13.06.2025 à 14:37
L'Autre Quotidien
Madame la ministre des Campings
Il y a une solution toute trouvée pour dépister les 40 milliards d’économies que le gouvernement cherche désespérément : se débarrasser du budget du ministère de l’éducation nationale, le premier budget de l’État qui en 2024 a coûté dans le détail 27,4 milliards d’euros pour l’enseignement public de premier degré et 39,4 milliards pour le second degré, soit 66,8 milliards d’euros. Soustraction faite, cela laisse même de la marge, sans toucher évidemment à ce que perçoit l’enseignement privé (8,9 milliards d’euros).
Le fait est que les sociétés libérales, puis illibérales, n’ont de cesse de couper dans le budget de l’enseignement public, ce fut d’ailleurs l’une des premières décisions de Nicolas Sarkozy président. Comment lui en vouloir, c’est un ministre socialiste, le climatosceptique Claude Allègre, qui avant lui voulait déjà « dégraisser le mammouth ». Depuis, les gouvernements successifs ont si bien réussi que le mammouth est à l’os et en voie de disparition. C’est clairement ce qui se passe dans tous les pays sous la coupe de dictateurs avérés ou en devenir. C’est sûr qu’une éducation publique laïque pour des citoyens capables d’exercer leur libre arbitre fiche les jetons à tous les fous de Dieu, de Trump là-bas à Retailleau ici, qui préfèrent gouverner des veaux, pour citer De Gaulle, du moment qu’ils gouvernent. C’est d’ailleurs la seule façon pour eux d’accéder au pouvoir ! Pourtant, l’extrême-droite et les fachos, on a déjà essayé : cela se finit toujours dans les ruines.
Voyons, pour en être sûr, ce qui se passe avec le projet avorté du Campus Lesseps du Rectorat de Versailles, ville qui accueille la 3ème édition de la Biennale d’architecture et de paysage (BAP) du 7 mai au 13 juillet 2025.
De quoi s’agit-il. À Versailles, le projet « Campus Lesseps » prévoyait, sur le site qui héberge actuellement uniquement les services du rectorat, le regroupement des services du rectorat, de la Direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN), du CROUS et la Cour administrative d’appel de Versailles. Un projet plein de bonnes intentions puisqu’il devait permettre « de renforcer les synergies au sein de l’académie, d’adapter les surfaces de bureau aux nouvelles modalités de travail (télétravail) et d’accroître significativement la performance énergétique des bâtiments ».
Le budget prévisionnel de l’opération, encore coté dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2025, s’élevait à 133,60 M€ toutes dépenses confondues (TDC), y compris les frais de mobiliers et de déménagement. Le même document indique par ailleurs une provision à hauteur de 16,60 M€ devant permettre « notamment le paiement des études préalables telles que les études de sols ».
À savoir. L’académie de Versailles compte 9 % des effectifs scolaires de France et plus de 100 000 agents, avec des services répartis sur trois sites à Versailles. La cour d’appel quant à elle compte six chambres et l’intégralité de ses services devait occuper un bâtiment neuf du nouvel ensemble. Sur un site classé, le projet prévoyait d’optimiser l’occupation de la parcelle avec de nouvelles circulations et de construire à la place des parkings existants deux autres bâtiments en plus de la cour d’appel et de quatre bâtiments réhabilités pour une surface totale de 17 500 m² SDP.
Un projet raisonnable d’évidence puisque validé le 8 novembre 2023 par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) qui dépend de Matignon, Élizabeth Borne alors Première ministre. Projet pourtant annulé au printemps 2025 par Borne Élizabeth, ministre de l’Éducation nationale. Avec le dérèglement climatique, ce n’est plus le vent qui tourne mais les girouettes !
Aucun communiqué de presse pour annoncer la nouvelle de cet abandon en rase campagne. Comme aucune information n’avait filtré quand fut désignée en décembre 2024 l’agence lauréate du concours. Une discrétion de violette alors même que ce rectorat nouveau devait être un « démonstrateur », associant bien-être des agents et efficacité économique, fonctionnelle et, bien sûr, énergétique puisque nul ne construit en 2025 un bâtiment non durable. De quoi en finir avec la vétusté des locaux actuels obsolètes, énergivores et inconfortables et mettre fin aux dysfonctionnements de services éclatés aux quatre coins de la ville. Mais bon, pour l’innovation et le confort, les agents devront donc attendre.
Je ne suis pas comptable des deniers de la République mais, au prétexte des économies que le gouvernement ne sait pas où trouver – taxer les super super riches n’a en effet aucun sens puisqu’ils envoient leurs rejetons dans des écoles privées – au-delà de l’amertume des acteurs du projet et de ceux-là mêmes qui devaient bénéficier de nouveaux locaux tip top, la question se pose : quel est le montant de la gabegie pour en arriver là, c’est-à-dire, après avoir fait vingt fois le tour de la terre, à l’exact point de départ ? Parce que la facture est déjà douloureuse…
Pour commencer, c’est bien simple, une fiche de l’académie de Versailles, parvenue à Chroniques, décrit pourtant « une situation d’urgence immobilière », tout report ayant des « conséquences importantes » en termes de surcoût (location, inflation des prix de la construction). Cette fiche par ailleurs détaille tous les bienfaits de ce nouveau démonstrateur. En premier lieu, elle indique que cinq des sept sites amenés à se regrouper étant loués à des bailleurs privés, le projet « engendrera » une économie annuelle de loyers et charges locatives de près de 5 M€. Soit sur 20 ans (on a le droit d’espérer que ce nouveau campus ne sera pas obsolète en 20 ans) la somme de 100 millions. L’académie anticipe également une économie annuelle de près de 300 000 € sur les charges de fonctionnement et les dépenses énergétiques.
La fiche précise donc, surtout, que l’investissement financier sera rentabilisé en une « vingtaine d’années », ce d’autant qu’une « étude socio-économique réalisée aux canons du SGPI met en avant une valeur ajoutée nette de 50 M€ du projet ». Elle souligne enfin le coût du report du projet, l’évaluant à 6 M€ par an.
Le tout sans compter le salaire pendant dix ans des fonctionnaires dédiés à ce projet passé par pertes et profits, pertes surtout.
Il est permis de penser que François de Mazières, maire de Versailles et ancien président de la Cité de l’architecture, qui n’a pas répondu à notre sollicitation, n’aurait pas été malheureux d’éviter de gros travaux dans sa ville durant une année électorale, les municipales prévues en 2026. Mais le même était membre du jury, il dut alors trouver du mérite au projet et doit être aujourd’hui malheureux qu’il soit annulé purement et simplement !
Il n’est pas le seul. Se mettre à la place des lauréats architectes ayant investi deux ans de travail, au lieu de huit mois, pour une indemnité sans commune mesure avec le coût réel pour l’agence. Sans parler du coût pour l’entreprise – c’était évidemment une conception-réalisation : entre le concours et les B.E., compter au bas mot déjà 5 M€. L’entreprise n’a pas répondu à notre sollicitation aussi les exégètes ne nous en voudront pas de l’approximation.
Contacté, Nicolas Aussenac, directeur de la transformation, responsable du « Lab d’innovation de l’académie » et, surtout, directeur du projet Campus Lesseps au sein du Rectorat de Versailles, cité dans le rapport du SGPI de novembre 2023, n’a pu, à juste titre certainement, que s’en remettre à son devoir de réserve. Dans un souffle, il a juste laissé échapper : « c’est une déception pressante… Un projet ambitieux mais les difficultés budgétaires du moment… ». Il n’a pas fini sa phrase. Ce n’est pas grave, nul ne lui en voudra, au contraire, on avait compris.
Bref, foin du bien-être des agents et de la rationalité économique, ce sera (et encore, peut-être…) au successeur d’Élizabeth Borne, dans vingt ans, de gérer ce dossier – la vétusté des bâtiments loués n’aura qu’empiré – et de se débrouiller avec un projet encore plus onéreux et plus compliqué. Pour autant, « l’intérêt public » du jour est sans doute préservé et sauvé le budget de l’État.
Cela écrit, plus inquiétant que jamais est le fait qu’il ne peut en l’occurrence s’agir ici d’un cas isolé. Celui-ci n’est donc que le dernier signe en date d’une totale déstructuration institutionnelle à l’échelle du pays. Voilà en effet une excellente façon pour ce gouvernement visionnaire de faire des économies, c’est exactement la façon dont nous en sommes arrivés là.
Christophe Leray, le 16/06/2025
Gabegie à l’Education nationale
13.06.2025 à 14:16
L'Autre Quotidien
Sophie Mille & Pascal Mériaux lors de la présentation presse / Photo ©Thomas Mourier
Pour y avoir été plusieurs années, le festival se démarque par son accessibilité et sa formule dédiée aux familles. En plus de la programmation, des artistes invité.e.s et des animations, le festival offre une grande place au jeune public avec des espaces ludiques, des ateliers et des rencontres dédiées. Le festival est ouvert à tous pour les expos ce week-end du 14 & 15 juin et le week-end de clôture, 21 & 22 juin, accueillera 60 auteurices en dédicace.
Avant de vous présenter en détail le programme de ce festival gratuit et accessible encore 2 semaines, je vous propose d’en savoir plus avec sa directrice, Sophie Mille.
Passée par Science Po en vue d’être journaliste avant de bifurquer vers l’événementiel, elle est recrutée comme régisseuse générale des rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens à partir de 2018. En 2020, elle en devient la coordinatrice et cette année, la directrice ; succèdant à Pascal Mériaux qui prend la Direction du pôle BD Hauts-De-France.
Comment s’organise la programmation entre les propositions adultes et la jeunesse, qui est très présente dans ce festival ?
Sophie Mille : C’est l’ADN du festival, c’est un festival familial.
Je ne suis pas programmatrice artistique : on a une cellule artistique du festival. Il y a 15 personnes qui se réunissent après chaque édition pour préparer la prochaine, parfois même avec 2-3 ans d’avance.
Et ce qu’on essaie de faire, c’est d’avoir un plateau d’expo qui va des tous petits —et c’est primordial pour nous, comme on bosse sur la BD muette, on sait à quel point ça fonctionne— on fait toujours en sorte d’avoir une expo accessible aux 2-3 ans et d’aller chercher tous les publics. On essaie de ratisser le plus large possible avec des incontournables comme avoir chaque année une expo manga.
C’est cette cellule qui fait des propositions et je suis la garante de l’équilibre : est-ce qu’on a une proposition suffisamment large ? Est-ce qu’on met en avant les jeunes autrices, les jeunes auteurs ? Et c’est comme ça qu’on fonctionne, chacun arrive avec son coup de cœur, on met tout ça sur la table, on regarde un peu ce que ça donne. On se dit on y va, on y va pas mais généralement on y va du premier coup.
Au coeur de l’expo Naoki Urasawa / Photo ©Thomas Mourier
Et vous réfléchissez sur plusieurs années ? Par exemple avec une grosse expo comme celle autour de Naoki Urasawa qui ne va pas être en concurrence avec d’autres ?
S.M. : Oui, on fonctionne vraiment comme ça. Cette année, on savait qu’on allait consacrer 400m2 à Naoki Urasawa : et cet espace d’expo, c’est 4 espaces d’expo habituellement. Il a fallu faire des choix stratégiques et réfléchir à qu’est-ce qu’on propose en complément tout autour, pour que chacun y trouve son compte.
Et, effectivement pour certains projets, on s’est dit c’est un projet d’ampleur, on ira l’année prochaine. Et voilà, on est déjà en train de bosser sur l’année prochaine, vu que c’est les 30 ans, avec d’autres propositions d’envergure.
Côté expositions, il y a beaucoup d’expos collectives ou thématiques chaque année, ça aussi c’est dans l’ADN du festival ?
S.M. : On ne se l’impose pas. Mais chaque année, on a des commissaires d’expo —c’est rigolo ce sont toujours les mêmes— qui adorent soit faire dialoguer les arts, soit faire dialoguer les artistes entre eux. Et à chaque fois ils nous font une proposition collective et c’est super intéressant.
Par exemple, avec Nanas Métalliques et New York / New-York , on a deux expositions collectives et on se rend compte à quel point c’est chouette d’avoir ça.
La proposition a changé cette année avec 3 gros week-end, est-ce que vous avez une idée de quel impact aura ce changement ?
S.M. : On va le voir. On sait que sur les 2 week-ends muséaux, comme il avait jusqu’à présent [contre 1 cette année], on a forcément moins de fréquentation. Mais on a une super fréquentation par rapport à la proposition, et on va voir cette année : peut-être que tout va se concentrer sur un week-end et qu’on aura beaucoup de monde sur le week-end muséal, et j’imagine que ça va être le cas avec le petit buzz autour du festival cette année.
Et vous allez garder une formule similaire ?
S.M. : On expérimente. Le 4 week-end est super, mais il reste chronophage pour les équipes. Il faut recréer la dynamique à chaque fois, ce n’est pas évident. Et le fait de rassembler sur 3 week-ends, en termes de communication, rend compte que c’est plus simple.
On va voir ce que ça va donner en termes de fréquentation mais on aime bien se réinventer, donc on verra l’année prochaine. On analyse et puis on voit.
Au coeur de l’expo Verte / Photo ©Thomas Mourier
En 2026, ce sera les 30 ans, quelles sont les grandes lignes sur lesquelles tu aimerais travailler dans les prochaines années ?
S.M. : J’ai envie d’aller un peu plus sûr de l’indé. Notre public est tellement habitué à venir sur le festival maintenant qu’on va pouvoir commencer à proposer des choses un peu plus alternatives, un peu plus indé. Et je suis sûr qu’on trouvera le public pour, il y a moyen de faire des choses là dessus.
Chaque année, on a un coup de projecteur sur une maison d’édition indépendante et on n’a pas pu le faire cette année parce que l’espace ne s’y prêtait plus. Mais est-ce que ce sera sur le festival ou qu’on fera en amont, dans un lieu différent ? Je n’en sais rien mais il y a eu des propositions tellement intéressantes de ce côté-là.
Naoki Urasawa signe l’affiche
Avec une affiche sous forme de planche où Naoki Urasawa intègre ses personnages dans les rues d’Amiens, l’invité d’honneur de cette édition 2025 sera partout avec une double exposition (Monster, Asadora !, Yawara! et Happy! seront présentés dans une expo à La Halle Freyssinet —lieu où se déroule le festival— et une autre dédiée à 20th Century Boys & Monster à la Maison de la Culture d’Amiens) mais également une masterclass, un concert et des rencontres.
Mais on en reparle très vite dans un second article avec interview du mangaka et des commissaires d’expo.
En plus de ces deux expos phares, vous pourrez découvrir plusieurs expo thématiques et une programmation dédiée à la jeunesse. Je vous laisse les descriptifs et accroches du festival pour en savoir plus sur chaque expo & espace.
« L’exposition sera double, comme un jeu de miroirs où viendront prendre place côte à côte les imaginaires de la vielle Europe et les œuvres plus récentes d’une nouvelle génération d’autrices et d’auteurs de la bande dessinée new-yorkaise, qui nous donnent à voir (et presque à entendre) quelque chose d’imperceptible au sujet de cette utopie en perpétuelle réinvention.»
« À l’occasion des 50 ans de Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés, nous vous proposons de plonger dans l’univers de ce magazine phare du 9e Art, et de découvrir son alias féminin, Ah! Nana, premier magazine de BD fait par des femmes et pour des femmes de 1974 à 1976. Une immersion au cœur de la SF, de l’imaginaire et du féminisme, des années 70 à nos jours.»
« Une vague de mutation végétale semble frapper l’humanité : nouveau-nés couronnés de feuilles, retraités requinqués par une tardive montée de sève, peaux bourgeonnantes d’où poussent branches et fleurs… C’est cet univers, sorti tout droit de l’imagination foisonnante de Marion Besançon et de Patrick Lacan, qui servira de cadre à cette exposition et permettra de questionner le lien de l’homme à la nature, de manière inédite et onirique.»
« On va vers la jeunesse, c’est ainsi qu’on a structuré la Halle à travers le temps. Il y a une Halle d’animation avec, toutes les demi-heures, des propositions de lecture de bande dessinée, Kamishibai, tapis narratifs, lectures picto-signées… La dimension jeunesse est cruciale ici.»Pascal Mériaux lors de la présentation presse
Au coeur de l’expo New York New-York / Photo ©Thomas Mourier
« Crée par les éditions de la Gouttière et l’Orchestre de Picardie, cette exposition jeune public proposera une découverte de la collection Do Ré Mi Chat, composée de bandes dessinées sans texte, qui traversent trois médiums : la bande dessinée, la musique et la vidéo. Ludique et interactive, elle permettra la découverte des cinq albums et plongera les petits festivaliers dans des univers où la pratique, les émotions et l’imagination se croisent et s’entremêlent.»
« En trois tomes, la petite Brume de Carine Hinder et Jérôme Pelissier a connu un succès retentissant en France. Des milliers de jeunes lecteurs se sont passionnés pour les aventures de cette sorcière déterminée, effrontée, drôle et attachante. L’exposition retranscrira fidèlement l’univers brumeux et hors du temps de cette série à succès et fera la part belle à l’interactivité et aux animations.»
« Cette année marque le grand retour d’un espace entièrement dédié aux jeux inspirés de BD ! En présence d’auteurs et d’animateurs, petits et grands pourront découvrir ou redécouvrir des jeux emblématiques pour tous les niveaux : Nains (Grrre Games / Pierre-Denis Goux), Potion express (Kiwizou / Carine Hinder), Pikit (Repos Production / Sylvain Repos), Lanfeust de Troy (Oka Luda / Tarquin), Stella, un jeu de l’univers Dixit (Libellud / Jérôme Pélissier), Unlock – Dans la tête de Sherlock Holmes (Space Cowboys / Benoît Dahan), Donjon, les apprentis gardiens (Sylex Édition / Lewis Trondheim), Le Roy des ribauds (Matagot / Ronan Toulhoat).»
Au coeur de l’expo Naoki Urasawa à la Maison de la Culture d’Amiens / Photo ©Thomas Mourier
« En amont du festival, les RDV BD et La Lune des Pirates s’associeront pour proposer une exposition des dessins réalisés par des autrices et auteurs de bande dessinée au cours des dernières éditions du festival Minuit Avant la Nuit. Cette présentation sera complétée par un atelier manga animé par Anthony Rico et un BD-concert explosif de Totorro & Friend.»
« Fleuron des Hauts-de-France aujourd’hui reconnu internationalement, Ankama fête en 2025 les 20 ans de sa branche édition. Cette exposition sera l’occasion de présenter son travail d’édition en proposant notamment la découverte de l’œuvre de quatre auteurs majeurs. Des rencontres, une conférence et la découverte de la branche Ankama Games viendront compléter cette exposition.»
Une vingtaine d’ateliers animés par des autrices et auteurs en Petite Fabrique et une 40 séances proposées dans le Petit Auditorium (Kamishibai, tapis narratif, lectures picto-signées, lectures à voix haute…) sont accessibles gratuitement.
Mais également des ateliers au cœur des expositions puis une trentaine d’ateliers BD animés par les étudiants en Licence 3 et en Master Métiers de la BD ; des ateliers en continu animés par l’école d’animation 3D Waide Somme et la Bibliothèque nationale de France.
« On a animé en 2024 : 854 demi-journées de face à face pédagogique. La moitié avec mon équipe de médiateurs, l’autre moitié avec des auteurs, tous rémunérés. Ça crée une dynamique incroyable à l’échelle de la ville avec le prix des écoles, du département avec le prix collégien de la Somme et le prix des Lycéens. C’est au cœur de ce qu’on fait : comment la bande dessinée peut déclencher des plaisirs de lecture, éviter du décrochage au collège et faire de la remédiation.»Pascal Mériaux lors de la présentation presse
Des spectacles jeune public comme Le loup en slip, d’après la BD de Mayana Itoïz, Wilfrid Lupano et Paul Cauuet, ou Les contes illustrés d’Olivier Supiot et Richard Petitsigne sont aussi au programme.
Sans oublier les battles de dessin, les dessins en live sur écran géant, les jeux collectifs et les masterclass techniques.
Pour consulter le programme complet, rendez-vous sur le site de l’événement.
💡 Infos pratiques
Festival Gratuit
Ouvert de 10h à 18h les 3 week-ends de juin :
7 & 8 JUIN WEEK-END D’OUVERTURE (70 artistes invités)
14 & 15 JUIN WEEK-END MUSÉAL
21 & 22 JUIN WEEK-END DE CLÔTURE (60 artistes invités)
📍 Halle Freyssinet, Rue de la Vallée, 80000 Amiens
Thomas Mourier, le 16/06/2025
Interview de Sophie Mille, directrice des rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens
Les liens renvoient sur le site Bubble
Au coeur de l’expo Brume / Photo ©Thomas Mourier
13.06.2025 à 14:04
L'Autre Quotidien
Maria Adjovi, Devoir de promesse, 2025 Huile sur toile, 200 × 170 cm Courtesy of the artist & galerie Nathan Chiche
Elles réactivent, chacune à leur manière, des images disjointes : chez David Mbuyi, c’est le souvenir d’une image vue, photographiée, puis transfigurée par la peinture ; chez Maria Adjovi, ce sont les images du passé qui reviennent comme des figures persistantes de l’âme. Toutes deux nous rappellent, chacune à sa façon, que les images ne dorment jamais.
Deux voix picturales, distinctes mais secrètement accordées, interrogent ici ce qui demeure — le regard de l’enfance, les persistances de la mémoire, la survivance des formes. L’un explore le visible en mouvement, capte l’instant dans son élan, déplie la couleur comme une énergie vivante. L’autre sculpte l’invisible dans l’immobile, fait du visage un sanctuaire intérieur, et du regard une prière silencieuse.
Chez David Mbuyi, la peinture est traversée par un regard qui ne juge pas mais qui découvre, capte, saisit : un regard d’enfant, au sens fort du terme — c’est-à-dire un regard premier, vierge de tout préjugé, disponible à l’émerveillement comme à l’inquiétude. Il ne peint pas des souvenirs, il peint ce que l’œil a enregistré dans un éclair, comme une photographie intérieure. Les corps sont saisis dans leur mouvement, leur posture — jamais inertes. Ils habitent l’espace, le traversent, s’y fondent parfois. Ce sont des figures en devenir, tendues vers un monde qu’elles interrogent plus qu’elles ne dominent.
Le visage, une fois transposé sur la toile, n’est plus une figure arrêtée. Il s’élargit, vacille, se prolonge dans l’espace pictural. David Mbuyi introduit une dynamique où la surface semble incapable de contenir l’élan du sujet représenté. Il y a débordement, transgression, comme si le portrait cherchait à excéder son propre cadre. La peinture devient alors un lieu de réécriture de la mémoire visuelle. Ce que le regard a fixé, la main le recompose. Ce que l’objectif a saisi, le geste pictural le réactive. Comme l’écrit Georges Didi-Huberman : « Voir, c’est toujours voir à travers. À travers le temps, à travers les gestes, à travers les pertes. » Chez David Mbuyi, la peinture opère précisément ce travail du regard à travers : à travers l’image initiale, à travers la mémoire, à travers la matière. Ce n’est pas la mémoire qui sommeille, c’est l’image qui veille.
Il construit une œuvre intensément habitée par la végétation — non pas en tant que décor, mais comme matrice. Les feuillages, les verts éclatants, les arborescences picturales se déploient dans ses toiles avec la vitalité d’un monde en germination. Chez lui, la nature est vivante, elle respire, elle s’élance. Elle ne cadre pas le sujet, elle en est l’extension. La végétation est mémoire et énergie, enracinement et expansion. La couleur, chez lui, est profusion. Elle ne s’applique pas : elle s’exprime. Les verts intenses, les rouges solaires, les jaunes presque liquides s’organisent dans une logique organique, non géométrique. Il y a dans ses toiles une sensation de flux : tout est traversé par une force vitale, une énergie fondatrice.
Maria Adjovi, en contrepoint parfait, installe sa peinture dans une lenteur rituelle. Ce n’est pas le mouvement qui l’intéresse, mais la vibration intérieure. Chaque portrait est une présence. Ce sont des visages qui ne s’offrent pas à la narration, mais à la méditation. Le regard qu’elle peint n’est pas descriptif, il est initiatique. Il renferme un secret, une mémoire, une blessure parfois. Et il nous regarde, non pas pour être vu, mais pour être reconnu.
Sa peinture est profondément spirituelle, mais jamais dogmatique. Elle puise dans une iconographie silencieuse, dans une intériorité mystique qui dépasse le religieux. Chaque toile devient une zone de recueillement. Les couleurs, d’abord vives, s’emplissent peu à peu d’opacité. Ce sont des couches, des voiles, des strates : comme si la lumière passait à travers une succession de peaux. Il y a là une densité qui n’est pas pesanteur, mais profondeur — un appel à la lenteur, à l’écoute, à l’introspection. Ces portraits nous fixent comme des vigies silencieuses, chargées d’un regard qui ne s’éteint jamais.
Chez Maria Adjovi, la figure maternelle est omniprésente, mais elle ne se donne jamais frontalement. Elle est dans la forme du visage, dans la texture de la peinture, dans le silence des yeux. Ce n’est pas une image, c’est une présence. La spiritualité chez elle n’est pas une posture : elle est l’espace même où s’élabore l’œuvre. Une spiritualité de la mémoire, de la transmission, du soin. Maria Adjovi ne peint pas pour représenter. Elle peint pour relier. « Je dis que l’identité s’ouvre dans la relation, non dans la solitude de l’être », écrivait Édouard Glissant. C’est dans cette poétique de la relation que s’inscrit son œuvre : une peinture qui parle aux absents, qui garde, qui veille.
Entre les deux artistes s’installe une conversation silencieuse, vibrante. Là où David Mbuyi explore les extériorités — les corps en tension, les paysages habités, les pulsations chromatiques —, Maria Adjovi creuse les intériorités — les regards fermés sur un monde intérieur, les couleurs qui absorbent la lumière, les visages comme des reliquaires. Cette exposition n’oppose pas deux esthétiques : elle tisse une trame commune entre le geste et la présence, la lumière et l’ombre, l’élan vital et le sacrée. Elle installe la peinture dans un entre-deux fécond : entre l’image comme trace, et l’image comme seuil. Car ici, plus qu’ailleurs, les images ne dorment jamais.
Leon Redfinger, le 16/06/2025
Maria Adjovi et David Mbuyi - Les images ne dorment jamais / Imago Nunquam Dormit -> 15/09/2025
Galerie Nathan Chiche - 90, rue Jean Julien Barbe 57070 Vantoux