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27.03.2025 à 07:00

La modération de contenu, un travail toxique encore mal reconnu et peu encadré

« Il existe sûrement des modérateurs de contenu qui n'ont pas souffert de troubles mentaux liés à leur travail, mais je ne les ai jamais rencontrés », déclare la sociologue et informaticienne Milagros Miceli, qui a consacré ses six dernières années de recherche au secteur de la modération de contenu. « J'en ai la certitude : comme l'extraction de charbon, la modération est un métier dangereux ».
L'extraction de charbon, en raison de la pneumoconiose qui lui est associée, est l'exemple (…)

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« Il existe sûrement des modérateurs de contenu qui n'ont pas souffert de troubles mentaux liés à leur travail, mais je ne les ai jamais rencontrés », déclare la sociologue et informaticienne Milagros Miceli, qui a consacré ses six dernières années de recherche au secteur de la modération de contenu. « J'en ai la certitude : comme l'extraction de charbon, la modération est un métier dangereux ».

L'extraction de charbon, en raison de la pneumoconiose qui lui est associée, est l'exemple classique du métier dangereux, mais il ne subsiste que 200.000 mineurs environ dans l'ensemble de l'Union européenne (UE). De nombreux autres métiers sont dangereux, mais il en reste peu pour lesquels la description de poste comporte la mention « présente des risques pour la santé ». La modération de contenu pourrait toutefois en faire partie. Tout comme la poussière de silice causait des maladies des poumons chez les mineurs, le visionnage sans fin de contenus perturbants et morbides constitue un danger pour les employés dont c'est le quotidien.

Les modérateurs sont en somme les agents de sécurité des réseaux sociaux. Ils sont chargés par des plateformes comme Facebook ou TikTok de supprimer les contenus qui enfreignent leur règlement. Les posts qu'ils suppriment sont les contenus haineux, violents, choquants, pornographiques (y compris pédocriminels), les contenus provenant d'organisations interdites comme les groupes terroristes, ceux qui servent à intimider ou à harceler, les suicides et les mutilations. Les contenus qui s'affichent sur les écrans des modérateurs ont été soit signalés par un utilisateur, soit identifiés par un système d'intelligence artificielle comme potentiellement à supprimer. Une grande partie du travail des modérateurs de contenu consiste à étiqueter ce qu'ils voient sur leur écran pour entraîner l'intelligence artificielle à repérer plus efficacement les contenus nocifs.

Chris Gray est le premier modérateur de contenu en Europe à intenter une action en justice contre l'entreprise Meta, maison-mère de Facebook et Instagram. En 2017 et 2018, il a travaillé pour CPL, un sous-traitant de Meta, à Dublin. C'est seulement plusieurs années après avoir été licencié que Chris Gray a commencé à prendre conscience de l'ampleur des ravages de ce travail sur sa santé mentale. « J'ai rencontré une journaliste qui voulait traiter la question sous l'angle de l'être humain, elle m'a poussé à parler des contenus malsains que j'avais vus », relate-t-il. « Je n'en avais jamais parlé à personne, même pas à ma femme. J'avais intégré l'accord de confidentialité qu'on m'avait martelé : 'On ne parle jamais du travail.' »

« Lorsque j'ai commencé à lui raconter, je me suis complètement effondré, j'ai perdu toute contenance. J'étais assis dans ce café et je n'arrivais pas à arrêter de pleurer. La journaliste a insisté pour que j'aille consulter un médecin. Voilà comment tout a commencé. »

Le médecin a diagnostiqué chez lui un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et en 2019 Chris a entamé une action devant la haute cour de justice irlandaise contre CPL et Meta pour faire reconnaître le préjudice psychologique que lui a causé l'exposition répétée à des contenus traumatisants. L'affaire est toujours en cours.

Aux États-Unis, une affaire similaire impliquant des modérateurs de contenu pour Meta s'est conclue par un accord amiable et les travailleurs ont reçu une indemnisation pouvant aller jusqu'à 50.000 dollars par personne. Chris Gray n'a pas encore reçu de proposition pour un accord amiable et il indique qu'il ne l'accepterait pas s'il en recevait une.

« L'accord passé aux États-Unis prévoyait que pour recevoir l'argent, ils devaient accepter de dire que personne n'avait subi de dommage. Ce n'est pas comme cela que je vois les choses. La modération de contenu en est encore là où se trouvait l'industrie du tabac dans les années 1960, tout le monde sait que c'est dangereux, mais cela n'a pas encore été prouvé et certaines personnes ont de très gros intérêts à faire croire qu'il n'y a pas vraiment de problème. Je veux qu'un tribunal reconnaisse que ce métier est dangereux pour la santé des travailleurs. Une fois que le caractère nocif sera établi, nous pourrons commencer à parler de comment limiter les risques. »

Tenus au secret

Bien que leur travail soit utilisé par les grosses plateformes de réseaux sociaux, les modérateurs de contenu sont presque tous employés par des sous-traitants, des entreprises « d'externalisation des processus métier », comme on les appelle, ou BPO (pour Business Processing Outsourcing) selon le sigle en anglais. Un voile de mystère entoure ce secteur. Aucune plateforme d'importance ne souhaite révéler combien de modérateurs de contenu sont employés pour leur compte par ces prestataires de service, pas plus que le nombre de prestataires auxquels elles sous-traitent cette activité, mais il ne fait aucun doute que ce secteur est déjà considérable et qu'il est en pleine expansion : en 2021, Facebook à lui seul enregistrait chaque jour trois millions de posts signalés pour suppression !

Une partie du travail de modération de contenu peut être délocalisée. Les Philippines, par exemple, sont en train de devenir un centre mondial de la modération de contenu. Cependant, selon Antonio Casilli, spécialiste du « travail du clic » (qui comprend la modération de contenu, mais ne s'y limite pas), les plateformes ne peuvent pas se passer de modérateurs vivant dans l'Union européenne : « Parfois, la modération de contenu doit avoir lieu sur le territoire européen pour des raisons juridiques, parce que les contenus ou les données relèvent du règlement général européen sur la protection des données (RGPD). Il y a aussi des raisons linguistiques : il est par exemple difficile de trouver certaines langues, comme le lituanien ou le suédois, dans des pays d'Afrique. Certaines choses ne peuvent être externalisées vers des pays à faible revenu. »

Selon Antonio Casilli, le secteur européen de la modération de contenu s'est beaucoup concentré ces dernières années : quelques grosses sociétés ont racheté leurs rivaux et dominent désormais le marché, comme les gigantesques Teleperformance, Appen et Telus. Ces fournisseurs organisent le secteur de la même manière que les centres d'appels, avec une surveillance intense des travailleurs et la confidentialité comme priorité. « Leurs contrats sont extrêmement stricts sur la confidentialité, en fait ce sont des accords de confidentialité déguisés en contrats de travail plus qu'autre chose », explique Antonio Casilli.

« La plupart des dispositions portent sur le secret et la confidentialité, il n'y en a presque pas sur les droits des travailleurs. Et elles ne mentionnent nulle part les risques pour la santé spécifiquement associés à ce travail ».

Une autre caractéristique du secteur de la modération de contenu est le recours aux migrants. Antonio Casilli fait partie des auteurs d'une étude intitulée Who Trains the Data for European Artificial Intelligence ?, qui s'inscrit dans l'initiative EnCOre sur les travailleurs du clic commandée par le groupe de La Gauche au Parlement européen. Les chercheurs suivent des groupes échantillons de modérateurs de contenu employés par les prestataires de services métier Telus et Accenture en Allemagne (à Berlin et à Essen) et un autre, anonymisé, au Portugal.

Sur le site portugais, tous les travailleurs qu'ils ont rencontrés sont des migrants : ils viennent de Russie, de Pologne, d'Inde ou de Turquie. Sur les sites allemands, la plupart des travailleurs sont des migrants venus d'Asie et d'Afrique. « Ils subissent un chantage contractuel, puisque leur visa dépend généralement de leur statut de travailleur », explique Antonio Casilli. « Donc s'ils cessent de travailler pour ces entreprises, ou bien s'ils donnent l'alerte, ils risquent d'être renvoyés dans leur pays d'origine. »

Les sous-traitants, les accords de confidentialité, les visas des migrants sont autant de couches de déni, de secret et de marginalisation qui protègent les grosses plateformes de réseaux sociaux de toute responsabilité quant aux conditions de travail des modérateurs de contenu. Mais derrière ces murs d'opacité, ce sont de vraies personnes qui vivent une vraie vie, et certaines sont déterminées à se faire entendre malgré les obstacles.

Des troubles de la santé mentale « un petit peu exagérés » ?

Ayda Eyvazzade est iranienne et vit à Berlin. Comme Chris Gray, elle a été modératrice de contenu et pour elle non plus, les dangers de ce métier ne font aucun doute. « J'ai vraiment vécu des moments traumatisants », déclare- t-elle. « Je me souviens avoir vu un enfant réduit en esclavage sexuel. Ces images m'ont hantée. Vous vous sentez très seul et isolé quand vous faites ce travail, vous devenez anxieux, voire désespéré. Mon sommeil en a beaucoup pâti. J'en faisais des cauchemars, de ces images. Je me réveillai plus fatiguée que je ne m'étais couchée. »

Ayda Eyvazzade a été licenciée en novembre 2023, après presque cinq ans de travail pour ce sous-traitant (qu'elle ne nommera pas en raison de l'accord de confidentialité qu'elle a dû signer). Elle décrit comment la surveillance humaine et la surveillance numérique combinées accroissent la pression de ce métier. Les modérateurs de contenu sont évalués selon des indicateurs clés de performance auxquels ils doivent satisfaire. Tout moment qu'ils passent à l'écart de l'ordinateur pour encaisser des images ou des vidéos qu'ils viennent de voir compte comme du temps « improductif ».

« Si vous voyez quelque chose qui vous secoue, vous pouvez quitter votre bureau pour vous ressaisir, mais vous ne devez pas oublier de signaler sur votre ordinateur que vous êtes en pause bien-être », explique Ayda Eyvazzade. « Et si vos supérieurs estiment que vous passez trop de temps en bien-être, alors ils peuvent vous dire que votre temps de production est inférieur à ce qu'on attend de vous, que vous êtes beaucoup trop en bien-être. On vous met donc sous pression pour que vous passiez plus de temps en production au détriment des moments en bien-être. »

Après le suicide d'un modérateur de contenu de Telus, à Essen, l'entreprise a modifié sa politique pour accorder aux travailleurs un temps illimité de bien-être. Mais Milagros Miceli, qui mène une recherche auprès des modérateurs de contenu d'Essen, a constaté que la pression à visionner beaucoup de contenus en un minimum de temps n'a pas disparu.

« Les modérateurs de contenu ont droit à des pauses bien-être, mais ils ont toujours des indicateurs clés de performance à remplir et ils n'y parviennent pas s'ils prennent trop de pauses. Ce sont ces indicateurs de rendement qui sont le facteur disciplinaire le plus important pour les travailleurs gérés par des algorithmes. »

L'étude EnCOre, à laquelle participe également Milagros Miceli, fait état « d'événements graves chez des travailleurs, tels que des évanouissements, des cas d'épuisement professionnel ou de troubles psy- chiques et hélas au moins un suicide ». Rien de nouveau sous le soleil pour le fondateur et PDG de Meta, Mark Zuckerberg. Dans l'enregistrement audio d'une réunion de 2019 qui a fuité, un membre du personnel lui dit que beaucoup de modérateurs de contenu souffrent d'un SSPT. Le PDG lui répond que « certains comptes rendus sont à [s]on avis un peu exagérés ».

Milagros Miceli, qui a mené des entretiens avec des centaines de modérateurs de contenu, pense exactement le contraire. « Les problèmes sont bien plus graves que ce qu'on pourrait penser », dit-elle. « J'ai entendu un homme expliquer que sa femme l'avait quitté parce qu'après avoir modéré des contenus pédocriminels, il n'arrivait plus à avoir de rapports sexuels. Tous ces travailleurs subissent de vrais troubles psychiques, certifiés par de vrais psychiatres. »

Les BPO prétendent fournir des services de conseil en interne, mais Chris Gray comme Ayda Eyvazzade estiment que la plupart des conseillers auxquels ils se sont adressés étaient sous-qualifiés. Milagros Miceli approuve : « Beaucoup de ces conseillers maison ne sont pas des thérapeutes agréés. Et beaucoup de travailleurs les soupçonnent d'informer la direction de ce que leur disent les modérateurs. »

Répondant pour le compte de Telus aux conclusions de l'étude EnCOre, l'agence de communication Aretera a fait savoir que Telus prend très au sérieux le bien-être des membres de son équipe. Aretera indique que les modérateurs de contenu de Telus ont accès à un soutien 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, que Telus dispose en interne de « conseillers qualifiés, guidés par des psychologues agréés » et que des « améliorations technologiques » permettent d'aider les travailleurs, notamment par des « filtres permettant de flouter les vidéos, la coupure automatique du son et des paramètres réglables de visionnage de vidéos ». L'agence de communication a également précisé : « On estime à seulement 1 % le taux d'absentéisme dû à des problèmes de santé mentale dans l'entreprise ».

Ayda Eyvazzade était élue au Conseil du travail, une institution prévue par le droit du travail allemand pour représenter les salariés au sein d'une entreprise, sous les couleurs du syndicat Ver.di. Elle explique toutefois que le Conseil du travail était dominé par des salariés qui avaient été « cooptés » par la direction et faisaient entendre la voix de leur maître, aussi avait-elle été considérée comme une empêcheuse de tourner en rond et mise sur la touche. Elle a finalement été virée après plusieurs tentatives pour la contraindre à démissionner. Elle pense que Ver.di pourrait avoir été plus pugnace dans ses rapports avec l'entreprise, y compris en saisissant la justice.

Milagros Miceli pense elle aussi que si les syndicats se renforcent dans ce secteur, il leur faudra être mieux préparés à affronter le secret et l'intimidation qui caractérisent actuellement le travail de modération. « Une partie du problème réside dans le fait que les syndicats luttent à la fois pour s'adapter à une nouvelle époque et pour établir des relations avec les travailleurs migrants qui tâchent de s'organiser dans ce secteur numérique », conclut-elle.

Le subtil équilibre entre sécurité des utilisateurs et sécurité des travailleurs

Si les syndicats ont du pain sur la planche dans ce secteur, les autorités ne sont pas en reste. Par le règlement sur les services numériques (DSA, pour Digital Services Act) de 2022, l'UE s'en remet largement aux plateformes pour assurer le respect de la loi dans les contenus. Cela a favorisé le secteur de la modération en Europe, mais le règlement ne dit rien de la sécurité des modérateurs eux-mêmes. « Le règlement DSA a accru le besoin de modération, mais il a également favorisé la centralisation des modérateurs », constate Antonio Casilli. « Le marché prend de plus en plus d'ampleur, mais avec des acteurs de moins en moins nombreux. »

En mai, la Commission européenne a annoncé une nouvelle enquête sur les infractions présumées au règlement DSA par Meta eu égard à la sécurité des enfants qui utilisent Instagram et Facebook. Un haut fonctionnaire de la Commission s'est également interrogé sur le fait de savoir comment X (ex-Twitter) pouvait satisfaire à ses obligations au titre du règlement DSA alors qu'il emploie nettement moins de modérateurs que Meta ou TikTok. Mais l'équilibre est difficile à trouver : plus les plateformes embauchent de modérateurs de contenu pour répondre aux pressions politiques de l'UE, plus les travailleurs mis en danger sont nombreux.

« Il ne s'agit que de savoir ce qui est important politiquement », commente Chris Gray à propos de ce débat réglementaire. « Toute personne ayant des enfants se soucie du risque que ses enfants soient exposés aux horreurs que l'on peut trouver sur les réseaux sociaux, mais combien de ces parents s'intéressent aux gens qui se trouvent dans une pièce quelque part et qui doivent visionner encore et encore ces horreurs pour éviter à leurs enfants de tomber dessus ? »

Le Conseil du travail des modérateurs de Telus à Essen a fait un certain nombre de propositions pour améliorer les conditions de travail : plus de congés pour relâcher la tension psychologique, l'accès à un soutien professionnel à la santé mentale sans peur que la direction soit informée, une rémunération juste, la reconnaissance de leur travail comme une profession qualifiée, la reconnaissance de la dangerosité de ce métier et enfin la prise de mesures appropriées pour limiter les risques.

Au Bundestag, le siège du Parlement fédéral allemand, des modérateurs de contenu se sont réunis lors d'un sommet en 2023. Ils y ont présenté un manifeste et l'un des modérateurs du Conseil du travail d'Essen a livré son témoignage. Mais, signe que les BPO n'ont aucune envie que les choses changent, ce travailleur a ensuite été suspendu par Telus au motif qu'il avait enfreint l'accord de confidentialité qu'il avait signé. Le Bundestag n'a pas encore donné suite aux recommandations des modérateurs de contenu.

Selon Leila Chaibi, la députée européenne qui dirige les travaux du groupe de La Gauche sur l'intelligence artificielle et le travail, l'initiative EnCOre met en lumière la nécessité d'une action réglementaire européenne dans ce domaine. « Ce rapport devrait être un signal d'alarme pour tous les décideurs de l'UE : nous devons agir pour protéger les travailleurs du clic et répondre à leurs besoins spécifiques », a-t-elle déclaré.

Malgré la culture du secret qui règne sur les plateformes et dans les BPO, le secteur de la modération de contenu finira inévitablement par sortir de l'ombre pour aboutir sous les projecteurs. À ce moment-là, les plateformes comme Meta et TikTok devront répondre à cette question simple : pourquoi ont-elles des centaines de pages d'instructions pour assurer la sécurité de leurs utilisateurs et pas une seule sur celle de leurs modérateurs ?


Cet article a été publié pour la première fois en décembre 2024 par le magazine HesaMag, publié par l'Institut syndical européen (ETUI) dans le numéro 29 (page 28).

22.03.2025 à 05:00

Kazakhstan : les communautés côtières face au recul de la mer Caspienne

La mer Caspienne, bordée par la Russie, l'Azerbaïdjan, l'Iran, le Turkménistan et le Kazakhstan, s'étend sur une superficie à peu près équivalente à celle de l'Allemagne. Toutefois, depuis 1995, elle ne cesse de se réduire, le niveau de l'eau ayant baissé de plus de deux mètres. Selon les scientifiques, la superficie de la mer Caspienne pourrait diminuer de 30 % d'ici à la fin du siècle.
Cette tendance alarmante est aggravée par le changement climatique – hausse des températures et (…)

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La mer Caspienne, bordée par la Russie, l'Azerbaïdjan, l'Iran, le Turkménistan et le Kazakhstan, s'étend sur une superficie à peu près équivalente à celle de l'Allemagne. Toutefois, depuis 1995, elle ne cesse de se réduire, le niveau de l'eau ayant baissé de plus de deux mètres. Selon les scientifiques, la superficie de la mer Caspienne pourrait diminuer de 30 % d'ici à la fin du siècle.

Cette tendance alarmante est aggravée par le changement climatique – hausse des températures et augmentation de l'évaporation – ainsi que par les activités humaines, telles que la construction de nombreux réservoirs le long de son principal affluent, la Volga.

Le bassin septentrional peu profond de la mer Caspienne, que se partagent le Kazakhstan et la Russie, est le plus gravement touché et risque de disparaître complètement dans les décennies à venir. Les répercussions sont désastreuses pour la biodiversité et pour les communautés côtières, qui perdent leurs moyens de subsistance et doivent faire face à des conditions de vie de plus en plus difficiles.

En juin 2024, le journaliste français Clément Girardot et le photographe Julien Pebrel sont partis le long du littoral de la mer Caspienne, dans la région d'Atyraou, pour voir comment vivent les habitants du Kazakhstan, devant l'avenir incertain de leur mer.

Une gigantesque raffinerie de pétrole est située près du centre-ville d'Atyraou, à seulement 30 kilomètres de la mer Caspienne. Atyraou est confrontée à de graves problèmes de pollution atmosphérique.
Photo: Julien Pebrel

Atyraou, la plus grande ville du Kazakhstan à proximité de la mer Caspienne, qui compte environ 350.000 habitants, lutte depuis longtemps contre une grave pollution de l'air. La ville est entourée de nombreuses infrastructures polluantes, parmi lesquelles une énorme raffinerie, une centrale thermique, une cimenterie et plusieurs installations de stockage et de transport de gaz naturel et de pétrole.

Mais c'est une autre crise environnementale qui préoccupe la population d'Atyraou : le recul de la mer Caspienne. « Dans dix ans, la mer Caspienne aura disparu, alors à quoi bon en parler ? Le niveau de communication publique est quasiment inexistant », regrette Mustafa, un riverain habitué à pêcher dans l'Oural, qui traverse la ville.

« Le déclin a commencé dans les années 2000 et il s'accélère depuis 2015. Près d'Atyraou, le littoral s'est éloigné de 30 kilomètres vers le sud. La mer s'assèche, mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est l'effondrement de sa biodiversité », explique Arman Khairullin, militant écologiste et député indépendant du Conseil régional d'Atyraou.

Situé près de l'embouchure de l'Oural, Damba fut jadis un village de pêcheurs prospère mais, aujourd'hui, l'industrie halieutique locale n'est plus que l'ombre d'elle-même.
Photo: Julien Pebrel

Damba, le dernier village sur l'Oural avant qu'il ne se jette dans la mer Caspienne, s'est développé grâce aux coopératives de pêche qui ont vu le jour pendant l'ère soviétique. Cependant, la réduction des populations de poissons et l'interdiction de pêcher certaines espèces ont contraint les habitants à s'adapter. De nombreux hommes de la région travaillent désormais en équipes dans les champs pétrolifères, où les conditions sont souvent difficiles.

« Il m'arrive de pêcher, mais la plupart du temps, je conduis un taxi. L'ancienne génération continue à sortir en mer par nostalgie, mais les jeunes ne le font plus que rarement, car il n'y a tout simplement pas assez de poissons », note Meyrambek, un villageois âgé de 28 ans.

La population de Damba augmente malgré le déclin de l'industrie de la pêche. Des maisons de plain-pied fleurissent le long des rues droites et tranquilles aux trottoirs bien entretenus. Ces maisons, entourées de clôtures et conçues avec un nombre limité de fenêtres pour se protéger du vent et de la chaleur, attirent de nouveaux habitants en quête d'un logement abordable et d'un air plus pur que dans le centre-ville d'Atyraou, la capitale régionale, qui se trouve à une vingtaine de kilomètres.

Des excavatrices creusent l'embouchure de l'Oural, à l'endroit où il se jette dans la mer Caspienne. Le niveau de l'eau est si bas que les poissons peinent à remonter le courant et que les bateaux ont du mal à atteindre la mer.
Photo: Julien Pebrel

Pour rejoindre l'embouchure de l'Oural à partir de Damba, il faut utiliser un bateau. Le fond marin ne descend qu'à 20 ou 30 centimètres sous la surface, ce qui rend la navigation difficile. Deux excavatrices opèrent en continu pour draguer le chenal afin de permettre aux bateaux d'atteindre la haute mer et aux poissons de migrer en amont vers leurs zones de reproduction.

« L'objectif est de creuser un canal de 2,5 mètres de profondeur et de 40 mètres de large. Déjà en hiver, l'embouchure de l'Oural est parfois complètement à sec », précise Arman Khairullin. Dans la Russie voisine, de nombreuses villes de pêcheurs, autrefois construites en bord de mer, n'ont plus accès à la mer que par des canaux.

Employé d'un élevage d'esturgeons à Damba. Les esturgeons ont presque disparu à l'état sauvage.
Photo: Julien Pebrel

Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), cinq des six espèces d'esturgeons de la mer Caspienne sont en danger critique d'extinction. Aujourd'hui, les esturgeons sont exclusivement issus de l'élevage. En 2022, le Kazakhstan a exporté environ 580 tonnes de caviar et de succédanés de caviar pour une valeur de 8 millions de dollars US, ce qui représente 1 % des exportations mondiales de produits alimentaires en provenance du Kazakhstan. Près de l'embouchure de l'Oural, Berik Akhmetov exploite un petit bassin d'élevage d'esturgeons, un projet qu'il a mis sur pied il y a quatre ans. « Pour l'instant, ces poissons sont trop petits ; il faut 10 à 12 ans d'élevage pour obtenir un spécimen adulte. À terme, ils seront vendus pour leur chair et leur caviar », indique-t-il.

L'entrepreneur prévoit également de relâcher des esturgeons juvéniles dans la nature. Les cinq pays de la mer Caspienne sont tenus de prendre de telles mesures pour empêcher l'extinction de l'espèce, bien qu'elles n'aient eu qu'un effet très limité jusqu'à présent.

Des chameaux s'abreuvent dans un petit canal, à Zhanbay. Depuis cet endroit, des pistes routières mènent à la mer Caspienne, à une distance de 20 kilomètres. Il y a quinze ans, la mer se trouvait derrière la digue, qui apparaît en arrière-plan de la photo.
Photo: Julien Pebrel

Situé à 70 kilomètres à l'ouest de la capitale régionale d'Atyraou, Zhanbay était jadis un village de pêcheurs florissant. « Il y a dix ans, on voyait la mer depuis le toit de ce bâtiment. Aujourd'hui, le rivage est à 20 kilomètres », signale Didar Yesmoukhanov, le maire de Zhanbay, à l'ouest du pays. La disparition de la mer a radicalement transformé l'économie et le mode de vie de cette communauté de pêcheurs autrefois dynamique.

L'élevage de chameaux est devenu une source de revenus alternative dans cette région aride. Avec le déclin des activités halieutiques et la dégradation des conditions de vie, certaines personnes sont contraintes de quitter le village. « S'il était encore possible de pêcher ici, je serais resté, mais il faut trouver un moyen de survivre, surtout en hiver », déclare Nurbol, un homme d'une trentaine d'années qui a grandi à Zhanbay, mais qui a dû partir à Atyraou, à la recherche de meilleures perspectives d'avenir. Il vit aujourd'hui dans la capitale régionale, mais rend souvent visite à sa famille à Zhanbay.

Un assèchement plus radical de la mer Caspienne perturberait la vie de millions de riverains et pourrait déclencher des mouvements migratoires encore plus importants.

Des enfants jouent sur une dune à l'entrée d'Isatay, une petite ville située à 180 kilomètres au sud-ouest d'Atyraou, juste avant le delta de la Volga. Derrière des clôtures métalliques, des roseaux sont plantés pour lutter contre la désertification de la zone.
Photo: Julien Pebrel

Autres conséquences du recul de la mer, la désertification croissante des zones côtières et l'augmentation de la fréquence des tempêtes de sable portent préjudice à la santé des gens et des animaux. « Nous sommes attristés par la baisse du niveau de la mer car à cause de ce phénomène, le vent transporte de la poussière salée, et c'est très mauvais pour les animaux », déplore Ibragim Bozakhaev, un habitant de 68 ans dont le jardin est planté d'abricotiers, une espèce bien adaptée à l'aridité du climat.

Sa belle-fille souffre personnellement des tempêtes de sable. « Les tempêtes de sable sont fréquentes en été. Parfois, elles sont si fortes qu'on ne voit même pas notre jardin. Je commence à faire une allergie à la poussière ; c'est une saison très difficile pour moi », souligne Asel Sheruyenova, âgée de 26 ans.

Des riverains pêchent à Kurmangazy, la principale ville kazakhe du delta de la Volga, qui s'étend majoritairement à l'intérieur des frontières russes.
Photo: Julien Pebrel

À la frontière entre le Kazakhstan et la Russie, le delta de la Volga abrite un écosystème unique. Cette zone humide est depuis longtemps un sanctuaire pour les oiseaux et les poissons, mais elle est aussi profondément affectée par la crise environnementale. « Le niveau de l'eau baisse depuis cinq ans et la boue s'accumule dans les canaux », explique Satti Boldi, qui travaille dans l'industrie pétrolière de la ville de Kurmangazy.

L'aridité croissante contribue par ailleurs à l'augmentation des incendies de forêt dans les parties russe et kazakhe du delta. En Russie, la zone touchée par des incendies catastrophiques dans le delta a augmenté de 34 % entre 2010 et 2020.

Le temps est peut-être compté pour trouver une solution pour la mer Caspienne. En novembre 2022, le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a qualifié la situation de « grave » lors d'un discours et a appelé à la création d'un institut de recherche axé sur l'étude de la mer Caspienne. Le gouvernement a officiellement approuvé le projet en janvier 2024, mais l'institut n'a toujours pas vu le jour.

19.03.2025 à 12:49

En Afrique, avec la feuille de route de Kigali, les syndicats redéfinissent la syndicalisation et la négociation collective au service de la justice sociale

La situation socioéconomique en Afrique reste critique, avec des conséquences désastreuses pour les travailleurs, leurs familles et leurs communautés. La pandémie de Covid-19 et ses retombées catstrophiques, qui ont entraîné la perte de millions d'emplois et avec elle, une explosion de la dette publique, ont plongé des millions de personnes dans la pauvreté. Même une partie de la classe moyenne du continent qui avait jusque-là été quelque peu épargnée est tombée sous le seuil de pauvreté (…)

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La situation socioéconomique en Afrique reste critique, avec des conséquences désastreuses pour les travailleurs, leurs familles et leurs communautés. La pandémie de Covid-19 et ses retombées catstrophiques, qui ont entraîné la perte de millions d'emplois et avec elle, une explosion de la dette publique, ont plongé des millions de personnes dans la pauvreté. Même une partie de la classe moyenne du continent qui avait jusque-là été quelque peu épargnée est tombée sous le seuil de pauvreté fixé à 2,15 USD par jour.

La guerre en Ukraine a constitué un défi supplémentaire, entraînant une hausse des coûts alimentaires, énergétiques et financiers et exacerbant les pressions inflationnistes sur l'ensemble des économies africaines. Selon les estimations de la Banque africaine de développement, l'inflation en Afrique s'élevait en moyenne à 17 % en 2023, avec une hausse des prix des denrées alimentaires de plus de 20 % dans certains pays.

À l'heure actuelle, 145 millions de personnes (soit un tiers de la population active du continent) sont classées dans la catégorie des « travailleurs vivant dans l'extrême pauvreté », selon l'Organisation internationale du travail, et ce nombre ne cesse d'augmenter.

Qui plus est, les gouvernements africains cumulent les mesures d'austérité prescrites par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, avec des politiques d'assainissement budgétaire qui se traduisent par des coupes dans les dépenses publiques de protection sociale et les programmes d'emploi. Ces mesures ont souvent eu pour effet de freiner la demande globale, de ralentir la reprise économique et de creuser les inégalités.

Toutes ces circonstances aggravantes nous renvoient à une même réalité : un nouveau contrat social est aujourd'hui plus urgent que jamais. L'ancien contrat social entre les gouvernements et les citoyens a échoué. Fondamentalement, le modèle économique axé sur l'industrie et l'emploi à long terme n'a pas été en mesure de répondre aux besoins de la population. Mais surtout, le rôle de l'État dans la fourniture de services essentiels tels que l'éducation, les soins de santé et la sécurité sociale s'est considérablement affaibli.

Pour améliorer la vie des travailleurs et de leurs familles, objectif sous-tendu par la demande d'un nouveau contrat social, les syndicats doivent repenser leurs stratégies d'organisation et renforcer les mécanismes de négociation collective afin de donner plus de pouvoir aux travailleurs, protéger leurs moyens de subsistance et promouvoir un avenir économique plus juste et plus inclusif pour l'Afrique.

La justice sociale est « irréalisable si les travailleurs n'ont pas une voix puissante, unie et organisée »

Depuis près d'une décennie, la Confédération syndicale internationale (CSI) plaide en faveur d'un nouveau contrat social pour garantir une prospérité partagée et revitaliser les communautés et les économies. Ce plaidoyer est une réponse à la disparité croissante des richesses qui privilégie les 1 % les plus riches par rapport aux 99 % les plus défavorisés, lesquels contribuent pourtant de manière significative à la richesse mondiale. La CSI affirme qu'un tel contrat social se doit d'inclure le respect des droits des travailleurs, des emplois décents respectueux de l'environnement, des droits, des salaires vitaux, une protection sociale universelle, l'égalité entre les groupes sociaux et l'inclusion des travailleurs dans la prise de décision.

Aujourd'hui, l'appel en faveur d'un nouveau contrat social est particulièrement urgent en Afrique.

Dans de nombreux forums, les syndicats africains ont pris conscience d'une réalité cruciale : un nouveau contrat social qui favorise la justice sociale est irréalisable si les travailleurs ne disposent pas d'une voix puissante, unie et organisée.

En l'absence de syndicats forts, les travailleurs restent fragmentés et vulnérables face à l'exploitation, tandis que la pression en faveur de politiques économiques et sociales équitables s'affaiblit. La seule façon de garantir un travail décent, des salaires équitables et une protection sociale est d'accroître la densité syndicale et d'élargir le cadre de la négociation collective afin de donner aux travailleurs une position de négociation plus forte.

Parallèlement, le renforcement des efforts de syndicalisation et le resserrement de la solidarité entre les travailleurs sont la seule voie viable pour parvenir à un nouveau contrat social garantissant justice, équité et dignité pour tous.

La représentation syndicale est indispensable en tant que moyen d'influence et de mobilisation, qui sont deux éléments essentiels pour faire pression sur les responsables afin d'obtenir des changements positifs et transformateurs. Les vagues d'attaques néolibérales, à commencer par l'instauration des programmes d'ajustement structurel dans les années 1980 et, surtout, les politiques de déréglementation, de libéralisation et de privatisation qui les accompagnaient, ont entraîné la perte de millions d'emplois formels et l'afflux en masse vers l'économie informelle des personnes touchées par ces politiques. Toutes ces mesures ont sans aucun doute affaibli les syndicats et le pouvoir des travailleurs.

L'intensification de la mondialisation et les manœuvres antisyndicales agressives marquées, notamment, par les réformes des lois du travail, le tout conjugué aux défis internes, ont contribué à éroder encore davantage l'influence des syndicats. Aussi, la situation actuelle, où le taux de syndicalisation moyen oscille autour de 9 % dans les pays africains (à l'exception de l'Afrique du Sud et de la Tunisie, où il est à deux chiffres) souligne à quel point il est urgent d'inverser la tendance et de redresser la situation.

Revitaliser et renouveler les syndicats africains

Lors du 5e Congrès des délégués de l'Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale (CSI-Afrique), en novembre 2023, à Nairobi, au Kenya, où j'ai été élu secrétaire général, je me suis engagé à poursuivre l'objectif de la CSI-Afrique d'organiser au moins quatre millions de nouveaux membres. À l'appui de cet objectif, la CSI-Afrique a organisé, les 2 et 3 octobre 2024 à Kigali, au Rwanda, un Forum stratégique sur la syndicalisation et la négociation collective. Consciente de la nécessité de mener à bien un processus inclusif, pragmatique et durable, la CSI-Afrique a fait appel aux structures des fédérations syndicales du groupement Global Unions en Afrique et à leurs affiliés pour concevoir et organiser le tout premier forum stratégique de ces dernières années.

Des entretiens ont été menés sur tout le continent en amont du forum pour mieux comprendre les obstacles à la syndicalisation et à la négociation collective, en veillant à aborder ceux-ci depuis une perspective nuancée. Ces entretiens ont permis d'apporter plusieurs éclairages. Ainsi, à l'issue d'un entretien avec une jeune employée de banque à Abuja, au Nigeria, à propos des mauvaises conditions de travail et de la nécessité d'adhérer à des syndicats, celle-ci a indiqué : « Il est rare de croiser des organisateurs syndicaux sur mon lieu de travail, même si j'aimerais beaucoup adhérer au syndicat et en être une membre active, car je veux améliorer mes conditions de travail. »

Une commerçante de Lomé, au Togo, a fait écho à ce sentiment : « Les fonctionnaires du conseil viennent chaque jour nous réclamer des taxes en contrepartie de services minimaux, mais nous ne pouvons pas protester et changer notre situation car nous n'avons pas de syndicat fort. » Ces exemples illustrent clairement les lacunes en matière d'organisation syndicale, et ce tant dans l'économie formelle que dans l'économie informelle.

Comme l'a noté le camarade Kwasi Adu-Amankwah, ancien secrétaire général de la CSI-Afrique, lors du Forum de Kigali, « entre 2007 et 2023, les syndicats africains doivent s'engager sur la voie de l'unité à tous les niveaux et renouveler leur engagement à investir dans l'organisation et la formation des travailleurs afin de revitaliser et de renouveler leurs organisations, faute de quoi le glas retentira rapidement et avec force ».

Les conditions de vie et de travail déplorables qui prévalent sur le continent sont en même tant propices à des campagnes de syndicalisation agressives visant à augmenter le nombre d'adhérents, dans la mesure où des syndicats forts sont indispensables pour parvenir à un nouveau contrat social.

En octobre dernier, la Déclaration de Kigali sur la syndicalisation et la négociation collective (et la « feuille de route » qui l'accompagne), adoptée à l'occasion du Forum stratégique sur la syndicalisation et la négociation collective, a réaffirmé le besoin urgent de syndicats plus forts, plus inclusifs et plus adaptables sur tout le continent africain. Reconnaissant le déclin des effectifs syndicaux, la croissance du travail informel et des petits boulots, et la participation limitée des femmes et des jeunes aux activités syndicales, la déclaration a souligné la nécessité d'une refonte audacieuse des stratégies syndicales.

Elle a en outre souligné la nécessité d'élargir la syndicalisation aux travailleurs informels, aux travailleurs des plateformes et aux travailleurs migrants. La Déclaration de Kigali a également insisté sur l'importance des collaborations régionales, appelant les syndicats africains à renforcer les droits des travailleurs et à consolider le pouvoir collectif. Les syndicats ont été encouragés à faire pression pour obtenir des lois du travail plus strictes, à négocier des accords de branche protégeant les travailleurs des différents secteurs, à recourir à l'éducation et à la sensibilisation pour changer et améliorer les perceptions et les récits négatifs sur les syndicats et à faire campagne pour la ratification des principales conventions de l'OIT qui garantissent les droits et la protection des travailleurs.

La formation des travailleurs et la transition numérique sont essentielles pour renforcer les syndicats dans le monde du travail d'aujourd'hui. L'Académie d'organisation de la CSI et la formation sur la syndicalisation des travailleurs des plateformes renforceront la capacité des syndicats à assurer une représentation adéquate couvrant toutes les catégories de travailleurs. En définitive, la Feuille de route de Kigali pour la syndicalisation et la négociation collective présente un programme clair à adopter par les syndicats africains pour promouvoir le nouveau contrat social que tous les Africains méritent.

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