03.05.2025 à 13:39
Vidéo – Vers une théorie unifiée de l’intelligence humaine et artificielle
Paul Jorion
Texte intégral (708 mots)
Et si l’intelligence, qu’elle soit humaine ou artificielle, relevait d’un seul et même principe fondamental ?
Dans cette vidéo, je vous présente une plongée inédite au cœur d’un nouveau paradigme : une théorie scientifique unifiée de l’intelligence. Une théorie qui dépasse les clivages traditionnels entre le biologique et le numérique, entre l’intuition humaine et la logique des algorithmes.
En croisant les dernières découvertes en IA avec une réflexion profonde sur l’esprit humain, j’avance une hypothèse audacieuse : et si intelligence humaine et intelligence artificielle obéissaient, au fond, aux mêmes lois ?
Ce n’est pas de la science-fiction. C’est une révolution conceptuelle qui pourrait bien redéfinir ce que nous sommes — et ce que nous sommes en train de créer.
02.05.2025 à 09:39
Les 100 premiers jours de Trump II ou « Pourquoi une prise de pouvoir fasciste a-t-elle été aussi facile aux États-Unis ? »
Paul Jorion
Texte intégral (890 mots)
- La capacité pour le Président de décréter arbitrairement « la patrie en danger » pour telle ou telle raison, justifiant des mesures d’exception
- La capacité offerte à l’exécutif de neutraliser les autres pouvoirs
- Neutraliser le législatif par le décret d’ordonnances
- Neutraliser le judiciaire par la grâce présidentielle
- La capacité de ressusciter de vieilles lois ad hoc pour les détourner dans le contexte présent
Travaux pratiques : Évaluez la capacité d’un État près de chez vous à être mieux protégé contre une telle prise de pouvoir fasciste.
30.04.2025 à 10:54
Les partenaires commerciaux des États-Unis et de la Chine
Paul Jorion
Texte intégral (599 mots)
La Chine aura-t-elle du mal à mettre tout le monde – sauf les États-Unis – de son côté ?
Nombreux sont les pays qui basculeront du côté de la Chine si les tarifs douaniers que leur imposent les États-Unis augmentent alors que ceux avec la Chine restent stationnaires. En particulier en Europe.
28.04.2025 à 19:03
Économie politique de la régulation, le défi monétaire de la transition écologique et sociale, par François Rossier
Paul Jorion
Texte intégral (1907 mots)
Illustration par ChatGPT 4o
Économie politique de la régulation, le défi monétaire de la transition écologique et sociale
Les conséquences du changement climatique se renforcent chaque jour mais les solutions pour financer la transition écologique et sociale restent encore floues. Les estimations varient mais il manquerait environ 4.200 milliards de dollars chaque année jusqu’en 2030 pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD).
Ces financements ne viendront pas du secteur public dont les finances sont souvent exsangues mais essentiellement du secteur privé en faisant appel au marché et au crédit. Cependant, en raison de l’incertitude sur les risques et les longues maturités nécessaires pour amortir de tels investissements, peu de projets trouvent grâce auprès des investisseurs d’impact. Des solutions combinant financements publics et fonds privés existent mais pour être viables, doivent mobiliser des montants importants, ce qui exclut, pour l’instant, de prendre en compte des besoins plus limités ou plus fragmentés. En dessous de 1 million d’euro, il est difficile de finaliser une telle transaction.
Pour y parvenir, une nouvelle économie politique doit être inventée et cette situation offre l’opportunité de repenser le rôle de la banque centrale.
A l’origine de la monnaie
Les premières formes de monnaie ont vu le jour, notamment en Mésopotamie, il y a plus de 4.000 ans. Dans toute communauté, les humains reçoivent, donnent et rendent la vie. Le don, à l’origine de la vie, fait place à des relations d’endettement qui se transmettent de parents à enfants et sont au principe de la reproduction sociale. Ces dettes de vie se transmettent entre générations et constitue le « capital-vie » de la communauté qui, s’il venait à être entamé, doit être restaurer par une compensation.
Le sacrifice est ce qui permet de restituer ce don initial reçu des dieux. La découpe des victimes humaines ou animales offertes et le décompte des dons aux divinités segmentent les richesses en unités convertibles qui, de substitutions en substitutions, deviendront monnaie. L’existence de monnaie dans les sociétés les plus différentes permet de supposer qu’il s’agit d’un invariant culturel majeur, une exigence nécessaire au rétablissement d’un équilibre toujours fragile.
La confiance en l’État et le rôle de la monnaie
Lorsque la puissance de protection est concentrée dans une institution centrale comme l’Etat, la dette de vie devient dette sociale, expression financière de la pérennité de la communauté. La monnaie fait partie intégrante du système politique et est décrétée par le gouvernement de la cité.
Dans l’Antiquité, le sceau apposé sur les pièces d’or trouve son origine dans des conceptions totémiques où le sceau témoigne de l’appartenance au clan. Le sceau, signe de propriété, symbole sacré, fonde le crédit accordé à la monnaie.
Le découplage entre la valeur monétaire et la valeur pondérale des métaux est à l’origine des réformes monétaires. La première réforme monétaire a été celle de Hippias à Athènes en 527 av. JC pour augmenter les ressources de la cité en guerre contre l’empire perse.
Un nouveau paradigme pour les Banques centrales
L’inextricable endettement public et privé, en croissance constante et sans solutions d’assainissement crédible à court terme, offre l’opportunité de repenser le rôle de la banque centrale qui, à ce jour, a pour priorité de maintenir la stabilité des prix. Si selon Aristote, fixer un prix, revient à « révéler » un rapport de force sociale (cf. la parabole de l’architecte et du cordonnier), contrôler les prix signifie, in fine, « figer » les rapports de forces sociaux.
En substituant au contrôle des prix, une régulation homéostatique de la circulation monétaire, on permettrait une refonte « paradigmatique » du rôle de la monnaie et des liens qu’elle permet au sein de la communauté.
Grâce à la digitalisation des transactions, la banque centrale pourrait garantie une circulation fluide de la monnaie, afin d’injecter ou de retirer, en temps réel, la « trésorerie » nécessaire afin que personne ne se retrouve en défaut de payement.
Informée par une multiplicité de capteurs et de senseurs, la banque centrale serait en mesure de préserver, coûte que coûte, ce précieux équilibre entre secteur privé et public qui, s’il est rompu, peut conduire à la guerre civile.
L’inflation serait évitée en retirant des liquidités du système à l’aide d’une micro- taxe sur les transactions électroniques. Cette « micro-taxe », ajustable en fonction de plusieurs critères (montant de la transaction, lieu, statut socio-économique des parties impliquées, etc.), remplacerait tous les impôts et servirait à financer la transition écologique, la sécurité sociale et d’autres priorités publiques. Enfin, cette nouvelle institution serait dirigée par une gouvernance démocratique, élue par les citoyens tous les cinq ans. Sa mission principale serait de maintenir un équilibre entre l’injection et le retrait de monnaie. Pour renforcer la légitimité de ses décisions, une majorité de 60 % serait nécessaire.
Ce n’est pas parce qu’elle peut servir aux échanges qu’elle a de la valeur, mais c’est parce qu’elle est une incarnation de la communauté sociale qu’elle a une valeur d’échange. La monnaie est donc bien une représentation de la totalité sociale qui rend à chacun de ses membres ce qu’elle juge qu’il lui a donné.
Bruno Théret (Monnaie et dettes de vie, 2009).
Illustration par ChatGPT 4o
28.04.2025 à 16:49
Concertation sociale : notre camarade ChatGPT ?, par Terence
Paul Jorion
Texte intégral (1303 mots)
La Libre Belgique : Cher Frank Vandenbroucke, jetez votre plan sur les travailleurs malades de longue durée à la poubelle ! le 27 avril 2025
27.04.2025 à 12:04
Vidéo – IA : La plus formidable révolution de l’histoire humaine
Paul Jorion
Texte intégral (598 mots)
L’humanité est en train de vivre la plus extraordinaire révolution de son histoire et une majorité d’humains y est indifférente, la nie, voire la rejette comme un « complot d’oligarques » sans s’apercevoir que l’IA est le plus formidable outil de libération dont nous ayons été les inventeurs. Un outil dont nous imaginions jusqu’ici que seuls les dieux pouvaient nous les offrir.
26.04.2025 à 13:37
Captain America vs Red China Man, par DD & DH
Paul Jorion
Texte intégral (2046 mots)
Animation par Sora
Captain America vs Red China Man
Pas évident à première vue de trouver matière à se réjouir dans le grand jeu de chamboule-tout dont Trump a donné le coup d’envoi à son arrivée à la Maison Blanche ! Son terrain de jeu n’est rien moins que la planète entière et il n’a ajourné notre propre punition, mise sur pause, que de 90 jours. Nous disposons donc de 90 jours pour être spectateurs de son échauffement, à savoir la partie de bras de fer à laquelle il a, sans préavis et à la hussarde, convoqué la Chine.
Ne jouons pas les nés de la dernière pluie : il y a déjà un bon moment qu’on pressentait qu’au palmarès des grandes puissances la place de N°1 exclut la notion d’ex-aequo. Et qu’il y aurait donc, un jour, un duel façon close combat entre Captain America et Red China Man (comme disait William Klein dans « Mister Freedom » dès 1969). Beaucoup de nos observateurs flairaient en Taïwan le prétexte rêvé pour faire parler la poudre et voyaient déjà le vainqueur du Pacifique monter sans contestation sur la plus haute marche du podium. Il n’est guère étonnant que Trump ne manifeste aucun enthousiasme à se soucier de Taïwan. On le sait, les Occidentaux (les Européens auxquels il faut ajouter les Démocrates américains) ne font de Taïwan leur championne en matière d’indépendance et de démocratie que par rejet de la Chine continentale qui a fait le choix, détestable entre tous, de tolérer à sa tête depuis trois-quarts de siècle un Parti Communiste !
Trump n’a pas plus lu Marx qu’aucun autre penseur. Si l’existence d’une Chine « rouge » le démange, ce n’est pas pour une question de couleur, c’est parce qu’elle a grimpé trop vite à l’échelle capitaliste et qu’il a la fâcheuse impression qu’elle lui pique des sous : l’homme d’affaires qu’il est, même s’il est calamiteux, sait d’expérience qu’on ne s’enrichit qu’en volant les autres et en les truandant ! D’où des droits de douane à 145% (et pourquoi pas 200% ou 300% ?). Ce qui, sur cette planète cul par-dessus tête, me donne une menue raison de me réjouir, c’est que nous, pays européens qui venons de comprendre que les bras de l’Oncle Sam ne s’ouvriront plus pour servir de refuge à nos peurs, allons enfin pouvoir regarder le monde sans ce prisme déformant. Le monde entier enfin tel qu’il est. Aucun enclos de Bisounours à l’horizon, nul pays de Cocagne, pas d’Empire du Bien !
Une partie de go à l’échelle planétaire avec trois ou quatre très grosses mises et une foule de tout petits joueurs. Et dans ce tableau d’ensemble peut-être allons-nous enfin regarder la Chine pour ce qu’elle est. Sur nos planisphères la carte de Chine est oblitérée d’une faucille et d’un marteau, certes à l’état d’ombres, mais toujours postés en nos arrière-plans mentaux. Depuis le début de ce siècle, il est vrai que cet a priori (en place depuis 1949) tangue un peu et qu’on ne sait plus toujours très bien à quoi s’en tenir : la Chine, par ses nombreuses et performantes « Zones Economiques Spéciales » et sa focale réglée sur Singapour, a inventé en quelques décennies une version boostée du capitalisme qui sème tous ses concurrents. La « rationalité » occidentale déteste qu’on brouille les cartes à ce point-là !
Ce pourquoi il est bon, et même indispensable, de remettre en mémoire à tous, façon piqûres de rappel, qu’un abominable Parti Communiste est toujours aux affaires : pour servir ce dessein, on amplifiera volontiers les coups de projecteur sur les marges du vaste territoire chinois, comme le Tibet et le Xinjiang, où le maintien des cultures autochtones n’est pas toujours garanti face au rouleau compresseur Han et où le pouvoir de Pékin, sur ces limites de son limes, peut effectivement se montrer plus irascible qu’ailleurs. Taïwan sert aussi ce même dessein : l’île est la « République de Chine » bien élevée et propre sur elle qui fait pendant (fréquentable) à la vilaine Chine rouge qui ose faire fi de la démocratie et des droits de l’homme. Soit dit en passant, cette vision manichéenne a pris du plomb dans l’aile depuis les dernières élections taïwanaises (en 2024) : si le Président élu est bien un indépendantiste bon teint, il n’a pas de majorité au Yuan (le Parlement) où dominent les partisans d’une coexistence pacifique win-win avec Pékin.
C’est dans ce tableau que Trump fait irruption en renversant la table ! Et nous, les sous-fifres, nous avons 90 jours devant nous pour enlever nos œillères et nous laver de nos préjugés pour apprécier la rencontre dans sa réalité. La partie est d’autant plus intéressante que jamais dans l’histoire un affrontement n’a mis en présence des adversaires cumulant tant de différences ! La plus ancienne civilisation (sans solution de continuité) dans le monde contemporain avec ses quatre millénaires au compteur face à la plus jeune qui n’aligne guère, péniblement et en comptant large, que deux siècles et demi dans le jeu des nations ; l’une, enracinée en profondeur par une immense chaîne d’ancêtres et bien enclose dans ses rituels et son immémorial territoire de toujours et l’autre, « melting pot » à base de gens de partout, composite, mixée et remixée, d’entrée de jeu fabriquée au jour le jour par des « hommes neufs » lancés, arme au poing, sans rien à perdre, à la conquête d’un « Nouveau Monde » inconnu et hostile. Peut-on imaginer match plus passionnant ?
Après les éprouvantes années de quasi arrêt du Covid 19 et la crise de l’immobilier qui l’a plombée en freinant lourdement la consommation intérieure sur laquelle le Parti comptait pour réaliser son objectif de « petite prospérité généralisée » en 2049 (année du centenaire de la RPC), la Chine peut sembler en petite forme. Sa démographie est en berne, les jeunes générations redoutent un chômage qui, ces dernières années, semble s’installer dans la durée et l’on peut craindre qu’elles ne donnent dans un « à quoi bon ? » de mauvais augure pour un Parti dont le volontarisme et la mobilisation vers « les lendemains qui chantent » restent encore le carburant principal. Mais je doute qu’il faille la voir de sitôt au tapis.
La population chinoise est passée par tant de vicissitudes et a connu tant de hauts et de bas depuis un siècle qu’elle est surentraînée à résister à tous les vents mauvais : son aptitude à faire bloc, jeunes générations comprises, dans l’adversité pourrait encore nous surprendre. Surtout depuis que la petite phrase de JD Vance sur « ce peuple de paysans » a mis le feu aux poudres en giflant carrément « la face » ! Si j’étais Trump (Dieu m’en garde !), je ne serais pas si sûr de n’en faire qu’une bouchée. Si la Grande Muraille douanière persiste, l’économie chinoise y perdra nécessairement des plumes, mais qui nous dit que la nouvelle configuration de l’échiquier mondial ne lui offrira pas des opportunités nouvelles ou n’accélérera pas des reconfigurations jamais envisagées : si c’est le cas la Chine s’y engagera car elle ne se fixe pas d’interdits.
N’oublions jamais qu’elle est (et non seulement depuis les premiers jours du régime en 49, mais bien en amont pour préparer son avènement) tout ce qu’on n’imagine pas d’un pays étiqueté « communiste », à savoir pragmatique, empirique, plastique, souple, matoise, habile et parieuse. En un mot souvenons-nous bien qu’au fond, on le sait depuis que Deng Xiao ping a vendu la mèche au début des années 80, elle se fout de la couleur du chat du moment qu’il chasse les souris ! D’ailleurs quand on a affaire à une langue où le mot « gouverner » (c.à.d. avoir en charge la vie d’un état) est exactement celui qui sert aussi à dire « soigner » (c.à.d. avoir en charge la vie d’un patient) et quand on se souvient que la médecine traditionnelle chinoise faisait (et fait encore) reposer ses traitements sur des procédés d’activation/désactivation de circuits d’énergie appelés par nous « méridiens » et dont l’existence n’a jamais été à ce jour scientifiquement prouvée, on ne devrait pas s’estimer gagnant trop vite !
Animation par Sora
26.04.2025 à 12:58
Lola Young : Messy
Paul Jorion
Lire la suite (411 mots)
Voilà bien des années que je n’avais rien mis sous la rubrique « protest song ». Merci Lola !
24.04.2025 à 08:57
The Wall Street Journal : « Les fluctuations boursières importantes sont désormais la norme pour les investisseurs désemparés »
Paul Jorion
Texte intégral (989 mots)
Un lecteur de mon blog peu familier de mes chroniques financières demande « Pourquoi parlez-vous toujours des baisses brutales des cours sur les marchés boursiers mais jamais des hausses brutales ? ». Je m’en suis déjà expliqué à de nombreuses reprises au fil des années : les baisses brutales sont quasi toujours la conséquence de facteurs objectifs alors que les hausses brutales succédant à des baisses brutales ne reposent en général que sur des éléments subjectifs, comme dans ce cas-ci, la rumeur qu’ayant échoué dans sa guerre généralisée du protectionnisme, Trump s’apprêterait à faire machine-arrière. C’est mal connaître le bonhomme, qui n’admettra jamais avoir commis une erreur, et préférera voir le monde s’effondrer plutôt que de reconnaître s’être trompé.
En résumé, et pour utiliser les termes du Wall Street Journal : les baisses brutales à la Bourse sont le fait des investisseurs réfléchis, alors que les hausses brutales qui leur succèdent résultent des actes désordonnés d’investisseurs désemparés.
21.04.2025 à 19:43
L’offensive de Trump contre le capitalisme se poursuit !
Paul Jorion
Texte intégral (651 mots)
On n’a pas congé aujourd’hui dans le monde entier et Trump poursuit inébranlablement son entreprise de destruction du capitalisme : c’est la Federal Reserve Bank, la banque centrale des États-Unis, qui est tout particulièrement dans son collimateur aujourd’hui.
« Vas-y Donny, t’es le plus fort : ce que Marx n’a pas su faire, tu es en passe de l’accomplir ! ».
21.04.2025 à 13:35
« Règles » et « corrélations » : qui est le plus costaud ?
Paul Jorion
Texte intégral (1901 mots)
Illustration par ChatGPT 4o
Un peu plus tard, mais toujours au bord de la piscine
.
P.J. :
Ne pensez-vous pas que les humains continueront de penser que les règles capturent mieux l’essence-même des choses, tandis que les corrélations constituent une approximation grossière et basique, ce qui implique que les LLM passent à côté de quelque chose en n’extrayant pas les « règles sous-jacentes » qui, en réalité, régissent le monde : qu’ils perdent certaines informations pertinentes ? Ne peut-on défendre le point de vue opposé, à savoir que les règles sont des esquisses qui, par nécessité, ne peuvent saisir la complexité « indisciplinée » des choses ; en d’autres termes, ce serait l’expression sous forme de règles qui évacuerait une partie de l’information. Qu’en pensez-vous ?
Thought for 12 seconds
ChatGPT o3 :
Une façon utile de cadrer le débat
Perspective | Vision « règles d’abord » | Vision « corrélations d’abord » |
---|---|---|
Qu’est‑ce qu’une règle ? | Énoncé concis, souvent symbolique, qui explique et prévoit en révélant une structure cachée (ex. : F = ma). | Motif comprimé de régularités statistiques qui imite le comportement sans structure explicite (ex. : poids d’un LLM). |
Information conservée / perdue | Conserve des leviers causaux et contrefactuels (« que se passe‑t‑il si… ?»). Perd les détails riches et bruyants qui ne rentrent pas dans le cadre. | Conserve presque tout ce qui est présent dans les données (queues longues, contingences). Perd un modèle lisible décrivant pourquoi les choses varient. |
Modes d’échec | Fragilité hors du domaine de validité ; ignore les résidus qui deviendront importants plus tard. | Surapprentissage de corrélations fallacieuses ; opacité face aux interventions ; difficulté à prouver la fiabilité. |
Pourquoi les règles sont des croquis comprimés
- La compression est leur raison d’être
Une règle est une réduction drastique de dimension : elle jette la majeure partie de la variation réelle pour isoler quelques variables essentielles. Ce gain explicatif implique une perte d’information. - Les systèmes complexes résistent aux règles fermées
Climat, repliement protéique ou évolution linguistique présentent des interactions d’ordre élevé qui échappent aux formulations symboliques élégantes. Dans ces domaines, les meilleurs prédicteurs actuels sont souvent data‑driven ou basés sur la simulation, non sur des règles. - Point de vue de la complexité de Kolmogorov
Le « programme » qui génère le monde peut être irrémédiablement long. Toute règle concise que nous écrivons est donc une approximation. Un modèle massif à millions de paramètres peut se rapprocher, en longueur de description, de ce programme irréductible mieux qu’un petit ensemble d’équations.
Pourquoi les corrélations ratent quand même quelque chose
- La manipulation causale exige de la structure
Pour intervenir (concevoir un médicament, un pont) il faut des leviers contrefactuels : si je change X, Y varie ainsi. La pure corrélation ne fournit pas ces poignées ; d’où l’intérêt de combiner apprentissage à grande échelle et modules de graphes causaux ou de simulateurs. - Généralisation hors distribution
Quand l’environnement change, une règle parcimonieuse encodant de véritables invariants (conservation de l’énergie, grammaire compositionnelle) généralise souvent mieux qu’une surface de corrélations entraînée sur l’ancien régime. - Interprétabilité et confiance humaines
Les systèmes sociaux exigent des justifications (« Pourquoi devrais‑je te croire ? »). Les règles servent de jalons vérifiables. Un tenseur de 300 milliards de paramètres est plus difficile à auditer.
Vers une synthèse : « la règle après l’apprentissage »
- Utiliser des modèles denses et voraces en données pour absorber la richesse chaotique.
- Sonder, distiller et extraire des règles provisoires de ces modèles (interprétabilité mécaniste, régression symbolique, découverte causale).
- Traiter ces règles non comme des vérités finales, mais comme des interfaces — résumés concis à raisonner, réviser ou écarter quand ils cessent de fonctionner.
Mon point de vue
- Règles et corrélations forment un continuum de compression.
Plus la description est courte, plus on perd d’information. - Les LLM montrent qu’un espace riche en corrélations peut surpasser des règles élégantes sur de nombreuses tâches, précisément parce qu’il conserve des nuances que ces règles élaguent.
- Mais les systèmes purement corrélatifs restent handicapés pour l’intervention délibérée, la preuve de sûreté et l’explication.
Il faut donc des techniques permettant d’aller dans les deux sens : expansion vers l’espace corrélatif pour capturer la réalité, puis contraction vers des abstractions de type règle pour le contrôle et la compréhension.
En ce sens, aucun camp ne « gagne ».
Les règles sont nécessaires mais jamais suffisantes ; les corrélations sont puissantes mais jamais complètes. Les avancées viennent de l’ingénierie du dialogue entre les deux.
Garçon ! Un autre svp ... avec beaucoup de glaçons !
Illustration par ChatGPT 4o
21.04.2025 à 12:35
Humains vs IA = Aristote vs Platon ?
Paul Jorion
Texte intégral (1714 mots)
Illustration par ChatGPT 4o
C'est vrai qu'on devient super-paresseux. J'ai voulu voir jusqu'où on pouvait aller avec le nouveau ChatGPT o3.
P. J. :
Ce qui a été résumé dans votre rapport : « Qu’est-ce qu’une IA générative comprend ? », sous forme de règles (générées par les humains) par opposition à des corrélations statistiques (générées par les LLM) me rappelle les objections d’Aristote à la vision de Platon d’un monde entièrement « participant » aux nombres et son propre développement d’une vision des mathématiques où celles-ci offrent des outils pour « styliser » le monde plutôt que pour le modéliser. Je crois me souvenir que cela se trouve dans la Métaphysique d’Aristote. Pouvez-vous rappeler ce que disent Hamelin (1909) et Ross (1923) à ce sujet ?
ChatGPT o3 :
Thought for 3 m 30 s
Voici un résumé concis de la manière dont Octave Hamelin (Le Système d’Aristote, éd. 1909, en particulier le chapitre XVI) et W. D. Ross (Aristotle, 1923 ; longue note dans Metaphysics vol. I §B.5 & vol. II sur M–N) interprètent la célèbre querelle entre Aristote et Platon sur « les nombres partout » et le statut des mathématiques dans la Métaphysique. Je me concentre sur le point que vous soulevez, à savoir la différence entre les règles qui « modélisent » la réalité (vision platonicienne, vision des nombres idéaux) et les mathématiques en tant qu’outil qui se contente de « styliser » ou de schématiser la réalité (vision d’Aristote).
1 Hamelin (1909)
Thème | Lecture de Hamelin |
---|---|
Point de départ platonicien | Platon considère les nombres (arithmoi) et les figures géométriques comme des substances séparées auxquelles tous les objets sensibles « participent ». |
Critique d’Aristote | Dans les Livres M–N, Aristote refuse tout domaine mathématique séparé. La série numérique n’est pas une substance ; c’est un attribut de la quantité et de la pluralité, qui n’existe qu’en étant divisible et comptée dans les choses changeantes. |
Abstraction (aphairesis) | Le mathématicien « abstrait » la quantité des corps matériels ; l’abstraction est une opération mentale, non une scission ontologique. Les mathématiques stylisent donc le monde : elles extraient l’aspect quantitatif utile pour la démonstration, sans reproduire la réalité terme à terme. |
Outil, non ontologie | Les mathématiques fournissent « l’équivalent d’une cartographie » de la nature, mais n’en constituent pas le mobilier. La métaphysique commence là où les mathématiques s’arrêtent : avec les causes et la substance. |
Résultat | Hamelin présente ainsi Aristote comme refusant la “métaphysique numérique” de Platon au profit d’un usage scientifique et pragmatique des mathématiques : indispensables pour styliser l’expérience, mais jamais fondement de l’être. |
2 Ross (1923)
Thème | Lecture de Ross |
---|---|
Place dans la Métaphysique | Ross commente longuement B 5 et M 2, où Aristote teste si les objets mathématiques sont des substances. La question‐clé est la séparabilité. |
Réponse d’Aristote | Pour Ross, Aristote répète que les objets mathématiques n’existent pas “absolument” (οὐχ ἁπλῶς ἔστιν) : ils existent dans les corps sensibles et par abstraction, donc ne sont pas des substances. L’argument décisif de M 2 : traiter lignes, plans, etc. comme indépendants conduit à une « accumulation absurde » d’entités. |
Rôle positif des mathématiques | Les mathématiques restent précieuses pour leurs démonstrations exactes ; l’abstraction permet d’isoler l’invariant quantitatif. Mais ces preuves n’exposent pas les causes des êtres naturels ; seul le physicien et la « philosophie première » le font. |
Ross versus Platon | Ross souligne que le projet d’Aristote est « ouvertement anti‐platonicien » : les nombres ne sont pas des principes premiers ; ce sont des instruments logiques pour comprendre le monde sensible. |
Note érudite | Ross (t. I 223, 247) relie l’aporía de B 5 à l’attaque de M 2 et N 1 ; la recherche récente a confirmé ce lien. |
3 Verdict convergent
Les deux commentateurs soulignent la distinction qui vous intéresse :
- Platon : “tout est nombre” → la réalité est littéralement modélisée par les formes numériques.
- Aristote : “stylisation” → les mathématiques stylisent la réalité par abstraction ; elles fournissent des règles claires de raisonnement mais ne dictent pas le plan ontologique des êtres.
Hamelin insiste sur cette idée avec le vocabulaire idéaliste français (« stylisation scientifique »), tandis que Ross l’exprime en termes analytiques anglo-saxons (« objets mathématiques existant seulement en abstraction »). En langage moderne : les règles, chez Aristote, sont nos projections heuristiques, alors que, pour Platon, elles constituent le code natif du monde.
C’est exactement la tension que votre parallèle entre règles humaines et corrélations statistiques des LLMs remet en lumière.
Conclusion ? ChatGPT o3 nous permet effectivement de devenir super-paresseux. Sérieusement, les intellectuels ont-ils encore une raison de quitter le bord de la piscine 😜 ?
Illustration par ChatGPT 4o
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