30.09.2025 à 18:13
En vrac de septembre
Tristan Nitot
Des nouvelles du capitalisme
- The Las Vegas Economy: Why Climate Change is Actually an Addiction Problem;
- Extrême droite et capital : « Une étendue de connexions absolument stupéfiante », une interview de Laurent Mauduit, journaliste et auteur du livre Collaborations ;
- Dérèglement climatique : la météo extrême de l’été a coûté 43 milliards d’euros à l’Europe ;
- Samsung brings ads to US fridges. Mettre un écran dans la porte d’un frigo, c’était déjà pas une idée brillante. Mais maintenant qu’il y a un écran, pourquoi ne pas y mettre de la pub ? J’avais déjà décidé de ne plus acheter d’électroménager Samsung à cause de sa trop faible durabilité. Ces crétins viennent de me donner une autre bonne raison.
- Scandale des eaux en bouteille : comment Nestlé va tenter d’empêcher l’arrêt de la commercialisation du Perrier.
- Google won’t be forced to sell its Chrome browser, judge rules. C’est dommage, parce que les liens entre Google Search et Chrome (et Android) sont tels que malgré un Google Search qui s’effondre niveau qualité, Google ne craint rien à part la justice. Et là, justement, la justice abandonne. La bonne nouvelle toutefois est que ça va permettre à Mozilla d’être financé pour développer Firefox. Pendant ce temps-là, Apple va continuer à facturer à Google les 20 milliards de dollars annuels pour l’inclusion par défaut de Google Search dans Safari (relisez la phrase en gras). Soit environ 40 fois plus que ce que facture Mozilla à Google.
- La culture du jetable par Jeanne Guien à TEDxMonplaisir. Pas récent, mais très intéressant.
- Bien vivre dans les limites planétaires par Jean-Marc Jancovici. Pas de surprise pour ceux qui le connaissent, mais toujours percutant et synthétique (ce qui ne veut pas dire parfait).
À propos de la bulle de l’IA
- Trois raisons qui indiquent un explosion de la bulle IA, et deux qui pourraient retarder cette explosion :
- Les gens en parlent, et historiquement c’est un indicateur
- OpenAI a un burn rate qui explose, une structure juridique branlante (for profit ou pas ?) qui remet en cause l’investissement de 20 milliards par Softbank ;
- Les investissement dans les datacenters se déprécient très vite (2 ou 3 ans pour les GPU), ce qui implique de très gros revenus… qui ne sont pas là du tout ;
- MAIS… d’habitude les bulles sont financées par la dette, et pour l’instant, c’est surtout financé par des géants de la Tech qui ont de grosses réserves de cash ;
- ET contrairement au capital, aux GPU ou à l’électricité, qui finiront tous trois par manquer un jour, ce qui fait tenir une bulle , c’est la confiance dans son avenir. Et là, on a un peu l’impression d’être tombé sur une source inépuisable de confiance, fut-elle mal placée.
- The Case Against Generative AI, par Ed Zitron. Pas encore lu, mais c’est très long !
- Sur le sujet de la bulle de l’IA, Cory Doctorow enfonce le clou, et c’est brutal ;
- La Deutsche Bank avertit que la bulle de l’IA est la seule chose qui maintient l’économie US à flot et que, lorsque cette bulle éclatera, la réalité sera bien plus dure que ce que tout le monde imagine. En complément, Il n’existe pas une bulle unique de l’IA, mais trois dynamiques distinctes qui coexistent : la bulle spéculative, la bulle d’infrastructure et les promesses irréalistes ;
- AI is a money trap, écrivait Ed Zitron en Août. Des choses intéressantes, mais un ton vindicatif et un anglais fleuri, combinés à la trop longue lecture, rendent ce texte difficile à aborder pour les francophones. Mais ça, c’était avant que Thomas Gerbaud n’en fasse une version raccourcie en français : Le problème à mille milliards de dollars, que j’ai trouvé grâce à Hubert Guillaud et son article La tech au bord du gouffre financier ;
À propos de l’IA
- Aux USA, Anthropic va payer 3000€ par auteur de livre pour avoir pillé son oeuvre sans autorisation. Cela fait tout de même un total de 1,5 milliards de $. Dommage que cela soit limité aux USA, puisqu’il est probable que les IAs aient pillé aussi des milliers d’ouvrages (dont Surveillance://) ;
- Il y a 6 mois, le patron d’Anthropic disait que dans 3 à 6 mois, l’IA écrirait 90% du code. Bah non.
- Après que l’adoption d’une IA ait provoqué des licenciements, les développeurs sont embauchés pour corriger les erreurs de l’IA… Variante : The Software Engineers Paid to Fix Vibe Coded Messes ;
- En février dernier, un lanceur d’alerte d’OpenAI a été retrouvé mort dans son appartement. Il voulait alerter sur le pillage illégal par OpenAI d’oeuvres protégées par copyright et avait témoigné dans ce sens. Et maintenant, Musk et Tucker Carlson accusent le patron d’OpenAI de meurtre . Ca donnerait presque envie de sortir le pop-corn… Bon, d’un autre coté, Grok, l’IA de Musk, dit que Charlie Kirk (le podcasteur MAGA) qui a bien été assassiné, a survécu. Tout va bien…
- L’IA redessine le marché du travail au détriment des profils juniors. “Quand l’IA s’installe dans les processus métiers, elle valorise les experts capables de l’orienter et fragilise les jeunes qui apprenaient par les tâches d’exécution. Entre accélération des seniors et ralentissement des entrants, un nouveau filtre générationnel apparaît comme le démontre une récente étude de Harvard. Un défi inédit pour la Génération Z.”. Certes. Mais au delà, qui seront les séniors bien formés de demain si les juniors ne peuvent plus être formés ?
- C’est un peu comme si on avait 2 équipes de super-héros qui travaillaient sur l’empreinte environnementale de l’IA :
- On a beaucoup trop tendance à ne compter que la consommation d’énergie (et parfois l’eau) mais c’est regarder le problème par un petit bout de la lorgnette. Aucun doute, il faut aller au delà du carbone. Alors il a fallu que des chercheurs s’y collent, et une dream team a été assemblée à cet effet, et cela donne ce rapport : More than Carbon: Cradle-to-Grave environmental impacts of GenAI training on the Nvidia A100 GPU. “For training GPT-4, the use phase dominates 10 of 16 impact categories, contributing about 96 % to both the climate change and resource use, fossils category. The manufacturing stage dominates 6 of 16 impact categories including human toxicity, cancer (94 %) and eutrophication, freshwater (81 %).”
- Autre équipe, cette fois-ci pour un exercice de vulgarisation, feat. Lou Welgryn et Théo Alves Da Costa pour l’article Intelligence artificielle : le vrai coût environnemental de la course à l’IA. C’est un peu long mais très pédagogue et complet. Bravo !
- Utiliser l’IA générative pour innover : entre puissance créative, biais cognitif et jugement limité. Une intro à un papier scientifique écrit par une collègue d’OCTO, et c’est passionnant. Elle a cherché à mesurer la capacité créative d’une d’IA par rapport aux humains.
- Course à l’IA : appuyer sur pause, avec l’ami Irénée Régnauld (co-fondateur du Mouton Numérique)
- C’est vieux mais c’est excellentissime : Le numérique et l’IA au service de l’humanité et de la biosphère par Jean-Pierre Goux, qui justement sort Révolution Bleue (tome 2) / la clef des songes, que je n’ai pas lu mais qui est super prometteur si j’en crois le podcast Métamorphose #619 (passez outre le coté publi-reportage, c’est vraiment très bon). En gros, ça parle du Petit Prince comme métaphore de la conscience collective ;
- “Actuellement je gagne 1 € toutes les 3 h de travail” explique un travailleur du clic dans le reportage d’Arte Madagascar : les petites mains de l’IA à 3 mn 25 s. On se souviendra du documentaire d’Henri Poulain, Les sacrifiés de l’IA ;
- Environnement: le Haut Conseil pour le climat accuse la France de « menacer » l’accord de Paris ;
- Les géants de la tech accusés du vol de millions de chansons pour entraîner leurs IA. Source : ‘The Largest IP Theft in Human History’: Breaking Down The Years-Long Investigation Into How AI Firms Are Stealing Music ;
- IA et souveraineté, par votre serviteur au journal de 13h de France Inter : l’augmentation de capital de Mistral AI (avancer à 17 mn 44). Voir aussi IA : Mistral lève 1,7 milliard et conforte sa place de champion européen ;
- C’est devenu un métier : ingénieur logiciel payé pour remettre d’aplomb des applis codées en “Vibe Coding” (par une IA) : The Software Engineers Paid to Fix Vibe Coded Messes ;
- Je… non rien. En Albanie, le chef du gouvernement nomme un ministre généré par l’IA, une première ;
- Apple rend les armes face à Trump : Comment Apple apprend à son intelligence artificielle à s’adapter à l’ère Trump ;
- Utiliser l’IA pour optimiser un logiciel Libre ?. L’idée est séduisante pour quelqu’un comme moi qui travaille (dans EROOM) sur le sujet de l’optimisation. Et cela peut produire des résultats positifs, comme le raconte Faith Ekstrand, qui travaille sur les drivers de cartes graphiques pour Linux. SAUF QUE… les faibles gains (0,5 à 1% sur certains jeux) vont avec des rapports de bug écrits avec une IA par quelqu’un qui ne comprend rien à rien au sujet. Et ça donne un boulot très pénible aux relecteurs de code, qui ont déjà beaucoup de code médiocre à relire, code qui au moins est généré par des humains qui progressent quand on relit et améliore leur code. Bref, dorénavant, dans ce projet, si vous soumettez du code, vous en êtes responsable, qu’il soit écrit par un humain ou une IA, et vous devez pouvoir expliquer et documenter ce qu’il fait.
- Boosté par ChatGPT, un robot prouve qu’il n’est « pas un robot », alors que ChatGPT a pour instruction… de ne pas faire ce genre de choses !
- La voix IA de Lara Croft supprimée dans Tomb Raider après la plainte de sa doubleuse ;
De l’utilisation de l’IA comme compagnon
- OpenAI vient de publier un article de blog, How people are using ChatGPT, avec un papier plus complet : How people use ChatGPT (PDF). 49% pour lui demander un avis sur un problème, 40% pour lui faire faire quelque chose (relire, traduire, écrire), et 11% pour le reste. On notera deux changements au fil du temps. Auparavant, l’outil était surtout utilisé par des hommes et pour le travail. Maintenant les femmes sont majoritaires (de peu) et c’est en dehors du travail pour 3 demandes sur 4. ChatGPT est passé de 0 utilisateur en novembre 2022 à 700 millions en juillet 2025 (en 34 mois).
- Ça date de juillet mais 72% of US teens have used AI companions, study finds. 50% des ados ne croient pas ce que leur dit l’IA. Pourquoi s’en servent-ils ? 30% parce que c’est amusant, 28% parce qu’ils sont curieux, 18% pour obtenir des conseils, 17% parce qu’il est toujours disponible quand ils en ont besoin, 14% parce qu’il ne les juge pas, 12% pour parler de choses dont on ne peut pas parler avec les amis et la famille, 9% parce que c’est plus facile que de parler à des vrais gens.
- La crise des chatbots compagnons par Hubert Guillaud ;
À propos de mobilité
- Les voitures électriques moins chères à l’usage que les véhicules thermiques. « Les voitures électriques vendues en Europe aujourd’hui reviennent moins cher à l’achat et à l’usage que les alternatives à essence ou hybrides », assurent les experts du BCG. Ils prennent pour base un automobiliste qui roule 12 000 kilomètres par an pendant cinq ans, avec une « routière » ou une « familiale », charge à la maison et au travail et, occasionnellement, sur une borne publique rapide. « Même si le prix de l’essence tombe à 1 euro du litre, la voiture électrique reste, dans les trois quarts des cas, plus intéressante. Et si l’automobiliste recharge systématiquement son véhicule sur les bornes publiques, c’est aussi le cas avec un prix du litre d’essence supérieur à 1,55 euro », assurent les experts. L’économie moyenne pour un automobiliste français serait de 8 000 euros sur cinq ans, soit 130 euros par mois. C’est sympa de voir l’argument financier compléter l’argument écologique expliqué ci-dessous.
- Life-cycle greenhouse gas emissions from passenger cars in the European Union: A 2025 update and key factors to consider. Comme l’explique Le Monde, sur la base de ce rapport, « Les voitures électriques à batterie vendues aujourd’hui produisent 73 % moins d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie que leurs homologues à essence, même si l’on tient compte de leur production. »
- « Des objectifs déjà largement manqués » – pour Aurélien Bigo, le vélo mérite mieux en France ;
- Documentaire « Véli : un avenir possible pour la mobilité du quotidien ? », un documentaire de 28 mn sur les véhicules intermédiaires. À ne pas rater ! On y retrouve Hélène Jacquemin d’IN’VD, que j’ai eu l’honneur d’interroger dans mon podcast l’Octet Vert S3E07. Et pour ceux qui se demandent ce que VELI veut dire, c’est VÉhicule Léger Intermédiaire ;
- C’est très vieux (2019 !) mais toujorus très bon : Pourquoi la pluie est une mauvaise excuse pour ne pas se mettre au vélotaf. Dans mon cas, avec un trajet de 25 mn, je suis mouillé 24 fois par an à Paris. Mais comme en plus j’ai la chance de pouvoir décaler mes trajets la plupart du temps, c’est en fait beaucoup moins. Pour cela, j’utilise une application qui m’indique quand il va pleuvoir dans l’heure. Dans mon cas, c’est RainToday sur iPhone, mais l’appli MétéoFrance propose le même service.
À propos de souveraineté / autonomie stratégique
- Mon employeur, OCTO Technology, publie un travail Hors-série : souveraineté numérique. Comprendre et pivoter pour assurer l’autonomie stratégique. Cela parle donc de ce sujets, de standards, d’Open Source, de logiciels Libres, de Communs Numériques. Et, l’un des deux auteurs est un certain Benjamin Bayart, que certains connaissent ici.
- L’appétit insoutenable de nos sociétés en métaux, et comment lui survivre, et comment les matériaux critiques sont un facteur de dépendance stratégique ;
Très en vrac
- Décret du 4 septembre 2025 portant nomination au Comité consultatif national d’éthique du numérique, avec des gens qui étaient déjà avec moi au comité préfiguratif (bravo à eux, Alexei, Célia, Raja, Serena…) et de nouvelles têtes ! Longue vie à ce comité.
- Je note ça, ça peut servir : si vous pensez posséder un tapuscrit qui nous intéresserait, n’hésitez pas à l’envoyer à l’adresse copiegauche à mailfence.com dans le format .odt, si jamais je venais à chercher un éditeur pour ma nouvelle Solarpunk !
- Écrire sans se vendre : manifeste pour l’invisibilité , trouvé via un excellent billet de Ploum, À la recherche de l’humanité perdue…. Ploum a cette immense qualité de faire des billets En Vrac qui ont la particularité d’être rédigés.
- Toujours via Ploum, un professeur norvégien de psychologie aurait (notez le conditionnel) découvert que le QI, qui n’a cessé d’augmenter depuis son invention, serait en train de régresser. Parmi les explications possibles, qui ne sont que des hypothèses, ce serait la perte de vitesse des livres. Pour qu’un essai soit imprimé par un éditeur, il faut avoir un truc à dire, le dire de façon construite et rationnelle, et c’est le rôle de l’éditeur de s’assurer qu’on fait du travail de qualité, de façon à ce qu’il se vende. Maintenant que TikTok, Insta et Youtube sont les premières façon de s’exprimer, les attributs du livre imprimé, sa sélection, son exigence, sont en perte de vitesse. Pas étonnant dans ce contexte, qu’on devienne collectivement plus cons. Bien sûr, tout cela est un peu tiré par les cheveux et donc à prendre avec des pincettes. Vivement que l’IA nous tire de là ! (non). Source : On the Reverse Flynn Effect.
- La pub, c’est mal, mais parfois - certes très rarement -, c’est bien. Comme cette pub pour l’équivalent allemand de la SNCF, qui compare le prix d’un billet de train à celui d’un billet d’avion pour voir à peu près la même chose. Deutsche Bahn, no need to fly ;
- Thierry Crouzet, à propos des réseaux sociaux et messageries financées par le capitalisme de surveillance : C’est le moyen de toucher tout le monde ;
- Sludge : de la dégradation volontaire du service client, par Hubert Guillaud. Ou comment le numérique est utilisé par les grandes marques quasi-monopolistiques pour ne pas répondre aux demandes des clients ;
- Transition écologique : son coût est «bien inférieur à celui de l’inaction», affirme la Cour des comptes. “Estimant les résultats de la France en la matière «insuffisants», les Sages de la rue Cambon exhortent le gouvernement à agir de manière «urgente» pour combler «les retards» et faire face à l’augmentation des coûts à prévoir.” ;
- Tails 7.0 est sortie et elle est dédicacée à l’ami Lunar (1982-2024) ;
- Exodus Privacy a besoin d’aide !
- En France, la démocratie est en décrochage, selon un rapport dénonçant des entraves au droit de manifester. Le rapport : France : démocratie en décrochage (format PDF) ;
- L’ami Bastien Guerry quitte la DINUM après 8 ans à activer le logiciel Libre au sein de l’État. Un immense merci pour son travail. Il part en direction de SoftwareHeritage.org, un superbe projet.
- Aux Etats-Unis, l’extrême droite est impliquée dans 93 % des meurtres extrémistes ;
- Un logiciel libre pour bloquer les appels indésirables, Saracroche ;
- L’acidification des océans dépasse un seuil critique, la septième ‘limite planétaire’ sur neuf est désormais franchie ;
Des nouvelles de Windows 10
- la Démarche NIRD : pour un numérique Inclusif, Responsable et Durable, dans le contexte de la fin de Windows 10, l’Education Nationale s’engage vers Linux pour réutiliser du matériel informatique rendu obsolète par la désastreuse décision de Microsoft d’envoyer à la casse des centaines de millions de PC. Un titre de Que Choisir annonce très justement “Un scandale environnemental signé Microsoft”.
- Une palanquée d’associations font une pétition très visible, intitulée Non à la taxe Windows. Pris de panique, Microsoft annonce un sursis pour les utilisateurs européens, avec un an de mises à jour gratuites qui ne résout rien. Peut être un peu de temps gagné pour passer à Linux plus sereinement ?
Des nouvelles d’EROOM
- Pourquoi et comment rendre le numérique et l’IA moins polluants ?, une version d’EROOM pour les jeunes. J’adore !
- Il ne cite pas EROOM, mais raconte bien la loi de Moore et la loi de Wirth, c’est le numéro 19 de Limites Numériques ;
- Échange au coin du feu au Clever Cloud Fest, où je discute avec mon vieux complice Jb Piacentino de l’évolution du numérique ces 45 dernières années.
- Interview de Tristan Nitot : faire tourner le numérique de demain sur le matériel d’hier, une qualité nécessaire, où je parle d’EROOM sous l’angle de la qualité.
Texte intégral (4363 mots)
Des nouvelles du capitalisme
- The Las Vegas Economy: Why Climate Change is Actually an Addiction Problem;
- Extrême droite et capital : « Une étendue de connexions absolument stupéfiante », une interview de Laurent Mauduit, journaliste et auteur du livre Collaborations ;
- Dérèglement climatique : la météo extrême de l’été a coûté 43 milliards d’euros à l’Europe ;
- Samsung brings ads to US fridges. Mettre un écran dans la porte d’un frigo, c’était déjà pas une idée brillante. Mais maintenant qu’il y a un écran, pourquoi ne pas y mettre de la pub ? J’avais déjà décidé de ne plus acheter d’électroménager Samsung à cause de sa trop faible durabilité. Ces crétins viennent de me donner une autre bonne raison.
- Scandale des eaux en bouteille : comment Nestlé va tenter d’empêcher l’arrêt de la commercialisation du Perrier.
- Google won’t be forced to sell its Chrome browser, judge rules. C’est dommage, parce que les liens entre Google Search et Chrome (et Android) sont tels que malgré un Google Search qui s’effondre niveau qualité, Google ne craint rien à part la justice. Et là, justement, la justice abandonne. La bonne nouvelle toutefois est que ça va permettre à Mozilla d’être financé pour développer Firefox. Pendant ce temps-là, Apple va continuer à facturer à Google les 20 milliards de dollars annuels pour l’inclusion par défaut de Google Search dans Safari (relisez la phrase en gras). Soit environ 40 fois plus que ce que facture Mozilla à Google.
- La culture du jetable par Jeanne Guien à TEDxMonplaisir. Pas récent, mais très intéressant.
- Bien vivre dans les limites planétaires par Jean-Marc Jancovici. Pas de surprise pour ceux qui le connaissent, mais toujours percutant et synthétique (ce qui ne veut pas dire parfait).
À propos de la bulle de l’IA
- Trois raisons qui indiquent un explosion de la bulle IA, et deux qui pourraient retarder cette explosion :
- Les gens en parlent, et historiquement c’est un indicateur
- OpenAI a un burn rate qui explose, une structure juridique branlante (for profit ou pas ?) qui remet en cause l’investissement de 20 milliards par Softbank ;
- Les investissement dans les datacenters se déprécient très vite (2 ou 3 ans pour les GPU), ce qui implique de très gros revenus… qui ne sont pas là du tout ;
- MAIS… d’habitude les bulles sont financées par la dette, et pour l’instant, c’est surtout financé par des géants de la Tech qui ont de grosses réserves de cash ;
- ET contrairement au capital, aux GPU ou à l’électricité, qui finiront tous trois par manquer un jour, ce qui fait tenir une bulle , c’est la confiance dans son avenir. Et là, on a un peu l’impression d’être tombé sur une source inépuisable de confiance, fut-elle mal placée.
- The Case Against Generative AI, par Ed Zitron. Pas encore lu, mais c’est très long !
- Sur le sujet de la bulle de l’IA, Cory Doctorow enfonce le clou, et c’est brutal ;
- La Deutsche Bank avertit que la bulle de l’IA est la seule chose qui maintient l’économie US à flot et que, lorsque cette bulle éclatera, la réalité sera bien plus dure que ce que tout le monde imagine. En complément, Il n’existe pas une bulle unique de l’IA, mais trois dynamiques distinctes qui coexistent : la bulle spéculative, la bulle d’infrastructure et les promesses irréalistes ;
- AI is a money trap, écrivait Ed Zitron en Août. Des choses intéressantes, mais un ton vindicatif et un anglais fleuri, combinés à la trop longue lecture, rendent ce texte difficile à aborder pour les francophones. Mais ça, c’était avant que Thomas Gerbaud n’en fasse une version raccourcie en français : Le problème à mille milliards de dollars, que j’ai trouvé grâce à Hubert Guillaud et son article La tech au bord du gouffre financier ;
À propos de l’IA
- Aux USA, Anthropic va payer 3000€ par auteur de livre pour avoir pillé son oeuvre sans autorisation. Cela fait tout de même un total de 1,5 milliards de $. Dommage que cela soit limité aux USA, puisqu’il est probable que les IAs aient pillé aussi des milliers d’ouvrages (dont Surveillance://) ;
- Il y a 6 mois, le patron d’Anthropic disait que dans 3 à 6 mois, l’IA écrirait 90% du code. Bah non.
- Après que l’adoption d’une IA ait provoqué des licenciements, les développeurs sont embauchés pour corriger les erreurs de l’IA… Variante : The Software Engineers Paid to Fix Vibe Coded Messes ;
- En février dernier, un lanceur d’alerte d’OpenAI a été retrouvé mort dans son appartement. Il voulait alerter sur le pillage illégal par OpenAI d’oeuvres protégées par copyright et avait témoigné dans ce sens. Et maintenant, Musk et Tucker Carlson accusent le patron d’OpenAI de meurtre . Ca donnerait presque envie de sortir le pop-corn… Bon, d’un autre coté, Grok, l’IA de Musk, dit que Charlie Kirk (le podcasteur MAGA) qui a bien été assassiné, a survécu. Tout va bien…
- L’IA redessine le marché du travail au détriment des profils juniors. “Quand l’IA s’installe dans les processus métiers, elle valorise les experts capables de l’orienter et fragilise les jeunes qui apprenaient par les tâches d’exécution. Entre accélération des seniors et ralentissement des entrants, un nouveau filtre générationnel apparaît comme le démontre une récente étude de Harvard. Un défi inédit pour la Génération Z.”. Certes. Mais au delà, qui seront les séniors bien formés de demain si les juniors ne peuvent plus être formés ?
- C’est un peu comme si on avait 2 équipes de super-héros qui travaillaient sur l’empreinte environnementale de l’IA :
- On a beaucoup trop tendance à ne compter que la consommation d’énergie (et parfois l’eau) mais c’est regarder le problème par un petit bout de la lorgnette. Aucun doute, il faut aller au delà du carbone. Alors il a fallu que des chercheurs s’y collent, et une dream team a été assemblée à cet effet, et cela donne ce rapport : More than Carbon: Cradle-to-Grave environmental impacts of GenAI training on the Nvidia A100 GPU. “For training GPT-4, the use phase dominates 10 of 16 impact categories, contributing about 96 % to both the climate change and resource use, fossils category. The manufacturing stage dominates 6 of 16 impact categories including human toxicity, cancer (94 %) and eutrophication, freshwater (81 %).”
- Autre équipe, cette fois-ci pour un exercice de vulgarisation, feat. Lou Welgryn et Théo Alves Da Costa pour l’article Intelligence artificielle : le vrai coût environnemental de la course à l’IA. C’est un peu long mais très pédagogue et complet. Bravo !
- Utiliser l’IA générative pour innover : entre puissance créative, biais cognitif et jugement limité. Une intro à un papier scientifique écrit par une collègue d’OCTO, et c’est passionnant. Elle a cherché à mesurer la capacité créative d’une d’IA par rapport aux humains.
- Course à l’IA : appuyer sur pause, avec l’ami Irénée Régnauld (co-fondateur du Mouton Numérique)
- C’est vieux mais c’est excellentissime : Le numérique et l’IA au service de l’humanité et de la biosphère par Jean-Pierre Goux, qui justement sort Révolution Bleue (tome 2) / la clef des songes, que je n’ai pas lu mais qui est super prometteur si j’en crois le podcast Métamorphose #619 (passez outre le coté publi-reportage, c’est vraiment très bon). En gros, ça parle du Petit Prince comme métaphore de la conscience collective ;
- “Actuellement je gagne 1 € toutes les 3 h de travail” explique un travailleur du clic dans le reportage d’Arte Madagascar : les petites mains de l’IA à 3 mn 25 s. On se souviendra du documentaire d’Henri Poulain, Les sacrifiés de l’IA ;
- Environnement: le Haut Conseil pour le climat accuse la France de « menacer » l’accord de Paris ;
- Les géants de la tech accusés du vol de millions de chansons pour entraîner leurs IA. Source : ‘The Largest IP Theft in Human History’: Breaking Down The Years-Long Investigation Into How AI Firms Are Stealing Music ;
- IA et souveraineté, par votre serviteur au journal de 13h de France Inter : l’augmentation de capital de Mistral AI (avancer à 17 mn 44). Voir aussi IA : Mistral lève 1,7 milliard et conforte sa place de champion européen ;
- C’est devenu un métier : ingénieur logiciel payé pour remettre d’aplomb des applis codées en “Vibe Coding” (par une IA) : The Software Engineers Paid to Fix Vibe Coded Messes ;
- Je… non rien. En Albanie, le chef du gouvernement nomme un ministre généré par l’IA, une première ;
- Apple rend les armes face à Trump : Comment Apple apprend à son intelligence artificielle à s’adapter à l’ère Trump ;
- Utiliser l’IA pour optimiser un logiciel Libre ?. L’idée est séduisante pour quelqu’un comme moi qui travaille (dans EROOM) sur le sujet de l’optimisation. Et cela peut produire des résultats positifs, comme le raconte Faith Ekstrand, qui travaille sur les drivers de cartes graphiques pour Linux. SAUF QUE… les faibles gains (0,5 à 1% sur certains jeux) vont avec des rapports de bug écrits avec une IA par quelqu’un qui ne comprend rien à rien au sujet. Et ça donne un boulot très pénible aux relecteurs de code, qui ont déjà beaucoup de code médiocre à relire, code qui au moins est généré par des humains qui progressent quand on relit et améliore leur code. Bref, dorénavant, dans ce projet, si vous soumettez du code, vous en êtes responsable, qu’il soit écrit par un humain ou une IA, et vous devez pouvoir expliquer et documenter ce qu’il fait.
- Boosté par ChatGPT, un robot prouve qu’il n’est « pas un robot », alors que ChatGPT a pour instruction… de ne pas faire ce genre de choses !
- La voix IA de Lara Croft supprimée dans Tomb Raider après la plainte de sa doubleuse ;
De l’utilisation de l’IA comme compagnon
- OpenAI vient de publier un article de blog, How people are using ChatGPT, avec un papier plus complet : How people use ChatGPT (PDF). 49% pour lui demander un avis sur un problème, 40% pour lui faire faire quelque chose (relire, traduire, écrire), et 11% pour le reste. On notera deux changements au fil du temps. Auparavant, l’outil était surtout utilisé par des hommes et pour le travail. Maintenant les femmes sont majoritaires (de peu) et c’est en dehors du travail pour 3 demandes sur 4. ChatGPT est passé de 0 utilisateur en novembre 2022 à 700 millions en juillet 2025 (en 34 mois).
- Ça date de juillet mais 72% of US teens have used AI companions, study finds. 50% des ados ne croient pas ce que leur dit l’IA. Pourquoi s’en servent-ils ? 30% parce que c’est amusant, 28% parce qu’ils sont curieux, 18% pour obtenir des conseils, 17% parce qu’il est toujours disponible quand ils en ont besoin, 14% parce qu’il ne les juge pas, 12% pour parler de choses dont on ne peut pas parler avec les amis et la famille, 9% parce que c’est plus facile que de parler à des vrais gens.
- La crise des chatbots compagnons par Hubert Guillaud ;
À propos de mobilité
- Les voitures électriques moins chères à l’usage que les véhicules thermiques. « Les voitures électriques vendues en Europe aujourd’hui reviennent moins cher à l’achat et à l’usage que les alternatives à essence ou hybrides », assurent les experts du BCG. Ils prennent pour base un automobiliste qui roule 12 000 kilomètres par an pendant cinq ans, avec une « routière » ou une « familiale », charge à la maison et au travail et, occasionnellement, sur une borne publique rapide. « Même si le prix de l’essence tombe à 1 euro du litre, la voiture électrique reste, dans les trois quarts des cas, plus intéressante. Et si l’automobiliste recharge systématiquement son véhicule sur les bornes publiques, c’est aussi le cas avec un prix du litre d’essence supérieur à 1,55 euro », assurent les experts. L’économie moyenne pour un automobiliste français serait de 8 000 euros sur cinq ans, soit 130 euros par mois. C’est sympa de voir l’argument financier compléter l’argument écologique expliqué ci-dessous.
- Life-cycle greenhouse gas emissions from passenger cars in the European Union: A 2025 update and key factors to consider. Comme l’explique Le Monde, sur la base de ce rapport, « Les voitures électriques à batterie vendues aujourd’hui produisent 73 % moins d’émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie que leurs homologues à essence, même si l’on tient compte de leur production. »
- « Des objectifs déjà largement manqués » – pour Aurélien Bigo, le vélo mérite mieux en France ;
- Documentaire « Véli : un avenir possible pour la mobilité du quotidien ? », un documentaire de 28 mn sur les véhicules intermédiaires. À ne pas rater ! On y retrouve Hélène Jacquemin d’IN’VD, que j’ai eu l’honneur d’interroger dans mon podcast l’Octet Vert S3E07. Et pour ceux qui se demandent ce que VELI veut dire, c’est VÉhicule Léger Intermédiaire ;
- C’est très vieux (2019 !) mais toujorus très bon : Pourquoi la pluie est une mauvaise excuse pour ne pas se mettre au vélotaf. Dans mon cas, avec un trajet de 25 mn, je suis mouillé 24 fois par an à Paris. Mais comme en plus j’ai la chance de pouvoir décaler mes trajets la plupart du temps, c’est en fait beaucoup moins. Pour cela, j’utilise une application qui m’indique quand il va pleuvoir dans l’heure. Dans mon cas, c’est RainToday sur iPhone, mais l’appli MétéoFrance propose le même service.
À propos de souveraineté / autonomie stratégique
- Mon employeur, OCTO Technology, publie un travail Hors-série : souveraineté numérique. Comprendre et pivoter pour assurer l’autonomie stratégique. Cela parle donc de ce sujets, de standards, d’Open Source, de logiciels Libres, de Communs Numériques. Et, l’un des deux auteurs est un certain Benjamin Bayart, que certains connaissent ici.
- L’appétit insoutenable de nos sociétés en métaux, et comment lui survivre, et comment les matériaux critiques sont un facteur de dépendance stratégique ;
Très en vrac
- Décret du 4 septembre 2025 portant nomination au Comité consultatif national d’éthique du numérique, avec des gens qui étaient déjà avec moi au comité préfiguratif (bravo à eux, Alexei, Célia, Raja, Serena…) et de nouvelles têtes ! Longue vie à ce comité.
- Je note ça, ça peut servir : si vous pensez posséder un tapuscrit qui nous intéresserait, n’hésitez pas à l’envoyer à l’adresse copiegauche à mailfence.com dans le format .odt, si jamais je venais à chercher un éditeur pour ma nouvelle Solarpunk !
- Écrire sans se vendre : manifeste pour l’invisibilité , trouvé via un excellent billet de Ploum, À la recherche de l’humanité perdue…. Ploum a cette immense qualité de faire des billets En Vrac qui ont la particularité d’être rédigés.
- Toujours via Ploum, un professeur norvégien de psychologie aurait (notez le conditionnel) découvert que le QI, qui n’a cessé d’augmenter depuis son invention, serait en train de régresser. Parmi les explications possibles, qui ne sont que des hypothèses, ce serait la perte de vitesse des livres. Pour qu’un essai soit imprimé par un éditeur, il faut avoir un truc à dire, le dire de façon construite et rationnelle, et c’est le rôle de l’éditeur de s’assurer qu’on fait du travail de qualité, de façon à ce qu’il se vende. Maintenant que TikTok, Insta et Youtube sont les premières façon de s’exprimer, les attributs du livre imprimé, sa sélection, son exigence, sont en perte de vitesse. Pas étonnant dans ce contexte, qu’on devienne collectivement plus cons. Bien sûr, tout cela est un peu tiré par les cheveux et donc à prendre avec des pincettes. Vivement que l’IA nous tire de là ! (non). Source : On the Reverse Flynn Effect.
- La pub, c’est mal, mais parfois - certes très rarement -, c’est bien. Comme cette pub pour l’équivalent allemand de la SNCF, qui compare le prix d’un billet de train à celui d’un billet d’avion pour voir à peu près la même chose. Deutsche Bahn, no need to fly ;
- Thierry Crouzet, à propos des réseaux sociaux et messageries financées par le capitalisme de surveillance : C’est le moyen de toucher tout le monde ;
- Sludge : de la dégradation volontaire du service client, par Hubert Guillaud. Ou comment le numérique est utilisé par les grandes marques quasi-monopolistiques pour ne pas répondre aux demandes des clients ;
- Transition écologique : son coût est «bien inférieur à celui de l’inaction», affirme la Cour des comptes. “Estimant les résultats de la France en la matière «insuffisants», les Sages de la rue Cambon exhortent le gouvernement à agir de manière «urgente» pour combler «les retards» et faire face à l’augmentation des coûts à prévoir.” ;
- Tails 7.0 est sortie et elle est dédicacée à l’ami Lunar (1982-2024) ;
- Exodus Privacy a besoin d’aide !
- En France, la démocratie est en décrochage, selon un rapport dénonçant des entraves au droit de manifester. Le rapport : France : démocratie en décrochage (format PDF) ;
- L’ami Bastien Guerry quitte la DINUM après 8 ans à activer le logiciel Libre au sein de l’État. Un immense merci pour son travail. Il part en direction de SoftwareHeritage.org, un superbe projet.
- Aux Etats-Unis, l’extrême droite est impliquée dans 93 % des meurtres extrémistes ;
- Un logiciel libre pour bloquer les appels indésirables, Saracroche ;
- L’acidification des océans dépasse un seuil critique, la septième ‘limite planétaire’ sur neuf est désormais franchie ;
Des nouvelles de Windows 10
- la Démarche NIRD : pour un numérique Inclusif, Responsable et Durable, dans le contexte de la fin de Windows 10, l’Education Nationale s’engage vers Linux pour réutiliser du matériel informatique rendu obsolète par la désastreuse décision de Microsoft d’envoyer à la casse des centaines de millions de PC. Un titre de Que Choisir annonce très justement “Un scandale environnemental signé Microsoft”.
- Une palanquée d’associations font une pétition très visible, intitulée Non à la taxe Windows. Pris de panique, Microsoft annonce un sursis pour les utilisateurs européens, avec un an de mises à jour gratuites qui ne résout rien. Peut être un peu de temps gagné pour passer à Linux plus sereinement ?
Des nouvelles d’EROOM
- Pourquoi et comment rendre le numérique et l’IA moins polluants ?, une version d’EROOM pour les jeunes. J’adore !
- Il ne cite pas EROOM, mais raconte bien la loi de Moore et la loi de Wirth, c’est le numéro 19 de Limites Numériques ;
- Échange au coin du feu au Clever Cloud Fest, où je discute avec mon vieux complice Jb Piacentino de l’évolution du numérique ces 45 dernières années.
- Interview de Tristan Nitot : faire tourner le numérique de demain sur le matériel d’hier, une qualité nécessaire, où je parle d’EROOM sous l’angle de la qualité.
30.09.2025 à 06:00
Vélorutopia, chapitre 11 : À cheval !
Tristan Nitot
Le lendemain fut encore marqué par les courbatures. Bob avait dit vrai, ça n’était pas des vacances, mais c’était enthousiasmant. Batarès apprenait plein de choses, se sentait utile, vivait avec des gens ayant une vie simple et des relations saines. Que tout cela semblait loin des intrigues de bureau dans un grand groupe automobile !
Bob avait décrété que la journée serait consacrée au labour. Aussi, après le petit déjeuner, ils allèrent dans un champ proche de la ferme, où Djamel avait déjà mené un cheval de trait et une charrue. Il allait faire équipe avec Djamel pour la journée dans ce champ de petite taille et entouré de haies, certaines plantées récemment. Au début, Bob et Djamel lui montrèrent comment faire, l’un qui guide le cheval, l’autre qui tient la charrue. Au bout d’un moment, ce fut au tour de Batarès de tenir les rênes, assisté de Djamel, Bob tenant la charrue.
— Reste bien droit, merde ! lança Bob
— Oulah, c’est bien moins facile que ça n’en a l’air, s’excusa Batarès. Il n’étaient pas encore arrivés au bout du champ que Charlie transpirait déjà à grosses gouttes.
— T’es trop tendu, Charlie, remarqua Djamel. Tu vas jamais tenir la journée si tu t’y prends comme ça.
— Bah oui, mais en même temps, faut aller bien droit !
— T’en fais pas, on a tous commencé un jour. Tu vas y arriver.
Au bout d’un moment, les choses semblaient bien en main, et Bob retourna à la ferme, les laissant œuvrer avec le cheval de trait.
Ce champ, qui lui avait semblé tout petit quand il était arrivé, lui semblait dorénavant juste de la bonne taille, compte tenu de l’effort demandé pour le labourer. Faire attention d’aller tout droit n’était pas facile, mais les demi-tours avec le cheval et la charrue n’étaient pas simples non plus.
Pour briser la monotonie de l’effort, Charlie reprit la conversation avec Djamel.
— Quand même, si on avait un tracteur électrique…
— Ça n’est pas juste une question de gaz à effet de serre et donc de changement climatique, tu sais. Avec un cheval, le labour est moins profond qu’avant, puisqu’on n’a pas autant de puissance qu’avec un moteur, et le sol n’est plus tassé par le poids du tracteur, donc c’est bien meilleur pour la santé des sols.
Désignant le tour du champ, Charlie demanda :
— Dis Djamel, elles m’ont l’air récentes, ces haies, non ?
— Oui, on en replante autant que possible. Cela renforce la biodiversité, les oiseaux les adorent, et la vie reprend, il y a plus d’insectes, plus de vers de terre, la terre est plus fertile, les rendements remontent.
— Mais avant, on arrachait les haies, non ?
— Oui, il paraît, mais c’était pour les tracteurs. On voulait des champs très grands, pour limiter les manœuvres avec des tracteurs et d’autres grosses machines. À cette époque-là, ils n’ont pas réalisé qu’ils détruisaient la vie, que leur approche était néfaste. Les rendements augmentaient avant de diminuer pour ne plus remonter. Heureusement, la fin de la mécanisation, la faute à l’absence de carburant, a fait qu’on est revenu à des pratiques plus durables, avec les chevaux. On plante même des arbres dans les haies, on appelle ça l’agro-foresterie. On expérimente, on ressort des vieilles méthodes qu’on a retrouvées dans les livres, et on améliore tout ça, on partage ça sur des forums dans un Wiki, dans un MOOC pour que les jeunes apprennent. À la ferme d’à côté, ils ont même fait eux-même un genre de tracteur super léger avec un pédalier de vélo et une assistance électrique, sur la base de plans faits par l’Atelier Paysan. Tout le métal provenait de voitures désossées, bien sûr…
— Des voitures désossées ? interrogea Batarès avec un voile d’angoisse dans les yeux…
Ils se retrouvèrent tous pour le déjeuner, Batarès était fatigué mais très fier de sa matinée.
— Je n’ai pas réalisé mon rêve d’enfant de conduire un gros tracteur, mais j’ai appris à mener un cheval, un gros même, et je crois que j’en suis tout aussi fier !
— En plus, là où le tracteur émettait des tonnes de CO2, le cheval produit plutôt des engrais bien utiles pour le maraîchage !
Fatima, une des travailleuses de la ferme, avait confectionné un genre de couronne avec des feuilles qu’elle vint poser sur la tête de Batarès.
— Mais en quel honneur ? demanda-t-il.
— Tu es le roi du cheval, car tu viens d’apprendre à le guider. C’est une tradition qu’on a ici, pour les nouveaux. Nous avons tous été roi ou reine du cheval un jour, autour de cette table, et c’est toi le dernier en date !
Tous levèrent leur verre à la santé de sa majesté Charlie, qui rougissait de plaisir. L’après-midi serait consacré au maraîchage, car moins physique que le labour. Un message d’Alpha lui apprit qu’elle viendrait le chercher le lendemain matin. Ils décidèrent donc de faire un dîner de fête pour son départ.
Pour l’occasion, Charlie dut faire un petit discours, où il remercia chacun pour ce séjour qui fut si particulier pour lui. La chaleur humaine, l’entraide, comme quoi on peut apprendre à tout âge, la reprise de contact avec la nature, toutes ces choses dont il avait été trop longtemps déconnecté. Il esquiva la raison de sa déconnexion, bien sûr, et ses nouveaux amis sentirent qu’il valait mieux éviter les questions gênantes. Charlie fut très ému.
Le lendemain, alors qu’il partait vers Paris avec Alpha, tous leur firent une haie d’honneur, tandis qu’ils s’éloignaient en direction de la grande ville.
— Quand même, ils sont tous super sympas, bienveillants, chaleureux, ces gens de la ferme… C’était pas comme ça chez Penault !
— C’est le genre de chose qui arrive dans une organisation quand vous remplacez la compétition par la coopération…
Ensuite : Chapitre 12 : La mer, qu’on voit danser le long des golfes clairs
Table des matières
- Chapitre premier : Paris, 2051
- Chapitre 2 : La rencontre
- Chapitre 3 : En selle !
- Chapitre 4 : Électrique
- Chapitre 5 : Chouette, un nouveau téléphone !
- Chapitre 6 : Clamart, 2015
- Chapitre 7 : Allez-y sans nous dans votre dystopie de merde
- Chapitre 8 : Ma petite entreprise
- Chapitre 9 : La ferme
- Chapitre 10 : À bicyclette
- Chapitre 11 : À cheval
- Chapitre 12 : La mer, qu’on voit danser le long des golfes clairs
- Chapitre 13 : On dirait le Sud
- Chapitre 14 : ¿Por qué te vas?
- Chapitre 15 : Épilogue
- Remerciements et colophon
Ce document est sous licence CC-BY-SA Tristan Nitot
Texte intégral (1461 mots)
Le lendemain fut encore marqué par les courbatures. Bob avait dit vrai, ça n’était pas des vacances, mais c’était enthousiasmant. Batarès apprenait plein de choses, se sentait utile, vivait avec des gens ayant une vie simple et des relations saines. Que tout cela semblait loin des intrigues de bureau dans un grand groupe automobile !
Bob avait décrété que la journée serait consacrée au labour. Aussi, après le petit déjeuner, ils allèrent dans un champ proche de la ferme, où Djamel avait déjà mené un cheval de trait et une charrue. Il allait faire équipe avec Djamel pour la journée dans ce champ de petite taille et entouré de haies, certaines plantées récemment. Au début, Bob et Djamel lui montrèrent comment faire, l’un qui guide le cheval, l’autre qui tient la charrue. Au bout d’un moment, ce fut au tour de Batarès de tenir les rênes, assisté de Djamel, Bob tenant la charrue.
— Reste bien droit, merde ! lança Bob
— Oulah, c’est bien moins facile que ça n’en a l’air, s’excusa Batarès. Il n’étaient pas encore arrivés au bout du champ que Charlie transpirait déjà à grosses gouttes.
— T’es trop tendu, Charlie, remarqua Djamel. Tu vas jamais tenir la journée si tu t’y prends comme ça.
— Bah oui, mais en même temps, faut aller bien droit !
— T’en fais pas, on a tous commencé un jour. Tu vas y arriver.
Au bout d’un moment, les choses semblaient bien en main, et Bob retourna à la ferme, les laissant œuvrer avec le cheval de trait.
Ce champ, qui lui avait semblé tout petit quand il était arrivé, lui semblait dorénavant juste de la bonne taille, compte tenu de l’effort demandé pour le labourer. Faire attention d’aller tout droit n’était pas facile, mais les demi-tours avec le cheval et la charrue n’étaient pas simples non plus.
Pour briser la monotonie de l’effort, Charlie reprit la conversation avec Djamel.
— Quand même, si on avait un tracteur électrique…
— Ça n’est pas juste une question de gaz à effet de serre et donc de changement climatique, tu sais. Avec un cheval, le labour est moins profond qu’avant, puisqu’on n’a pas autant de puissance qu’avec un moteur, et le sol n’est plus tassé par le poids du tracteur, donc c’est bien meilleur pour la santé des sols.
Désignant le tour du champ, Charlie demanda :
— Dis Djamel, elles m’ont l’air récentes, ces haies, non ?
— Oui, on en replante autant que possible. Cela renforce la biodiversité, les oiseaux les adorent, et la vie reprend, il y a plus d’insectes, plus de vers de terre, la terre est plus fertile, les rendements remontent.
— Mais avant, on arrachait les haies, non ?
— Oui, il paraît, mais c’était pour les tracteurs. On voulait des champs très grands, pour limiter les manœuvres avec des tracteurs et d’autres grosses machines. À cette époque-là, ils n’ont pas réalisé qu’ils détruisaient la vie, que leur approche était néfaste. Les rendements augmentaient avant de diminuer pour ne plus remonter. Heureusement, la fin de la mécanisation, la faute à l’absence de carburant, a fait qu’on est revenu à des pratiques plus durables, avec les chevaux. On plante même des arbres dans les haies, on appelle ça l’agro-foresterie. On expérimente, on ressort des vieilles méthodes qu’on a retrouvées dans les livres, et on améliore tout ça, on partage ça sur des forums dans un Wiki, dans un MOOC pour que les jeunes apprennent. À la ferme d’à côté, ils ont même fait eux-même un genre de tracteur super léger avec un pédalier de vélo et une assistance électrique, sur la base de plans faits par l’Atelier Paysan. Tout le métal provenait de voitures désossées, bien sûr…
— Des voitures désossées ? interrogea Batarès avec un voile d’angoisse dans les yeux…
Ils se retrouvèrent tous pour le déjeuner, Batarès était fatigué mais très fier de sa matinée.
— Je n’ai pas réalisé mon rêve d’enfant de conduire un gros tracteur, mais j’ai appris à mener un cheval, un gros même, et je crois que j’en suis tout aussi fier !
— En plus, là où le tracteur émettait des tonnes de CO2, le cheval produit plutôt des engrais bien utiles pour le maraîchage !
Fatima, une des travailleuses de la ferme, avait confectionné un genre de couronne avec des feuilles qu’elle vint poser sur la tête de Batarès.
— Mais en quel honneur ? demanda-t-il.
— Tu es le roi du cheval, car tu viens d’apprendre à le guider. C’est une tradition qu’on a ici, pour les nouveaux. Nous avons tous été roi ou reine du cheval un jour, autour de cette table, et c’est toi le dernier en date !
Tous levèrent leur verre à la santé de sa majesté Charlie, qui rougissait de plaisir. L’après-midi serait consacré au maraîchage, car moins physique que le labour. Un message d’Alpha lui apprit qu’elle viendrait le chercher le lendemain matin. Ils décidèrent donc de faire un dîner de fête pour son départ.
Pour l’occasion, Charlie dut faire un petit discours, où il remercia chacun pour ce séjour qui fut si particulier pour lui. La chaleur humaine, l’entraide, comme quoi on peut apprendre à tout âge, la reprise de contact avec la nature, toutes ces choses dont il avait été trop longtemps déconnecté. Il esquiva la raison de sa déconnexion, bien sûr, et ses nouveaux amis sentirent qu’il valait mieux éviter les questions gênantes. Charlie fut très ému.
Le lendemain, alors qu’il partait vers Paris avec Alpha, tous leur firent une haie d’honneur, tandis qu’ils s’éloignaient en direction de la grande ville.
— Quand même, ils sont tous super sympas, bienveillants, chaleureux, ces gens de la ferme… C’était pas comme ça chez Penault !
— C’est le genre de chose qui arrive dans une organisation quand vous remplacez la compétition par la coopération…
Ensuite : Chapitre 12 : La mer, qu’on voit danser le long des golfes clairs
Table des matières
- Chapitre premier : Paris, 2051
- Chapitre 2 : La rencontre
- Chapitre 3 : En selle !
- Chapitre 4 : Électrique
- Chapitre 5 : Chouette, un nouveau téléphone !
- Chapitre 6 : Clamart, 2015
- Chapitre 7 : Allez-y sans nous dans votre dystopie de merde
- Chapitre 8 : Ma petite entreprise
- Chapitre 9 : La ferme
- Chapitre 10 : À bicyclette
- Chapitre 11 : À cheval
- Chapitre 12 : La mer, qu’on voit danser le long des golfes clairs
- Chapitre 13 : On dirait le Sud
- Chapitre 14 : ¿Por qué te vas?
- Chapitre 15 : Épilogue
- Remerciements et colophon
Ce document est sous licence CC-BY-SA Tristan Nitot
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