01.05.2025 à 06:42
aleaument
Eric Coquerel était l’invité de la matinale les 4V le jeudi 1er mai 2025
30.04.2025 à 18:46
Nadim Fevrier
Le rendez-vous est donné. Ce jeudi 1er mai 2025, des manifestations sont prévues partout en France contre la guerre sociale de l’oligarchie et son outil, l’extrême droite. LFI a appelé à une manifestation « de classe et de masse » aux côtés des syndicats. Depuis plusieurs mois, les militants insoumis maillent le territoire pour préparer minutieusement les manifestations. Collages, tractages, réunions publiques, la grande machine insoumise est au travail pour assurer la réussite de cette manifestation dans un contexte où s’enchaînent les plans de licenciements sur fond de montée du racisme et de l’islamophobie, directement alimentés par le ministre Bruno Retailleau.
Chacun a ses raisons de descendre dans les rues. Plans sociaux en série, racket organisé par les ZFE, précarité étudiante en hausse, salaires qui stagnent pendant que la vie n’a jamais été aussi chère, attaques islamophobes, criminalisation des voix de la paix pour la Palestine, les raisons sont nombreuses de battre le pavé ce jeudi 1er mai. À Paris, le rendez-vous est donné à 14 heures, place d’Italie. Retrouvez la carte des manifestations.
Pour aller plus loin : « Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! » – L’analyse de Francis Parny, Président des insoumis communistes
Pour la paix et contre la guerre sociale, retrouvez les manifestations aux quatre coins de la France sur le site de la France insoumise en cliquant ici.
30.04.2025 à 18:25
Nadim Fevrier
Pilules. Mathilde Panot et Manon Aubry, accompagnées de la présidente du Planning familial en France, Sarah Durocher, se sont rendues en Pologne ces 29 et 30 avril 2025. Leur mission, réussie avec succès, était d’apporter des centaines de pilules abortives et du lendemain aux militantes polonaises. Dans leur pays, ces dernières se battent contre une législation parmi les plus strictes d’Europe. L’avortement y est interdit. Au moins 7 femmes polonaises sont mortes à cause de cette interdiction décrétée en 2021.
L’association Abortion Team a créé en mars 2025 le Premier centre d’avortement en Pologne, situé en face du Parlement. Leur objectif : mettre la pression sur le pouvoir en place. L’actuel Premier ministre s’est engagé à assouplir ces lois, sans obtenir pour l’instant l’accord de la représentation nationale. « Grâce à la solidarité de celles et ceux qui ont donné pour la collecte de fonds, des centaines de femmes polonaises privées du droit à disposer de leur corps vont pouvoir avorter », s’est réjouie Mathilde Panot.
« Ce sont les mobilisations populaires et les parlementaires qui refusent le statu quo qui font avancer les droits humains », insiste la présidente du groupe parlementaire insoumis à l’Assemblée nationale. « Il y a quelques dizaines d’années, quand le droit à l’avortement n’était pas légal en France, les femmes françaises venaient en Pologne avorter. Et bien maintenant, on fait marcher la solidarité dans l’autre sens », a souligné Manon Aubry auprès de l’AFP. « D’autres pilules seront envoyées », ont promis les insoumises. Notre brève.
Pour aller plus loin : Pologne : le poison homophobe au cœur de l’Union européenne
30.04.2025 à 17:38
Alexis Poyard
Retailleau. Ce mardi après-midi, lors des questions aux gouvernements à l’Assemblée Nationale, le ministre de l’Intérieur a annoncé en plein hémicycle le lancement d’une procédure de dissolution contre la Jeune Garde et l’association Urgence Palestine, pouvant mener à leur dissolution. Deux structures remplissant pourtant des missions d’intérêt général humain, l’une par l’antifascisme, l’autre par la défense du peuple palestinien en suivant la boussole du droit international.
Si, sur la forme, le ministre s’est montré évasif, le fond est très clair. Le but est bien la dissolution d’un groupe antifasciste et d’une association qui dénonce le génocide à Gaza, en pleine fièvre raciste et islamophobe. Bruno Retailleau ne jette plus d’huile sur le feu, il sort le lance-flammes. Ce jeudi 1er mai, ces annonces font une raison supplémentaire à chacun pour battre massivement le pavé partout en France. Notre article.
En réponse au député d’extrême droite Sébastien Chenu, Bruno Retailleau a annoncé lancer une procédure « contradictoire » contre la Jeune Garde. Le groupe antifasciste aura alors l’occasion de « faire valoir ses droits », dixit le ministre.
Mais dans la même phrase, Retailleau dit « espérer » la dissolution du groupe : il assume donc lancer un soi-disant contradictoire… tout en faisant comprendre que la seule conclusion à la procédure est la dissolution de la Jeune Garde. Dès le départ, les dés sont pipés.
L’occasion est trop belle pour le ministre de l’Intérieur, qui rêve de s’imposer comme figure de rassemblement entre les macronistes radicalisés, la droite classique et une partie de l’extrême droite, quitte à braconner sur les terres du Rassemblement National (RN). Pour cela, le ministre doit d’abord prendre le contrôle des Républicains (LR), lors du congrès de mai, qui l’oppose au député Laurent Wauquiez. La surenchère au racisme et à l’autoritarisme est de mise pour séduire la foule d’adhérents LR radicalisés.
Après avoir partagé le combat des racistes du collectif Némésis, après avoir ouvertement ignoré, méprisé, la famille d’Aboubakar Cissé, répugné à qualifier d’islamophobe son épouvantable meurtre, un nouveau pas est franchi. Après avoir provoqué et instrumentalisé une crise diplomatique avec l’Algérie, sur fond xénophobe et colonialiste, Retailleau fait s’enfoncer le pays toujours plus loin dans la nuit, et avec lui, c’est la droite et le centre qui le suivent.
Pour aller plus loin : France-Algérie : l’échec de la diplomatie bulldozer de Bruno Retailleau
Le bloc bourgeois abandonne de plus en plus la pirouette rhétorique des « extrêmes qui se rejoignent ». Retailleau accélère le choix de la bourgeoisie : plutôt le RN que le Nouveau Front Populaire, plutôt Le Pen que Mélenchon (bien que Retailleau se verrait bien comme champion des droites). Et les premiers à trinquer sont les antifascistes et les soutiens de la Palestine, les deux causes étant liées.
Pour donner des gages au RN, Retailleau cède une fois de plus, ici pour dissoudre un groupe antifasciste, dont la lutte contre les groupuscules néonazis, à Lyon notamment, protège les cortèges de manifestations par exemple. L’extrême centre assume son alliance avec l’extrême droite, en réprimant la gauche. Et de même pour Urgence Palestine, dont le tort est de porter la voix du peuple palestinien, que les soutiens du génocide tentent de faire taire en France
Comme l’a écrit Raphaël Arnault, député LFI et porte-parole de la Jeune Garde, « tout le monde devra répondre présent » en soutien au groupe antifasciste. Si des associations se font dissoudre, quelle sera la prochaine cible du macronisme fascisé ? Un mouvement politique, un syndicat, ou une association d’aides aux réfugiés par exemple ?
Depuis hier, les soutiens à la Jeune Garde et à l’association Urgence Palestine, elle aussi menacée de dissolution pour avoir dénoncé le génocide en cours à Gaza, se multiplient. On peut citer notamment le communiqué du Réseau Insoumis Antifasciste, publié ce mercredi en fin de matinée.
Et Retailleau, espère-t-il vraiment qu’une dissolution musellera l’élan antifasciste qui s’est éveillé en juin 2024 ? Pareil pour la cause palestinienne ? Un bout de papier signé par un ministre sans légitimité populaire ne saurait enrayer de telles dynamiques historiques. Comme l’a déjà dit Jean-Luc Mélenchon en 2012, « si noire que soit la nuit, la lumière jamais ne s’éteint ».
Par Alexis Poyard
30.04.2025 à 16:40
Nadim Fevrier
30.04.2025 à 11:21
Nadim Fevrier
Parcoursup. L’insoumission.fr et Informations Ouvrières s’associent pour proposer à leurs lecteurs des contenus sur les résistances et les luttes en cours aux quatre coins du pays. À retrouver sur tous les réseaux de l’Insoumission et d’Informations ouvrières.
Avril : ses promesses de printemps, ses fleurs en bouton, ses dossiers Parcoursup… Du côté de l’Éducation nationale, les vacances de Pâques sont frappées d’un sinistre fléau : c’est l’époque du « tri » des candidatures déposées sur la plateforme d’accès à l’enseignement supérieur. Pour les aspirants étudiants, c’est la terrible attente du verdict : les dés sont jetés, les vœux formulés, plus rien à faire qu’à croiser les doigts en serrant les dents – on se sait peu de choses dans un monde si peu soucieux de former sa jeunesse.
La balle est désormais dans le camp des profs qui, exerçant dans le « supérieur », sont chargés d’examiner les candidatures et de les noter pour les classer : ainsi seront séparés les heureux élus (qui obtiendront une place conforme à leurs espoirs) des damnés (qui ne seront accueillis nulle part). Dans l’âme d’un prof en train d’exécuter cette tâche sordide, c’est un dilemme par minute et cinquante nuances de désespoir. Notre article.
Plus concrètement, parce que les chiffres sont éloquents : j’exerce dans un établissement qui propose 65 places, et reçoit cette année plus de 6 000 candidatures – le taux de malheur généré par nos réponses sera fatalement exorbitant. Pour chaque prof de mon équipe, il y a plus de 350 dossiers à examiner ; chaque dossier comprend des milliers de signes se combinant en une poignée de documents : bulletins scolaires des trois dernières années, avis des équipes pédagogiques, pseudo curriculum vitæ pré-rubriqué, récapitulatif de la scolarité, lettre de motivation…
Dans chacun de ces dossiers, nous tâchons de deviner un profil, un parcours, une ambition, une personnalité, des capacités, des réalisations avérées ou à venir. Nous luttons contre notre propre robotisation, piégés dans la sérialisation et l’automatisation qu’un tel volume d’informations à traiter génère mécaniquement.
Nous ne pouvons pas oublier que derrière chaque numéro (les dossiers sont anonymisés, bien sûr, aussi n’avons-nous affaire qu’à des numéros) se tient quelqu’un avec une histoire et un projet, des doutes et des aspirations ; nous tâchons de pister son devenir singulier à travers le fourmillement des signes standardisés.
D’après nos estimations, cette année, environ 90 % des lettres de motivation sont rédigées par une IA ; qui s’en étonnera ? Se sachant traités en troupeaux dont il faut réguler les flux, les aspirants étudiants se prémunissent comme ils peuvent contre la désubjectivation qu’une telle machinerie leur inflige. Recourir à l’IA, c’est à la fois s’assurer qu’aucune faute d’orthographe ne viendra entacher leur prose, que leur lettre ne sera pas moins bonne que celle de leurs concurrents (qui y recourent fort probablement), et qu’ils ne se seront pas exposés trop personnellement à l’humiliation d’être éconduits.
Car pour la plupart, ils seront éconduits. Il n’y a mathématiquement pas assez de places dans le supérieur pour absorber la cohorte d’une génération qui aspire à une poursuite d’études dans un monde qui ne veut pas la financer. Ce n’est pas mathématique, bien sûr : c’est politique. C’est un choix de société tout à fait explicite, « assumé » comme ils aiment dire, qui atrophie à dessein l’enseignement supérieur public, ouvrant de très juteuses opportunités pour les marchands d’enseignement privé.
Que seuls les jeunes issus des milieux les plus aisés puissent jouir de la seconde chance offerte par le privé ne pose bien sûr aucun problème au pouvoir politique : la doctrine néolibérale qui est son credo ne prévoit pas d’éduquer les générations pour former des citoyens éclairés – d’ailleurs à quoi sert même la démocratie ? Il ne s’agit que de produire des cohortes de travailleurs décérébrés – tandis que des sujets formés, éveillés à l’esprit critique et à l’autonomie intellectuelle leur seraient, il faut le reconnaître, d’assez pénibles perturbateurs.
Pour aller plus loin : 220 000 réponses en 48 heures – L’enquête inédite de Louis Boyard auprès des collégiens et des lycéens en souffrance
Alors tout le mois d’avril, engloutis dans nos abrutissantes opérations de tri et tâchant de n’y pas perdre la raison, c’est cette réalité qu’il nous faut regarder en face, cette expérience qu’il faut endurer : cette tentative de zombification intégrale, de la jeunesse et de ses formateurs, que les mécaniques capitalistes poursuivent méthodiquement. Faire de nous des machines, et nous remplacer bientôt par elles.
Devant le volume persistant – et même augmentant, année après année – des candidatures, pourtant, se lit quelque chose qui veut résister. La jeunesse continue de vouloir poursuivre ses études ; elle a beau avoir parfois souffert sur les bancs de l’école, que les mêmes politiques néolibérales ont singulièrement amochée, elle ne se satisfait pas d’être envoyée, dès le bac en poche, à l’abattoir qu’est devenu le marché du travail. Il y a là un refus. Il y a là un espoir.
Une manière de tenir, encore, à ce qui est important, à ce qui nous édifie, et nous permet de devenir ce que nous voulons être. En attendant qu’une rupture politique vienne enfin abroger Parcoursup et ouvrir largement l’enseignement supérieur public à tous ceux qui y aspirent, ces signes-là portent un message précieux : les zombies n’ont pas encore gagné.
Par Judith Bernard, enseignante, co-fondatrice du média Hors-Série.
30.04.2025 à 11:08
Nadim Fevrier
Depuis les élections fédérales du 21 mai 2022, l’Australie est dirigée par Anthony Albanese, chef du Parti travailliste et Premier ministre du Commonwealth. Après neuf ans de gouvernement de la « Coalition », regroupant les différents partis conservateurs du pays, l’Australie a connu une alternance fortement attendue. Alors que les Australiens doivent se rendre aux urnes ce 3 mai, l’Insoumission se penche aujourd’hui sur le bilan du gouvernement travailliste, les leçons à tirer de son action, et les perspectives tracées par le spectre du retour de la Coalition au pouvoir. Notre article.
C’était la promesse d’Anthony Albanese lors de son discours de victoire donné aux militants et électeurs de l’ALP (Australian Labor Party, Parti travailliste australien) le soir du 21 mai 2022. Le contraste avec le gouvernement libéral sortant saute aux yeux. Le gouvernement de Scott Morrison, champion d’impopularité dans l’histoire politique australienne récente, a essuyé un camouflet considérable, alors que le Labor a remporté à lui seul une majorité absolue des sièges à la Chambre des Représentants.
Déjà en 2019, Morrison a été qualifié de « miraculé », tant la troisième victoire consécutive de la Coalition aux élections fut surprenante. « Un gouvernement aussi courageux, travailleur et attentionné que le sont les Australiens. » affirmait alors « Albo », devant une foule euphorique. Quelles sont les raisons d’une victoire aussi attendue que retentissante ?
Pour aller plus loin : Avec Bart De Wever, la Belgique à droite toute ?
En 2022, la Coalition (regroupant le Parti Libéral, le Parti National, le Parti Libéral National du Queensland et le Parti Libéral Rural du Territoire du Nord), au pouvoir depuis 2013, se trouva fort dépourvue lorsque l’heure du bilan fut venue. Scott Morrison, Premier ministre entre 2018 et 2022, est surtout connu en France pour l’affaire des sous-marins, lors de laquelle l’Australie tourna le dos à la France pour une commande de sous-marins, préférant acheter ceux-ci aux États-Unis.
Un revers pour la bonne entente entre notre pays et l’Australie. Sur le plan national, la coalition sortante n’a pas brillé par la grandeur de son bilan. Entre 2018 et 2022, le gouvernement Morrison a dû faire face aux crises liées à la pandémie de Covid-19, à l’augmentation du coût de la vie et aux mégafeux qui ont ravagé les forêts du pays entre décembre 2019 et janvier 2020. Une catastrophe climatique d’ampleur record qui interroge la capacité de l’Australie à faire face à la multiplication à venir des épisodes de ce genre.
C’est finalement la question climatique qui a tranché le choix de bon nombre d’électeurs australiens à l’approche du scrutin de mai 2022. Une promesse d’Anthony Albanese de réduire de 43 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 a permis, parmi bien d’autres éléments, la victoire de l’ALP.
La persistance de la crise du logement, et sa prépondérance dans la vie des jeunes Australiens, a aussi eu un rôle déterminant dans le choix de ces derniers dans l’isoloir. Les Australiens âgés de 12 à 35 ans sont les plus susceptibles de faire face au sans-abrisme. Par ailleurs, d’année en année, de plus en plus d’Australiens âgés de 15 à 24 ans font le choix de rester dans le foyer familial à l’issue de leurs études (42 % en 2021 contre 38 % en 2011), faute d’un logement décent et abordable (chiffres : Australian Housing and Urban Research Institute, 2023).
Enfin, le gel des salaires, qui a persisté entre 2012 et 2022 sous l’égide de la Coalition, a transformé les bulletins de paie en oboles, et a durablement affecté la santé financière des foyers australiens. ABC News Australia estimait en mars 2025 que la stagnation salariale décidée par la Coalition est responsable d’une différence de 12 000 dollars australiens (A$) par an entre le niveau actuel des salaires, et celui qu’ils auraient atteint sans le gel.
Plus encore, ce gel aurait atteint un niveau si sévère que son rôle dans la crise du logement est devenu l’une des causes principales de sa persistance. En somme, les années Morrison furent une période d’attaque de la qualité du niveau de vie des Australiens, et d’inaction face à la multiplication des catastrophes climatiques qui ont touché le pays.
Le système électoral australien est bien différent du système français. Ni scrutin proportionnel, ni scrutin à deux tours : le pays d’en bas est doté d’un système dit « préférentiel ». Sur un seul bulletin, chaque électeur vote deux fois, en classant les candidats par préférence. Un chiffre est attribué à chaque candidat (1, 2, 3…) et les trois candidats en tête sont départagés dans un deuxième vote selon les préférences exprimées par les électeurs. Cela peut donner lieu à des situations particulières. Le second tour instantané est systématique et peut faire s’affronter un candidat ayant obtenu la majorité absolue au premier décompte, avec le candidat arrivé en deuxième ou troisième position.
Ainsi en 2022, dans la circonscription de Grayndler où est élu Anthony Albanese, celui-ci s’est hissé en tête avec 54 % des suffrages exprimés. Le second tour instantané lui a permis de s’imposer, d’une part face au candidat des Verts (67 % contre 33 %) arrivé en deuxième position au premier tour avec 22 % des voix, et face au candidat de la Coalition (79 % contre 21 %) arrivé en troisième position avec 16 % des voix. Le système préférentiel permet donc aux Australiens de s’exprimer sans contrainte.
Il donne lieu à des scénarios originaux, mais aussi à une scène politique de plus en plus diversifiée. En 2022, le parti des Verts d’Australie (Australian Greens) est parvenu à gagner 4 sièges à la Chambre et 6 sièges au Sénat. Ils pourraient être les faiseurs de roi ce 3 mai, alors que ni l’ALP, ni la Coalition ne sont certains de maintenir, ou de reconquérir une majorité absolue des sièges à la Chambre des Représentants. D’autres candidats, notamment les « Teal Independents » (Indépendants Turquoise, centristes progressistes), sont aussi parvenus à gagner des sièges dans l’actuelle législature.
Le Parlement australien est composé d’une Chambre des Représentants de 151 sièges (150 pour l’élection de 2025) et d’un Sénat de 76 sièges. Pour le moment, l’ALP dispose de 77 sièges sur 151, contre 53 sièges pour la Coalition, et 19 sièges pour les « crossbenchers », c’est-à-dire les députés ne s’insérant ni dans la majorité, ni dans l’opposition.
Deux sièges sont vacants : un gagné par la Coalition en 2022, l’autre par l’ALP. Le défi de l’ALP sera de maintenir sa majorité absolue, alors que, de leur côté, les Verts d’Australie et certains indépendants entendent le mettre en situation de majorité relative, et décider de la future majorité à l’issue de ce scrutin incertain. Sur quel bilan l’ALP peut-il s’appuyer pour que les Australiens lui renouvellent leur confiance ?
Après neuf ans de gouvernement de Coalition, les chantiers étaient nombreux et vastes. Emploi, santé, environnement, droits des Aborigènes… Anthony Albanese avait de la Vegemite sur la tartine. Trois ans plus tard, que tirer de son action ? Les critiques à l’égard du gouvernement travailliste, venant de la gauche comme de la droite, sont-elles injustes ? Infondées ? Légitimes ? Anthony Albanese fut confronté à une situation sociale tendue, dans un pays en voie de précarisation. Comment a évolué la situation héritée de l’action de la Coalition ?
Dans 82 % des circonscriptions électorales australiennes, la majorité des foyers sont en situation de « stress financier », contre seulement 8 % en 2022 : boucler les fins de mois, payer le loyer à temps, faire les courses sans stresser… deviennent des tâches de moins en moins anodines. Une situation sociale persistante qui pourra coûter des voix à l’ALP le 3 mai, alors que de plus en plus d’Australiens vivent d’un bulletin de paie au suivant avec pas ou peu de possibilité d’épargne.
L’inflation est persistante, mais en baisse. Certes, ce phénomène n’a épargné personne. Le gouvernement « Albo » a donc pris une série de mesures pour y faire face. La mesure principale vise les jeunes Australiens et concerne l’annulation d’une partie de la dette étudiante. En novembre 2024, Albo annonçait une annulation moyenne de la dette de 5 500 A$ par étudiant, ou au moins 20 % par étudiant. En avril 2025, il a annoncé l’augmentation des salaires au-dessus du taux d’inflation. Le salaire minimum horaire avait déjà été augmenté d’1 A$ dès l’arrivée de l’ALP au pouvoir. Le résultat semble concret : l’inflation annuelle est tombée à environ 2 % en 2025. Anthony Albanese affirme donc dans un discours le 5 novembre 2024 que « le pire est derrière nous » concernant la vague d’inflation.
Rappelons que l’inflation n’a pas commencé sous le gouvernement Albanese, mais s’inscrit dans la continuité du long bilan de la Coalition au pouvoir. En novembre 2024, le journal The Guardian indiquait que le taux d’inflation était déjà de plus de 6 % avant la victoire de l’ALP. En somme, Albo et l’ALP soulignent que l’on ne peut pas défaire en trois ans ce que la Coalition a fait en neuf ans.
Cependant, le malaise persiste. En effet, de nombreux Australiens, de tous les âges et de tous les horizons, se sentent délaissés par le gouvernement travailliste actuel. Ainsi une majorité d’électeurs considèrent encore que le coût de la vie est leur préoccupation principale en pensant à l’élection à venir. La crise du logement demeure.
Cependant, la Coalition peine à s’imposer, d’une part, comme étant capable de revenir au pouvoir après trois ans dans l’opposition, et d’autre part, comme une vraie alternative à Albo. La Coalition, c’est un lourd bilan de neuf années de casse sociale et de détricotage d’un système de santé déjà fragile. Depuis 2022, elle est menée par Peter Dutton, député de Dickson (Queensland) et ancien ministre de la Santé. Le chef de file du Parti Libéral pour ces élections assure vouloir apporter du changement en Australie, en tirant à boulets bleus sur le bilan du Premier ministre sortant. Toutefois, il serait trop facile d’espérer revenir aux commandes en faisant oublier le lourd bilan de son parti.
Le 11 février 2025, Mark Butler, ministre travailliste de la Santé et des Personnes âgées et député d’Hindmarsh (Australie du Sud), mettait la Coalition face à son bilan en matière de santé. Ce jour-là, Terry Young, député libéral de Longman (Queensland), l’interpella sur les difficultés des Australiens à avoir recours au tiers-payant chez leur médecin généraliste.
Celui-ci répondit : « Pourquoi y a-t-il une crise du tiers-payant en Australie ? Qui a dit qu’il existait trop de services médicaux gratuits dans ce pays ? Qui a essayé d’abolir le système de tiers-payant dans son ensemble ? Qui […] a gelé les remboursements de Medicare pendant six longues années ? » De quoi rougir pour un parti faisant campagne sur la hausse du coût de la vie en Australie. Alors, qui est responsable de cela ? Nul autre que Peter Dutton, prétendant libéral à la chefferie du gouvernement australien.
Par ailleurs, au fur et à mesure que la campagne avance, Peter Dutton et les membres de son cabinet fantôme (NB : ce que serait le gouvernement en cas de victoire de la Coalition) se voient souvent reprocher de faire du Donald Trump, en version édulcorée. C’est simple. Pour éviter toute question sur un possible retour sur certaines avancées sociales, la Coalition lance des paniques morales futiles et dépourvues de sens dès que cela est possible.
Récemment, Jacinta Price, membre du Parti Libéral Rural et ministre fantôme aux Affaires autochtones, a affirmé le 12 avril vouloir « Make Australia Great Again » en écho au slogan signature du 47e président américain. Un avant-goût de ce à quoi auront droit les Australiens pendant les trois prochaines années si Peter Dutton arrive aux commandes.
Plus largement, Peter Dutton fait tout simplement peur. Ce sont les mots d’une enquête menée auprès de l’opinion publique australienne par les équipes de l’ALP. « Extrême, flippant [sic], agressif, sans charme, trop “Trumpesque”, (…) un branleur [sic] » Rien de positif pour le chef de l’opposition. Dans un article du 5 avril 2025, le Daily Telegraph d’Australie rapporte les dires d’un électeur de la circonscription de Leichhardt (Queensland) : « Je n’aime pas le chef actuel du Parti Libéral, Peter Dutton. Il ne soutient pas son propre programme, il ne fait que parler. Il dit beaucoup de choses juste pour faire le même effet que Trump. Il me fait peur. »
L’effet Trump semble donc ne fonctionner qu’aux États-Unis. Le souhait des électeurs d’avoir un Premier ministre capable de tenir tête à ce dernier, dans un contexte de guerre commerciale accrue et de volonté expansionniste du locataire de la Maison-Blanche, semble favoriser le gouvernement travailliste sortant.
L’ALP n’est pas le seul parti de gauche existant en Australie. Encore heureux, si l’on en croit le chef des Verts Australiens, Adam Bandt. Le député de Melbourne (Victoria) souligne que le programme et l’action de l’ALP, malgré le contraste évident avec le bilan de la Coalition, restent insuffisants. Est-ce vraiment le cas ? Le programme des Verts Australiens semble en effet se rapprocher le plus de celui d’une gauche de rupture, dans un pays où crise sociale et crise climatique ne font qu’une dans la vie quotidienne des habitants.
Lors d’une session de questions au gouvernement, le 27 mars 2025, Adam Bandt affirmait en réponse à la proposition de budget du gouvernement Albanese : « Si vous êtes inquiets par la hausse du coût de la vie, vous n’êtes pas seuls. Si vous vous demandez comment vous, ou vos enfants, pouvez être en mesure d’acheter une maison, vous n’êtes pas seuls. Si vous pensez que dans un pays riche comme le nôtre, tout le monde devrait pouvoir vivre décemment, vous n’êtes pas seuls. »
Les questions sociales sont donc au cœur du programme des Verts, contrairement à ce qu’avance la droite, selon laquelle ces derniers sont des sortes de hippies utopistes sans véritable horizon politique. Adam Bandt parvient donc à lier social et climat, en voulant par exemple taxer de manière conséquente les géants pétroliers australiens, qui gagnent de l’argent en compromettant la santé des Australiens, et en saccageant les terres ancestrales des Aborigènes. Une mesure longtemps rejetée par l’ALP.
En 2022, le parti écologiste a su faire bonne impression auprès des électeurs, avec 12 % des voix, quatre députés et six sénateurs élus (un gain de trois sièges dans chaque chambre du Parlement). Dans son même discours du 27 mars 2025, Adam Bandt affirmait : « Nous aurions pu faire beaucoup de choses si le Labor (…) avait travaillé avec les Verts pour obtenir des résultats tout de suite. »
En effet, le chef des Verts affirme sans cesse que l’ALP ne va pas assez loin. Plus encore, il semble que certaines mesures adoptées, ou promises par ce dernier, ne le sont que grâce à la pression exercée par les Verts. C’est le cas de deux mesures. Dans le budget 2025, l’ALP a fait adopter une mesure permettant de consulter gratuitement un médecin généraliste, et une autre effaçant une partie de la dette étudiante. Ces deux mesures, initialement non prévues par l’ALP, ont été adoptées grâce à l’intervention des Verts dans le débat budgétaire.
Adam Bandt, chef des Verts, tient aussi une ligne claire sur la condamnation du génocide à Gaza en demandant la prise de sanctions contre Netanyahu. Le 20 avril, il déclarait : « Non, il n’est pas exagéré de dire que notre gouvernement est complice du génocide en cours à Gaza. Le droit international est clair : en cas de génocide, les nations doivent tenter de l’arrêter. Pourtant, le Parti travailliste poursuit son commerce d’armes avec Netanyahou sans agir ni imposer de sanctions. C’est de la complicité. »
Par ailleurs, dans le cadre de la campagne électorale, Anthony Albanese a récemment affirmé vouloir adopter une loi bannissant les marges indues sur les prix des denrées alimentaires, et sur toute une gamme de produits de la vie quotidienne. C’est une mesure que les Verts australiens ont soutenue depuis que le phénomène s’est répandu ces trois dernières années.
Dans le cadre de la campagne électorale, une large partie de l’opinion publique s’accorde à dire qu’il semble très compliqué pour l’ALP de renouveler sa majorité absolue à la Chambre des Représentants. Dès lors, les résultats obtenus par les Verts, ainsi que de certains indépendants, le 3 mai, seront cruciaux pour déterminer la balance politique au Parlement australien et décider de la direction que prendra l’Australie durant les trois années à venir.
Une partie de la jeunesse compte se rendre aux urnes avec ce message en tête : « Verts en premier, Labor en deuxième, Libéraux jamais. » Un moyen efficace et effectif de faire pression sur un gouvernement qui vient de loin, mais à qui l’on doit imposer, dans un combat parlementaire toujours inachevé, d’aller plus vite, avec plus d’audace.
Par Bastien
Crédits photo : « Official portrait of Australian Prime Minister Anthony Albanese », Australian Government, Wikimedias Commons, CC BY 4.0, pas de modifications apportées.
30.04.2025 à 07:59
aleaument
29.04.2025 à 17:34
Nadim Fevrier
29.04.2025 à 17:07
aleaument