28.07.2025 à 07:00
« Médias en campagne », Syllepse, 2005, introduction.
- Référendum de 2005Le 29 mai 2005, le traité établissant une Constitution pour l'Europe était rejeté par référendum. À l'époque, nous y avions consacré de nombreux articles et un livre : Médias en campagne. Retours sur le référendum de 2005 (Henri Maler et Antoine Schwartz, Syllepse, 2005). À l'occasion de ce vingtième anniversaire, nous publions au fil de l'été les différents chapitres de cet ouvrage. Au programme ici : l'introduction.
Le livre que nous présentons ici a été coordonné et mis en forme par Henri Maler et Antoine Schwartz. Composé pour l'essentiel à partir d'extraits remaniés des quelque 60 articles publiés sur le site d'Acrimed pendant la campagne référendaire, il n'existerait pas sans l'activité collective de notre association et les contributions individuelles de ses membres, ainsi que celles de nos correspondants et de l'équipe du journal Pour Lire Pas Lu. Sauf précision, tous les articles mentionnés sont disponibles dans leur version intégrale sur notre site où ils sont parus au cours même de la campagne et quelques jours après le vote. Se reporter à leur présentation : « Le Traité constitutionnel européen, les médias et le débat démocratique »
« Fallait-il faire un référendum ? ». Alors que les sondages laissent présager un possible rejet du traité européen, Jean Daniel, comme beaucoup d'autres responsables médiatiques, médite avec passion sur les vertus de la démocratie. Le directeur du Nouvel Observateur répond, non sans une certaine franchise, qu'il n'a « jamais pensé » que consulter le peuple directement soit une sage décision : « Tout ce qu'a de bon la volonté générale, c'est la représentation populaire [sic] qui le canalise et le cristallise. La collectivité, elle, est plus sensible au caprice et surtout à la peur. Les partisans du "non" au référendum sont plus émotifs, plus passionnels. » Canaliser la volonté populaire et éduquer les réfractaires « émotifs », telles seraient donc les principales vocations de la représentation politique et de ses auxiliaires, les tenanciers des médias qui trônent au sommet du journalisme. Evidemment, les responsables politiques autorisés et les « élites » médiatiques autoproclamées ne peuvent remplir de telles fonctions sans disposer des moyens adéquats… c'est-à-dire disproportionnés. Ainsi, au cours de l'été, le Conseil supérieur de l'audiovisuel devait admettre que « le "oui" avait disposé d'un temps d'antenne supérieur au "non" : 46 % de plus sur TF1, 53 % sur Antenne 2, 191 % sur France 3 ». Précision utile, ces propos et ces chiffres datent de 1992 et concernent la ratification du traité de Maastricht [1]. Qui s'en souvient ?
Depuis lors et pendant près de treize ans, la construction européenne, puis le projet de « Traité établissant une Constitution pour l'Europe » (TCE) ont bénéficié d'un traitement « exemplaire » dans les médias dominants. À plusieurs voix, certes, mais (presque) à sens unique. Et avec un maximum d'intensité lors de la compagne référendaire proprement dite. Comme le constate l'International Herald Tribune, « le fait que beaucoup de gens perçoivent un biais quasi-unanime de la presse en faveur de la Constitution européenne incite à se demander si les journaux français délivrent ou non des informations impartiales à leurs lecteurs » (27.05.05). Pourtant, pour la minorité des patrons de presse, éditorialistes, et « experts » qui occupent le devant de la scène médiatique, la question n'existe même pas. Quand, le 29 mai 2005, une nette majorité des électeurs rejette par référendum le projet de Constitution, leur bilan est rapidement tiré. Non seulement l'échec de leur engagement forcené en faveur de l'adoption du Traité n'aurait pas infirmé l'excellence de leur travail, mais il aurait confirmé son innocuité. La preuve, disent-ils, devenus soudainement modestes, que notre pouvoir est limité, c'est qu'il s'est révélé apparemment sans effet.
Apparemment… Car parmi d'autres « pouvoirs », les médias disposent de celui de se faire oublier ou, plus exactement, d'entretenir l'amnésie sur leurs œuvres passées quand celles-ci ne coïncident pas avec les contes et légendes du « quatrième pouvoir ». Le premier objet de ce livre est donc de proposer un aide-mémoire pour que celles et ceux qui, journalistes inclus, ont eu à subir l'omniprésence et l'arrogance de l'oligarchie qui trône au sommet de l'espace médiatique, n'oublient pas. Et ne négligent pas, s'ils sont tentés de le faire, d'en tirer quelques conséquences.
La question des médias est en effet une question politique majeure en raison de ses enjeux démocratiques, et ne serait-ce que pour ce motif : leurs échecs n'empêchent pas ces médias de rester dominants. Certes, le pouvoir dont ils disposent n'est ni uniforme, ni écrasant : il diffère selon les médias et ne s'exerce pas mécaniquement sur des « consommateurs » passifs. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un « pouvoir », mais de plusieurs : pouvoir de consécration ou de stigmatisation (des individus ou des groupes sociaux), pouvoir de révélation ou d'occultation (des faits et des analyses dissimulés à la connaissance publique), pouvoir de problématisation (des questions et des solutions légitimes), etc. [2] De surcroît, ces pouvoirs multiples, dont les effets varient selon les médias et leurs publics, ne s'exercent pas isolément et sans partage. Le « pouvoir des médias » se conjugue généralement avec ceux d'autres pouvoirs sociaux, économiques et politiques, dont le fonctionnement du microcosme médiatique est plus ou moins dépendant.
Les réseaux des prétendues « élites » économiques, politiques et médiatiques ne sont que la forme la plus apparente de proximités sociales et d'interdépendances structurelles dont les configurations et l'intensité peuvent varier sans être remises en cause. En raison, notamment, de leurs origines sociales, de leurs parcours scolaires et des conditions de leur recrutement, les journalistes les plus influents peuvent bien ne pas obéir immédiatement aux ordres d'un gouvernement ou de leurs employeurs et pourtant être spontanément ajustés à leurs exigences. Comme l'explique le sociologue Alain Accardo, « il n'est pas nécessaire que les horloges conspirent pour donner pratiquement la même heure en même temps, il suffit qu'au départ elles aient été mises à l'heure et dotées du même type de mouvement, de sorte qu'en suivant son propre mouvement chacune d'elles s'accordera grosso modo avec toutes les autres. La similitude du mécanisme exclut toute machination » [3]. Métaphore dont la rudesse n'enlève rien à la justesse [4].
La faible autonomie du champ journalistique à l'égard des pouvoirs établis permet de comprendre pourquoi, en dépit de quelques conflits, la connivence des journalistes politiques dominants avec les représentants politiques majoritaires s'impose « naturellement » sans être toujours intentionnelle (et il importe finalement assez peu de savoir si elle l'est vraiment). L'ingérence directe peut être l'exception (et laisser le champ libre aux discours sur l'indépendance des journalistes) et la subordination sociale et culturelle demeurer néanmoins la règle. La focalisation sur les censures ou les malveillances les plus flagrantes peut ainsi détourner de l'essentiel, car sans être mécanique, la soumission des médias aux puissances financières et aux logiques politiques s'exerce d'autant plus efficacement qu'elle demeure souvent peu visible. En dépit de toutes les dénégations intéressées, force est de le constater : les liens étroits qu'entretiennent les médias tels qu'ils sont avec le monde social tel qu'il est rendent solidaires la question politique de leur nécessaire transformation et la perspective plus globale des transformations économiques, sociales et politiques de nos sociétés.
Notre propos, forcément limité, n'est pas de proposer une étude exhaustive de ses liens, mais d'en rendre sensible l'existence. Et plutôt que de spéculer sur les effets de persuasion unilatéraux et indifférenciés que l'ordre médiatique produirait par sa seule action, mieux vaut s'arrêter sur deux des influences majeures qu'exercent ces médias tout à la fois dominants et assujettis.
La première repose sur leur pouvoir d'accréditation de leur propre rôle, et donc d'intimidation de celles et ceux qui, croyant à la puissance que les médias s'attribuent, contribuent à la conforter : pouvoir d'intimidation des écrivains, des créateurs, des chercheurs qui quémandent la faveur des médias dans l'espoir de faire connaître leurs œuvres ; et surtout des forces collectives, des militants et de leurs porte-parole qui préfèrent trop souvent ne pas trop importuner les tenanciers de l'information, dans l'espoir qu'ils se fassent l'écho de leurs propositions et de leurs les actions, favorisant ainsi leur popularisation. Pourtant, la campagne référendaire de 2005 l'a montré, des avancées sont possibles sans les médias et malgré eux.
La deuxième influence exercée par les médias consiste dans leur pouvoir de légitimation de certaines visions du monde qui pèsent avec force sur la manière dont sont construits les débats publics et les enjeux politiques. Au point que, à les entendre, les seules lunettes adaptées à la compréhension et aux transformations souhaitables de la société devraient être néo-libérales, avec, il est vrai, diverses moutures et montures.
Ainsi, bien que les médias exercent non pas un, mais des pouvoirs, ceux-ci participent, pour la plupart, d'une même domination : une domination idéologique ou, mieux, symbolique qui s'exerce souvent à l'insu de ceux qui la subissent, même quand ils lui résistent. Et même quand ils la battent en brèche comme on a pu le voir, précisément, à l'occasion de la campagne référendaire sur le Traité constitutionnel européen.
Notre ouvrage se propose de saisir sur le vif les « mécanismes » de cette domination, non pour eux-mêmes, mais en s'efforçant de parcourir et d'expliquer quelques-unes de ses manifestations ; et donc de comprendre comment et pourquoi, à l'occasion du référendum de 2005, les médias dominants ont imposé, sous couvert d'« équité », de « pédagogie » et de « démocratie », un pluralisme tronqué, une propagande masquée et un débat démocratique biaisé.
Extrait de Médias en campagne, Henri Maler et Antoine Schwartz, Acrimed, Syllepse, 2005, p. 7-12.
[1] Les propos de Jean Daniel (Le Nouvel Observateur, 27 août 1992) sont cités dans Le Bétisier de Maastricht, Paris, Arléa, 1997 ; les chiffres du CSA ont été publiés par Le Monde daté du 8 septembre 1992.
[2] Pour une présentation synthétique du problème, voir Erik Neveu, Sociologie du journalisme, La Découverte, collection Repères, 2004. Un livre qui propose un excellent état des travaux sur le journalisme.
[3] Alain Accardo, « Un journalisme de classe moyenne », in Pascal Durand (dir.) Médias et censure. Figures de l'orthodoxie, Liège, Ed. de l'Université de Liège, 2004 ; p. 46-47.
[4] Ces déterminations sociales peuvent d'ailleurs l'emporter parfois sur la logique financière de court terme. Comme on le verra au cours de l'ouvrage, emportés par leur élan, les directions éditoriales de nombreux journaux n'ont pas craint de heurter de front une partie de leur lectorat, avec toutes les apparences d'une farouche indépendance, quand bien même ils n'obéissaient qu'à leurs propres inclinations sociales.
25.07.2025 à 16:46
Elvis Bruneaux
Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 18/07/2025 au 24/07/2025.
« Des massacres à Gaza ? "Difficile de se faire une idée" selon LCI », Télérama, 24/07.
« "Tsahal a dit" : Olivier Truchot et la famine à Gaza sur BFMTV », Arrêt sur images, 24/07.
« Propagande de guerre : les médias au garde-à-vous », Blast, 22/07.
« Loi Duplomb : aux JT de TF1 et France 2, où est passée la colère citoyenne ? », Arrêt sur images, 18/07.
« Sous-occupation des logements : panique morale de la bourgeoisie médiatique », Arrêt sur images, 19/07.
« Ardisson, tout le monde en parle (en bien) », Arrêt sur images, 20/07.
« Sandrine Rousseau, la fachosphère et nos médias irresponsables », Arrêt sur images, 20/07.
« Santé mentale des jeunes : état d'urgence ou panique morale ? », Arrêt sur images, 18/07.
« Le jeu de dupes de Xavier Niel et Rodolphe Saadé autour de Nice-Matin et La Provence », La Lettre, 21/07.
« Ramon Fernandez, un gestionnaire financier à la tête de RMC BFM », Libération, 21/07.
« RMC-BFM : la feuille de route de Ramon Fernandez pour compresser les coûts », La Lettre, 23/07.
« Prisma Media veut racheter les magazines "Ici Paris" et "France Dimanche" », Le Monde, 23/07.
« Sud-Ouest : le directeur général Nicolas Sterckx sur le point d'être évincé », Le Figaro, 23/07.
« Vincent Bolloré sommé par l'Autorité des marchés financiers de racheter l'ensemble des actions Vivendi et accusé d'avoir enfreint les règles de l'UE », Le Monde, 18/07.
« Canal+ : le tribunal de la concurrence sud-africain valide le rachat sous conditions de MultiChoice, géant de la télévision et du streaming », Le Monde, 23/07.
« Après son PSE, Le Figaro recourt à la sous-traitance pour sa fabrication », La Lettre, 24/07.
« "Urgence pour l'Humanité" : les 520 000 euros collectés confirment l'élan populaire, nous avons encore besoin de vous pour atteindre le million », L'Humanité, 24/07.
« À Europe 1, la rédaction web ne doit plus utiliser l'AFP, surnommée "l'Agence France Presse Palestine" », StreetPress, 18/07.
« À l'école de journalisme de Bolloré et Arnault, licenciements, soupçons de racisme et "mises à pied" d'élèves », StreetPress, 21/07.
« Sanction de CNews : et une de plus ! », Blast, 22/07.
« LCI, BFMTV, France Télé… comment Rachida Dati terrorise la presse en toute impunité », Mediapart, 23/07.
« Macron, créature médiatique des oligarques ? », Off Investigation, 21/07.
« Le "Carrefour City Gate", du sujet local à la polémique nationale », Arrêt sur images, 23/07.
« Derrière la fake news sur Brigitte Macron, un journaliste français poursuivi pour "complicité de cyberharcèlement" », Le Nouvel Obs, 24/07.
« "Effet Duplomb" » ? Une nouvelle pétition, contre la réforme de l'audiovisuel public, lancée sur le site de l'Assemblée nationale », Télérama, 21/07.
« "En Europe de l'Est, ce sont souvent les médias traditionnels qui diffusent de fausses informations et promeuvent des idées illibérales", Le Monde, 21/07.
« "Les derniers reporters de Gaza vont mourir" : les journalistes de l'AFP alertent sur les conditions de vie de leurs collaborateurs dans l'enclave », Libération, 22/07.
Et aussi, dans le monde : États-Unis, États-Unis (bis), États-Unis (ter), Bangladesh, Russie, Philippines, Azerbaïdjan, Burkina Faso, Inde, Arabie saoudite...
Retrouver toutes les revues de presse ici.
[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.
20.07.2025 à 08:31
Acrimed
Parution le 21 juillet.
- MédiacritiquesLe Médiacritiques n°55 sortira de l'imprimerie le 21 juillet. À commander dès maintenant sur notre site ou à retrouver en librairie. Et surtout, abonnez-vous !
Ce numéro ne sera pas plus diffusé en kiosques que les précédents. Vous pourrez cependant le trouver dans les librairies listées ici, ainsi que sur notre boutique en ligne.
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18.07.2025 à 09:07
Elvis Bruneaux
Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 11/07/2025 au 17/07/2025.
« Chère Géraldine Woessner », Blast, 12/07.
« Le ministre Philippe Baptiste, "collabo" de l'islamo-gauchisme, provoque un "tsunami idéologique" sur CNews », Télérama, 15/07.
« "L'islamo-gauchisme existe" : plongée dans la fabrique des obsessions bolloréennes », Arrêt sur images, 17/07.
« Europe 1 et CNews censurent une députée LFI, silence des médias », Arrêt sur images, 17/07.
« Olivier Bouygues en garde à vue : la télé n'en parle pas », Arrêt sur images, 13/07.
« "Sommes-nous tous racistes ?", analyse d'une émission dépolitisante », Arrêt sur images, 13/07.
« Gaza : énième silence médiatique pour la tribune des journalistes de "La Provence" », Arrêt sur images, 11/07.
« Claude Perdriel prêt à céder Challenges à LVMH dès 2026 », L'Informé, 15/07.
« La chute des ventes de Marianne s'accentue », La Lettre, 16/07.
« 12 à 14 millions d'économies : quand l'AFP invoque la crise des médias pour tailler dans ses effectifs », L'Humanité, 15/07.
« Presse : La Poste rompt son contrat de service public, mais ne plie pas », L'Humanité, 12/07.
« "Le Point" secoué par la révolte de sa rédaction contre un plan social (et l'IA) », Arrêt sur images, 15/07.
« BFM TV : avant la présidentielle, les irritants se multiplient avec les politiques », La Lettre, 15/07.
« Élysée, foot et com' : Mohamed Bouhafsi, une ascension made in Mediawan », La Lettre, 11/07.
« Journalistes pigistes, nous exigeons d'être payé·es en temps et en heure, comme le veut la loi », pétition, 17/07.
« Le Sénat adopte la réforme de l'audiovisuel public grâce à l'article 44.3 », Libération, 11/07.
« Légion d'honneur pour Sophia Aram : l'islamophobie distinguée », Politis, 15/07.
« Nico et Léa, un dernier moment de grâce sur France Inter, par Daniel Schneidermann », Libération, 12/07.
« Bolloré contre Lucet : premier duel en Françafrique », Off Investigation, 11/07.
« Au procès du Canard, la famille se déchaîne », Blast, 12/07.
« Incendies : pourquoi parler de "soldats du feu" est un problème », Arrêt sur images, 12/07.
Et aussi, dans le monde : Bénin, Guinée, Géorgie, Azerbaïdjan, Burkina Faso...
« Diabolisation médiatique de la gauche », Médiacritiques n°55, été 2025.
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[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.
11.07.2025 à 09:45
Elvis Bruneaux
Critique des médias : une revue de presse hebdomadaire. Si ce n'est exhaustive, au moins indicative [1]. Au programme : du 04/07/2025 au 10/07/2025.
« Crise climatique : le "bon sens" de CNews suffira pour faire face », Arrêt sur images, 6/07.
« Canicule à la télé : où sont les politiques publiques ? », Arrêt sur images, 4/07.
« Attentat masculiniste : retour sur un traitement médiatique biaisé », Arrêt sur images, 8/07.
« Mythologie médiatique : "Face à l'Iran, Israël a le droit de se défendre" », Acrimed, 10/07.
« Bétharram : les télés ne font pas part des errements d'une victime, élu à Pau », Arrêt sur images, 4/07.
« "Secret Story" : déferlement raciste dans la maison des secrets », Arrêt sur images, 7/07.
« Mécénat de LVMH au Louvre : un impensé médiatique pourtant d'actualité », Arrêt sur images, 8/07.
« Pourquoi les éditocrates fascistes ont quand même leur carte de presse », Le Média, 9/07.
« Documentaire "Tempête" sur France 5 : Darmanin sous son meilleur jour », Arrêt sur images, 10/07.
« Le groupe du milliardaire Rodolphe Saadé en passe de racheter le média Brut », Télérama, 4/07.
« Le magazine d'extrême droite La Furia perd ses aides à la presse », La Lettre, 9/07.
« Après l'échec des discussions avec Canal+, la LFP choisit Mediawan pour produire sa future chaîne consacrée à la Ligue 1 », Pure Médias, 8/07.
« Sébastien Soriano trouve des alliés pour restructurer les imprimeries de la presse », La Lettre, 9/07.
« France Télévisions enclenche la renégociation d'un grand accord social », Le Figaro, 10/07.
« Service public : Delphine Ernotte crée un "chaos social" à France Télévisions », L'Humanité, 10/07.
« La campagne publicitaire à bas coût de BFM TV », La Lettre, 10/07.
« Radio : des audiences générales en berne, France Inter domine toujours et Ici décroche », Libération, 8/07
« Transphobie, conflit social : les journalistes de "20 minutes" votent une motion de défiance contre le directeur général du journal », Libération, 4/07.
« Les actionnaires de 20 Minutes renouvellent leur confiance à Ronan Dubois, visé par une motion de défiance », Le Figaro, 9/07.
« Stéphane Bern quitte la radio Europe 1 de Bolloré pour rejoindre ICI et le service public », Libération, 7/07.
« Léa Salamé au 20 heures, "Télématin" chamboulé, mercato agité : France Télévisions change tout pour ne rien changer », Libération, 8/07.
« Julien Arnaud, qui coprésentait "Télématin" sur France 2, va rejoindre BFM-TV », Le Monde, 9/07.
« Jean-François Achilli va mener l'interview politique de Sud Radio », Télérama, 10/07.
« France Culture : Nathan Devers animera une émission de débats… et ce que l'on sait de la rentrée 2025 », Télérama, 10/07.
« Le Média : questionner une politique managériale violente est un droit fondamental pour les travailleur-euses », Collectif des journalistes du Média, 10/07.
« Souffrance à la rédaction du Media : la motion de défiance des journalistes est un exercice démocratique ! », SNJ-CGT, 10/07.
« Le Média : l'intersyndicale soutient la motion de défiance », CGT et SNJ Le Média, 10/07.
« Pourquoi je démissionne de mes missions de rédacteur en chef du Média », blog, 9/07.
« Un média pas comme les autres ?” — Le clanisme, la peur et la négrophobie intériorisée au cœur du Média », blog, 10/07.
« Grève et motion de rejet contre la réforme de l'audiovisuel public », Acrimed, 8/07.
« Réforme de l'audiovisuel public : le texte maudit de Rachida Dati débarque au Sénat », L'Humanité, 9/07.
« Comment StreetPress s'est retrouvé au cœur d'une campagne d'ingérence russe », StreetPress, 4/07.
« Bolloré bâillonne à perpetuité des centaines de journalistes », Le Canard enchaîné, 8/07.
« Les rendez-vous secrets de Vincent Bolloré : comment le milliardaire réactionnaire pèse déjà sur la présidentielle », Le Nouvel Obs, 9/07.
« Gabriel Attal, Jean-Marc Morandini et les Bolloré-boys », Arrêt sur images, 5/07.
« L'IFOP disparaît des colonnes du JDD », Blast, 10/07.
« Bolloré veut droitiser la Nouvelle-Calédonie », Off Investigation, 9/07.
« Procès du "Canard" : récit des premiers jours d'audience », Arrêt sur images, 10/07.
« "Time France" se lance avec la bénédiction de la presse française », Arrêt sur images, 10/07.
« Les "Dernières Nouvelles d'Alsace" condamnées pour le suicide d'un salarié : "L'accident du travail est dû à une faute inexcusable" », Le Monde, 9/07.
« Procédure bâillon : l'Humanité au tribunal, poursuivie par une esclavagiste saoudienne pour avoir révélé l'exploitation de ses domestiques », L'Humanité, 9/07.
« Rentrée littéraire : comment journalistes et critiques sélectionnent les premiers romans dont vous entendrez parler », La revue des médias, 9/07.
« Pourquoi on ne voit jamais des vrais économistes à la TV ? », Blast, 8/07.
« "Nous regrettons le déferlement médiatique pris par cette affaire" : La SNCF dément une information de "Valeurs actuelles" à propos d'Omar Sy », Pure Médias, 7/07.
« Christophe Gleizes, journaliste emprisonné en Algérie pour "apologie du terrorisme" : "Si l'on n'était pas aussi tristes et catastrophés, on en rirait" », Le Monde, 5/07.
Et aussi, dans le monde : Palestine, Allemagne, Ukraine...
Retrouver toutes les revues de presse ici.
[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.
10.07.2025 à 10:21
Mathias Reymond
Ou la fable orwellienne de l'agresseur agressé.
- 2023-... : Israël-Palestine, le 7 octobre et après / Israël, GuerresLe 13 juin 2025, Israël a lancé une série d'assassinats ciblés et de bombardements massifs contre des « sites stratégiques » iraniens. Dans la foulée, les médias français, en particulier les chaînes d'information en continu, se sont empressés de relayer un récit unilatéral, reprenant les éléments de langage du gouvernement israélien et arguant qu'« Israël a le droit de se défendre » ou, selon la formule choisie par Macron : « de se protéger ».
Depuis des décennies, Benyamin Netanyahou brandit comme un leitmotiv, repris sans recul par les médias, la menace d'une bombe nucléaire iranienne imminente. En 2025, cette menace est réactivée pour justifier les frappes israéliennes contre l'Iran, malgré les déclarations de la directrice du renseignement américain, Tulsi Gabbard, affirmant qu'aucune preuve ne soutient l'existence d'un programme d'armement nucléaire actif en Iran. Cette désinformation, amplifiée par des éditorialistes comme Ruth Elkrief (« La bombe nucléaire n'est toujours pas disparue », LCI, 19/06), alimente une hystérie qui légitime les actions israéliennes et ignore purement et simplement le droit international – qui ne reconnaît pas de légitime défense « préventive » et au regard duquel ce genre d'opération n'est rien d'autre qu'une agression.
Lors d'une interview sur BFM-TV, le porte-parole de La France insoumise, Manuel Bompard, a été confronté à une série de « questions » visant à le forcer à condamner la riposte iranienne aux frappes israéliennes (« Est-ce que vous condamnez également la riposte iranienne sur Israël ? », « Vous ne condamnez pas la riposte iranienne ? »), avant que Bruno Jeudy lui enjoigne de choisir : « La France est-elle au côté d'Israël pour qu'Israël puisse se défendre, ou au côté du régime iranien ? » Cette formulation binaire qui ne laisse aucune place à une analyse nuancée du conflit impose un cadre où critiquer Israël équivaut à soutenir l'Iran, interdisant toute discussion sur les violations du droit international et les conflits qui déchirent la région depuis des décennies.
Les plateaux télévisés ont largement relayé les arguments du gouvernement israélien, souvent sans recul critique [1]. Bernard-Henri Lévy, invité récurrent, a justifié les frappes israéliennes comme « nécessaires et inévitables » (BFM-TV, 16/06), reprenant l'idée d'une menace nucléaire iranienne imminente, basée sur des rapports de l'AIEA qu'il présente comme indiscutables. Pourtant, l'AIEA elle-même, par la voix de son directeur Rafael Grossi, a précisé qu'il n'existe « aucune indication d'un programme systématique de production d'armes nucléaires en Iran » (CNN, 19/06). Mais qu'importe, cette contradiction n'est pas relevée par la présentatrice, qui laisse BHL dérouler son discours.
De même, Frédéric Encel, sur RMC, réaffirme « le droit d'Israël à se défendre » (16/06), tandis que Robert Ménard, sur LCI, déclare : « Depuis 1979, la Constitution iranienne vise l'éradication d'Israël, donc Israël se défend » (18/06). Pour Bernard Guetta, « il est tout à fait logique que les dirigeants israéliens interviennent » (BFM-TV, 19/06). Ces prises de parole omettent de mentionner qu'Israël n'a jamais autorisé d'inspections de l'AIEA sur son propre territoire, contrairement à l'Iran. Cet oubli renforce une lecture asymétrique où l'Iran est systématiquement diabolisé, tandis qu'Israël est présenté comme une victime agissant en légitime défense, même lorsque c'est son armée qui déclenche les hostilités.
Cette défense tous azimuts voit Pascal Praud proclamer sur CNews : « Nous sommes tous israéliens », exaltant Israël comme « la seule démocratie de la région », sans mentionner les violations documentées des droits humains à Gaza ou en Cisjordanie.
Par ailleurs, la censure israélienne limite l'accès à l'information. Depuis mai 2024, Al Jazeera est interdit en Israël, et le quotidien Haaretz a été sanctionné pour ses critiques. Les nouvelles restrictions imposées par Israël sur la couverture des frappes iraniennes interdisent aux journalistes de rapporter les impacts précis des missiles, sous prétexte de « sécurité nationale ». Cette opacité contraste avec la propagande israélienne, qui fournit des images, facilitant une couverture médiatique favorable. Un exemple frappant est la couverture de l'attaque iranienne sur l'hôpital Soroka à Beersheba, présentée comme une agression délibérée par les médias israéliens et relayée sans nuance par certains médias français. Si l'Iran a affirmé que ses frappes visaient des cibles militaires à proximité, avec des « dommages superficiels » à l'hôpital, les chaînes françaises comme BFM-TV ont privilégié la version israélienne, sans interroger les allégations contradictoires, renforçant l'idée d'un Iran menaçant et irresponsable. Quand l'armée israélienne bombarde un hôpital ou une école, on se contente en général de préciser qu'elle déclare avoir visé des terroristes avant de passer à autre chose.
Ce déséquilibre, on le retrouve avec le décompte (sordide) des morts : les pertes israéliennes (moins de trente morts) sont dramatisées, alors que les victimes iraniennes (plus de mille morts) sont minimisées.
Le point culminant de cette mythologie médiatique restera la sortie de Robert Ménard sur LCI : lorsque David Pujadas évoque « les principes du droit international », Ménard hurle : « Le droit international, je m'en contrebalance ! »
Deux semaines après le début des hostilités, Donald Trump a sonné la fin de la récréation... au grand désarroi des va-t'en guerre médiatiques. Ainsi Bernard-Henri Lévy s'agace : « Eh bien, il y a trois jours, j'avais dit merci au président Trump pour les frappes américaines sur les sites nucléaires iraniens. [...] Mais aujourd'hui, je lui dis : de quoi je me mêle ? Qui est-il pour ordonner un cessez-le-feu à Israël et à l'Iran ? » (CNews/Europe 1, 24/06) Et pour Luc Ferry, il faut poursuivre : « C'est le pire régime qui tombe depuis la chute du nazisme et du communisme. [...] Parler de désescalade est totalement ridicule. Il ne faut surtout pas désescalader. Il ne faut pas rester au milieu du gué. » (LCI, 22/06)
En défendant sans recul le « droit d'Israël à se défendre », les médias français participent à une mythologie médiatique qui simplifie un conflit complexe, diabolise l'Iran et marginalise les voix critiques. Cette couverture, marquée par une complaisance envers les éléments de langage israéliens, trahit, encore une fois, les principes du journalisme.
Mathias Reymond
[1] Voir aussi « Gaza, Iran, etc. : pour les grands médias, Israël a tous les droits », Blast, 29/06.