23.09.2025 à 18:00
Jérémie Younes
Construction médiatique du nouveau Michel-Edouard Leclerc, étude de cas.
Dans les grands médias, l'ordre capitaliste et le catéchisme libéral s'incarnent à travers des figures patronales. Le modèle en la matière est bien entendu Michel-Édouard Leclerc. « C'est le roi de la comm' ! Il sature l'espace médiatique ! Il est partout ! », s'exclamait Aurélie Casse dans « C à vous » (France 5, 22/05). Grand patron « préféré des Français », descendant d'une grande lignée d'entrepreneurs, défenseur du « pouvoir d'achat », spécialiste de « la consommation », il est l'incarnation de ces « dirigeants à visage humain » qui, une fois installés comme tels dans le paysage médiatique, occupent un espace démesuré et tiennent le rôle de « bon client ». Un recours accessible et « prestigieux » pour les journalistes, qui leur tendent volontiers le micro sur l'inflation, l'Ukraine, le déficit, les retraites, mais aussi les mouvements sociaux, l'intelligence artificielle, les vacances des Français… et ainsi de suite, réussissant le tour de force de convertir les tenants de l'ordre économique en « témoins neutres » de la société française !
« Avec vos 800 magasins un peu partout en France, vous êtes un des meilleurs points d'observation de la consommation des Français. Alors justement, comment vous les trouvez les Français en cette rentrée 2025 […] ? », demandait ainsi Léa Salamé à Michel-Édouard Leclerc en clôture de son 20h inaugural, après avoir qualifié ce dernier de « grand patron emblématique »… si ce n'est « l'un des plus emblématiques » ! La construction médiatique et hagiographique de l'héritier Leclerc et de sa « belle entreprise familiale » a atteint des proportions telles qu'il n'est pas rare de voir la presse se demander : « Présidentielle 2027 : Michel-Édouard Leclerc bientôt candidat ? » (Ouest-France, 20/05) ; « 2027, un patron à l'Élysée : et si c'était Michel-Édouard Leclerc ? » (France 5, 22/05) ; « "Je suis disponible pour la nation" : Michel-Édouard Leclerc candidat en 2027 ? Qu'en pensent les Français ? » (BFM-TV, 14/02) Voilà pour le maître…
… au tour de l'élève. À la faveur des mêmes procédés journalistiques, le patron du groupe Mousquetaires (Intermarché), Thierry Cotillard, parade en ce moment sur les plateaux. Au cours des dernières semaines, on l'aura vu ou entendu sur TF1, RMC, BFM Business, Radio Classique, mais aussi dans Le Figaro, Capital, Sud Ouest, sur France Inter, dans l'émission « C à vous » (France 5)… et même dans le journal L'Équipe. Les journalistes parlent également de lui en son absence, certaines de ses déclarations faisant l'objet de reprises dans la presse, comme ce 8 septembre, quand il s'inquiète de la mobilisation « Bloquons tout »… L'occasion d'une dépêche AFP – « Le patron d'Intermarché a renforcé ses stocks par "crainte" des actions » (8/09) –, reprise de Libération aux Échos, lesquels redoublent encore la portée du message de ce patron déjà omniprésent sur les antennes.
Ainsi donc, les procédés qui ont été utilisés pour élever Michel-Édouard Leclerc au rang d'égérie du patronat sont aujourd'hui décalqués pour fabriquer la stature – et le capital médiatique – de Thierry Cotillard. Ce n'est pas un hasard : Michel-Edouard Leclerc est le « mentor » de Thierry Cotillard, apprend-on dans un portrait particulièrement élogieux du patron d'Intermarché publié par le magazine professionnel LSA Conso (25/12/2024), qui dépeint Cotillard comme un « homme pressé », désormais « habitué des médias », « qui sait embarquer grâce à sa générosité communicationnelle ». Sic.
Une « générosité » que France Inter souhaite naturellement partager avec les auditeurs ! C'est la rentrée des classes sur la « première radio de France » et Thierry Cotillard est l'invité de la matinale (3/09). La première question que lui adresse Benjamin Duhamel en dit long sur l'idée que se font les intervieweurs de ces acteurs économiques : « Comme patron d'une entreprise de grande distribution, plus de 3 000 points de vente, 160 000 collaborateurs, vous êtes comme un baromètre de l'état d'esprit des Français… Que voyez-vous chez les Français ? » Aux yeux de Benjamin Duhamel, Thierry Cotillard n'est pas le président d'un groupe qui affiche un chiffre d'affaires de 55,6 milliards d'euros en 2024, mais bien un « baromètre de l'état d'esprit des Français », un instrument fiable de mesure de « l'opinion », presque un sociologue. On retrouve là le procédé made in Leclerc : le patron exerçant dans un secteur de l'économie auquel « les-Français » sont confrontés quotidiennement – la grande distribution – il en devient par transitivité un « spécialiste des Français », à la « fibre sociale » qui plus est !
Alors que Leclerc a pris pour habitude de se faire passer pour le héros du pouvoir d'achat, Cotillard a quant à lui choisi la carte de « la précarité étudiante » et ne manque pas une occasion de le rappeler devant des journalistes conquis. Mais comme tout patron « télé » qui se respecte, Thierry Cotillard suit surtout le sens du vent (médiatique) : en février, au salon de l'agriculture, il lançait en grande pompe avec l'animatrice Karine Le Marchand et d'autres géants de la distribution une opération commerciale pour « soutenir les agriculteurs », intitulée « L'amour est tout près ». Invité sur le plateau de « Quelle Époque ! » (France 2, 8/03) pour parler de cet « engagement », Thierry Cotillard était reçu avec tous les égards par Léa Salamé : « Pourquoi vous avez dit oui [à Karine Le Marchand] ? Pourquoi vous vous êtes engagé ? » Léa Salamé se demandera tout de même s'il ne s'agit pas d'une « opération de comm' », mais ne poussera pas jusqu'à se demander s'il est bien décent de faire passer un patron de la grande distribution pour un homme « engagé » contre la précarité des agriculteurs.
Car bien entendu, cette (fine) couche de vernis social résiste mal aux (rares) incartades que s'autorisent les intervieweurs : « Au cœur des débats Thierry Cotillard, il y a la question de la contribution des plus aisés à l'effort national […]. Est-ce que vous dites "on est prêts à faire un effort" ? », demande par exemple Duhamel sur France Inter. Cotillard le stoppe : « Écoutez, je crois que nous sommes tous prêts à faire des efforts mais franchement y'en a marre, y'en a marre de penser que la solution, c'est soit un impôt soit une taxe, parce qu'on fait partie des pays qui sont les plus taxés. Et puis, ça suffit ce concours Lépine de la nouvelle taxe ! » Et le président des Mousquetaires d'enfiler les poncifs patronaux, à l'image du patron du Medef, depuis la « surrèglementation » jusqu'aux « surcouches administratives ». Tout est en ordre.
« Alors moi, je ne suis pas au Medef », s'esclaffe-t-il pourtant sur le plateau de « C à vous », alors que l'éditorialiste Yaël Goosz regrette que le patronat « dans son ensemble » n'ait fait « aucun compromis » lors du conclave des retraites, ce « qui aurait pu donner de l'air à ce gouvernement Bayrou ». Nous sommes le 5 septembre, la chute du Premier ministre est annoncée dans les jours qui viennent, et le journaliste Mohamed Bouhafsi organise un plateau sur la crise politique et « les-Français » qui « se serrent » conséquemment « la ceinture ». Choisi dans le rôle du petit père de la nation, Thierry Cotillard récite son imitation de Michel-Édouard Leclerc en adoptant un langage familier, censé, on l'imagine, le rapprocher « des-Français » ou de l'image qu'il s'en fait : « Le seul pays qui est planté, c'est la France. Et c'est là où j'ai envie de dire vulgairement "T'as les boules" […]. On n'a pas cette culture du compromis, chacun reste sur ses positions jusqu'à bloquer le pays. » La journaliste Amandine Bégot reconnaît là le discours de « stabilité » et de « compromis » si cher au petit monde médiatique. D'où cette question, tout à fait caractéristique de la fascination journalistique pour le patronat : « Faut-il un patron au pouvoir ? »
- Amandine Bégot : Près de 40% des Français veulent un Premier ministre apolitique ! Thierry Cotillard, est-ce qu'un grand patron ferait mieux ?
- Thierry Cotillard : C'est un raccourci, je sais qu'un de mes confrères pourrait être candidat…
- Amandine Bégot : On parle souvent de Michel-Édouard Leclerc, régulièrement les Français…
- Thierry Cotillard : Écoutez, je crois que c'est un autre exercice, mais une chose dont je suis sûr, c'est qu'on n'a pas assez de mixité entre les politiques […] et le monde de l'entreprise.
En 2024 déjà, Jean-Michel Aphatie lui jouait le même air : « Vous allez finir ministre. » (« Quotidien », TMC, 10/01/24) Quant à Michel-Édouard Leclerc, trois mois plus tôt, « C à vous » se posait la même question à son sujet – « 2027 : un patron à l'Élysée ? » – et la chroniqueuse Émilie Tran Nguyen jouait déjà la partition avec entrain : « Quand on regarde les sondages, [il] y a 66% des Français qui feraient plus confiance à un chef d'entreprise pour réformer la France. [Il] y a même un sondage qui dit que les Français font plus confiance à Michel-Édouard Leclerc qu'à Jean-Luc Mélenchon pour faire des propositions efficaces pour la France ! »
Entre fin août et mi-septembre, Thierry Cotillard a en tout cas bénéficié de la surface médiatique d'un homme politique de premier plan : matinales, grands entretiens en prime time, interviews dans la presse régionale, nationale, économique et même sportive… Il a pu donner son avis sur l'abaissement de la note de la dette publique de la France, « l'état d'esprit des Français », le mouvement « Bloquons tout », l'inflation, la précarité étudiante, l'instabilité politique ou encore sa stratégie de sponsoring du football et du rugby ! Comme toute parole émanant d'un acteur dominant dans le champ économique, les déclarations d'un grand patron sont extrêmement valorisées par les journalistes, qui leur confèrent une forme d'autorité et d'expertise incontestable. Au point que l'éditocratie, lassée de l'instabilité politique et ivre de bavardages insensés, envisage aujourd'hui l'un d'entre eux à la tête du pays, comme elle jetait hier son dévolu sur un ex-chef d'état-major des armées pour y rétablir l'ordre… Grâce à cette complicité médiatique, et en appliquant le manuel de son « mentor », Thierry Cotillard a pu, en 15 jours, être tout à la fois un chef d'entreprise « engagé », un « baromètre » de l'opinion des Français, et un fervent défenseur médiatique des intérêts de sa classe.
Jérémie Younes
22.09.2025 à 10:36
Pauline Perrenot
Mythologies médiatiques.
- 2023-... : Israël-Palestine, le 7 octobre et après / Anne Sinclair , Israël, Palestine, GazaLes « débats » actuels sur « l'isolement », « l'image » et la « crédibilité » d'Israël ne sont pas sans rappeler une séquence médiatique structurante dans le développement de ce type de cadrage, qui polarise une grande partie de l'agenda. Au printemps 2025, tandis que le gouvernement français formulait quelques remontrances de façade à l'égard du gouvernement israélien, un certain nombre d'intellectuels et de personnalités se sont exprimés, en tant que juifs et juives, contre la politique de Benyamin Netanyahou. Encensées et largement amplifiées par les grands médias, ces prises de position eurent beau témoigner d'une désolation morale devant les massacres de Palestiniens, elles n'en ont pas moins assuré la continuité du cadrage politique imposé au lendemain du 7 octobre 2023, parfois au gré d'une réécriture frauduleuse de l'histoire, toujours en vue de la sauvegarde de « l'image » ou de « l'âme » de l'État d'Israël. Ou comment assurer la reproduction du (même) récit dominant et la reconduction du (même) monopole de la parole… en prétendant faire état d'un « changement ». Retour sur une séquence loin d'être achevée.
Le 10 mai 2025, sous les projecteurs et la bande-son haletante de « Quelle époque ! » (France 2), Léa Salamé livre une introduction que tout étudiant en journalisme se devrait d'étudier pour mesurer la puissance de deux pouvoirs fondamentaux des médias : le pouvoir d'agenda et le pouvoir de consécration.
Léa Salamé : On en vient maintenant à un sujet qu'on ne pouvait pas ne pas traiter cette semaine. Deux femmes puissantes, deux femmes influentes ont pris la parole en fin de semaine. Deux femmes dont la voix compte en France et dans la communauté juive. Anne Sinclair et Delphine Horvilleur ont écrit chacune un texte fort alors que la situation n'a jamais été aussi critique à Gaza.
Cette mise en scène d'une actualité subitement présentée comme incontournable ne saurait faire oublier qu'à l'antenne de « Quelle époque ! », Gaza a surtout été un non-sujet, largement laissé hors-champ au cours des deux années passées. Aux arguties de la présentatrice affirmant « ne pas pouvoir ne pas traiter » le sujet en cette semaine de mai 2025, on opposera que la rédaction a très bien pu ne pas le traiter pendant de trop nombreux mois : à titre d'exemple, la précédente émission abordant Gaza remonte au 24 novembre 2024… soit 5 mois plus tôt.
Que nous vaut cette soudaine préoccupation ? Deux textes publiés [1] respectivement par la journaliste Anne Sinclair et l'écrivaine et rabbine Delphine Horvilleur, lesquelles ne sont pas en plateau ce jour-là. Leur médiatisation, confie Léa Salamé, s'explique du fait de la notoriété de leurs autrices, immédiatement qualifiées de « voix qui comptent en France et dans la communauté juive », et dont la parole est perçue, construite et légitimée comme un « événement » à part entière, d'une importance telle qu'il provoque un retour de Gaza à l'agenda après des mois de trou noir. Parcourir les précédentes émissions à la lumière d'un tel précepte nous renseigne donc sur les (rares) « voix qui ont compté » aux yeux de la rédaction, autant que sur les (nombreuses) voix qui à l'évidence ne comptent pour rien… et ont été par conséquent mises en sourdine. Sans surprise, le tableau général de l'émission se distingue par l'exclusion quasi systématique des collectifs, partis et personnalités qui, au cours des vingt mois précédents, ont porté avec constance les appels au cessez-le-feu, les recommandations des instances de la justice internationale, les demandes de sanctions contre Israël et les manifestations de solidarité concrète avec le peuple palestinien.
Sans doute leur parole était-elle moins digne d'intérêt que le « texte fort » des deux personnalités célébrées par Léa Salamé… Alors que nous disent-elles ?
Léa Salamé : Anne Sinclair a écrit sur son compte Instagram il y a deux jours : « Nous sommes meurtris, déchirés par l'action que mène le gouvernement israélien à Gaza. [Léa Salamé effectue ici une large coupe non signalée par rapport au texte originel, NDLR.] Les Juifs n'affament pas les enfants. Les Juifs ont trop souffert pour ne pas supporter qu'on fasse du mal en leur nom. » La rabbine Delphine Horvilleur a elle aussi pris la parole dans la revue Tenoua pour dire stop à la politique israélienne de Netanyahou. Je la cite : « C'est précisément par amour d'Israël que je parle aujourd'hui. Par la force de ce qui me relie à ce pays qui m'est si proche, et où vivent tant de mes proches [« prochains », dans le texte originel, NDLR]. Par la douleur de le voir s'égarer dans une déroute politique et une faillite morale. Par la tragédie endurée par les Gazaouis, et le traumatisme de toute une région. »
Par un savant procédé de sélection, Léa Salamé choisit de mettre en relief les propos qui, au sein des deux textes en question, sont susceptibles d'incarner au mieux la compassion morale des deux autrices à l'égard des Palestiniens de Gaza : un angle compatible avec le cadrage médiatique « humanitaire » de la question palestinienne tel que toléré à l'instant T, qui valut accessoirement à de nombreuses voix l'excommunication médiatique durant des mois après le 7 octobre 2023. Sauf que les deux autrices sont loin de ne dire que ça…
Anne Sinclair, notamment, écrit dès la deuxième phrase de son post Instagram que « la légitimité de cette guerre après le 7 octobre n'est pas à remettre en cause », tout en prenant un soin extrême à dédouaner l'État d'Israël, en pointant la « responsabilité absolue » du Hamas « pour le mal qu'il fait à la population palestinienne en la gardant en otage et en l'exposant à sa place aux bombes et à la guerre qu'il aurait pu arrêter », et en bornant ses critiques à la seule « forme des actions que mène l'armée israélienne à Gaza à la demande du gouvernement de Netanyahou ». Quant à Delphine Horvilleur, elle prend garde à ne jamais nommer, elle non plus, les crimes d'Israël pour ce qu'ils sont. Et pour cause, tant le cœur du texte ne porte pas tant sur le génocide en lui-même que sur son influence délétère sur le destin de l'État d'Israël, que Delphine Horvilleur « appel[le] à un sursaut de conscience ».
On voit donc combien ces deux textes en disent in fine beaucoup plus long que ce que Léa Salamé veut bien en montrer dans son introduction : par ses choix sélectifs confinant à une désinformation par omission, la présentatrice rend visible leur versant « humanitaire » pour mieux passer sous silence leur portée fondamentalement politique, laquelle non seulement ne contrevient en rien au récit médiatico-politique dominant édicté au lendemain du 7 octobre 2023, mais permet en outre d'en assurer la continuité acceptable sous une bannière « morale ».
Disqualifiées ou ignorées dans les médias les plus extrême droitiers assumant une ligne de soutien inconditionnel à l'État d'Israël – pour lesquels une « simple » compassion humanitaire à l'endroit des Palestiniens équivaut déjà à soutenir le Hamas… –, ces prises de position ont été très largement célébrées au sein des médias « respectables ». L'AFP publie une dépêche à succès sur « l'événement » ; Le Monde valorise ces « personnalités de la communauté juive française qui prennent position pour dénoncer la situation » (12/05) et le 9 mai, Libération publie coup sur coup deux articles pour applaudir le « réveil salutaire d'Anne Sinclair et Delphine Horvilleur » et mettre en valeur la première, qui « sort du silence pour dénoncer la "faillite morale d'Israël" ». Aucune critique substantielle ne leur est adressée, hormis « une faute intellectuelle » consistant, écrit Thomas Legrand… à avoir « laissé à LFI le monopole de la radicalité de la critique des crimes d'Israël à Gaza et en Cisjordanie ». Il fallait oser, a fortiori quand on mesure la « radicalité » des critiques en question [2]... « [Elles] considèrent avec effroi que l'État hébreu "s'égare dans une déroute politique et une faillite morale". On ne saurait mieux dire », les félicite également L'Obs (15/05). « [L]eur colère » fait couler de l'encre jusque dans les pages du Midi Libre et de L'Indépendant (12/05), tandis que de France Info à France Culture en passant par France Inter, les journaux d'information les mettent à l'agenda – et à l'honneur –, France Inter saluant « de nouvelles voix [qui] s'élèvent pour dénoncer la situation humanitaire à Gaza, des voix influentes au sein de la communauté juive en France », parmi lesquelles Delphine Horvilleur, dont la journaliste soutient qu'« elle sort du silence ». (Journal de 13h, 9/05). « Elle a, pendant de longs mois, choisi la retenue », insiste Le Point (9/05).
Un storytelling qui reprend mot pour mot celui des deux autrices, s'essayant elles-mêmes à justifier le « silence » qui aurait jusque-là caractérisé leur posture. « Nous nous sommes tus car l'antisémitisme qui gagne du terrain, sous couvert d'antisionisme, nous a contraints à faire bloc face à ceux qui nous insultent et crient leur haine du juif », déclare Anne Sinclair. « J'ai censuré mes mots face à ceux qui trouvent des excuses à une déferlante antisémite "ici" au nom d'une justice absente "là‐bas" », écrit Delphine Horvilleur, l'audace prenant un tour particulièrement cavalier lorsqu'elle explique avoir « ressenti souvent cette injonction au silence ».
Mais de quel « silence » parle-t-on ? Et à propos de quoi ? Dès le 25 octobre 2023 par exemple, Horvilleur n'hésitait pas à faire la Une de L'Obs aux côtés de Kamel Daoud, où elle s'épanchait dans un entretien-fleuve pour affirmer que « cette guerre contre le Hamas est légitime », dire son accablement de ne « pas trouv[er] de voix palestinienne en France pour dénoncer le Hamas », son dégoût face aux « positions indignes de La France insoumise et sa rhétorique qui nourrit l'antisémitisme », déclarer « qu'on adore les juifs qui souffrent […] [m]ais dès qu'ils ont une armée, dès qu'on imagine une souveraineté juive, dans sa moralité et son immoralité que crée toute souveraineté, tout à coup, c'est insupportable », ou encore théoriser, comme d'autres commentateurs le firent par la suite, qu'« humainement, ce n'est quand même pas la même chose de se poser la question des dérives d'une armée et le fait que des gens soient entrés, maison par maison, dans des familles pour trucider des bébés et violer des femmes ».
Un « silence » pour le moins bavard donc, qui préfigura de nombreuses interventions médiatiques au cours des mois suivants, des écrits dans la revue qu'elle dirige, la publication d'un essai (chez Grasset), mais aussi quelques campagnes de calomnie contre l'humoriste Blanche Gardin [3], « les féministes d'ultra-gauche » [4] et le mouvement de solidarité, ou encore des appels à « purger le Nouveau Front populaire » visant « des gens » au sein de LFI qui, « à commencer par son leader, à commencer par bon nombre de ses sbires », « utilisent un langage de l'antisémitisme » et « sont tout aussi dangereux [que le RN] », tous deux porteurs de « valeurs abjectes et haineuses » (BFM-TV, 20/06/2024).
Quant à Anne Sinclair, elle eut elle aussi moult occasions de « sortir du silence », notamment lors de son passage dans « C à vous » (France 5), le 29 avril 2024, où elle déployait toute sa ferveur pour discréditer les étudiants mobilisés à Sciences Po en soutien de la Palestine – coupables de « cécité », d'« ignorance absolue » et de « méconnaissance totale de la mémoire historique » – ; mettre en doute le bilan des morts à Gaza [5] ; et enjoindre de ne pas « [mettre] en équivalence à la fois le massacre d'une barbarie sauvage qui a eu lieu le 7 octobre et une guerre. C'est une guerre, elle est cruelle, elle est dure, elle est violente, on a le droit de dire "assez", oui, peut-être, mais on ne met pas les deux en parallèle ». Sans oublier de calomnier toute position politique contraire à la sienne :
- Anne Sinclair : L'antisionisme aujourd'hui est la forme moderne de l'antisémitisme.
- Patrick Cohen : Tous les antisionistes ?
- Anne Sinclair : Tous les antisionistes.
- Patrick Cohen : Tous ?
- Anne Sinclair : Tous.
Autant d'exemples qui ne sauraient donc faire oublier que si « injonctions au silence » il y eut autour de la question palestinienne, celles-ci furent en réalité infligées de façon systématique aux Palestiniens et à leurs soutiens (réels ou supposés), au fil d'une longue séquence de diabolisation [6] – toujours en cours.
Anne Sinclair et Delphine Horvilleur y ont pris toute leur part, de même que le dessinateur Joann Sfar, auteur lui aussi d'un post Instagram salué par la presse incitant à ne pas « se taire face aux déplacements de populations forcés et au nettoyage ethnique qu'annonce le ministre Smotrich » (8/05). Ceci après s'être « fait une spécialité de la diffusion de fausses nouvelles concernant les acteurs et actrices du mouvement de solidarité avec la Palestine » au cours des vingt mois précédents, mais également de grossières « approximations, contre-vérités et mensonges concernant l'histoire, l'actualité et les répercussions en France du conflit opposant Israël — et avant lui le mouvement sioniste — aux Palestiniens », ainsi que le détaille par le menu son portrait paru sur Blast.
Mais qu'importe aux grandes consciences du journalisme : « Il faut saluer cette prise de parole importante », décrète par exemple Thomas Legrand dans Libération (9/05) à propos de Delphine Horvilleur. Ainsi vont les bâtisseurs du discours dominant, et ainsi se construit son hégémonie : prescrire l'amnésie et sommer que l'on entende ces voix, ici et maintenant. Celles qui ont participé à étouffer les contre-courants minorisés. Celles dont on doit retenir le nom. Celles dont on fait pour cela les gros titres. Celles que « la raison » commande d'applaudir. Celles dont les grands pontes du journalisme « ne peuvent pas ne pas parler », quand il leur fut pourtant si facile d'en piétiner ou d'en ignorer tant d'autres. Loin d'avoir accompagné une quelconque « sortie du silence », cette séquence de médiatisation ne fait donc ni plus ni moins que consacrer les acteurs que les grandes rédactions consacraient déjà hier… sur le dos des acteurs qu'elles invisibilisaient ou stigmatisaient déjà hier, et dont la parole reste confisquée.
À ce titre, la marginalisation – ou la censure pure et simple – des personnalités juives et des collectifs juifs critiques d'Israël au cours des vingt mois qui ont précédé rendent d'autant plus problématique la référence médiatique constante à « la communauté juive » au cours de cette séquence. Dans la bouche de journalistes n'ayant eu de cesse d'accuser l'opposition politique de gauche d'une prétendue « essentialisation des juifs », une telle rhétorique ne manque décidemment pas de sel, tant elle laisse à penser qu'aucune voix juive n'avait jusqu'à présent critiqué Israël. Aucune voix juive… ou aucune voix juive telle que les tolère, à l'évidence, un espace médiatique qui ignore toute critique d'Israël jugée trop « radicale », l'assimile à de l'antisémitisme et exclut catégoriquement l'antisionisme du périmètre de l'acceptable et du dicible [7] ?
Tout au long du mois de mai, à la faveur des mêmes angles morts et du même effet de consécration, cette séquence de médiatisation a pris de l'ampleur et s'est étendue à d'autres figures publiques. « Comment critiquer un État en guerre sans nourrir l'antisémitisme ambiant ? » s'interroge par exemple Le Figaro (27/05), qui titre sur « les tourments de la communauté juive française » en affichant les portraits de Delphine Horvilleur et de quatre hommes publics qui se sont distingués par leurs interventions constantes en défense de l'État d'Israël – le grand rabbin Haïm Korsia, au centre du visuel du Figaro ci-dessous, ayant par exemple déclaré sur BFM-TV (26/08/24) n'avoir « absolument pas à rougir de ce qu'Israël fait dans la façon de mener les combats » à Gaza, avant de poursuivre : « Tout le monde serait bien content qu'Israël finisse le boulot et qu'on puisse construire une paix enfin au Proche-Orient. » [8]. Quant au président du Crif, Yonathan Arfi, il suffit de parcourir son interview dans Le Parisien du 16 juin dernier – où il figure à la Une –, pour mesurer l'inflexibilité de son positionnement en « soutien à Israël dans son droit à se défendre face à des menaces existentielles ».
Pour caricatural qu'il soit, le cadrage du Figaro n'en reflète pas moins une certaine polarisation du débat public autour du « destin d'Israël », tant se sont multipliées à cette période les déclarations sensiblement identiques à celle de Delphine Horvilleur et d'Anne Sinclair, dont la presse s'est fait la (vaste) chambre d'écho. Le 8 mai, L'Express publie ainsi la tribune de l'historien Marc Knobel intitulée « Face à la radicalisation d'Israël, les juifs ne peuvent plus se taire », lequel sera également signataire d'un article sur le site de Bernard-Henri Lévy – « Prendre la parole juive dans la tempête : Gaza, le Hamas, Israël et la responsabilité de dire » (La Règle du jeu, 13/05) – avant d'être interviewé par La Croix : « Gaza : "Le danger est réel de voir s'approfondir une fracture dans le judaïsme" » (16/05). Entre-temps, La Tribune dimanche médiatise un collectif d'intellectuels « révoltés par le sort fait aux Palestiniens, inquiets pour l'âme d'Israël » (11/05) –, dont l'appel trouve un large écho médiatique. Dans la même veine, Les Échos diffusent un texte du « géopolitologue » Dominique Moïsi – « Gaza : le suicide moral d'Israël » (16/05) – également très remarqué, et quelques jours plus tard (4/06), Le Monde publie une tribune de l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert [9]. Titrée « Israël commet bien des crimes de guerre à Gaza », il faut la lire en entier pour comprendre que l'appréciation ne vaut que « depuis quelques semaines » seulement : « J'ai toujours affirmé avec force, écrit-il, qu'Israël ne commettait pas de crimes de guerre à Gaza. Car si l'ampleur des pertes humaines était terrible, aucun responsable du gouvernement n'avait cependant donné l'ordre de s'en prendre aux civils de Gaza, sans discernement. » Des déclarations qui lui vaudront d'être interviewé dans la matinale de France Inter (10/06), à l'antenne de RFI et dans les pages du Dauphiné Libéré (11/06), mais aussi sur France 24 (12/06) ou dans L'Express (17/06).
Critiques du gouvernement israélien – quoique avec des nuances –, sensibles à la souffrance des Palestiniens de Gaza – quoique sur des registres différents –, ces prises de position ont en commun de reprendre la problématique à deux faces telle que la résumait Thomas Legrand dans Libération (9/05) : « Que faire pour que cesse le massacre et pour empêcher Netanyahou de continuer à dénaturer Israël ? » La première partie ne semblant jamais auto-suffisante, elle va toujours de pair avec la seconde, tantôt motivée par la crainte que se dégrade « l'image » d'Israël à l'international, tantôt que se « dénaturent » ce qui constituerait son « âme originelle » et « les promesses qui furent celles de ses pères fondateurs », selon les mots du rédacteur en chef de La Dépêche, Jean-Claude Souléry, auteur d'un éditorial exprimant le souhait de « retrouver enfin Israël dans le concert des nations » (27/05).
En pleine guerre génocidaire, alors que l'existence même d'une question nationale palestinienne est en jeu, ces prises de position réorientent pour partie – si ce n'est majoritairement – le cadrage du débat autour d'Israël – et d'une « menace existentielle » –, continuant de ce fait d'entretenir la déshumanisation des Palestiniens, la relégation de leur parole [10]... et l'invisibilisation de leur mémoire, en particulier celle du nettoyage ethnique de 1947-1949 – la Nakba [11]. Nombre de commentateurs ont en outre produit un nouveau discours « auto-justificateur » permettant de réhabiliter d'une pierre deux coups « l'âme d'Israël » et la continuité du récit dominant imposé au lendemain du 7 octobre 2023 : se jouerait actuellement à Gaza une « deuxième guerre » qui, contrairement à « la première », n'est pas légitime, témoigne de la « dérive » de dirigeants « fanatiques », et justifie désormais, et désormais seulement, que des voix protestent contre. Tous, cependant, ne s'accordent pas sur « le commencement » de cette « nouvelle guerre », la plupart évoquant mars 2025, après qu'Israël a rompu le « cessez-le-feu », là où d'autres l'inaugurent plutôt en mai 2025…
« À partir de mars 2025, cette guerre n'est pas acceptable, n'est pas légitime dans l'État d'Israël », déclare ainsi l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert à l'antenne de France Inter, le 10 juin 2025, sans aucune autre réaction de la part de la journaliste Sonia Devillers… qu'un assentiment : « C'est mars 2025, le changement ? Mars 2025. » Et tant pis pour les plus de 48 500 morts, dont plus de 13 300 enfants, (officiellement) recensés à Gaza [12] à cette période, lesquels ont pu une nouvelle fois être qualifiés de simple « dégât collatéral » en toute quiétude à l'antenne de la matinale la plus écoutée de France.
Loin d'être l'apanage de l'ancien Premier ministre israélien, cette petite musique des « deux guerres » circulait déjà au sein des grands médias depuis plusieurs semaines. Le 26 mai sur France Culture, la sociologue Eva Illouz déclare par exemple face à Guillaume Erner que « continuer la guerre semble aujourd'hui complètement illégitime et injustifié. Et on passe aujourd'hui d'une guerre d'autodéfense à une guerre de conquête ». Aucune réaction du journaliste. Le lendemain dans Challenges (27/05), le responsable de l'édito « Monde » affirme que « cette guerre défensive et existentielle s'est transformée en une guerre de conquête sans objectifs clairs sur l'état final recherché pour cette terre ravagée et exsangue », le tout corroboré par une citation de l'historien (et ancien ambassadeur d'Israël en France) Elie Barnavi : « La guerre de Gaza montre qu'une guerre juste peut se transformer en une guerre injuste. »
Le même jour sur LCI (27/05), on ne s'étonne pas de trouver le trio Pujadas-Fourest-Elkrief en pleine représentation, bien décidé à véhiculer le mot d'ordre de cette réécriture de l'histoire. Introduisant la chronique de la journaliste de Franc-Tireur, David Pujadas parle à deux reprises de « cette deuxième guerre de Gaza », laquelle « suscite effectivement et de façon quasi unanime, cette fois, la révolte et l'indignation ». Insistant lourdement sur l'expression, Caroline Fourest affirme partager « l'émotion légitime contre cette deuxième guerre de Gaza », sans avancer la moindre date de son « déclenchement », et tout en la disant « beaucoup trop longue, beaucoup trop meurtrière et insupportable » ou en parlant d'une « riposte qui n'a que trop duré et qui doit cesser ». Contradiction quand tu nous tiens ! Ruth Elkrief, enfin, souhaite s'assurer que le message est bien passé : « Cette deuxième guerre de Gaza est inacceptable, inadmissible, elle doit s'arrêter et il y a en Israël même des personnalités très fortes qui ont jeté des pavés dans la mare en dénonçant y compris l'activité, parfois, de l'armée israélienne, dans certains cas. » « Dans certains cas ».
On continue avec Libération (14/06), où le politiste médiatique Denis Charbit soutient que « la guerre légitime a été absorbée par une autre guerre, une nouvelle guerre d'occupation, de récupération de territoire, et ça, on ne peut pas laisser faire ». Même tonalité au Figaro (27/05) – qui nous apprend que « si le conflit a débuté il y a plus d'un an et demi, […] il a récemment changé de nature, et pas seulement de degré » –, mais aussi à l'antenne de « C ce soir », où dans l'émission du 26 mai titrée « Israël : vers un isolement inédit ? », le philosophe Gérard Bensussan entonne le leitmotiv, sans contradiction là encore :
Gérard Bensussan : Au fond, il y a eu deux guerres de Gaza. […] La guerre menée à la fin du mois d'octobre 2023 est une guerre d'autodéfense, dont la légitimité ne paraît pas contestable, même si c'est une guerre atroce. […] La guerre qui a été entamée en mars [2025] est une guerre, une opération complétement erratique, sans but de guerre précisé. Et donc on a une sorte de fuite en avant de ce gouvernement, une fuite en avant criminelle, qui est condamnable.
Singulière par son ampleur et l'effet de légitimation qui auréole les tenants de la parole publique en présence – intellectuels, « experts » et journalistes –, cette séquence médiatique est un cas d'école d'une réécriture de l'histoire « en train de se faire ». Polarisant l'attention autour du « destin » ou de « l'âme d'Israël », installant le récit d'une « dérive » soudaine de la « guerre à Gaza », elle assure la continuité du cadrage dominant édicté au lendemain du 7 octobre 2023. Trois nouveaux mythes ont alors vu le jour : 1/ Des personnalités influentes au sein de « la communauté juive » « sortent du silence » ; 2/ témoignent d'un « réveil » ou d'un « revirement » à propos des événements à Gaza ; 3/ où se joue dorénavant une « deuxième guerre » qui, contrairement à « la première », n'est pas légitime. Reconduisant le (même) monopole de la parole, les chefferies médiatiques enfoncent le clou de l'écrasement symbolique du mouvement de solidarité avec la Palestine dans le débat public : après des mois de maccarthysme (toujours en cours), elles accompagnent un nouveau renversement dans lequel les légitimateurs d'hier sont aujourd'hui célébrés comme les opposants-phare d'une même guerre génocidaire. La co-production du récit dominant donne alors toute sa mesure, qui détient le privilège de dire où et quand il est souhaitable que cette dernière s'arrête, aujourd'hui plutôt qu'hier ; de décréter quels acteurs sont légitimes pour le faire ; de formuler le contexte acceptable au sein duquel son histoire peut être racontée, et quel doit en être le commencement ; de sélectionner les termes permis ou proscrits ; de déterminer quelle position politique peut être valorisée, et quelles autres seront vouées à patauger dans les marges. Pour avoir raison d'une telle domination symbolique, restera alors à la charge des courants contestataires de faire valoir leurs voix hors des grands médias, contre les grands médias, comme ils y sont contraints depuis près de deux ans.
Pauline Perrenot
[1] Sur Instagram (8/05) pour la première et sur le site Tenoua (7/05) pour la seconde, un « média qui éclaire tous les sujets de bascule du débat public par le prisme de la pensée juive » selon sa présentation, et dont Delphine Horvilleur est la co-présidente.
[2] Le Monde (12/05) n'hésite pas à donner cours au même type d'outrance au moment d'expliquer que certaines personnalités ont tardé à parler de peur d'« alimenter […], la "nazification des juifs et d'Israël par La France insoumise", selon les mots d'Alain Finkielkraut »… complaisamment relayés par le quotidien de référence.
[3] Voir par exemple l'article de France Info (14/03/2024).
[4] « Delphine Horvilleur : "Israël ne peut pas se débarrasser de la question de la vulnérabilité" », Philosophie Magazine, 24/04/2024.
[5] Interrompant la journaliste Émilie Tran Nguyen qui mentionne 40 000 morts à Gaza, Anne Sinclair s'écrie : « 40 000… est-ce que vous êtes sûre de 40 000 ? »
[6] Lire « Maccarthysme médiatique », Médiacritiques n° 51, juillet-septembre 2024 et « Médias et Palestine », Médiacritiques n° 53, hiver 2025. Voir également « France. Dans les médias, la Palestine sans les Palestiniens », Orient XXI, 21/05.
[7] Rappelons tout de même que l'hebdomadaire du « cercle de la raison », Franc-Tireur, titrait à sa Une « Juifs mais pas trop » à propos du collectif juif antisioniste Tsedek ! (11/12/2024)
[8] Lire « En faisant l'apologie du génocide, Haïm Korsia met les Juif·ves en danger », Tsedek !, 2/09/24.
[9] Ancien ministre sous le gouvernement d'Ariel Sharon, il devint Premier ministre par intérim en janvier 2006 avant de lancer, quelques mois plus tard, l'offensive de l'armée israélienne au Liban.
[10] Une ligne que nous avions déjà mis en lumière au sein du Parisien, où se sont multipliées les publications sur Israël – « un pays déchiré » ; « les tourments d'un pays devenu paria », etc. –, reléguant les Palestiniens à l'arrière-plan.
[11] Voir notamment Ilan Pappé, Le nettoyage ethnique de la Palestine, La Fabrique, réed. 2024.
[12] Selon le rapport de l'OCHA paru fin février 2025, à date du 31 janvier 2025, 863 Palestiniens avaient par ailleurs été tués en Cisjordanie, entre autres exactions de l'armée et des colons.
17.09.2025 à 17:42
Jérémie Younes, Pauline Perrenot
Le cadrage et les dispositifs médiatiques, très proches des préfectures, déployés avant et pendant la mobilisation sociale du 10 septembre, n'auraient pas été complets sans les traditionnels partis pris et autres interrogatoires journalistiques.
« 10 septembre : bloquer tout pour gagner rien ? » Dès le matin du 10 septembre, LCI tient son analyse du mouvement social, placardée sur un bandeau. En dépit du succès de la journée, une large partie de la presse lui emboîte le pas le lendemain : « Tiède mobilisation », décrète La Nouvelle République des Pyrénées ; « une faible mobilisation » titrent La Presse de la Manche et Le Télégramme tandis que Corse Matin évoque « une mobilisation qui fait pschitt ». « En fait, le flop, il est venu de la récupération, considère quant à lui Christophe Barbier sur LCI. On a moins vu "Bloquons tout" que "Cassons tout ce qu'on peut" ! » Ni tiède, ni faible, ni même violente, la mobilisation est tout simplement inexistante au Parisien, dont l'édition du 11 septembre remporte haut la main le prix de la désinformation en ne mentionnant le mouvement « Bloquons tout » ni en couverture, ni dans les pages intérieures. Ruth Elkrief, néanmoins, corrige le tir trois jours plus tard : « Heureusement, le fameux mouvement Bloquons tout n'a rien bloqué du tout, se réjouit-elle. […] Bloquer un pays qui est déjà bloqué, ce serait risible si ce n'était pas tragique. Apparemment, les Français l'ont compris. » (Le Parisien, 14/09) « Le raz-de-marée insurrectionnel que les adeptes du "grand soir" appelaient de leurs vœux n'a pas eu lieu », confirme Le Figaro (11/09), décrivant toutefois les actions organisées la veille comme « une multitude de banderilles plantées dans les flancs du pays, […] orchestrées par les professionnels du chaos ».
Alors, « chaos » ou « échec » ? L'éditocratie opte tantôt pour l'un, tantôt pour l'autre, mobilisant indistinctement l'un et l'autre… pour décrédibiliser la gauche. Si La France insoumise fait principalement les frais d'un traitement (classiquement) caricatural, d'autres militants politiques et syndicaux se frottent aux traditionnels interrogatoires médiatiques par temps de mobilisation sociale, sur fond de clameur catastrophiste.
Les commentateurs avaient lancé les hostilités avant même que le moindre blocage ait eu lieu. Le 10 septembre ? Le « triomphe de la haine et du ressentiment » prophétisait André Comte-Sponville une semaine avant le début du mouvement (L'Express, 4/09), tandis que sur RMC, la « grande gueule » Jérôme Marty s'emballait par avance contre La France insoumise : « Ce mouvement et la violence qui risque d'en découler, aujourd'hui, est attisé par un parti d'extrême gauche qui est en train de bordéliser la France et qui veut que les Français se foutent sur la gueule en fomentant la haine ! » La radio ne boudait aucun moyen à sa disposition : « "Bloquons-tout" : l'ultra-gauche est-elle en train de tout gâcher ? », titrait le sondage des « Grandes Gueules » publié sur les réseaux sociaux. La veille au soir (8/09), les lieutenants de BFM-TV fourbissaient eux aussi leurs armes face à Manuel Bompard (LFI). « C'est la bordélisation du pays ! C'est ça que vous voulez ? », s'insurgeait Yves Thréard. « C'est le chaos », renchérissait Apolline de Malherbe, tandis que le journaliste du Point, Charles Sapin, transpirait à grosses gouttes : « Vous n'appelez pas […] au vote des Français, vous appelez à la mobilisation de la rue. On se demande, en vous écoutant, si vous voulez conquérir les institutions ou les faire tomber. » Bref, dans une large partie des médias, les mots d'ordre résonnaient à l'identique : « ultra-gauche » et « stratégie du chaos » ; Jean-Luc Mélenchon ou l'« ingénieur du chaos ».
La violence médiatique est encore montée d'un cran le jour J et dans la semaine qui a suivi : à la télégénie des poubelles en feu ont répondu les outrances des chiens de garde. Les chaînes d'information en continu, notamment, ont émis tel un disque rayé : LFI - extrême gauche - ultra-gauche - black bloc - casseurs - violence. Mais au grand prix de la haine, si de nombreux médias concourent, aucun n'arrive à la cheville de CNews (10/09) :
Yoann Usai : [Jean-Luc Mélenchon] est au milieu de ses électeurs, à savoir les incendiaires, les casseurs, les black blocs, les islamo-gauchistes, les antisémites, les palestinistes, comme je les appelle ! […] Il est là comme un poisson dans l'eau à regarder la France être dégradée, être saccagée, ça lui plaît, il adore ça ! Et il va jeter encore un peu plus d'huile, notamment de l'huile antisémite, mais pas seulement, sur le feu tout au long de la soirée, pour que les dégradations soient le plus importantes possible.
Les caméras rivées toute la journée sur les poubelles en feu, la télé Bolloré est en roue libre et instrumentalise sciemment le moindre bris de vitrine pour faire campagne :
- Gauthier Le Bret : [Un second tour] RN-LFI, vous faites quoi ?
- André Vallini (ancien sénateur PS) : Je vote blanc, je l'ai déjà dit à Pascal Praud.
- Gauthier Le Bret : Oui, mais peut-être que ces images peuvent vous convaincre de changer d'avis.
BFM-TV peut également compter sur de fervents propagandistes. Au soir du 10 septembre, faisant fi des appels pacifistes lancés par Jean-Luc Mélenchon [1], Yves Thréard soutient que les députés insoumis « appellent à la casse » et « appellent à détruire » (BFM-TV, 10/09). Sur LCI (11/09), Christophe Barbier ne lésine pas non plus sur les comparaisons outrancières : « LFI se considère comme une sorte de phalange, qui mène la bataille des urnes bien sûr, mais qui peut mener aussi la bataille des rues. » Dans Le Point (11/09), tandis qu'Étienne Gernelle disserte sur la « rhétorique insurrectionnelle » de LFI, Franz-Olivier Giesbert étrille un « mouvement orchestré par les vociférateurs, "gréviculteurs" et fondus du Grand Soir », tout en qualifiant les insoumis de « prophètes de bistrots » et d'« ingénieurs du chaos ». Dans les pages du Télégramme (10/09), Hubert Coudurier donne un bon point à Marine Le Pen – qui « n'est pas du genre factieuse [et] s'était d'ailleurs tenue à distance du mouvement des gilets jaunes » – pour mieux accabler « Jean-Luc Mélenchon, qui prône la stratégie du chaos ». Même rhétorique au Monde – dont l'éditorial du 11 septembre évoque un « Jean-Luc Mélenchon enfermé dans une stratégie du chaos » – ou au JDD de Bolloré, lequel fustige des « leaders [insoumis] véhéments », adeptes de la « stratégie du chaos permanent » et désireux de « bordéliser l'Hexagone » : LFI « se coupe de l'arc républicain » ajoute l'hebdomadaire (14/09). Dans sa chronique pour La Tribune dimanche (14/09), Apolline de Malherbe dirait même plus. Le 10 septembre ? « Un mouvement politique et pas "populaire". Le peuple de gauche, de cette gauche-là, n'est plus vraiment le peuple tout court. » « Ce qui est insupportable, c'est que des politiques encouragent cette sauvagerie, tempête encore Alba Ventura sur TF1 (11/09). Comme LFI, Jean-Luc Mélenchon et ses troupes […], certains écolos, certains communistes… écoutez ça me laisse perplexe, et je reste polie ce matin. »
Suivant ce sentiment, les éditorialistes cherchent à s'assurer que le mouvement recueille le moins de soutien possible au sein du champ politique. Félicité dans la presse pour être « enfin sorti de sa posture protestataire », selon les mots d'Ève Szeftel (Marianne, 11/09), le PS polarise l'attention à cet égard. Sur RTL (11/09) par exemple, après un rappel insistant du nombre d'interpellations, Thomas Sotto teste la fidélité de Boris Vallaud au mouvement :
- Thomas Sotto : Marine Tondelier dit : « la réponse maintenant, elle sera dans la rue ». Vous êtes d'accord avec ça ? Est-ce que vous encouragez ce matin le mouvement « Bloquons tout » ? On sait que le PS était assez réservé sur le sujet...
- Boris Vallaud : Je dis qu'aujourd'hui il y a un mouvement social auquel on va être attentif...
- T. S. : Mais que vous soutenez ou pas ?
- B. V. : ... dans ce qu'il dira...
- T. S. : Que vous soutenez ?
- B. V. : C'est un mouvement citoyen et je redoute toujours la récupération.
- T. S. : La récupération… on accuse beaucoup LFI d'avoir récupéré...
- B. V. : Le rôle d'un représentant politique c'est d'être à l'écoute [...]
- T. S. : [...] Mais vous le soutenez, vous le condamnez, vous le craignez ce mouvement ?
Et gare à la réponse ! Car bien sûr, refuser de « condamner » vous condamne… à ne pas avoir bonne presse.
Des jours durant en effet, les soutiens déclarés de la mobilisation sociale vont être tantôt disqualifiés, tantôt sommés de justifier leur participation au 10 septembre. Comme la députée insoumise Danièle Obono face à Olivier Truchot, sur BFM-TV (10/09) : « Est-ce que finalement, vous n'avez pas un peu détourné cette journée […] et peut-être empêché d'autres de venir manifester et se rassembler ? » Ou encore son collègue Louis Boyard, dans la même émission le lendemain (11/09) face à Alain Marschall : « Est-ce [que] LFI, c'est l'artisan du chaos ? Cette extrême gauche qui agite et qui secoue le pays ? » Sur France Info, dans l'émission « Tout est politique » (11/09), Manon Aubry est cuisinée à la même sauce par la présentatrice Sonia Chironi : « La France n'a pas été bloquée, n'a pas été paralysée. Vous allez me dire que c'est un succès, mais je vais vous dire : c'est quand même un demi-échec ? Ou un demi-succès ? » À ses côtés, Nathalie Saint-Cricq pose des questions tout aussi innocentes avec la clarté et l'éloquence qu'on lui connaît :
- Nathalie Saint-Cricq : Quand Jean-Luc Mélenchon considère que finalement le bordel est une bonne solution... y'a eu la déferlante de la rue et un certain nombre d'appels en considérant que c'est par la rue que ça passe. Est-ce que vous trouvez que vous ne contribuez pas à un climat de violence politique… [coupée]
- Manon Aubry : Madame Saint-Cricq…
- Nathalie Saint-Cricq : … qui peut être dangereux ? De toute façon, je l'ai déjà demandé à Jean-Luc Mélenchon, il m'a déjà répondu ! Mais je veux juste… Est-ce que y'a pas un risque finalement d'attiser un certain nombre de choses ?
Plutôt que d'interroger les soutiens du mouvement sur le mouvement en tant que tel – les actions menées, les revendications des participants, etc. –, la plupart des intervieweurs se contentent de les invectiver ou de les faire réagir à des déclarations venues de députés et ministres de droite ou d'extrême droite, entretenant de ce fait le cirque médiatico-politique de la « petite phrase »… et la droitisation du débat public.
Sur BFM-TV (10/09), Marc Fauvelle amorce ainsi l'interview d'Olivier Besancenot (NPA-L'Anticapitaliste) avec les propos des « deux invités précédents, de la majorité présidentielle et du Rassemblement national, disant que ça a été un déferlement de violences aujourd'hui orchestré pas par vous, pas par le NPA, mais par les insoumis ». Il en va de même pour Antoine Léaument, interrogé plus tôt sur la même chaîne, en duplex d'une manifestation devant un dépôt Amazon à Brétigny-sur-Orge. L'occasion d'informer sur la grève ? Que nenni ! La présentatrice Pauline Simonet est obnubilée par Bruno Retailleau : « Qu'est-ce que vous répondez au ministre de l'Intérieur, vous l'avez entendu ? Il vous accuse finalement de semer le chaos et de détourner ce mouvement ! » ; « Ce que dit le ministre, c'est ce que c'est un mouvement qui est né sur les réseaux sociaux et que finalement vous avez récupéré avec l'objectif de semer le chaos, de semer… finalement… la discorde ! » Jean-Luc Mélenchon, reçu sur France 2 par Caroline Roux (11/09), a droit au même traitement en guise d'apéritif : « Je ne sais pas si vous avez entendu à l'instant Jordan Bardella, qui se présentait comme l'homme de l'ordre républicain, vous renvoyant du côté de l'homme du chaos. Que lui répondez-vous ? »
À l'inverse, les élus de droite ou d'extrême droite défilent sans être sommés de se positionner sur des thématiques portées par la gauche. Sur le plateau de BFM-TV (10/09), le député RN Jean-Philippe Tanguy est invité comme tout le monde à commenter les propos de Bruno Retailleau, lequel « salue la mise en échec de ceux qui voulaient bloquer le pays », dixit la présentatrice. On voit alors combien un même dispositif ne produit pas les mêmes effets ! Le cadrage sécuritaire lui convenant parfaitement, le député d'extrême droite est dans ses petits chaussons pour répondre : « Oui, je pense surtout que le mouvement s'est mis en échec tout seul à partir du moment où Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de syndicats ont voulu le récupérer. » La présentatrice Julie Hammett relance : « Je rappelle qu'au Rassemblement national, vous avez pris vos distances avec le mouvement qui a été très très vite récupéré par Jean-Luc Mélenchon […]. » Terrassé par tant d'hostilité, Jean-Philippe Tanguy ne peut que savourer les bienfaits du prêt-à-penser anti-LFI régnant sur les plateaux : « On voit le résultat : ça n'a pas marché, c'est un échec. » Et Julie Hammett acquiesce. BFM-TV, ou le grand bain réactionnaire.
Accusés d'avoir « détourné » le mouvement et de semer le « chaos », invités à se positionner par rapport aux déclarations de l'extrême droite, les soutiens de la mobilisation sociale font également les frais des pires dispositifs médiatiques, très souvent seuls face à tout un plateau hostile. Ce fut particulièrement spectaculaire dans le cas de Denis Gravouil, délégué confédéral CGT, reçu dans l'émission « BFM Grand soir » (10/09). À ses côtés : l'ancien policier devenu chroniqueur télé Bruno Pomart, l'ancien patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, les deux éditorialistes libéraux Hedwige Chevrillon (BFM Business) et Jean-Marc Sylvestre (Atlantico), Bruno Jeudy, directeur de La Tribune Dimanche, et la journaliste-présentatrice Julie Hammett. Six contre un : le pluralisme est assuré ! Au total, sur les 27 minutes qu'il passera en plateau, Denis Gravouil n'aura la parole que 5 minutes et 30 secondes, la plupart du temps recouvert par un brouhaha de protestation. Un bilan à comparer aux 9 minutes laissées à Geoffroy Roux de Bézieux, écouté dans un silence de cathédrale et relancé par la présentatrice quand il avance l'idée d'augmenter « l'intéressement et la participation » des salariés dans l'entreprise – chose qui ne sera pas faite lorsque Denis Gravouil proposera plutôt « d'augmenter les salaires ».
Las… Pour les responsables syndicaux, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs sur le PAF. Pas même sur le service public, comme en témoigne le plateau sur lequel intervient la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, en deuxième partie de l'émission « L'Événement » (France 2, 11/09). Face à elle, cinq commentateurs plus habitués aux plateaux TV qu'au monde ouvrier. L'inénarrable Franz-Olivier Giesbert, l'omniprésent Jérôme Fourquet (Ifop) ; la directrice éditoriale de l'Institut (patronal) Montaigne, Blanche Léridon ; Ève Szeftel, récemment placée à la tête de Marianne par Denis Olivennes ; et, last but not least, le médiatique Antoine Foucher, à la tête d'un cabinet de conseil en tant que « spécialiste des questions sociales » après avoir été – défense de rire… directeur de cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, entre 2017 et 2020. Le tout sous le haut patronage de Caroline Roux, qu'on ne pourra jamais soupçonner de faire pencher le curseur d'un plateau vers la gauche. Bilan des courses ? Six contre un, et bis repetita : entre les injonctions de Caroline Roux à « trouve[r] des compromis » ou « amorcer des discussions » avec le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu et les interruptions d'un Giesbert au sommet de sa forme (et de sa morgue), les prises de parole de Sophie Binet furent non seulement de courte durée, mais aussi passablement chahutées.
Dépeints sur toutes les télés et dans la plupart des journaux en « ingénieurs du chaos », les soutiens politiques et syndicaux du mouvement social n'auront eu que peu d'espace pour contrebalancer a posteriori un traitement journalistique déjà très défavorable à la mobilisation du 10 septembre. Le dispositif médiatique déployé en amont s'est refermé sur lui-même en aval, comme un piège, par de longues séances d'interrogatoires centrées sur les enjeux sécuritaires. Un traitement qui participe, de fait, à une vaste tentative d'étouffement de la contestation, en complicité avec le pouvoir.
Pauline Perrenot et Jérémie Younes
[1] « Les méthodes d'action doivent être non violentes, pacifiques. Ne faites rien d'autre que des choses qui soient maîtrisées et calmes », déclarait par exemple Jean-Luc Mélenchon au 20h de France 2 (8/09).