1000, d’autres encore 3000. Le jeu a immédiatement plu aux habitants du camp qui en ont d’emblée évacué la dimension compétitive (et pourtant ils la pratiquent quand ils jouent aux cartes, et peuvent être bien énervés quand ils perdent…) qui n’y ont vu qu’un jeu d’adresse… Belle leçon de l’altérité (parmi tant d’autres…) pour nous bénévoles : qu’il nous est soudain apparu stupide d’additionner des points par centaines de milliers quand on peut tout simplement s’exercer à atteindre un geste beau et précis !

Malgré tout cela, il y a quelques mois, une discussion avec des décroissants suisses du journal Moins ! m’a placé en position « d’avocate du diable » en faveur de la compétition et du sport, et cela m’avait donné envie d’écrire pour clarifier mes idées à ce sujet. Voici donc quelques réflexions inspirées de Roland-Garros et d’un débat enflammé quelque part en Suisse, sur les rives du lac de Neuchâtel.

En définissant la décroissance comme l’opposition politique à la croissance et à sa triple emprise sur l’économie, la société et la politique, la cohérence idéologique nous situe effectivement du côté des tenants de la théorie critique radicale du sport 1. La radicalité de la décroissance n’est pas synonyme d’intransigeance, mais effort de cohérence : celle de s’attaquer aux racines du mal, aux causes du succès de la croissance et de son monde. Cette radicalité résonne avec celle de la théorie critique du sport (et de la culture de masse etc…), qui nous fournit les outils intellectuels et conceptuels pour dénoncer les multiples aliénations des pratiques sportives modernes, dont la principale fonction est de légitimer l’ordre établi, qu’il soit marchand ou étatique.

Comme pour la technique, il ne s’agit pas, en tant que décroissant-es et anticapitalistes, de dire qu’il y a des bons et de mauvais usages du sport, mais de démontrer en quoi il est intrinsèquement, en tant que tel, un outil de domination et d’aliénation :

  • politiquement, il asservit les foules par le divertissement. C’est une institution au service de l’intégration à la marge du système des dominées et exploités de tout poil, dans l’optique de les écarter de la révolte et de perpétuer le « business as usual ». Autrement dit, le sport est une « diversion sociale de masse » (Jean-Marie Brohm) au service de la perpétuation du système capitaliste.
  • Économiquement, il est devenu une marchandise comme une autre (financiarisation, rentes, sponsors, salaires exorbitants…).
  • Idéologiquement, c’est un vecteur du culte de la performance et de la recherche de rendement (entre autres dans une optique de préparation au travail industriel) et un renforcement d’une société fondée sur des valeurs de compétition et d’individualisme roi (starisation des joueurs, travail du corps comme expression de son identité, pratiques modernes de bien-être et développement personnel…).

À ce titre, le phénomène Loïs Boisson illustre très bien notre goût pour le mythe capitaliste et individualiste du « self made man » (celui qui s’est fait tout seul) : celui qui s’élève le doit à son propre mérite, parce qu’il a plus travaillé ou plus exploité son talent que les autres, qui ont eu les mêmes chances de départ, mais n’ont pas aussi bien réussi. Loïs Boisson c’est le « quand on veut on peut » incarné, c’est la fable méritocratique vivante. Des histoires comme Loïs Boisson, on en trouve dans le monde du spectacle, de la culture, de la musique, de l’humour, du business, et toutes ont la même fonction sociale : celle de nous faire rêver à ces parcours uniques, accessibles à « celles et ceux qui en veulent vraiment» (et revers de la médaille, celles et ceux qui échouent, ou pire, qui dévient, peuvent être tenu-es pour seul-es responsables de leur faillite personnelle)

Face à cela, nous défendons non pas seulement l’idée de l’égalité comme égalité des chances, mais comme égalitarisme radical où aucune différence (permises, contrairement à ce qu’en disent les libéraux qui s’opposent à l’égalitarisme) ne devrait justifier les inégalités (ce qui nécessite notamment des mécanismes de répartition des richesses, de distribution, et des systèmes de plancher-plafond tel que proposés par le concept d’espace écologique) parce qu’elles abîment la vie sociale.

C’est d’ailleurs justement dans cette optique de préservation de la vie sociale que je cite souvent dans mes conférences une référence sportive, qui m’a valu cette fois d’être contredite par nos compagnons de Moins! Il y a quelques années, alors que je prenais un café dans un PMU où un écran télé diffusait sans le son une chaîne d’info en continu bien connue, je fus happée par ce qui était écrit sur un des bandeaux : « ils ont fait un match merveilleux, ils ont joué, pour et avec les autres ». La citation était de Christophe Galtier, entraîneur du PSG. En me renseignant, je tombais bien vite sur des articles qui s’interrogeaient sur la série de défaites qu’essuyait alors le PSG, qui avait pourtant la plus grande collection de meilleurs joueurs de foot du monde. Certaines analyses démontraient qu’en réalité cette addition de stars desservait l’équipe, chacun jouant « pour la fame » 2, et donc pour soi. L’entraîneur avait dû réapprendre à cette collection d’individus juxtaposés les uns aux autres à faire équipe. Voilà pourquoi il se réjouissait de les avoir enfin vus jouer les uns avec les autres et les uns pour les autres. Et dans sa joie, nous retrouvions notre slogan de la MCD « l’objectif de la décroissance, c’est de conserver la vie sociale, de retrouver le sens de la vie en commun, vécue par, pour et avec les autres », ce qui m’avait proprement fasciné. J’utilise donc souvent cette métaphore pour faire le parallèle entre une équipe et une société : pour combattre l’individualisme, il faut renverser la priorité donnée actuellement à l’individu sur la vie sociale et chacun sait que, pour autant les individualités ne sont pas niées dans une équipe. Simplement, elles ne sont juste pas prioritaires sur le fonctionnement du groupe, comme cela arrive également dans les chorales et les batacudas.

Or, pour certaines des personnes avec qui je discutais, on ne pouvait comparer une équipe sportive à une chorale ou une batucada, car l’enjeu n’était pas le même (quand on chante ou on joue de la musique, il ne s’agit pas de gagner) et surtout, il fallait se gardait d’encourager des références qui pouvaient laisser penser que le sport de compétition aurait encore sa place dans un trajet de décroissance / une perspective post-croissance.

Si j’avoue avoir découvert la critique radicale du sport lors de cette discussion (je me suis rattrapée depuis), mon interrogation reste la même à ce jour : pouvons-nous réellement prétendre qu’une société post-croissance serait une société totalement débarrassée d’espaces de compétition et de pratiques sportives ?

À titre personnel, je trouve cela dérangeant parce que cela continue de perpétuer deux idées qui me semblent politiquement dangereuses :

  • celle qui affirme que du moment que, nous décroissants, nous trouvons nos propositions désirables, et qu’elles sont faisables, nous n’avons pas à chercher à savoir si elles sont acceptables ou non socialement
  • celle qui perpétue l’idée de « l’homme nouveau », qui, dans une perspective révolutionnaire affirme que nous changerons la société, car nous aurons changé. En les « éduquant mieux », nous réussirions à supprimer leurs penchants pour la guerre, la compétition, la violence, la domination, voire tout simplement le conflit…

J’entends qu’il existe, historiquement et géographiquement, des sociétés de coopération sans compétition que les anthropologues ont réussi à nous faire connaître. S’en inspirer, oui ; se laisser coloniser par leurs modes de vie et leur rapport au monde, au temps, à l’espace, aux autres : oui également ; mais mimer ou calquer leurs modes de fonctionnement, vraiment ? Je trouve cela naïf et illusoire. Sans défendre du tout que les éléments cités au paragraphe précédent soient dans la nature de l’homme, comment effacer 3000 ans d’histoire dans laquelle ces modes de relations ont existé (sous des apparences, des institutions différentes) et prétendre que plus personne ne cherchera à les investir, car nous aurons réussi à tout pacifier et réorienter vers le bien commun ?

Et puis, cela confirme qu’en oies blanches de la politique, nous ne voulons jamais nous poser la question de la conflictualité. Bien sûr, dans une perspective révolutionnaire, la décroissance sera un moment d’auto-institution de la société par elle-même (et non par le haut). Mais il y aura des perdants à ce système. Suffira-t-il de mécanismes institutionnels, démocratiques, économiques de redistribution des ressources et des places pour éviter qu’ils ne réinstaurent une société de domination ?

Dans la conclusion de son excellent livre « Terre et Liberté », Aurélien Berlan aborde la question de la conflictualité en ces termes « face au problème de notre « insociable sociabilité » (Kant) qui fait que nous ne pouvons pas nous passer les uns des autres, mais que nous avons aussi du mal à nous supporter et à nous accorder, l’attitude la plus courante, quand on rêve de formes de vie plus autonomes, est de plonger la tête dans le sable : le problème n’est pas identifié ou il est rejeté comme un faux problème, un stigmate du capitalisme qui sera dépassé par la vie en commun et le partage, vecteurs de reconstitution de l’harmonie sociale. Rien n’est plus néfaste à la quête de l’autonomie que ce genre de fadaises iréniques. Pour surmonter un problème, encore faut-il le regarder en face. Et une fois pris au sérieux, cette quête invite à un double équilibrisme » pour poursuivre plus loin : « Secundo, nous devons entretenir une culture du conflit qui ne cherche pas à fuir la conflictualité, mais à l’assumer tout en cultivant les qualités humaines permettant d’en désamorcer le potentiel explosif »

Piste plus intéressante que l’appel à l’homme nouveau et à l’éducation des masses, mais est-elle suffisante pour autant ? En tant que décroissante, si je défends la fin d’une société fondée sur les rapports de domination et de violence, je ne crois pourtant pas pouvoir prétendre que la société post-croissance en sera exempte : il me semble qu’il faut donc des espaces pouvant accueillir ces modes de rapport sociaux sans que ceux-ci ne viennent mettre en péril la vie naturelle et sociale. Une société peut-elle exister sans « soupape de sécurité », sans événements mettant en scène la confrontation des antagonismes (autrement que par la discussion, l’identification des controverses, ou la médiation ) ? Est-ce que la compétition sportive débarrassée de ses enjeux marchands et dénuée de toute vocation éducative ne pourrait-elle pas offrir une possibilité à la conflictualité de s’exprimer sans (trop) de péril ?

Et que les meilleurs perdent !

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Notes et références
  1. lire à ce sujet les écrits de Jean-Marie Brohm notamment, c’est passionnant
  2. pour la gloire en français
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02.06.2025 à 17:01

Rédaction

Texte intégral (684 mots)

Que nous montre l’affaire des eaux minérales Nestlé ? Exactement la même chose que la tentative de reprendre les travaux de l’A69 ou que la loi Duplomb. Que l’écologie officielle de la droite et du centre ne sont que des façades et que sur cette question de l’écologie, la frontière entre la droite et l’extrême-droite n’est que rhétorique.

Il y a quelques jours, Agnès Pannier-Runachier, la ministre de la transition écologique était l’invitée de France-Info et était interrogée sur le largage par Greenpeace de 10 tonnes de blocs de pierre au large de Barcarès pour dénoncer les chaluts qui raclent les fonds marins même dans des zones protégées. Indignation de la ministre pour dénoncer le largage de 10 tonnes de « gravats » (sic) par un « bateau battant pavillon étranger » (sic). Et pourtant, pendant sa diatribe anti-écolo, que montraient les images diffusées ? Qu’il ne s’agissait pas du tout de « gravats » mais bien de blocs de pierre (il y en avait 15 au total). Croyez-vous que la ministre ait tant soit peu essayé de ne pas tenir un discours à ce point contredit par les faits ? Pas du tout !

Agnès Pannier-Runnacher est bien la ministre de la trahison écologique.

Mais d’où lui vient son aplomb ?

C’est là qu’il faut remarquer la similitude entre toutes ces réactions anti-écolo : c’est que cette anti-écologie n’est en réalité qu’une écologie antisociale et laxiste qui réduit ses leviers d’action aux seules incitations.

Ce qui sert de façade à cette mascarade, c’est la fameuse dénonciation de « l’écologie punitive » qui est systématiquement brandie.

Expression inventée il y a des années par Frédéric Nihous, président du parti Chasse, pêche, nature et tradition, dans un clip de la campagne présidentielle de 2007, et repris en 2014 par Ségolène Royal.

Idéologiquement, ce qui se joue derrière ce slogan facile, c’est la priorité néolibérale accordée à ce que l’on appelle la « liberté négative » (càd la liberté comme absence de contraintes) sur la « liberté positive » (qui garantit au citoyen un certain contrôle sur les lois dans un système démocratique, et une protection contre la domination et l’arbitraire).

C’est sur cette liberté positive que les écologistes doivent fonder leurs politiques.

Ce qui a 2 implications majeures :

  1. C’est de relier indissolublement responsabilité écologique et justice sociale dans un même geste démocratique. Non à l’écologie asociale !
  2. C’est d’assumer explicitement que, oui, l’écologie doit être punitive. C’est le principe du « pollueur-payeur » : les pollueurs doivent payer comme les voleurs doivent être arrêtés. Non à l’écologie laxiste !

Chacun.e aura remarqué que c’est avec ironie que nous reprenons cette accusation de laxisme pour la retourner contre la droite et l’extrême-droite. Parce que si la gauche n’est pas toujours écologiste, l’écologie politique ne peut être défendue que par une certaine gauche.

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15.05.2025 à 16:31

Rédaction

Lire plus (471 mots)

La MCD paye sa tournée en Normandie !

Interventions à Caen, au Havre et à Rouen de Michel Lepesant, fondateur de la MCD : « La décroissance, solution politique ? » Entrée gratuite.

  • Le mardi 20 mai, à 18h30 – Maison des Associations, Caen (8, rue Germaine Tillon)
  • Le mercredi 21 mai, à 18h00 – Le Hangar Zéro, le Havre (31, quai de la Saône)
  • Le jeudi 22 mai à 18h30 – La Base, à Rouen (5 rue Geuffroy, rive gauche)

Pour beaucoup, c’est la croissance qui est la solution : pour créer de l’emploi, pour équilibrer le budget, pour financer la transition écologique, les services publics…

Or pour un décroissant, comment la croissance pourrait être la solution alors qu’elle est le problème.

Mais quelle est la nature de ce problème ?

Question décisive au moment de définir en quoi la décroissance serait la solution.

L’intervention aura pour objectif de présenter la décroissance comme solution politique parce que la croissance est d’abord un problème politique.

Autrement dit, on pourrait changer de modèle économique et même de modèle social, mais si on ne s’attaque pas aussi au modèle politique, alors il y a toutes les (mal)chances que toutes nos propositions et nos alternatives tombent à l’eau.

  • Quand la croissance est définie comme une « boussole » économique, la décroissance est la décrue de la production et de la consommation, donc de l’extraction et des déchets.
  • Quand la croissance est définie comme un « monde » (valeurs, normes, récits, attachements), la décroissance est la décolonisation de nos imaginaires.
  • Quand la croissance est critiquée en tant que « régime politique », la décroissance défend la repolitisation de la conception commune de la vie bonne (autolimitations, vie sociale, dépense).
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07.05.2025 à 20:12

Rédaction

Texte intégral (1076 mots)

En quoi peut-il être judicieux de se référer à la décroissance pour diriger une critique contre cette forme particulière d’intervention qu’est la table ronde ?

Cela fait plusieurs années que la MCD a pris conscience que pour changer de société, il ne fallait pas oublier de changer la façon de débattre :

C’est pourquoi, tous les ans, à chaque (f)estive, nous reprenons sans le modifier notre texte sur le besoin de méthodes. En voici le premier paragraphe.

La décroissance est un chemin vers une société sobre et juste, qui reste à inventer… Les (f)estives se proposent elles aussi de tenter des expérimentations sur le fonctionnement des groupes et les discussions entre décroissant.e.s… Trois principes à la base de ces expérimentations :

  1. Honorer nos intervenants, en leur donnant le temps de s’exprimer, de développer leur pensée : ne pas les mettre en concurrence. Mais, soit leur consacrer toute notre écoute, soit organiser une discussion bienveillante avec un autre intervenant.
  2. Nous respecter nous-mêmes : prendre le temps de réfléchir et d’assimiler la matière apportée par l’intervenant. Ne pas hésiter donc à y revenir plusieurs fois, en prenant le temps de digérer.
  3. Faire émerger des propositions concrètes à l’issue de chaque session thématique : modes préférentiels de vie, éléments d’un lexique commun, clivages de fond, actions de refus comme de construction, belles revendications.

Nous voulons en finir avec les traditionnelles tables-rondes, avec les questions hors sujet, avec les échanges hargneux et les prises de parole intempestives… Surtout que le thème des (f)estives renvoie toujours à une critique de l’individualisme, c’est-à-dire cette « fable » qui raconte qu’une société se construirait à partir de ses individus juxtaposés. Nous voulons au contraire défendre l’idée que la société précède les individus, que le Commun précède le Particulier. Dans ces conditions, ce serait peu cohérent de prétendre en débattre en plaçant côte à côté des intervenants, aux temps d’interventions réduits, avant de passer aux fameuses « questions de la salle » qui par expérience ne sont que trop souvent une suite de questions juxtaposées. Il y a là une façon de « consommer » les intervenants qui ne nous semblent pas la meilleure des manières de les honorer, d’honorer ce qu’ils sont venus nous offrir.

Et voilà que le mardi 6 mai, nous écoutons sur France Inter le podcast de David Castello-Lopes : « Faut-il participer à des tables rondes ? » https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-question-de-david-castello-lopes/le-billet-de-david-castello-lopes-du-mardi-06-mai-2025-5279109

  • Il est amusant ; même si les rires en arrière-fond sont irritants.
  • Il est basé sur quelque expérience.
  • Il contient quelques piques plutôt bien vues.
  • Mais : sa critique revient à simplement dire que les tables rondes ne servent à rien. Il a raison, mais pourquoi ne servent-elles à rien alors que les invités sont la plupart du temps qualifiés, et même compétents ?
  • Parce qu’une table ronde n’honore pas cette compétence. Parce qu’on juge une compétence sur son rapport à la vérité alors qu’une table ronde n’a pas la recherche de la vérité comme objectif. Une telle recherche serait un objectif qualitatif ; alors que tout le monde a déjà pu constater qu’aucun critère qualitatif ne vient organiser le contenu d’une table ronde. Les seuls critères que connaît la table ronde sont quantitatifs et ils portent sur le temps de parole, la fréquence des prises de paroles, le tout au nom d’une égalité de principe.
  • Mais si l’objectif d’une table ronde n’est pas la recherche partagée de la vérité, quel est-il ? C’est l’exposition des différentes opinions des intervenants. Cette exposition est un spectacle. Pourquoi ce spectacle ? Pour que chaque auditeur puisse « se faire sa propre opinion ».
  • Il n’est donc effectivement pas question de recherche de la vérité, mais seulement de fabrique des opinions.
  • Rappelons que s’il est démocratique de défendre « à chacun son opinion », on commence aujourd’hui à s’apercevoir que le même pluralisme en matière de vérité – « à chacun sa vérité » – revient à alimenter le brouillard des fakes et des « vérités alternatives », autrement dit à saper la démocratie.

Devons-nous en déduire que la MCD refuse de participer à des tables rondes ?

  • Pas du tout ! Parce que, quand cette forme est hégémonique comme elle l’est aujourd’hui, pratiquer la politique de la chaise vide reviendrait tout simplement à se faire expulser du débat public. Autrement dit, il faut y aller exactement comme aux débuts de la publicité, quand les marques de lessive faisaient de la réclame, non pas pour gagner des parts de marché, mais pour ne pas en perdre.
  • Y aller donc, mais sans guère d’illusion.
  • Peut-être réussir à saisir l’occasion d’en dénoncer les effets pervers.
  • Et par miracle, réussir à dire que cette forme « table-ronde » est l’une des formes les plus efficaces du régime de croissance pour imposer son horizontalisme.

Pour une présentation bienveillante de la table ronde : https://www.helloasso.com/blog/comment-preparer-une-table-ronde

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17.04.2025 à 09:49

Rédaction

Lire plus (354 mots)

Pourquoi venir aux (f)estives ?

  • Parce que, cette année, nous serons en Normandie : à la MFR de Pointel (Orne), à 15 minutes à pied de la gare de Briouze.
  • Parce que nous consacrerons les deux premiers jours à rencontrer Onofrio Romano, qui nous fera l’honneur de sa présence. Pour la MCD, Onofrio fait partie de 2 ou 3 penseurs actuels les plus robustes de la décroissance, parce qu’en analysant la croissance comme régime politique, il en propose une critique radicale.
  • Parce que, du jeudi 21 au samedi 23 aout, nous mettrons le focus sur la question de la propriété.

Comme d’habitude, nous proposerons des emplacements de tente ou de dormir dans le bâtiment, et pour la confection des repas, nous serons en autogestion culinaire (arrivée possible dès le lundi 18 dans l’après-midi et départ jusqu’au dimanche 24, après le repas).

Il est important de rappeler que ces 5 journées seront pleinement consacrées à la réflexion et à la discussion. Pendant les (f)estives,il n’y a pas d’atelier « marmite norvégienne » ou « dentifrice DIY »… mais il y a des conférences (dont une sera « gesticulée »), des arpentages, des analyses de textes, des disputations, des partages de savoir…

Tout aussi important, les soirées ne sont pas studieuses mais festives : on joue, au théâtre, aux cartes, on dessine, on chante…

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05.04.2025 à 17:37

Rédaction

Texte intégral (989 mots)
Onofrio Romano

Si on reprend l’image classique de l’iceberg, l’économie constitue la partie émergée de la croissance. Mais Serge Latouche a eu  raison de nous avertir : quand, dans une société, l’économie devient une économie de croissance, alors nous ne vivons pas dans une société avec la croissance comme boussole économique, nous vivons dans une société de croissance. La partie immergée de la croissance, c’est ce monde, qui est aussi celui de l’aéroport, du portable, de la voiture, du tourisme, du nucléaire, des métropoles, de la publicité…

L’iceberg de la croissance dans son milieu

Mais alors, suffirait-il de changer  d’indicateurs économiques ou de produire de nouveaux récits ou de nouveaux imaginaires pour rompre avec l’emprise de la croissance ? Pour le croire il faudrait réduire l’hégémonie de la croissance au seul encastrement de nos sociétés modernes dans l’économie. Mais dans ce cas-là, comment expliquer pourquoi la croissance a réussi à imposer son hégémonie ?

Si on revient à l’image de l’iceberg, ne faut-il pas chercher cette explication en se demandant dans quel milieu flotte l’iceberg de la croissance ?

L’hypothèse posée par Onofrio Romano d’un régime de croissance fournit-elle cette explication ? Ce régime politique de croissance est-il le milieu dans lequel nous fait baigner la croissance ?

A manquer de (ce) cran politique dans la critique de la croissance, et donc à en rester à réduire la décroissance à une décrue (économique) et une décolonisation (de nos imaginaires),  les décroissant.e.s ne s’enferment-ils pas à chérir les causes dont ils déplorent les effets ?

C’est à partir de ce faisceau d’interrogations que ces deux jours de rencontre seront consacrés à échanger et discuter avec Onofrio Romano.

  1. Conférence d’Onofrio Romano : Présentation du régime de croissance par ses effets tels que l’individualisme, le relativisme, l’activisme, le neutralisme, l’horizontalisme, le technicisme…
  2. Intervention + discussion avec Onofrio Romano : le régime de croissance est-il un autre nom du libéralisme ? Dans ce cas, comment intégrer à l’hypothèse du régime de croissance les évolutions idéologiques de ce libéralisme : néolibéralisme, hyperlibéralisme, libertarisme ?
  3. Intervention + discussion avec Onofrio Romano : Comment sauver nos valeurs du brouillard de l’horizontalisme ? Suffit-il de jeter l’eau sale de l’horizontalisme pour sauver le bébé de l’horizontalité ? Ou alors, faut-il envisager une certaine verticalité compatible avec les valeurs qui portent la décroissance ? Quelle « forme verticale » pourrait encadrer les citoyens et les institutions « afin de mettre en place une véritable alternative de décroissance, c’est-à-dire une société »souveraine« libérée du servilisme » ?
  4. Disputation avec Onofrio Romano : Si la question du sens de la vie est une question politique, comment penser ce sens de la vie comme une bataille ?

Pour creuser

Une présentation du livre d’Onofrio Romano, Towards a Society of Degrowth (Routledge, 2020, la traduction française, Critique du régime de croissance, est parue en 2024 chez Liber) : https://decroissances.ouvaton.org/2024/02/24/jai-lu-towards-a-society-of-degrowth-donofrio-romano/

Une interview d’Onofrio Romano parue dans le n°3 de la revue Mondes en décroissance : http://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/index.php?id=412

Une conférence de Michel Lepesant aux rencontres « Décroissance, le Festival », en juillet 2024 : Pourquoi faut-il renverser le régime de croissance ?

Onofrio Romano se revendique de la pensée de George Bataille. Une présentation de La part maudite (1949) : https://decroissances.ouvaton.org/2017/08/12/jai-relu-la-part-maudite-de-georges-bataille/

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05.04.2025 à 16:56

Rédaction

Texte intégral (6676 mots)

Dans Adieux au capitalisme (2014, La Découverte), Jérôme Baschet énumère 4 sources de « l’imaginaire utopique » (p.86-87). 1/ Le « refus autant viscéral que raisonné » du capitalisme. 2/ Les alternatives concrètes et minoritaires. 3/ La « connaissance des sociétés traditionnelles ». 4/ « L’évaluation aussi lucide que possible des expériences historiques nées du désir d’émancipation »1.

Chacune voit bien alors que, pendant nos 6 demi-journées où le focus de nos (f)estives va se diriger sur la question de la propriété, il sera impossible d’espérer boucler les discussions. Il ne s’agit pas pour autant d’en déduire qu’il faudra se contenter d’enregistrer chaque élément des interventions comme d’une énième variation, pour se satisfaire au final d’avoir su s’ouvrir à la multiplicité des cas particuliers2.

Il va donc falloir appréhender la diversité des approches (les 5 premières demi-journées) et tenter ensuite de les ordonner (le samedi après-midi).

Voici un aperçu de la diversité de ces approches.

→ Repérer et dégager le plus clairement possible la doctrine dominante actuelle de la propriété, et plus particulièrement de la propriété privée.

  • On pourrait y aller théoriquement
    • Les défenseurs de l’ordre propriétaire
      • Libéralisme
      • Néolibéralisme
    • De quoi peut-on être le propriétaire et qui peut l’être ?
    • Les modalités juridiques de la propriété : exclusive ou non, absolue ou non, individuelle ou non (res nullius, commun, possession…).

→ S’apercevoir que la notion de propriété privée est une invention spécifique dans l’histoire de l’humanité.

  • Les modalités juridiques de la contestation de la propriété privée des choses : personnalité morale ou bien commun ?
  • On pourrait y aller historiquement :
    • Préhistoire
    • Histoire antique, médiévale
    • Les enclosures
  • On pourrait y aller géographiquement
    • Les autres traditions de la propriété
    • La notion de propriété chez les peuples autochtones
  • Les critiques de la propriété privée
    • Les critiques doctrinales
      • Anarchistes
      • Socialistes
      • Communistes
    • Les expérimentations alternatives
      • ZAD
      • Coopropriété

*

→ Pour chacune des références inventoriées ci-dessous, il y a un lien vers l’article ou le podcast mais aussi un résumé qui donne déjà un aperçu du contenu.

Définitions juridiques

  • Art. 2. de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression.
  • Art. 17. de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
  • Art. 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». (Romain Scaboro, (2013). Le Droit de Propriété, Un Droit Absolument Relatif. Droit et Ville, 76(2), 237-255. https://doi.org/10.3917/dv.076.0237.)

Des recensions de livres sur la propriété privée

https://laviedesidees.fr/spip.php?page=recherche&recherche=propri%C3%A9t%C3%A9+priv%C3%A9e

L’invention récente de la « propriété privée »

Lu dans l’article « propriété privée » de Wikipedia : Selon David Graeber et David Wengrow, les recherches ethnologique et archéologique ont mis en évidence que la notion de « propriété privée » est récente dans l’histoire de l’humanité. Si le terme de « propriété privée » et plus précisément celui de « propriété foncière » s’attache à des choses matérielles (la terre, les pierres, l’herbe, les clôtures, les bâtiments de ferme, les greniers à grain), en revanche, ces mots ne désignent rien d’autre que la prétention d’un individu à jouir d’un accès exclusif à toutes ces choses sur un territoire donné. Il revendique en conséquence un pouvoir de contrôle sur elles. Dans la pratique, cela revient autant à lui reconnaître juridiquement le droit d’interdire à quiconque d’y pénétrer que de les détruire s’il en a envie. Cela revient à entendre qu’un territoire « appartient » réellement à un individu que si personne ne le lui dispute, ou s’il a la possibilité d’utiliser les armes pour intimider ou attaquer ceux qui protestent ou qui entrent sans permission et refusent de partir. « Cette attitude n’apparaît légitime que si le reste de la société veuille bien admettre que vous êtes dans votre bon droit pour le faire. Autrement dit, la « propriété foncière », ce n’est pas la terre, les pierres ou l’herbe ; c’est une notion juridique entretenue au moyen d’un subtil mélange d’impératif moral et de menace d’emploi de la force. La logique est similaire à celle qui sous-tend la définition de l’État par Rudolf von Jhering (le monopole de l’usage légitime de la violence sur un territoire donné), sauf que le territoire considéré est beaucoup plus restreint que celui d’un État-nation. »

Aux origines de la propriété privée

Comment est apparue la notion de propriété privée ? Faut-il un temps où elle nʹexistait pas? Est-ce que les inégalités sont les filles de la propriété privée ? Tribu en parle avec Christophe Darmangeat, économiste. Podcast du 8 septembre 2021 : https://www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/aux-origines-de-la-propriete-privee-25222713.html.

L’illusion de la propriété collective archaïque

Alain Testart, « Propriété et non-propriété de la Terre », Études rurales [En ligne], 165-166 | 2003, URL : http://journals.openedition.org/etudesrurales/8009.

Cet article critique la conception classique des droits relatifs à la terre dans les sociétés traditionnelles, l’exemple de référence étant l’Afrique précoloniale. Selon cette conception, il n’y aurait pas eu de véritable droit de propriété mais seulement une sorte d’usufruit, ce droit serait essentiellement collectif, et son titulaire serait la Terre elle-même, en tant que divinité. L’auteur soutient au contraire qu’il existait un véritable droit de propriété en Afrique, mais qu’il ne portait pas sur la même chose qu’en Occident : en Afrique, seule la terre cultivée était susceptible d’appropriation.

Alain Testart, « Propriété et non-propriété de la terre », Études rurales [En ligne], 169-170 | 2004, URL : http://journals.openedition.org/etudesrurales/8060.

Tandis que la première partie de cet article examinait la question de la propriété de la terre indépendamment de la royauté, cette deuxième partie envisage les conséquences de l’institution royale sur la propriété, l’Afrique précoloniale restant toujours l’exemple de référence. La première est l’apparition de domaines royaux qui, bien que constitués sur la base de la conception traditionnelle de la propriété africaine, en modifie considérablement la teneur du régime foncier. La seconde est la superposition sur la même terre de droits fonciers et de droits fiscaux. La confusion entre les uns et les autres a conduit à une interprétation aberrante en termes de « féodalité », dont la critique constitue le cœur de l’article. Celui-ci se termine en évoquant les causes possibles de transformation du régime de propriété foncière.

Les droits fonciers des peuples autochtones

→ Entretien avec Sandrine Clavel, Propos recueillis par écrit en avril 2020 par Maduraud, A.-L. (2020). Le Sens de la Propriété. L’exemple des Peuples Autochtones. Délibérée, 10(2), 43-49. https://doi.org/10.3917/delib.010.0043.

L’intérêt croissant de la communauté internationale pour la préservation de l’environnement s’est accompagné d’une reconnaissance de droits aux peuples autochtones, victimes immédiates des catastrophes écologiques et porteurs d’un rapport à la terre qui ne peut être entièrement saisi par les catégories juridiques dominantes. Interroger les droits fonciers de ces peuples et leur effectivité, c’est observer les conflits d’intérêts – environnementaux, éthiques, culturels, économiques – en présence dans ce domaine. Et mesurer les impasses d’une société organisée autour d’un droit de propriété conçu comme exclusif, absolu et individuel.

→ Sandrine Clavel. Les droits fonciers des peuples autochtones. Le droit entre ciels et terres. Mélanges en l’honneur du professeur Laurence Ravillon., Pedone, pp.373-391, 2022, 9782233010063. https://hal.science/hal-03115010/document

I- La consistance des droits fonciers des peuples autochtones. A- Droit de propriété foncière. B- Droit d’usage. C- Droits immatériels. II- La protection des droits fonciers des peuples autochtones. A- La revendication des droits fonciers des peuples autochtones. B- L’inaliénabilité des terres ancestrales des peuples autochtones.

La propriété foncière, une fiction occidentale

Pierre Crétois, « La propriété foncière, une fiction occidentale », À propos de : Danouta Liberski-Bagnoud, La souveraineté de la terre. Une leçon africaine sur l’habiter, Seuil. La Vie des idées , 21 juin 2023. URL : https://laviedesidees.fr/Liberski-Bagnoud-souverainete-terre

Dans la région de la Volta, la propriété du sol n’existe pas, la terre n’est pas l’objet de transactions marchandes mais de partages. D’où vient alors que, dans nos sociétés, nous considérions comme parfaitement légitime ce droit à s’approprier une partie du territoire ?

La propriété privée : une invention de la Révolution française

Jean-Fabien Spitz, « Les apories de la propriété », À propos de : Rafe Blaufarb, L’invention de la propriété privée. Une autre histoire de la révolution, Champ Vallon. La Vie des idées , 4 octobre 2019. URL : https://laviedesidees.fr/Rafe-Blaufarb-L-invention-de-la-propriete-privee

La propriété privée est aujourd’hui sacrée ; et sa définition très stricte interdit que l’on puisse remédier aux inégalités et aux défis environnementaux. Mais elle n’a pas toujours été conçue de cette manière : c’est la Révolution française qui l’a inventée.

Éloge de l’impropriétaire

Pierre Crétois, « Éloge de l’impropriétaire », À propos de : Catherine Malabou, Il n’y a pas eu de Révolution, Payot & Rivages . La Vie des idées , 12 mars 2025. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr/Catherine-Malabou-Il-n-y-a-pas-eu-de-Revolution

Proudhon affirme qu’il n’y a pas eu de révolution. Cela s’explique, Catherine Malabou le montre éloquemment, parce qu’un trait essentiel du pouvoir féodal s’est maintenu : le « droit d’aubaine ». L’expression « droit d’aubaine », Catherine Malabou y insiste de façon originale et éclairante, est empruntée au droit féodal. Il s’agit du droit que se réserve le seigneur de confisquer les biens des étrangers morts sans héritiers. C’est donc un droit de dépossession. C’est à ce point notamment que se joue la continuité entre Ancien Régime et période postrévolutionnaire, car le droit de dépossession des dominants n’a pas disparu. La bipartition entre exploiteur et exploité, entre dominants et dominés ne s’est pas abolie mais, bien que transformée, s’est maintenue.

La pluralité de modèles de propriété

Entretien avec Sarah Vanuxem, Propos recueillis par écrit par Vincent Sizaire. (2020). Protéger la Diversité Juridique Pour Préserver le Projet Politique Des communs. Délibérée, 10(2), 12-18. https://doi.org/10.3917/delib.010.0012.

La notion de « communs », de plus en plus plébiscitée dans le discours politique de gauche, serait porteuse d’un projet à même de dépasser le capitalisme et vient bousculer une certaine conception de la propriété. Il n’est cependant pas aisé de la définir ni de l’articuler avec celle de propriété. Pire, selon certaines critiques , elle pourrait bien être mobilisée dans une optique néolibérale. Dans cet entretien, Sarah Vanuxem* nous alerte sur la nécessité de promouvoir la pluralité de modèles de propriété à même de servir un projet politique émancipateur.

Le droit de propriété est-il un droit naturel ?

Pierre Crétois, (2024). La Tragédie des Communs Comme Justification Idéologique de L’accaparement Privatif. Dans T. Boccon-Gibod et T. Perroud Les communs sans tragédie Écologie, démocratie, sphère publique (p. 107-124). Hermann. https://doi.org/10.3917/herm.bocco.2024.01.0107.

Il existe deux façons de justifier le droit de propriété qui sont tout à fait distinctes sur le plan conceptuel. Selon la première ligne de justification, le droit de propriété ferait partie des droits naturels, en quoi il serait moralement justifié en lui-même avant même l’instauration des gouvernements. Selon la seconde, la propriété serait une institution introduite dans un contexte donné pour ses effets avantageux. Elle ne serait donc pas justifiée en elle-même, mais relativement à ses conséquences favorables. Dans son célèbre cours sur la biopolitique, Foucault faisait la différence entre l’approche juridico-déductive, prêtée à Rousseau, qui pose des droits fondamentaux pour en déduire un système normatif et l’approche par la pratique gouvernementale des radicaux anglais pour qui la question centrale est celle de l’utilité. Sans que l’on puisse ramener à Rousseau ou aux radicaux anglais ces deux tendances dont la présence théorique est plus mêlée et partagée aux XVIIe et XVIIIe siècles, il faut admettre qu’elle permet d’éclairer la structure conceptuelle des justifications de la propriété.
Si la pensée de Locke doit plutôt être classée du côté de la méthode juridico-déductive dans la mesure où elle pose, au fondement du droit, l’existence de droits naturels dont la propriété privée, celle de Hobbes, en revanche, offre une justification conséquentialiste et presque utilitariste du droit de propriété. Ce dernier en justifie l’introduction pour éviter une situation de guerre de tous contre tous…

La propriété comme faisceau de droits

Fabienne Orsi, (2014). Réhabiliter la Propriété Comme Bundle of Rights : Des Origines à Elinor Ostrom, Et Au-Delà ? Revue internationale de droit économique, t. XXVIII(3), 371-385. https://droit.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2014-3-page-371?lang=fr.

La définition de la propriété en termes de bundle of rights, ou faisceau de droits, constitue le cœur d’une puissante doctrine juridique américaine dont le développement au cours du XXe siècle a conduit à une véritable révolution dans la conception même de la propriété aux États-Unis. Bien qu’objet d’âpres controverses, cette conception de la propriété est progressivement devenue une nouvelle « orthodoxie ». Toutefois, l’usage de cette notion a évolué dans un sens bien précis, où le droit d’exclure s’est imposé comme le critère déterminant de la propriété. Ce faisant, ce sont les fondements mêmes de la notion de propriété, comme faisceau de droits, qui se trouvent annihilés, neutralisant de fait sa portée en tant que définition alternative de la propriété. Celle-ci mérite d’être réhabilitée. C’est la tâche que s’assigne cet article. Pour cela, nous revenons sur ses origines en mettant l’accent sur le rôle des fondateurs du réalisme juridique et de l’économie institutionnaliste. Nous mettons ensuite en perspective l’usage des bundle of rights par la théoricienne des communs et « prix Nobel » d’économie, Elinor Ostrom. Notre objectif est ainsi de montrer en quoi la contribution majeure d’Ostrom constitue un renouveau de la conception originelle de la propriété comme faisceau de droits et lui restitue toute son ampleur.

Suis-je propriétaire de mon propre corps ? Est-il (ou suis-je) une chose (res) comme les autres ?

Sandra Lavroff-Detrie, De l’indisponibilité à la non-patrimonialité du corps humain, Thèse de droit privé soutenue en 1997, https://theses.fr/1997PA010251.

Résumé : Le statut juridique du corps humain est ambigu. Le corps se confond avec la personne humaine dont il est le support et l’expression, mais il en est distinct avant la naissance et après la mort. Les progrès de la biologie et de la médecine conduisent à utiliser le corps comme une chose. La question de la réification du corps humain a été largement renouvelée par l’adoption des lois du 1er et 29 juillet 1994 sur la bioéthique. Le corps humain est absent du code civil, mais l’interprétation doctrinale et jurisprudentielle de l’article 1128 du code civil a permis de mettre en évidence un principe d’indisponibilité du corps humain. Cette règle fut largement admise durant le XIXème et le début du XXème siècle. Le principe d’indisponibilité du corps humain a permis de sanctionner les atteintes les plus nettes a l’intégrité du corps humain. Les progrès en matière biomédicale ont multiplié les cas dans lesquels le corps humain était un objet d’échange à titre gratuit et parfois à titre onéreux. Une partie de la doctrine en vint à contester l’existence du principe d’indisponibilité, alors que le juge suprême l’affirma solennellement. Les lois sur la bioéthique marquent une étape décisive dans la détermination de la nature juridique du corps humain. Le principe d’indisponibilité du corps humain a été remplacé par la règle légale de la non-patrimonialité. Le corps de la personne humaine est défini comme dénue de valeur patrimoniale et ne pouvant pas être l’objet d’acte à titre onéreux. La loi établit des règles protectrices contre les risques de réification, tout en faisant la part de l’intérêt légitime des personnes qui peuvent bénéficier de dons d’organes, d’éléments ou produits humains. La libre volonté est fondamentale et le juge intervient afin d’interdire les atteintes a la non-patrimonialité du corps humain. Cet ensemble législatif comporte des insuffisances, mais constitue un progrès.

Le droit est-il toujours « bourgeois » ?

Les juristes anarchistes : https://youtu.be/euMwL2nZX3M?si=93QsBdZQ6xPGHrt4 (à partir de 17 :30 sur la propriété privée).

« On n’abolit pas la propriété sans abolir le désir de propriété »! C’est Mathieu Burnel, de l’équipe de lundi matin, qui nous le rappelle dans un podcast (lien en commentaire) consacré à l’ouvrage collectif « Les juristes anarchistes », sorti en ce début d’année. Trois contributions stimulantes de ce livre y abordent la question de la propriété sous l’angle (1°) des communs, (2°) de la propriété d’usage et (3°) de la liberté d’habiter.

Cette question du désir de propriété est essentielle. Aujourd’hui, l’idéologie propriétaire bénéficie en effet d’un verrou propriétariste fermé à triple tour. Premièrement, la promotion, par les pouvoirs publics, de la propriété privée, suscite un désir de propriété au sein de la population, l’accession à la propriété étant vue comme un signe de réussite sociale et d’accomplissement individuel. Deuxièmement, des politiques publiques encouragent et facilitent l’accès à la propriété d’une partie de la population (politiques incitatives, prêts à taux réduits, etc.). Troisièmement, cette majorité de propriétaires (58% des ménages sont propriétaires de leur résidence principale), fait obstacle à toute remise en cause (fiscale ou juridique) de la propriété privée individuelle et lucrative.

Critique de l’idéologie propriétaire

Marc Goetzmann, « L’idéologie propriétaire », À propos de : Pierre Crétois (2020), La part commune. Critique de la propriété privée, Éditions Amsterdam. La Vie des idées , 1er janvier 2021. URL : https://laviedesidees.fr/L-ideologie-proprietaire

L’individu possède-t-il un droit absolu sur les choses dans lesquelles il met son travail ? La proposition paraît aller de soi, mais elle est pourtant contestable. Pour délimiter la propriété individuelle, il faut un accord entre nous, donc des valeurs communes.

La copossession du monde

Pierre Crétois, (2023). La Copossession du Monde. Revue du MAUSS, 61(1), 53-64. https://doi.org/10.3917/rdm1.061.0053.

Dans cet article, nous interrogeons la possibilité d’une critique libérale du droit de propriété. En effet, le libéralisme économique nous a plutôt invité à voir dans le droit de propriété le fondement ultime de l’ordre social mutuellement bénéfique permis par le marché. Pourtant, cette thèse interprétative fait peu de cas d’autres façons libérales de relativiser la propriété exclusive notamment parce qu’elle met en danger le droit que les démunis ont d’accéder aux ressources nécessaires à une vie véritablement libre. L’approche que nous proposons dans cet article consiste à penser l’entrelacement du propre et du commun ou à penser le propre sur la base de ce que nous appellerons la copossession du monde. Une telle copossession du monde n’est pas conçue comme un renversement du libéralisme politique classique mais comme un renouvellement de celui-ci dans une perspective qui soit compatible avec les défis sociaux et environnementaux de notre époque.

Sommes-nous propriétaires du chez-soi ?

→ Aurélien Berlan (2017), « Anatomie du chez-soi, De l’usage commun à la spéculation immobilière, analyse de la propriété foncière », paru dans la Revue itinérante d’enquête et de critique sociale Z n°11 – Automne 2017.

La propriété telle que nous la connaissons aujourd’hui n’a pas toujours existé. La bête noire de la critique sociale du XIXe siècle – le « vol » dénoncé par le théoricien anarchiste Proudhon – n’en est qu’un type bien particulier : la propriété bourgeoise, ou purement marchande. Mais la notion de propriété foncière est composée de plusieurs strates, sédimentées par l’histoire, qu’il s’agit ici de déplier pour penser la garantie d’un « chez-soi » à l’heure où la majorité est dépossédée de tout, contrainte de se vendre pour habiter quelque part.

Comme la plupart des idées que nous employons tous les jours, celle de propriété est constituée de plusieurs couches. On peut au moins en repérer trois : elle présente une dimension existentielle, une dimension juridique et une dimension marchande. Si l’on veut comprendre ce qui caractérise notre conception de la propriété, et ce en quoi elle est critiquable, il me semble indispensable de commencer par bien distinguer ces diverses significations, même si elles sont intimement liées dans nos esprits.

→ Lire la contribution d’Aurélien Berlan au livre collectif Habiter sans posséder de la foncière Antidote dans lequel il distingue trois niveaux du concept de propriété (existentiel, juridique et économique), qu’il croise avec les trois groupes de droits de la propriété (l’usus, l’usage, le fructus, le fruit et l’abusus, la cession ou l’abus). https://www.revuesilence.net/numeros/517-Lieux-collectifs-reinventer-la-propriete/la-propriete-c-est-l-abus

Défier le tout-puissant droit de propriété

Chloé Rébillard, (2023). La Foncière Antidote. Socialter, hors-série(HS15), 102-103. https://shs.cairn.info/magazine-socialter-2023-HS15-page-102?lang=fr.

Défier le tout-puissant droit de propriété et pérenniser les luttes en recourant à un fonds de dotation : voilà l’idée ingénieuse de la foncière Antidote, qui soude peu à peu des lieux collectifs autogérés dans toute la France.

La mutualisation des revenus et des investissements plutôt que la propriété, même collective

Si la propriété d’une collectivité « reste toujours privée à l’égard de tous ceux qui ne font pas partie de cette collectivité », peut-on se débarrasser du carcan de la propriété ? Oui, pour Benoît Borrits, à condition de privilégier deux leviers de changement : la socialisation des revenus (déjà entamée par l’essor des cotisations sociales) et l’institution d’un secteur bancaire socialisé (en phase avec le déclin de l’investissement sur fonds propres).

Il s’agirait donc de refuser toute idée de « propriété collective des moyens de production », au profit de la socialisation des revenus ? Au travers d’une synthèse historique, l’auteur revient sur les dérives du mouvement coopératif et les raisons de l’échec de diverses expériences socialistes (le soviétisme, l’anarchisme espagnol, l’autogestion yougoslave…). Inspiré notamment par le régime de sécurité sociale tel qu’il avait été envisagé à la Libération, il propose ensuite une « économie des communs », où les travailleurs et/ou les usagers gèrent une production socialement et écologiquement utile. Des mécanismes de mutualisation de revenus et un financement d’investissement socialisé permettraient de se passer définitivement des fonds propres, et donc, in fine, de la propriété.

On peut lire aussi : Louise Roblin, (2019). A propos de Benoît Borrits (2018), Au-Delà de la Propriété, la Découverte. Revue Projet, 368(1), 90-92. https://doi.org/10.3917/pro.368.0090.

Sur la part inappropriable de la nature

Margot Verdier, (2022). Une Nature Ingouvernable la Polémique Sur les Ressources Inappropriables Dans la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Revue Française de Socio-Économie, 29(2), 71-89. https://doi.org/10.3917/rfse.029.0071.

L’expérience de l’occupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est souvent présentée comme un exemple emblématique d’« autogouvernement des communs ». De nombreux conflits opposent pourtant les occupant·e·s qui promeuvent la gestion collective des ressources naturelles à celles et ceux qui défendent le caractère inappropriable des non-humains. Cet article interroge le rôle de cette polémique dans l’évolution de l’organisation économique et politique du mouvement d’occupation.

Les occupant·e·s se sont en effet rassemblé·e·s autour de l’idéal d’une émancipation radicale de tous les rapports d’obligation économique susceptibles de restreindre la liberté politique des individus. Il ne s’agissait donc pas d’instaurer une gestion collective des ressources mais de garantir l’indépendance d’individus et de groupes qui ne partagent pas les mêmes modes de subsistance. L’une des grandes controverses qui a animé l’histoire de l’occupation de la ZAD porte en effet sur les formes d’appropriation de la nature : la plupart des occupant·e·s promeuvent le développement de pratiques agricoles qu’ils/elles considèrent indispensables à la construction d’une indépendance matérielle vis-à-vis du marché capitaliste ; une partie du mouvement appelle au contraire à réduire l’intervention de l’homme sur le territoire en limitant les remises en culture et en favorisant la croissance des forêts.

Approfondir la piste du commun plutôt que celle des droits ?

Sur la durée du droit de propriété.

Mélanie Plouviez, maîtresse de conférences en philosophie sociale et politique à l’université de Côte d’Azur, ressuscite, dans L’Injustice en héritage. Repenser la transmission du patrimoine (La Découverte, 368 pages, 23 euros), les réflexions oubliées et souvent surprenantes des penseurs de la fin du XVIIIe et du XIXe siècles sur la transmission héréditaire des biens. Autrice d’un ouvrage passionnant, cette spécialiste de philosophie sociale et politique, explore, dans un entretien au « Monde », la diversité et la radicalité des pensées du XIXᵉ siècle qui remettent en cause le principe de la transmission familiale.

Le XIXe siècle est, écrivez-vous, le « siècle des pensées de l’héritage ». Comment les philosophes de l’époque abordent-ils la question ? Cet immense corpus est traversé par une idée qui nous est devenue étrangère : aux yeux de Robespierre, des saint-simoniens ou de Durkheim, la propriété individuelle doit s’éteindre avec la mort du propriétaire. Ces auteurs ne nient pas tout droit de propriété individuelle mais ils le restreignent à la durée de vie de son détenteur. Ce faisant, ils inventent une théorie de la propriété hybride : individuelle durant la vie, sociale après la mort. Cette conception n’est pas sans intérêt pour aujourd’hui : elle permet en effet de concilier notre attachement moderne à la propriété individuelle avec une destination plus élevée que le seul intérêt individuel ou familial. Si ce que je possède de manière privée, je le possède par concession sociale pour mon seul temps de vie, je ne peux pas en user de manière absolue. Dans un monde frappé par le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité, ce bouleversement théorique pourrait en particulier conduire à remettre en question les usages privatifs qui engendrent des dégradations pour tous.

Coopriétaires

Coopriétaires3 est un projet de société coopérative visant à constituer un vaste parc de logements coopératifs, en habitat diffus, dans un premier temps au sein de l’agglomération lyonnaise.

Avec Coopriétaires, nous voulons contribuer à faire sauter le verrou propriétariste. Parce qu’un logement c’est fait pour habiter, pas pour spéculer, et parce qu’effectivement nous n’abolirons pas la propriété sans abolir le désir de propriété, nous proposons un nouveau statut, celui de « coopriétaire ». Dans la droite ligne des coopératives d’habitant.e.s, nous misons sur une propriété immobilière coopérative, c’est-à-dire collective et non-lucrative, bref, sur une propriété d’usage non-marchande. Mais à la différence des coopératives d’habitant.e.s (et en complément de leur approche), nous ne voulons pas construire en marge du marché, mais racheter, pour la dernière fois, les biens existants afin de les sortir définitivement de la sphère marchande et constituer progressivement un vaste pot commun de logements.
Cela permettrait de concrétiser un véritable droit d’habiter, combinant droit au logement (accès à un logement décent et abordable), droit à la ville (lutte contre les mécanismes de relégation socio-spatiale) et droit de cité (pouvoir politique sur son cadre de vie).

Sommes-nous propriétaires des animaux de notre propriété foncière ?

En Patagonie, un éleveur a été reconnu coupable de « dommage aggravé » sur l’environnement après avoir écrasé des manchots adultes, des poussins et des œufs en procédant à l’excavation d’une partie de son terrain. Dans son verdict, le tribunal de Chubut élabore un argument sans précédent : l’éleveur « ne peut être considéré comme propriétaire de la flore autochtone et en particulier des nids des animaux sauvages, d’autant plus s’ils sont, eux et leur habitat, protégés par des lois locales et internationales ». Cet argument pourrait faire jurisprudence ailleurs en Argentine, notamment dans les dossiers de déforestation dans le Gran Chaco (nord) ou dans ceux de construction de projets immobiliers ou d’élevage dans le delta du Parana (80 km au nord de Buenos Aires).

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/20/en-argentine-la-mort-de-manchots-fait-avancer-la-justice-environnementale_6404032_3210.html.

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Notes et références
  1. Peut-être faudrait-il en rajouter une cinquième qui nous viendrait de la connaissance sociologique des formes d’organisation chez les animaux non-humains, dans la lignée des travaux actuels de Bernard Lahire (2023), Les structures fondamentales des sociétés humaines, La Découverte.
  2. Ce qui reviendrait à se raconter qu’il peut exister des variations sans invariant, et là aussi on peut lire Bernard Lahire. « Les variations ont-elles un sens indépendamment des invariants à partir desquels elles se déploient ? ». « Sinon, ce n’est pas de la variation, mais de la diversité désordonnée ».
  3. Un « coopriétaire » ce n’est pas un « coopropriétaire » ← voici une piste pour saisir la différence : chercher sur le site de la MCD, la différence entre vie sociale et vie de la société.
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05.04.2025 à 16:05

Rédaction

Lire plus (189 mots)

Il ne s’agit pour le moment que d’une pré-programmation, qui sera mise à jour au fur et à mesure des confirmations des un.e.s et des autr.e.s.

Cliquer sur l’image pour ouvrir le programme au format PDF
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17.03.2025 à 22:26

Rédaction

Texte intégral (2784 mots)

C’était il y a 5 ans, nous avions proposé cette tribune qui avait ensuite été largement enrichie par les un.e.s et les autr.e.s. Cinq années plus tard, nous acceptons de passer l’épreuve de la relecture. Et bien, pas sûr que nous devions changer grand chose. Un vrai pincement : que 5 ans après, certain.e.s de nos ami.e.s décroissant.e.s n’aient pas réussi à rester sur la crête ; et dans ce cas, ils dégringolent.

Tribune publiée dans Libération le 28 avril 2020. Dans ce journal elle peut être mise en perspective entre une tribune provocatrice de Laurent Joffrin, « Joies de la décroissance », et la tribune de Paul Ariès, « La décroissance n’est pas le confinement ». Pour l’un comme pour l’autre, être ou ne pas être le confinement, serait la question pour la décroissance. Les signataires de cette tribune pensent que la réalité politique de la décroissance est plus « sur la crête » que cela, entre des vécus très différents et des idéaux comportant des nuances.

C’était un mardi, à midi, et nul ne l’avait prédit. Sans guère de résistance, nous avons accepté le bouleversement. Une autolimitation collective puis individuelle, ou l’inverse. Ce n’est pas « le pas de côté » que nous autres décroissants espérions. N’est-il pas évident que les mesures du confinement telles que nous les subissons révèlent en amont de la pandémie la faillite des politiques publiques qui en aval se traduit par une gestion autoritaire et techno-scientiste. Ce sont-là les deux faces d’une même biopolitique de croissance, gestionnaire, élitaire, indécente et insensible. Néanmoins, il y a dans le confinement comme un pas suspendu de la cigogne. Et ce n’est pas à dédaigner ! Après le confinement, il y aura encore la récession, des rebonds et des répliques ; mais pendant la période du confinement, conjoncturellement, il y a une espèce de décroissance ; oui, mais alors laquelle ?

Il s’agit d’un moment historique, parce que subitement c’est l’impératif économique de l’accélération et de la démesure qui est suspendu, mis entre parenthèses. Une parenthèse ouverte le 17 mars 2020 en France. Parenthèse qui se refermera peut-être en mai, ou juin, mais ouverte, maintenant, en plein cœur de la mondialisation et dans le monde entier. Plus de la moitié de la population mondiale est confinée ! Parenthèse partout ouverte sur moins de production, moins de consommation, et par conséquent moins d’extraction, moins de déchets, moins de pollutions, moins de  déplacements, moins de bruit, moins de travail et donc moins de revenus, mais aussi plus du tout de vacances, plus du tout de musée ou de concert, plus du tout de rencontres sportives ni de « matchs » : plus rien qu’un « essentiel » qui reste à redéfinir…

© Philippe Verspeek. A moitié vide, à moitié plein, le temps qui passe

Que nous vivions à la campagne ou en ville, une qualité de vie est maintenue, avec des degrés très inégaux de « résilience » (jardin ou balcon ou fenêtre ?) et de souffrance qu’il ne faut pas écarter : décroissance à demi-subie, décroissance à demi-choisie. Dans des conditions encore plus difficiles de vie pour les plus vulnérabl-e-s – en particulier dans le cas des violences familiales –, la sobriété se fait néanmoins plus présente, nos relations sociales, familiales, amicales sont nos précieux remèdes. Nous entendons parler relocalisation, circuits-courts, ralentissement, renoncement. Nous participons ou assistons à des manifestations de solidarité, de créativité, nous contemplons l’éveil du printemps. Bref une joie simple d’exister se manifeste, et cela grâce à… notre organisation sociale commune, fruit d’un minimum de vie démocratique depuis 1945, qui garantit encore l’essentiel : une certaine paix sociale. Certes le Président Macron a déclaré « Nous sommes en guerre. ». Mais ce n’est pas une guerre parce qu’il n’y a aucun ennemi à vaincre ni aucun humain à tuer, à moins de tordre le sens des mots, à des fins biopolitiques. Certes il y a des morts : c’est donc peut-être une demi-guerre, mais nul ennemi à l’horizon. demi-guerre, et donc demi-paix très largement assurée par les personnels des services publics et du soin à la personne qui limitent la pandémie en permettant l’accès des malades aux soins. Services publics mais aussi tous ces emplois – cette « France d’en bas » dont beaucoup hier étaient sur les ronds-points – qui sont aujourd’hui mis « en première ligne de corvée » : sans effondrement général. Même pas un effondrement de l’État, pourtant comme abasourdi par son audace d’avoir pris la décision politique d’un coup de frein économique ; malheureusement il se rassure en poussant le plus qu’il peut son autorité policière et ses expérimentations juridiques d’exception.

Demi-guerre avec la mort qui rôde, demi-paix parce qu’il est devenu interdit de rôder. La mort – qui est la limite de toute vie – fait peur. Surtout en régime politique de croissance prétendument infinie, croissance qui peut être interprétée comme l’organisation sociale du déni de la mort. La mort peut faire peur, et une mauvaise peur est toujours bonne à prendre pour tout pouvoir qui veut se conserver : d’où la demi-guerre.

Leçon pour la décroissance : si elle touche en quoi que ce soit avec une mauvaise peur, alors elle s’effondre. La décroissance, c’est une parenthèse mais dans la paix.

Confinés, accordons-nous quand même un temps de réflexion sur ce constat : « l’imprévisible est advenu ». Prenons-en pleine conscience : par le confinement, les gouvernants ont choisi d’épargner des vies plutôt que l’économie. Le pas suspendu de la vergogne ? Quelle que soit la diversité de nos conditions sociales de vie, et elles sont évidemment loin d’être aussi faciles pour tou-te-s, osons goûter finement ces moments : l’allègement de l’empreinte écologique, la texture des liens qui nous unissent, l’épaisseur des silences, l’air qui s’allège, la couleur de nos vies, le bruissement du vivant. Carpe diem ! Gardons cette saveur en mémoire, celle du sel, du sens à notre vie commune. Carpe dies relegationis !

Bref, ce confinement est une demi-décroissance : osons affirmer que rien n’a jamais ressemblé plus à la décroissance que ce moment consenti de confinement ; d’autant qu’il y a aussi une part de rationnement pour (presque) tous.

Trajet d’une société honnie à une société désirable

Notre empreinte écologique décroit globalement et pacifiquement pour le moment. « Par le fait », ce moment est écologiquement un peu plus soutenable par l’humanité. Le bilan écologique de cette parenthèse décroissante sera irréfutable : « c’était un temps de répit, un temps de repos. » Mais après le confinement, à quoi s’attendre ?

Économiquement, il est évident que ce sera une autre histoire. Pire, socialement, notre attention à l’autre et notre souci de l’autre nous obligent à dénoncer sans concession le côté obscur de ce confinement. Force est de constater que la pandémie va surtout atteindre les démunis, les appauvris par le système économique. Et surtout l’indécence des ultra-riches, certes confinée, n’a pas disparu. Aucun miracle de la part des gouvernements. Pas (encore ?) question de siphonner les richesses des enrichis (par des prélèvements exceptionnels sur les patrimoines et les revenus comme en temps d’après-guerre) pour assurer le partage et le bien-vivre de toutes et tous dans une société socialement décente. La décroissance des inégalités ce n’est pas encore maintenant.

Pour le moment, c’est plutôt changement d’heure… et d’année au programme : 1984 te voilà ! Big Brother est vraiment là, il nous regarde, nous envoie des SMS, nous surveille, nous enregistre, nous parle du haut de son drone, nous traque via notre ordiphone, nous dissocie, nous individualise. Le sens de la technique est bien politique… Télétravail, télémédecine, télé-enseignement, skype-apéro, etc. Les écrans étriquent nos mondes sensibles. Accélération des réseaux sociaux qui ne peuvent relier que celles et ceux qui sont préalablement séparé-e-s. Là non plus, petit détail politique, nul miracle en ce qui concerne le partage des pouvoirs : les gouvernements continuent de décider seuls, sans nous, donc contre nous. Partout la démocratie est placée en quarantaine. La potion de cheval est là : ordonnances à tout va ! Ce n’est pas la joie démocratiquement parlant. Surtout quand nous nous rappelons qu’on nous a déjà fait le coup de l’état d’urgence qui s’infiltre dans la loi ordinaire.

Ce sont, là, pour le moment, des leçons du confinement. a/ Ce confinement a ouvert une parenthèse. Chères décroissantes, chers décroissants, ayons-le bien présent à l’esprit. Nous ne sommes pas en train de rêver : notre rêve de décroissance est donc possible. En ce sens, la décroissance serait une période particulière entre parenthèses, un trajet auto-organisé vers des sociétés écologiquement soutenables, socialement décentes et démocratiquement organisées, passant par les baisses de l’extraction, de la production, de la consommation, de la circulation et des déchets. b/ Quand la parenthèse du confinement va officiellement se refermer, nous savons bien que nous n’arriverons pas miraculeusement dans un monde décolonisé par l’imaginaire de la croissance, que l’économie aura beau jeu de réimposer ses narratifs, ses dettes, ses réajustements, qu’elle instrumentalisera une relocalisation cosmétique au service d’une souveraineté biaisée… Mais même à l’heure de leur revanche, nous disposerons d’un nouvel argument : oui, le politique peut prendre la décision de donner un coup de frein à l’économie. Nous en aurons vécu l’expérience dans notre chair.

La décroissance, c’est le bon sens pour (re)pauser le monde à l’endroit.

 

Olivier Zimmermann (Suisse), Élodie Vieille-Blanchard, Jacques Testart, Mathilde  Szuba, Christian Sunt, Agnès Sinaï, Michel Simonin, Luc Semal, Onofrio Romano (Italie), Olivier Rey, Christine Poilly, Irène Pereira, Jean-Luc Pasquinet, Baptiste Mylondo, Karine Mauvilly, Vincent Liegey, Michel Lepesant, Bernard Legros (Belgique), Francis Leboutte (Belgique), Stéphane Lavignotte, Antony Laurent, François Jarrige, Mathilde  Girault, Maële Giard, Loriane Ferreira, Guillaume Faburel, Robin Delobel (Belgique), Alice Canabate, Thierry Brulavoine, Thierry Brugvin, Geneviève Azam, Alain Adriaens (Belgique).

→ Contact média : demi-resonance@ouvaton.org, 06 77 89 09 35

Crédit photo. Avec l’aimable autorisation de Philippe Verspeek : Dans le cadre du Collectif Cov’Art initié par http://cn2r.fr/covart/

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