Le blog de Francis Pisani
Publié le 07.10.2025 à 11:25
Tocsin ! ≈075
Bonjour,« Tocsin ! » dit le titre.« Il y va fort » pensez-vous.J’aimerais tant que vous ayez raison.Dans nos villages d’antan, cette sonnerie venait d’une cloche réservée à l’annonce des catastrophes. C’est exactement de cela qu’il s’agit. Au niveau des US, de l’Europe, de la France et pas seulement.
Garde nationale du Texas envoyée à Chicago_Fox4Nous vivons un moment bizarre fait de dynamiques inquiétantes et d’absence de certitudes.Isoler chaque problème permet de s’inquiéter en silos : Trump et sa Cour suprême sont en train de changer le jeu politique aux US; les militaires interviennent dans les villes; le prochain premier ministre tchèque sera Trumpien, droite et extrême droite françaises veulent s’imposer vite, etc.Mais nous ignorons jusqu’où l’actuel président US ira pour ne pas perdre les élections de mi-mandat, à quel point le prochain dirigeant de Prague se rapprochera de Poutine sous le regard attendri de Washington, ce que fera le RN s’il gagne les élections qu’il demande.Pas de certitude donc, mais peut-être une logique que nous n’avons pas envie de voir par peur de réaliser que ça pourrait barder bientôt et pour longtemps.PartagerLa semaine dernière, j’ai demandé à Pete Hegseth, ministre de la guerre de Trump, si la concentration de l’US Navy en face du Vénézuéla pouvait conduire à une intervention terrestre. Pas de réponse bien sûr mais, le jour suivant, le New York Times publiait un article disant que certains des plus proches et des plus influents collaborateurs de Trump y travaillent sérieusement.Les faitsCommençons par quelques faits documentés.
Portland, Oregon 5 octobre 2025Laissez un commentaire.Le plan ne s’arrête pas là : Le Projet 2025Comme elle le fait depuis le premier jour, l’équipe au pouvoir nous soule sous tant de décisions et de discours que sa logique est difficile à percevoir. Elle existe pourtant sous la forme d’un plan très connu et que la plupart d’entre nous - je m’inclus dans le lot - ont eu tort de ne pas lire, celui de la très conservatrice Heritage Foundation baptisé Project 2025 (en français). Elle compte de deux façons : par ce qu’elle se propose de réaliser et par les positions occupées par certains de ceux qui ont contribué à sa rédaction.Les 5 points principaux

- L’équipe Trump qualifie les narcos vénézuéliens de « narco-terroristes », ce qui en fait une menace pour la sécurité des US. Intérieure autant qu’extérieure vue l’importance de la consommation de drogue et de ses réseaux de distribution sur le territoire national.
- Les 800 amiraux et généraux convoqués à Quantico, près de Washington, ont reçu la consigne de prendre les villes américaines comme « terrain d’entraînement » et d’y faire preuve d’un « esprit guerrier ».Commentaire - Sans justification claire d’ordre militaire cette réunion a été interprétée comme une façon d’accélérer le limogeage d’un bon nombre d’étoilés, un pas dans la politisation des Forces Armées et peut-être même comme une façon de réunir plus discrètement une poignée d’entre eux disposés à participer à l’étape suivante.
- L’équipe Trump accélère le déploiement d’éléments militarisés dans plusieurs grandes villes US. Les ressources sont considérables.

- Réforme radicale de l’État fédéral pour limiter ses capacités d’intervention.
- Politique migratoire ultra-restrictive avec militarisation de la frontière sud.
- Agenda sociétal conservateur avec lutte contre la diversité et le droit à l’avortement, entre autres.
- Dérégulation environnementale.
- Renforcement du pouvoir présidentiel avec recours à l’armée en cas de troubles intérieurs.
- Russell Vought : Auteur principal du Projet 2025, il est Directeur du Bureau de la gestion et du budget, responsable de la mise en œuvre des réformes administratives.
- Stephen Miller : chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche et conseiller pour la sécurité intérieure. Il fait partie de ceux qui poussent à un renversement de Maduro au Vénézuéla.
Publié le 29.09.2025 à 17:27
Au ministre de la guerre de Trump ≈074
Chères lectrices et lecteurs de Myriades, bonjour…Après de longues semaines de vacances et de réflexion (annoncées) me voici de retour avec une chronique sur les manoeuvres de l’administration Trump dans les Caraïbes. Les médias français y accordent peu d’importance, mais pour y avoir longtemps vécu, et travaillé comme journaliste pendant plus de 15 ans, j’ai ma petite idée sur ce que cela peut impliquer.J’ai donc décidé d’interroger le responsable du Pentagone sur le sujet en faisant confiance à l’efficacité des services d’espionnage pour qu’ils détectent cette sollicitation qui n’est en fait que très légèrement provocatrice… Jugez par vous-même.
Carte Wikipedia https://en.wikipedia.org/wiki/2025_US_Caribbean_naval_deploymentMister Pete Hegseth, Secretary of War,Permettez-moi d’utiliser ce titre, pas encore officiel, mais dont l’importance n’échappe à personne.Je vous serais reconnaissant de répondre à ces questions pour la newsletter Myriades, écrite en français mais publiée sur Substack, plateforme américaine, donc sous votre contrôle.L’importance de cet entretien tient au fait que très peu d’informations ont été publiées en France sur la forte présence de la Navy en face des côtes vénézuéliennes, la destruction de plusieurs bateaux « narcos », l’existence d’une nouvelle Stratégie de défense nationale de votre Pentagone et sur la convocation cette semaine à Washington de tout ce que votre pays compte de « super étoilés » de qui vous avez l’intention d’exiger un « esprit guerrier », entre autres.Forte présence de la Navy dans les CaraïbesDès son retour au pouvoir, le Président Trump a manifesté son intention de reprendre le Canal de Panama, intégrer le Canada aux États-Unis et acheter le Groenland, soit prendre le contrôle de tout le continent.
Photo Timothy Snyder L’historien Timothy Snyder craint que vous ne mettiez en danger les US en concentrant dans un même lieu tous ces responsables. Et s’il leur arrivait quelque chose ? God forbid !

- La concentration récente de plusieurs vaisseaux de la Navy en face du Venezuela, n’est-elle pas la première manifestation militaire de cette politique ?
- Vos bateaux se sont, pour le moment, contentés de détruire des embarcations (voir la premières minute) accusées de transporter, avec le soutien du président Maduro, de la drogue. Une action contre des installations terrestres est-elle envisagée ?
- Pourquoi en irait-il différemment dans votre cas ?
- Ce déploiement fait-il partie de dite stratégie ?
- Confirmez-vous qu’elle accorde la priorité à l’effort militaire sur le continent américain et ne montre plus que de « l’intérêt » pour ce que font Chinois et Russes ?
- Considérez vous que Cuba, Nicaragua et Mexique participent au trafic de drogue?
- Si oui, avez-vous l’intention d’y appliquer votre nouvelle politique régionale ?
- Cela ne risque-t-il pas de nuire à l’aspiration de votre président de se voir attribuer un Prix Nobel de la Paix ?

- Pourquoi seriez-vous à l’abri des conséquences de la double erreur de Hassan Nasrallah, l’ancien chef du Hezbollah libanais, qui a réuni tout son État-Major dans un même lieu après l’avoir annoncé publiquement, invitant Israël à tous les éliminer d’un seul coup ?
- Et si vous pensez que c’est impossible à Washington, mieux protégé que Beyrouth, je me permets de vous demander si vous avez lu le roman 2034. Connu des lectrices et lecteurs de Myriades, écrit par deux militaires américains, il raconte comment, soudain, votre Navy se retrouve sans aucune communication ni la capacité d’en comprendre la cause. Une opération surprise menée par les dirigeants chinois grâce à une technologie que les États-Unis n’avaient pas vu venir… Et s’ils s’étaient trompés de 9 ans ?
Publié le 19.08.2025 à 09:41
Hiroshima, coeur et raison ≈073
Quoi de plus improbable qu’une liaison entre un islandais et une japonaise ? Quoi de plus fou qu’un vieil homme partant à l’autre bout du monde en quête de son amour de jeunesse ? Quoi de plus stimulant qu’un couple qui fait face à son passé écrit tout de travers pour aborder la mort avec un sourire ?Les acteurs sont bons, les images sont belles, le scénario tient la route, le montage est superbe… Dépêchez-vous de rentrer pour aller voir le délicieux Touch - Nos étreintes passées du réalisateur islandais Baltasar Kormákur.
Le film : Touch - Nos étreintes passéesCe coup de coeur est loin d’être anodin. Pour des raisons personnelles d’abord : l’âge et le sourire du héros, l’inévitable retour sur l’histoire de sa vie, et le Japon que je trimballe dans tout le corps avec une tendresse pas totalement explicable, légèrement coupable. Je l’ai abordé par les arts martiaux, une fascination pour le zen et j’y ai vécu un an, faisant l’effort de commencer à apprendre cette langue étrange, facile à prononcer, difficile à maîtriser, qui s’écrit en chinois.PartagerTouch (traduction du titre original, Snerting en islandais) fait partie de ces oeuvres dont je me garderai bien de dire qu’elles touchent à l’universel, notion dont je me méfie, mais qui nous permettent grâce à une histoire toute simple d’accéder à des moments ou des problèmes d’une importance planétaire et qui nous concernent. En l’occurrence la bombe lancée par les US sur Hiroshima en août 1945. Il y a 80 ans. Un fait que nous connaissons tous sans y accorder, il me semble, toute l’importance qu’il mérite et sans comprendre comment il pèse encore et toujours sur le monde d’aujourd’hui.Le fait figure dans les livres d’histoire. Comme un instant plus que comme un tournant. Comme une façon, expéditive certes mais efficace, de terminer une guerre plus que comme le lancement d’une nouvelle ère dans laquelle nous vivons encore. Et le premier champignon suffit à occuper la plupart des esprits sans qu’il soit nécessaire d’insister sur le fait qu’il y en a eu deux. Nous avons bien vu quelques images des destructions, des morts et des survivants mutilés, sans trop de profondeur. Sans la durée. Sans la dimension des horreurs qui se diffusent pendant des décennies. Nous avons une rapide idée des faits, sans vraie conscience de la réalité.C’est ce que Touch - Nos étreintes passées (complément de titre rajouté pour la version en français) réussit à faire en douceur et sans pitié, nous distille par petites touches tout au long du film sans que nous nous en rendions vraiment compte. Jusqu’à la fin amoureuse, délicate, implacable.Mais pourquoi s’y attarder aujourd’hui ?Deux bombes sans finalité militaireParce que ces deux bombes avaient pour objectif de marquer ce tournant dans l’histoire du monde invoqué plus haut.Le Japon étant sur le point d’accepter sa défaite elles ne correspondaient à aucun impératif militaire. La seconde encore moins que la première.Dans un horrible billard à trois bandes il s’agissait d’abord d’inviter Staline à ne pas trop rêver et surtout d’ouvrir à la face du monde entier une ère de domination américaine dangereuse à contester. Nous y sommes toujours.Après l’échec de ses tentatives de séduction de Kim Jung-un lors de son premier mandat, Trump a clairement voulu montrer en essayant de détruire les installations nucléaires de l’Iran le 22 juin 2025 qu’on ne l’y reprendrait plus.Laissez un commentaire.Un projet Manhattan 2 pour l’IAJe doute parfois de ces raccourcis un peu rapides et qui sonnent bien. Grâce au film Oppenheimer, même les plus jeunes savent aujourd’hui que nous devons la bombe au projet Manhattan. Bien montrés, les doutes et les regrets du savant, font ressentir à certains une sorte de compassion pour l’individu, presque pour l’idée dans son ensemble. Pour l’intention. Tout le contraire de Nos étreintes passées qui par l'histoire d’un couple nous permet d’entrevoir l’horreur dans sa durée.Permettez-moi de noter, pour finir, que le développement massif de l’intelligence artificielle prôné par Washington et les TechBros de Silicon Valley vise précisément à relancer cette dynamique qui s’essouffle. Une vision qui a conduit Trump à lancer le 21 janvier 2025 - « dès [la] première journée complète de travail » de son deuxième mandat - le projet Stargate. 500 milliards de dollars sur 4 ans pour créer le plus gros réseau mondial de data centers équipés de millions de microprocesseurs fabriqués par Nvidia, l’entreprise la plus riche du moment. Tout ça sur le sol états-unien. Premier objectif : assurer la domination des US dans le domaine de l'intelligence artificielle.Présenté par certains comme le « projet Manhattan pour l’IA », il est techniquement piloté par Sam Altman, patron de OpenAi, l’entreprise qui produit ChatGPT. Comme pour bien marquer le coup, il s’est installé dans les laboratoires de Los Alamos. Où travaillait l’équipe de Robert Oppenheimer…Deux notes personnelles :

- Je suis reconnaissant à Baltasar Kormákur et à son film dont l’histoire m’a permis de percevoir une dimension du Japon que j’étais incapable de nommer : la douleur inoubliable et toujours vivante, 8O ans plus tard, d’avoir servi de cobaye au passage à l’ère nucléaire et de domination états-unienne. Il me semble que son effort pour préserver tradition et nouveauté se comprend mieux à cette lumière. Le fait par exemple qu’on y parle peu l’anglais.
- Je ne peux pas être favorable à une victoire du régime autoritaire chinois dans la guerre de l’intelligence artificielle. Mais la volonté d’utiliser cette technologie pour dominer la planète me terrifie d’autant plus que j’en perçois la puissance, même si elle vient des États-Unis. Sans y croire vraiment j’aime bien la proposition de Guillaume Moukala Same nous invitant, plutôt qu’à un autre projet Manhattan à créer « un GIEC de l’IA ».
Publié le 04.08.2025 à 15:31
Croisé trumpien dans un café parisien ≈072
Bonjour,D’abord quelques excuses qui ont trop tardé et un geste de ma part pour celles et ceux qui ont la générosité de soutenir économiquement mon travail, bien réduit ces temps-ci. Je le reconnais.
≈072-horseback-crusader-Theglobalist.com.jpgLes jolis côtés de ma vie en quelques minutesNous sommes assis avec deux amis récents, curieux d’en savoir plus sur mon parcours légèrement hors norme. Plutôt en forme ce jour là, j’ai envie de les intéresser et j’y vais franco du récit de mon année 1968 : offensive du têt à Saigon, mai à Paris, août à Prague, novembre dans l’Alabama pour les élections américaines et, décembre à La Havane où je vivrai pendant deux ans grâce à des traductions et à des cours de judo.Suit mon intérêt pour les révolutions en Amérique centrale. Le fait qu’à l’époque j’y crois, à Fidel Castro comme aux Sandinistes avant de passer de la politique qui ne change pas grand chose aux possibilités qu’ouvrent la technologie. Installation dans la baie de San Francisco, tour du monde de l’innovation, travail sur les villes, notamment intelligentes. Mon inquiétude face à Trump et sa manipulation, entre autres, de la puissance, de la haine et de la peur. La totale. Dans la bonne humeur.Plaisir de dire mon envie directrice de voir le monde changer, de tenter de comprendre sur le terrain tout ce qui peut y contribuer, d’affirmer mes positions de gauche devant de possibles amis en espérant qu’ils y soient sensibles et que cela nous permette d’aller plus loin. Mais l’heure tourne et je dois finir par me lever.PartagerCroisé à l’attaqueC’est ce juste à ce moment qu’un client assis à la table d’à côté et dont j’avais remarqué qu’il avait délaissé sa lecture pour mieux nous écouter - j’ai même eu l’infantilisme de croire qu’il s’intéressait à mon récit - interrompt nos adieux avec les mots suivants prononcés dans un français parfait enluminé d’un délicieux accent américain : « Vos histoires c’est fini. J’ai voté trois fois pour Donald Trump, pas parce que j’avais peur mais parce que je suis chrétien et qu’il défend nos valeurs. Et d’ailleurs c’est pas la peine d’essayer de revenir aux États-Unis, le FBI a sûrement toutes les informations sur vous et il ne vous laissera pas rentrer ».Pas vraiment d’envie de me convaincre mais recours évident à la menace. Dans un café parisien. Et moi, pris dans les joliesses de mon discours, pressé par le retard à mon prochain rendez-vous, je ne trouve rien de plus malin à lui dire que : « Je me retrouverai ainsi dans la même situation qu’Oscar Arias, ancien président du Costa-Rica et prix Nobel de la paix à qui votre gouvernement a retiré son visa. Une compagnie qui m’honore ».Il reste coi.Je quitte la scène, plutôt content de ma répartie…Mais il me faut quelques minutes, alors que je m’éloigne, pour comprendre mon ridicule, mon incapacité de résister au mot d’esprit facile plutôt que de réagir à l’offensive idéologique. Car c’est de cela qu’il s’agit, et c’est à cela que nous devons nous préparer, contre quoi nous devons lutter.Les diplomates s’en mêlentHubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, estime que l’Europe est en train de devenir « trumpienne », que les idées du magnat de l’immobilier gagnent du terrain.Nous aurions tort de les prendre à la légère.Elles s’appuient sur une doctrine baptisée « black enlightment » ou « Lumières [en référence au Siècle des…] noires » dont vous trouverez les principales références sur le site du Grand Continent, notamment cet article intitulé Atlas de la pensée néoréactionnaire.Outre les bénévoles, comme celui que j’ai rencontré, l’offensive déploie ses croisés.J.D. Vance a donné le ton lors de son fameux discours de Munich. Les sbires du département d’État prennent la relève systématiquement comme le montre un article du Monde au titre révélateur : « Les envoyés très spéciaux de la diplomatie américaine pour « évangéliser » l’Europe ». A la recherche « d’alliés civilisationnels » deux jeunes diplomates du Département d’État sillonnent le continent et multiplient les pressions.Partager Myriades \ Francis PisaniEn Grande Bretagne ils rencontrent le plus puissant lobby antiavortement. En Irlande ils menacent de retirer les visas d’accès aux États-Unis aux fonctionnaires qui appliqueraient le Digital Services Act (DSA) mis en place par l’Union européenne, en 2023, afin de forcer les géants du Web à réguler leurs contenus.En France, qu’ils semblent avoir comparé à la Corée du Nord, ils protestent contre l’atteinte à la liberté d’expression que représente, selon eux, la condamnation de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics et rencontrent des cadres du parti (mais pas les deux principaux dirigeants). Selon Pierre Haski, éditorialiste de France Inter et président du conseil d’administration de Reporters sans frontières qui les a reçus « Leur démarche était clairement idéologique ».A nous de comprendre qu’il s’agit d’une offensive en bonne et due forme… et d’y répondre. Le mépris ou les mots d’esprit, comme celui avec lequel j’ai cru m’en tirer, ne feront pas l’affaire. A bientôt…Abonnez-vous maintenant
- Parmi toutes les raisons qui m’ont poussé à moins écrire il y a la sidération de l’évolution du monde depuis le retour de Trump à la Maison Blanche. Plutôt que de dire n’importe quoi ou la même chose que tout ce qui se publie j’ai préféré réfléchir. J’y reviens dans un instant.
- Le geste, bien normal, est une pause dans le prélèvement de vos contributions jusqu’au 15 septembre. Cela ne veut pas dire que je n’écrirai pas… seulement que rien ne vous sera débité. Profitez en pour boire un coup, prendre un café ou vous offrir une glace à notre santé à tou.te.s.

Publié le 22.06.2025 à 19:36
Iran, Israël, US : escalade, enlisement ou trou noir ? ≈071
Comme vous, peut-être, comme beaucoup, j’ai passé plusieurs semaines sidéré par la montée visible, inéluctable du recours à la force, à la violence, à la destruction systématique au cours des derniers mois.Par la dynamique enclenchée en différents endroits de la planète à l’intérieur de multiples pays comme dans les relations internationales.Myriades \ Francis Pisani est une publication soutenue par les lecteurs. Pour recevoir de nouveaux posts et soutenir mon travail, envisagez de devenir un abonné gratuit ou payant.Par son succès apparent et sa capacité à faire tâche d’huile.Chacun avec ses raisons, parfois ses prétextes, Poutine et Netanyahou mènent la danse. Trump les suit tous les deux et, de Kagame (Rwanda) à Modi, Xi et Erdogan, pour ne mentionner que les plus visibles, un nombre croissant de dirigeants et de mouvements politiques nous entrainent dans une dynamique plus dangereuse encore qu’il ne semble. De plus en plus éloignée du droit.Commençons par l’actualité de ce 22 juin 2025.
Simulation par la NASA de ce que pourrait représenter le plongeon dans un trou noir. Pour la vidéo, tapez sur votre moteur de recherche : black hole simulation nasa« Escalade » ?« Escalade » est un des termes les plus couramment employés pour décrire les évènements de ces neuf derniers jours.Indiquant un mouvement vers le haut, il donne une tonalité presque positive à la surenchère combinée de Jerusalem et de Washington que personne, en tous cas aujourd’hui, ne semble pouvoir contenir.

- L’appareil sécuritaire israélien fonctionne, grâce à la maîtrise de sa technologie, à un niveau dont la plupart de ses ennemis n’a pas la moindre notion. Nous l’avons vu à Gaza. De plus, les pratiques et déclarations du Hezbollah que Jerusalem a su tourner, chaque fois à son avantage, l'ont montré de façon limpide. C’est plus surprenant dans le cas de l’Iran mais, quelque soit sa sophistication dans le nucléaire (dont on n’est pas certain qu’elle soit aussi avancée que le prétendent Netanyahou et Trump), elle n’a rien à voir avec celle des technologies de l’heure : drones et intelligence artificielle. Le régime paye son obstination dans ce domaine en même temps que le rejet répandu de son fondamentalisme religieux intolérant et répressif.
- Un suivi attentif de l’évolution d’Israël et de sa façon de mener ses guerres depuis l’attaque terroriste menée par le Hamas le 7 octobre 2023 montre que le recours massif et sans états d'âme à la force, à la destruction et aux massacres paye (à court terme en tous cas). Il est trop tôt pour dire si le programme nucléaire iranien est détruit pour toujours et si le régime tombera. Dans un cas comme dans l’autre, les doutes (de nature différente) sont permis. Mais il est clair, à court terme en tous cas, que le “patron” d’Israël depuis trois décennies peut fêter son triomphe.
- Reconnaissons-le… en précisant que cela risque de se révéler très grave pour le reste de la planète et dans le long terme. Ce qui compte maintenant c’est d’évaluer la dynamique dans laquelle ils ont engagé le Moyen Orient et le reste du monde.
- Chacun.e d’entre nous tend à s’inquiéter, qui des menaces contre l’environnement, qui des dangers de l’intelligence artificielle, qui de la crise économique probable, qui des bouleversements culturels ou géopolitiques. Leurs interactions semblent ouvrir une période d’authentique mutation. C’est peut-être dans ce sens que nous devons essayer de penser et d’agir.
- Les tristes sires (« no King » disent les manifestants américains) mentionnés plus haut montrent chacun, mais de façon implacablement similaire, que leur mépris du droit vaut aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ils nous enfoncent dans une période dominée par la logique de la haine, de la violence et de la puissance. Nous pouvons nous y opposer en misant sur la force des relations entre celles et ceux qui agissent en différents lieux, à différents niveaux.
- Que le régime des ayatollahs soit indéfendable ne veut pas dire qu’on a le droit, qu’il soit avisé, de faire ou de laisser tomber sur lui le « Marteau de Minuit » (nom de l’opération lancée par le Pentagone).
- Et quelle ironie destructrice. En même temps, et je choisis mes mots, qu’ils donnaient crédit à l’apparente possibilité de négociation alors que Trump préparait ses frappes, nos dirigeants se sont montrés victimes du biais cognitif bien connu sous le nom de « loi de l’instrument », selon laquelle qui possède un marteau a tendance à tout voir comme un clou !
- Et il y a plus grave. Notre tolérance avec les guerres d’Israël choque un grand nombre d’autres pays et forces de la planète - généralement concentrées au sud - ceux que l’Amérique de Trump expulse, bannit ou cherche à détruire… et que la Chine courtise.
Publié le 07.05.2025 à 08:59
Allô « Résilience », nous avons un problème… ≈070
Bonjour,Le mot « résilience » sonne bien. Un peu trop peut-être. Nous tendons à lui accorder plus de vertus qu’il n’en possède et l’usage abusif que nous en faisons risque de nous faire croire, quand nous l’adoptons, qu’il nous aide à bien poser un problème qu’en fait nous ne faisons que repousser sans nous donner une chance de bien l’aborder.Quel problème ?Le plus important peut-être de notre époque : comment faire face aux exigences de changements qui émergent et s’amoncellent. Comment ne pas seulement résister, voire même s’adapter à ce qui s’annonce, à ce qui nous arrive.Une question trop souvent mal posée.« Nous ne sommes pas arrivés là où nous sommes grâce à la notion de résilience » […], elle « étouffe les mécanismes de croissance et d'évolution » écrit l’économiste Nassim Nicholas Tayeb dans son livre Antifragile. Ce professeur à l’Université Polytechnique de New York est aussi l’auteur de la théorie du cygne noir qui traite des « événements imprévus à grandes conséquences et [de] leur rôle dominant dans l'histoire ». Exactement ce qui nous intéresse aujourd'hui.Mais de quoi parlons-nous?
L’art japonais du kintsugi consiste à réparer une céramique ébréchée ou cassée à l’aide laque et de poudre d’or pour l’utiliser à nouveau. Exposition Entre art et résilience. Maison du Japon à Paris. https://www.mcjp.fr/fr/kintsugi-entre-art-et-resilienceRésistance, résilience, adaptabilité« La résilience est la capacité d’un système à revenir à son état initial après avoir été perturbé, » explique le site Géoconfluences (Ressources de géographie pour les enseignants). « De façon plus précise, l’UNISDR (United Nations International Strategy for Disaster Reduction) définit la résilience comme « la capacité d’un système, une communauté ou une société exposée aux risques, de résister, d’absorber, d’accueillir et de corriger les effets d’un danger (...), notamment par la préservation et la restauration de ses structures essentielles et de ses fonctions de base ».Un progrès quand on se préoccupe de changement dans la mesure où ce terme se propose de dépasser les limites de la résistance qui cherche, par des travaux de correction, comme une digue, à s’opposer à l’aléa, tandis que la résilience vise à en réduire au maximum les effets. « La résistance prétend éliminer les risques en éliminant les aléas, la résilience admet que ce n’est pas possible; […] Elle reconnaît que le dommage n’est plus lié à une relation entre deux facteurs, comme entre aléa et vulnérabilité, mais à un ensemble de facteurs en interaction, à un système. »Partager Myriades \ Francis PisaniL’intérêt principal de cette précision est, à mes yeux, d’introduire une dynamique, une évolution dans la façon de se préparer aux perturbations, aux menaces, aux bouleversements. Elle pose un début de gradation dans la stratégie envisageable au lieu d’enfermer dans une unique acception, d’autant moins utile qu’elle est utilisée à toutes les sauces.Et maintenant que nous sommes lancés, nous n’avons aucune raison de nous arrêter là. Je parie que vous avez pensé à ce troisième terme fort utile: « adaptabilité ».Nous sommes enfin à notre aise. Il s’agit tout simplement de la faculté de s’adapter ou, comme le propose le site Indeed (moteur pour l’offre et la recherche d’emplois), de la « compétence comportementale qui vous permet d'adopter et d'accepter des évolutions ou changements de façon rapide ».Mais comment s’y retrouver avec ces trois notions : résistance, résilience, adaptabilité?Pour m’en sortir j’ai demandé au chat de Mistral.ai de me simplifier tout cela. Voici sa réponse:« En résumé, la résistance concerne la capacité à supporter des pressions sans changer, la résilience concerne la capacité à se remettre d'un choc, et l'adaptabilité concerne la capacité à changer et à s'ajuster à de nouvelles conditions. »Content.e.?Pas moi.La dynamique est enclenchée mais ne s’arrête pas là. Nous sommes toujours dans la réaction.Vers une théorie quantique de l’histoire ?Ce qui manque?L’anticipation d’un changement plus profond, d’une éventuelle mutation ou, mieux encore, d’une conception non-linéaire de l’histoire susceptible de se développer dans de multiples directions.Bizarre? A première vue, bien sûr. Mais le temps est venu de prêter attention à ce qui se présente comme une « théorie quantique de l’histoire » proposée par le philosophe Slovène Slavoj ZIzek. Une approche qui s’appuie sur la physique la plus avancée et rejoint le taoïsme le plus ancien.La « direction » de l’histoire n’est pas déterminable. Elle peut avancer, reculer ou faire un pas de côté résume Nathan Gardels dans Noéma Magazine.C’est, peut-être, cela que nous devons comprendre.J’y reviens aussi vite que je peux.Plus que jamais vos commentaires, suggestions et critiques sont les bienvenus.Abonnez-vous maintenant

Publié le 02.04.2025 à 08:25
Tout casser, tout brûler, le « brokenism » pro Trump ≈069
Xi, Poutine et Trump ont en commun de vouloir «renverser la table», a déclaré Pierre Haski lors de sa récente intervention sur Hors Norme.Image forte et d’autant plus belle que paradoxale.Ils s’attaquent tous les trois à l’ordre international établi à l’issue de la deuxième guerre mondiale sous l’égide des US. On le savait du russe et du chinois dont on comprend facilement qu’ils s’en considèrent les victimes. La surprise tient au fait que Trump les rejoigne au motif que cet ordre ne lui convient plus.Qu’il s’agisse de son besoin de simplicité, de sa sympathie pour les dirigeants autoritaires ou de son hypothétique espoir de séparer les deux autres, les tentatives d’explications les plus courantes me semblent insuffisantes.Suivons le Klash des mots…
Brokenism-MuskChainsaw©EricLee-NYT https://www.nytimes.com/2025/02/21/us/politics/elon-musk-doge-cpac-chainsaw.html
De quelle table parlons nous? Échecs, go, poker… ou golf?Les médias anglo-saxons parlent plus volontiers de renverser l’échiquier «overturn the chessboard». Une image que Poutine peut comprendre mais pas Xi, formé au go, ni le maître de Mar-a-Lago qui ne brille qu’au golf…Il a pourtant dit à Zelensky qu’il n’avait pas toutes les «cartes».Songeait-il au poker? Possible pour un homme de sa génération et de son style. Mais toujours avec son pistolet sur la table.Dialogue vraiment difficile qu’il pourrait croire régler en renversant cette dernière, quel que soit le jeu qui s’y joue.Mais j’ai du mal à imaginer qu’il veuille vraiment «du passé, faire table rase», comme le promettait l’Internationale, cette rengaine que Xi et Putin chantonnent depuis leur plus tendre enfance et à laquelle tout indique qu’ils ont renoncé.Du bluff tout ça? En partie, comme toujours, mais la référence à la brutalité est omniprésente dans le jeu de Trump, plus présente encore dans sa politique interne.Partager Myriades \ Francis PisaniPolitique intérieureIl est courant pour les autocrates (et pas que) de mener des politiques apparemment contre productives, quand on les observe de l’étranger, mais sources de gains en politique intérieure, celle qui compte vraiment.Or les sondages indiquent que 90% des Républicains sont contents des premières actions de leur président qui traite les autres par le mépris, la menace et parfois même la terreur sans la moindre envie de les séduire.Début de piste?J’en ai trouve une dans un débat organisé par le New York Times entre ses quatre chroniqueurs les plus conservateurs invités à répondre à la question : «Pourquoi tant de républicains apprécient-ils la direction que Trump donne au pays?»On y trouve un peu de tout, l’immigration, le fossé grandissant entre parti démocrate et travailleurs, les méfaits du wokisme intolérant, la haine des élites ou le ressentiment généralisé.Mais une explication se détache, formulée par David Brooks : «C'est l'idée que tout est cassé et qu'il faut tout brûler».BrokenismIl la prend dans un début de réflexion théorique formulée voici deux ans sur Tablet.com un «a Jewish magazine about the world» par sa directrice, la new yorkaise Alana Newhouse.Sous le titre « Brokenism » («broken» veut dire cassé) , impossible à traduire, elle proposait une vision de la situation américaine selon laquelle « Le vrai débat aujourd'hui n'est pas entre la gauche et la droite. Il est entre ceux qui s'investissent dans nos institutions actuelles et ceux qui veulent en construire de nouvelles. »En clair :

De quelle table parlons nous? Échecs, go, poker… ou golf?Les médias anglo-saxons parlent plus volontiers de renverser l’échiquier «overturn the chessboard». Une image que Poutine peut comprendre mais pas Xi, formé au go, ni le maître de Mar-a-Lago qui ne brille qu’au golf…Il a pourtant dit à Zelensky qu’il n’avait pas toutes les «cartes».Songeait-il au poker? Possible pour un homme de sa génération et de son style. Mais toujours avec son pistolet sur la table.Dialogue vraiment difficile qu’il pourrait croire régler en renversant cette dernière, quel que soit le jeu qui s’y joue.Mais j’ai du mal à imaginer qu’il veuille vraiment «du passé, faire table rase», comme le promettait l’Internationale, cette rengaine que Xi et Putin chantonnent depuis leur plus tendre enfance et à laquelle tout indique qu’ils ont renoncé.Du bluff tout ça? En partie, comme toujours, mais la référence à la brutalité est omniprésente dans le jeu de Trump, plus présente encore dans sa politique interne.Partager Myriades \ Francis PisaniPolitique intérieureIl est courant pour les autocrates (et pas que) de mener des politiques apparemment contre productives, quand on les observe de l’étranger, mais sources de gains en politique intérieure, celle qui compte vraiment.Or les sondages indiquent que 90% des Républicains sont contents des premières actions de leur président qui traite les autres par le mépris, la menace et parfois même la terreur sans la moindre envie de les séduire.Début de piste?J’en ai trouve une dans un débat organisé par le New York Times entre ses quatre chroniqueurs les plus conservateurs invités à répondre à la question : «Pourquoi tant de républicains apprécient-ils la direction que Trump donne au pays?»On y trouve un peu de tout, l’immigration, le fossé grandissant entre parti démocrate et travailleurs, les méfaits du wokisme intolérant, la haine des élites ou le ressentiment généralisé.Mais une explication se détache, formulée par David Brooks : «C'est l'idée que tout est cassé et qu'il faut tout brûler».BrokenismIl la prend dans un début de réflexion théorique formulée voici deux ans sur Tablet.com un «a Jewish magazine about the world» par sa directrice, la new yorkaise Alana Newhouse.Sous le titre « Brokenism » («broken» veut dire cassé) , impossible à traduire, elle proposait une vision de la situation américaine selon laquelle « Le vrai débat aujourd'hui n'est pas entre la gauche et la droite. Il est entre ceux qui s'investissent dans nos institutions actuelles et ceux qui veulent en construire de nouvelles. »En clair :
- Les «brokenists», [celles et ceux qui se retrouvent dans cette approche] pensent que nos institutions actuelles, nos élites, notre vie intellectuelle et culturelle et la qualité des services dont beaucoup d'entre nous dépendent ont été vidées de leur substance. Pour eux, l'establishment américain, au lieu d'être une force de stabilité, est un enchevêtrement obèse et corrompu de pouvoirs fédéraux et d'entreprises qui menacent d'étouffer le pays tout entier.»
- «Les brokenists viennent de tous les horizons de l'échiquier politique. Ils ne sont pas d'accord entre eux sur les types de programmes, d'institutions et de cultures qu'ils souhaitent voir prévaloir en Amérique. Ce sur quoi ils s'accordent - et c’est plus important que tout le reste - c'est que ce qui fonctionnait auparavant ne fonctionne plus pour un nombre suffisant de personnes.»
Publié le 20.03.2025 à 17:59
Guerre à « guerre » ≈068
Bonjour,Un peu de nouveauté…J’ajoute, à partir d’aujourd’hui, une rubrique consacrée à la guerre des mots et des idées : « Parlons Klash ».Outre Myriades, elle apparaît aussi sur le nouveau site Aquarius.news nouveau media dédié à l’innovation civile au service de la défense et de la protection des citoyens. Une entreprise résolument européenne.
Voici comment je l’y présente:Bonjour et bienvenue sur un champ de bataille où on perd, parfois, la vie et, trop souvent, la tête : la guerre des mots.Mais attention : « Abandonnez toute certitude, vous qui entrez ici ».On ne se baigne jamais deux fois dans le même mot. A nous d’en explorer la plexité (j’y reviendrai), les connexions, les réseaux de sens qu’anciens et nouveaux peuvent ouvrir, de s’y balader, d’en titiller les confins.En bref, il faut se battre avec les mots, contre, pour et sans eux (ça arrive même aux clavitifs).Parlons Klash!« Guerre » ne veut plus rien direChez nous, en Ukraine, la guerre est là.A Varsovie, Berlin, Stockholm ou Chisinau, le mot est sur bien des bouches et dans bien des têtes. Elle guette, elle est proche, présente même.Mais le mot n’a plus de sens. L’utiliser ne fait qu’augmenter la confusion, le brouillard qui l’accompagne toujours dirait-on en anglais (fog of war).Le mot - pas sa réalité - ne veut plus rien dire.Larousse le définit comme une « Lutte armée entre États »… « considérée comme un phénomène historique et social (s'oppose à paix) » précise Le Robert.Ceux qui la font, Poutine, Netanyahou et plein d'autres, se gardent bien d’utiliser le terme qui les obligerait à respecter les règles du droit international.Qui la déclare - George Bush contre la terreur et Macron contre la COVID - s’en prend à des problèmes que la guerre ne saurait résoudre et qu’on ne peut considérer comme réglés. « Une guerre peut prendre fin lorsqu'il y a reddition et capitulation de l'État vaincu » explique le site officiel Vie Publique.L’Ukraine et la Russie sont donc bien « en guerre », même si l’agresseur ne le reconnaît pas. Destructions et victimes sont là pour en porter l’horrible témoignage. Mais l’invasion russe reste, officiellement, une « opération spéciale ».Interrogez votre IA ou votre moteur de recherche préféré et vous verrez qu’à part trois conflits non conclus par des traités de paix, le monde ne connaît pas de guerre officielle en ce moment. Et pourtant, le nombre de conflits armés en cours s’élève à près de 60 pour le Peace Research Institute d’Oslo, à 110 selon la Geneva Academy.PartagerUne piste : « conflagration »Le Figaro nous donne une belle et courte histoire de la vie française du mot « conflagration ».

- Désignant au départ - en 1690 - un « incendie de ville, le terme s’applique aujourd’hui à un « Conflit international de grande envergure ».
- L’évolution s’explique par l’origine latine du terme. « Flagrare » veut dire brûler. Accompagné du préfixe con (ensemble) il indique plusieurs éléments brûlant ensemble.
Publié le 02.03.2025 à 09:46
Dire NON! comme Zelensky ≈067
Bonjour,Difficile de s’y retrouver dans cette actualité secouée par une stratégie trumpienne fondée sur la la menace, le chantage, la peur qu’elles suscitent, sa gueule irascible, ses mensonges assassins.Piégés par la confusion, minés par des années d’impuissance face à ce monde que nous voyons se détruire sans trouver comment l’améliorer, nous avons, à des degrés variables, tendance à nous réfugier dans le déni, la recherche d’un refuge loin de toute hypothèse nucléaire, ou la déprime.Arrêtons.Point n’est besoin d’avoir une réponse claire, de savoir quoi faire et avec qui.Commençons par dire : NON! pour inverser la dynamique.Comme l’a fait Zelensky dans le bureau ovale, au coeur de la Maison Blanche, à la face de Trump, au nez de Vance l’idéologue provocateur d’un président déstabilisé par la fermeté de son interlocuteur ukrainien qu’il pensait manipuler comme une marionnette.Quel courage. Quel force. Et quelle intelligence.Sa marge de manoeuvre étant proche de zéro il a joué la carte de la dignité contre celle du mépris.En disant simplement NON!.Position morale qui ne règle pas tout, mais bon début dont nous avions le plus grand besoin.PartagerCommençons par dire : NON!NON! est le premier mot de toute rébellion comme de toute innovation.
- Galilée n’a pas commencé par affirmer : « Et pourtant elle tourne ». Tout a commencé quand il s’est convaincu du fait que, NON! le soleil ne tourne pas autour de la terre.
- Les colons de Boston on dit NON!, en 1773, aux impôts exigés par le roi d’Angleterre, avant de participer, trois ans plus tard, à la déclaration d’indépendance des États-Unis.
- De Gaulle a dit NON! au renoncement de Pétain avant d’organiser la participation des Français à leur libération.
- Steve Jobs a dit NON! aux ordinateurs tristes et compliqués avant de lancer le Mac.
- C’est en disant haut, fort et publiquement NON! que les femmes ont fait reculer le harcèlement sexuel.
- etc., etc., etc.
- Tous les « NON! » n’ont pas le même sens… Le fait de protester, de refuser, de s’opposer m’est généralement sympathique. Mais il faut faire attention à ceux qui dévient le terme, pour protester contre les vaccinations par exemple.
- Dire NON! ne suffit jamais. Il faut agir après, proposer, dialoguer… Sur de meilleures bases quand on a d’abord fait état de sa capacité et de sa volonté de refuser l’inacceptable.Laissez un commentaire.
Publié le 21.02.2025 à 12:37
Président, et si vous alliez à Pékin lundi ? ≈066
URGENTMonsieur le Président,Si vous voulez être écouté, ça n’est pas à Washington qu’il faut aller lundi, mais à Beijing.Reprenant une formule chère aux innovateurs et aux startups que vous aimez je vous dis : « Et si… » vous aviez l’audace de renverser la table à votre tour ?L’hypothèse : Si vous voulez qu’Europe et Ukraine figurent à la table des négociations Trump-Poutine, qu’elles aient une chance de participer aux décisions concernant leur futur, rendez visite à Xi (il trouvera sûrement un créneau dans son agenda).
Series: Nixon White House PhotographsPourquoi ?

- Parce que vous n’êtes pas assez fort pour faire bouger Trump en le suivant. Vous n’y gagnerez que mépris ;
- Parce qu’il vous respectera si vous lui donnez la preuve que vous avez compris sa vision stratégique ;
- Parce que vous pouvez négocier avec Xi sur des bases d’intérêts mutuels bien compris et donc en tirer quelque chose et marquer l’opinion mondiale avec un geste fort.
- Le maître du Kremlin n’a rien trouvé mieux que de proposer son indéfectible amitié à Xi en échange d’une aide économique et militaire. Il livrait tout son front Est à son plus sérieux adversaire géopolitique. Car, comme le remarque l’ancien diplomate singapourien Kishore Mahbubani le 18 février dans la revue Foreign Affairs : « Quel est le principal rival stratégique de la Russie, l'UE ou la Chine ? Avec qui a-t-elle la plus longue frontière ? Et avec qui sa puissance relative a-t-elle tant changé ? Les Russes sont des réalistes géopolitiques de premier ordre. Ils savent que ni les troupes de Napoléon ni les chars d'Hitler n'avanceront à nouveau jusqu'à Moscou. » A fortiori, vous me l’accorderez, celles et ceux de l’Union Européenne.
- Mais il ne s’agit pas que de l’Eurasie puisque l’ultime affrontement est planétaire. Pourquoi pas inclure l’Afrique pendant qu’on est à table. Maintenant que la France est hors jeu militairement, soutenir Poutine lui permettrait de faire intervenir une puissance expérimentée à moindre frais. Une coopération ne saurait être exclue. Et Poutine pourrait ainsi préserver l’accès aux richesses minières ouvert par l’ancien groupe Wagner.
- Mahbubani conseille à l’Europe de pousser la Chine à participer au développement de l’Afrique afin de réduire les migrations qui lui posent problème. Pas une mauvaise idée venant d’un expert… Vous pourriez juste ajouter que l’expérience française suggère de ne pas être trop gourmand.
- Appuyez vous sur la confirmation du soutien chinois aux accords de Paris abandonnés par Trump. Nos préoccupations sont assez proches en matière d’environnement et de crise climatique. Nos intérêts aussi.
- Quant à l’intelligence artificielle, les perspectives sont immenses. Pékin a signé l’accord conclu au sommet que vous venez d’organiser. Coopérer pour le développement d’IA plus frugales (pensez au Chat de Mistral ou à DeepSeek ) que celles conçues à Silicon Valley intéresserait la pus grande part de l’humanité.
- Si vous faites ce que tout le monde attend de vous, ni l’Ukraine, ni l’Europe n’obtiendront quoi que ce soit de Trump qui ne joue pas, en fait, le match auquel il fait semblant de ne pas vous inviter (sic).
- Surprenez le, Poutine et tout le monde, en demandant à votre pilote de commencer par Beijing. Cet impensable bien pensé vous mettra dans une position, enfin, de surprise et de force. A lui d’être déconcerté.
Publié le 17.02.2025 à 11:24
Souveraineté m’a tuer ≈065
Bonjour,Je commence cette chronique avec un petit sourire jouissif. Elle me permet en effet de m’en prendre « en même temps » à Marine Le Pen et à Jean-Luc Mélenchon tout en égratignant Monsieur Macron soi-même.De quoi s’agit-il ?Du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) qui vient de se dérouler à Paris.Mais pas sous l’angle de la tension (trop souvent binaire) entre l’innovation sans frein et contrôle politique voir sociétal. Sous l’angle de ceux qui en font une question de « souveraineté ».
≈065-MurUS-Mex-Nogales_militarytimes.com (Jonathan Clark/Nogales International via AP)Commençons par deux citations tirées de tribunes écrites par les deux leaders politiques évoqués plus haut et publiées le même jour (8 février) par Le Figaro.
≈065-Table négociations_depositphotos.comPeut-être pourrions nous essayer d’autres métaphores inspirées des espaces où l’on cause :

- « Le cœur des questions posées est dans la souveraineté sur les données et les usages qui en sont fait. »
- « Avec une ambition politique forte, fière et souveraine, la France saura être à la hauteur du défi de l’IA. »
- Remise en question de l’importance des États-nations aujourd’hui menacés par la puissance croissante des méga-corporations de l’hyper capitalisme;
- Interdépendance accrue du fait du rôle croissant des échanges en tous genres.
- Multiplication des instances internationales plus ou moins contraignantes.

- La table ronde (du conseil de sécurité);
- La grande salle (de l’assemblée générale);
- Ce qu'il dit et fait colle avec la théorie de Carl Schmitt, philosophe nazi. Selon lui « La distinction spécifique à laquelle les actions et les motivations politiques peuvent être réduites est celle entre ami et ennemi ». Simple : au lieu de causer on cogne.
- Ça s’insère dans une conception qualifiée de « souverainiste » - nous voici de retour à notre point de départ - des relations internationales. Elle consiste à refuser « tout enchevêtrement de règles ou de normes d'autrui qui pourrait limiter l'autonomie absolue d'un État à agir unilatéralement dans son propre intérêt » explique Nathan Gardels dans le magazine Noéma.
Publié le 04.02.2025 à 08:18
Quand l’empire du milieu change de continent et l'IA d'échelle ≈064
Bonjour,« La vraie guerre commence » écrit Jean-Michel Bezat dans sa chronique publiée sur le site du Monde le lundi 3 janvier. Je crois qu’il a raison et que ces quinze derniers jours nous donnent une idée de la façon dont les deux principaux acteurs s’y engagent, en termes symboliques, mais pas que.Le style adopté par Trump pour son retour à la Maison Blanche et l’irruption au timing précis de DeepSeek, une intelligence artificielle chinoise, permet de se faire une idée de comment chacun des adversaires de la grande conflagration géopolitique de cet encore début de siècle (il s’annonce très long) entend passer à l’étape suivante de la confrontation.Un autre Empire du milieu ?Et si le monde venait de basculer, le « moyeu » changer de continent ?Partager Myriades \ Francis PisaniLe pays se vivant comme « Empire du milieu » - immense étendue de terres centrée sur elle-même - est aujourd’hui le nouvel espace impérial conçu et dessiné par Trump2 qui rêve sans doute d’une Amérique « Great Again » pour quelques millénaires.Ses appétits déclarés pour le Canada, le Groenland, Panama et les Philippines visent à mettre les États-Unis au centre d’une masse territoriale protégée par des limbes distantes du centre, auto suffisante en énergie, forte de ses percées en intelligence artificielle et dotée d’un marché permettant à ses plus grosses entreprises de s’enrichir à gogo.En termes symboliques, la mainmise se manifeste par le changement de nom du golfe du Mexique en golfe de l’Amérique. Un pluriel aurait été plus élégant, surtout si on y ajoute la mer qui divise et réunit les Caraïbes et l’Amérique centrale, région que j’ai baptisée Bassin des Ouragans (Cuenca de los huracanes en espagnol) et à laquelle le Secrétaire d’État, Marco Rubio, consacre son premier voyage pour en marquer l’importance.A l’inverse, la suspension de l’aide humanitaire au reste du monde montre le manque d’intérêt et presque le mépris qu’on a pour lui. En se déplaçant, la notion « d’empire du milieu » conserve son sous-texte : tous ceux qui n’en sont pas sont des « barbares ».La Chine module sa stratégieComme si elle voulait souligner ce renversement des rôles (que Trump ne se fasse pas trop d’illusions), la Chine a choisi le même moment pour lancer sur le marché DeepSeek, une mini intelligence artificielle ultra puissante qui a semé la panique à Silicon Valley comme à Wall Street.La technologie pure n’est pas, ici, la partie la plus importante.Les deux points à retenir pour les non-spécialistes sont :
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- Son ouverture. Elle est « open source » ce qui permet à qui veut de copier et adapter les processus utilisés ;
- Sa frugalité. Son gros travail sur la qualité des algorithmes permet d’utiliser des chips moins chers et de consommer moins d’énergie.
- Aux État-Unis mêmes, Trump s’en prend à ceux qui ne sont pas d’accord avec lui… anciens collaborateurs, juges ou médias. On commence à parler de coup d’État;
- Poutine a ouvert le chemin en assassinant Navalny et en envahissant l’Ukraine;
- Le gouvernement de Netanyahou a décidé de « refaçonner le Moyen Orient » quoi qu’il en coûte… aux autres.
- Modi réprime les Musulmans indiens et Xi les Ouïgours, sans états d’âme.
- Les petits en profitent. Kagame, le rwandais, se dépêche de leur emboiter le pas en envahissant une des régions les plus riches du Congo voisin. Qui aura le culot - ils n’en manquent pas pourtant - de le lui reprocher ?

