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17.04.2025 à 18:11

« Robots tueurs » : Pourquoi l'ONU doit élaborer un traité international au plus vite

la rédaction d'Equal Times

« Il y a deux manières de combattre, l'une avec les lois, l'autre avec la force. La première est propre aux hommes, l'autre nous est commune avec les bêtes », écrit Nicolas Machiavel dans son ouvrage de référence sur l'art de la guerre, Le Prince, publié en 1532. Si nous voulons rester des hommes et non devenir des êtres sans affect, il est fondamental de réfléchir à l'éthique et de faire évoluer la législation internationale au développement de nouvelles technologies. D'autant plus à (…)

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« Il y a deux manières de combattre, l'une avec les lois, l'autre avec la force. La première est propre aux hommes, l'autre nous est commune avec les bêtes », écrit Nicolas Machiavel dans son ouvrage de référence sur l'art de la guerre, Le Prince, publié en 1532. Si nous voulons rester des hommes et non devenir des êtres sans affect, il est fondamental de réfléchir à l'éthique et de faire évoluer la législation internationale au développement de nouvelles technologies. D'autant plus à l'heure où nous assistons à une plus grande autonomisation des champs de bataille.

Car comme le rappelle le professeur Geoffrey Hinton, prix Nobel de physique en 2024, notamment pour ses contributions sur l'IA : « Bon nombre des systèmes d'armes reposent sur l'intelligence artificielle », or les systèmes d'armes létaux autonomes (SALA), appelés plus communément « robots tueurs », ne font pas l'objet d'un encadrement juridique international spécifique.

  • L'Assemblé générale de l'ONU est-elle prête à ouvrir le débat sur un traité ?

Le 2 décembre 2024, l'Autriche a présenté un projet de résolution à l'ONU sur les systèmes d'armes autonomes létaux (SALA), mettant en avant l'urgence de leur régulation dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC). L'Assemblée générale a adopté le texte par 166 voix « pour » et 3 « contre » (Bélarus, Russie et Corée du Nord), et 15 abstentions. C'est une première étape cruciale, car cela témoigne de la volonté grandissante de la communauté internationale de mettre à jour la législation internationale. Cette résolution crée un nouveau forum sous les auspices de l'ONU pour discuter de ce qu'il convient de faire à leur sujet.

  • Depuis quand l'ONU travaille sur la question ?

Depuis 2013, la question des armes autonomes et de leurs enjeux a été maintes fois portée au débat. Tout d'abord, par la Commission des droits de l'homme de l'ONU lors d'une réunion informelle d'experts internationaux du désarmement sur les systèmes létaux d'armes autonomes, à Genève. En 2017, l'Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) lance une série de rencontres entre États et experts afin d'étudier la question de la transparence, de la supervision des drones armés et de l'obligation de rendre des comptes.

Peu de temps avant, les États-Unis publiaient une déclaration, approuvée par 53 pays, pour défendre « l'exportation et l'utilisation de véhicules aériens sans pilotes (UAV) armés ou capables de frapper », certes en respectant quelques principes, mais sans pour autant en déterminer les contours légaux, provoquant de vives réactions et inquiétudes parmi la société civile qui craint pour la prolifération de leur déploiement et utilisation ainsi qu'un contrôle appauvri de leur usage.

  • Quels sont alors les États qui utilisent les « robots tueurs » et ceux qui s'opposent à un traité international contraignant ?

L'armée américaine utilise des drones au Pakistan, en Somalie et au Yémen notamment. Elle est pointée du doigt par de nombreux chercheurs et ONG qui dénoncent le fondement légal de ces frappes visant des individus soupçonnés d'appartenir à des groupes, selon un certain profil. « Nous sommes gravement préoccupés par le fait que certaines de ces frappes aériennes ont violé le droit à la vie », déclarait une de leur porte-parole, Sophia Wistehub, devant l'Assemblé générale de l'ONU, en 2017. Les États-Unis sont opposés à un traité contraignant.

La Russie et Israël utilisent également ce type d'armes actuellement sur des terrains de guerre. Des pays comme la Chine, le Royaume-Uni, la France, la Turquie, la Corée du Sud et l'Inde développent des capacités liées à l'autonomie militaire. En France, le comité d'éthique de la défense a déjà donné son avis. Ses membres ne souhaitent pas que l'armée exploite des systèmes d'armes létales totalement autonomes. En revanche, ils ne s'opposent pas aux armes robotisées, pilotées par des opérateurs humains. C'est aussi la position d'autres pays tels que l'Australie, Israël, la Turquie, la Chine et la Corée du Sud qui développent également leurs propres systèmes d'armes létales autonomes.

À noter que le processus décisionnel par consensus permet à un seul pays d'empêcher tout accord. C'est ce qui explique qu'aucun traité n'ait encore vu le jour.

  • Pourquoi il y a urgence à élaborer un traité ?

« Nos inquiétudes ont été renforcées par la disponibilité et l'accessibilité croissantes de technologies nouvelles et émergentes sophistiquées, telles que la robotique et l'intelligence artificielle, qui pourraient être intégrées dans des armes autonomes », soulignait ainsi en 2013 António Guterres, le Secrétaire général des Nations Unies.

Les conflits actuels illustrent la façon dramatique dont les guerres se numérisent et s'accélèrent : dans la bande de Gaza, l'armée israélienne utilise les systèmes de ciblage assistés notamment par l'IA, comme les logiciels « Habsora » ou « Alchemist ». « Ces technologies peuvent aussi être employées pour intensifier les campagnes aériennes en augmentant la cadence des frappes – causant donc plus de dommages humains et matériels parmi les civils », écrivent ainsi deux chercheuses françaises.
Au Burkina Faso et en Éthiopie, Amnesty International dénonce le recours aux drones armés de bombes et d'autres munitions guidées par laser. Dans le Haut-Karabakh ou en Libye, ce sont les munitions « rôdeuses » qui sont utilisées. Tout comme en Ukraine. Le 12 mars 2022, un KUB-BLA s'écrase à Kiev. C'est une munition rôdeuse qui est aussi appelée un « drone kamikaze » pouvant être dirigé par une intelligence artificielle. Il survole une zone donnée de façon autonome avant de trouver sa cible et de s'écraser. Glaçant mais réel.

  • En quoi une campagne internationale peut-elle favoriser l'élaboration d'un traité ?

En 2012, une campagne internationale, baptisée « Stop Killer Robots » et portée par des ONG du monde entier soucieuses d'interpeller l'opinion publique, mais surtout les dirigeants sur l'urgence d'encadrer par la loi ces fameux engins. Des tribunes se multiplient, des pétitions aussi et des manifestations comme à Berlin en avril 2020 alors que se tient un forum international virtuel sur les SALA auquel participent une soixantaine de pays. La campagne repose aussi sur le recueil de témoignages, des rapports scientifiques ou encore ce sondage effectué dans 23 pays en 2019 par « Stop Killer Robots » révélant que six humains sur dix sont contre l'utilisation des « robots tueurs ».

Rappelons-nous que les États ont su interdire les armes chimiques et biologiques (1993), les lasers aveuglants, les mines antipersonnels (1997) et les armes à sous-munitions (2008). L'usage de ces armes a ainsi fortement réduit et toutes formes de contravention par des pays est largement stigmatisé. Ona pu observer que même les Etats non-signataires de ces traités ont fini par s'aligner, sauvant d'innombrables vies civiles.

Pour aller plus loin :

- L'organisation Human Rights Watch a listé la position de chaque pays par rapport à l'idée de signer un traité international, à voir ici https://www.hrw.org/fr/report/2020/08/26/stopper-les-robots-tueurs/positions-des-pays-sur-linterdiction-des-armes

- Une campagne internationale portée par des citoyens engagés au sein de l'ONG Stop Killer Robots existe. De nombreuses actions sont recensées sur leur site https://www.stopkillerrobots.org/take-action/join-the-campaign/

- Un rapport développant les conclusions d'une mission d'information sur les systèmes d'armes létaux autonomes portée par des députés français en juillet 2020 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b3248_rapport-information

15.04.2025 à 05:00

Le Cambodge mise sur la formation professionnelle pour forger sa jeunesse, dans un contexte de relocalisation industrielle

François Camps

Pour Um Putheavy, il ne fait aucun doute : « M'engager dans une formation professionnelle m'a permis d'élargir le champ des possibles. Une fois diplômée, j'aurai autrement plus d'opportunités d'embauches que si j'étais restée dans ma province natale de Kampong Thom ». À 17 ans, l'adolescente, rencontrée par Equal Times en janvier 2025, est à 8 mois d'obtenir son certificat technique et professionnel en tant qu'hôtesse d'accueil et d'entrer sur le marché du travail. « Une perspective (…)

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Pour Um Putheavy, il ne fait aucun doute : « M'engager dans une formation professionnelle m'a permis d'élargir le champ des possibles. Une fois diplômée, j'aurai autrement plus d'opportunités d'embauches que si j'étais restée dans ma province natale de Kampong Thom ». À 17 ans, l'adolescente, rencontrée par Equal Times en janvier 2025, est à 8 mois d'obtenir son certificat technique et professionnel en tant qu'hôtesse d'accueil et d'entrer sur le marché du travail. « Une perspective réjouissante », assure-t-elle, alors qu'elle vient de passer les trois dernières années en formation au sein de l'ONG française Pour un Sourire d'Enfant (PSE). Son rêve ? « Gérer un hôtel », lance-t-elle dans un anglais parfait.

Originaire de la province rurale de Kampong Thom, à trois heures de route de la capitale, Phnom Penh, Putheavy possède un parcours qui ressemble pourtant à celui de millions d'autres Cambodgiens et Cambodgiennes qui font face à un décrochage scolaire massif. Selon le dernier recensement de 2019, seuls 26,6% des élèves terminaient leurs études secondaires.

Pour l'adolescente, le divorce de ses parents à ses 13 ans, a marqué un tournant. Auparavant bonne élève, ses notes chutent peu à peu suite à ce bouleversement familial. Deux ans plus tard, sa mère, qui assure seule la charge des enfants, ne parvient plus à payer les frais de scolarité. Deux choix s'offrent alors à Putheavy : rejoindre sa grande sœur dans l'une des nombreuses usines textiles de la capitale, où les employées peu qualifiées sont embauchées pour 204 dollars américains (USD) par mois, ou trouver une formation professionnalisante qui lui permettra de voir plus loin. « Par chance, j'ai été acceptée chez PSE, qui offre aux élèves issus de milieux défavorisés une formation gratuite », reconnaît l'adolescente. « Ma mère m'a aussi fortement encouragée à poursuivre des études. »

À quelques mètres de là, Sophorn Sovanna raconte une histoire similaire. Le jeune homme de 22 ans terminera bientôt sa formation en mécanique automobile au sein de l'ONG, située dans la banlieue sud-ouest de Phnom Penh. Après trois ans d'études, dont deux de pratique, il souhaite devenir conseiller mécanique dans l'un des nouveaux garages de la ville, aux standards occidentaux.

« Il y a une vraie différence entre les mécaniciens formés à l'école et ceux formés sur le tas », explique Sovanna.

« Au-delà des capacités techniques, j'ai suivi des cours d'informatique, de comptabilité, d'anglais, d'hygiène ou encore de sécurité. Surtout, j'ai appris à me comporter en milieu professionnel, ce qui est totalement nouveau pour moi. Je viens d'un milieu défavorisé … mes parents ne pouvaient pas me transmettre ce genre de codes. J'ai tout appris ici ». Chaque année, quelque 1.500 élèves sortent diplômés d'une des cinq formations professionnelles dispensées par l'ONG.

Au Cambodge, l'éducation de la jeunesse est longtemps restée l'angle mort du développement du pays. Alors que le royaume d'Asie du Sud-Est affiche un taux de croissance moyen de plus de 7% par an depuis le début des années 2000 et voit ses indicateurs de développement passer dans le vert les uns après les autres, tournant ainsi la douloureuse page de la guerre civile qui fit rage dans les années 1970-1990, le niveau d'éducation des jeunes stagne, voire régresse, d'année en année. En 2021, 49% des élèves ne maîtrisaient pas les bases de la lecture à leur entrée dans l'enseignement secondaire, contre 34% en 2016, selon un rapport de la Banque mondiale publié en janvier 2024. Le constat est tout aussi alarmant en mathématiques : 73% des élèves n'avaient pas les bases en mathématiques en 2021, contre 49% en 2016.

Par conséquent, le système éducatif actuel peine à former une jeunesse qualifiée en mesure de répondre aux besoins en développement du pays. Et pour subvenir aux besoins économiques des familles, une part importante des enfants en décrochage scolaire part travailler aux champs, sur les bateaux de pêche ou à l'usine, comme la grande sœur de Putheavy. Selon les dernières données de l'Institut National des Statistiques, publiées en 2021, 17% des enfants de 5 à 17 ans travaillaient au lieu d'aller à l'école.

Une main d'œuvre mieux formée pour accompagner l'essor économique

Pour tenter d'inverser la tendance, le gouvernement a mis sur pied, au milieu des années 2010, plusieurs politiques nationales visant à développer les formations professionnelles. Sous l'égide du ministère du Travail et de la Formation professionnelle, les filières se sont structurées. Tourisme, mécanique, ingénierie, électricité, maintenance des bâtiments, textile, coiffure, agriculture … Toutes les branches ou presque proposent désormais une option de formation dédiée. Leurs durées varient pour répondre aux besoins du secteur privé : de quelques semaines pour des stages spécifiques à plusieurs années pour les certificats techniques et professionnels, qui peuvent ensuite être prolongés par des licences ou des masters. La mise en œuvre des programmes est assurée conjointement par des organismes publics, privés et des ONG, comme PSE.

Selon les dernières données du ministère du Travail, plus de 72.000 étudiants étaient engagés dans des programmes publics de formation professionnelle en 2020-2021. Mais ce chiffre est appelé à monter : fin 2023, le gouvernement cambodgien s'est engagé à dispenser des formations professionnelles gratuites pour 1,5 million de jeunes issus des milieux défavorisés, offrant même une indemnité rémunération de 280.000 riels par mois (environ 70 USD ou 63 EUR) pour les plus précaires d'entre eux, afin de compenser l'arrêt temporaire de leur activité économique.

« L'idée est d'accélérer la formation de la jeunesse et d'opérer une montée en gamme rapide de la main d'œuvre », explique Malika Ok, gestionnaire de projet formation professionnelle à l'Agence Française de Développement, qui soutient le développement des formations dans le pays depuis 2012, à hauteur de 74 millions USD (environ 64 millions EUR).

« Au tournant de la guerre civile, le Cambodge était un pays à la main d'œuvre peu qualifiée, majoritairement impliquée dans des industries à faible valeur ajoutée. Mais une main d'œuvre mieux formée permettrait au pays de profiter pleinement du dynamisme économique que connaît l'Asie du Sud-est. »

Le timing ne pourrait être meilleur. Alors que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine pousse de nombreux investisseurs à diversifier leurs chaînes d'approvisionnements, la région apparaît comme le grand gagnant des relocalisations en cours [*]. L'année 2024 a ainsi été marquée par une hausse généralisée des investissements étrangers dans la zone, notamment au Vietnam ou en Indonésie. Avec 5,3 milliards USD (4,9 EUR) d'investissements directs étrangers sur les trois premiers trimestres 2024, le Cambodge semble également profiter de cette tendance positive. « Mais nos partenaires dans le privé, et notamment dans le secteur textile, continuent de nous faire part d'un manque de main d'œuvre plus qualifiée », tempère Malika Ok. « Concrètement, cela veut dire que le pays passe à côté d'opportunités. »

L'inadéquation entre l'offre et la demande de compétences provient avant tout d'un manque d'inscriptions dans les programmes de formation professionnelle. Depuis janvier 2024 et le lancement du programme national visant à former 1,5 million de jeunes, seuls 30.000 nouvelles inscriptions ont été documentées dans les familles venant des milieux défavorisés. La faute, en partie, à la concentration des structures d'accueil à Phnom Penh, Siem Reap et Battambang, les plus grandes villes du pays, qui rassemblent plus de la moitié de l'offre de formation, laissant les provinces rurales sur le banc de touche.

L'enjeu de la promotion des formations professionnelles

Une étude du Cambodia Development Resource Institute, datée d'avril 2023, souligne également le manque d'inscription dans les filières formant des techniciens, pointant un détournement des programmes labellisés formation professionnelle pour poursuivre des études générales. Ainsi, en 2018-2019, seuls 9,2% des inscriptions en formations professionnelles avaient lieu à des niveaux délivrant un certificat technique et professionnel, qui nécessite entre deux et trois ans de formation. Le reste se divisait entre formations très courtes (certificats d'aptitude professionnelle, 26,4%) et diplômes du supérieur type licence ou master (64% des inscriptions). « L'université au Cambodge tend à produire trop de diplômés dans les filières commerciales, comme la comptabilité et le management […] et les formations professionnelles font désormais la même chose », notent les auteurs Sopheak Song et Phal Chea. « Le ministère voudrait voir un plus grand niveau d'inscription dans ces programmes [techniques] du fait d'une pénurie nationale de travailleurs qualifiés de niveaux intermédiaires sur le marché de l'emploi. Ces compétences sont indispensables pour permettre à l'économie de combler les lacunes et les inadéquations en matière de compétences ».

« Mais la dynamique va dans le bon sens », veut rassurer Narath Chheav, président du comité des ressources humaines à la Chambre européenne de commerce, qui promeut localement la formation professionnelle auprès du gouvernement et des entreprises. « Pendant longtemps, les formations professionnelles avaient un vrai problème d'image : les jeunes et les familles les voyaient comme des voies de deuxième rang, derrière l'université. Cela change peu à peu et l'on voit des industries de pointe commencer à investir au Cambodge, comme le japonais Minebea Mitsumi, qui produit des composants électroniques, et fait partie des industries les plus avancées du pays ».

Depuis le tournant des années 2010, l'industrie automobile s'intéresse également à ce pays de seulement 17 millions d'habitants : Toyota, Ford, Hyundai ou encore Kia ont ouvert des centres de production au Cambodge. Et une usine d'assemblage du géant chinois des véhicules électriques Build Your Dreams (BYD), d'une capacité de 10.000 véhicules par an, doit ouvrir d'ici la fin de l'année dans le royaume.

« Non seulement ces exemples offrent de réels débouchés à des techniciens fraîchement formés, mais ils permettent aussi d'améliorer grandement l'image des formations professionnelles auprès des jeunes », pointe Narath Chheav.

Pour la jeunesse cambodgienne, le fait d'être diplômé d'une formation professionnelle fait souvent l'effet d'un accélérateur de carrière. Il n'a ainsi fallu qu'une semaine à Yim Sreymann pour trouver un emploi dans la gestion des stocks dans une grande entreprise de construction. « Ce n'est pas directement lié à mes études en maintenance des bâtiments, mais je n'aurais jamais pu décrocher cet emploi sans mon diplôme. Sans ça, c'était l'usine textile ou les rizières », lance la jeune femme de 22 ans. « Au-delà des compétences techniques, j'ai énormément gagné en confiance en moi. J'ai appris à m'exprimer en milieu professionnel, à poser des conditions, à négocier, etc. Je n'aurais jamais été capable de ça par le passé. »

Le seul bémol dans cette composition presque parfaite ? Le niveau de salaire, « un peu en dessous de mes espérances », confesse la jeune femme, qui dit toucher environ 300 USD (277 EUR) par mois sans les heures supplémentaires. « À niveaux de compétences et d'expérience égaux, mes collègues issus de l'université gagnent entre 50 et 100 dollars de plus par mois. Mais je ne désespère pas : cet emploi est ma première expérience professionnelle et je compte bien gravir les échelons les uns après les autres. »

Cette différence de salaire et le manque de valorisation à court terme des années d'études poussent certains à tenter leur chance ailleurs. C'est par exemple le cas de Orn Phanit, qui travaille depuis cinq ans au Japon après avoir validé son certificat technique et professionnel en maintenance des bâtiments. « J'avais envie de tenter ma chance à l'étranger. En passant par le biais d'une agence spécialisée, j'ai pu trouver un emploi dans ma branche à Tokyo », explique-t-il. « C'est doublement intéressant : j'apprends de mes collègues en découvrant une nouvelle culture du travail et je gagne nettement mieux ma vie. » A 30 ans, il est payé entre 230.000 et 300.000 yen par mois (entre 1.500 et 2.000 USD), ce qui lui permet de vivre, mettre de côté et d'envoyer de l'argent à sa famille, restée au Cambodge. « En restant au pays, j'aurais gagné entre 250 et 300 dollars par mois », estime-t-il.

Mais le jeune homme a conscience du marchepied qu'a constitué son cursus scolaire. « La formation professionnelle m'a donné toutes les bases dont j'avais besoin. En arrivant au Japon, j'ai certes dû apprendre une nouvelle culture du travail et des normes techniques différentes de celles du Cambodge. Mais j'avais déjà le bagage éducatif pour pouvoir aller de l'avant. Mes collègues et mon patron m'ont rapidement considéré comme un employé normal qui aurait été formé au Japon, alors même que le niveau d'exigence est bien plus élevé ici », explique Phanit.

Si l'expatriation reste rare chez les diplômés de formation professionnelle – Phanit est le seul de sa promotion à avoir tenté sa chance à l'étranger – la poursuite d'études semble quant à elle gagner en popularité, comme un nouveau défi après des études techniques réussies. Au sein de l'ONG PSE, Sophorn Sovanna, dit ainsi vouloir poursuivre son cursus à l'université, une fois son diplôme de mécanicien en poche : « Si j'arrive à trouver un emploi assez bien rémunéré, je continuerai peut-être les études pour devenir ingénieur en mécanique. Ce n'est encore qu'un projet, mais il mûrit peu à peu ».

Yim Sreymann, qui travaille dans la gestion de stocks, réfléchit elle aussi à reprendre le chemin de l'école, pour étudier l'architecture en cours du soir. « Devenir architecte était l'un de mes rêves d'enfants, mais ma famille n'avait pas les moyens de payer l'université », explique-t-elle. « Maintenant que j'ai un emploi stable et commence à avoir un peu d'argent, cela devient une option envisageable ».


* [ajout du 15.04.2025] Cet article a été rédigé avant que l'administration Trump aux États-Unis n'annonce sa décision le 2 avril d'imposer des droits de douane radicaux dans le monde entier. Bien que la plupart des droits de douane aient été gelés pendant 90 jours, s'ils sont appliqués ultérieurement, les droits de douane de 49 % proposés sur les produits cambodgiens auront un impact dévastateur sur l'économie du pays ; l'exportation de biens et de services représente 66,9 % du PIB selon la Banque mondiale, et les États-Unis sont le plus grand marché pour les exportations cambodgiennes.

Ce reportage a pu être réalisé grâce au financement d'"Union to Union" — une initiative des syndicats suédois, LO, TCO, Saco.

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