19.06.2025 à 17:37
David Dufresne
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C'est un film simple, et bouleversant, terriblement beau et terriblement terrible. Depuis 2016, plus de 42 000 personnes ont été secourues par l’Ocean Viking, le navire-ambulance affrété par SOS Méditerranée. Dans son nouveau film, Jean-Baptiste Bonnet nous embarque pour un huis clos saisissant à bord de ce bateau humanitaire.
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Naufragés et sauveteurs cohabitent dans l’attente d’un port d’accueil, tissant des liens faits d’écoute, de soin et de présence. Ce temps à bord devient le premier refuge des rescapés, une parenthèse suspendue entre la détresse passée et l’incertitude de l’avenir. Le film a reçu plusieurs distinctions, dont le Perception Change Award au festival Visions du Réel en 2024.
Au Poste est fier de recevoir Jean-Baptiste Bonnet, la veille de la projection unique et simultanée dans 100 salles de cinéma de Save Our Souls, suivie d’un débat retransmis en duplex, le vendredi 20 juin à 20h.
À bord de l’Océan Viking : « Ce sont des rescapés, pas des migrants »
Ils dérivent depuis des jours. Entassés sur le pont, les visages brûlés par le sel, les corps secoués par les vagues et l’attente. Jean-Baptiste Bonnet les filme. Il les écoute. Il partage avec eux cette étrange promiscuité du salut. « Ce ne sont pas des migrants. Je ne les ai jamais appelés ainsi. Ce sont des rescapés. Des survivants. » À ce moment-là, on comprend que le film Save Our Souls n’est pas seulement un documentaire sur les naufrages en Méditerranée. C’est une traversée intérieure. Un huis clos en haute mer, où le réel déborde les cadres.
Avec tendresse, et une caméra sans effets, Bonnet capture ce que le monde s’acharne à effacer. La dignité. L’attente. Le soin. Le silence, aussi, de ceux qui ne savent plus très bien s’ils sont encore en vie, ni dans quel monde ils vont débarquer. L’émission Au Poste, à la veille de la sortie événementielle du film, résonne comme un écho à cette expérience collective.
« On voulait éviter la sortie classique », explique Bonnet. Alors avec le distributeur Andana Films, ils imaginent un dispositif unique : Save Our Souls sort dans 100 salles, une seule projection partout en France, en Suisse, en Belgique et en Allemagne, le 20 juin à 20h. Suivie d’un débat retransmis en direct, avec François Thomas (SOS Méditerranée), Diane Fogelman (Amnesty), Moussoni (rescapé) et Nejma Brahim de Mediapart.
Le tchat s’enflamme : « C’est Bonnet, le podcasteur ? » demande l’un. Faux ami. Jean-Baptiste Bonnet n’est pas celui-là. Il cadre, il monte, il filme. Et parfois, il tient aussi le micro. Mais sans voix-off, sans discours. Juste des présences.
« On est dans un temps très lent. » Il parle du rythme du film, des plans longs, de la mer qui berce autant qu’elle effraie. Pas de voix de Dieu, pas de commentaires. Seulement des gestes. Des regards. La routine du navire se transforme en rituel de survie. Bonnet insiste : « Ce ne sont pas des scènes de sauvetage. Ce sont des scènes d’après. »
La beauté des images ne maquille rien. Elle révèle. Le spectateur est immergé dans ce que Bonnet appelle un « espace de soins », loin du vacarme médiatique. À bord, les sauveteurs deviennent des figures d’humanité nue. Ils s’évanouissent parfois, submergés par l’épuisement. Bonnet les filme avec pudeur : « Ils font un boulot incroyable, mais ils sont aussi fragiles que les autres. »
« Ce n’est pas un film sur la mer, c’est un film sur l’attente. »
Jean-Baptiste Bonnet
Face à cette forme d’oubli organisé, Jean-Baptiste Bonnet répond par l’incarnation. Son choix de mots, précis, n’est pas innocent : « Ces gens-là, on ne les voit jamais. Quand ils sont à bord, ils n’existent pas encore pour le monde. Quand ils débarquent, ils disparaissent aussitôt. » Dans ce vide entre deux frontières, Save Our Souls s’infiltre.
À bord, dit-il, le temps est suspendu, comme un entre-deux-mondes. Une parenthèse où l’on soigne, où l’on écoute, où l’on chante parfois. Où l’on pleure aussi. Dans le film, les corps parlent. Les regards demandent. L’Humanité tient à un fil.
Le tchat revient sur la question politique. Un auditeur, Alex, écrit : « On oublie toujours les responsabilités européennes ». Bonnet ne dévie pas : « Je suis documentariste, pas militant. Mais je crois à la force des images, pas des slogans. »
Le film échappe à l’indignation facile. Il ne cherche pas à dénoncer, mais à donner à voir. Save Our Souls ne documente pas une catastrophe : il montre une communauté en suspens. Un refuge temporaire où le droit à l’existence est encore tangible.
Jean-Baptiste Bonnet parle d’un « cinéma de la proximité ». Ni surplomb, ni misérabilisme. Juste l’attention portée à l’autre. À ceux qui vivent ce que nous préférons ne pas voir. « Je voulais qu’on ressente ce que c’est que d’attendre sans savoir. »
« Ce bateau, c’est leur première terre d’accueil. »
Jean-Baptiste Bonnet
La mer n’est jamais un décor. Elle est personnage. Elle veille, elle menace, elle berce. Elle est là, immense, indifférente. L’océan comme métaphore de notre inaction. Bonnet le dit clairement : « L’Europe regarde ailleurs. » Son film, lui, regarde en face.
Et dans l’œil du cadreur, il n’y a pas de héros, seulement des hommes et des femmes. « Certains viennent me parler. D’autres pas. Il faut accepter ça. » Ce que le film ne montre pas, il le laisse deviner. La pudeur n’est pas une limite : c’est une forme de vérité.
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Frontex est l’agence européenne chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne. Elle coordonne les opérations entre États membres pour surveiller, intercepter ou refouler les personnes tentant d’entrer sur le territoire, notamment via des moyens maritimes, aériens et terrestres. Très critiquée, elle est accusée de participer à des violations des droits fondamentaux, notamment par sa complicité présumée dans des refoulements de migrants en Méditerranée.
L’Océan Viking est un navire affrété par l’organisation humanitaire européenne SOS Méditerranée. Il est opéré en partenariat avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) depuis 2021.
Une Search and Rescue Zone (SAR Zone) est une zone maritime définie dans laquelle un État est responsable de coordonner les opérations de recherche et de sauvetage des personnes en détresse en mer. Chaque pays côtier s’engage, selon la convention internationale SAR de 1979, à assurer cette mission dans sa zone, même au-delà de ses eaux territoriales. Cela implique la mise en place de moyens logistiques, humains et juridiques pour porter assistance, sans discrimination, à toute personne en danger.
Parce qu’il veut restituer la singularité des trajectoires : pour lui, les personnes secourues sont avant tout des « rescapés », des « survivants », des humains qu’on a tendance à réduire à un statut administratif.
Le 20 juin 2025, à 20h, une projection unique dans 100 salles de France, Suisse, Belgique et Allemagne suivie d’un débat filmé à Montreuil et retransmis en direct.
Parce qu’il installe une proximité émotionnelle. L’absence de voix-off renforce le sentiment d’immersion. Le spectateur n’est pas guidé, il vit ce huis clos maritime à hauteur d’homme.
Il ne donne pas de leçon mais pose une question brute : que fait-on de ces vies suspendues ? En ce sens, c’est un acte de mémoire et de résistance.
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Cet article est le fruit d’un travail humain, d’une retranscription automatique de l’émission par notre AuBotPoste revue et corrigée par Rolland Grosso et la rédaction.
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