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19.11.2024 à 09:53

Secrets, fuites, fleuves : comment le journalisme d’investigation transfrontalier se déploie en Afrique

Ekpali Saint, Patrick Egwu,

#AfricaFocusWeek Du 18 au 24 novembre 2024, GIJN met en lumière le journalisme d’investigation en Afrique. Dans cet article, les journalistes Patrick Egwu et Ekpali Saint se penchent sur la montée en puissance du journalisme cross-border sur le continent africain, mais aussi sur les freins et défis à surmonter.
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#AfricaFocusWeek Du 18 au 24 novembre 2024, GIJN met en lumière le journalisme d’investigation en Afrique. Dans cet article, les journalistes Patrick Egwu et Ekpali Saint se penchent sur la montée en puissance du journalisme cross-border sur le continent africain, mais aussi sur les freins et défis à surmonter.

Tout comme leurs homologues aux quatre coins du monde, les organisations et journalistes d’investigation africains font appel à des partenaires transfrontaliers pour partager des ressources, traiter des volumes considérables de données et optimiser l’impact de leurs enquêtes. Cette collaboration a lieu dans des environnements parmi les plus difficiles et dangereux au monde pour les journalistes d’investigation.

Au cours des dix dernières années, des enquêtes transfrontalières complexes, comme Swazi Secrets, West Africa Leaks et des projets d’enquêtes régionales sur l’environnement, tels que InfoCongo et InfoNile, ont réunis des journalistes et des chercheurs de presque douze pays africains, avec et sans partenaires médias d’autres continents.

Un nombre croissant d’organisations en Afrique se consacrent à l’établissement de collaborations dans le cadre d’investigations, que ce soit dans plusieurs secteurs en mettant en contact des scientifiques et des journalistes, au-delà des frontières en servant de réseau régional, via des formations, en aidant les journalistes d’investigation à limiter les risques que présente la publication dans des pays dangereux et en fournissant des fonds ou en aidant les journalistes d’investigation à en lever.

GIJN a contacté des journalistes et organisations qui soutiennent des projets d’investigation transfrontaliers dans leurs régions, notamment l’Afrique australe, les Grands Lacs en Afrique de l’Est et le bassin du Nil, pour discuter de leurs projets, expériences et défis, ainsi que des outils de collaboration qu’ils utilisent.

CENOZO : #WestAfricaLeaks et au-delà

L’enquête West Africa Leaks publiée en 2018 et qui a révélé comment des corporations et individus puissants en Afrique de l’Ouest ont caché des milliards à l’étranger, a été menée par ce qui fut à l’époque la collaboration la plus importante de journalistes dans la région. Basée sur une analyse de toutes les références concernant l’Afrique de l’Ouest dans les 27,5 millions de documents de l’ICIJ (International Consortium for Investigative Journalism) liés aux fuites importantes de données, dont Offshore Leaks, Panama Papers et Paradise Papers, c’était la première fois que l’ICIJ se concentrait sur une région spécifique et coordonnait une collaboration impliquant une douzaine de journalistes dans 11 pays.

The 2018 ICIJ cross-border collaboration West Africa Leaks included reporters from 11 West Africa countries.

Le projet de collaboration transfrontalière de l’ICIJ et CENOZO de 2018, West Africa Leaks, comprenait des reporters de 11 pays africains. Image : Capture d’écran, ICIJ

Un des partenaires de l’ICIJ en Afrique de l’Ouest était la CENOZO, la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest, une association régionale de journalistes d’investigation basée au Burkina Faso. Créée en 2015, la CENOZO sert de plateforme de réseau de journalistes ouest-africains et les aide à publier des enquêtes lorsqu’ils font face à trop de dangers s’ils les publient dans leur pays, les finance et les forme aux techniques d’investigation.

“Le problème majeur auxquels sont confrontés les journalistes dans notre région est le manque de ressources et de compétences pour réaliser des enquêtes approfondies sur des problèmes d’intérêt public,” déclare Ignace Sossou, le responsable des programmes de la CENOZO. Il ajoute qu’à l’heure actuelle, le problème qui les préoccupe le plus est celui de la dégradation de la sécurité en Afrique de l’Ouest, le manque accru d’accès aux sources et la démotivation des journalistes. En Afrique de l’Ouest, la sécurité et le climat politique sont fragiles, surtout dans la région du Sahel, où des terroristes armés sévissent dans plusieurs pays.

Les journalistes de la CENOZO ont également participé aux projets Shadow Diplomats et Pandora Papers, et aux enquêtes FinCEN Files coordonnés par l’ICIJ. En 2023, la CENOZO s’est associée avec le CCIJ (Center for Collaborative Investigative Journalism), un centre à but non lucratif axé sur les données et les contenus visuels, pour renforcer le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest.

IJ Hub : Encourager les enquêtes en Afrique australe

L’enquête Swazi Secrets, qui portait sur ce que l’ICIJ a décrit comme la fuite la plus importante de ce type provenant d’une cellule de renseignement financier dans un pays africain, a exposé les transactions et personnes à l’origine d’une économie régionale illégale, et impliqué certains individus parmi les plus connus en Afrique australe dans le domaine de la politique et des affaires.

Plus de 890 000 documents internes de l’EFIU (Eswatini Financial Intelligence Unit) ont été divulgués. L’organisation Distributed Denial of Secrets à but non lucratif les a obtenus et partagés avec l’ICIJ et sept partenaires médias. Trente-huit journalistes originaires de 11 pays, y compris l’Afrique du Sud, le Nigeria et la Zambie, ont participé à l’enquête.

Pour l’enquête Swazi Secrets, le partenaire média basé en Afrique du Sud était l’organisation amaBhungane Centre for Investigative Journalism sud-africaine indépendante, à but non lucratif et membre de GIJN, qui a fait ses débuts en tant qu’unité d’investigation pour le journal Mail & Guardian.

Swazi Secrets ICIJ investigation Eswatini

Le projet d’enquête Swazi Secrets a été mené par les médias ICIJ, amaBhungane, Finance Uncovered, Inhlase et MakanDay. Image : Capture d’écran, ICIJ

En 2019, amaBhungane a lancé IJ Hub pour soutenir les rédactions d’investigation dans la région en développant les capacités, en proposant un soutien éditorial et en partageant la collecte de fonds et les risques. Mis en place à l’origine sous la forme d’un incubateur chez amaBhungane, IJ Hub a été détaché de la rédaction en 2021 et compte actuellement sept centres membres dans six pays : Afrique du Sud, Lesotho, Eswatini, Zambie, Malawi et Namibie.

Cette année, trois membres de l’équipe d’IJ Hub, à savoir amaBhungane, MakanDay en Zambie et Inhlase en Eswatini, ont collaboré avec l’ICIJ dans le cadre de l’enquête Swazi Secrets. Ils ont exposé l’éventuelle implication de l’Eswatini qui aurait favorisé l’économie de contrebande d’or en Afrique australe, facilitée par des contrôles insuffisants pour lutter contre le blanchiment d’argent, ainsi que par les hommes politiques et les courtiers en énergie sud-africains impliqués. L’enquête a également révélé l’existence de deux raffineries fantômes qui ont acheminé des millions de dollars à destination de Dubaï, via l’Eswatini.

Troye Lund, la directrice générale d’IJ Hub, explique que l’enquête Swazi Secrets a permis aux journalistes “d’exploiter leurs ressources mutuelles pour un succès partagé”.

Elle ajoute que c’est l’accès aux informations qui leur a posé le plus problème, car il est “quasiment impossible” dans la plupart de ces pays. Par exemple, en Eswatini, la dernière monarchie absolue en Afrique, il est non seulement très difficile d’obtenir des informations, mais c’est également très dangereux. “Il faut contourner le problème et trouver des journalistes très expérimentés qui connaissent bien le processus”, explique-t-elle. Après l’enquête Swazi Secrets, les législateurs en Eswatini ont réprimé encore davantage la liberté de la presse dans le but d’empêcher d’autres fuites.

Lund a également édité une enquête collaborative sur une ONG chrétienne basée aux États-Unis, qui révèle que les fondateurs de l’organisme de bienfaisance ont empoché les dons destinés aux enfants malawiens pour financer leur train de vie opulent. L’enquête a été publiée par l’organisation malawienne PIJ (Platform for Investigative Journalism) avec le soutien éditorial d’IJ Hub et OpenUP/Africa Data Hub.

Les journalistes participant à ce projet ont collecté des documents financiers et des déclarations de revenus du Malawi et des États-Unis.

Après la publication de l’enquête, “l’organe de supervision des ONG au Malawi a ouvert une enquête sur l’organisme de bienfaisance, qui s’est traduite par la suppression de son statut de certification aux États-Unis et une enquête judiciaire. Plusieurs donateurs ont (également) désinvesti leur apport”, ajoute Lund.

Lund explique que, pour être efficace, une enquête doit mettre en relation des journalistes de différentes unités d’investigation qui réalisent une enquête et un rédacteur en chef spécialisé dans les investigations.

“Le rédacteur en chef spécialisé dirige les discussions autour du sujet principal de l’enquête, et des réunions hebdomadaires, ou plus fréquentes, sont organisées avec le rédacteur en chef afin de s’assurer du bon déroulement de l’enquête et de son orientation”, explique Lund.

“Le rédacteur en chef est expérimenté et peut animer des discussions sur la marche à suivre et la gestion des informations.”

InfoNile : ‘Géojournalisme’ dans le bassin du Nil

Les enquêtes d’investigation transfrontalières peuvent enrichir les connaissances et les compétences des journalistes qui partagent des idées, des ressources et des outils, mais elles peuvent également mettre les journalistes en relation avec des experts sur un sujet.

Le groupe InfoNile qui enquête sur des problèmes dans le bassin du Nil, une région qui regroupe 11 pays africains dont l’Égypte, le Soudan, l’Érythrée et l’Éthiopie, a été fondé en 2017 et est composé d’un “groupe transfrontalier de géojournalistes” qui réalise des enquêtes cruciales sur la question de l’eau sur le plus long fleuve du monde, et met en relation des chercheurs, des scientifiques, des journalistes et le public.

InfoNile investigation Sucked Dry land deals in Nile Basin

Enquête d’InfoNile « Sucked Dry » sur les affaires foncières dans le bassin du Nil. Image : Capture d’écran, InfoNile.

Sa co-fondatrice Annika McGinnis souligne que le journalisme transfrontalier a contribué à démasquer des voies commerciales transnationales. Leur enquête Dépossédés : saisies de terres et suppression de l’accès à l’eau dans le bassin du Nil (Sucked Dry: Land Grabs and Water Access in the Nile River Basin) a révélé que des investisseurs étrangers acquièrent de très vastes étendues de territoire en Éthiopie, en déplaçant par là même des communautés, pour cultiver des fleurs et les exporter en réalisant d’énormes bénéfices. Le projet a regroupé au sein d’une équipe plus de 10 rédacteurs en chef, journalistes d’investigation, data-journalistes, concepteurs et traducteurs de sept pays, et il a remporté le 3e prix dans la catégorie des enquêtes d’investigation exceptionnelles (Outstanding Investigative Reporting) du prix 2020 Fetisov Journalism Awards.

“La collaboration transfrontalière, c’est la solution”, confirme McGinnis. “C’est le seul moyen d’exposer à une plus grande échelle la réalité de ces problèmes transfrontaliers et de suivre la trace du commerce transnational.”

McGinnis explique qu’InfoNile a vu le jour dans le cadre d’un projet de recherche appelé Open Water Diplomacy Lab, qui s’est intéressé à comment les médias enquêtaient dans le bassin du Nil sur les problèmes régionaux liés à l’eau. Il a découvert que, dans la majorité des pays, l’enquête adoptait “un point de vue très nationaliste plutôt qu’une perspective transfrontalière”. InfoNile est là pour combler cette lacune.

Alors qu’à l’origine InfoNile s’est concentré sur la question de l’eau, le groupe a rapidement compris que son approche lui permettrait de couvrir de nombreux sujets concernant la région. Par exemple, InfoNile s’est associé à l’organe de presse Oxpeckers Investigative Journalism Network, basé en Afrique du Sud et qui se spécialise dans l’environnement, pour couvrir le trafic d’espèces sauvages, et a réalisé de nombreuses enquêtes.

“Les espèces sauvages et produits qui en sont dérivés peuvent être obtenus d’un pays à un autre via des canaux illégaux et exportés à l’étranger ou dans une autre région. Il est important de couvrir ce commerce transnational sous un angle transnational”, ajoute McGinnis.

En 2022, InfoNile a lancé la plateforme NileWell qui met en relation des journalistes spécialisés dans l’environnement et des chercheurs dans le bassin du Nil. 233 chercheurs et plus de 500 journalistes sont enregistrés. InfoNile a également mis en place un programme mensuel appelé Science Wednesday, dans le cadre duquel des scientifiques spécialisés dans l’environnement ou l’eau présentent leurs travaux à un réseau de journalistes. Cette initiative aide les journalistes à trouver des idées d’enquête et donne aux scientifiques l’opportunité d’expliquer ou de clarifier certains termes scientifiques.

“Nous pensons que pour résoudre ces problèmes environnementaux, nous avons besoin d’expertise scientifique que nous devons pouvoir utiliser et convertir dans un format exploitable et compris de tous”, déclare McGinnis.

Le groupe InfoNile est basé en Ouganda, mais pour surmonter les éventuelles barrières linguistiques, il possède dans chaque pays du bassin du Nil un groupe de coordinateurs compétents en matière de journalisme environnemental et d’investigation. Ces derniers parlent la langue locale, peuvent communiquer avec les journalistes dans leur pays, facilitent le déploiement des programmes d’InfoNile, comme des formations, dans la langue principale de la région, et invitent des experts locaux.

L’IA et des outils de traduction comme Google Translate aident InfoNile à traduire la première ébauche d’une enquête d’une langue vers une autre. “Ce n’est pas l’idéal”, reconnaît McGinnis. “Mais cela nous permet de trouver davantage de points communs. Chaque méthode présente des problèmes, et les accents ne sont parfois pas toujours bien convertis ou la traduction n’est pas toujours correcte, par exemple. C’est un domaine que nous essayons constamment d’améliorer.”

Sécurité, outils, formation

Lorsque les journalistes d’investigation sont menacés dans leur propre pays, les investigations transfrontalières peuvent renforcer leur sécurité et atténuer les menaces, car l’enquête peut être publiée par plusieurs organes de presse, dans divers pays.

Un des principaux objectifs de la CENOZO est de proposer une plateforme pour les journalistes qui ne peuvent pas utiliser leur nom pour des raisons de sécurité ou lorsque la presse locale ne traite pas de sujets sensibles.

“En se regroupant, on répartit les risques”, déclare Gilbert Bukeyeneza, le fondateur d’Ukweli Coalition. “Il est plus facile de cibler un journaliste que plusieurs journalistes ou plusieurs organes de presse”, ajoute-t-il. L’entité Ukweli Coalition, dont le nom est dérivé d’un mot swahili qui signifie ‘fait’ ou ‘vérité’, a été fondé en mai 2023 pour soutenir le journalisme transfrontalier en Afrique de l’Est, et particulièrement dans la région des Grands Lacs. “La région des Grands Lacs est la partie francophone de l’Afrique de l’Est et de loin la moins évoluée en matière de liberté de la presse et de projets médias qui soutiennent les journalistes”, explique Bukeyeneza, journaliste depuis 12 ans. “Les journalistes de la région manquent sérieusement de financement. Ils n’ont aucun moyen d’agir.”

En juillet 2024, le centre Ukweli Coalition, en partenariat avec Africa Uncensored, a organisé un atelier pour 10 journalistes du Burundi et de la République démocratique du Congo, ce qui représente la première activité de la coalition depuis son lancement.

Les outils numériques jouent un rôle primordial dans la réussite des projets de journalisme d’investigation collaboratifs transfrontaliers, surtout en aidant les journalistes à toucher un plus grand public.

Lund explique que le centre de membres d’IJ Hub et Oxpeckers Investigative Environmental Journalism, la première unité de journalisme environnemental d’investigation en Afrique ont développé plusieurs outils d’investigation transfrontaliers. #WildEye est un des outils clés capable d’assurer le “suivi des saisies, des arrestations, des affaires judiciaires et des condamnations pour des crimes liés aux espèces sauvages et à l’environnement dans le monde entier”. #PowerTracker est un autre outil qui “assure le suivi des projets d’énergies renouvelables et du démantèlement des usines de charbon en Afrique subsaharienne”.

McGinnis, la co-fondatrice d’InfoNile explore actuellement l’outil d’IA Claude for Sheets qui aide à rédiger des formules dans Google Sheets. “Cet outil est utile lorsque les données ne sont pas organisées ou qu’elles comprennent de long blocs de texte, et que vous essayez de comprendre leur signification ou de les classer d’une manière ou d’une autre”, explique-t-elle.

Souvent, les enquêtes collaboratives prennent plus de temps que les enquêtes traditionnelles, car les journalistes de divers pays doivent coordonner différents calendriers. Par ailleurs, puisque les articles sont souvent plus longs, il faut davantage de temps pour les rédiger et les éditer.

McGinnis explique que les enquêtes d’InfoNile peuvent durer trois mois, six mois, voire un an, selon le projet. “C’est la nature des enquêtes collaboratives. Nous ne nous contentons jamais de la première ébauche. Nous demandons toujours aux journalistes de trouver davantage d’informations, de creuser”, ajoute-t-elle.

Lund confirme. “Les collaborations transfrontalières demandent beaucoup de temps et de patience. Parfois, nous sommes frustrés par leur complexité. Il arrive que nous devions repousser la date de publication prévue de plusieurs semaines ou mois”, dit-elle.

McGinnis et Lund rappellent que, de par sa nature, le journalisme d’investigation transfrontalier nécessite des formations régulières. Alors qu’InfoNile a formé plus de 300 journalistes et accordé des subventions à environ 200 journalistes, au cours des 12 derniers mois, IJ Hub a organisé 34 ateliers, formé 667 participants et mis en place environ 12 bourses.

“La relation avec les journalistes est très interactive et concrète. Nous souhaitons que les formations soient sur mesure et sur le terrain, qu’elles correspondent aux besoins des équipes ou de chaque individu et qu’elles leur permettent de développer leurs compétences”, ajoute Lund. “Le potentiel des collaborations transfrontalières est énorme et nous aimerions nous y consacrer davantage, tant que des financements restent disponibles.”


Patrick Egwu est un journaliste indépendant d’origine nigériane qui a réalisé des reportages à Chicago, Toronto, Johannesburg, Berlin et Lagos pour un certain nombre de publications, dont le Globe and Mail, Foreign Policy, NPR, Rest of World, Daily Maverick, World Politics Review, America Magazine et d’autres.

 

Ekpali Saint est un journaliste indépendant basé au Nigeria. Il couvre le changement climatique, l’agriculture, l’environnement, la religion, l’éducation et d’autres questions liées au développement. Son travail a été publié dans Al Jazeera, openDemocracy, FairPlanet, African Arguments, America Magazine, Religion Unplugged et Down to Earth.

18.11.2024 à 12:18

Résilience, courage, détermination : le journalisme d’investigation africain à la hauteur du défi

Benon Herbert Oluka, Maxime Domegni

#AfricaFocusWeek Du 18 au 24 novembre 2024, GIJN met en lumière le journalisme d’investigation en Afrique. Pour cet article en forme d'état des lieux, les responsables des éditions Afrique francophone et anglophone de GIJN ont interrogé quelques unes des 26 organisations membres de GIJN sur le continent pour savoir ce qui rend le journalisme d'investigation unique en Afrique. 
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#AfricaFocusWeek Du 18 au 24 novembre 2024, GIJN met en lumière le journalisme d’investigation en Afrique. Pour cet article en forme d’état des lieux, les responsables des éditions Afrique francophone et anglophone de GIJN ont interrogé quelques unes des 26 organisations membres de GIJN sur le continent pour savoir ce qui rend le journalisme d’investigation unique en Afrique. 

Les journalistes d’investigation en Afrique doivent faire face à de nombreux obstacles : gouvernements répressifs, entreprises qui tentent de les réduire au silence, restrictions en matière de voyages et de visas, agressions physiques, poursuites judiciaires telles que les poursuites-bâillons, financement limité, faiblesse de capacité et de formation.

Pourtant, ils trouvent des moyens de surmonter ces difficultés. Les journalistes d’investigation africains ont toujours produit des articles percutants – année après année – tout en élaborant des stratégies pour accroître leur audience.

Les journalistes d’investigation sont menacés partout dans le monde, mais dans de nombreux pays africains, c’est une situation particulièrement dangereuse. Des journalistes d’investigation africains ont payé de leur vie leurs efforts pour demander des comptes aux dirigeants – au Ghana, au Cameroun, au Rwanda et dans plusieurs autres pays. Près de 50 journalistes africains croupissent en prison, selon le dernier décompte du Comité pour la protection des journalistes (CPJ). De nombreux journalistes africains ont dû éviter la mort ou l’emprisonnement en s’exilant.

Coïncidant avec la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, les 450 participants de 55 pays à la Conférence africaine sur le journalisme d’investigation (AIJC), qui s’est tenue récemment à Johannesburg (Afrique du Sud), ont publié une déclaration visant à attirer « de toute urgence » l’attention sur les conditions dangereuses dans lesquelles les journalistes travaillent dans de nombreuses régions du continent, en demandant aux gouvernements de libérer les journalistes emprisonnés et aux organisations internationales de mettre en place un mécanisme de poursuite des crimes commis contre les journalistes en Afrique.

Ces dangers n’ont pas empêché les journalistes d’investigation africains de faire un travail difficile et exceptionnel. Parmi les exemples récents d’investigations notables en provenance d’Afrique, on peut citer :

GIJN a pour mission de fournir l’ossature organisationnelle du journalisme d’investigation et compte 26 membres basés en Afrique, répartis de manière très large – de la Gambie en Afrique de l’Ouest à la Tunisie au nord, en passant par le Zimbabwe et le Mozambique au sud-est. Pour cet article, GIJN s’est entretenu avec des responsables de rédaction, des rédacteurs en chef et des journalistes de ses organisations membres africaines sur ce qui distingue le journalisme d’investigation sur le continent et sur les défis auxquels ils sont confrontés.

AIJC 24 group photo

Des centaines de journalistes de plus de 50 pays ont participé à la dernière conférence africaine sur le journalisme d’investigation qui s’est tenue à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 30 octobre au 1er novembre 2024. Image : Capture d’écran, AIJC

Qu’est-ce qui rend le journalisme d’investigation unique en Afrique ?

Plusieurs membres de GIJN ont cité la résilience comme une qualité qui caractérise le journalisme d’investigation mené en Afrique, alors qu’ils sont confrontés à de graves violations de leurs droits – et pire encore – dans l’exercice de leur travail.

Le directeur exécutif d’Inkyfada, basé en Tunisie, Malek Khadhraoui, fait remarquer que « le meilleur journalisme d’investigation dans la région MENA se distingue par sa résilience, sa collaboration et le courage nécessaire pour opérer dans un environnement extrêmement difficile », où « l’autoritarisme, la censure et les menaces à l’encontre des journalistes sont monnaie courante ».

« Le journalisme d’investigation ici est également profondément lié à la justice sociale et à l’engagement communautaire », ajoute-t-il.

La justice sociale est un élément important du journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest également. « Ce qui distingue le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest, c’est qu’il s’attache à dénoncer la corruption, les violations des droits de l’homme et les problèmes environnementaux qui sont souvent profondément enracinés dans la région », explique Gideon Sarpong, cofondateur d’iWatch Africa au Ghana. « Les journalistes de la région doivent faire face à d’énormes pressions politiques, sociales et économiques pour mettre en lumière des sujets cruciaux, souvent au péril de leur vie ».

La rédactrice en chef de New Narratives au Liberia, Prue Clarke, travaille avec une poignée de reporters courageux qui ne laissent pas l’intimidation – un risque professionnel important – entraver leur travail. « L’accès à l’information et la lutte contre les menaces sont des facteurs dominants dans la région », explique Prue Clarke. « Mais lorsque le journalisme est bien fait, il peut avoir un impact considérable.

Rahma Behi, chef du département des enquêtes internationales à Alqatiba en Tunisie, explique également qu’ils poursuivent leur travail en dépit des menaces et de la montée du populisme sur le continent. «Malgré un environnement difficile marqué par la montée du populisme et des pressions gouvernementales, nous restons inébranlables dans notre quête de vérité… Même le plus petit changement alimenté par notre travail est une victoire à nos yeux.»

Défis internes et externes

Luís Nhachote, coordinateur exécutif du Centro de Jornalismo Investigativo au Mozambique, note que le journalisme d’investigation en Afrique est confronté à deux types de défis, à la fois internes – tels que les contraintes de financement et de ressources dans un environnement médiatique changeant et commercial – et externes – tels que les lois, les politiques et les environnements médiatiques restrictifs. Il cite la sécurité et l’absence de droit d’accès à l’information comme les principaux défis locaux.

Parmi les autres défis externes figurent la répression juridique et politique, l’accès restreint à l’information, les espaces de liberté d’expression de plus en plus réduits et les procès ou autres actions en justice visant à réduire au silence ou à la faillite les journalistes et leurs organisations – tels que les procès SLAPP, que Dayo Aiyetan, directeur exécutif de l’International Centre for Investigative Reporting du Nigeria, cite, avec «la répression de l’État et la répression des médias », comme des obstacles majeurs auxquels sont confrontés les journalistes au Nigeria.

Charles Mafa, directeur associé du Makanday Centre for Investigative Journalism en Zambie, déclare qu’un autre défi systémique auquel est confrontée la profession sur le continent, outre les intérêts politiques et commerciaux qui influencent la presse, est « l’absence de programme d’études pour le journalisme d’investigation dans les écoles et universités zambiens».

Behi, d’Alqatiba, estime qu’il faut accorder plus d’attention à la question de la viabilité financière du journalisme d’investigation en Tunisie et dans d’autres régions d’Afrique.

«Avec les défis économiques actuels et les restrictions sur les financements étrangers [en Tunisie], il est de plus en plus difficile d’obtenir les ressources nécessaires pour des enquêtes à long terme », explique-t-elle. « Faute de financement et de protection suffisants, de nombreux médias risquent de ne pas survivre, ce qui pourrait compromettre leur capacité à produire des reportages approfondis et de qualité. »

Khadhraoui, d’Inkyfada, également originaire de Tunisie, partage cet avis. « Si nous pouvions obtenir des sources de financement diversifiées et indépendantes, que ce soit par le biais de modèles de revenus basés sur la technologie, de subventions ou d’un soutien direct de l’audience, cela constituerait un filet de sécurité indispensable pour le journalisme d’investigation dans la région ».

En Afrique de l’Ouest, La Maison des Reporters, basée au Sénégal, a expérimenté un modèle économique basé exclusivement sur les dons du public. Elle n’accepte pas les subventions des institutions, qu’elle s’efforce de « tenir à distance », car le site opère dans un climat marqué par « la méfiance à l’égard du travail journalistique, quelle que soit sa qualité », explique Moussa Ngom, coordinateur de La Maison des Reporters. Leur défi particulier, ajoute-t-il, est de « maintenir à tout prix notre modèle économique, basé sur les dons du public et la qualité de notre production ».

Collaborer au-delà des pays – et des continents

Comme dans d’autres parties du monde, les collaborations transfrontalières en matière d’enquête sont en augmentation en Afrique – et plusieurs médias africains et associations régionales facilitent ou soutiennent activement de telles enquêtes – mais l’infrastructure pour les collaborations transfrontalières varie selon les régions, et les membres notent que davantage peut être fait pour promouvoir la collaboration intra-africaine sans partenaires internationaux.

Il est remarquable que plusieurs enquêtes collaboratives citées par les organisations membres de GIJN impliquent des partenariats avec des groupes extérieurs à l’Afrique. Makanday de Zambie, ainsi que d’autres médias d’Afrique australe, ont collaboré avec l’ICIJ pour produire l’enquête Swazi Secrets; Alqatiba de Tunisie a collaboré avec l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) sur une série d’enquêtes transfrontalières qui ont abouti aux révélations internationales Dubai Unlocked; iWatch Africa s’est associé à Lighthouse Reports des Pays-Bas pour un article sur le financement par l’Europe de pesticides interdits par l’UE au Ghana.

iWatch Africa collaborative investigation into EU-banned pesticides in Africa

iWatch Africa a collaboré avec Lighthouse Reports, membre du GIJN basé aux Pays-Bas, pour une enquête sur l’utilisation de pesticides interdits par l’UE en Afrique. Image : Capture d’écran, iWatch Africa

Collins Mtika, directeur éditorial du Centre for Investigative Journalism Malawi, souligne le fait que la concurrence pour obtenir des articles «exclusifs» reste un obstacle local à la poursuite de la collaboration. « Les journalistes d’investigation du Malawi résistent encore ou ne veulent pas collaborer avec leurs collègues », souligne-t-il. « L’intérêt de la concurrence est tellement inhérent que l’intérêt public est rarement pris en compte lors de la rédaction des articles ».

Malek Khadhraoui, d’Inkyfada, note qu’il existe une culture établie de collaborations transfrontalières dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), orchestrée par des réseaux tels que Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ).

«Ces collaborations permettent aux journalistes d’aborder des sujets complexes tels que la corruption, les violations des droits de l’homme et le crime organisé, qui dépassent souvent les frontières nationales », explique-t-il. « En travaillant avec des partenaires internationaux comme l’ICIJ ou l’OCCRP, les journalistes d’investigation de la région MENA peuvent accéder à des outils avancés et à une expertise mondiale, ce qui leur permet de révéler des histoires qui pourraient autrement rester cachées en raison de restrictions locales.»

Selon M. Khadhraoui, la collaboration avec les réseaux internationaux de journalisme de redevabilibité présente un autre avantage : elle accélère l’innovation dans la région en mettant davantage l’accent sur l’utilisation du journalisme numérique et de données moderne, ainsi que sur d’autres ressources d’investigation modernes. « C’est essentiel pour découvrir les crimes financiers et la corruption qui nécessitent une analyse sophistiquée des données, faisant du journalisme d’investigation un outil vital pour la transparence et la responsabilité dans la région », note-t-il.

En Afrique de l ‘Ouest, la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) connecte déjà des journalistes d’investigation pour qu’ils travaillent ensemble dans une région très instable où quatre pays ont subi des coups d’État ces dernières années, et où le régime militaire a rendu encore plus difficile la pratique du journalisme indépendant.

CENOZO, basé en Afrique de l’Ouest, est l’une des ces organisations journalistiques du continent qui s’emploie à former des reporters et à encourager des enquêtes plus collaboratives au-delà des frontières nationales. Image : Capture d’écran, GIJN

Pour Oxpeckers Investigative Environmental Journalism d’Afrique du Sud, le nombre considérable d’articles produits pour leur projet de reportage #PowerTracker au cours des deux dernières années est le résultat de collaborations avec des journalistes du Mozambique, du Zimbabwe, d’Afrique du Sud, de Namibie et de la République démocratique du Congo.

L’ICIR du Nigéria collabore localement avec des organisations médiatiques complémentaires telles que Signature Television afin d’amplifier la portée de leurs enquêtes et la distribution de contenu multimédia. New Narratives a développé un réseau de plus de 10 rédactions au Libéria, au Ghana et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, où ils diffusent leur contenu, tandis que sept des centres de journalisme d’investigation d’Afrique australe sont membres de l’ IJ Hub, le point de ralliement de la région pour le journalisme collaboratif.

Il existe des plans pour améliorer et soutenir davantage d’enquêtes transfrontalières en collaboration.

Lors de l’AIJC2024, la directrice du Wits Centre for Journalism, Dinesh Balliah, a annoncé la création d’un réseau africain de journalisme d’investigation (AIJN), précisant qu’il «répondra aux besoins urgents de nombreux journalistes indépendants sur le continent, qui manquent de soutien organisationnel et d’association institutionnelle pour accéder au financement de leurs projets critiques de journalisme d’investigation ».

En Afrique de l’Est, Africa Uncensored, basé au Kenya, est le fer de lance de l’East Africa Investigative Journalism Network, qui sera lancé lors d’une conférence régionale inaugurale sur le journalisme d’investigation à Mombasa, au Kenya, au début du mois de décembre 2024.

Formation, innovation et avenir

Pour combler le manque d’opportunités de formation et de compétences, plusieurs membres africains de GIJN se sont concentrés sur le développement de compétences et de formations pour les jeunes journalistes. L’ICIR affirme avoir formé plus de 1 000 journalistes dans de nombreuses salles de rédaction et financé quelque 2 000 projets d’enquête depuis la création de l’organisation en 2010 ; iWatch Africa dit avoir formé plus de 200 journalistes, les dotant de compétences en matière de droits numériques, de journalisme de données et d’investigation (et a offert des bourses d’enquête à plusieurs journalistes).

Anton Harber, membre du conseil d’administration du GIJN et directeur général de la fondation sud-africaine Henry Nxumalo, qui accorde des subventions de journalisme d’investigation, déclare : « Notre principale réussite est d’avoir soutenu plus de 90 projets en 15 ans, dont certains ont eu un impact majeur », comme l’enquête Viewfinder sur la criminalité policière (lauréate du Global Shining Light Award en 2023 ) et l’enquête Daily Maverick sur les contrats d’influence.

Oxpeckers, le premier média d’enquête en Afrique spécialisé sur les questions environnementales, a développé ses propres ressources de formation pour l’analyse des données et la géocartographie, entre autres. Fiona Macleod, directrice exécutive d’Oxpeckers, déclare : « Nos 13 outils axés sur les données alimentent nos reportages publiés en ligne et par l’intermédiaire de nos partenaires médiatiques, les preuves sous-jacentes et autres sources étant mises à la disposition des autres médias et défenseurs de l’environnement pour qu’ils puissent les utiliser dans leur propre travail ».

D’autres outils ont été adoptés par les rédactions d’investigation africaines :

  • L’IA, qui aide les petites salles de rédaction dans leurs tâches de routine et les outils de visualisation des données, pour automatiser les tâches de transcription et de traduction, améliorer l’efficacité des enquêtes multilingues et la vérification du contenu, en particulier lorsqu’il s’agit de vérifier de grandes quantités de données visuelles ou textuelles provenant de sources diverses.
  • Des logiciels d’analyse de données avancés et des langages de programmation tels que Python, R et Tableau pour analyser de grands ensembles de données tout en enquêtant sur les tendances en matière de corruption financière, de migration et de responsabilité politique.
  • Des outils de recherche libres (open source) pour suivre les empreintes numériques, vérifier les informations et rassembler les données publiques accessibles, en particulier lors d’enquêtes sur des réseaux cachés ou sur la corruption liée au gouvernement.
  • Les plateformes en ligne des gouvernements. Initialement introduites pour fournir des services publics en ligne, ces ressources sont devenues utiles pour récupérer des documents essentiels, tels que les registres des sociétés et les registres fonciers, sans qu’il soit nécessaire de se rendre en personne dans les bureaux de l’administration.
  • Des outils de cryptage comme PGP (Pretty Good Privacy) et des applications de messagerie sécurisée (Signal, Wire) pour protéger les sources sensibles et garantir la sécurité du travail d’enquête en cours, en raison des préoccupations croissantes concernant la surveillance et la liberté de la presse.

Malgré la grande diversité des réponses, il y a des points communs sur les listes de souhaits des membres de GIJN pour améliorer le journalisme de surveillance sur le continent. Il s’agit notamment de

  • Améliorer le financement à travers l’Afrique pour soutenir, former et encadrer les prochaines générations de journalistes d’investigation.
  • Promulguer des réformes politiques et législatives qui protègent la liberté de la presse et mettent les journalistes à l’abri du harcèlement et de la répression.
  • Déployer davantage d’outils d’IA pour les enquêtes, la vérification des faits et les opérations de publication.
  • Établir et faire respecter des normes éthiques élevées pour renforcer la crédibilité et la fiabilité du journalisme d’investigation.
  • Fournir des outils de communication et des techniques d’analyse de données plus sûrs afin que les journalistes d’investigation puissent travailler plus efficacement et en toute sécurité.

Pour améliorer le journalisme d’investigation dans les pays africains, il est essentiel d’être proactif sur plusieurs fronts, à commencer par le recrutement et la formation de jeunes journalistes, note Collins Mtika du Centre pour le journalisme d’investigation du Malawi.

« Nous devons continuer à créer un cadre pour attirer de nouveaux journalistes et à les encadrer », explique Collins Mtika. «Nous devons également renforcer notre réseau et nos collaborations avec les journalistes d’investigation du pays et de la région… [et] nous devons participer en permanence à des ateliers internationaux et à des webinaires, afin de rester au fait des tendances en matière de journalisme d’investigation».


Benon Herbert OlukaBenon Herbert Oluka est le responsable Afrique de GIJN. Journaliste multimédia ougandais, il est cofondateur de The Watchdog, un centre de journalisme d’investigation dans son pays d’origine, et membre de l’African Investigative Publishing Collective. M. Oluka a été reporter et rédacteur en chef pour les journaux The East African, Daily Monitor et The Observer. Il a également travaillé au bureau de l’Afrique subsaharienne de l’agence de presse Reuters à Johannesburg, en Afrique du Sud, et au programme Newsday de la BBC World Service Radio à Londres, au Royaume-Uni. En tant que journaliste indépendant, les travaux d’Oluka ont été publiés dans The Africa Report, Africa Review, Mail & Guardian Africa, Mongabay et ZAM magazine.

Maxime Koami DomegniMaxime Domegni est responsable Afrique francophone de GIJN un journaliste primé qui possède des années d’expérience dans le journalisme d’investigation. Au cours des dix dernières années, il a travaillé, entre autres, comme rédacteur en chef du journal d’investigation togolais L’Alternative. Il a également collaboré avec différentes organisations médiatiques, notamment avec la Fondation Hirondelle, basée en Suisse, en tant que correspondant pour l’Afrique de l’Ouest du site web justiceinfo.net, et avec l’organisation néerlandaise RNW Media pour la version française du site web « This is Africa ». Il est basé à Dakar, au Sénégal, où il a travaillé pour BBC Afrique en tant que journaliste et producteur de planning pour l’Afrique francophone. M. Domegni est également membre de plusieurs organisations de journalisme d’investigation, dont la Cellule Norbert Zongo de journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO), le Network of African Investigative Reporters (NAIRE) et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

12.11.2024 à 18:38

Webinaire GIJN – Comment intégrer l’Afrique à vos enquêtes (REPLAY)

Maxime Domegni

Dans le cadre de sa semaine spéciale Africa Focus Week, Gijn vous invite à un webinaire, gratuit mais soumis à inscription, sur comment trouver un angle Afrique à vos enquêtes. Rendez-vous mardi 26 novembre.  
Texte intégral (1029 mots)

#AfricaFocusWeek Du 18 au 24 novembre 2024, GIJN a mis en lumière le journalisme d’investigation en Afrique… et organisé pour l’occasion un webinaire spécial, avec des journalistes chevronnés, pour vous aider à connecter vos enquêtes à l’Afrique. Voici le replay :

 

Plus que jamais, des recherches en investigation révèlent des pistes qui finissent très loin de leur point d’origine. Une enquête sur un meurtre dans une mine en République démocratique du Congo pourrait mener au siège londonien de l’une des principales sociétés diamantaires au monde. Une enquête sur la corruption au Libéria pourrait mener à un cabinet d’avocats ou à une société financière d’Amérique centrale. De même, une histoire sur le trafic d’espèces sauvages en Asie pourrait trouver son origine en Afrique du Sud.

Par conséquent, les journalistes d’investigation ont souvent besoin d’un coup de main pour mener à bien leurs enquêtes en accédant à des informations provenant de régions du monde auxquelles ils ne peuvent pas accéder facilement. En Afrique, plus que dans la plupart des autres régions du monde, les obstacles que les journalistes doivent surmonter pour réaliser des reportages en dehors de leur pays ou de leur continent sont nombreux, qu’il s’agisse de limitations financières, de restrictions en matière de visas ou de barrières technologiques. Les reporters étrangers se heurtent également à des difficultés uniques en Afrique, que les journalistes locaux ont les compétences et l’expérience nécessaires pour surmonter.

Le journalisme d’investigation collaboratif gagne donc en importance en tant qu’outil mutuellement bénéfique pour les journalistes et les rédactions désireux de raconter des histoires en Afrique ou sur l’Afrique, comme le montrent les exemples récents du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et de ses partenaires en Afrique australe, Africa Uncensored et Lighthouse Reports, le Pulitzer Center, ainsi que ce premier et ce deuxième sujets réalisés par les équipes d’Associated Press.

Dans le prolongement de sa série Africa Focus Week (prévue du 18 au 22 novembre), GIJN est heureux d’avoir organisé ce webinaire au cours duquel des journalistes africains qui ont mené des enquêtes collaboratives percutantes ont discuté de la manière de relier les points entre l’Afrique et votre prochain sujet d’enquête. Notre panel d’experts s’est appuyé sur leurs propres expériences et connaissances pour identifier des conseils utiles pour enquêter sur les méfaits des multinationales, l’exploitation des ressources naturelles et l’impunité au-delà des frontières.

Grace Ekpu est photographe et réalisatrice de documentaires. Anciennement productrice de nouvelles à TVC News Africa et journaliste senior à la BBC, elle a rejoint en 2022 l’unité d’enquêtes internationales de l’Associated Press, où elle couvre les océans et les pêcheries grâce à son expertise visuelle.

Cynthia Gichiri est reporter et productrice à Africa Uncensored, un média d’investigation et de journalisme d’intérêt public de référence. Au cours d’une carrière où son travail a été récompensé à plusieurs reprises, elle a participé à plusieurs projets locaux et internationaux de journalisme d’investigation collaboratif.

Madeleine Ngeunga est Editor pour l’Afrique au Pulitzer Centre, qui finance des reportages et enquêtes indépendants sur des questions systémiques sous-estimées dans le monde entier, y compris en Afrique et à propos de l’Afrique.

Micah Reddy est le coordinateur pour l’Afrique du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui s’est associé à plusieurs centres de journalisme d’investigation et à des médias en Afrique pour réaliser des enquêtes percutantes.

La modératrice est Dinesh Balliah, directrice du Wits Centre for Journalism et organisatrice de la Conférence africaine sur le journalisme d’investigation 2024.

Surveillez notre fil Twitter @gijnAfrique et abonnez-vous à notre bulletin d’information en français pour plus de détails sur les événements à venir.

Date du webinaire : Mardi 26 novembre 2024

 

21.10.2024 à 15:34

Webinaire GIJN : enquêter sur le système agro-industriel (replay)

Alcyone Wemaere

GIJN en français organise le 7 novembre prochain, à 15 heures, un webinaire durant lequel trois journalistes confirmés partageront leurs astuces pour enquêter sur le système agro-industriel.
Texte intégral (571 mots)

GIJN en français a organisé le 7 novembre 2024 un webinaire durant lequel trois journalistes confirmés ont partagé leurs astuces pour enquêter sur le système agro-industriel.

Que ce soit en termes d’emplois ou de chiffre d’affaires, l’agro-alimentaire est la première industrie de France. Son impact majeur sur de nombreux secteurs (alimentaire, sanitaire, environnemental, social…) en fait une matière riche à enquêtes d’intérêt public.

Pourtant, à la mesure de son poids économique, l’agro-industrie n’est pas un terrain réputé facile pour les journalistes d’investigation. “Opacité”, “silence”, “omerta”, “pression” sont des mots qui reviennent souvent dans la bouche des journalistes couvrant le sujet, en France comme ailleurs.

Pour encourager les enquêtes sur le système agro-industriel et aider les journalistes désireux de creuser le sujet, le département francophone de GIJN, le Réseau international de journalisme d’investigation, a organisé le 7 novembre 2024 un webinaire avec plusieurs journalistes expérimentés, travaillant depuis plusieurs années sur le sujet et qui ont partagé leurs conseils et leurs techniques d’enquête :

Nicolas Legendre. Correspondant pendant plusieurs années du journal Le Monde en Bretagne et également collaborateur de Géo et XXI, il a reçu le Prix Albert Londres en 2023 pour son livre-enquête “Silence dans les champs” (éditions Arthaud), fruit de sept ans de travail et riche de plus de 300 témoignages recueillis sur le terrain.

Inès Léraud. Journaliste indépendante, membre du collectif Disclose, elle a co-cofondé Splann ! ainsi que l’Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse (Ofalp), elle a commencé à enquêter sur le phénomène des algues vertes à partir de 2016 pour Radio France. Enquête qui a donné lieu à une BD : “Algues vertes, l’histoire interdite” (éditions Delcourt).

Robert Schmidt. Journaliste indépendant, co-fondateur du collectif We Report, il enquête, entre autres, sur les conflits d’intérêts et les questions d’environnement pour différents médias français mais aussi allemands (Mediapart, Arte…). Il a commencé à travailler sur l’enquête #WaterStories en 2017.

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09.10.2024 à 03:46

Humaniser sans sensationnaliser : enquêter sur le féminicide

Ana P. Santos

Un panel discutant des enquêtes sur les féminicides au GIJC23.Comment les journalistes peuvent-ils enquêter sur les féminicides sans réduire le meurtre de femmes à des statistiques criminelles, et comment produire un récit qui humanise sans sensationnaliser ?
Texte intégral (2095 mots)
Un panel discutant des enquêtes sur les féminicides au GIJC23.

Comment les journalistes peuvent-ils enquêter sur les féminicides sans réduire le meurtre de femmes à des statistiques criminelles, et comment produire un récit qui humanise sans sensationnaliser ?

Les articles sur le féminicide – le meurtre délibéré de femmes parce qu’elles sont des femmes – sont souvent axés sur des détails salaces et macabres, ou s’appuient uniquement sur des données concrètes pour illustrer le nombre de femmes tuées.

Alors comment les journalistes peuvent-ils faire mieux lorsqu’ils traitent de cette question cruciale, et utiliser des données sans réduire le meurtre de femmes à des statistiques criminelles, et comment peuvent-ils produire un récit qui humanise mais ne fait pas de sensationnalisme ? Lors d’une table ronde à la 13e Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (#GIJC23), Mago Torres, Rédactrice en chef – responsable data à The Examination, a discuté avec quatre journalistes de la manière de trouver un équilibre entre les statistiques et les récits personnels pour produire une narration puissante sur la question du féminicide.

Problème structurel

Pour l’enquête Justicia Machista ( « Justice sexiste »), Fabiola Torres et son équipe de Salud con Lupa, basée au Pérou, ont déposé des demandes de liberté d’information pour accéder aux dossiers judiciaires et compiler une base de données de 160 décisions de justice sur le féminicide et la tentative de féminicide entre 2018 et 2022.

Ils ont constaté que les phrases extraites des décisions de justice montraient que les justifications des juges reflétaient souvent le récit et les arguments présentés par les avocats de la défense de l’accusé, qui comprenaient des arguments pour réduire les allégations de féminicide, ou de tentative de féminicide, à des crimes moins graves, tels que les blessures physiques. Par exemple, le raisonnement selon lequel les blessures n’étant pas situées dans des zones critiques du corps d’une femme, il n’y avait pas eu d’intention de la tuer.

Les journalistes de Salud con Lupa ont noté que les tribunaux, lorsqu’ils prononçaient des condamnations, n’imposaient souvent pas les peines prévues par le code pénal pour de tels crimes. Certains juges ont estimé que si le condamné était un jeune homme ayant des enfants à charge et qu’il était encore « à un âge productif », son crime ne méritait pas l’emprisonnement à vie.

L’enquête a révélé une « vérité dérangeante », a déclaré Mme Torres. « Le profil [d’une personne qui commet] un féminicide est celui d’un homme ordinaire qui a un comportement sexiste bien ancré ». La société a tendance à réduire le problème de la violence sexiste à un groupe de « mauvais hommes », mais ce n’est pas vrai, a-t-elle ajouté. « Il s’agit d’un problème structurel.

Les conclusions de l’enquête ont été communiquées aux juges péruviens, notamment à la commission de la justice en matière de genre du pouvoir judiciaire, afin de mieux comprendre les lacunes et les incohérences du système judiciaire.

Selon Mme Torres, lorsqu’ils enquêtent sur les féminicides, les journalistes doivent aller au-delà du nombre de femmes tuées et rechercher des tendances. Par exemple, Mme Torres et son équipe ont noté qu’environ une victime de féminicide sur sept en 2021 avait d’abord été déclarée disparue : « Il y a d’abord les disparitions, puis les féminicides », a déclaré Mme Torres.

Pénurie « stupéfiante » de données

Janine Louloudi, journaliste et productrice à l’Institut méditerranéen du journalisme d’investigation (MIIR en anglais), a mené une enquête transfrontalière dans 19 salles de rédaction afin de dresser un état des lieux de la violence et des féminicides en Europe pendant la pandémie de COVID-19. Les féminicides : The Undeclared War on Women in Europe a révélé la pénurie « stupéfiante » de données actuelles sur les féminicides.

Selon l’enquête, il n’existe aucune donnée officielle sur les féminicides au niveau de l’Union Européenne après 2018, et dans toute l’Europe, seule Chypre identifie le crime spécifique de féminicide, distinct de l’homicide, dans son système juridique. Récemment, Malte a introduit une clause d’« intention féminicide » pour les meurtres de femmes. L’équipe a recueilli des données auprès de sources régionales telles que l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) et de sources nationales telles que les statistiques nationales et les données policières. Des données provenant de sources non officielles, telles que des groupes de surveillance locaux, ont également été incluses.

Lire le Guide d’enquête sur le féminicide du GIJN, qui contient des informations sur la recherche et la compréhension des données. Image : GIJN

Les entretiens avec les survivantes et les membres de la famille des victimes ont été essentiels pour contrer le sensationnalisme des reportages sur les féminicides, qui sont considérés comme des crimes passionnels. « Chaque statistique est un moment où la vie d’une femme change », a déclaré Mme Louloudi.

Mme Louloudi et Thanasis Troboukis – un journaliste de l’organisation à but non lucratif iMEdD Lab, basée à Athènes, qui s’est chargé de l’analyse et de la visualisation des données pour l’histoire transfrontalière – ont partagé des conseils pour la collecte de données et l’établissement de comparaisons significatives.

  1. Visualiser les données manquantes. Une fois les données compilées, M. Trobouki suggère d’analyser les données manquantes avant de se plonger dans l’analyse pour « avoir une vue d’ensemble de ce que l’on peut faire et de ce que l’on ne peut pas faire ».

2. Se concentrer sur les taux, pas seulement sur les chiffres absolus. La collecte de données dans différents pays implique des disparités dans les méthodologies de collecte et les calculs. Calculez les variations en pourcentage pour effectuer des comparaisons significatives.

3. Utilisez des données statistiques générales pour établir des comparaisons. Comparer les données sur les féminicides à des statistiques telles que la population permettra de contextualiser l’incidence des meurtres de femmes par rapport à l’ensemble de la population.

4. Examiner comment les données illustrent le parcours du survivant. Par exemple, une victime peut essayer d’appeler un service d’assistance téléphonique. Essayez de savoir combien d’appels sont enregistrés, a déclaré Troboukis. En outre, une femme peut déposer une plainte, et l’analyse du nombre de plaintes et des types de violence signalés peut illustrer combien d’entre elles aboutissent effectivement à une arrestation et à une condamnation.

5. D’autres questions à se poser : Votre pays reconnaît-il la violence entre partenaires intimes ? Quelles sont les lois existantes qui encadrent la violence à l’égard des femmes ? Quel est l’âge des victimes ? Quel est le sexe des victimes ?

Dans le cas de l’Afrique du Sud, l’absence de données sur les féminicides a été le premier obstacle rencontré par Laura Grant et son équipe du Media Hack Collective ; les données sur la criminalité publiées chaque année ne comptabilisent que le nombre de meurtres, sans répartition entre les hommes et les femmes.

Une présentation PowerPoint du Service de police sud-africain (SAPS) basée sur les données criminelles de 2019-20 comprenait des informations sur la relation entre la victime et le tueur, mais cette information n’était connue que dans environ un cas de meurtre sur cinq – pour les victimes hommes et femmes – cette année-là.

Pour combler les lacunes et raconter certaines de ces histoires, l’équipe de Mme Grant a compilé des articles de presse sur les meurtres de femmes et a créé une carte interactive des lieux où ces meurtres ont eu lieu – mais même certains articles de presse ne contenaient pas d’informations sur les victimes et les causes de leur décès. Ces détails manquants, a expliqué Mme Grant, sont la raison pour laquelle ils ont décidé d’intituler leur enquête #SayHerName : Les visages de l’épidémie de féminicide en Afrique du Sud. (De plus amples détails sur leur méthodologie de recherche d’articles de presse sont disponibles ici).

Selon les données du SAPS citées dans leur enquête, entre 2015 et 2020, un total de 13 815 femmes ont été assassinées, soit environ sept femmes par jour. En examinant les reportages de janvier 2018 à octobre 2020, a expliqué Mme Grant, ils ont constaté que sur le nombre de femmes de 18 ans et plus qui ont été tuées au cours de cette période, seule une petite fraction des cas avait été présentée dans les nouvelles nationales ou locales.

« Les histoires médiatiques [sur les féminicides] concernent souvent des femmes jeunes et jolies, ou des célébrités. Les détails sont salaces ou horribles », a déclaré Mme Grant, qui a ajouté que la plupart des histoires qui sont finalement rendues publiques le sont lors de journées commémoratives appelant à mettre fin à la violence à l’égard des femmes.

« Il y a beaucoup d’histoires de femmes qui ne sont pas racontées. Et le fait que ces histoires ne soient pas racontées est tout aussi important », a ajouté Mme Grant.

03.10.2024 à 15:05

Webinaire GIJN (replay) : Traquer l’argent – Enquêter sur les sociétés écrans

Alcyone Wemaere

Ce webinaire GIJN qui a eu lieu le 10 octobre 2024 plonge dans le monde des sociétés écrans, explorant comment les journalistes d'investigation peuvent démêler ces réseaux complexes.
Texte intégral (642 mots)

Ce webinaire GIJN qui a eu lieu le 10 octobre 2024 plonge dans le monde des sociétés écrans, explorant comment les journalistes d’investigation peuvent démêler ces réseaux complexes.

Derrière de nombreux scandales financiers majeurs, les sociétés écrans jouent un rôle central en dissimulant les véritables propriétaires et en permettant la circulation de fonds illicites. Qu’il s’agisse de crimes financiers internationaux ou d’affaires de corruption locales, des montages financiers complexes sont fréquemment utilisés pour dissimuler les bénéficiaires d’activités illégales. Comprendre comment traquer et démasquer les sociétés écrans est essentiel pour tout journaliste travaillant sur des enquêtes financières, politiques ou d’entreprise.

Ce webinaire GIJN qui a eu lieu le 10 octobre 2024 plonge dans le monde des sociétés écrans, explorant comment les journalistes d’investigation peuvent démêler ces réseaux complexes. Des experts du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et de Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) y ontpartagé des ressources utiles pour aider les journalistes à naviguer dans ce domaine difficile, en se concentrant à la fois sur la stratégie pour enquêter et sur les conseils et outils les plus pertinents.

Karrie Kehoe est la responsable adjointe des données et de la recherche de lCIJ. Elle a commencé à travailler avec ICIJ sur le projet Fatal Extraction en 2015 et a rejoint ICIJ en tant que data-journaliste à temps plein en 2018. Karrie Kehoe a travaillé sur de nombreuses enquêtes menées par ICIJ au fil des ans, notamment Pandora Papers, Uber Files, Ericsson List, Deforestation Inc, FinCEN Files, Solitary Voices, Implant Files et les Mauritius Leaks.

Jan Strozyk est rédacteur en chef data à OCCRP et co-dirige l’équipe de recherche et data de OCCRP avec la responsable de la recherche Karina Shedrofsky. Il travaille en étroite collaboration avec les équipes data et éditoriales de OCCRP, coordonnant l’analyse des données et travaillant sur des enquêtes basées sur du data-journalisme. Avant de rejoindre OCCRP, Jan Strozyk était journaliste à la chaîne d’information publique allemande NDR, où il a travaillé sur les Luxembourg Leaks, les Panama Papers, les Paradise Papers, les FinCEN Files et d’autres enquêtes transfrontalières.

Le modérateur est Simon Bowers, rédacteur en chef des enquêtes à Finance Uncovered. Basé à Londres, il a rejoint l’organisation en novembre 2020 après avoir été pendant quatre ans coordinateur européen du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Auparavant, il a passé 19 ans au Guardian, au Royaume-Uni, où il était grand reporter et travaillait sur des enquêtes fiscales et financières.

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25.09.2024 à 19:34

Guide d’enquête sur les vagues de chaleur extrêmes

Toby McIntosh

Les effets négatifs de la hausse des températures sont visibles partout et offrent de nombreuses possibilités de journalisme d'investigation, notamment dans les domaines de l'agriculture, de la santé, du travail, des infrastructures médicales, de la sécurité nationale, des sports et bien d'autres encore.
Texte intégral (8032 mots)

Note de la rédaction : ce guide a été préparé par Toby McIntosh, conseiller senior auprès de GIJN. De nombreux membres du staff de GIJN y ont également contribué. Merci à Alcyone Wemaëre, Andrea Arzaba, Amel Ghani, Ana Beatriz Assam, Sheikh Sabiha Alam, Holly Pate, Pınar Dağ, Gabriela Manuli, Laura Dixon, Benon Herbert Oluka, Majdoleen Hassan et Tri Joko Her Riadi. Ce guide a été édité entre autres par Nikolia Apostolou, Reed Richardson et Alexa van Sickle.

GIJN tient également à remercier Joe Lo, journaliste au sein de la rédaction de Climate Home News, et Laurie Goering, en charge de la rubrique chaleur extrême de Climate Resilience for All, pour leur contribution.

De nouveaux records de chaleur seront probablement établis cette année, éclipsant 2023, qui fût l’année la plus chaude jamais enregistrée, selon Copernicus, le centre d’observation de la Terre du programme spatial de l’Union européenne. Cela poursuit une tendance alarmante : les 10 années les plus chaudes jamais enregistrées se sont produites au cours de la dernière décennie.

Les effets négatifs de la hausse des températures sont visibles partout et offrent de nombreuses possibilités d’enquête au journalisme d’investigation.

Certains évènements ont fait les gros titres. À l’été 2024, plus de 1 300 personnes sont mortes d’une exposition extrême à la chaleur pendant le Hajj, le pèlerinage à La Mecque en Arabie saoudite. Au Mexique, des singes hurleurs sont morts de déshydratation.

L’ampleur du réchauffement climatique et de ses conséquences est considérable.

Selon un rapport de Climate Central, une ONG américaine, « 6,8 milliards de personnes – soit 78 % de la population mondiale – ont connu au moins 31 jours de chaleur extrême » au cours des 12 mois se terminant en mai 2024. Et les vagues de chaleur devraient faire environ 1,6 million de victimes d’ici à 2050, selon un rapport du Forum économique mondial paru en janvier 2024, qui a également estimé que les sécheresses causeront 3,2 millions de décès d’ici 2050.

Suite à une longue vague de chaleur au Royaume-Uni, des promeneurs assis sur l’herbe sèche de Greenwich Park contemplent le quartier Canary Wharf de Londres et l’orage qui guette. Photo : Alistair Hickson, Flickr Creative Commons

Ces températures plus élevées sont causées par des concentrations accrues de gaz piégeant la chaleur dans l’atmosphère, principalement dues à l’utilisation humaine de combustibles fossiles. Ces émissions ont non seulement élevé les températures, mais aussi entraîné des précipitations plus intenses, des sécheresses plus violentes, des incendies de forêt plus importants et des tempêtes plus fortes.

Guide GIJN : Idées, exemples, ressources

Ce guide suggère de multiples angles pour enquêter sur les vagues de chaleur extrêmes à l’échelle mondiale.

Les sujets potentiels comprennent :

  • Les conséquences médicales immédiates et le degré de préparation des infrastructures médicales ;
  • Les effets sur les travailleurs, les femmes, les pauvres, les minorités et d’autres groupes particulièrement touchés ;
  • L’impact de la chaleur sur les cultures, le bétail et les pêches, ainsi que sur ceux qui en dépendent ;
  • Comment la chaleur affecte les infrastructures de nos sociétés et ce qui est fait pour nous en prémunir ;
  • Et bien plus encore – y compris le sport, le tourisme et la biodiversité.

Les sites d’information locaux et régionaux enquêtent de manière spectaculaire sur ces sujets et bien d’autres encore. De grands médias tels que The Washington Post, Salon et Rolling Stone ont également donné des perspectives plus mondiales du problème.

Pour dire les choses clairement, les exemples présentés ci-dessous ne sont pas des nouvelles sur la météo ou des articles sur les derniers rapports scientifiques, bien qu’une telle couverture soit essentielle. Ce guide ne vise pas non plus à examiner les causes de l’augmentation des températures ou à documenter les impacts généralisés, tels que l’élévation du niveau des mers et le rétrécissement des glaciers. (Pour plus de conseils et de ressources sur le premier point, voir le Guide de GIJN pour enquêter sur l’élévation du niveau de la mer). Nos exemples sont des enquêtes journalistiques sur les effets de l’augmentation de la chaleur sur les humains.

Sujets à couvrir

Conséquences médicales

  • Urgences sanitaires immédiates : épuisement par la chaleur et coups de chaleur, brûlures, etc.
  • Nouvelles voies de transmission des maladies infectieuses.
  • Les maladies respiratoires et cardiovasculaires augmentent à cause des incendies de forêt.
  • Problèmes de santé mentale exacerbés.
  • Augmentation des allergènes aéroportés.
  • Ozone plus élevé au niveau du sol, qui provoque une augmentation des maladies respiratoires.
  • Certaines personnes dépendent de dispositifs médicaux pouvant être touchés par les pannes de courant.
  • Mesurer les décès dus à la chaleur.
  • La chaleur affecte les personnes souffrant de maladies préexistantes, notamment les niveaux d’insuline des diabétiques.
  • L’impact de la chaleur sur les femmes enceintes et les embryons.

Exemples

Pourquoi le choléra fait-il des milliers de morts en Afrique australe ? – The New Humanitarian

Le tueur qui traque les hommes sri-lankais – The New York Times

La chaleur et la pollution rendent le pollen plus agressif et provoquent une augmentation des allergies en été – elDiario.es (Espagne)

La dengue est de plus en plus répandue à travers le monde. Une planète plus chaude ne fera qu’empirer les choses – The Washington Post

Pour la population vieillissante du Japon, un lien troublant entre la chaleur et la démence – Japan Times

La chaleur teste les limites de la capacité de survie humaine. Voici comment des températures élevées peuvent tuerCNN

La fumée persistante des feux de forêt érode la santé mentale de l’Amérique rurale – Climate Central

La chaleur au Mexique provoque un nombre record de décès en 2023 – Quinto Elemento Lab

Pic des décès dus à la dengue en 2023 : les facteurs responsablesBBC (Bangladesh)

Comment la chaleur affecte le cerveau – The New York Times

Poursuivre les responsables de désastres climatiques en justice – The Lever

« Quand il fait si chaud, le temps est suspendu » : Survivre à la chaleur extrême en Afrique de l’Ouest – The Guardian

La chaleur fait des milliers de morts aux États-Unis chaque année. Pourquoi est-il si difficile d’établir le nombre exact de décès ? – The New York Times

Les éleveurs du bassin de la rivière Ewaso Ngiro dans le centre du Kenya creusent pour trouver de l’eau. Ils craignent de devoir commencer à déstocker du bétail à grande échelle si les prochaines pluies sont insuffisantes. Photo : Climate Centre, Flickr Creative Commons

Préparation des infrastructures sanitaires

  • Les médecins et les hôpitaux sont-ils prêts ?
  • Les gouvernements se sont-ils préparés aux urgences liées aux hausses de chaleur ?
  • Les villes et États qui font rarement face à des températures élevées ont-ils pris la mesure de leur propre vulnérabilité à ces pics de chaleur ?

Exemples

Les urgences liées à la chaleur augmentent aux États-Unis. Les hôpitaux peuvent-ils gérer l’affluence de patients ? – The New York Times

La vague de chaleur met en danger l’efficacité des médicaments – The Business Standard (Bangladesh)

Les hôpitaux poussent un cri d’alarme : La chaleur, les pannes et l’augmentation du nombre de patients font craquer les infrastructures sanitaires – The Business Standard (Bangladesh)

Le Texas sous-estime probablement le nombre de décès liés à la chaleur – Inside Climate News

Brûlures avec de l’asphalte, délire, sacs mortuaires : la chaleur extrême submerge les services d’urgences à travers les États-Unis – The Guardian

Comment s’assurer que les sans-abri ont assez d’eau dans la grande ville la plus chaude d’Amérique – Context, Fondation Thomson Reuters

Exclusif : Les trois quarts des prisons en Angleterre et au Pays de Galles sont confrontés à un risque « élevé » de surchauffe – CarbonBrief

Comment les villes américaines protègent les personnes isolées lors de vagues de chaleur – The Guardian

Conditions de travail

  • Comment les différentes professions sont-elles affectées : ouvriers du bâtiment, livreurs, etc.
  • Impact sur les travailleurs occasionnels ainsi que sur les travailleurs informels ou sans papiers qui bénéficient de moins de droits du travail.
  • Augmentation des accidents du travail et des pertes de productivité en raison des nuits blanches liées à la chaleur.
  • Les employeurs protègent-ils les travailleurs ? Que pourraient-ils faire d’autre ?
  • Les gouvernements en font-ils assez ?

Exemples

40 degrés dans l’usine : la santé des ouvriers à l’ère de la chaleur extrêmeReporter Brasil

Les livreurs saoudiens cuisent dans une chaleur estivale « mortelle »AFP

Ce que c’est que de travailler dans l’une des villes les plus chaudes d’Amérique du Sud – El Surtidor

Mort de chaleur : David est parti travailler sur un chantier de construction français. À la fin de la journée, il était mort – The Guardian

Pour les éboueurs indiens, un travail misérable et dangereux aggravé par une chaleur extrême – AP

Les États-Unis ont un plan pour protéger les travailleurs de la chaleur. Les employeurs le combattent – The Washington Post

Les ouvriers de l’industrie de l’habillement bangladais souffrent de la hausse des températures – Context

Les ouvriers de l’industrie de l’habillement sont parmi les premières victimes du réchauffement climatique – Grist

L’« effet de serre » : comment une solution climatique souvent vantée menace les ouvriers agricoles – AP

Livreur, un métier risqué sur une planète de plus en plus chaude – El Pais

« Vous avez l’impression d’étouffer » : en Floride, ceux qui travaillent dehors sans eau ni ombre s’effondrent sous l’effet de la chaleur – The Guardian

La Californie réduit les contrôles de sécurité alors que les ouvriers agricoles travaillent dans une chaleur extrême – The Los Angeles Times (article payant)

« Travailler ici, c’est l’enfer » : Le décès d’un ouvrier agricole dans une chaleur de 40 degrés choque l’Italie – The Guardian

Chaleurs extrêmes : L’impact sur les vendeurs de rue – Greenpeace

Creuser pour trouver de l’eau dans un lit de rivière sec dans la province orientale du Kenya. Photo : Flore de Preneuf, Banque mondiale, Creative Commons

Impact sur les femmes, les pauvres et les minorités

  • Identifier les zones les plus touchées par la chaleur, et les populations qui y vivent.
  • Intéressez-vous aux groupes les plus à risque.
  • L’augmentation de la violence domestique pendant les vagues de chaleur.

Exemples

« Inégalités thermiques » – La cartographie thermique du Cap révèle d’énormes différences de température entre différents quartiers – The Daily Maverick

Lors de pics de chaleurs, les habitants des quartiers urbains les plus pauvres souffrent le plus – ecoRI (US)

L’inégalité thermique « provoque des milliers de décès non déclarés dans les pays pauvres » – The Guardian

En raison de l’inaction politique, les résidents à faible revenu de Nashville sont particulièrement confrontés à l’impact du réchauffement climatique – Inside Climate News

Alors que les décès dus à la chaleur aux États-Unis augmentent, certains propriétaires s’opposent au droit à la climatisation – Reuters

Sur les plages de Gaza et de Tel Aviv, deux visions d’une même vague de chaleur – Climate Home News

Les vagues de chaleur peuvent être mortelles pour les personnes âgées : le vieillissement de la population mondiale et la hausse des températures créent des risques nouveaux pour des millions de personnes – The Conversation

Luxe ou survie ? Pourquoi le manque de climatisation peut s’avérer mortel – The Telegraph

En raison des mesures de répression saoudiennes en matière de visas, les pèlerins du Hajj frappés par la vague de chaleur ont peur de demander de l’aide – Climate Home News

A Detroit, les enfants noirs asthmatiques sont les plus durement touchés par les allergies saisonnières – Bridge Detroit et Climate Central

Nous avons besoin de données de mortalité qui prennent davantage compte de l’impact du changement climatiqueNonprofit Quarterly

Au Kenya, des fausses couches dûes aux chaleurs élevéesClimate Resilience

« Je dois littéralement tout demander à mon mari » : comment un climat plus chaud change les rôles de genre – CNN (Inde)

« C’est une forme de torture » : la chaleur intense tue des dizaines de détenus dans les prisons du Texas – The Guardian

Agriculture

  • Effets sur les cultures (rendements plus faibles, prolifération des mauvaises herbes) et les agriculteurs.
  • Effets sur le bétail et les éleveurs.
  • Effets sur la pêche et les pêcheurs.

Exemples

« L’Adriatique devient tropicale » : les pêcheurs italiens luttent pour s’adapter à une mer plus chaude – The Guardian

Quantifier l’impact du changement climatique et de la chaleur extrême sur la culture du riz aux États-UnisAgricultural and Forest Meteorology

La chaleur puis les inondations anéantissent des fermes près de la ville de Kunri, la capitale du chili au Pakistan – Dawn

Les agriculteurs des régions montagneuses du Pakistan s’adaptent à la hausse des températures – Dialogue Earth

Alors que la chaleur intense fait tomber les mangues, les agriculteurs s’inquiètent pour leur rendement – Bangla Tribune

Des conditions météorologiques extrêmes frappent les agriculteurs (en Turquie) : Pas une grappe de raisin dans un vignoble de 60 tonnesyeşilgazete

La canicule fait craindre des pertes aux producteurs de crevettes – The Daily Star

Le lanceur d’alerte – Le projet Outlaw Ocean

Cinq graphiques : Comment le changement climatique fait flamber les prix des aliments dans le monde entier – CarbonBrief

Changement climatique dans le Beaujolais : le gamay peut-il disparaître ? – Rue89Lyon

Un agriculteur tenant deux épis de maïs malformé et gâchés. La communauté indigène de Kondh Adivasis à Odisha, dans l’est de l’Inde, a été touchée par l’évolution des précipitations, qui a ruiné de larges quantités de maïs. Photo : Aniket Gawade, ClimateVisuals.org

Infrastructure

  • Impact sur l’infrastructure électrique.
  • Impact sur les routes, le réseau ferroviaire, les ponts, les barrages.
  • La demande en électricité et en eau pendant les pics de chaleur ne peut être satisfaite.
  • Manque de planification des pics d’énergie dus à une chaleur extrême.

Exemples

Dans le Midwest, les inondations et les vagues de chaleur généralisées sapent les systèmes de transport américains – Inside Climate News

Ponts bloqués, routes endommagées – La chaleur extrême fait des ravages sur l’infrastructure vieillissante des Etats-Unis – The Conversation

Une simple modification des toitures permettrait de protéger de nombreuses personnes des chaleurs extrêmes – Grist

Prendre un train pendant une vague de chaleur ? Attention à la déformation des rails – Grist

Le changement climatique augmente les risques pour les sites contenant du matériel radioactif – AP

Des milliers de barrages américains pourraient ne pas résister à des pluies diluviennes – The New Scientist

Planification et solutions

  • Encore aujourd’hui, les maisons et les bâtiments sont construits à l’aide de matériaux absorbant la chaleur, avec de grandes fenêtres orientées plein sud – ce qui démontre un manque de sensibilisation à la nécessité de modifier l’architecture en réaction à l’évolution du climat.
  • L’importance d’une coordination accrue entre les agences chargées de la lutte contre la chaleur extrême et les incendies, de l’approvisionnement en eau, des transports publics et des événements sportifs ou culturels, etc.
  • Besoin de redécouvrir des conceptions de bâtiments qui résistent à la chaleur sans pour autant être climatisés.
  • La construction de logements dans les zones où l’approvisionnement en eau est insuffisant présente des risques lors de pics de chaleur.
  • Planter des arbres dans les zones urbaines.

Exemples

Les villes s’attaquent à la hausse des températures. Encore faut-il qu’elles évitent ce piège – The Guardian

Londres doit s’adapter aux pics de chaleur « dans les plus brefs délais » – Climate Resilience for All

Comment l’ouest américain s’adapte aux températures de plus en plus élevées – BBC

Les agents publics responsables de la lutte contre la chaleur extrême peuvent-ils protéger les villes américaines des températures en hausse ?Grist

A l’arrivée de la canicule, l’eau devient une ressource précieuse – Dawn

La capitale est pleine d’arbres qui ne conviennent pas à l’environnementProthom Alo

La chaleur a toujours été un problème aux Philippines – et le problème va s’empirer – Rappler

En 2010, dix ans de pluie sont tombés en seulement deux semaines au Pakistan, entraînant des inondations extrêmes dans une grande partie du pays. Les secours ont approvisionné des millions de victimes en eau potable et en assainissement. Photo : Département britannique du développement international, Creative Commons

Sports

  • Quel avenir pour les sports d’hiver alors que les températures montent de plus en plus haut ?
  • Le calendrier des grands événements sportifs – y compris les Jeux olympiques d’été – doit-il changer en raison de la chaleur croissante ?
  • Quels risques pour les athlètes amateurs comme professionnels et pour les écoliers ?

Le changement climatique met les athlètes et leur sport en danger – The Conversation

Pour les athlètes, le changement climatique représente un adversaire de poids – CBC

Aux Jeux olympiques, la chaleur peut rendre les compétitions bien plus dangereuses – Inside Climate News

Une chaleur extrême frappe les Jeux olympiques. En cause : le changement climatique – The Guardian

Comment le changement climatique menace l’avenir des Jeux olympiques d’hiver – The Conversation

Alors que le monde se réchauffe, le débat sur le gazon artificiel se tend – The New Lede

L’innovation pour réduire les risques – Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas ?

  • La dépendance excessive à la climatisation peut provoquer davantage de réchauffement climatique et submerger les réseaux électriques.
  • L’importance des espaces verts, des arbres, de l’accès à l’eau dans la lutte contre la chaleur, avec des bienfaits secondaires pour la biodiversité, la santé mentale, etc.
  • Des structures qui font de l’ombre, des espaces de refroidissement, des toits verts et blancs.
  • Les gilets rafraîchissants pour les ouvriers, les innovations du travail et l’assurance chaleur.

Exemples

La chaleur extrême se ressent dans les factures d’électricité d’une majorité d’Américains, selon un sondage – AP

Un tiers des décès dus à l’ouragan Beryl au Texas ont été causés par la chaleurNBC News

De l’assurance aux « jumeaux numériques », l’innovation pour réduire les risques de chaleur prend son envol – Climate Resilience for All

Manger ou rester au frais ? Les villes testent des moyens pour protéger les pauvres contre la chaleur croissante – Fondation Thomson Reuters

Comment la lutte contre les chaleurs extrêmes coûte de plus en plus cher aux Américains – USA Today

Autres impacts

  • Économique
  • Sécurité nationale
  • Tourisme
  • Faune et flore sauvages
  • Éducation
  • Migration

Exemples

La chaleur extrême pose un nouveau défi aux agences d’aide à Gaza – Context, Fondation Thomson Reuters

Comment une ère de chaleur extrême transforme les économies – Financial Times (article payant)

La chaleur extrême pose un « risque réel » pour l’industrie espagnole du tourisme de masse – The Guardian

Comment la hausse des températures peut influer sur les élections futures – Nonprofit Quarterly

La chaleur extrême rend les écoles plus chaudes – et l’apprentissage plus difficileThe 19th

Les touristes sont plus à risque lors de pics de chaleur – Inside Climate News

La chaleur tue des milliers de personnes, et les grands événements ne se sont pas adaptés à cette donnée – The New York Times

De nombreuses écoles ferment en raison de pics de chaleur, élargissant les écarts d’apprentissage dans le monde entier – Reuters

Les arbres aussi peuvent avoir des coups de chaleur – Sierra Club

Les saumons font face à des eaux de plus en plus chaudes – E&E News

Les vagues de chaleur et les sécheresses sont une aubaine pour les entreprises de malbouffe – tribune dans The New York Times

Le changement climatique remplit les mers grecques d’espèces envahissantes – Efymerida ton Sindakton

Les oliviers brûlent pendant un incendie de forêt en Grèce. Parce que les oliviers brûlent de l’intérieur, il est extrêmement difficile pour les pompiers de contrôler et d’éteindre ces feux. Lorsque les arbres brûlent, ils rejettent dans l’atmosphère le carbone qu’ils ont stocké, ce qui fait des feux de forêt l’un des évènements climatiques les plus redoutés. Photo : Milos Bicanski, ClimateVisuals.org

Approches inhabituelles

Le Bureau of Investigative Journalism au Royaume-Uni a parrainé un projet participatif pour montrer « comment la température dans les foyers augmente pendant une vague de chaleur – et ce que cela signifie pour la santé des habitants ». Vous pouvez lire les résultats de l’enquête dans les articles Vivre dans une maison surchauffée ou encore L’impact croissant des canicules estivales sur le logement au Royaume-Uni.

Ressources

Chaleur et santé – L’Organisation mondiale de la santé.

UNICEF – Un rapport sur le nombre d’enfants touchés par la chaleur extrême.

Organisation internationale du travail – « Travailler sur une planète plus chaude », un rapport paru en 2019.

Climate Shift Index – Une carte mondiale de l’ONG américaine Climate Central.

Global Heat Health Information Network – Des ressources créées par un forum indépendant dirigé bénévolement par ses membres, dont des scientifiques et des politiques.

Sept leçons pour le journalisme à l’ère de la chaleur extrême – Les membres et anciens élèves de l’Oxford Climate Journalism Network se sont rencontrés pour évoquer la chaleur et sa couverture médiatique.

World Weather Attribution – « Travaillant avec des scientifiques du monde entier, WWA quantifie l’effet du changement climatique sur l’intensité et la probabilité d’un événement météorologique extrême qui vient d’avoir lieu, à l’aide d’observations météorologiques et de modélisation informatique. » Voir ce guide à destination des journalistes.

Quantifier l’impact du changement climatique sur la santé humaine – Un rapport de 2024 publié par le Forum économique mondial.

Changement climatique et hausse de la chaleur à l’échelle mondiale – Un rapport de 2024 produit en collaboration avec Climate Central, World Weather Attribution et le Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Vital Signs Project – Recherche sur les décès de travailleurs migrants dans les États du Golfe, y compris un rapport intitulé Killer Heat (‘Chaleur mortelle’).

Précipitations extrêmes dans un climat en voie de réchauffement – Un rapport de l’ONG américaine Climate Central, qui a également produit le guide Extreme Weather Toolkit : Extreme Heat sur la chaleur extrême.

La chaleur extrême et votre santé – Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies

Comment donner la priorité à la santé dans un monde confronté au changement climatique – un rapport de Lancet paru en 2023

Chaleur urbaine persistante – Une étude de 2023 dans Science Advances, une revue qui publie régulièrement les conclusions de scientifiques sur la chaleur.

L’impact du changement climatique sur chaque filière économique – L’Agence de protection de l’environnement (EPA) aux Etats-Unis. Également par l’EPA : L’impact du changement climatique sur la santé humaine.

L’impact du changement climatique sur notre santé et nos systèmes de soins – Le Fonds du Commonwealth

La chaleur extrême bat tous les records : pourquoi ce n’est pas un été comme un autre – The Conversation

Les humains font de plus en plus face à des températures et une humidité trop élevées – Science Advances

La tolérance humaine à la chaleur – Académie nationale des sciences (États-Unis)

Quelles températures sont trop élevées pour le corps humain ? Notre laboratoire a établi que la chaleur et l’humidité atteignent un seuil dangereux plus rapidement qu’on ne le pense – The Conversation

La chaleur extrême à Phoenix pourrait rendre le travail en plein air « impossible » pendant près de la moitié de l’année – Climate Analytics

Système national intégré d’information sur la santé thermique

Conseils et meilleures pratiques pour visualiser la chaleur extrême – ClimateVisuals.Org

Sources d’informations

Société des journalistes environnementaux – Y est régulièrement mise à jour une liste d’articles sur les questions environnementales. Recherchez le mot-clé « chaleur ».

Chaleur extrême – Une rubrique du Guardian

Livres

« Vivre et mourir sur une planète en feu » par Jeff Goodell

« La Terre en surchauffe et le déracinement de l’Amérique » par Abrahm Lustgarten

« Comment un climat changeant transforme notre cerveau » par Clayton Page Aldern

« Les coûts cachés d’un monde qui se réchauffe » par R. Parc de Jisung

« Comment le changement climatique change le sport » par Madeleine Orr

« Vague de chaleur : un livre d’images » par Lauren Redniss


Toby McIntoshToby McIntosh est conseiller sénior auprès du centre de ressources de GIJN, qui fournit des ressources en ligne aux journalistes du monde entier. Il était rédacteur en chef de FreedomInfo.org (2010-2017), un site Web à but non lucratif basé à Washington qui couvre les lois internationales sur la transparence. Il a travaillé chez Bloomberg BNA pendant 39 ans, a déposé de nombreuses requêtes d’accès aux documents administratifs américains et a couvert les questions de transparence gouvernementale dans le monde entier. Il est membre du comité directeur de FOIANet, un réseau de défenseurs du droit d’accès aux documents administratifs.

27.08.2024 à 16:36

Conseils et ressources pour les étudiants en journalisme d’investigation

Alcyone Wemaëre

Student journalist, talking notesVous souhaitez vous lancer dans le journalisme d'investigation ? Que vous soyez étudiant ou autodidacte, voici dix conseils que GIJN a recueilli auprès de journalistes d'investigation du monde entier ayant également la casquette d'enseignants dans des formations à l'enquête et au data-journalisme reconnues. L'article comprend aussi des ressources clés pour qui veut devenir un journaliste d'enquête.
Texte intégral (4047 mots)
Student journalist, talking notes

Vous souhaitez vous lancer dans le journalisme d’investigation ? Que vous soyez étudiant ou autodidacte, voici dix conseils que GIJN a recueilli auprès de journalistes d’investigation du monde entier ayant également la casquette d’enseignants dans des formations à l’enquête et au data-journalisme reconnues. L’article comprend aussi des ressources clés pour qui veut devenir un journaliste d’enquête.

Le métier de journaliste d’investigation fait rêver.

Du film « Les hommes du président » – le récit de l’enquête sur le scandale du Watergate – à des long métrages plus récents comme « The Post », « Spotlight » et « She Said », Hollywood a nourri l’image du journaliste d’investigation comme un reporter intrépide qui se bat pour creuser une histoire interdite. Il y a une part de vérité dans ces films, qui ont peut-être suscité des vocations, même si la réalité de la profession est plus riche et plus complexe.

On devient rarement journaliste d’investigation du jour au lendemain. Et si les enquêtes continuent de nécessiter un travail et des méthodes de journalisme “à l’ancienne”, certains outils plus récents ou des techniques innovantes relevant, par exemple, de l’OSINT nécessitent un apprentissage.

Devenir journaliste d’investigation n’est pas hors de portée, à condition d’avoir reçu la formation nécessaire. Celle-ci peut se faire dans une école de journalisme ou en apprentissage, mais aussi, de manière moins académique, en s’appuyant sur des ressources gratuites en ligne. Une autre option consiste à apprendre le métier « sur le tas » en suivant le sillage de journalistes plus expérimentés.

La formation n’est pas tout ce dont vous aurez besoin : comme pour toute trajectoire professionnelle, il vous faudra aussi, sans doute, de la chance, des bonnes rencontres et de bons mentors.

Vous êtes étudiants et vous souhaitez faire une école de journalisme ou une formation au journalisme d’investigation ? Vous êtes déjà journaliste, ou reporter autodidacte, et vous souhaitez apprendre à réaliser des enquêtes plus approfondies ou vous lancer dans le data-journalisme ?  GIJN a réuni dans cet article des conseils de journalistes d’investigation qui enseignent tous le journalisme d’enquête ou le data-journalisme. Des conseils que nous complétons par des ressources sur lesquelles vous appuyer :

A woman works on a computer in a crowded lecture hall during a session at the GIJC in Gothenburg.

Une session lors de la conférence interntionale sur le journalisme d’investigation 2023 à Göteborg, en Suède. Image : Wolf France pour GIJN

1. Comprendre ce qu’est le journalisme d’investigation

Dans leur ouvrage « Principes du Journalisme », Tom Rosenstiel et Bill Kovach écrivent que le cœur du journalisme est de fournir au public des informations fiables, pertinentes et véridiques afin que chacun devienne un citoyen informé.

Mais qu’est-ce que le journalisme d’investigation ? GIJN propose une définition de la profession en notant que le terme « investigation » dans le dictionnaire est associé à l’adjectif « systématique » et implique des recherches approfondies et des reportages originaux. Une autre caractéristique du journalisme d’investigation est qu’il révèle des informations que certaines personnes ou institutions préféreraient garder cachées. En effet, si une enquête ne révèle rien d’inédit, ce n’est pas une enquête.

Mais attention, une simple fuite de document n’est pas non plus une enquête… mais peut en être le point de départ. Ainsi, si les enquêtes #PanamaPapers, #LuxLeaks ou #UberFiles ont toutes effectivement commencé par une fuite massive de données. Ces documents ont ensuite été analysés par des journalistes et utilisés pour faire parler des sources.

2. S’assurer que le journalisme d’investigation est votre “truc”

“Tous les journalistes n’ont pas le tempérament pour devenir journaliste d’investigation”, estime Claudine Blais, professeure de journalisme à l’Université de Montréal. L’ancienne rédactrice en chef de l’émission Enquête à Radio-Canada dit ainsi repérer rapidement, parmi ses étudiants, qui a “le profil” pour faire du journalisme d’investigation. “Ceux qui passent un appel, n’ont pas de retour et en restent là, je sais que cela ne va pas tenir la route pour une enquête”, tranche-t-elle. “Il faut être insistant, passer vingt coups de téléphone, ne pas abandonner rapidement et faire preuve de stratégies pour contourner les difficultés”, poursuit-elle en estimant qu’il faut savoir, avec ses interlocuteurs, s’arrêter à la limite “juste avant le ‘non’”.

3. Avoir conscience que c’est un travail sérieux et difficile

“Si on décide de se lancer dans le journalisme d’investigation, il faut prendre cela au sérieux”, estime Hamadou Tidiane Sy, ancien vice-président de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO) et directeur de l’école du journalisme E-jicom de Dakar, au Sénégal. “Faire du bon journalisme est difficile… mais faire du journalisme d’investigation est encore plus difficile”, souligne t-il. Avant d’ajouter : “Il ne faut pas penser qu’il va suffire de quelqu’un vous contacte avec “un dossier explosif” et que vous n’aurez qu’à tout  balancer. Non, il y a un long travail de recoupements avant la parution d’une enquête”.

Sur le site de GIJN, la rubrique “How they did it”/”Les coulisses de l’enquête” peut vous donner un aperçu du temps et de la rigueur nécessaire pour mener à bien une investigation.

4. Ne jamais oublier : L’éthique

Comme dans tous les genres journalistiques, « la discipline de l’éthique » est vitale, explique Pınar Dağ, rédactrice en chef de GIJN pour la Turquie, qui est également chargée de cours à l’université Kadir Has d’Istanbul. Les journalistes doivent donc être « honnêtes, justes et courageux dans la collecte d’informations, le reportage et le processus d’interprétation », dit-elle. « L’un des codes éthiques du journalisme d’investigation consiste à faire preuve d’une grande prudence et d’une grande sensibilité pour minimiser les dommages et éviter d’impliquer des groupes vulnérables, des enfants, des animaux, des groupes défavorisés et des membres de la famille qui ne sont pas impliqués dans l’histoire », conseille-t-elle.

Au-delà de la question morale, le respect de normes éthiques élevées confère de la crédibilité à votre enquête. GIJN aborde régulièrement ce sujet, comme dans cet article : « Les journalistes ont-ils le droit de mentir pour obtenir un article ? » Le chapitre sur l’éthique de notre Guide des enquêtes citoyennes est également une excellente introduction.

Apprenez en lisant, en regardant ou en écoutant des enquêtes qui changent la donne. Ici, les participants au GIJC23 à Göteborg écoutent des journalistes d’investigation de premier plan. Image : Heino Ollin pour le GIJN

5. Lire, écouter, regarder des enquêtes

Tout métier procède d’une part, sinon d’imitation, d’inspiration et le journalisme d’investigation ne fait pas exception : les enquêtes que vous lisez ou regardez nourriront celles que vous mènerez dans trois, cinq ou dix ans. Alors que les formats d’enquête n’ont jamais été aussi variés, lire, voir, écouter ces enquêtes sont une étape fondamentale dans l’apprentissage du métier de journalisme d’investigation.

Pour ne pas rater les meilleures enquêtes, inscrivez-vous à la newsletter internationale (en anglais) de GIJN ou à l’une ou l’autre des sept newsletters régionales de GIJN publiées dans différentes langues : vous y trouverez chaque mois une sélection des meilleures enquêtes parues aux quatre coins du monde.

Autres sources d’inspiration : la rubrique « Editor’s picks » pour laquelle les éditeurs régionaux de GIJN sélectionnent chaque fin d’année les meilleures enquêtes de leur région ou encore les prix Global Shining Light de GIJN qui récompensent, tous les deux ans, une enquête dans un pays en développement ou en transition, réalisée sous la menace, la contrainte ou dans des conditions difficiles.

6. Apprendre à identifier des sujets

“L’une des clés dans le journalisme d’investigation, c’est l’identification des sujets à traiter”, estime Gaëtan Gras, journaliste indépendant et professeur de journalisme d’enquête à l’IHECS, à Bruxelles.Pour être force de proposition, il faut être proactif et effectuer une veille sur l’info pour déceler les signaux faibles : au détour d’une conversation dans le cadre de votre vie privée, en discutant avec des collègues de travail, en lisant votre journal, votre site d’information ou la concurrence, en observant le monde qui vous entoure”, détaille-t-il.

Gaëtan Gras invite, par ailleurs, les futurs journalistes d’investigation à ne pas minimiser la lecture des titres de presse étranger : “Certaines bonnes enquêtes sont des adaptations de sujets réalisés ailleurs”. De nombreux articles de GIJN s’appuient sur des études de cas avec des exemples d’enquêtes menées dans un pays qui peuvent très bien être dupliquées ailleurs dans le monde.

Joël Matriche, journaliste d’investigation au quotidien belge Le Soir, conseille de garder en tête qu’un sujet que tout le monde a déjà évoqué et qui est, en quelque sorte, tombé dans “le domaine public” n’est pas, pour autant, un sujet “mort” : “Il peut arriver que le journaliste sente que l’explication n’est pas satisfaisante, que des zones d’ombre demeurent et que cela vaudrait la pein de creuser davantage”, fait-il valoir. Cela donne parfois de bons résultats et dans le pire des cas, en multipliant les coups de téléphone, le journaliste étoffe au moins son carnet d’adresses de nouveaux contacts… qui deviendront peut-être des sources.

Mais comment savoir si vous avez identifié un bon sujet d’enquête ? Damien Brunon, responsable numérique et investigation à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille demande toujours à ses étudiants de mener une “pré-enquête” en répondant à trois questions :

  • C’est quoi le problème ?
  • Qu’est ce qui a déjà été écrit sur le sujet ? (revue de presse approfondie)
  • De quoi ai-je besoin de quoi pour y arriver  (quels documents, quels accès, quels contacts…)

Il insiste : “Il n’y a pas de bonne enquête sans bonne pré-enquête.”

7. Se faire remarquer

Le journaliste d’investigation norvégien, Tarjei Leer-Salvesen, qui enseigne le dans les universités de Bergen et Stavanger recommande à ses étudiants d’essayer de se “faire remarquer”.

« Les rédacteurs en chef dans les rédactions ne cessent de dire aux étudiants d’apprendre un peu de tout, car cela facilite leur propre travail. Mais l’astuce, à mon avis, consiste à désobéir à cette injonction à ‘tout faire’ en réalisant quelques articles exceptionnels que le rédacteur en chef remarquera et qui lui plairont », explique-t-il.

Il illustre son propos avec plusieurs cas de figure concrets :

  • Si vous couvrez le sport, faites-le ! Mais si vous apprenez aussi les bases de la comptabilité, vous serez bientôt le seul journaliste à comprendre l’économie d’un club sportif.
  • Si vous voulez couvrir la politique, apprenez aussi les statistiques. Vous pourrez alors non seulement couvrir les conférences de presse mais aussi dénoncer les mensonges d’un politicien.
  • Si vous couvrez le développement et l’aménagement des villes, devenez un spécialiste de la liberté d’information et enrichissez votre couverture avec des documents que personne d’autre ne possède.

Lors d’une masterclass organisée par GIJN en français, le journaliste d’investigation, co-responsable du service enquête de Mediapart, Fabrice Arfi a recommandé, lui aussi, d’être « touche à tout” tout en ayant un “port d’attache éditorial”. “Je crois que cet alliage, pour un jeune journaliste, est une façon de se faire remarquer par des chefs de service, des rédactions en chef”, expliquait-il.

Le Centre de ressources de GIJN propose une série de guides et d’articles pour aider les journalistes à apprendre comment enquêter sur des sujets spécifiques comme, par exemple, la traite des êtres humains, les élections, la santé et la médecine, les crimes de guerre, ou à approfondir des techniques spécifiques comme l’interview, la recherche de sources expertes et la recherche avancée en ligne.

L’obtention d’une bourse ou d’un prix peut être une excellente occasion de se faire remarquer et de faciliter son intégration sur le marché du travail. GIJN met régulièrement à jour une liste consacrée aux bourses et aux subventions.

8. Penser à son lecteur 

La phrase est un classique dans toutes les écoles de journalisme et rédactions du monde. Une enquête doit rester digeste, attrayante et intéressante pour le lecteur. “Il faut vulgariser, dé-complexifier un sujet sur lequel on passe parfois des mois, pour offrir aux lecteurs l’essentiel. Il faut éviter de le noyer dans des détails insignifiants quitte à jeter à la poubelle des jours ou des mois de travail”, recommande ainsi Gaëtan Gras.

“Quand on fait un papier d’enquête, il faut avoir une forme de sobriété dans l’écriture. (…) Je suis pour une forme de sécheresse factuelle, une sorte de brutalisme factuel dans les enquêtes”, insiste, lui aussi, Fabrice Arfi dans la masterclass organisée par GIJN.

Plusieurs articles-ressources GIJN avec des “conseils pour mieux écrire” sont disponibles sur notre site.

9. Cultiver son réseau 

Les réseaux et collectifs de journalistes d’investigation peuvent se révéler très utiles pour nouer des liens en vue de collaborations mais aussi pour trouver des pairs, des mentors, des partenariats et des contacts.

Cela entretient aussi votre connaissance du secteur. Abonnez-vous, sur les réseaux sociaux, à des organisations reconnues pratiquant ou soutenant le journalisme d’investigation. La liste des membres de GIJN dans votre région peut être un bon début.

Les conférences sur le journalisme organisées dans votre région (Dataharvest, Conférence africaine sur le journalisme d’investigation…) sont une excellente façon de rencontrer des journalistes inspirants. Le ticket d’entrée peut-être élevé pour un étudiant mais ces grands événements recherchent parfois des bénévoles pour les aider en contrepartie d’un accès aux tables-rondes : renseignez-vous ! Pensez aussi à la Conférence internationale sur le journalisme d’investigation organisée par GIJN tous les deux ans : c’est le rendez-vous incontournable des journalistes d’investigation du monde entier. Pour chaque conférence, un certain nombre de journalistes des pays en développement peuvent y assister gratuitement, grâce à un programme de bourses.

İsveç'in Göteborg kentindeki GIJC23 katılımcıları. Fotoğraf: GIJN/Wolf France

La conférence internationale sur le journalisme d’investigation réunit des professionnels de premier plan. Des bourses d’études permettent à un certain nombre d’étudiants reporters d’y assister et d’apprendre leur métier. Image : Wolf France pour le GIJN

10. Ne jamais cesser de se former

Si vous avez la chance de bénéficier d’une formation initiale de plusieurs mois, voire plusieurs années : tirez-en parti au maximum ! Mais n’oubliez pas que l’apprentissage du métier se poursuit tout au long de votre vie professionnelle. Parce que le datajournalisme et le journalisme d’investigation nécessitent des savoir-faire techniques (utiliser des images satellites, retrouver des contenus en ligne qui ont disparu, vérifier des contenus, faire des recherches en sources ouvertes, analyser des données…), il est essentiel de se former en permanence, comme l’ont rappelé plusieurs des journalistes interrogés pour cet article.

GIJN propose régulièrement des webinaires gratuits avec des journalistes d’investigation reconnus qui permettent de former et d’inspirer des journalistes dans le monde entier. Une autre source d’inspiration peut être de suivre les conseils et d’utiliser les outils favoris de journalistes d’investigation renommés et primés. Enfin, les étudiants peuvent s’abonner à nos comptes X/Twitter, Facebook, Linkedin ainsi que notre liste de diffusion pour ne pas rater une opportunité.


Alcyone Wemaëre est la responsable francophone de GIJN et une journaliste française, basée à Lyon depuis 2019. Elle est une ancienne journaliste de France24 et Europe1, à Paris. Elle est professeure associée à Sciences Po Lyon, où elle est coresponsable du master de journalisme, spécialité data et investigation, créé avec le CFJ.

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