pour la lutte sociale
BLOG COLLECTIF - L.N Chantereau, Olivier Delbeke, Robert Duguet, Alexis Mayet, Luigi Milo, Vincent Presumey ...
Publié le 02.05.2025 à 14:13
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Publié le 02.05.2025 à 07:24
Notes sur la situation mondiale et les risques de guerres, par Vincent Présumey.
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Publié le 29.04.2025 à 18:27
La fausse objectivité au service de l’Axe Trump/Poutine : une analyse du Diplo d’avril 2025. VP.
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Publié le 02.05.2025 à 14:13
Cher•e•s Ami•e•s, Cher•e•s Camarades,
Merci pour votre présence ce matin.
Ce jour du 1er mai est un jour de défense de nos revendications, c’est un jour de lutte, mais c’est aussi un moment précieux de camaraderie, où nous faisons front commun, où nous nous retrouvons, fiers de ce que nous sommes et de ce que représente notre combat.
Actuellement, voilà que certains patrons et évidemment certains élus, y compris dans ce département, et certains ministres de ce gouvernement ennemi des classes laborieuses, qui se mettent à trouver incompréhensible et inacceptable que le 1er mai soit férié et chômé.
C’est pourtant bien le seul jour de l’année obligatoirement férié et chômé (sauf de rares exceptions d’intérêt public) ! Un jour sur 365…
Voilà qui révèle leur pensée profonde : ils ne peuvent pas nous envisager autrement que comme une force de travail qu’il faut essorer au maximum. Ils ne peuvent pas nous définir d’une autre manière que par notre condition de salarié•e•s, par notre place dans les rapports sociaux de production.
Pour cela, les acrobates du capitalisme libéral tentent d’élever le travail au rang de « valeur morale », hors le travail n’est pas une valeur morale.
L’honnêteté est une valeur morale, est-ce que dans l’année, vous avez droit à 5 semaines durant lesquelles vous êtes autorisé à être malhonnête ? Bien sûr que non !
Le courage est une valeur morale, est-ce que dans l’année, vous avez droit à 5 semaines durant lesquelles vous êtes autorisé à être un lâche ? Bien sûr que non !
La politesse est une valeur morale, est-ce que dans l’année, vous avez droit à 5 semaines durant lesquelles vous êtes autorisé à être grossier ? Bien sûr que non !
Le travail n’est pas une valeur morale et c’est pour cela que dans l’année vous pouvez tout à fait cesser de travailler…
D’ailleurs, une valeur morale ne se rémunère pas. On ne vous rémunère pas pas pour être honnête, courageux, poli…
On vous rémunère pour votre travail…
Le travail serait donc notre seule raison d’être ?
Ne peuvent-ils même pas imaginer que nous sommes des femmes et des hommes qui trouvons une supplément d’âme dans l’art, la culture, le sport, les moments d’amitié, de convivialité, la littérature, la curiosité intellectuelle, le divertissement, dans le temps passé en famille ou dans la nature…
Oui, c’est cela : vivre.
Non, le travail n’est pas indépassable : s’il est, peut-être, une condition nécessaire, utile, au bon fonctionnement de la société, à la satisfaction des besoins de chacun et de la collectivité, il n’est pas une raison d’être !
C’est pourquoi le 1er Mai n’est évidemment pas la « fête du Travail » que Pétain et l’ordre établi, aujourd’hui encore, voudraient promouvoir.
Si c’est une fête, c’est justement celle de ne pas travailler, c’est celle des travailleuses et des travailleurs qui se font maîtres de leur destinée.
Souvenez-vous la chanson, à la suite de la victoire de Christou : « j’travaillerai plus, j’travaillerai plus, Christou veut plus » !
Soyons clair : il ne s’agit pas là de ne rien faire, il ne s’agit pas d’une oisiveté stérile : ça, c’est l’affaire des possédants, de ceux qui ne servent à rien, qui ne produisent rien, qui ont besoin d’un 10e yatch ou d’un 3ème avion, ou encore de voyager dans l’espace, pour vainement tenter de donner un sens à leur vie si inutile !
Non, pour nous, il s’agit de s’interroger franchement : pourquoi travailler ? Combien de temps est nécessaire pour assurer la satisfaction des besoins toutes et tous ? Au service de qui travailler ? Du bien commun ou d’une minorité qui s’enrichit ? Comment produire, pour préserver la biosphère, et garantir l’avenir de l’humanité ?
Voilà des questions que nous sommes en droit de nous poser, nous, qui travaillons !
Mais poser ces questions, c’est aussi se demander pourquoi la retraite à 60 ans, ou même avant ! Pourquoi faudrait-il travailler jusqu’à 62 ans ou plus tard, cassés par le travail ?!
Toute l’histoire du mouvement ouvrier, c’est l’histoire de la lutte pour la réduction du temps de travail !
Des lois limitant jusqu’à interdire le travail des enfants, en passant par les grèves du 1er mai 1886 aux États-Unis pour la journée de 8h : 8 heures de travail, 8 heures de loisirs, 8 heures de repos ; jusqu’aux 40 heures imposées dans les grèves lors du Front populaire, et aux 39 heures lorsque la gauche revient au pouvoir après 1981, créant par là même des dizaines de milliers d’emplois, et encore aux 35 heures, encore une fois conquises par la gauche, une gauche qui marche sur ses deux jambes : celle de la lutte syndicale et du combat social, et celle des victoires électorales.
Aujourd’hui, c’est notre jour : comme chaque 18 mars, comme chaque 1er mai, le drapeau rouge flotte sur l’hôtel de ville.
Il y flotte car la perspective de changer le réel au profit du plus grand nombre est vivante pour nous. Il y flotte car Commentry fut la première municipalité socialiste ouvrière élue du monde.
Il y flotte parce que des générations durant, jusqu’à nos jours, Commentry est restée fidèle à cette grande idée de la transformation sociale.
Il y flotte car cette fidélité s’explique par l’humiliation, la souffrance, les privations et la prédation du capitalisme conquérant et destructeur, vécus par les Commentryennes et les Commentryens au plus profond de leur chair.
Nous sommes restés fidèles à une idée : qu’elle se nomme progrès social, socialisme, démocratie et république sociale, communisme : car nous avons gardé la conscience de la nécessité de forger un monde où nos vies passent avant les profits d’un petit nombre, un monde solidaire et fraternel, où les femmes et les hommes peuvent vivre libres, dans le respect et la dignité.
Ceux qui nous accusent et nous critiquent parce que nous gardons cette fidélité qui vient de loin, sont ceux-là même qui défendent avec servilité un ordre moral, politique, économique et social arriéré, qui devrait déjà appartenir au passé.
Nous, nous avons la conscience éclairée. Éclairée par nos luttes, éclairée par les anciens qui ont ouvert le chemin et ont marché devant, dans des temps où il fallait du courage et de l’abnégation pour se dresser et dire : ça suffit !
Ils sont notre force jusqu’à aujourd’hui.
Notre force, ce sont les Marianneux qui, malgré la répression de l’Empire, ont décidé que la République était à défendre.
Notre force, c’est le mouvement socialiste qui, malgré les licenciements et la violence patronale, en choisissant Christou pour porter sa voix, a imposé la première victoire électorale de l’histoire de notre camp, du pays et de la classe ouvrière internationale, ici, à Commentry.
Notre force, c’est la blouse et le drapeau de Thivrier, qui, malgré les condamnations, la menace et la calomnie, a défendu les travailleurs à chaque minute de sa vie. Lui, et à sa suite ses 3 fils, jusqu’à la mort, pour Isidore, dans les camps nazis.
Notre force, c’est François Kazmareck ou Anastasie Cupial, qui, malgré le danger, ont pris les armes, qui sont morts mais sont restés debout, face à la barbarie.
Evidemment, de Trump, Vance et Musk à Poutine, de Netanyahou à Milei, Le Pen et Bardella, le monde paraît marcher à reculons, contre les droits humains, contre la fraternité, contre l’émancipation.
Pourtant, de la bravoure du peuple ukrainien face à l’envahisseur, à la résilience des gazaouis, en passant par les manifestations monstres aux États-Unis d’Amérique, nous ne sommes pas condamnés à l’obscurité.
Et parce que nous sommes le 1er Mai, il n’est pas question de céder à l’abattement : les grands médias peuvent nous imposer à longueur de journal les plus sinistres perspectives, gardons la certitude que l’avenir est à nous. Il ne tient qu’à nous de faire la preuve de cette force collective qui vient de loin.
L’année passée, Bardella était, pour tout le monde, forcément Premier ministre. Pourtant, l’unité à travers le pays, a imposé un répit dans l’avancée vers l’abîme.
Il ne tient qu’à nous, ici, mais également à toutes celles et tous ceux qui ne sont pas là, plus là ou pas encore là, de reprendre la main.
Considérons davantage ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous divise, c’est vrai dans la vie quotidienne, ici même à Commentry, c’est vrai aussi dans les batailles qui arrivent.
Voilà notre tâche historique : elle se résume par les derniers mots d’Ernest Montusès dans le député en blouse : « nouer la tradition à l’action, associer les fastes du passé à la vision magnifique de l’avenir », c’est ce que nous commande ta mémoire Christou.
Et je crois que puisque certains voudraient que nous tolérions que des responsables politiques détournent l’argent public, c’est à dire notre argent, à des fins contraires à l’intérêt général, je voudrais terminer, parce que nous ne baisserons jamais la tête, avec ce que Christou disait dans une circulaire électorale :
« Place au peuple ! À bas les voleurs ! Vive la République sociale ! »
Publié le 02.05.2025 à 07:24
Notes sur la situation mondiale et les risques de guerres, par Vincent Présumey.
Le monde au moment présent bruisse de risques de conflits armés, dont trois concernent des secteurs où ces conflits auraient une portée mondiale immédiate : l’Europe centrale et orientale, le Proche-Orient, la mer de Chine, auxquels vient de se joindre la question indo-pakistanaise. Dans les deux premiers les risques prennent appui sur les développements concernant deux guerres déjà engagées, celle de la Russie contre l’Ukraine et celle d’Israël contre le peuple palestinien.
Seconde guerre en Europe en 2025 ?
Concernant l’Europe centrale et orientale, les personnes sensées et raisonnables qui nous expliquent que la Russie ne peut avoir ni la volonté, ni les moyens, de déclencher à échéance rapprochée une nouvelle guerre ont raison, dans l’optique d’un monde censé et raisonnable.
Dans l’optique, toutefois, du monde réel, ils oublient trois facteurs :
1°) L’Etat et l’économie russe sont voués à la guerre et risquent de disjoncter en cas d’arrêt : ils tiennent par la dynamique guerrière, ils se sont piégés eux-mêmes dans ce processus, qui ne peut pas s’arrêter d’un coup. Une démobilisation poserait encore plus de problèmes que la mobilisation, y compris sur la sécurité intérieure.
2°) Il y a le facteur Trump. Le facteur Trump signifie qu’en cas d’attaque par exemple sur la Baltique il n’y a pas d’OTAN qui tienne. En outre on ne sait pas encore si Trump va rendre son pouvoir durable ou si les contradictions qui sont en train de monter aux Etats-Unis vont le balayer avant.
3°) Compte tenu des points 1 et 2 Poutine n’a pas forcément intérêt à attendre, car attendre, c’est attendre éventuellement la chute de Trump, d’une part, et une réaction européenne sérieuse, d’autre part, plus, éventuellement, le développement de liens économiques Europe/Chine prenant à revers l’ordonnancement actuel des alliances.
Le réarmement européen s’il s’engage sérieusement aurait cinq années devant lui – s’il s’engage sérieusement -, et les gens sensés et raisonnables les moins confiants disent que Poutine se prépare pour « dans 5 ans » : du point de vue de Poutine ceci n’est ni sensé ni raisonnable, il a intérêt à bousculer ce calendrier hypothétique.
S’il est donc tout à fait sensé et raisonnable de penser que la Russie n’a nulle intention d’attaquer qui que ce soit d’autre que l’Ukraine en 2025, dans le monde réel avec ses facteurs non pas sensés et raisonnables, mais réels, ce serait rigoureusement logique.
Attaquer où ? Des troupes russes sont en cours de concentration en Carélie, face à la Finlande. Le pouvoir chinois estimant avoir intérêt au moment présent d’appuyer sur son alliance militaire avec Moscou (y compris, par ailleurs, pour ne pas être débordé par la Corée du Nord), les entreprises chinoises du secteur militaire ne prennent actuellement plus de commandes, se tenant en réserve. La Baltique (plutôt l’Estonie et la Lettonie que la Finlande, et/ou la Lituanie et la Pologne au niveau du corridor de Suwałki) et l’Arctique (donc la Norvège) semblent être les zones immédiatement menacées.
En outre, les menaces des Etats-Unis sur le Canada et sur le Groenland ont été, de fait, un message à Poutine lui disant : le moment venu, tu pourras y aller, comme nous – et on fera la partition du grand Nord.
Pas seulement le grand Nord. J.D. Vance depuis son discours de Munich a proposé, de fait, le partage de l’Europe à Moscou, voire plus encore car son soutien à l’AfD, assorti des mesures de départ/réduction des troupes US restant en Allemagne, comporte un message mettant en cause les acquis des années 1989-1991, réunification allemande y compris (regardez la carte électorale de l’Allemagne actuelle et vous comprendrez). La politique du pouvoir US dans sa pointe avancée ne propose ni plus ni moins qu’un nouveau partage de Yalta.
Pour que ce danger ni sensé ni raisonnable mais d’autant plus réel risque le plus de se réaliser, un « cessez-le-feu » à la sauce Trump-Poutine est nécessaire en Ukraine, c’est-à-dire un cessez-le-feu au maximum aux conditions de la Russie, qui affaiblisse au maximum l’Ukraine tout en permettant à la Russie d’ouvrir un nouveau front.
Un tel « cessez-le-feu » visant à entériner l’occupation de la Crimée, du Donbass et des régions ukrainiennes méridionales, pourrait théoriquement permettre à Poutine de préparer un nouvel assaut contre l’Ukraine voire la Moldavie, mais l’armée ukrainienne de 900 000 hommes et femmes et le peuple ukrainien qui s’y attendent constitueraient un obstacle de taille : le meilleur, ou plutôt le pire, cessez-le-feu trumpo-poutinien, ne semble pas en mesure à ce stade d’annuler ou d’affaiblir ce facteur (d’où la reprise par Trump, à la demande de Poutine, des pressions visant à délégitimer Zelensky) .
Si Poutine veut exploiter la fenêtre de tir que lui fournirait ce dit « cessez-le-feu », ce serait donc plutôt ailleurs, à savoir la Baltique.
Inversement, aider l’Ukraine au maximum et immédiatement constituerait la chose la plus efficace à faire au service de la paix. Le réarmement européen tel qu’il est programmé par les chefs d’Etat et par la Commission européenne est loin d’y répondre : il enrichirait les trusts de l’armement, il pourrait donner lieu à nouveau à des achats aux Etats-Unis bien que l’objectif de « l’indépendance » soit de plus en plus mis en avant, et il mettrait l’accent sur le nucléaire français et britannique. Il ne répond donc pas à l’objectif d’aide immédiate à l’Ukraine, bien qu’il soit vrai que la question d’un réarmement européen se pose bel et bien.
L’aide immédiate à l’Ukraine, elle, peut se faire en puisant dans les stocks existants, en stoppant les ventes aux dictatures (la France depuis 2022 est devenue le second exportateur d’armes et ses clients sont les dictatures et monarchies pétrolières et l’Inde) et les livraisons à Israël, pour réorienter les livraisons vers l’Ukraine.
En apportant rapidement et massivement (ainsi que tentent de le faire les pays baltes) drones, artillerie de défense, moyens de renseignement, et aviation déconnectée des Etats-Unis, à l’Ukraine, elle interdirait toute nouvelle progression aux troupes russes et produirait leur recul, lequel aurait des conséquences déstabilisatrices sur le régime poutinien.
La question militaire européenne est donc une question politique immédiate qui concerne avant tout l’aide à l’Ukraine et qui demande une autre politique que celles de Macron, Merz, Starmer, et bien entendu que celle de Meloni qui cherche à se tenir au plus près de Trump.
Le fait que la gauche et le syndicalisme ne mènent pas campagne pour cette autre politique militaire, laquelle serait bien entendu un aspect de l’autre politique d’ensemble, démocratique, sociale et écologique, qu’il faut défendre, est un manque décisif contribuant à la montée du risque de guerre. En s’illusionnant sur la « paix en Ukraine » à quelque condition que ce soit, en faisant fi des populations sous occupation, voire en préconisant le « cessez-le-feu partout », on fait en réalité le jeu de la guerre. C’est donc le « pacifisme » à gauche qui, en empêchant de lutter pour une politique militaire démocratique immédiate, contribue le plus au risque de guerre.
La résistance ukrainienne reste le principal facteur de paix, la seule lutte réelle pour la paix et le seul antifascisme digne de ce nom étant la lutte contre l’Axe Trump/Poutine. La puissante mobilisation prolongée de la jeunesse serbe, entrainant toute la société, pointe avancée des mobilisations populaires montante dans les Balkans, ainsi qu’en Turquie, défie aussi l’ordre de Trump/Poutine. Or, l’Union Européenne qui dit défendre la démocratie, traite le pouvoir serbe comme s’il était légitime, et la France de Macron a fait de ce pouvoir proche de Poutine l’un de ses clients pour les Rafales. Question sociale, question démocratique et question militaire, là aussi, devraient être liées par les forces dites de gauche, car elles sont liées.

Défense territoriale finlandaise.
Le salut de Gaza passe par la défense de la révolution syrienne.
En ce qui concerne maintenant le Proche et le Moyen Orient, les personnes sensées et raisonnables au moment présent n’osent plus dire grand-chose, car le viol massif du cessez-le-feu suivi de la pire offensive contre le peuple de Gaza, par le pouvoir et l’armée israéliens, faisant totalement fi du sort des otages israéliens du Hamas, depuis le 18 mars 2025, apparaissent ouvertement comme n’étant vraiment ni sensés, ni raisonnables.
Ils sont pourtant, hélas, parfaitement logiques du point de vue de Netanyahou, tant pour son intérêt personnel étroit que pour la ligne de fuite en avant de l’extrême-droite raciste qui le soutient, et qui se sent pousser des ailes en raison de l’Axe Trump/Poutine.
L’alternative sensée et raisonnable en effet, celle, ici, du cessez-le-feu, conduisait à la chute de deux pouvoirs politiques aux destins liés : celui du Hamas et celui de Netanyahou.
A Gaza l’irruption de manifestations contre le Hamas, violemment réprimées par celui-ci mais aussi, de fait, par les bombardements israéliens, est un fait récent marquant. Et s’il est vrai que le clivage principal dans la société judéo-israélienne ne porte pas directement sur le rapport colonial aux Palestiniens (à l’exception de Standing Together), le clivage aigu sur la démocratie, l’Etat de droit et la corruption, envers Netanyahou et ses sbires, est essentiel pour les possibilités de défense de leurs droits par les Palestiniens.
Mais le fait central dont Netanyahou, et derrière lui Trump et Poutine, veulent annuler la portée, c’est la révolution syrienne. Une Syrie souveraine et démocratique serait un exemple pour toute la région, et un appui décisif aux Palestiniens pour se débarrasser du Hamas, de l’« axe de la résistance » et donc pour pouvoir combattre efficacement Netanyahou et la colonisation, ainsi qu’aux Libanais pour reconquérir Etat de droit et démocratie. Netanyahou a donc intérêt à exploiter et aggraver au maximum la crise du nouveau régime syrien.
Celle-ci peut s’expliquer globalement : la victoire populaire massive sur le régime d’Assad contredisait totalement l’ordre de Trump, de Poutine, de Netanyahou, de l’Iran, tous ensemble et à la fois, mais si le nouveau pouvoir formé par le Hayat-Tahir-al Cham (HTC) ne présentait pas le danger de vouloir instaurer un soi-disant Etat islamique comme bien des commentateurs l’ont prétendu, il n’avait guère d’autre boussole que de tenter de passer pour le garant d’un ordre bourgeois acceptable.
Un pouvoir démocratique déterminé aurait sans doute engagé rapidement un processus électoral constituant allant de pair avec la formation d’une armée nationale populaire prenant la place des milices. Là, le HTC a combiné compromis avec l’ancien appareil d’Etat d’Assad et règlements de comptes quasi privés. Voici quelques semaines, le « dérapage » s’est produit, attisé par les provocations extérieures (en l’occurrence : iraniennes d’un côté et turques de l’autre) : des alaouites ont subis des massacres de masse. Il ne s’agissait pas de règlements de comptes avec des hommes de l’ancien régime, lesquels ont bien sûr utilisé la situation, mais de massacres communautaires.
Ceci a ouvert une nouvelle situation, dans laquelle Netanyahou s’engouffre, en cherchant à manipuler les druzes, avec un objectif : surtout pas une Syrie souveraine et démocratique, exemple pour toute la région et appui politique inédit aux Palestiniens et aux Libanais.
La révolution syrienne, avec la résistance ukrainienne, est la pointe avancée de la contre-offensive des peuples à l’Axe Trump/Poutine. Il faut la soutenir impérativement, en exigeant la levée de toutes les sanctions toujours maintenues, et en diffusant des informations issues de la Syrie.
Et soutenir la résistance palestinienne, qui ne consiste pas dans les opérations armées du Hamas dont le trait n°1, outre son orientation pogromiste envers les Juifs, est de dessaisir les Palestiniens de toute autonomie, mais dans la manière héroïque, formidable et terrible, dont ce peuple résiste avec ses pieds en ne partant pas.
Le soutien à cette véritable résistance palestinienne passe par le soutien à la révolution syrienne et par le combat contre l’Axe Trump/Poutine, porteur d’une politique dans laquelle tout est lié : menace génocidaire sur les Ukrainiens, menace génocidaire sur les Palestiniens, menace de déportation massive des migrants, menace contre l’Etat de droit.
La menace génocidaire contre les Palestiniens, indépendamment de l’emploi fétichiste du terme « génocide » jusque-là, par un mouvement dit propalestinien aussi impuissant qu’il est étendu, risque de se concrétiser maintenant, maintenant que « Genocide Joe » a été battu (et que ce mouvement y a contribué) : par la destruction totale de Gaza et la concentration, en un camp, de ses deux millions d’habitants qui y seront affamés, au Sud du territoire, par l’accélération drastique de la colonisation en Cisjordanie, le tout allant avec la transformation de la société israélienne en un Etat policier et totalitaire.
Ajoutons que la séance de longue durée de « ball-trap à Bab-el-Mandeb » – voir à ce sujet mon article de décembre 2023 – n’a rien à voir avec le « soutien à la résistance palestinienne » mis en avant par les Houthis, et participe d’un grand jeu stratégique renchérissant conditions et tarifs du fret maritime et des compagnies d’assurance, dans lequel les Houthis, qui partagent avec l’Arabie saoudite la mission de réprimer les aspirations démocratiques des Yéménites, sont les instruments combinés de l’Iran, de la Russie et de la Chine, les Etats-Unis menant la bataille maritime contre eux depuis 2023.
En outre, la rive africaine de la mer Rouge, théâtre de la guerre en réalité la plus sanglante de ces dernières années, à peu près totalement passée sous silence, de la part du régime néo-impérial éthiopien contre le peuple du Tigré, suscite les intérêts impérialistes, avec l’Ethiopie, nouveau champ d’investissement de capitaux des « BRICS+ » dont elle est membre, et les Etats fantômes issu de la Somalie où l’administration Trump agite le délire de déporter les Gazaouis …
Or, les affaires croquignolesques de fuites du ministre taré et suprématiste de la Défense américaine, Pete Hegseth : successivement invitation par erreur d’un journaliste non trumpiste sur une boucle de messagerie Signal non sécurisée portant sur les frappes anti-Houthis, boucle comportant Vance et autres hauts dirigeants, dont l’un se trouvait à Moscou, puis nouvelle révélation sur le fait qu’Hegseth partage avec sa famille et son avocat les informations confidentielles sur ce même sujet …, le tout associé à la pénétration de l’appareil d’Etat US par les services russes sous l’administration Trump, ne laisse guère de doute sur le fait que la Russie est parfaitement au courant des gesticulations US en mer Rouge et dans l’océan Indien, censées menacer l’Iran.

Gaza : contre le Hamas et les bombardements israéliens, « Nous refusons de mourir ».
Mer de Chine, Taiwan … et grèves, grèves, grèves.
Concernant la mer de Chine, la menace de guerre pour « reprendre » Taiwan, de la part de la RPC (République Populaire de Chine), s’est accentuée, ce que des exercices et provocations militaires fréquents, ainsi que des opérations de « guerre hybride » ne cessent de manifester, depuis l’arrivée de Trump.
On sait que la ligne générale de Trump, mais pas seulement de lui, était de séparer la Russie de la Chine en livrant l’Ukraine à la Russie. C’est manifestement très mal engagé.
Mais à la tentative d’un ordre mondial antichinois à deux (« duplice » Etats-Unis/Russie) pourrait se substituer, au moins pour un temps, celle d’un partage à trois (« triplice ») incluant la Chine, et lui livrant donc Taiwan en même temps que l’Europe, au moins orientale et centrale, serait livrée à la Russie, et que les Etats-Unis mettraient la main sur l’Amérique du Nord jusqu’au Groenland.
Le transfert, qui est engagé, des ateliers de production de la première firme productrice de semi-conducteurs au monde, TSMC, de Taiwan aux Etats-Unis, faciliterait le « deal » temporaire.
L’érection de la Corée du Nord en acteur de l’ordre impérialiste multipolaire, comme centre de production d’armes et fournisseur de la Russie, suivi de l’envoi de troupes nord-coréennes contre l’Ukraine, a « doublé » la Chine, qui ne contrôle pas Pyongyang, mais a pour l’heure plutôt poussé le régime chinois à renforcer son orientation eurasiatique.
Cependant, intervient depuis le 2 avril dernier, massivement, un facteur supplémentaire, la guerre tarifaire de Trump. Le partage impérialiste du monde est associé à la fragmentation du marché mondial et de la division internationale du travail, combinée à la « mondialisation », reproduisant, dans des conditions aggravées, la situation mondiale de fragmentation des années 1930. Et la première offensive tarifaire était très défavorable à la Chine, en fait destructrice de son commerce extérieur. Elle était, par contre, favorable à la Russie, qu’elle épargnait ainsi que la Corée du Nord, mais l’affectait par ricochet par la déflation des prix pétroliers.
Cette offensive globale a été perdue par Trump : les taux d’intérêts de la dette publique états-unienne se sont mis à monter, l’ensemble de la finance internationale cherchant à s’en dessaisir, signe d’une perte historique de confiance dans la solvabilité de ce qui est encore la première puissance impérialiste mondiale, et facteur d’endettement aggravé pour elle. D’où les manœuvres de recul de Trump qui n’ont cependant absolument pas ramené « la stabilité ». Et, dans le krach boursier des 2-5 avril, la firme TSMC est de celles, avec les « GAFAM », qui ont le plus perdu.
Ces développements donnent l’impression d’une Chine patiente et sûre d’elle et d’un pouvoir qui se joue de cet agité de Trump en voyant loin, lui. Or il faut le dire : cette représentation est fausse. Toute la période de guerre des tarifs commerciaux a vu des signes d’affolement dans les sommets chinois, de longues absences de Xi Jinping et la poursuite de purges concernant les appareils militaires et de sécurité. Mais surtout, il y a une nouvelle vague de grèves en Chine. Je donne ici un long extrait, il le mérite, en traduction de l’italien du très précieux blog d’Andrea Ferrario, qui a lui-même résumé le texte chinois des informations provenant de la chaine Telegram d’un groupe chinois d’opposition dénommé « Bolchevik » :
« L’article des activistes chinois commence par décrire la mobilisation importante des travailleurs de BYD [construction automobile] à Wuxi [près de la côte Sud, au Fujian] et Chengdu [énorme ville au Sichuan] qui, entre fin mars et début avril, ont organisé une grève coordonnée dans plusieurs provinces impliquant des milliers de personnes. Cet événement est identifié comme un modèle pour les luttes ultérieures des travailleurs chinois. Malgré la répression violente des forces de police, qui a temporairement freiné le mouvement, l’expérience accumulée de lutte a continué à prospérer ailleurs, contribuant à construire une base matérielle solide pour la croissance des luttes de classe.
Selon les données recueillies par la plateforme « Yesterday » (yesterdayprotests.com), jusqu’au 22 avril 2025, en plus de la grève de BYD, au moins 17 autres grèves et manifestations à grande échelle ont eu lieu. L’article les énumère méticuleusement, en fournissant des dates, des lieux et les revendications de chacun. Parmi eux se trouvent 200 employés d’hôtel qui ont fait grève à Shenzhen du 31 mars au 20 avril pour réclamer des salaires impayés ; des milliers de travailleurs de l’aciérie d’Anyang dans le Henan, qui ont manifesté le 1er avril pour réclamer leurs salaires et leurs avantages sociaux suite à la fermeture de l’usine ; des dizaines de médecins et d’infirmières de Fuzhou, dans le Jiangxi, se sont rendus au gouvernement de la ville le 7 avril pour réclamer leurs salaires impayés.
La liste continue avec les travailleurs de l’automobile en grève à Wenzhou et Nanjing entre le 7 et le 8 avril ; des centaines de travailleurs d’une usine de conteneurs à Fuqing, dans le Fujian, se sont mis en grève les 9 et 10 avril ; les travailleurs de l’industrie de précision à Shenzhen qui ont organisé une deuxième grève le 10 avril pour exiger des avantages de redéploiement ; des centaines d’ouvrières d’une usine d’électronique à Wuhan, dans le Hubei, qui se sont mises en grève le 10 avril mais ont été réprimées ; et de nombreuses autres manifestations dans diverses villes et secteurs industriels.
L’article se concentre ensuite sur trois cas considérés comme particulièrement significatifs.
Le premier est la lutte des chauffeurs de camions de déchets de construction à Chongqing [autre ville majeure du Sichuan], du 11 au 16 avril. Ces travailleurs, qui font un travail sale et éreintant mais ne reçoivent que des « miettes », se sont regroupés pour protester contre les tentatives du service de gestion de la ville de les exclure du marché de l’enlèvement des déchets ou de les forcer à accepter des salaires inférieurs par le biais d’un système de certification qui favorise les entreprises monopolistiques. Leur action coordonnée dans plusieurs quartiers a conduit le service de gestion urbaine à abandonner temporairement ces pratiques. L’article souligne qu’il s’agit d’un exemple rare de victoire du jour au lendemain dans le contexte économique actuel, attribuant ce succès à la capacité des travailleurs à s’unir au niveau de la ville et à paralyser efficacement la production. Les auteurs émettent l’hypothèse que derrière un tel mouvement organisé, il doit y avoir des dirigeants ouvriers déterminés et des structures organisationnelles efficaces.
Le deuxième cas examiné concerne les manifestations dans une mine chinoise en Indonésie, où le 16 avril des centaines de travailleurs chinois ont entamé une lutte pour récupérer les salaires et les comptes impayés. Inspirés par cette action, les travailleurs indonésiens ont rejoint la grève le 18 avril, démontrant ainsi comment la solidarité internationale peut émerger naturellement des luttes des travailleurs malgré les différences culturelles. L’article souligne comment l’intégration du marché mondial et la migration centralisée de la main-d’œuvre ont créé des intérêts communs parmi les travailleurs de nationalités différentes.
Le troisième cas concerne les ouvriers d’une usine de papier à Zhaoqing, dans le Guangdong, qui ont manifesté du 7 au 22 avril contre les licenciements et les salaires impayés. Face à la police armée qui bloquait l’entrée de l’entreprise, les travailleurs ont réagi par des moqueries collectives en dialecte local [cantonais], démontrant qu’ils ne craignaient pas la répression et manifestant une haine ferme envers la classe dirigeante. Cette attitude est interprétée comme emblématique de l’esprit militant des travailleurs à travers le pays alors que la vague de grèves s’intensifie.
L’article conclut en soulignant que la récession économique et la guerre commerciale mondiale qui ont déclenché la vague actuelle de grèves ne font que commencer, ce qui suggère que les luttes des travailleurs pourraient s’intensifier davantage dans le contexte d’un probable ralentissement économique mondial.
Un texte similaire, mais moins détaillé, a également été publié par le China Labour Bulletin, qui donne également un bref aperçu des luttes de mars. Vous pouvez également y consulter ses cartes détaillées des grèves et des manifestations des travailleurs. Autres sources qui suivent quotidiennement les luttes sociales en Chine : Labor Power et Yesterday [v. ci-dessus], Labor Fact qui publie occasionnellement des informations. La chaîne Telegram du célèbre dissident Teacher Li se concentre principalement sur les phénomènes généraux de protestation et d’insubordination, mais publie également souvent des documents sur les actions des travailleurs. »
Ce sont là des données centrales. Est-il besoin de préciser que ce sont là des grèves économiques, mais qu’en tant que telles leur contenu politique est décisif, chacune constituant un affrontement avec le pouvoir du PCC, le « Parti Capitaliste Chinois » : « La lutte de classe à classe est une lutte politique » (Marx, Misère de la Philosophie).
La grève en Indonésie indique en outre que la lutte des classes en Chine intérieure et la lutte des classes dans toute la région interagissent. Ce sont ces données fondamentales, et non pas les Etats-Unis, qui font avant tout hésiter Xi Jinping et son oligarchie à propos de Taiwan. Ils sont en train de digérer Hong-Kong, et ce n’est pas fini. Taiwan pose un autre problème. Traditionnellement, une vision « anti-impérialiste » considère sommairement que la nation chinoise s’est réunifiée contre les Japonais et les occidentaux et donc que Taiwan en fait partie, mais en fait Taiwan n’a été liée à la Chine que tardivement et épisodiquement et sa population est plus diverse, par la présence de diverses couches de chinois et par celles de peuples austronésiens, que dans les régions chinoises côtières proches. Elle aurait peut-être adhéré à une Chine démocratique, unifiée réellement par en bas, celle pour laquelle combattait le vrai fondateur du communisme chinois, Chen Duxiu, autour du mot d’ordre de constituante. Mais la Chine de Mao, de Deng puis de Xi est restée un empire, qui opprime des nationalités, construit militairement par en haut et qui est devenu un repoussoir pour les Taiwanais, qui doivent être libres de s’autodéterminer. Leur intégration à la Chine de Xi ne pourrait qu’être un écrasement totalitaire. Réciproquement, leur aspiration à l’indépendance peut être une source d’inspiration pour les Chinois continentaux.
Lutte des classes et lutte démocratique sont plus que jamais liées et l’Asie orientale l’illustre avec force : en Corée du Sud, la population et au premier rang la classe ouvrière ont chassé un président qui aspirait à la dictature en se référant à Trump. Mauvaise nouvelle pour Trump, mais aussi pour Xi Jinping, mais aussi pour Kim-Jong-Un.

Grèves de masses en Chine, avril 2025.
Inde/Pakistan, en plus du reste …
Cependant, alors qu’une chaleur mortelle approchant les 50 degrés, au mois d’avril dans l’hémisphère Nord, accable les peuples pendjabi, cachemiri, sindhî … présents de part et d’autre de la « frontière » taillée par la violence en 1947, les chefs d’Etat Modi, en Inde, ethno-nationaliste hindou, affaibli par les dernières élections et par l’effervescence sociale dans le pays, et le premier ministre Sharif, au Pakistan, de la Ligue musulmane, sont tentés par la fuite en avant guerrière pour surmonter les mouvements sociaux et frapper des boucs émissaires dans leurs deux pays.
L’attentat de Pahalgam, au Cachemire, 26 morts le 22 avril dernier, a été saisi par Modi pour intensifier la terreur antimusulmane en Inde et annoncer que le Pakistan allait subir des représailles militaires. Dans l’immédiat, les victimes sont les populations à nouveau expulsées de part et d’autre d’une frontière qui ne vient pas de la lutte des peuples, mais d’une manipulation coloniale relayée par des forces réactionnaires.
Modi doit rétablir une autorité ébréchée et l’Inde, dans le concert de la multipolarité impérialiste, doit s’affirmer. Il joue donc avec le feu, les deux Etats ayant l’arme nucléaire. Chine, Etats-Unis et Iran leur ont demandé de se calmer !
La dynamique d’un éventuel conflit armée indo-pakistanais pousserait la Chine, allié et tuteur économique du Pakistan, à intervenir, ce qui ne semble pas lui convenir à cette étape.
Il n’est donc pas impossible qu’en plus de tout ce qui précède, un « accident » majeur n’éclate aussi de ce côté-là. Cependant, les dirigeants indien et pakistanais sont principalement mus par l’utilisation de leur conflit récurrent pour calmer menaces et contestations internes. Ils ne cherchent pas à entrer dans un conflit armé total. Mais ils sont capables de le provoquer, au risque de déchainer également la révolution dans le sous-continent.
* * *
Les quatre zones dont il vient d’être question sont les plus « sensibles » en raison de la connexion immédiate entre les évènements militaires qui s’y produisent et peuvent s’y produire, et les grandes puissances impérialistes de la planète. Ce sont loin d’être les seules zones de guerre : cet article ne prétend pas à l’exhaustivité.
La situation dans l’Est du Congo, où le Ruanda se comporte comme une sorte de mécano sous-impérialiste et prédateur, ce que ne légitime en rien le fait que son régime ait pris le pouvoir suite au génocide de 1994 ; les tensions en Afrique occidentale notamment entre le Mali et l’Algérie, l’impérialisme russe étant maintenant le gardien prétorien des dictatures au Mali, au Burkina, au Niger, en Centrafrique ; la guerre des factions militaires au Soudan, qui a joué le rôle d’une contre-révolution et qui menace de génocide certains peuples comme les Massalits ; la dictature mafieuse au Venezuela tentée d’opérer une diversion armée au Guyana … : tous ces foyers d’horreurs sont réactivés dans le désordre mondial de l’Axe Trump/Poutine et du grand partage avec Xi.
Ce n’est pas un retour au XIX° siècle, c’est pire : à l’ère au grand réchauffement climatique, c’est la barbarie impérialiste qui arrive. Il est illusoire, où que vous soyez, de croire y échapper. Seule issue, la lutte sociale, bien sûr, et seule perspective réaliste (et non grigri culturel) : la révolution, démocratique et prolétarienne, mouvement réel qui est déjà là car il s’agit de notre survie et de celle de nos enfants. A ces généralités, il convient d’ajouter que la question militaire s’impose dans toute stratégie révolutionnaire. Le survol auquel je viens de me livrer, dans chaque secteur, la pose à sa manière. La question militaire, c’est-à-dire celle des armes pour la révolution et les combats populaires, combinée à celle de leur attitude envers les conflits armées, en toute indépendance de classe, c’est-à-dire de la manière d’intervenir dans ces conflits, qu’elle soit, selon les cas, pacifiste, belliciste, défaitiste ou défensiste.
Or, par-delà l’impression de diversité voire d’éclatement que peut donner le tableau des « points chauds », ils ont un point commun qui est la marque de la réaction sur toute la ligne que constitue la multipolarité impérialiste, c’est l’abaissement de l’Europe.
On voit arriver d’une part la liquidation des restes de possessions « outremer » des puissances européennes. Le Groenland est ici symbolique, dernière possession européenne de très grande taille relevant du continent américain. S’opposer, comme le fait sa population, à la menace étatsunienne, ne conduira pas à réaffirmer son appartenance danoise, mais conduit à sa véritable souveraineté et indépendance.
La France, pour le reste, est en première ligne au plan mondial. On a la liquidation engagée de la Françafrique, qui va conduire au heurt des peuples avec l’impérialisme russe : ce heurt ne ramènera pas la Françafrique, mais est la voie vers la vraie indépendance. De même pour l’outremer française, avec cette anomalie mondiale que constitue le parc français de Zones Economiques Exclusives (ZEE) maritimes : la menace chinoise en Kanaky/Nouvelle-Calédonie n’est évidemment pas un argument contre son indépendance. Mais il est clair que les restes coloniaux européens ne sont pas convoités par les autres impérialismes pour leur assurer la liberté !
D’autre part et surtout, on voit arriver le projet d’asservissement du continent européen lui-même, soit par livraison de l’Europe centrale et orientale à la Russie, soit par soumission de tout le continent via des gouvernements d’extrême droite, éventuellement flanqués de populo-staliniens « de gauche » à la sauce Wagenknecht.
Que l’on se comprenne bien : le fait que les puissances impérialistes européennes soient l’objet d’une tentative les visant de mise hors-jeu, de la part des mastodontes américain, chinois et russe, est en soi indifférent aux intérêts de l’humanité et n’appelle nulle défense des dits impérialismes européens, ancêtres de tous les autres et concepteurs premiers de tous leurs crimes.
Mais le rétablissement d’une domination russe, qui serait le relais des capitaux chinois et du retour partiel des capitaux américains mais exercerait directement son knout, sur l’Est du continent, n’est pas indifférent au « statut » notamment de l’Allemagne, où le spectre de la partition du pays revient à travers la carte électorale, et aussi à la situation de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni.
De ce fait, les réflexions du genre « la menace russe concerne les baltes mais pas l’Europe occidentale » sont déplacées et erronées, si l’on comprend qu’il ne s’agit pas seulement de la « menace russe » en tant que telle, mais de la décadence impérialiste comme forme barbare du capitalisme au XXI° siècle, dans le cadre d’un partage du monde qui, lui-même, ne conduira pas à l’entente entre les mastodontes qui se le seront partagés, mais à la guerre entre eux.
Le vrai combat pour empêcher cette guerre, c’est donc le combat pour l’indépendance de l’Europe, mais une Europe non impérialiste. Les forces politiques qui cherchent à réagir dans le sens d’une résistance, d’un réarmement, européens, en gros les libéraux, conservateurs « classiques », démocrates-chrétiens, social-démocrates et écologistes à l’échelle du continent, ne peuvent l’engager vraiment, car leur base est celle de la défense des impérialismes européens.
Il ne s’agit pas de défendre les impérialismes et le capitalisme européens, il s’agit de défendre les conquêtes sociales, démocratiques et culturelles. Et cette bataille sera une bataille centrale de l’affrontement mondial entre les classes. Elle va faire de l’Europe, non pas le foyer de la domination capitaliste et impérialiste qu’elle a été, mais un épicentre révolutionnaire mondial, à rebours de toutes les phrases sur le « Sud global », qui n’existe pas mais dans lequel des dizaines de peuples se battent pour survivre contre le désordre barbare actuel.
L’union démocratique et socialiste des peuples européens comme perspective, et dans l’immédiat la défensive pour sauver les Ukrainiens, les Palestiniens et l’Etat de droit : cette perspective stratégique en Europe, avec sa dimension militaire qui ne sera pas un à-côté mais un aspect essentiel, c’est la forme contemporaine concrète de la révolution prolétarienne et démocratique pour sauver un avenir humain dans un monde habitable.
VP, le 02/05/25.
Publié le 01.05.2025 à 08:15
1er Mai et temps de travail : on ne mange pas de ce pain là !
La volonté patronale de toujours chercher à rallonger le temps de travail des salariés connait une nouvelle poussée à partir des déclarations des fédérations patronales de la boulangerie et de la fleuristerie qui remettent en cause le caractère chômé et payé de la journée du 1er Mai, journée internationale de lutte des travailleurs, férié en France depuis … Pétain ! Ce dernier cherchait alors à effacer la tradition syndicale de mobilisation pour les revendications ouvrières pour lui substituer l’harmonie entre les classes parfumé à la saveur du muguet.
Une campagne d’opinion a commencé car derrière cette demande d’un secteur patronal, on peut craindre une tentative de dérégulation générale appuyée, comme de bien entendu, par le gouvernement de Macron.
Nous rendons compte ci dessous des diverses prises de position déjà exprimées.
Tract de la Fédération Sud Commerce et Services
CP_FD-Sud-Commerce_statut_01_05_2025Télécharger
Ne les laissons pas nous voler le 1er mai !
Depuis plusieurs jours, la question du travail le 1er Mai est instrumentalisée dans le débat public. Les fédérations patronales, notamment celles de la boulangerie et de la fleuristerie, multiplient les interventions médiatiques pour réclamer une modification de la législation pour étendre le travail le 1er mai, arguant d’un cadre « obsolète » qui empêcherait leurs salariés de travailler ce jour-là, là où les employeurs artisans sont déjà en droit de travailler lorsqu’ils le souhaitent. Cette offensive vise à banaliser le travail lors de la seule journée fériée chômée et payée, garantie à l’ensemble des salariés de notre pays.
Le 25 avril, deux sénateurs centristes, Annick Billon et Hervé Marseille, soutenus par la Ministre du Travail Catherine Vautrin, ont déposé une proposition de loi » visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai. « . Ce texte, s’il était adopté, constituerait une rupture historique : il ouvrirait la voie à la généralisation du travail lors de cette journée symbolique, notamment dans le commerce, secteur où les salariés – principalement des femmes – sont déjà fortement sollicités les dimanches et la nuit.
Le 1er Mai ne saurait être réduit à un simple jour férié parmi d’autres. Héritage des grandes conquêtes sociales du XIXe siècle, il incarne la reconnaissance du travail et la nécessité de préserver des temps collectifs de repos et de cohésion nationale. Remettre en cause son caractère universel, c’est fragiliser un équilibre fondamental de notre modèle social, là où l’exception doit rester réservée aux activités strictement indispensables à la vie de la Nation.
Derrière cette remise en cause, c’est une vision du travail qui se dessine : celle d’une société où l’on devrait toujours travailler plus, au nom de l’austérité et du remboursement de la dette, au détriment des droits collectifs et du progrès social.
Face à cette offensive, le monde du travail, la jeunesse, les retraités et l’ensemble des forces progressistes à se mobiliser massivement ce jeudi, aux côtés des organisations syndicales et du Nouveau Front Populaire. Il s’agit d’affirmer notre attachement à la justice sociale et à une démocratie vivante, et de rappeler que la France ne se résigne pas à une régression sociale sans fin.
Par une mobilisation forte et unitaire, nous pouvons défendre l’universalité du 1er Mai et réaffirmer l’exigence d’unité politique et sociale, seule à même de garantir un avenir de progrès pour toutes et tous.
Publié par L’APRÈS le 30 avril 2025

Par Laurent Degousée, juriste en droit du travail.
Publié le 30 avril 2025
Depuis le 15 avril, date de publication d’un communiqué de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française suivi d’un autre de la Fédération française des artisans fleuristes et désormais des prises de position des syndicats patronaux U2P et CPME, il est de bon ton de faire feu de tout bois sur l’interdiction de travailler le 1er mai.
Rappelons pourtant que, au terme de leur convention collective, les boulangeries peuvent déjà ouvrir les dix autres jours fériés légaux ainsi que tous les dimanches, la seule règle étant qu’elles observent un jour de fermeture hebdomadaire comme le boulanger – et sa femme – ont droit eux aussi de se reposer une fois par semaine, garantie que les plus grosses d’entre elles veulent par ailleurs remettre en cause. Soulignons également la présence de nombreux apprentis, souvent mineurs, au risque d’ailleurs qu’ils se détournent de cette voie de par la rudesse des conditions de travail. Pour ce qui est des fleuristes, l’application de la leur permet déjà de faire travailler du personnel ce jour-là (et pour cause !) donc leur interpellation doit, en vérité, s’apprécier comme une tentative d’acquérir le monopole de la vente des précieuses clochettes ce jour-là.
Dans ce débat, l’intérêt des consommateurs et celui commercial des entreprises sont mis en avant mais le droit au repos à cette date des centaines de milliers de salariés de ces deux branches, à l’instar de millions d’autres n’a, à ce jour, pas voix au chapitre, comme c’est tellement plus pratique de faire parler leurs employeurs à leur place… Alors que rien n’empêche ces chefs d’entreprise de mettre eux-mêmes la main à la pâte le 1er mai, ils invoquent une réglementation qui serait obsolète et source d’insécurité juridique : c’est en fait à une offensive idéologique sur le temps de travail à laquelle on assiste ces derniers jours.
Plus qu’un jour férié, un symbole
En effet, non content de vouloir nous faire travailler plus longtemps tout au long de notre vie en bloquant y compris toute possibilité de revenir, par la loi ou par la négociation collective qu’il a pourtant initiée, sur la réforme honnie de 2023, toujours majoritairement rejetée par les salariés, qui a porté l’âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans, le premier ministre, François Bayrou, dans son discours alarmiste sur l’état des finances publiques le 15 avril (tiens, tiens), nous a prévenus : « Les Français ne travaillent pas assez ! » On ne sera donc guère surpris que le gouvernement, par la voix des ministres du Travail, emboîté par de nombreux parlementaires Les Républicains et David Lisnard, le président de l’Association des maires de France, ont promis à nos braves patrons qu’ils allaient faire au plus vite pour lever le frein au travail ce jour-là.
Il est vrai que le 1er mai est le seul jour férié obligatoirement chômé et payé de notre calendrier, sauf dans les entreprises qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, quelle incongruité ! Qui plus est, c’est un jour de manifestation qui s’est construit, à partir des luttes ouvrières de la fin du XIXe siècle, sur la revendication de la réduction de la journée de travail, là où commence le règne de la liberté, n’est ce pas Monsieur Marx ?
Revenir sur ce conquis social au motif que les cafés et les restaurants, qui doivent payer double leur personnel à cette date contrairement aux autres jours fériés travaillés, sont ouverts ce jour-là, et que la plupart des boulangeries, avec l’essor du snacking, vendent bien plus que du pain et de la viennoiserie, c’est ouvrir la boîte de Pandore, en commençant par accorder un blanc-seing aux supérettes, qui sont déjà nombreuses à bafouer la loi le 1er mai, ce que la Fédération SUD Commerces n’a pas manqué de dénoncer. On peut aussi saluer la prise de position Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, qui a rappelé le caractère tout sauf anodin de ce jour pour le monde du travail ainsi que la flexibilité des horaires à laquelle sont déjà soumis les salariés du commerce, un prolétariat essentiellement féminin.
Plus qu’un jour férié, le 1er mai est un symbole qu’il importe de défendre bec et ongles dans une époque où nous ne sommes pas condamnés à la régression sociale sans fin !
Publié le 30.04.2025 à 18:43
Pour le 1er mai : unité du Nouveau Front Populaire. L’APRES.
Cette année, la journée du 1er mai se déroule dans un contexte politique extrêmement préoccupant.
Partout dans le monde, le camp des néofascistes se renforce et attaque durement les droits des travailleur·euses et leurs syndicats, les droits humains, les droits des femmes et des migrant·es. Il s’en prend aux libertés publiques et à la démocratie. Il poursuit son entreprise de destruction de l’environnement. En France, le Rassemblement national continue de gagner du terrain malgré l’inéligibilité de Marine Le Pen. L’extrême-droite est aux portes du pouvoir dans notre pays. Les politiques sociales et économiques brutales et antidémocratiques menées par Macron et ses gouvernements (comme la retraite à 64 ans) sont le carburant de cette extrême-droite xénophobe, raciste et antisémite qui attise la haine 24h sur 24h dans l’espace public.
La défense des travailleur·euses, la conquête de nouveaux droits sociaux et la réponse aux aspirations démocratiques dans le pays ne passeront ni par le maintien des macronistes au pouvoir, ni par l’élection d’un Trump ou d’une Meloni à la française. Pour les battre, l’unité de la gauche et des écologistes est une nécessité absolue !
Il y a urgence. L’APRÈS travaille de toutes ses forces à créer les conditions de candidatures communes pour les prochaines échéances électorales présidentielle et législatives. Les partis qui composent ou soutiennent le NFP doivent y travailler sans attendre en s’appuyant sur la force de la société civile et des syndicats comme en juin 2024.
Pour marquer cette volonté de construire l’unité, l’APRÈS fera cortèges communs avec Generation·s et Picardie Debout ! dans les manifestations du 1er mai 2025.
L’APRÈS, 29/04/2025.
Source : https://www.l-apres.fr/pour_le_1er_mai_unite_du_nouveau_front_populaire
Le communiqué commun Generation·s / Picardie Debout ! / L’APRÈS

Publié le 29.04.2025 à 18:27
La fausse objectivité au service de l’Axe Trump/Poutine : une analyse du Diplo d’avril 2025. VP.
Vincent Présumey, 26 avril 2025, sur le Monde Diplomatique d’avril 2025.
Présentation.
Le Monde diplomatique d’avril 2025 contient un gros dossier titré Y a-t-il une menace russe ? La réponse, selon le Diplo, à cette question est non ; mais il y a bien une menace, selon lui : la menace européenne – j’ai bien écrit européenne, pas américaine. Je résume là ce qui n’est pas forcément dit en toutes lettres, mais qui constitue la seule et invariable conclusion à laquelle est acheminé le lecteur.
Je suis conduit à analyser ce dossier car des camarades me l’ont demandé, compte tenu de la haute autorité qui est encore celle du Diplo dans bien des milieux militants, qui le prennent pour une revue scientifique autorisée dont la parole est d’or, une sorte d’oracle. Je crois qu’en fait, ces milieux militants ont des certitudes ébranlées et que le Diplo est l’exemple même d’une institution, une autorité, qui vient les rassurer en leur donnant un phrasé historico-géopolitique à même, temporairement, de rétablir leurs certitudes en leur chantant une représentation du monde qui s’est ancrée en eux dans leur jeunesse : la menace de guerre est toujours occidentale, la Russie ne peut par essence pas être impérialiste (même si Poutine est très méchant), etc.
Comme avec la crise bioclimatique, il s’agit de la politique de l’autruche : il est douloureux de reconnaître que la guerre vient ; il est gênant d’avoir à s’interroger sur quelque chose comme la lutte armée antifasciste, bonne pour les images d’Epinal du passé mais pas pour le présent où la paix sous l’égide de l’ONU serait la meilleure des choses dans le meilleur des mondes possibles – certes.
Le dossier du Diplo comporte deux articles des dirigeants du journal, Pierre Rimbert et Serge Halimi, sur l’Europe et sur l’Alliance atlantique ; un gros hors-d’œuvre signé Jeffrey Sachs, un personnage qui méritera qu’on examine son pedigree ; une synthèse de la ligne rédactionnelle par Hélène Richard ; et quelques pièces rapportées, l’ensemble faisant système.
L’Europe, voilà le danger !
Pour commencer, l’annonce en première page de ce dossier, non signée, pose, de manière en fait assertorique, non démontrée et indiscutée – ce qui restera, sous l’habillage « objectif », la méthode suivie dans l’ensemble du dossier – trois affirmations clefs.
Premièrement, « Arrosée de subventions publiques, toute l’économie du Vieux continent [la majuscule à Vieux est du Diplo] battra désormais au rythme des forges à canons, au détriment de la protection sociale, notamment des retraités. »
Voilà au moins un point d’accord, mais c’est un point d’accord fondamental, du Diplo avec Macron : si un effort en armements est nécessaire, comme il ne faut pas augmenter les impôts, autrement dit comme il ne faut pas faire payer les riches, il servira à finir de casser protection sociale et services publics. Toute politique alternative en la matière est un champ impensé et donc indiscuté pour le Diplo (voir, par contre, à ce sujet, le dernier numéro d’Alternatives économiques, titré Des chars ou des retraites ? Le faux dilemme. : keynésianisme, Welfare state ont eu à voir avec les dépenses d’armement, hé oui …).
Deuxièmement, ce tournant belliciste, belliqueux, « décidé sans consultation populaire », des puissances européennes, « survient au moment même où s’engagent les pourparlers de paix en Ukraine ». Vous avez bien lu : des pourparlers en Ukraine !
Le Diplo appelle donc, comme Poutine et Trump, leurs discussions théâtrales et complices, directes ou par émissaires interposés, dont l’Ukraine n’est ni le lieu ni l’acteur, « pourparlers de paix ». En fait, depuis leur ouverture, l’Ukraine est encore plus bombardée, les morts civils vont crescendo. Donc, au moment précis où Trump et Poutine, les deux personnages non nommés de ce préambule, œuvreraient pour la paix, l’Union européenne voudrait la guerre. Ce n’est pas écrit comme ça, c’est au lecteur de laisser infuser cela en lui, car ici, c’est le Diplo, on s’y exprime diplomatiquement : mais ça veut dire ça et rien d’autre.
Troisièmement, c’est chez les baltes et les polonais qu’on s’imagine (qu’on a « une perception » en langue Diplo) que la Russie menace, mais les dirigeants de l’UE, « déboussolés par le nouveau cours de la politique étrangère américaine », sont, quoique déboussolés, des fourbes : ils en font un « énième prétexte » pour « accélérer une intégration de plus en plus discutée ».
Trois fibres sont ainsi flattées dès l’édito : la plus légitime est la fibre sociale, à juste titre inquiète des annonces de Macron et Bayrou, mais à aucun moment, le Diplo ne lui dira qu’on pourrait faire payer les riches, car il l’oriente dans la direction des deux autres fibres ici caressées, à savoir la fibre russophile, héritage de trois générations de « culture communiste », et la fibre souverainiste, héritage néo-gaullien pointant vers l’extrême droite, les deux héritages se cumulant dans la « culture Diplo » : le tout pour placer, au moment précis où l’Axe néofasciste Trump/Poutine s’en prend à l’Europe, cette même Europe comme ennemie n°1 !
Serge Halimi : avec Trump, pas grand-chose de nouveau !
La clef politique concerne donc l’Europe, ce pour quoi je passe maintenant au commentaire des articles des deux chefs du journal, le tandem Halimi/Rimbert.
Halimi traite ou semble traiter des Etats-Unis et de leur rapport à l’Europe. Une formule clef résume son « analyse » de la politique de Trump : « A l’Ouest rien de nouveau … ». Pour les yankees, les européens sont des vassaux onéreux, ça a toujours été ainsi. Trump n’apporte donc aucun tournant, juste quelques inflexions : « La variable Trump durcit néanmoins le rapport de force ».
Cela pour deux raisons, envers lesquelles Halimi cache mal sa sympathie, sa compréhension : Trump n’aime pas le libre-échange, et il est agacé par ces dirigeants européens qui escomptaient qu’il ne serait pas élu à la présidence des Etats-Unis, éprouvant même envers Zelensky une « exaspération sincère » (sic).
Pas de tournant avec Trump : manifestement, les couches profondes du peuple américain, y compris dans une partie de l’électorat républicain, ne sont pas de cet avis, qui, déjà à deux reprises, ont commencé à manifester, par millions, en dénonçant fascisme, dictature, monarchie, autocratie …
On ne trouvera pas ici, ni par ailleurs dans le Diplo, la moindre analyse sérieuse du trumpisme, de MAGA, des courants religieux (Christian Nationalists, New Apostolic Reformation …), de son alliance avec Musk, du rôle de Vance, de la combinaison néofasciste des idéologies libertarienne, masculiniste, accélérationniste : rien de rien. Nous n’avons chez Halimi – Monsieur Etats-Unis au Diplo - qu’une compréhension pleine d’empathie envers le trumpisme comme réaction à l’establishment démocrate new-yorkais et californien, woke et bourgeois.
A fortiori, rien sur les liens structurels, mafieux et policiers, et fort anciens, entre Trump, la Heritage foundation et le FSB : narratif occidental, forcément !
Il se trouve, et ici surgit la Russie chez Halimi, que celle-ci, maline, a bien vu son intérêt, en somme un beau matin après le nouvel avènement de Trump, qu’elle n’aurait donc ni préparé ni anticipé :
« Moscou a vite mesuré l’avantage qu’il pouvait retirer de la détestation par la nouvelle administration américaine de la mondialisation néolibérale, de son ordre juridique et du progressisme culturel qui l’a accompagnée. Un rapprochement entre la Russie et les Etats-Unis de M. Trump peut désormais être imaginé sur une base à la fois « réaliste » – priorité aux intérêts des grandes puissances sans se soucier de leur régime intérieur ou du droit international – et réactionnaire – exaltation de la famille, des identités sexuelles traditionnelles, d’une vision idéalisée de l’histoire nationale. »
Les deux dernières lignes de cette citation sont la SEULE mention, dans tout le dossier du Diplo, du contenu « réactionnaire » du rapprochement Trump/Poutine. Mention très édulcorée qui présente comme conservatisme un néo-fascisme de plus en plus dynamique.
Le style « diplo » de fausse objectivité laisse à penser que ce contenu-là n’a tout de même pas l’approbation de M. Halimi, mais à vrai dire nous n’en savons rien (d’autres de ses articles montrent une grande compréhension envers l’homme du peuple trumpiste à l’identité menacée …).
En ce qui concerne la lutte de Trump contre la « mondialisation néolibérale » – expression bateau désignant ce qui fut, pendant trois décennies, la cible des antilibéraux, des altermondialistes et de la gauche dite radicale – le lecteur tirera ses propres conclusions, à savoir qu’elle a du bon, et que les derniers représentants de celle-ci, les chefs d’Etat européens, sont les seuls adversaires véritables.
L’article se conclut donc sur l’Europe : que l’on se rassure, ses dirigeants sont tellement des incapables nourris à la sauce néolibérale qu’ils ne feront que grommeler contre Trump et Poutine et que, dernière phrase, « On peut déjà parier que même le désastre de la guerre d’Ukraine dans lequel les Américains ont entrainé l’Union européenne ne la conduira pas à redresser durablement la nuque. »
C’est Rimbert qui traite du redressement de la nuque de l’UE, mais avant de passer à lui, notons cette affirmation en deux lignes : la « guerre d’Ukraine » viendrait des Américains (ceux d’avant Trump, quand ils étaient mondialistes néolibéraux !) qui y ont entrainé l’Europe.
C’est là exactement un « narratif », comme aiment à le dire Halimi et Rimbert quand ils veulent pourfendre les Démocrates américains ou les sociaux-démocrates européens, ce sport facile qu’ils adorent pratiquer : un « narratif ». Mais de qui, ce « narratif » ? De Trump et de Poutine.
Pierre Rimbert : Françaises-Français, n’écoutez pas ces salauds de baltes !
Sous le titre « Faire la guerre pour faire l’Europe », Pierre Rimbert démarre en fanfare :
« Le mardi 11 mars 2025, les pourparlers bilatéraux entre Russie, Etats-Unis et Ukraine reprennent en Arabie saoudite : à cinq mille kilomètres de Bruxelles. Pour la première fois depuis le printemps 2022 s’ouvrent la perspective d’un cessez-le-feu et, peut-être, celle de la paix. Ecartés des discussions, déboussolés par la conduite de leur turbulent papa américain, obnubilés par leur grand réarmement, les dirigeants du Vieux Continent |cette fois, les deux majuscules sont de Rimbert] assistent en spectateurs aux discussions qu’ils ont refusé d’engager. Pourtant, ce jour-là, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen parade en séance plénière du Parlement européen ; « C’est le moment de l’Europe. » »
Rimbert commence par un beau lapsus : des pourparlers à trois sont trilatériaux, pas bilatéraux. Mais en fait Trump et Poutine excluent l’Ukraine qu’il faut cependant faire mine a minima d’associer pour qu’elle cède, ce qu’elle n’a pas fait à ce jour. La perspective de la paix serait ouverte pour la première fois depuis 2022 : manifestement, ni la vague initiale, férocement réprimée, de manifestations en Russie, ni les débuts de crise dans l’armée russe fin 2022, n’ont eu cette signification pour P. Rimbert qui n’y a sans doute même pas pensé, tant la défaite russe et la paix sont incompatibles à ses yeux. Donc, les épousailles Trump/Poutine annoncent « la paix » : comment mieux dire qu’elles sont bienvenues ?
Mais il y a les perturbateurs, ces dirigeants européens à la fois si bêtes – ils prennent Trump pour leur « papa » ! – et si fourbes – ils veulent en profiter pour prétendre que c’est leur tour de s’affirmer !
Déjà, en février 2022, ils étaient fourbes, puisqu’ils ont utilisé l’invasion russe de l’Ukraine pour essayer de relancer l’intégration européenne. Il semble que ce soit elle la vraie ennemie pour M. Rimbert.
L’UE a, pour lui, commis deux crimes en 2022.
Le premier : les sanctions économiques visant la Russie et le « sevrage express du gaz russe » qui, punition, ont fait « exploser l’inflation en Europe et sombrer l’Allemagne en récession ».
Les difficultés économiques expliquées par la méchanceté européenne envers la Russie, il fallait y penser. Exit le processus global de fragmentation du marché mondial, balisé bien avant la guerre par la crise de 2008, le Brexit, le premier moment Trump, la première guerre tarifaire avec la Chine, le Covid, la crise du fret, processus dans lequel s’inscrit la guerre russe contre l’Ukraine et ses conséquences et que le second Trump fait s’emballer. Exit aussi, d’ailleurs, les effets des politiques néolibérales endogènes, comme la politique de réduction des recettes publiques de Macron menée depuis 2017 …
Au passage, notons que le « sevrage » envers le gaz russe est en réalité très loin d’être complet, le quart du gaz européen environ étant toujours russe. Mais qu’il était « bon marché » (dixit Rimbert), ce gaz russe ! L’inflation par les prix énergétiques avait pourtant commencé fin 2020, sous impulsion … russe. Bref : le style diplo du Diplo se distingue ici de plus en plus par l’indifférence totale envers les faits.
Second crime de l’UE commis à partir de 2022 : avoir adhéré à la politique « irréaliste » de Zelensky, qui n’est autre que l’aspiration du peuple ukrainien, Zelensky ou pas Zelensky, à voir l’envahisseur, fasciste, tortionnaire, violeur et destructeur, chassé de la totalité du pays -aspiration des Ukrainiens, et aussi des Tatars de Crimée.
Si c’est irréaliste, cela veut dire qu’il faut accepter l’occupation des régions de Donetzk, Louhansk, d’une grande partie du Sud, et de la Crimée. C’est suggéré, mais aucun autre sens n’est possible – c’est le style diplo : on n’écrit pas noir sur blanc qu’il faut céder à Poutine, mais on explique que les dirigeants européens sont fous de ne pas avoir contraint l’Ukraine à céder.
Selon l’Institut Kiel, l’aide militaire européenne à l’Ukraine a représenté, de 2022 à 2024 inclue, 62 milliards d’euro (celle des Etats-Unis 64 milliards), soit 0,2% du PIB total. La réalité souligne une inconsistance, une contradiction européenne, effective, mais ce n’est pas celle dénoncée par P. Rimbert : c’était en fait peu et pas assez pour permettre de repousser l’invasion après la fin de l’année 2022. Par ailleurs, les exportations d’armes françaises ont fortement augmenté, mais sans rapport avec l’Ukraine, vers les pétromonarchies et vers l’Inde. Les fournitures d’armes américaines ont, de plus, été taries par le Congrès du déclenchement de l’offensive impuissante de l’armée ukrainienne (juste après l’écocide de la rupture du barrage sur le Dnipro, en juin 2023) à mi 2024. A partir d’octobre 2023 l’aide à Israël, proportionnellement plus importante, perturbe l’aide à l’Ukraine. Washington, Bruxelles et les capitales européennes ne voulaient pas d’une occupation de toute l’Ukraine mais avaient encore plus peur d’une défaite de Poutine. Ces réalités sont totalement absentes dans le Diplo.
Les deux crimes de l’UE, singulièrement de la France et de l’Allemagne, qui auraient soi-disant coupé les ponts économiques avec la Russie et surarmé l’Ukraine en appuyant l’objectif d’une défaite russe – deux points qui sont donc l’un et l’autre faux – ont été inspirés, ajoute P. Rimbert, par les pires pays du continent : « les plus antirusses et plus atlantistes », ceux qui ont « rebâti leur identité nationale sur un anticommunisme, une russophobie et un néolibéralisme intransigeants » : les baltes, notamment, et les anciens pays du pacte de Varsovie.
L’ignorance crasse de la réalité historique atteint ici son comble, en se calquant sur le récit russo-poutinien qui diabolise baltes et ukrainiens – sur lesquels M. Rimbert a plus d’une fois divagué, dans le Diplo, à propos de leur « nazisme ». Il y a dans cette ignorance – typiquement française – un écho du mépris colonial de l’impérialisme russe envers ces peuples, dont l’identité nationale n’a certainement pas eu à se redéfinir en 1991 car elle avait survécu aux pires persécutions depuis des décennies.
Ce poison balte contamine la France et l’Allemagne et là est le problème pour Rimbert : en 2008, France et Allemagne (et Etats-Unis aussi, ce qu’il oublie au passage) avaient refusé l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN (et de la Géorgie, ajouterais-je). Ils avaient rudement bien fait, estime-t-il. Il est pourtant contradictoire d’expliquer en même temps que France et Allemagne, avant d’être atteints du virus balte, se sont victorieusement opposés à l’extension de l’OTAN, et que c’est la peur de cette extension pourtant évitée qui a motivé l’invasion russe de l’Ukraine. Si l’on ajoute à tout cela une certaine fixette sur la personne de Mme Kaja Kallas, estonienne et haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, nous ne sommes pas loin d’une théorie du complot balte …
Les atlantistes, en effet, ne sont plus à Washington, mais autour de la mer Baltique, et ce sont eux qui ont entrainé la France et l’Allemagne « à l’avant-garde de la nouvelle raison d’Etat supranationale européenne » : il y aurait donc un projet « supranational », ourdi par les vils atlantistes de la Baltique, mais heureusement, Trump et Poutine œuvrent pour la paix !
Cette vision fantasmatique de M. Rimbert va avec une posture pseudo-héroïque : Rimbert fait face, voyez-vous, aux « vapeurs d’union sacrée », tel Jaurès, tel Liebknecht ! Heureusement, le ridicule ne tue pas : car cette défense d’une sorte de souverainisme français et allemand contre le mondialisme supranational, atlantiste et … balte, sent très fort, en vérité, la vapeur d’une très vielle union sacrée bien rance et bien chauvine.
Remarques sur la question européenne.
On aura noté une hésitation, une contradiction, dans la description des Etats européens par Halimi et Rimbert. Tantôt ce sont de toute façon des incapables pour qui les Etats-Unis sont leur « papa » (sic : ça, c’est du Rimbert), tantôt ce sont des manœuvriers redoutables, surtout quand les baltes s’en mêlent n’est-pas, qui profitent de la guerre pour s’engager dans un terrible et mystérieux projet supranational, mondialiste, globaliste et néolibéral, que Poutine et Trump, certes un tantinet conservateurs, veulent éviter au monde en réalisant « la paix en Ukraine » – une paix « réaliste », avec zones occupées, déportations de leurs habitants, russification, etc. : en langue diplo du Diplo, pour dire ça on dit « réaliste », mais c’est beau quand même puisque c’est la paix, n’est-ce pas ? Et ne faut-il pas être méchant comme un balte pour ne pas y croire ? Et bête comme un chef d’Etat néolibéral franco-allemand pour se faire embobiner par ces damnés baltes ?
Telle est la Weltanschauung d’Halimi-Rimbert. Que des secteurs militants par ailleurs lettrés et cultivés puissent voir dans cette sauce autre chose que ce qu’elle est – une construction idéologique euphémisant la menace néofasciste et donc faisant son jeu en adaptant ses éléments de langage, est quand même regrettable, mais ayons malgré tout confiance dans l’usage de la raison …
Il devrait être évident que cette vision des puissances européennes à la fois malfaisantes et totalement incapables de faire quoi que ce soit (une contradiction que nous retrouvons dans l’article adjuvant d’Anne-Cécile Robert) est une contradiction dans les termes, qui suffirait à invalider l’ensemble de ce dossier du Diplo.
Dans la réalité, il y a en effet contradiction : les impérialismes européens sont pris à la gorge par l’Axe Trump/Poutine. Il est très possible que Macron, Merz et Starmer, pour ne rien dire de Meloni déjà toute proche de Trump (et du coup le devenant envers Poutine !), ou leurs homologues, n’arrivent pas à faire face, car l’unité européenne s’impose aux peuples, mais s’oppose aux mécanismes existant du capital et des Etats.
Ceci appelle de la part de la gauche et du syndicalisme un combat pour des dépenses sociales, écologiques et de défense, sans sacrifice d’aucun des trois secteurs, en faisant payer les riches et en mettant la démocratie politique aux postes de commande.
Inversement, Trump et Poutine poussent à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite dans toute l’Europe, pour les servir. La première contribution à la paix véritable serait une aide européenne immédiate et massive à l’Ukraine assortie d’une no fly zone. Le fait est que Macron, Merz, Starmer …, sont poussés à envisager de telles mesures, avec des contradictions, en se prenant les pieds, en reculant après chaque pas en avant. Le fait est aussi que les trusts de l’armement lorgnent sur les profits des commandes d’Etat. Le combat de la gauche et du syndicalisme devrait être d’agir pour des gouvernements assumant toute cette politique en relation avec les exigences sociales et écologiques. Sur que cela couterait moins cher que ce que prévoient les lois de programmation militaire actuelles et le plan ReArm Europ.
Jeffrey Sachs, le grand privatiseur sacré géopoliticien de la paix !
Revenons au Diplo. Le plat de résistance du dossier est un article de Jeffrey Sachs, qui reprend un discours qu’il a fait lors d’un colloque au Parlement européen le 19 février dernier. Le Diplo nous explique en chapeau sur cette contribution : « Bien qu’elle ne recoupe pas en tous points les positions du « Monde diplomatique », elle signale l’ampleur de la dissonance entre les propos publics des dirigeants occidentaux et leur appréciation réelle de la situation. »
J. Sachs est donc censé représenter l’appréciation réelle des « dirigeants occidentaux », dont il commence par expliquer qu’il les a tous bien connus depuis quatre décennies. Et c’est à ce titre – porte-parole des « dirigeants occidentaux » – que le Diplo lui donne la parole. Mais les « dirigeants occidentaux » ne sont-ils pas, tout du moins en Europe, des fourbes doublés d’incapables mus par un diabolique plan supranational ? Or, il se trouve que la position de Sachs sur « la paix » – son titre est « Géopolitique de la paix » – et les positions de Rimbert et Halimi se recoupent, et même qu’elles se recoupent « en tous points », en fait. Comment est-ce possible ?
C’est possible très simplement, du fait que J. Sachs représente non le point de vue des « dirigeants occidentaux », mais des dirigeants étatsuniens actuels – de celles des forces étatiques et diplomatiques qui, aux Etats-Unis, soutiennent Trump. Voila le pot-aux-roses.
Jeffrey Sachs n’est pas n’importe qui : le parangon des néolibéraux imposant des réformes meurtrières, à la Bolivie en 1985, à la Pologne en 1989, à la Russie en 1992. Il n’est pas paradoxal qu’un tel personnage soit devenu, de longue date, un porte-parole des intérêts du Kremlin : la transformation des sommets de la bureaucratie en oligarchie affairiste et mafieuse a été son affaire, il les connait bien, il est leur complice – et vous pouvez imaginer le reste, n’est-ce pas. Sa « géopolitique de la paix » est donc au service des intérêts d’une couche clef du grand capital international. Et elle ne conduit en rien à la paix.
Ainsi donc, quand un néolibéral de premier plan parle comme Trump et Poutine, il devient pour le Diplo l’oracle de la Vérité dite en coulisse !
C’est un « narratif », relevant de l’idéologie dominante la plus courante et en même temps de la réécriture de l’histoire, que nous sert J. Sachs, apte à permettre aux férus de « géopolitique » d’avoir l’air renseignés, que je résumerai en quelques épisodes, qui forment le roman géopolitique le plus courant aujourd’hui, hélas, de manière à peu près complète.
Le point de départ est la plus grande légende géopolitique, et la plus répandue, qui soit : l’OTAN et les Etats-Unis auraient promis à Moscou, lors de la chute du mur de Berlin, que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est. J. Sachs parle même d’un « accord de coopération » qui aurait été trahi. Admirons le toupet : il serait bien en peine de nous procurer le texte dudit « accord » …
Voici ce qu’en dit Mikhail Gorbatchev dans ses mémoires :
« Nous [James Baker, émissaire du président américain, et Gorbatchev, en février 1990] étions en désaccord sur un point déterminant : le statut politique et militaire de l’Allemagne unifiée. Baker tenta de me convaincre des avantages de son maintien au sein de l’OTAN au regard de la « neutralisation ». Ses arguments se résumaient ainsi : la préservation d’une présence militaire en Allemagne et la participation de cette dernière à l’OTAN donnaient aux États-Unis et à l’Occident certains leviers de contrôle de la politique allemande. En cas de neutralité, et donc de retrait de l’Alliance atlantique, l’Allemagne pourrait une nouvelle fois devenir un générateur d’instabilité sur le continent. (…) [Baker à Gorbatchev : ] En supposant que la réunification ait lieu, qu’est-ce qui serait préférable pour vous : une Allemagne unifiée en dehors de l’OTAN, sans troupes américaines, ou bien une Allemagne unifiée qui garderait des liens avec l’OTAN, mais avec la garantie que la juridiction et les troupes de l’Alliance ne s’étendraient pas à l’est de la frontière actuelle [à savoir, en Allemagne, la frontière RFA/RDA] ? Cette seconde possibilité devint le noyau du compromis ultérieur sur le statut politique et militaire de l’Allemagne (…). » (Mikhaïl Gorbatchev, Mémoires, éditions du Rocher, 1997).
Encadrer l’impérialisme allemand qui allait assimiler la RDA et s’imposer comme le premier investisseur étranger dans tout l’ancien bloc soviétique (Russie comprise), était une fonction et un objectif tout à fait sérieux de Washington, d’ailleurs ouvertement exprimé et appuyé par le président français de l’époque, fort réticent sur la réunification allemande, François Mitterrand. Il ne fallait pas d’Allemagne trop « incontrôlable » : pour les mêmes raisons, la réunification procédera par le découpage de la RDA en Länder adhérant séparément à la RFA et non par l’élection d’une assemblée constituante souveraine refondant l’Allemagne. L’URSS s’est ralliée à la position américaine et a accepté officiellement en juillet 1990 le maintien de l’Allemagne, en tant que RFA agrandie, dans l’OTAN. Il y a en réalité eu accord Washington/Moscou pour encadrer l’Allemagne, avec l’aide de l’OTAN, et là, un texte d’accord existe bel et bien.
Le deuxième épisode du roman géopolitique de J. Sachs est présenté comme une « trahison » de son accord imaginaire : c’est l’extension de l’OTAN à partir de 1999. Mais cet épisode fait suite à un autre épisode, tout à fait capital et totalement absent des récits « géopolitiques » dominants, dont J. Sachs ne dit pas un mot.
Le premier affrontement russo-ukrainien, à l’initiative de Moscou, s’est en effet produit en 1992-1993. La pression russe, répondant au refus ukrainien du rouble comme monnaie commune (ce qui aurait permis une privatisation directement russe de l’industrie ukrainienne) a comporté le contrôle de structures militaires et étatiques, les chantages sur le prix du gaz et la stimulation des premières menaces sécessionnistes. L’Ukraine avait alors pris le contrôle des armes nucléaires stratégiques soviétiques se trouvant sur son territoire – elle était la 3° puissance nucléaire mondiale !
Ce sont les pressions de l’OTAN, du FMI et de la Banque mondiale qui l’ont contrainte à concéder à Moscou la cession de tout cet arsenal. L’Ukraine a cédé le 14 janvier 1994 par un accord cosigné avec Moscou et Washington, qui sera ensuite transposé fin 1994 dans le mémorandum de Budapest impliquant aussi la Biélorussie et le Kazakhstan, garanti directement par les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
En lieu et place de toute négociation transparente sur la dénucléarisation de l’Europe et du monde, nous avons donc eu une opération de préservation et de restauration de la seule Russie en tant que puissance nucléaire globale, avec l’aide décisive des pays de l’OTAN !
Cet épisode clef, qui contredit totalement la doxa dominante sur l’OTAN et la Russie, secourue au moment de sa plus grande faiblesse stratégique, lui assurait ses bases militaires de Crimée, les frontières ukrainiennes étant garanties par les signataires …
Mais de tout cela, Jeffrey Sachs n’est pas au courant, n’est-ce pas. En fait, la ligne de l’élargissement de l’OTAN a été donnée en janvier 1994, précisément, par le président Clinton, une fois la question de la restauration russe et de la neutralisation ukrainienne avec bases russes sur le territoire ukrainien, réglée. Ce sera l’entrée à l’OTAN de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque en 1999, puis de l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Roumanie et la Bulgarie en 2004.
Bien que les frottements sérieux entre la Russie et les Etats-Unis aient commencé lors de la guerre du Kososo en 1999 puis à propos de l’invasion de l’Irak (seconde guerre du golfe) en 2003, il ne s’agit pas du tout d’un « encerclement de la Russie » et celle-ci ne le prend pas ainsi à cette date : un « Acte fondateur » OTAN-Russie est signé en 1997 et cadre les adhésions de 1999, et il n’est nullement remis en cause par Poutine au début de sa présidence. Bien au contraire, les débuts de Poutine se font sous le signe de la communion avec G. Bush junior dans la « lutte contre le terrorisme » islamique, cautionnant la guerre coloniale de terreur en Tchétchénie. L’opposition à la seconde guerre du golfe est partagée avec l’Allemagne et la France. Si un pays est « encerclé » par l’élargissement de l’OTAN, c’est en réalité l’Allemagne, les adhésions de 2004 précédant délibérément l’élargissement de l’UE aux mêmes pays. UE mise hors-jeu une première fois en 1995 lors des accords de Dayton (Etats-Unis) sur la Bosnie-Herzégovine.
En Russie, ce sont les nationalistes néofascistes du LDPR et les « communistes » du KPRF, l’un et l’autre oppositions officielles de droite et de gauche et composantes du système de pouvoir poutinien, qui protestent. Poutine choisira de faire sien la thématique du soi-disant « encerclement de la Russie », lié à une menace « occidentale » d’avachissement des mœurs patriarcales, dans un discours de 2007.
C’est aussi en 2007 que les Etats-Unis annoncent leur intention d’installer des éléments de leur dispositif antimissiles, déjà présent au Massachussetts, au Groenland et au Royaume-Uni, sur le continent européen en Pologne (dix intercepteurs) et en République tchèque (un radar), officiellement contre une menace iranienne.
L’ensemble de la gauche antilibérale occidentale a, à l’époque, de manière pavlovienne, considéré que la cible était la Russie. Que les contradictions entre Etats-Unis et Russie soient alors en train de grandir est incontestable, mais croire qu’elle était une cible fait fi d’un « détail » technique : quoi qu’on pense de cette relance des dépenses militaires par Bush, les dispositifs antimissiles sont par nature défensifs (tout en étant susceptibles d’induire un déséquilibre stratégique). Or, la Russie va, elle, commencer à installer des missiles offensifs Iskander, susceptibles d’accueillir des charges nucléaires, dans le territoire de Kakiningrad.
La totalité de ces faits, comme ceux concernant le mémorandum de Budapest, sont évacués du narratif de J. Sachs et du Diplo. Très clairement pourtant, le refroidissement de 2007-2008 a été préparé par les intrusions de plus en plus violentes de la Russie en Ukraine, dès 2004, en Géorgie et en Asie centrale, culminant dans la guerre de Géorgie en 2008. Sous le récit selon lequel les « ONG occidentales » fomenteraient des « révolutions oranges » (les dites ONG étaient présentes, mais ce récit invisibilise le mouvement propre des populations) on a la volonté de reconstituer la domination de l’espace post-soviétique rebaptisé « monde russe ». Tout cela, inexistant chez J. Sachs, pour qui tout n’est que « trahison occidentale » et, accessoirement, « folie » du président géorgien de l’époque, Saakachvili (incontestablement un agité, mais faire de lui un deus ex machina est ridicule).
Poutine voudrait reconstruire l’empire russe ? « propagande puérile » ! On admirera le culot de telles affirmations contrefactuelles présentées comme vérités indubitables de la « géopolitique de la paix » !
Le tournant s’approfondit après 2008 sous le poids de la situation financière et économique mondiale. Tournant russe mais aussi résistance démocratique et nationale des peuples de l’ancienne URSS qui ne veulent pas être reconquis : ce facteur n’existe pas chez Sachs et le Diplo. Les Ukrainiens, comme sujet historique, comme subjectivité nationale construite par l’oppression, n’existent pas (ou alors sous forme diabolisée). Ce déni implicite, tout à fait naturel chez un ami des grands de ce monde et un grand organisateur de privatisations comme J. Sachs, oracle pour le supposé antilibéral Diplo, fonde la vision complotiste de l’histoire ukrainienne depuis 2013 que présente ensuite son discours.
Le Maidan, la chute de Ianoukovitch ? Complot américain, coup monté. Ainsi, si l’ingérence russe est une « propagande puérile », le complot occidental universel n’a, lui, rien de « puéril » et, naturellement, des millions de manifestants pendant des mois, cela n’existe pas.
Ensuite, bien entendu, nous avons droit aux « accords de Minsk », qui ont justifié un cessez-le-feu précaire dans le Donbass (pas un mot sur l’occupation de la Crimée !) – Donbass où « les bombardements font des milliers de morts » (lesquels ? on admirera l’imprécision voulue qui laisse la place aux fakes de la propagande russe sur le prétendu génocide des « russophones »). Sachs, comme Hélène Richard dans son propre article, se garde bien de présenter le contenu des accords de Minsk : maintien de l’occupation russe de facto de Donetzk et de Louhansk dans une future Ukraine décentralisée où, par leur truchement, la Russie aurait eu un droit de veto sur la politique étrangère du pays. Il s’agissait d’un compromis colonial typique, qui ne pouvait tenir.
Après la légende des accords de Minsk, violés comme il se doit par l’Ukraine au service de « l’Occident », J. Sachs nous sert pour finir le story telling des accords de paix qui auraient failli être signés au printemps 2022 par la médiation turque, mais que « le Royaume-Uni » aurait empêchés. Ces négociations où l’Ukraine avait le couteau sous la gorge avaient en fait commencé près de Tchernobyl, et la Russie n’avait pas l’intention d’arrêter son offensive. Ce que regrette Sachs, c’est que les Ukrainiens aient résisté.
Sachs nous raconte que les dirigeants des Etats-Unis ont provoqué la Russie en voulant implanter l’OTAN en Ukraine, alors qu’ils ont refusé de le faire et qu’il est lui-même un représentant de cette orientation de l’impérialisme américain qui triomphe actuellement avec Trump.
Hélène Richard, digest et doxa …
Compte-tenu des éléments déjà présentés ici, je peux me permettre de passer rapidement sur l’article d’Hélène Richard qui est le premier dans l’ordre de présentation du dossier, et qui récapitule en fait toute la doxa dominante du Diplo, laquelle est très largement la doxa dominante tout court, contrairement à ce qu’elle veut faire croire.
Hélène Richard fut une journaliste qui, voici quelques années, se rendait sur place et pouvait avoir quelque empathie pour les Ukrainiens qu’elle rencontrait. C’est fini. En bon petit soldat d’Halimi-Rimbert, elle débite de manière stéréotypée le même récit que Sachs, dans lequel l’expansionnisme russe est une fiction à la Macron/Glucksmann mais où « l’expansion euro-atlantiste » est bien réelle, alors que la politique des impérialismes européens a été déterminée par la volonté de collaboration avec l’impérialisme russe.
Je citerai simplement la perle peut-être la pire d’Hélène Richard : la preuve que Paris et Berlin ont saboté ces si merveilleux accords de Minsk, c’est qu’ils ont « laissé Kiev faire de la récupération du contrôle de la frontière un préalable à l’organisation d’élections locales -pensant que le Kremlin se satisferait d’un enlisement. » Imaginons que l’Allemagne ait pris le contrôle de l’Alsace-Moselle par le truchement de milices séparatistes composées de soldats sans insignes de la Bundeswehr, qu’un accord de cessez-le-feu envisageant des élections sans que cette ingérence armée ne prenne fin ait été signé, et qu’une « journaliste » d’un grand organe de la « géopolitique » vienne expliquer que, quand même, ces Français sont de sacrés bellicistes quand ils disent qu’il faudrait que leur pays reprenne le contrôle de la frontière avant que des élections aient lieu, et qu’il n’aurait quand même pas fallu les « laisser faire » !
Quel culot, ces Ukrainiens, à vouloir des élections qui ne se fassent pas sous la menace des mitraillettes !
H. Richard nous rabâche une antienne : « La Russie n’est pas l’Allemagne des années 1930 … » A vrai dire, elle nous la rabâche avec une telle insistance qu’on se prend à douter de sa véritable conviction à ce sujet. A trop vouloir faire du zèle …
Pour conclure.
Pour finir, signalons l’article de Sébastien Gobert. Il est le seul dans lequel l’Ukraine et les Ukrainiens existent comme acteurs ayant leur agentivité propre. Mais du coup, il apparait comme une caution à la ligne générale qui prévaut totalement par ailleurs, qu’il ne permet pas de contredire.
En outre, sa présentation des luttes partidaires internes à l’Ukraine ignore un facteur capital dont l’importance a augmenté depuis le 24 février 2022, celui des courants de gauche ou socialisant dans la société civile, et y compris dans l’armée, des syndicalistes, des féministes, des écologistes, des LGBT … tous engagés dans la lutte armée contre l’invasion et dans la lutte sociale contre le gouvernement ukrainien.
Ce grand continent, car c’en est un, est l’impensé, l’inconnu, d’une majorité des cadres militants de la gauche et du syndicalisme, qui sont, à cet égard, responsables et coupables de leur ignorance – il faut le leur dire !
Les rares fois où des références aux syndicats ukrainiens percent le mur du silence, c’est pour reprendre sélectivement des informations données par les militants internationalistes pro-ukrainiens organisés notamment dans le RESU, le Réseau Européen de Solidarité avec l’Ukraine, sur les luttes contre les attaques visant le droit du travail. Ces références « oublient » toujours l’autre demande des syndicats ukrainiens, qui vient en premier lieu : livrez-nous des armes.
Il est urgent, il est plus que temps, camarades, de se réveiller. Il y a un Axe néofasciste qui nous prend en étau, sur deux fronts et de l’intérieur aussi – dans ce combat, les forces démocratiques des peuples américain et russe sont avec nous. Et le premier front de la guerre antifasciste est en Ukraine.
Raconter et se raconter qu’il n’y a pas de menace russe et que Trump contribue à la « démondialisation », c’est se désarmer volontairement dans la guerre antifasciste dont je ne dirai pas qu’elle vient, car, sous toutes ses formes qui ne sont pas seulement militaires mais qui le sont aussi, elle est déjà là.
Si vous pensez barrer la route au RN en euphémisant la réalité d’un Axe néofasciste mondial et la place qu’y tient Poutine, vous vous mettez le doigt dans l’œil.
VP, le 26/04/25.
Post Scriptum : cerise sur le gâteau.
Ayant bossé le dossier « pas de menace russe mais une menace européenne » (on peut l’appeler comme ça, non ?) du Diplo d’avril, j’avais négligé l’édito de Benoit Bréville. Il est pourtant croquignolet et mérite à ce titre quelques lignes.
Sous le titre « L’Internationale des censeurs », il s’agit apparemment d’une protestation contre la censure « anti-Woke », ou prétendument anti- « antisémitisme », qui sévit aux Etats-Unis et à laquelle ressemblent de plus en plus des orientations prises en Europe dont la France de Macron.
Mais est-ce réellement le but de cet édito ? Tout est dit de ce qu’il en est vraiment dans le premier paragraphe :
« Un axe étrange prend forme. Non pas celui du « Mal » qui rassemblement les « ennemis » de l’Ocident. Ni celui qui irait de M. Donaldt Trump à M. Vladimir Poutine. Mais une alliance plus large : l’Internationale des censeurs, où se coudoient autocrates, démocrates et bureaucrates. »
Ainsi, le sentiment d’indignation démocratique contre la censure et ses prétextes hypocrise est détourné, dans cet édito, pour nous faire rentrer dans la tête une seule chose : l’Axe Trump-Poutine ça n’existe pas, il n’y a pas d’Internationale réactionnaire qui tienne entre eux, il n’y a que des tendances réactionnaires menées par les vrais ennemis dans lesquels figurent, notez-le bien c’est écrit, les démocrates, sans majuscule, ce qui veut dire les partisans de la démocratie …
Les formules du type « Internationale réactionnaire » ou « Axe néofasciste » ont été employées, en France, par Sophie Binet, dirigeant de la CGT, notamment lors du congrès de la FSU à Rennes et depuis. Nous assistons à un combat organisé pour les mettre au rabais, soit en ne parlant surtout pas de fascisme ou de néofascisme, ne soit en ne mettant surtout pas Poutine dans l’énumération des chefs d’Etat en cause (en le remplaçant par divers sous-fifres, comme Meloni, etc.). Cet édito participe pleinement de cette opération, en nous enfonçant dans le crane que non, il n’y pas d’axe Trump/Poutine.
Au compte de qui ?