17.04.2025 à 12:00
Acrimed
Parution le 28 avril.
- MédiacritiquesLe Médiacritiques n°54 sortira de l'imprimerie le 28 avril. À commander dès maintenant sur notre site ou à retrouver en librairie. Et surtout, abonnez-vous !
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17.04.2025 à 10:58
Pauline Perrenot
Silence dans les 20h, silence des quatre principales chaînes d'information en continu.
Saluons l'énorme mobilisation des directions de Franceinfo, BFM-TV, LCI et CNews pour couvrir en direct le rassemblement des journalistes en soutien de leurs confrères et consœurs tués par l'armée israélienne à Gaza, organisé le 16 avril place de la Bastille à Paris, à partir de 18h :
« Die-in », multiples prises de parole de la part de syndicats, associations et journalistes… Rien de cette mobilisation de plus d'une heure et demie n'aura percé, en direct, les écrans des quatre principales chaînes d'information en continu. Seules TV5Monde et France 24 s'y sont intéressées, accordant une fenêtre à leurs reporters sur place et, dans le cas de France 24, un court plateau consacré ensuite aux journalistes palestiniens.
Les SDJ et les rédactions de Franceinfo, BFM-TV et LCI avaient beau être signataires de l'appel ayant initié cette manifestation, leurs directions avaient de toute évidence d'autres priorités éditoriales. « Révélations sur les enfants "cachés" de Musk » (LCI) ; « Droits du foot : plus de match à la télé ? » (Franceinfo) ; « Dette : une mauvaise gestion des finances publiques » (CNews) ; « Censure : Bayrou passera-t-il l'été ? » (BFM-TV) ; « Déficit : "Il faut travailler plus" (F. Bayrou) » (LCI) ; « Les écologistes : un frein à la réindustrialisation ? » (Franceinfo) ; « Palmade : un justiciable pas comme les autres ? » (BFM-TV) ; « La leçon de Safran aux écolos » (LCI) ; « Plutôt cassoulet que couscous ? » (CNews)… Au milieu des « prisons attaquées » et de la crise diplomatique entre la France et l'Algérie, les chefferies médiatiques donnent ici un sens aigu de leurs préoccupations sur le fond, mais aussi des dispositifs qu'elles privilégient sur la forme : au détriment de reportages en direct, des plateaux de commentaire… à n'en plus finir.
Ne cherchez pas une image en direct du rassemblement : il n'y en aura aucune. Rien non plus aux 20h de TF1 et France 2, dont les SDJ étaient également parties prenantes de l'appel, lequel rappelait pourtant un bilan accablant : « près de 200 professionnels des médias palestiniens » tués par l'armée israélienne, soit, « dans l'histoire de [la] profession, tous conflits confondus, […] une hécatombe d'une magnitude jamais vue ». Mais il y avait là encore plus urgent : « L'agneau, une viande qui a toujours la cote ! », « Castors : attention aux dégâts ! », « Dans les coulisses des entraînements de la police » du côté de TF1, et, pour France 2, « Assurances auto : à chaque région son tarif » ou encore « Paris : quand les touristes sont pris pour des pigeons ». Circulez…
Pauline Perrenot
Post-scriptum : À défaut, c'est sur les réseaux sociaux que l'on pouvait suivre des diffusions en direct du rassemblement : par exemple Reporters solidaires sur Instagram, Off investigation sur TikTok ou encore Clément Lanot sur X. Des reportages vidéos ont notamment été publiés par l'AFP ou L'Humanité.
16.04.2025 à 10:12
Tribune et appel à rassemblements.
- « Indépendance ? » Procès, violences et répression / Gaza, Israël, PalestineNous relayons cette tribune, parue le 13 avril simultanément dans plusieurs médias, dont L'Humanité, Le Monde ou encore Libération. En parallèle, deux rassemblements sont appelés pour ce mercredi 16 avril, 18h : devant l'Opéra Bastille, à Paris, et sur le Vieux-Port, à Marseille.
Ce n'est pas courant pour un journaliste d'écrire son testament à l'âge de 23 ans. C'est pourtant ce qu'a fait Hossam Shabat, correspondant de la chaîne qatarie Al-Jazeera Moubasher dans la bande de Gaza. Le jeune homme, conscient que les bombardements israéliens sur le territoire palestinien ont drastiquement réduit l'espérance de vie des membres de sa profession, a composé un court texte, à publier s'il devait lui arriver malheur.
Ces mots ont finalement été postés sur les réseaux sociaux lundi 24 mars. « Si vous lisez ceci, cela signifie que j'ai été tué » : ainsi commence le message dans lequel le reporter évoque ses nuits à dormir sur le trottoir, la faim qui n'a jamais cessé de le tenailler et son combat pour « documenter les horreurs minute par minute ». « Je vais enfin pouvoir me reposer, quelque chose que je n'ai pas pu faire durant les dix-huit mois passés », conclut le reporter palestinien, tué par un tir de drone israélien sur la voiture dans laquelle il circulait, à Beit Lahia, dans le nord de Gaza. Un véhicule qui portait le sigle TV et le logo d'Al-Jazeera.
En un an et demi de guerre dans l'enclave côtière, les opérations israéliennes ont causé la mort de près de 200 professionnels des médias palestiniens, selon les organisations internationales de défense des journalistes, telles Reporters sans frontières, le Comité pour la protection des journalistes et la Fédération internationale des journalistes, en lien avec le Palestinian Journalists Syndicate. Dans l'histoire de notre profession, tous conflits confondus, c'est une hécatombe d'une magnitude jamais vue, comme le démontre une récente étude de l'université américaine Brown.
Au moins une quarantaine de ces journalistes, à l'instar de Hossam Shabat, ont été tués stylo, micro ou caméra à la main. C'est le cas d'Ahmed Al-Louh, 39 ans, caméraman de la chaîne Al-Jazeera, qui a péri dans une frappe aérienne, alors qu'il tournait un reportage dans le camp de réfugiés de Nusseirat, le 15 décembre 2024. Et d'Ibrahim Mouhareb, 26 ans, collaborateur du journal Al-Hadath, tué par le tir d'un char, le 18 août 2024, alors qu'il couvrait le retrait de l'armée israélienne d'un quartier de Khan Younès. Des cas soigneusement documentés par les organisations précitées.
Tous ces confrères et consœurs portaient un casque et un gilet pare-balles, floqué du sigle « Press », les identifiant clairement comme des professionnels des médias. Certains avaient reçu des menaces téléphoniques de responsables militaires israéliens ou bien avaient été désignés comme des membres de groupes armés gazaouis par le porte-parole de l'armée, sans que celui-ci fournisse des preuves crédibles à l'appui de ces accusations. Autant d'éléments qui incitent à penser qu'ils ont été délibérément visés par l'armée israélienne.
D'autres de nos collègues de Gaza sont morts dans le bombardement de leur domicile ou de la tente où ils s'étaient réfugiés avec leurs familles, comme des dizaines de milliers d'autres Palestiniens. C'est le cas de Wafa Al-Udaini, fondatrice du collectif de journalistes 16-Octobre, tuée dans une frappe sur la ville de Deir Al-Balah, le 30 septembre 2024, avec son mari et leurs deux enfants. Et d'Ahmed Fatima, une figure de la Maison de la presse de Gaza, une ONG soutenue par des bailleurs européens, qui formait une nouvelle génération de journalistes. Le 13 novembre 2023, un missile a frappé l'étage de l'immeuble où il résidait avec son épouse et leur fils de 6 ans, dans la ville de Gaza. Les parents ont réchappé à l'explosion mais l'enfant a été blessé au visage. Ahmed Fatima l'a pris dans ses bras et s'est précipité dans la rue pour l'amener à l'hôpital. A peine avait-il parcouru cinquante mètres qu'un second missile s'abattait à proximité de lui et le tuait. Six jours plus tard, le 19 novembre, le fondateur et directeur de la Maison de la presse, Bilal Jadallah, mourrait à son tour dans le tir d'un char israélien sur son véhicule.
D'autres ont survécu, mais dans quelles conditions ? Le journaliste reporter d'images Fadi Al-Wahidi, 25 ans, est paraplégique depuis qu'une balle lui a sectionné la moelle épinière, le 9 octobre 2024, alors qu'il filmait un énième déplacement forcé de civils, ainsi que l'a rapporté le média d'investigation Forbidden Stories. Wael Al-Dahdouh, célèbre correspondant d'Al-Jazeera à Gaza, a, quant à lui, appris la mort de sa femme et de deux de ses enfants dans un bombardement, en plein direct, le 25 octobre 2023. Pour les journalistes palestiniens, « couvrir » la mort d'un collègue ou d'un proche fait désormais partie d'une macabre routine.
Nous déplorons également la mort des quatre journalistes israéliens qui ont péri dans l'attaque terroriste menée par le Hamas le 7 octobre 2023, ainsi que celle de neuf confrères libanais et d'une consœur syrienne lors de frappes israéliennes. Mais l'urgence est aujourd'hui à Gaza. Pour tous les défenseurs des droits humains, un constat s'impose : l'armée israélienne cherche à imposer un black-out médiatique sur Gaza, à réduire au silence, autant que possible, les témoins des crimes de guerre commis par ses troupes, au moment où un nombre croissant d'ONG internationales et d'instances onusiennes les qualifient d'actes génocidaires. Cette volonté de faire obstacle à l'information se traduit également par le refus du gouvernement israélien de laisser la presse étrangère pénétrer dans la bande de Gaza.
N'oublions pas la situation en Cisjordanie occupée, où l'on commémorera, dans quelques jours, les trois ans de la mort de Shireen Abu Akleh. La correspondante vedette d'Al-Jazeera a été abattue à Jénine, le 11 mai 2022, par un soldat israélien qui n'a eu aucun compte à rendre pour son crime. Hamdan Ballal, coréalisateur de No Other Land, oscar 2025 du meilleur documentaire, a été agressé par des colons, le 24 mars, puis a été arrêté par des soldats dans l'ambulance qui l'emmenait se faire soigner : cela témoigne de la violence à laquelle s'exposent ceux qui tentent de raconter la réalité de l'occupation israélienne. Cela révèle aussi l'impunité offerte quasi systématiquement à ceux qui cherchent à les faire taire.
En tant que journalistes, viscéralement attachés à la liberté d'informer, il est de notre devoir de dénoncer cette politique, de manifester notre solidarité avec nos collègues palestiniens et de réclamer, encore et toujours, le droit d'entrer dans Gaza. Si nous demandons cela, ce n'est pas parce que nous estimons que la couverture de Gaza est incomplète en l'absence de journalistes occidentaux. C'est pour relayer et protéger, par notre présence, nos confrères et consœurs palestiniens qui font preuve d'un courage inouï, en nous faisant parvenir les images et les témoignages de la tragédie incommensurable en cours à Gaza.
Signataires : les syndicats de journalistes SNJ, SNJ-CGT et CFDT-Journalistes, Reporters sans frontières, le prix Albert-Londres, la Fédération internationale des journalistes, le collectif Reporters solidaires, la commission journalistes de la SCAM, les sociétés de journalistes et les rédactions des médias suivants : AFP ; Arrêt sur images ; Arte ; BFMTV ; Blast ; « Capital » ; « Challenges » ; « Le Courrier de l'Atlas » ; « Courrier International » ; « Le Figaro » ; France 2 ; France 3 rédaction nationale ; France 24 ; FranceInfo TV et franceinfo.fr ; « L'Humanité » ; L'Informé ; Konbini ; LCI ; « Libération » ; M6 ; « Mediapart » ; « Le Monde » ; « Le Nouvel Obs » ; Orient XXI ; « Politis » ; « Le Parisien » ; Premières Lignes TV ; Radio France ; Radio France Internationale ; RMC ; Saphirnews ; « Sept à Huit » ; « 60 millions de consommateurs » ; « Télérama » ; TF1 ; « La Tribune » ; TV5 Monde ; « L'Usine nouvelle » ; « La Vie ». Ce collectif organise mercredi 16 avril, à 18h, deux rassemblements simultanés : devant l'Opéra Bastille, à Paris, et sur le Vieux-Port, à Marseille.