pour la lutte sociale
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Publié le 03.05.2024 à 21:00
Soudan : guerre civile, multinationales et 9 millions de personnes déplacées, par Miguel Lamas
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Publié le 03.05.2024 à 20:00
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Publié le 03.05.2024 à 15:22
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Publié le 03.05.2024 à 14:57
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Publié le 03.05.2024 à 21:00
Soudan : guerre civile, multinationales et 9 millions de personnes déplacées, par Miguel Lamas
Publié à titre de tribune libre.
Il y a un an, le 15 avril, commençait la lutte armée entre les deux camps militaires qui se disputent le Soudan et ses richesses, tout d’abord l’or. Les deux camps s’affrontent, mais répriment sauvagement la majorité des travailleurs soudanais.
Le conflit, qui oppose les forces armées soudanaises (SAF), dirigées par le général Abdelfatah al Burhan, aux forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) du général Mohamed Hamdan Dagalo, connu sous le nom d’Hemedti, a entraîné le déplacement de plus de 9 millions de personnes de leurs maisons et leurs lieux de résidence, et d’innombrables civils ont été tués ou gravement blessés.
En réalité, la plupart des déplacements et de la famine dont souffre la moitié des 45 millions d’habitants du Soudan sont largement dus à la répression brutale de la population civile par les deux camps militaires. La grande majorité d’entre eux ne sont pas impliqués dans le conflit entre les deux camps. Cependant, ils sont chassés par les militaires qui pénètrent dans leurs maisons, violent les femmes et volent leurs biens, ou subissent des bombardements aériens sur leurs logements.
Comme l’indique un article du quotidien espagnol El Salto, « la confrontation entre l’armée et les milices au Soudan implique une guerre contre la population qui s’est soulevée pour la démocratie et qui lutte maintenant pour sa survie ».
Le soulèvement populaire de 2019 et la contre-révolution
En 2019, le Soudan a connu un soulèvement populaire qui a mis fin à 30 ans de régime militaire islamique du dictateur Omar Al Bashir, et des promesses de démocratie et d’élections libres ont été faites. Mais, en 2021, a eu lieu un nouveau coup d’État militaire et la répression s’est déchaînée contre la population. Depuis avril 2023, ce chaos a laissé une grande partie de la population sans nourriture, sans soins de santé et presque sans écoles ni universités. Des milliers de travailleurs de la santé et de l’éducation ont été licenciés. En effet, ils étaient à l’avant-garde, avec les jeunes des « comités de résistance révolutionnaire », de grandes luttes contre la dictature.
Ce qui a existé pendant toutes ces années et existe encore, ce sont les « comités révolutionnaires de résistance », qui se sont unis aux organisations populaires des quartiers, qui ont également mené la rébellion de 2019 et qui ont chassé la dictature des 30 dernières années. Aujourd’hui, ils persistent dans une grande partie du pays comme réseaux locaux de survie et d’entraide, canalisant les efforts pour collecter de la nourriture, de l’argent et des médicaments afin d’aider les personnes dans le besoin. Ces comités sont attaqués et persécutés à parts égales par les factions militaires des FAS et des FAR dans les endroits où chacune d’elles domine.
Extraction d’or et pillage impérialiste
Ce désastre social dont souffre le Soudan, pays d’origine et de langue arabe comme la Palestine, n’est pas propre au Soudan. Cependant, il touche de nombreux pays africains qui étaient autrefois des colonies européennes jusqu’aux années 1950 et qui ont historiquement souffert du pillage de leurs pays par l’Europe. Aujourd’hui, ils souffrent tous d’une semi-colonisation par des entreprises étrangères et impérialistes qui s’emparent de leurs richesses par l’intermédiaire d’organisations locales associées, subordonnées et armées. Outre les entreprises européennes, il y a aussi la pénétration des entreprises américaines, israéliennes, arabes, chinoises et russes qui se battent pour les richesses naturelles du Soudan.
Le Soudan est un pays arabe qui a été une colonie britannique jusqu’en 1956. En 2011, sa région méridionale, peuplée de différents groupes ethniques et de langues semblables aux populations africaines du sud et du centre de l’Afrique, est devenue indépendante, avec une population d’environ 11 millions d’habitants. C’est dans le sud indépendant que se trouve la plus grande partie de la production pétrolière, principale source de richesse du Soudan. Mais, dans le secteur nord qui reste le Soudan d’aujourd’hui, des richesses aurifères ont été découvertes il y a une vingtaine d’années.
L’année dernière, bien que les chiffres varient considérablement et qu’il n’y ait aucun contrôle de l’État sur l’extraction de l’or, on parle de 233 tonnes d’exportations d’or. Cela place le Soudan parmi les principaux producteurs et exportateurs d’or au monde. Mais, il n’en reste que peu ou n’en reste rien pour sa population.
Cet or est en grande partie accaparé par des sociétés telles que le groupe paramilitaire russe Wagner, aujourd’hui reconverti en African Corps, par l’intermédiaire de la société M-Invest, qui appartenait au chef du groupe Wagner, Yevgeny Preghozin, décédé en Russie, apparemment assassiné par Poutine. Mais cette société est très importante dans l’extraction de l’or du Soudan, qu’elle achemine vers la Russie. Les paramilitaires des FAR qui dominent les principaux territoires d’extraction de l’or sont les alliés de la société russe. Il en va de même pour les entreprises des Émirats arabes, qui sont également alliées aux FAR. Quant au gouvernement des FAS, qui domine d’autres régions du pays, il est davantage allié à Israël et aux États-Unis.
Outre la répression anti-populaire et la guerre entre secteurs militaires, l’exploitation de l’or, avec l’utilisation massive de mercure, détruit l’agriculture et plonge 25 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population soudanaise, dans la famine. Tout d’abord, les 9 millions de personnes déplacées de leurs maisons par l’invasion de l’une des factions militaires, partent presque toutes sans rien, sans argent, sans nourriture bien sûr, et sans travail. Les réfugiés arrivent dans des endroits, que ce soit dans les pays voisins ou au Soudan même, souvent avec rien d’autre que les vêtements qu’ils portent sur le dos, et où ils ne reçoivent quasiment aucune aide non plus, parce qu’il s’agit de population très pauvre.
La nécessité d’une solidarité internationale avec le peuple soudanais
La grande expérience de lutte du soulèvement populaire de 2019 à 2021 a montré tout d’abord l’énorme force des travailleurs lorsqu’ils s’organisent, s’unissent et se mobilisent, mais également que les partis bourgeois et les factions militaires cherchent à conclure un pacte avec certains impérialistes européens, arabes ou russes, afin de préserver l’ordre capitaliste et le pillage du pays dont ils sont également les bénéficiaires avec cet ordre. Les promesses de démocratisation sont sans cesse bafouées. Ce capitalisme semi-colonial avec un peuple très pauvre qui détruit le pays et provoque une misère effroyable et une famine populaire, est aujourd’hui largement centré sur l’or. Les exigences économiques du peuple face à la crise chronique historique du pays et une véritable solution démocratique rendent nécessaire une direction alternative des travailleurs et de la jeunesse, pour réorganiser les comités révolutionnaires de résistance, pour obtenir à l’avenir le renversement des deux factions de la dictature militaire, pour expulser les transnationales minières russes, européennes, sionistes ou arabes pilleuses et pour gagner une solution et un gouvernement en faveur des travailleurs, de la jeunesse et des femmes du peuple.
En tant qu’Unité internationale des travailleuses et travailleurs – Quatrième Internationale (UIT-QI), nous appelons à la solidarité internationale avec la lutte actuelle du peuple soudanais pour sa survie. En même temps que la solidarité avec la lutte des peuples travailleurs et de la jeunesse arabes et africains et leur unité dans la solidarité dans la lutte pour mettre fin au capitalisme impérialiste, aux gouvernements des patrons et aux dictatures en Afrique, ainsi qu’au colonialisme sioniste génocidaire d’Israël au Moyen-Orient. Depuis ses origines, le capitalisme impérialiste, l’esclavage et le colonialisme ont conduit le continent africain, y compris son Nord arabe, à la pire pauvreté, au pillage et à l’oppression du monde.
Miguel Lamas, le 20 avril 2024.
L’auteur est membre de la direction de l’Unité internationale des travailleuses et travailleurs – Quatrième Internationale (UIT-QI)
Publié le 03.05.2024 à 20:00
Présentation
Nous publions à titre de document pour la discussion sur les perspectives mondiales cette interview de Pierre Rouset, vétéran de l’ex « Secrétariat Unifié » de la Quatrième Internationale, menée par Jaime Pastor, pour la rédaction de la revue hispanique Viento Sur.
Assurément, on peut constater que dans le « SU », il y a des secteurs qui tiennent des discours distincts ou divergents. Le secteur « incarné » par Pierre Rousset va assurément dans la bonne direction, ce qu’il faut saluer. Ce qui n’empêche pas des nuances et divergences comme sur le rôle de « mouvements pacifistes » dont nous doutons de l’efficacité dans le contexte de militarisation croissant. Alors que la question de la survie de l’humanité dans le contexte de la « polycrise » se pose, il ne peut y avoir de voie autre que la prise du pouvoir à l’échelle mondiale par ceux d’en bas pour résoudre conjointement les crises écologique et sociale en brisant la résistance de ceux d’en haut, pour réorganiser toute la société humaine sur des bases vivables par tous et toutes, humanité et biosphère.
Document
Jaime Pastor – Il semble évident que nous nous trouvons dans le contexte d’une crise mondiale multidimensionnelle, dont l’une des caractéristiques est un relatif chaos géopolitique, dans lequel on assiste à une multiplication des guerres et à une aggravation des conflits inter-impérialistes, comment définirais-tu cette phase ?
Pierre Rousset –Vous vous référez à la « crise mondiale multidimensionnelle » (je dirais plutôt une crise planétaire). Je pense qu’il est important de s’y arrêter, avant d’aborder les questions géopolitiques. Cette crise surdétermine tout et nous ne pouvons plus nous contenter de faire de la politique comme avant. Nous atteignons en effet le « point de bascule » que nous redoutions depuis longtemps, et ce bien plus vite que prévu.
Jonathan Watts, rédacteur en chef sur l’environnement global du Guardian, tire la sonnette d’alarme en titrant son article du 9 avril « Le dixième record mensuel consécutif de chaleur alarme et déconcerte les climatologues. ». En effet, « Si l’anomalie ne se stabilise pas d’ici au mois d’août, « le monde se retrouvera en territoire inconnu », déclare un expert en climatologie. […]. Cela pourrait signifier que le réchauffement de la planète modifie déjà fondamentalement le fonctionnement du système climatique, et ce bien plus tôt que les scientifiques ne l’avaient prévu ».
L’expert cité juge que cette stabilisation d’ici août est encore possible, mais quoi qu’il en soit, la crise climatique fait d’ores et déjà partie de notre présent. Nous sommes dedans et ses effets se font déjà dramatiquement sentir (le chaos climatique).
La crise globale à laquelle nous devons faire face affecte tous les domaines de l’écologie (pas seulement le climat) et leurs conséquences sur la santé (dont les pandémies). Elle concerne l’ordre international dominant (les dysfonctionnements insolubles de la mondialisation néolibérale) et la géopolitique des puissances, la multiplication des conflits et la militarisation du monde, la fabrique sociale intime de nos sociétés (fragilisée par la précarisation généralisée nourrie par tout ce qui précède)…
Qu’y a-t-il de commun à toutes ces crises ? Leur origine « humaine », en tout ou en large partie. La question de l’impact humain sur la nature n’est évidemment pas nouvelle. Quant à la croissance des émissions de gaz à effet de serre, elle remonte à la révolution industrielle. Cependant, cette « crise générale » est étroitement corrélée au développement du capitalisme d’après la Seconde Guerre mondiale et puis à la mondialisation capitaliste. Elle est caractérisée par la synergie entre un ensemble de crises spécifiques qui nous plonge dans une situation sans précédent aucun, à la frontière de multiples « territoires inconnus » et d’un point de bascule global.
Pour la qualifier de façon concise, j’aime le terme de « polycrise ». Il est certes un peu déroutant, étranger au langage du quotidien, mais il souligne, étant au singulier, que nous parlons d’UNE crise aux multiples facettes, qui résulte de la combinaison de multiples crises spécifiques. Nous n’avons donc pas à faire à une simple addition de crises, mais à leur interaction qui démultiplie leur dynamique, nourrissant une spirale mortifère pour l’espèce humaine (et pour une bonne partie des espèces vivantes).
Ce qui s’avère particulièrement révoltant, et pour tout dire hallucinant, est que les pouvoirs établis annulent aujourd’hui les maigrelettes mesures qui avaient été prises pour tenter de limiter un tant soit peu le réchauffement climatique. C’est le cas notamment des gouvernements français et britannique. C’est aussi le cas des grandes banques aux États-Unis, ou celui des compagnies pétrolières. Au moment où il était évident qu’il fallait les renforcer, et diablement. Les très riches dictent leur loi. Ils ne considèrent pas que nous sommes tous dans le même bateau. Des régions entières de la planète sont en passe de devenir invivables, là où les hausses de température se combinent à des taux très élevés d’humidité dans l’air. Qu’à cela ne tienne, ils iront vivre là où il fait encore bon.
Nous sommes entrés de plain-pied dans l’ère des pandémies. La destruction des milieux naturels a créé les conditions de promiscuités favorables à la transmission inter-espèce de maladies dont Covid est devenu l’emblème. La fonte du permafrost sibérien est annoncée et pourrait libérer des bactéries ou virus anciens contre lesquels n’existe ni immunisation ni traitement. En ce domaine nous risquons aussi d’entrer en territoire inconnu : la crise climatique est porteuse d’une crise sanitaire multidimensionnelle.
La catastrophe était prévisible et a été prévue. Nous savons maintenant que les grandes compagnies pétrolières avaient commandité dès le milieu des années 1950 une étude qui avait décrit avec une précision remarquable le réchauffement climatique à venir (dont elles ont néanmoins nié des décennies durant la réalité).
Nous n’avons pas fini de faire le tour des milles et une facettes de la « polycrise », mais il est peut-être temps d’en tirer quelques premières implications.
C’est autour des pôles que l’impact géopolitique du réchauffement climatique est le plus spectaculaire, surtout dans l’Arctique. Une voie de navigation interocéanique s’ouvre au nord, ainsi que la perspective d’exploitation des richesses du sous-sol. La compétition inter-impérialiste dans cette partie du monde prend une dimension nouvelle. La Chine n’étant pas un pays riverain de l’Antarctique, elle a besoin de la Russie pour y opérer. Elle fait payer à Moscou à l’est du continent eurasiatique le prix de sa solidarité sur le front ouest (Ukraine) en assurant son libre usage du port de Vladivostok.
En termes de géopolitique mondiale, je voudrais pointer l’importance de deux sujets qui ne sont pas mentionnées dans les questions qui suivent.
L’Asie centrale tout d’abord. Elle occupe une place pivot au cœur du continent eurasiatique. Pour Vladimir Poutine, elle fait partie de la zone d’influence privilégiée de la Russie, mais pour Pékin, c’est l’un des passages clés du versant terrestre de ses nouvelles « routes de la soie » en direction de l’Europe. Une partie complexe est actuellement engagée dans cette partie du monde, mais fort peu intégrée à nos analyses.
Par ailleurs, le réchauffement climatique nous rappelle l’importance cruciale des océans qui couvrent 70% de la surface du globe, jouent un rôle décisif dans la régulation du climat, abritent des écosystèmes vitaux, le tout étant menacé par la hausse de température des eaux. La surexploitation des ressources océaniques est, comme on le sait, un enjeu majeur, ainsi que l’extension des frontières maritimes qui ne posent pas moins de problèmes que les frontières terrestres. Une réflexion géopolitique globale ne peut faire l’impasse sur les océans, ainsi que sur les pôles.
Un autre aspect clef de la « crise multidimensionnelle » à laquelle nous sommes confrontés concerne évidemment la mondialisation et la financiarisation capitalistes. Elles ont abouti à la formation d’un marché mondial plus unifié que jamais dans le passé, afin d’assurer la liberté de mouvement des marchandises, des investissements et des capitaux spéculatifs (mais pas des personnes). Plusieurs facteurs sont venus perturber cette « mondialisation heureuse » (pour les grands possédants) : une stagnation des échanges marchands, l’ampleur prise par la finance spéculative et les dettes, la pandémie Covid qui a révélé les dangers de la division internationale des chaînes de production et le degré de dépendance de l’Occident vis-à-vis de la Chine, contribuant à la modification rapide des relations entre Washington et Pékin (de l’entente cordiale à la confrontation).
Ce sont les grandes entreprises occidentales qui ont voulu faire de la Chine l’atelier du monde, afin d’assurer une production à faible coût et de casser le mouvement ouvrier dans leurs propres pays. C’est l’Europe qui a été à la pointe de la généralisation des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à laquelle Pékin a adhéré. Elles étaient toutes convaincues que l’ancien Empire du Milieu leur serait définitivement subordonné, et il aurait pu en être ainsi. Si ce ne fut pas le cas, c’est que l’aile marchante de la bureaucratie chinoise, une fois les résistances populaires brisées dans le sang (1989), a réussi sa mutation capitaliste, donnant naissance à une forme originale de capitalisme d’État.
Le capitalisme d’État a une longue histoire en Asie orientale, sous l’égide du Kuomintang (Guomindang) en Chine ou à Taïwan, en Corée du Sud… De par son histoire, la formation sociale chinoise est évidemment unique, mais elle combine assez classiquement le développement d’un capital privé et l’appropriation capitaliste des entreprises d’État. Nous n’avons pas à faire à deux secteurs économiques séparés (une économie fondamentalement duale) ; ils sont en effet étroitement liés par de multiples coopérations, ainsi que par le biais de clans familiaux présents dans tous les secteurs.
Sous l’égide de Deng Xiaoping tout d’abord, la Chine convertie au capitalisme a discrètement amorcé son envol impérialiste et a pu bénéficier de l’éloignement géographique des États-Unis, longtemps incapables de réaliser leur recentrage sur l’Asie (il n’a été assuré que par Joe Biden, dans la foulée de la débâcle afghane).
En conclusion de ce point, notons que :
• La situation géopolitique internationale reste dominée par le face-à-face entre un impérialisme établi (les États-Unis) et un impérialisme montant (la Chine). Ce ne sont bien entendu pas les seuls acteurs du grand jeu mondial entre puissances, petites et grandes, mais aucune autre ne pèse d’un poids comparable aux deux « super-puissances ».
• Ce conflit a pour particularité un degré très élevé d’interdépendance objective. Certes, la crise de la mondialisation néolibérale est patente, mais son héritage est toujours là. Il n’y a plus de « mondialisation heureuse », mais il n’y a pas non plus de « démondialisation (capitaliste) heureuse ». Les conflits géopolitiques sont à la fois le symptôme de cette situation de crise structurelle et en accentuent les contradictions. Dans une certaine mesure, nous sommes ici aussi entrés en « territoires inconnus », sans précédent.
• Tout en restant la principale « super puissance », l’hégémonie des États-Unis a subi un déclin relatif. Ils ne peuvent continuer à gendarmer le monde sans l’aide d’alliés fiables et efficaces qui manquent à l’appel. Ils sont affaiblis par la crise politique et institutionnelle provoquée par Donald Trump et ses conséquences diplomatiques durables (perte de confiance de leurs alliés). On peut dire qu’il n’y a plus d’impérialisme « classique », vu l’ampleur de la désindustrialisation qu’a connue le pays. Joe Biden mobilise aujourd’hui des moyens financiers et légaux considérables pour tenter de redresser la barre en ce domaine, mais ce n’est pas une tâche facile. Rappelons qu’un pays comme la France était incapable, même face à une urgence vitale (Covid), de produire du gel hydroalcoolique, des masques chirurgicaux et des FFP2, des blouses pour le personnel soignant. Cela ne relève pourtant pas de la technologie de pointe !
• La Chine était, en ce domaine, en bien meilleure position. Elle avait hérité de l’ère maoïste une base industrielle autochtone, une population au taux d’alphabétisation élevée pour le tiers monde, une classe ouvrière formée. Devenue atelier du monde, elle a assuré une nouvelle vague d’industrialisation (en partie dépendante, mais pas seulement). De gros moyens ont été investis pour assurer la production de technologies de pointe. Le parti-Etat a pu organiser le développement national et international du pays (il y avait un pilote dans l’avion). Ceci dit, le régime chinois est aujourd’hui plus opaque et secret que jamais. On sait comment la crise politico-institutionnelle affecte l’impérialisme US. Il est bien difficile de savoir ce qu’il en est en Chine. Cependant, l’hypercentralisation du pouvoir sous Xi Jinping, devenu président à vie, semble bien être maintenant un facteur de crise structurelle.
• Le déclin relatif des États-Unis et la montée en puissance inachevée de la Chine ont ouvert un espace dans lequel des puissances secondaires peuvent jouer un rôle significatif, au moins dans leur propre région (Russie, Turquie, Brésil, Arabie saoudite…). Ainsi, je pense que la Russie n’a pas cessé de placer la Chine devant une succession de faits accomplis aux frontières orientales de l’Europe. En agissant de concert, Moscou et Pékin étaient largement maîtres du jeu sur le continent eurasiatique. Cependant, il n’y a pas eu de coordination entre l’invasion de l’Ukraine et une attaque effective sur Taïwan.
JP : Dans ce contexte, précisément, peut-on considérer que l’invasion russe de l’Ukraine et le soutien des puissances occidentales à l’Ukraine pour y faire face font de cette guerre une guerre inter-impérialiste qui nous amène à évoquer la politique de Zimmerwald (guerre à la guerre) pour y répondre ? Ou, au contraire, sommes-nous face à une guerre de libération nationale qui, bien que soutenue par les puissances impérialistes, oblige la gauche occidentale à se solidariser avec la résistance du peuple ukrainien contre l’invasion russe ?
PR : La politique de Zimmerwald était de demander une paix, sans annexions. Or, certaines des personnes qui se présentent comme des héritiers de Zimmerwald proposent de céder tel ou tel morceau de l’Ukraine à la Russie, d’y organiser des référendums pour valider leur séparation de l’Ukraine, etc., mais passons.
Le plus simple, pour répondre à cette question, est de reprendre le déroulé des événements. Une invasion se prépare en mobilisant aux frontières des moyens militaires considérables, ce qui prend du temps et se voit. C’est Poutine qui l’a fait. A ce moment-là, l’OTAN était en pleine crise politique, après l’aventure afghane, et le gros de ses forces opérationnelles en Europe n’avait pas été redéployé à l’Est. La préoccupation principale de Biden était la Chine et il essayait même encore de jouer Moscou contre Pékin. Les services secrets US ont été les premiers à alerter qu’une invasion était possible, mais l’avertissement n’a été pris au sérieux ni par les États européens ni même par Zelinsky lui-même.
En Europe occidentale, la plupart d’entre nous avions alors peu de contacts avec nos camarades est-européens (en particulier ukrainiens) et nous avons été nombreux à analyser les événements en termes uniquement géopolitiques (une erreur à ne jamais commettre), pensant que Poutine se contentait d’exercer une forte pression sur l’Union européenne pour attiser les dissensions post-afghanes au sein de l’OTAN. Si tel avait été le cas, l’invasion ne devait pas avoir lieu, car elle aurait l’effet inverse : redonner un sens à l’OTAN et lui permettre de resserrer les rangs. C’est bien ce qui s’est passé ! De plus, avant l’invasion russe, une majorité de la population ukrainienne souhaitait vivre dans un pays non aligné. Aujourd’hui, seule une très petite minorité envisage leur sécurité autrement qu’en alliance étroite avec les pays de l’OTAN.
Pour ma part, ce n’est que très peu de temps avant l’invasion que j’ai eu le sentiment qu’elle était possible, alerté par mon ami Adam Novak.
Nous en savons maintenant beaucoup plus : l’invasion avait été préparée depuis plusieurs années. Elle s’inscrit dans un grand projet de restauration de l’Empire russe dans les frontières de l’URSS stalinienne, avec Catherine II pour référence. L’existence de l’Ukraine n’était qu’une anomalie dont Lénine était coupable (selon les termes mêmes de Poutine) et elle devait réintégrer le giron russe. En fait, les Ukrainien.nes l’appellent l’invasion à grande échelle et soulignent que la subversion et l’occupation militaire du Donbass, Luhansk et Crimée en 2014 constituaient une première phase de l’invasion. L’« Opération spéciale » (le mot « guerre » était prohibé jusqu’à tout récemment et le reste en pratique) devait être très rapide et se poursuivre jusqu’à Kiev, où un gouvernement aux ordres serait établi. Les forces occidentales, prises de court, ne pourraient alors que s’incliner devant le fait accompli – et prises de court, elles le furent. Même Washington n’a réagi politiquement qu’avec un temps de retard.
Le grain de sable qui a fait s’enrayer la machine de guerre fut l’ampleur de la résistance ukrainienne, imprévue par Poutine, mais aussi en Occident. On peut vraiment parler d’une résistance massive, populaire, en osmose avec les forces armées. C’était une résistance nationale, à laquelle beaucoup de russophones ont participé (et tout l’éventail politique, à l’exception des obligés de Moscou). Pour qui en doutait, il n’y avait pas de preuve plus éclatante que celle-ci : l’Ukraine existe bel et bien. Nous sommes dans le second cas de figure que vous évoquiez.
Le temps n’efface pas cette vérité « originelle » et notre obligation de solidarité. Une double obligation de solidarité, j’ajouterais. Avec la résistance nationale du peuple ukrainien et avec les forces de gauche qui continent à lutter, en Ukraine même, pour les droits des travailleurs et des syndicats, pour les libertés d’association et d’expression, contre l’autoritarisme du régime Zelynsky et contre les politiques néolibérales (prônées par l’Union européenne)…
Bien évidemment, l’Ukraine est devenue un point chaud du conflit de puissances russo-occidental. Sans la fourniture d’armes par les États-Unis, notamment, les Ukrainien.nes n’auraient pas pu tenir de « fronts ». Cependant, avec constance, les fournitures d’armes ont toujours été en deçà de ce qu’il aurait été nécessaires pour mettre décisivement en échec Moscou. Jusqu’à aujourd’hui la maîtrise de l’air par l’armée russe n’a pas été contrée. Et les pays de l’OTAN se divisent à nouveau, alors que la crise préélectorale aux États-Unis bloque le vote des fonds à destination de l’Ukraine.
Après avoir eu la possibilité de construire des défenses en profondeur et de se réorganiser, Moscou continue à être le moteur de l’escalade militaire en Ukraine, avec l’aide des obus nord-coréens et des financements fournis par l’Inde ou la Chine (via la vente de produits pétroliers), et elle pousse la politique du fait accompli jusqu’à l’ignoble : la déportation d’enfants ukrainien.nes et leur adoption dans des familles russes.
JP : Si oui, que répondre à ceux qui considèrent que le soutien à la résistance sert les intérêts des puissances occidentales (avec l’approbation du gouvernement Zelenski) qui veulent prolonger la guerre, sans se soucier des ravages (humains et matériels) qu’elle produit, et qu’il est donc nécessaire de promouvoir une politique active de défense d’une paix juste ?
PR : Je ne suis pas moi-même engagé activement dans la solidarité Ukraine. Je maintiens, à contre-courant de l’actualité, mes activités de solidarité Asie. Je me suis immergé dans la question israélo-palestinienne (c’est dur à vivre). Alors je resterais prudent.
Nous ressentons toutes et tous l’ampleur des ravages de cette guerre, d’autant plus importants que Poutine mène une guerre qui cible sans vergogne la population civile. C’est insupportable.
Cependant, ce n’est pas notre soutien, mais Poutine qui prolonge cette guerre. Il ne faut quand même pas diluer les responsabilités. Si par le terme de « paix juste » on entend une trêve indéfinie sur la ligne de front actuel, cela condamnerait cinq millions d’Ukrainien.nes dans les territoires occupés à vivre sous un régime d’assimilation forcée, avec en plusieurs autres millions déporté.es vers la Fédération russe proprement dite.
Je pense que le rôle du notre mouvement de solidarité est, avant tout, de contribuer à créer les meilleures conditions pour la lutte du peuple ukrainien et, en son sein, pour la gauche sociale et politique ukrainienne. Ce n’est certainement pas à nous de déterminer ce que pourrait-être les termes d’un accord de paix. Je pense qu’il nous faut être à l’écoute de ce que demandent la gauche ukrainienne, le mouvement féministe, les syndicats, le mouvement des Tatars de Crimée, les écologistes (entre autres), et de répondre à leurs appels.
Il nous faut aussi écouter la gauche et les mouvements contre la guerre en Russie même. La plupart des composantes de la gauche anticapitaliste russe pensent que la défaite de la Russie en Ukraine pourrait constituer l’élément déclencheur ouvrant une porte vers la démocratisation du pays et l’émergence de divers mouvements sociaux.
Celles et ceux qui dans la gauche occidentale prétendent que la gauche en Europe de l’Est « n’existe presque pas » se trompent.
Croire qu’un mauvais compromis ‑ sur le dos des Unkrainien.nes ‑ pourrait mettre fin à la guerre est une illusion qui me paraît dangereuse. C’est oublier les raisons pour lesquelles Poutine est entré en guerre : liquider l’Ukraine et poursuivre la reconstitution de l’Empire russe, mais aussi s’emparer de ses richesses économiques (dont son agriculture) et instaurer un régime de nature coloniale dans les zones occupées.
L’appareil d’État poutinien est gangrené par les hommes des services secrets (KGB-FSB). Il est déjà intervenu dans toute sa zone de proximité, de la Tchétchénie à l’Asie centrale et à la Syrie. Il n’existe internationalement que par ses capacités militaires, ses ventes d’armes, de produits pétroliers ou agricoles…
J’ai une défiance totale envers « nos » impérialismes dont je connais les fortraitures et que je n’ai de cesse de combattre. Je ne m’en remettrai jamais à eux pour négocier ou imposer un accord de paix. Voyez ce que sont devenus les accords d’Oslo en Palestine !
Alors, il n’est pas question pour moi que les mouvements de solidarité « entrent dans la logique des puissances » (quelles qu’elles soient). Ils doivent garder leur complète indépendance vis-à-vis, notamment, des États et gouvernements (y compris celui de Zelensky). Je le répète, nous sommes à l’écoute des forces de gauche ukrainiennes ainsi que de la gauche antiguerre en Russie.
JP : D’autre part, les États-Unis et l’UE utilisent la guerre russe en Ukraine et l’augmentation des tensions internationales comme alibi pour le réarmement et l’augmentation des dépenses militaires. Peut-on parler d’une « nouvelle guerre froide » ou même de la menace d’une guerre mondiale dans laquelle l’utilisation d’armes nucléaires n’est pas exclue ? Quelle doit être la position de la gauche anticapitaliste face à ce réarmement et à cette menace ?
PR : Je suis contre le réarmement et l’augmentation des dépenses militaires par les États-Unis et l’Union européenne.
Ceci étant dit, je pense qu’il faut élargir le propos. Une nouvelle course aux armements est engagée dans laquelle la Chine (et même la Russie) semble avoir l’initiative en plusieurs domaines, dont celui des armes hypersoniques qui rendraient inopérants les boucliers antimissiles existants ou permettraient de cibler de très loin l’armada d’un porte-avion. Rien n’a été véritablement testé, à ma connaissance, et je ne sais pas ce qui est vrai ou relève de la science-fiction, mais d’autres camarades sont certainement plus savants que moi en ce domaine.
Cependant, la course aux armements est en elle-même un problème majeur. Pour les raisons usuelles (militarisation du monde, capture par le complexe militaro-industriel d’une part exorbitante des budgets publics…), mais aussi du fait de la crise climatique, qui rend encore plus urgente la sortie de l’ère des guerres en permanence. La production d’armement et leur utilisation n’entrent pas dans le calcul officiel d’émission des gaz à effet de serre. Un terrible déni de réalité.
La menace d’utilisation de l’arme nucléaire a été plusieurs fois brandie par Poutine, sans effet (je ne lui demande pas d’être cohérent avec ses déclarations). Je doute que la menace de guerre nucléaire découle directement du conflit ukrainien en cours (j’espère ne pas me tromper), mais je pense néanmoins que c’est (malheureusement) un vrai sujet. Là aussi je vais élargir le propos.
Il y a déjà quatre « points chauds » nucléaires localisés. L’un est situé au Moyen-Orient : Israël. Trois le sont en Eurasie : Ukraine, Inde-Pakistan, péninsule coréenne. Ce dernier est le seul à être « actif ». Le régime nord-coréen enchaîne périodiquement les essais et les tirs de missiles dans une région où stationne l’aéronavale US et se trouve le plus grand complexe de bases US à l’étranger (au Japon, surtout dans l’île d’Okinawa). Joe Biden a déjà fort à faire avec l’Ukraine, la Palestine et Taïwan et se passerait bien d’une aggravation de la situation dans cette partie du monde (la Chine aussi), situation dans laquelle la responsabilité de Trump a été lourdement engagée, mais celle du dernier rejeton de la dynastie héréditaire nord-coréenne aussi.
Petit problème : il faut vingt minutes à un missile nucléaire nord-coréen pour atteindre Séoul, la capitale du Sud. Dans ces conditions, l’engagement à ne pas utiliser le premier l’arme nucléaire devient difficile à appliquer.
La France fait partie des pays qui préparent politiquement l’opinion publique à l’usage éventuel d’une bombe nucléaire « tactique ». Il faut nous opposer vigoureusement à cette tentative de banalisation. Malheureusement, il y a une sorte de consensus politique national qui fait que l’on ne fait pas de « notre » arsenal nucléaire une question de principe pour conclure des accords politiques, y compris à gauche et même quand on est pour son abolition.
La question du réarmement, de la nouvelle course aux armements, du nucléaire doit impérativement faire partie de l’activité des mouvements antiguerres de part et d’autre des frontières. Ainsi, malgré les terribles violences intercommunautaires qui ont accompagné la partition de l’Inde en 1947, la gauche pakistanaise et indienne fait conjointement campagne pour le désarmement.
Peut-on parler de « nouvelle guerre froide ». Je trouvais dans le temps cette formule très eurocentrée. En Asie, la guerre était torride (l’escalade US au Vietnam). Aujourd’hui, que voudrait-elle dire, à l’heure de la guerre russe en Ukraine ? Je comprends qu’elle soit reprise dans la presse, dans un débat, mais je pense que nous ne devrions pas l’utiliser, et ce pour deux raisons principales :
• Elle rabat l’analyse sur une approche très limitée de la géopolitique. La guerre n’est en effet « froide » que du fait qu’il n’y a pas confrontation directe entre grandes puissances. Cela n’empêche pas, mais cela ne contribue pas à une analyse concrète des conflits « chaud ».
• De façon générale, je ne suis pas féru d’analogies historiques : « sommes-nous en… ». On n’est jamais « en… », mais dans le présent. Je sais que l’histoire contribue à expliquer le présent et que le présent contribue à revisiter le passé, mais la formule « nouvelle guerre froide » illustre bien ma réticence. La « première » Guerre froide opposait le « bloc occidental » au « bloc oriental ». A cette époque, le bloc soviétique et la Chine n’entretenaient que des rapports économiques limités avec le marché mondial capitaliste. La dynamique révolutionnaire se poursuivait (Vietnam…).
Aujourd’hui, le marché mondial capitaliste s’est universalisé. La mondialisation est passée par là. La Chine en est devenue l’un des piliers. L’interdépendance économique entre elle, les États-Unis et les pays ouest-européens est étroite. On ne peut rien comprendre à la complexité du conflit sino-étatsunien sans prendre pleinement en compte ce facteur. Pourquoi alors recourir à une vielle formule pour ajouter après : mais tout est différent, bien entendu.
Je dirais que le thème de la nouvelle guerre froide convient aux campistes des deux camps. Aux campistes qui veulent justifier leur soutien à Moscou et Pékin. Ou à celles et ceux qui veulent se ranger dans le camp de la Démocratie et des Valeurs occidentales contre les autocrates.
Un petit contrepoint pour terminer : Biden est un homme du passé. Il a appris à négocier les menaces nucléaires au travers de plusieurs crises majeures. Cette expérience peut aujourd’hui lui être encore utile.
JP : Concernant la guerre d’extermination menée par l’État d’Israël à Gaza, quels sont les enjeux de cette guerre ? Pourquoi les États-Unis, malgré leur récente abstention au Conseil de sécurité de l’ONU, continuent-ils à soutenir Israël ? Quel rôle doit jouer notre solidarité internationaliste avec le peuple palestinien ?
PR : Quels sont les enjeux de cette guerre ? La survie même des Gazaouis. Un spécialiste de ces questions (l’élimination de populations) a eu une formule qui me paraît très juste. Il n’avait vu une situation aussi grave par son « intensité ». Dans d’autres cas, un plus grand nombre de personnes sont mortes, mais Gaza est un territoire minuscule qui subit une attaque multiforme d’une intensité inégalée. Même si les bombardements cessaient et que l’aide arrivait en masse, les décès se poursuivraient dans la durée.
La population entière vivra avec des stress post-traumatiques répétés, à commencer par les enfants dont le taux de mortalité est effarant. Les plus jeunes, victimes de malnutrition, n’auront jamais droit à une vie « normale ».
Autres enjeux, l’existence même de la Cisjordanie où les Palestiniens sont soumis à la violence quotidienne des colons suprémacistes juifs, appuyés par l’armée et les paramilitaires. Les Gazaouis survivants vont-ils être forcés à l’exil via l’Égypte ou la voie maritime ? Les Palestiniens de Cisjordanie survivants vont-ils être expulsés en Jordanie ? Le projet du Grand Israël va-t-il s’imposer ?
On peut inscrire dans le temps long la colonisation de la Palestine, mais nous vivons un terrible point tournant. Netanyahou n’a jamais défini ses objectifs de guerre (à part la destruction totale du Hamas, une entreprise qui n’a pas de fin). Je ne vais pas essayer de les définir à sa place, d’autant plus que la situation est volatile.
Le bombardement du consulat iranien à Damas, le 1er avril, est un exemple de la fuite en avant dans laquelle Netanyahou est engagé au-delà des frontières de la Palestine. C’est une violation flagrante de la Convention de Vienne qui protège les missions diplomatiques. La cible de l’attentat était de hauts dirigeants du Hezbollah qui s’y trouvaient, mais cela ne « justifie » rien. Il y a toujours des « ennemis » de choix dans les missions diplomatiques, dont des officiers supérieurs. Les Israéliens le savent bien, les agents du Mossad déguisés en diplomates, ayant assassiné ou enlevé plus d’une personne en pays étrangers. Il est curieux et inquiétant que ce bombardement n’ait pas suscité plus de protestations.
Téhéran ne veut pas la guerre, mais doit réagir. On est sur un fil du rasoir.
Joe Biden a construit son propre piège en assurant d’emblée son soutien inconditionnel au gouvernement israélien, par sionisme intime et sans consulter les experts de sa propre administration, ce qui lui vaut une série de démissions fracassantes. Il ne peut plus soutenir l’insoutenable, mais ne cesse pas pour autant la fourniture d’armes et munitions en Israël. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression qu’il a tout simplement perdu la main diplomatique dans le monde arabe et s’occupe pour l’heure de blinder des accords de défense avec le Japon et les Philippines, au cas où Trump emporterait la prochaine présidentielle.
[Une mise à jour : l’Iran a mené une attaque aérienne contre Israël dans la nuit du 13 au 14 mars. Selon un décompte israélien, plus de 300 projectiles ont été tirés : 170 drones, 30 missiles de croisière et 110 missiles balistiques. Téhéran avait annoncé l’opération, confirmée par les États-Unis. Il faut plusieurs heures pour que ces armes atteignent Israël, ce qui laissait tout le temps nécessaire en abattre en bonne partie sur le trajet. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Jordanie y ont contribué. Une base militaire israélienne a néanmoins été touchée. L’objectif de cette opération était clairement politique, un avertissement en réponse à l’attentat de Damas. C’était la première fois que le régime iranien s’attaquait ainsi directement à Israël. Téhéran a annoncé que son opération n’aurait pas de suite, si du moins les Israéliens s’en tenaient là. Face à l’Iran, Joe Biden est toujours en mesure d’activer un front de pays occidentaux et arabes. La dépendance d’Israël envers ses protecteurs se confirme.]
Venons-en à la dernière question. Quelles sont, à mon sens, les tâches d’une solidarité internationaliste avec le peuple palestinien ?
Tout d’abord, l’urgence absolue, sur laquelle une très large unité peut se faire : cessez-le-feu immédiat, entrée d’une aide massive par toutes les voies d’accès à la bande de Gaza, protection des convois et des travailleur.es humanitaires (nombreux sont celles et ceux qui ont été tués), reprise de la mission de l’UNRWA dont le rôle est irremplaçable, arrêt de la colonisation en Cisjordanie et rétablissement dans leurs droits des Palestien.nes spolié.es, libération des otages israélien.nes et des prisonnier.es politiques palestinien.nes…
Nous défendons sans « mais » le droit à la résistance, y compris armée, des Palestiniens ; mais cela n’implique ni un soutien politique au Hamas ni de nier que des crimes de guerre ont été commis le 7 octobre, ce dont attestent de nombreuses sources indépendantes. Parmi ces sources mentionnons l’association Physicians for Human Rights-Israel (Médecins pour les Droits Humains, PHRI) ; des villageois bédouins du Néguev qu’Israël refuse de protéger, mais qui ont subi des attaques répétées de la part du Hamas ; des militantes et militants israélien.nes qui ont consacré leur vie à défendre les droits des Palestinien.nes…
Le Hamas est aujourd’hui la principale composante militaire de la résistance palestinienne, mais est-il porteur d’un projet émancipateur ? Nous avons toujours analysé les mouvements engagés dans les luttes de libérations que nous soutenions. Pourquoi serait-ce différent aujourd’hui ?
Notre rôle d’internationaliste est, aussi, de tracer un fil, aussi ténu soit-il entre les tâches présentes et un avenir émancipateur. Nous défendons le principe d’une Palestine où pourront vivre ensemble les habitant.es de cette contrée historique « entre la mer et le fleuve » (inclus le retour des réfigié.es palestinien.nes). Cela n’arrivera pas sans de profonds bouleversements sociaux dans la région, mais nous pouvons donner corps à cette perspective en soutenant les organisations qui agissent aujourd’hui ensemble, juives/juifs et Arabes/Palestinien.nes, envers et contre tout. Toutes et tous prennent de gros risques pour continuer à afficher cette solidarité judéo-arabe dans le contexte actuel. Nous leur devons la solidarité.
La solidarité judéo-arabe est aussi l’une des clés de développement des mobilisations internationales, notamment aux États-Unis où le mouvement Jewish Voice for Peace a joué un rôle très important pour contrer la propagande des lobbies pro-israéliens et ouvrir l’espace de la contestation.
Comment analyses-tu la stratégie de politique étrangère de la Chine et son conflit avec Taïwan ?
Je pense que Xi Jinping a pour priorité la poursuite de l’expansion mondiale de la Chine et sa consolidation, la compétition avec les États-Unis dans le domaine des hautes technologies à double usage civil et militaire, la recherche d’alliances diplomatiques significatives (un talon d’Achille face aux États-Unis), le développement de ses propres zones d’influences dans des régions jugées à ce stade stratégique (comme le Pacifique sud), le renforcement de ses capacités militaires aéronavales et spatiales ou de surveillance et de désinformation. L’invasion de Taïwan ne serait pas à l’ordre du jour.
Les voies d’expansion de la Chine diffèrent de ses prédécesseurs. L’époque a changé. Pékin ne possède qu’une grande base militaire classique, à Djibouti. Cependant, elle signe des accords avec un nombre croissant de pays pour avoir accès à leurs ports. Mieux, elle en prend possession en tout ou partie, ce qui lui assure un réseau maritime étendu de points d’attache à double usage civil et militaire. Les services de sécurité présents dans les entreprises chinoises à l’étranger sont assurés par des militaires, ce qui permet à l’armée de s’informer et d’établir des contacts.
La politique chinoise est de caractère impérialiste et on voit mal comment il pourrait en être autrement. Toute grande puissance capitaliste se doit de garantir la sécurité de ses investissements et de ses communications, la rentabilité politique et financière de ses engagements.
Pékin a proclamé sa souveraineté sur l’entièreté de ladite mer de Chine du Sud, une zone de transit international majeure, qu’elle a militarisé sans tenir compte des droits maritimes des pays voisins. Elle s’approprie les richesses halieutiques et prospecte les fonds marins. Un régime autoritaire emploie des méthodes autoritaires partout où il pense pouvoir le faire. Certes, un régime impérialiste dit démocratique peut faire de même…
JP : Outre la prolongation des situations de guerre en Syrie, au Yémen, au Soudan ou en République démocratique du Congo, il existe une guerre dont on parle peu en Occident, en Birmanie. Pourriez-vous commenter l’état actuel de ce conflit ?
PR : Un mot sur le Soudan. Il y a dans ce pays une riche expérience de résistances populaires « à la base », dans des conditions extrêmement difficiles, qui mériterait d’être mieux connues (et soutenues).
La Birmanie a constitué un cas d’école. Les militaires ont assuré leur mainmise exclusive sur le pouvoir à l’occasion d’un putsch, le 1er février 2021. Le lendemain, le pays entrait en dissidence sous la forme d’un arrêt de travail généralisé et d’un immense mouvement de désobéissance civile. Le putsch avait avorté, mais l’armée n’a pas pu être chassée, faute d’un soutien international immédiat. Les militaires ont pu reprendre progressivement l’initiative par une répression sans merci. Dans la région centrale, initialement pacifique, la résistance populaire a dû entrer en clandestinité, puis s’engager dans la résistance armée. Elle a recherché l’appui de mouvements ethniques armés opérant dans les États de la périphérie montagnarde du pays.
Il est difficile d’imaginer un mouvement de résistance civique plus ample que celui qu’a connu la Birmanie – mais l’entrée dans la lutte armée s’est imposée comme une nécessité vitale, fondant sa légitimité sur l’évidence de l’autodéfense. Cela lui a permis de traverser l’épreuve du feu et de s’organiser progressivement sous forme de guérillas indépendantes ou liées au Gouvernement d’Unité nationale, expression du parlement dissous par les militaires et (enfin) ouvert aux minorités ethniques.
Le conflit a pris des formes terriblement dures, l’armée ayant notamment le monopole de l’aviation. Il était aussi complexe, chaque État ethnique ayant ses propres caractéristiques et choix politiques. Peu à peu, cependant, la junte a perdu la main. Elle avait l’appui de la Chine (pays frontalier) et de la Russie, mais s’est révélée incapable de garantir à Pékin la sécurité de ses investissements et la construction d’un port donnant accès à l’océan Indien. Son isolement international s’est accentué et ses alliés de l’ASEAN se sont divisés.
Aujourd’hui, l’armée cède du terrain dans de nombreuses régions et le front d’opposition à la junte s’est élargi. La Birmanie est un pays à l’histoire très riche, mais malheureusement méconnue en Occident.
JP : Pour conclure, l’aggravation de la crise économique et la multiplication des conflits tant au niveau international que régional semblent indiquer un tournant dans le contexte international qui nécessite de repenser les politiques de solidarité internationaliste. Quelles sont les pistes pour construire un internationalisme en phase avec l’évolution des conflits internationaux au XXIe siècle ?
PR : Il y a une recomposition en profondeur avec pour ligne de force l’opposition entre « campisme » et internationalisme. Nous pouvons avoir de nombreuses différences d’analyses, mais la question est de savoir si nous défendons toutes les populations victimes.
Chaque puissance choisit les victimes qui lui conviennent et abandonnent les autres. Nous nous refusons à entrer dans ce type de logique. Nous défendons les droits des Kanaks en Kanaky quoi qu’en pense Paris, les Syrien.nes et les peuples de Syrie face à l’implacable dictature du clan Assad, les Ukrainiennes et Ukrainiens sous le déluge de feu russe, les Palestiniennes et Palestiniens sous le déluge des bombes US, les Portoricain.es sous l’ordre colonial étatsunien, les peuples de Birmanie même quand la junte est soutenue par la Chine, les Haïtiens à qui protection et asile sont refusés par ladite « communauté internationale ».
Nous n’abandonnons pas des victimes au nom de considérations géopolitiques. Nous soutenons leur droit à décider librement de leur avenir et, quand telle est la question, leur droit à l’autodétermination. Nous nous retrouvons avec les mouvements progressistes qui, de par le monde, récusent la logique de « l’ennemi principal ». Nous ne sommes dans le camp d’aucune grande puissance, qu’elle soit nippo-occidentale, russe ou chinoise. L’occupation est un crime en Ukraine comme en Palestine.
Face à la militarisation du monde, nous avons besoin d’un mouvement antiguerre mondial. C’est vite dit, mais bien difficile à faire. Pouvons-nous nous appuyer sur des solidarités transfrontalières locales (Ukraine-Russie, Inde-Pakistan) pour ce faire ? Ou sur l’immense mouvement de solidarité avec la Palestine ? Sur les forums sociaux comme celui qui vient de se réunir au Népal ?
Il nous faut aussi intégrer la question climatique à la problématique des mouvements antiguerres et, réciproquement, les mouvements écologistes militants gagneraient, si ce n’est déjà fait, à intégrer la dimension antiguerre à leur combat. Idem concernant l’arme nucléaire.
La personnalité de Greta Thunberg me semble incarner le potentiel des jeunes générations confrontées à la violence de la « polycrise ». Mais ses engagements demandent de la ténacité, ce dont elle ne manque certes pas, une capacité à agir dans la durée, ce qui n’a rien d’évident. Ma génération militante avait été lancée sur orbite par la radicalité des années 1960 et, pour nous en France, par l’expérience fondatrice de Mai 68. Une sacrée impulsion. Qu’en est-il aujourd’hui ?
• Interview à paraître dans le prochain numéro de Viento sur.
Une mise à jour a été introduite le 14 avril à 16h30 concernant l’attaque aérienne lancée par Téhéran contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril.
Une correction a été apportée le 15 avril 2014.
Paru dans Viento Sur, 16 avril 2024 :
Crisis mundial, conflictos y guerras: ¿qué internacionalismo para el siglo XXI? – Viento Sur
Publié le 03.05.2024 à 15:22
Le 5 avril 2024, le Mouvement socialiste russe a été reconnu comme « agent étranger ». Quel rôle cette organisation a-t-elle joué dans la politique de gauche russe ? Qu’est-ce qui lui a valu d’être reconnue comme « agent étranger » ? Avec les participants du Mouvement, nous nous souvenons de son histoire de la dernière décennie.
Le 5 avril 2024, le Mouvement socialiste russe a été reconnu comme « agent étranger ». C’est le premier précédent où les autorités interdisent effectivement une organisation de gauche : il est évident que la loi répressive et antidémocratique de Poutine ne laisse aucune possibilité d’activité politique sous ce nom. Néanmoins, si l’on considère l’« agence étrangère » comme une sorte d’évaluation de la part du régime, alors c’est bien mérité. Au cours des treize années de son histoire, le MSR s’est toujours opposé à l’agression militaire, à la dictature et au manque de droits de la majorité ouvrière. La rédaction de Posle.Media s’est tournée vers trois membres de l’organisation pour rappeler toutes les étapes de son parcours, qui coïncide en grande partie avec l’histoire politique de la Russie de la dernière décennie.
Ilya Budraitskis, philosophe politique, historien
Le congrès fondateur du Mouvement socialiste russe (RSM) a eu lieu au printemps 2011. C’est le moment qui précède des événements politiques majeurs qui changent largement le cours de l’histoire du pays : en septembre, Poutine annoncera son retour à la présidence, et en décembre, des manifestations « de masse » commenceront à Moscou. Il est symbolique que le congrès de la nouvelle organisation, qui regroupait plusieurs groupes socialistes, se soit tenu dans la salle du Centre Sakharov, qui a ensuite été détruit par les autorités.
Le manifeste du MSR, adopté à l’époque, déclarait : « le mouvement de gauche russe se trouve dans une situation où… la crise du système politique s’aggrave, la demande d’une alternative politique augmente dans les couches les plus larges de la société. » Le mouvement créé n’a donc pas essayé de se présenter comme le porteur du seul véritable programme révolutionnaire et n’a pas considéré sa propre construction organisationnelle comme une fin en soi. Notre tâche était de relancer le processus de création d’une large union des forces de gauche, qui deviendrait un pôle socialiste indépendant dans le futur mouvement d’opposition de masse. Le futur proche a prouvé la validité de cette analyse.
Le 10 décembre 2011, lors du premier rassemblement de plusieurs milliers de personnes sur la place Bolotnaïa, le MSR était représenté par une colonne impressionnante, et le tirage d’un numéro spécial de notre journal s’est épuisé en quelques minutes. Au cours des mois suivants, le MSR a pris une part active à tous les événements clés du mouvement de protestation naissant : des représentants de l’organisation ont pris la parole lors de rassemblements à Moscou et à Saint-Pétersbourg, pendant les deux semaines du célèbre « Occupy Abai », nous avons publié un quotidien, participé aux élections du Conseil de coordination de l’opposition et même mené des raids de propagande lors de rassemblements de soutien à Poutine (au cours desquels, à l’époque comme aujourd’hui, les travailleurs des institutions budgétaires étaient rassemblés sous la contrainte en masse). Durant cette période, la composition de l’organisation a beaucoup changé : à la suite des manifestations, nous avons attiré de nouveaux camarades, mais avons perdu un certain nombre d’anciens qui critiquaient la tactique de participation active au mouvement démocratique de masse. Notre position – l’inséparabilité de la lutte pour le changement social et des droits démocratiques fondamentaux – se démarquait déjà fortement sur fond de groupes staliniens et sectaires, qui sous-estimaient le danger de voir le pays glisser vers une dictature ouverte.
Après l’annexion de la Crimée et l’intervention russe dans le Donbass, le MSR s’est opposé sans équivoque aux aventures impériales du régime Poutine, dont les victimes n’étaient pas seulement les Ukrainiens mais aussi les Russes ordinaires. Lors de la marche contre la guerre à Moscou au printemps 2014, la colonne du MSR a défilé sous le slogan « Le peuple paie toujours pour la guerre » – aujourd’hui, dans la troisième année d’une guerre à grande échelle qui a coûté des centaines de milliers de vies, cette affirmation sonne particulièrement vraie. En 2014-2015, sur fond d’hystérie chauvine dispersée par les autorités, le MSR n’a pas eu peur d’aller à contre-courant, répétant sans cesse dans sa propagande : « le principal ennemi siège au Kremlin ».
Kirill Medvedev, poète, traducteur, musicien
Depuis 2017, le MSR connaît un revirement municipal et électoral. En 2017, nous avons participé aux élections municipales à Moscou et en 2019, nous avons rejoint la campagne de Sergueï Tsukasov pour la Douma municipale de Moscou. Tsukasov, un démocrate de gauche qui, à l’époque, était actif avec succès dans la politique régionale depuis plusieurs années, était à la tête du conseil du district d’opposition d’Ostankino. Sergueï était soutenu par le Parti communiste de la Fédération de Russie, il avait toutes les chances de gagner, c’est pourquoi peu avant le jour du vote, il a été exclu de la course sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Nous avons participé à de grands rassemblements à Moscou pour exiger sa réintégration ainsi que celle d’autres candidats de l’opposition démis de la participation au scrutin. En conséquence, le quartier général de Sergueï a soutenu le candidat de Yabloko, qui, grâce à des efforts communs, a vaincu l’odieux candidat des autorités. C’était un bon exemple de coopération entre les oppositions dans le district. Depuis, nous avons beaucoup participé aux événements régionaux à Ostankino.
En 2021, nous avons rejoint la campagne de Mikhaïl Lobanov pour la Douma municipale de Moscou. Nos militants ont fait diverses choses – depuis la définition de l’ordre du jour et la rédaction du journal du district jusqu’au travail sur le terrain. La campagne de Lobanov a montré qu’un socialiste qui a rassemblé pour sa campagne diverses personnes constructives et partageant les mêmes idées peut devenir un leader de l’opposition générale dans une immense région d’un million d’habitants. Nous avons également travaillé avec d’autres députés et hommes politiques de gauche, par exemple avec Vitaly Bovar à Saint-Pétersbourg, et avons présenté nos propres candidats, par exemple Kirill Shumikhin à Ijevsk. En 2022, nous avons soutenu le projet « Promotion » qui est proche de nous.
Les élections sont l’occasion de travailler sur un projet avec un calendrier fixé et un résultat réalisable. Il s’agit d’une expérience nécessaire pour les groupes de gauche, qui agissent généralement en mode de réaction d’urgence, essayant de répondre à des initiatives gouvernementales bien planifiées et soutenues par d’énormes ressources. De plus, les élections sont l’occasion de contacter les habitants qui, malgré une dépolitisation massive, ont beaucoup plus de confiance et d’intérêt pour le candidat à la députation et son équipe que pour les militants tiers, dont les objectifs et les motivations sont le plus souvent incompréhensibles et suspects pour les gens…
Sasha Davydova, militante MSR
Le jour où commença l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, des membres du MSR manifestèrent dans la rue contre la guerre. Je me souviens de la façon dont nous avons imprimé à la hâte des tracts et les avons distribués dans les rues, en formant des piquets individuels. […]. Les protestations ont passé, mais dès le même jour, il était évident que la guerre changeait radicalement les conditions du jeu. Les changements politiques intervenus dans le système ont placé toute action politique organisée dans un cadre encore plus répressif que jamais.
Agissant dans le cadre d’une législation de guerre, nous avons dû nous adapter aux nouvelles réalités. Depuis le 24 février, l’une des tâches principales a été de ne pas piéger nos camarades, d’assurer la sécurité et de préserver l’organisation. La question se pose de savoir comment agir, mais le MSR reste fidèle à lui-même pendant la guerre. Les participants au mouvement ont fait un choix : quitter la Russie ou ne pas la quitter, mais la plupart d’entre eux sont restés actifs.
Depuis 2022, le MSR s’est développé en tant que média de gauche et notre agenda s’est également élargi. Nous avons commencé à réfléchir et à parler davantage de décolonisation, en essayant de déplacer l’optique du débat au sein de l’opposition vers la gauche. Nous avons continué à investir dans l’agenda syndical et à soutenir les syndicats indépendants. Nos militantes ont défendu avec vigueur l’agenda social féministe. Elles ont participé à des actions contre la violence sexiste et organisé des campagnes contre les attaques conservatrices visant l’autonomie corporelle des femmes. Dans le domaine éducatif, le MSR organisait des écoles pour les étrangers et des séances de lecture. Nous avons travaillé pour ne pas nous replier sur nous-mêmes, pour ne pas rester isolés, mais pour déplacer le discours de l’opposition vers l’agenda démocratique de gauche : parler d’inégalités flagrantes, écrire sur les grèves et les violations des droits du travail, faire campagne contre la violence d’extrême droite, etc…
À l’étranger, le MSR a noué des liens de solidarité internationale avec d’autres organisations de gauche. Hors de Russie, les militants pouvaient se permettre de lancer ouvertement des slogans contre l’impérialisme, de s’aligner sur les syndicats le 1er mai, d’organiser des manifestations antifascistes et des actions de solidarité avec les prisonniers politiques russes.
Nous avons organisé l’action pour un « Monde Juste » lors des « élections » présidentielles. Cette campagne était un vote contre tous [les candidats officiels] et en même temps un programme socialiste minimum qui unissait la gauche en une coalition (et unir la gauche est un succès en soi). La campagne pour un monde juste a combiné une action politique légale et une campagne active sur le terrain, ce qui n’a pas légitimé les soi-disant élections, entièrement orchestrées par le Kremlin. Je crois que leurs résultats montrent que notre position s’est avérée la meilleure possible, car s’appuyer sur l’un des candidats artificiels (en particulier Davankov) n’aurait jamais pu devenir le miroir des sentiments de protestation. La Campagne pour un monde juste visait à unir et à politiser les voix réclamant la paix, l’égalité et la justice. Et ce potentiel ne sera pas perdu.
Source : https://posle.media/soczializm-zapreshhaetsya/
Document transmis par l’équipe du Samizdat 2.0
Publié le 03.05.2024 à 14:57
Lyon, le 02 mai 2024
Semaine de mobilisation du collectif 69 de soutien au peuple ukrainien
Le 26 avril, journée du 38ème anniversaire de l’explosion de Tchernobyl, le collectif Ukraine 69 était présent avec la coordination antinucléaire du Sud est sur le pont Wilson à Lyon. Il a pris la parole pour rappeler le danger qui demeure 38 ans après dans la zone large de Tchernobyl.
Il a dénoncé le danger du chantage nucléaire de « Poutine, Medvedev et Lavrov [qui] banalisent l’utilisation du nucléaire, en envisageant des frappes sur l’Ukraine, voire sur des capitales européennes. Ils habituent ainsi les Russes et les Biélorusses à cette utilisation de l’arme nucléaire, qui pourrait très bien survenir avec l’explosion de la centrale de Zaporijjia ».
Le 26 avril au soir, c’était un débat à l’aquarium café à la Croix Rousse autour du film de Loup Bureau « Tranchées » qui raconte la vie des soldats ukrainiens et d’une soldate qui, sur la ligne de front du Donbass, affrontent des séparatistes soutenus par la Russie. Ce film âpre, touchant avec une photo soignée nous montre la guerre au quotidien : des bombardements, des tirs de riposte, mais surtout de l’attente. Il montre aussi les espérances, les coups de blues de soldats qui défendent leur pays. Le film fut suivi d’un débat animé par le collectif avec Wanda Mykola et Philippe.
Et le 1er mai le collectif a affiché le long du défilé des manifestants une banderole « Troupes russes, hors d’Ukraine » en distribuant un tract affirmant notamment notre soutien aux syndicats ukrainiens qui luttent ainsi sur 2 fronts : en défense des droits sociaux et contre l’invasion des troupes de Poutine.
Notre tract dénonçait « l’invasion impérialiste de l’Ukraine par la Russie…. qui commet des crimes de guerre à caractère génocidaire ». Il demandait entre autre « des sanctions économiques réelles », « l’interdiction des exportations des biens à double usage ( civil et militaire) […] la confiscation des avoirs en France de Poutine et de ses amis oligarques afin de financer et de reconstruire les espaces dévastés en Ukraine, ce qui serait une première étape dans les réparations. »
Cette banderole et notre tract furent bien accueillis avec des manifestants qui venaient nous féliciter, des syndicalistes de Solidaires, de la CGT ou de la FSU, militants politiques ou associatifs et même une jeune ukrainienne qui est venue nous dire merci en criant « Slava Ukrayïni ».
Cette semaine de mobilisation nous montre qu’il y a une évolution des consciences, sans doute parce que le vrai visage du gouvernement de Poutine révèle ses intentions bellicistes pas seulement en Ukraine. C’est pour cela que le collectif Ukraine doit se renforcer et renforcer son soutien au peuple ukrainien.
Et les Ukrainiens aussi ont besoin de notre soutien, d’autant plus, comme le disait notre tract « qu’ils savent qu’une victoire de Poutine signifierait la fin de l’Ukraine, une régression sociale d’ampleur, la destruction de leurs organisations syndicales et des libertés démocratiques. »
Et nous savons que leur défaite signifierait une extension de la guerre avec d’autres annexions en Europe centrale.
SLAVA UKRAYINI !
Collectif 69 de soutien au peuple ukrainien
- Contact : Ligue des Droits de l’Homme
- 34 Cours de Verdun 69002 Lyon – fede.rhone@ldh-france.org
Le tract du Collectif 69 distribué à la manifestation syndicale
tract-Collectif-69-Ukraine_pour-1er-mai-2024TéléchargerPublié le 03.05.2024 à 14:34
Un militaire-syndicaliste au forum social du 28 avril
Outre des travailleurs de diverses industries socialement importantes, notre Forum social « Protection des droits du travail dans le contexte de la défense de l’Ukraine » du 28 avril a été rejoint par le militaire et président du comité central du syndicat pan-ukrainien « Solidarité populaire » Oleksiy Klyashtorny. Dans son discours, il a exposé sa vision des défis actuels en matière de droits et de libertés des travailleurs en Ukraine.
Selon lui, la réduction des droits du travail, la réduction de l’influence des syndicats sur l’employeur et l’accélération des coupes néolibérales sont une tendance qui se poursuit dans le monde depuis les années 80. Elle ne contribue pas au renforcement de la participation démocratique des travailleurs.
En Ukraine, le gouvernement pro-oligarchique applique cette ligne de conduite de la manière la plus éhontée, en se cachant derrière la guerre et en violant même les droits de ceux qui se battent.
Tant l’armée que les personnes qui travaillent chaque jour font partie d’un même ensemble et luttent pour la victoire de l’Ukraine dans la lutte contre l’impérialisme russe, ainsi que pour la renaissance juste, sociale et démocratique de notre pays.
Sotsialnyi Rukh (Mouvement social), le 2 mai 2024
Source : RESU / PLT
Publié le 03.05.2024 à 10:00
A propos des élections européennes, par VP
Présentation
Comme annoncé dans notre publication du 6 avril dernier, nous avons ouvert la discussion sur les élections européennes du 9 juin prochain au niveau de la rédaction d’Aplutsoc. Nous n’avons donc pas encore pris de position et rien n’oblige à se priver de discussion avant d’en prendre, bien au contraire. Pour amorcer ce débat, nous commençons par une contribution de Vincent Présumey. Toutes autres contributions seront les bienvenues.
Contribution
La discussion sur les élections européennes, abordée lors de notre réunion du 1° mai, tarde à démarrer par des textes, ce qui est cependant nécessaire. A moins que l’on pense qu’il n’y a rien de nouveau et que les larges masses se contrefoutent de ce scrutin, qui, effectivement, ne porte aucune perspective permettant d’avancer vers la satisfaction de la moindre de leur revendication. Et pourtant, s’imaginer qu’elles s’en contrefoutent serait une erreur de militants blasés, ne saisissant pas les processus profonds.
Indifférence et non-participation à un scrutin ne sont pas la même chose. S’il reste assez probable, quoique non absolument certain, qu’une grande majorité va s’abstenir, c’est en raison de cette absence de perspective et du caractère antidémocratique aussi bien des institutions de la V° République que des institutions dites « européennes » issues du traité de Lisbonne. Mais cela n’empêche en rien que le souci pour la situation européenne, pour le message à la fois national et continental de ce scrutin, surdéterminé par les deux guerres en cours (Ukraine et Gaza), ainsi que la conscience d’une situation mondiale dans laquelle la réaction la plus violente, incarnée par les noms de Vladimir Poutine et de Donald Trump, voudrait barrer la route à tout avenir, soit tout à fait massif et prégnant. Le tout sous le surplomb de l’emballement climatique dont il va probablement se confirmer cette année qu’il a franchi un seuil qualitatif, non officiellement anticipé par les climatologues, depuis l’été 2023.
Macron a échoué à faire de son second mandat, démarré sur des bases précaires, le moment de la reconstitution d’une « présidence forte ». Mais il a été sauvé de l’affrontement social central au premier semestre 2023. D’où le fait que pour le monde du travail et la jeunesse, le principal enjeu réel de ce scrutin, premier scrutin national du second quinquennat, est que son illégitimité et son affaiblissement, malgré la fuite en avant autoritaire incarnée par le ministre Darmanin et par une politique visant à corseter et abrutir la jeunesse, soient confirmées et aggravées. Et c’est bien ce qui se profile.
Le problème, c’est que, l’ensemble des partis de la plus ou moins défunte NUPES ne représentant pas une alternative à Macron, car tous acceptent et protègent le cadre et le calendrier institutionnel de ce régime, c’est le RN qui semble devoir gagner le scrutin. Sa tête de liste Bardella annonce que s’il est en tête il exigera la dissolution de l’Assemblée nationale. Cela veut dire qu’il espère gagner des élections législatives, et demandera alors à être premier ministre. Il y a un an et demi, telle était la revendication de Jean-Luc Mélenchon, qui elle aussi impliquait de garder Macron à la présidence. Naturellement, Bardella est assuré, lui, que ce serait pour mener sa politique à lui, déjà largement anticipée par Macron dans sa loi « Immigration », contre la jeunesse, contre la fonction publique et l’école laïque, et dans la répression.
Le score potentiel du RN ne signifie pas qu’il y a « extrême-droitisation » en profondeur de la société – il y a radicalisation de la classe capitaliste, ce qui n’est pas la même chose – mais que le RN est parfaitement légitime, hé oui, pour prétendre diriger et rétablir la V° République dans la force de l’État, dirigée contre le monde du travail et la jeunesse. Ce parti, répétons-le car cela est souvent peu compris, est l’héritier du coup d’État colonial d’Alger du 13 mai 1958. Il est une composante organique de ce régime et il revendique à présent son droit à le diriger, en exigeant de cohabiter avec Macron avant 2027 et en pesant, ce qui n’est pas difficile, sur la politique de Macron. Le combat contre le RN est donc inséparable du combat pour que Macron et ce régime soient renversés par l’affrontement social avant 2027, qui est et doit demeurer notre perspective dans et à travers le scrutin du 9 juin prochain.
La confrontation apparente avec le RN convient à Macron et a été recherchée par lui. En revanche, le fait que la liste Renaissance soit talonnée par la liste PS et sa tête de liste Raphaël Glucksmann de Place publique (l’une des formations éthérées nées de l’effondrement du PS en 2017, avec Générations.s, Nouvelle donne, Diem-21 …), et puisse être éventuellement dépassée par elle, surtout si, à une échelle de masse, se développe ce qui a commencé – la volonté d’utiliser ce vote apparaissant comme vote utile à la fois contre Macron et contre le RN – n’a été ni prévu ni recherché par lui. Bien que, évidemment, la remise en cause du calendrier institutionnel et la recherche de l’affrontement social pour casser le cercle infernal Macron/RN avant 2027, ne soit absolument pas l’orientation ni la raison d’être de cette liste, sa relative poussée n’a rien du phénomène « bobo » fantasmé par la sociologie gauchisante. Il n’est pas nécessaire de se faire la moindre illusion sur leur orientation et sur l’absence totale de garantie sur ce qu’ils feraient d’un score élevé, pour comprendre que celui-ci constituerait un coup direct et supplémentaire porté à Macron et – du coup – au RN.
Un élément clef de leur percée, probablement le facteur initial qui a fait la différence avec les autres listes issues de la NUPES, c’est l’Ukraine. Raphaël Glucskmann est l’objet d’une campagne de haine, aux relents antisémites, de la part de LFI et de secteurs du PCF et surtout des JC, ainsi que d’une partie de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « extrême-gauche » et qui s’estime propriétaire, contre le mouvement réel de la majorité, de la révolution. Cette campagne est allée jusqu’à l’agression physique ce 1° mai à Saint-Étienne. Elle est inspirée et largement manipulée par les « organes » russes et chinois, formant le trait d’union avec ce que notre camarade d’Oakland Socialist (Californie) John Reimann a appelé la « gauche poutinienne » – l’irredressable gauche poutinienne. Mais de qui fait elle principalement le jeu ? De Macron, car c’est Macron qui serait frappé gravement si sa liste n’était même pas deuxième après le RN.
La percée possible de cette liste est bien sûr à relier au fait que J.L. Mélenchon est de moins en moins perçu comme porteur d’une perspective politique de rupture avec les gouvernements de droite de la V° République. Pendant que les courants potentiels issus de LFI et leurs têtes d’affiche, Ruffin le premier, attendent que passe le 9 juin pour voir comment dégainer, LFI s’étiole en une garde prétorienne autour du Chef, assurée surtout par le POI, et mise à fond sur la mise en scène du « génocide de Gaza » pour prétendre représenter le puissant et réel sentiment d’indignation qui parcourt la jeunesse étudiante contre le massacre en cours. Sa tête de liste Manon Aubry a à peu près disparu des radars, au profit du vieux Chef et de Rima Hassan, poursuivie par les journalistes et les magistrats comme soi-disant « apologue du terrorisme ». Il va sans dire, mais disons-le, que ces attaques du régime contre la liberté d’expression et contre la liberté politique doivent être combattues. Mais notons-bien que LFI ne souhaite pas être défendue par d’autres forces contre ces attaques, ne veut pas d’une victoire démocratique contre Macron, mais entend seulement les utiliser pour jouer les faux martyrs. De plus, le fait que Rima Hassan a manifestement, pour le moins, des relations parfaitement cordiales avec le régime d’extrême droite syrien (et n’a jamais dénoncé le plus grand massacre de Palestiniens avant celui qui se déroule en ce moment à Gaza, mené par Bachar el Assad ces dernières années) constitue un gros problème potentiel.
La jeunesse mobilisée pour la cause palestinienne, mobilisée à juste titre, ne doit pas être trompée. Quand Mélenchon écrit : « Honte à ceux qui regardent ailleurs face au génocide en cours à Gaza » – juste après avoir écrit : « L’Ukraine et la Russie doivent négocier des garanties de sécurité mutuelle. », Mélenchon ne défend pas les Gazaouis et ne leur sert en rien. C’est, là aussi, une campagne unitaire, démocratique, internationaliste, qui peut imposer un cessez-le-feu à l’armée israélienne et du même coup mettre en cause la colonisation en Cisjordanie. Pas une campagne identitaire autour du mot-fétiche « génocide » visant à interdire qu’on « regarde ailleurs », notamment vers les territoires occupés d’Ukraine. La libération conjointe des territoires occupés en Palestine et en Ukraine, voila l’objectif internationaliste, contre le gardien de l’ordre européen Mélenchon.
A l’échelle du monde, la menace de la guerre et de l’extrême-droite porte deux noms, qui sont alliés : Vladimir Poutine et Donald Trump. La plus grave accusation contre Joe Biden ou Emmanuel Macron est qu’ils leur pavent la voie, en cautionnant le massacre de Gaza et tout simplement par leur politique capitaliste. Toute lutte contre l’extrême droite, toute lutte contre la guerre, qui ne comprend pas cela, fait le lit du fascisme, et, indépendamment de l’orientation et de ce que représente R. Glucskmann, cela vient d’être démontré en France par la campagne potentiellement meurtrière de la fausse gauche poutinienne à son encontre.
VP, le 02/05/2024.