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Thomas Piketty
Chercheur en sciences sociales

Le blog de Thomas Piketty


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15.04.2025 à 09:02

Repenser le monde sans les Etats-Unis

piketty

Texte intégral (1772 mots)

Les États-Unis ne sont plus un pays fiable. Pour certains le constat n’a rien de nouveau. La guerre d’Irak lancée en 2003, avec à la clé plus de cent mille morts, une déstabilisation régionale durable et le retour de l’influence russe, avait déjà montré au monde les méfaits de l’hubris militaire états-unien. Mais la crise actuelle est nouvelle, car elle met en cause le cœur même de la puissance économique, financière et politique du pays, qui apparaît comme déboussolé, gouverné par un chef instable et erratique, sans aucune force de rappel démocratique.

Pour penser la suite, il faut prendre la mesure du tournant en cours. Si les trumpistes mènent une politique aussi brutale et désespérée, c’est parce qu’ils ne savent pas comment réagir face à l’affaiblissement économique du pays. Exprimé en parité de pouvoir d’achat, c’est-à-dire en volume réel de biens, de services et d’équipements produits chaque année, le PIB de la Chine a dépassé celui des Etats-Unis en 2016. Il est actuellement plus de 30% plus élevé et atteindra le double du PIB états-unien d’ici 2035. La réalité est les Etats-Unis sont en train de perdre le contrôle du monde.

Plus grave encore : l’accumulation des déficits commerciaux a conduit le pays à une dette extérieure publique et privée d’une ampleur inédite (70% du PIB en 2025). La remontée des taux d’intérêt pourrait conduire les Etats-Unis à devoir verser au reste du monde des flux d’intérêts considérables, ce à quoi ils avaient jusqu’ici échappé grâce à leur mainmise sur le système financier mondial. C’est ainsi qu’il faut lire la proposition détonante des économistes trumpistes visant à taxer les intérêts versés aux détenteurs étrangers de titres états-uniens. Plus direct encore, Trump veut renflouer son pays en s’appropriant les minerais ukrainiens, en prime du Groenland et de Panama. 

D’un point de vue historique, il faut noter que l’énorme déficit commercial états-unien – environ 3-4% du PIB en moyenne chaque année de 1995 à 2025  – a un seul précédent pour une économie de cette taille : c’est approximativement le déficit commercial moyen des principales puissances coloniales européennes (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas) entre 1880 et 1914. La différence est que ces pays détenaient d’énormes actifs extérieurs, qui leur rapportaient tellement d’intérêts et de dividendes que cela suffisait amplement à financer leur déficit commercial, tout en continuant d’accumuler des créances dans le reste du monde.

Trump n’est au fond qu’un chef colonial empêché. Comme l’Europe du passé, il voudrait que la pax americana soit récompensée par des subsides versés par le reste du monde reconnaissant, de façon à financer éternellement ses déficits. Le problème est que la puissance états-unienne est déjà déclinante, et que l’époque ne se prête plus du tout à ce type de colonialisme brutal et sans retenue. Perdu sans ses références passéistes, Trump semble ignorer que les Etats-Unis se sont construits en 1945 sur la rupture avec l’ordre colonial européen et la mise en place d’un autre modèle de développement, fondé sur l’idéal démocratique et une avance éducative considérable sur le reste du monde. Ce faisant, il mine le prestige moral et politique sur lequel son pays a bâti son leadership.

Que faire face à cet effondrement ? D’abord s’adresser aux pays du Sud et leur proposer la mise en place d’un nouveau multilatéralisme social et écologique, en lieu et place du défunt multilatéralisme libéral. L’Europe doit enfin soutenir une réforme profonde de la gouvernance du FMI et de la Banque Mondiale, de façon à sortir du système censitaire actuel et de donner toute leur place à des pays comme le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud. Si elle continue de s’allier aux Etats-Unis pour bloquer ce processus irrémédiable, alors les BRICS bâtiront inévitablement une architecture internationale parallèle, sous la houlette de la Chine et de la Russie. Si l’Afrique subsaharienne avait bénéficié de meilleurs termes des échanges au cours des dernières décennies, elle aurait pu investir dans ses infrastructures, son éducation et sa santé. Au lieu de cela, ses gouvernements doivent se débattre dans des conditions héroïques avec des moyens affligeants (à peine 200€ par an et par enfant en parité de pouvoir d’achat pour l’éducation d’un élève en primaire et secondaire, 60€ aux taux de change courants), là où chaque enfant du Nord a droit à 40 ou 50 fois plus (8000€ en Europe, 10000€ aux Etats-Unis).  

De même, l’Europe a commis une grave erreur en 2024 en s’opposant à la proposition de justice fiscale promue au G20 par le Brésil, et en votant contre la mise en place à l’ONU d’une convention-cadre sur la fiscalité équitable, là encore avec les Etats-Unis, tout cela pour préserver le monopole de l’OCDE et du club des pays riches sur ces questions jugées trop importantes pour être laissées aux plus pauvres.  

L’Europe doit enfin reconnaître son rôle dans les déséquilibres commerciaux mondiaux. Il est aisé de stigmatiser les excédents objectivement très excessifs de la Chine, qui comme les Occidentaux avant elle abuse de son pouvoir pour sous-payer les matières premières et inonder le monde de biens manufacturiers. Ce qui en outre ne bénéficie guère à sa population, qui aurait bien besoin de salaires plus élevés et d’une sécurité sociale digne de ce nom. Mais le fait est que l’Europe a également tendance à sous-consommer et sous-investir sur son territoire. Entre 2014 et 2024, la balance commerciale (biens et services) des Etats-Unis accuse un déficit annuel moyen d’environ 800 milliards de dollars. Pendant ce temps, l’Europe réalise un excédent moyen de 350 milliards de dollars, presque autant que la Chine, le Japon, la Corée et Taïwan réunis (450 milliards). Il faudra bien plus que la relance militaro-budgétaire allemande ou la mini-taxe carbone aux frontières envisagées actuellement pour que l’Europe contribue enfin à promouvoir un autre modèle de développement, social, écologique et équitable.

 

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15.04.2025 à 07:40

Rethinking the world without the US

piketty

Texte intégral (1578 mots)


The United States is no longer a reliable country. For some, this is nothing new. The Iraq War, launched in 2003 – resulting in over 100,000 deaths, lasting regional destabilization, and the return of Russian influence – had already shown the world the wrondoings of American military hubris. But the current crisis is new because it challenges the very core of the country’s economic, financial, and political power. The US appears disoriented, led by an unstable and erratic leader with no democratic counterweight.

To envision what comes next, we need to comprehend the ongoing turning point. If Trumpists are pursuing such a brutal and desperate policy, it’s because they don’t know how to respond to the country’s economic decline. Measured in purchasing power parity – meaning the real volume of goods, services, and equipment produced each year – China’s GDP surpassed that of the US in 2016. It is currently more than 30% higher and will reach double the US GDP by 2035. The reality is that the US is losing control of the world.


More serious still, the accumulation of trade deficits has pushed the country’s public and private external debt to unprecedented levels (70% of GDP by 2025). The rise in interest rates could lead the US to have to pay substantial interest flows to the rest of the world, something it had so far escaped thanks to its grip on the global financial system. It is in this context that we should interpret the explosive proposal by Trumpist economists to tax interest payments to foreign holders of US securities. More directly, Trump wants to refill his country’s coffers by seizing Ukrainian minerals, along with Greenland and Panama.


From a historical perspective, it is worth noting that the enormous US trade deficit (about 3-4% of GDP on average each year from 1995 to 2025) has only one precedent for an economy of this size: It correspondents roughly to the average trade deficit of the major European colonial powers (United Kingdom, France, Germany, and the Netherlands) between 1880 and 1914. The difference is that those countries held vast external assets, which brought in so much interest and dividends that it was more than enough to fund their trade deficit while continuing to accumulate claims in the rest of the world.


Trump is essentially nothing more than a thwarted colonial leader. Like the European powers of the past, he wants the « Pax Americana » to be rewarded by subsidies from a grateful world in order to eternally finance its deficits. The problem is that American power is already declining, and the era no longer lends itself to this type of brutal and unrestrained colonialism. Lost in his backward references, Trump seems unaware that the US built itself in 1945 on a break with the European colonial order and on the creation of a different development model based on democratic ideals and a significant educational advantage over the rest of the world. In doing so, he undermines the moral and political prestige on which his country’s leadership has been built.


What to do in the face of this collapse? First, address the countries of the Global South and propose the establishment of a new social and environmental multilateralism to replace the now-defunct liberal multilateralism. Europe must finally support a thorough reform of the governance of the International Monetary Fund and the World Bank in order to move away from the current censitary system and give countries like Brazil, India and South Africa their rightful place. If it continues to ally with the US in blocking this inevitable transformation, then the BRICS [Brazil, Russia, India, China, and South Africa] will inevitably build a parallel international architecture led by China and Russia.

If Sub-Saharan Africa had benefited from better terms of trade over the past decades, it could have invested in its infrastructure, education, and health. Instead, its governments are forced to struggle in heroic conditions with extremely limited resources: barely €200 per child per year in purchasing power parity for primary and secondary education (€60 at current exchange rates), while each child in the Global North is entitled to 40 or 50 times more (€8,000 in Europe, €10,000 in the US).

Similarly, Europe made a grave mistake in 2024 by opposing the fiscal justice proposal promoted by Brazil at the G20 and by voting – alongside the US –against the establishment of a framework convention on fair taxation at the United Nations. All of this was done to preserve the OECD’s monopoly – and that of the club of rich countries – over issues deemed too important to be left to the poorest.


Europe must finally recognize its role in global trade imbalances. It is easy to stigmatize China’s objectively excessive surpluses. Like the Western powers before it, China abuses its power to underpay for raw materials and flood the world with manufactured goods. This strategy also barely benefits its population, who would greatly benefit from higher wages and a proper social security system.


But the fact is that Europe also tends to underconsume and underinvest in its territory. Between 2014 and 2024, the balance of trade (goods and services) of the US recorded an average annual deficit of about $800 billion. Meanwhile, Europe achieved an average surplus of $350 billion, almost as much as China, Japan, South Korea, and Taiwan combined ($450 billion). It will take much more than Germany’s military budget revival or the current discussions of a modest carbon border tax for Europe to finally contribute to promoting a different development model – one that is social, environmental, and equitable.

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18.03.2025 à 09:43

Regaining confidence in Europe

piketty

Texte intégral (1618 mots)
In the face of the Trumpian onslaught, Europe urgently needs to regain its self-confidence and propose a different development model to its citizens and the world. To achieve this, it must start by overcoming the permanent self-denigration that too often stands in for public debate on our continent. According to the doxa that prevails in many leadership circles, Europe is living beyond its means and needs to tighten its belt. The latest version of this rhetoric states that social spending should be cut in order to concentrate on the only priority that counts: The race with Donald Trump and Vladimir Putin on military spending.

The problem is that everything about this diagnosis is wrong. In economic terms, the reality is that Europe is perfectly capable – if that proves useful – of pursuing several objectives at the same time. In particular, Europe has been running strong balance of payments surpluses for years, while the United States has a huge deficit. In other words, it is the US that spends more within its own territory than it produces, while Europe does exactly the opposite, accumulating its savings in the rest of the world (notably, in the US).

Over the last 15 years, the average annual surplus has reached 2% of Europe’s gross domestic product (GDP), which has not been seen for over a century. This can be seen just as well in southern Europe as in Germany and northern Europe, with levels sometimes exceeding 5% of GDP in certain countries. By contrast, since 2010, the US has accumulated average deficits of around 4% of its GDP.

France is in the middle of the pack, with a near-even balance of payments (with a deficit of less than 1% of its GDP, and a younger population than its neighbors). The truth is that Europe has healthier economic and financial fundamentals than the US – indeed, they are so healthy that the real risk has long been not spending enough. Rather than an austerity treatment, Europe needs, more than anything, an investment treatment if it is to avoid slow agony, as the Draghi Report aptly diagnosed.

However, it must do so in its own European way, by prioritizing human welfare and sustainable development, and focusing on collective infrastructure (training, health, transport, energy, climate). Europe has already overtaken the US in health terms, with a life expectancy gap that continues to expand in the Europeans’ favor.
All this while spending just over 10% of GDP on European healthcare, while the US hovers around 18%, proof, if any were needed, of the private sector’s inefficiency and the extra costs it generates, no matter what Elon Musk and his brigades may think. Europe must continue to support its healthcare professionals so that they can continue in this vein. It also has the means to definitively surpass the US in terms of transport, climate, training and productivity, provided it makes the necessary public investments.

If indispensable, Europe could also increase its military spending. However, it remains to be proved that this is necessary. Dedicating billions to the military is an easy way to show that we’re doing something about the Russian threat, but there’s nothing to say that it’s the most effective one. Combined, European budgets already far exceed Russian budgets. The real challenge is to spend these sums together, and, above all, to establish structures to enable collective decisions on effectively protecting Ukrainian territory.
 
To finance the country’s reconstruction, it’s also time for Europe to not only seize Russian public assets (totalling €300 billion, including €210 billion in Europe) but also private assets, estimated at around €1 trillion, most of which is in Europe, and of which only a few crumbs have been seized to date. This will require the establishment of a genuine European asset registry to finally record who owns what on our continent, a tool that is also indispensable for combating serious crime and pursuing a social and tax justice policy.
 
Then there’s the essential question. Why isn’t Europe, with its wealth of savings and de facto position as the world’s leading economic and financial power, investing more? One classic explanation is a demographic one: European countries, faced with the prospect of aging populations, are preparing for their citizens’ old age by accumulating tons of savings in the rest of the world. Yet it would be more useful to spend these sums in Europe, to enable the continent’s younger generations to imagine a future for themselves.
 
Another explanation is nationalism: Each European country suspects its neighbor of wanting to squander the products of its labor, and prefers to keep them under lock and key. Commercial and financial globalization has fuelled deep anxiety – for instance in Sweden, after the 1992 banking crisis, and in Germany, during the 1998-1999 post-unification crisis – and has, in Europe, led many to fall back on saving and an « everyone for themselves » mindset, which has only gotten worse since the 2008 financial crisis.
 
However, the main factor is, first and foremost, political and institutional. There is no existing democratic framework in which European citizens can collectively decide how best to use the wealth they produce. At present, these decisions are effectively left to a few large groups and a small social segment of corporate executives and shareholders. The solution to this can take many forms, such as a European Parliamentary Union relying on a strong core of countries. What is certain is that the demand for Europe has never been so strong, and that leaders have a duty to respond to it with boldness and imagination, going beyond the beaten track and false certainties.
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18.03.2025 à 09:39

Reprendre confiance en l’Europe

piketty

Texte intégral (1772 mots)

Face à la déferlante trumpiste, il est urgent que l’Europe reprenne confiance en elle-même et propose à ses citoyens et au monde un autre modèle de développement. Pour y parvenir, il faut commencer par sortir de l’autodénigrement permanent qui tient trop souvent lieu de débat public sur notre continent. D’après la doxa en vigueur dans de nombreux cercles dirigeants, l’Europe vivrait au-dessus de ses moyens et devrait se serrer la ceinture. La dernière version de ce discours est qu’il faudrait couper dans les dépenses sociales afin de se concentrer sur la seule priorité qui vaille : la course-poursuite avec Trump et Poutine sur les dépenses militaires.

Le problème est que tout est faux dans ce diagnostic. Sur le plan économique, la réalité est que l’Europe a parfaitement les moyens – si cela s’avère utile – de poursuivre plusieurs objectifs en même temps.  En particulier, l’Europe dégage depuis des années de solides excédents de sa balance des paiements, alors que les États Unis ont un énorme déficit. Autrement dit, ce sont les Etats-Unis qui consomment et investissent sur leur territoire plus qu’ils ne produisent, alors que l’Europe fait exactement l’inverse et accumule son épargne dans le reste du monde (notamment aux Etats-Unis). Au cours des quinze dernières années, l’excédent annuel moyen atteint les 2% du PIB en Europe, ce qui ne s’est tout simplement jamais vu depuis plus d’un siècle. Il s’observe  en Europe du Sud aussi bien qu’en Allemagne et en Europe du Nord, avec des niveaux dépassant parfois les 5% du PIB. A l’inverse, les Etats-Unis ont accumulé depuis 2010 des déficits moyens de l’ordre de 4% du PIB. La France se situe à mi-chemin et affiche une balance des paiements en quasi-équilibre (avec un déficit inférieur à 1% du PIB et une population sensiblement plus jeune que ses voisins). La vérité est que l’Europe a des fondamentaux économiques et financiers plus sains que les Etats-Unis – tellement sains que le vrai risque est depuis longtemps de ne pas dépenser suffisamment. Plutôt que d’une cure d’austérité, l’Europe a surtout besoin d’une cure d’investissement si elle veut éviter une lente agonie, comme l’a bien diagnostiqué le rapport Dragui.

Mais elle doit le faire à sa façon, à l’européenne, en privilégiant le bien-être humain et le développement durable, et en se concentrant sur les infrastructures collectives (formation, santé, transports, énergie, climat). L’Europe a déjà dépassé les Etats-Unis sur le plan de la santé, avec un écart d’espérance de vie qui ne cesse de se creuser au bénéfice des Européens. Tout cela en dépensant à peine plus de 10% du PIB pour la santé du continent, alors que les Etats-Unis avoisinent les 18%, preuve s’il en est de l’inefficacité du secteur privé et des surcoûts qu’il génère, n’en déplaise à Musk et à ses brigades. L’Europe doit continuer de soutenir ses soignants pour qu’ils poursuivent sur cette lignée. Elle a aussi les moyens de dépasser définitivement les Etats-Unis sur le plan des transports, du climat, de la formation et de la productivité, pour peu qu’elle réalise les investissements publics nécessaires.

Si cela s’avère indispensable, l’Europe pourrait aussi augmenter ses dépenses militaires. Encore faut-il apporter la preuve de cette nécessité. Consacrer des milliards à l’armée est une façon facile de montrer que l’on fait quelque chose face à la menace russe, mais rien n’indique ce soit la plus efficace. Les budgets européens cumulés dépassent déjà largement les budgets russes. Le vrai enjeu est de dépenser ces sommes ensemble, et surtout de mettre en place des structures permettant de prendre des décisions collectives pour protéger efficacement le territoire ukrainien.

Pour financer la reconstruction du pays, il est également temps que l’Europe saisisse non seulement les actifs publics russes (300 milliards d’euros, dont 200 milliards en Europe) mais également les actifs privés, estimés à environ 1000 milliards, l’essentiel en Europe, et dont seules quelques miettes ont été saisies à ce jour. Cela exigera la mise en place d’un véritable cadastre financier européen permettant d’enregistrer enfin qui possède quoi sur notre continent, outil également indispensable pour lutter contre la grande délinquance et mener une politique de justice sociale et fiscale.  

Il reste la question essentielle. Pourquoi l’Europe, qui regorge d’épargne et constitue de facto la première puissance économique et financière de la planète, n’investit-elle pas davantage? Une explication classique est démographique : face au vieillissement, les pays européens préparent leurs vieux jours en accumulant des tonnes d’épargne dans le reste du monde. Il serait pourtant plus utile de dépenser ces sommes en Europe pour permettre aux jeunes générations de se projeter dans l’avenir. Une autre explication est le nationalisme : chaque pays européen suspecte son voisin de vouloir dilapider le produit de son travail et préfère le mettre sous clé. De fait, la mondialisation commerciale et financière a nourri une profonde inquiétude – en Suède après la crise bancaire de 1992 ou en Allemagne lors de la crise post-unification de 1998-1999 – et a engendré en Europe un repli vers l’épargne et le chacun-pour-soi, qui n’a fait que s’aggraver après la crise de 2008.

Mais le principal facteur est d’abord politique et institutionnel. Il n’existe aucun cadre démocratique où les citoyens européens pourraient décider collectivement de la meilleure façon d’utiliser les richesses qu’ils produisent. Actuellement, ces décisions sont de fait abandonnées à quelques grands groupes et à une mince couche sociale de dirigeants d’entreprises et d’actionnaires. La solution peut prendre plusieurs formes, comme celle d’une Union parlementaire européenne s’appuyant sur un noyau dur de pays. Ce qui est certain, c’est que la demande d’Europe n’a jamais été aussi forte, et que les dirigeants se doivent d’y répondre avec audace et imagination, au-delà des sentiers battus et des fausses certitudes.  

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