18.03.2025 à 21:15
Les marchés financiers agitent le spectre d’une faillite de l’État français, tout en dénonçant la dette, pour justifier l’austérité. Un cap suivi avec ferveur par les gouvernements Barnier et Bayrou dont les choix budgétaires ont ciblé des secteurs clés pour l’avenir du pays comme la recherche et développement, la culture ou encore la transition écologique, tandis que les réductions d’impôts pour les grandes entreprises et les plus riches n’ont, sans surprise, nullement produit l’investissement promis.
Notre animateur Haussman Vwanderday a reçu le mardi 18 mars sur QG Henri Sterdyniak, économiste, cofondateur de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et des Économistes Atterrés, pour déconstruire les grands discours économiques qui façonnent les politiques publiques françaises et évoquer les pistes d’une fiscalité plus juste: taxation des grandes fortunes, limitation des dividendes, augmentation des impôts sur les tranches des plus aisés.
13.03.2025 à 23:34
Alors que la France et l’Union européenne se voient exclues des négociations sur l’Ukraine, que Washington et le Kremlin semblent avancer vers une résolution du conflit, les médias mainstream s’enfoncent dans une propagande hyperactive, qui va de l’encouragement à la poursuite de la guerre jusqu’à la construction d’une véritable réalité alternative. Jamais, à l’époque contemporaine, la machine médiatique ne s’était à ce point emballée. De BHL à Kouchner, de Macron à Malhuret, les fous de guerre, pareils à des chiens de garde ayant perdu leur maître, écument les plateaux TV, ne prenant même plus soin d’enrober leurs discours, et nous expliquent, sans être contredits par les journalistes, que les chars russes sont à l’entrée des capitales européennes.
Pour en parler, Didier Maïsto et Harold Bernat ont reçu Frédéric Aigouy, journaliste indépendant, ancien de RT France, blacklisté par l’Elysée, dans un nouvel épisode en direct de Quartier Populaire le jeudi 13 mars sur QG
11.03.2025 à 23:44
[ACCÈS LIBRE] Donald Trump avait promis de mettre fin à la guerre en Ukraine dès son arrivée au pouvoir. Les États-Unis ayant désormais retiré leur soutien militaire à Kiev, l’UE hausse le ton. La France, en première ligne, se distingue par le discours martial d’Emmanuel Macron, qui a étonné le 5 mars dernier. Alors que le conflit semblait s’apaiser, un risque d’escalade inquiète.
Pour éclairer la situation sur QG ce mardi 11 mars en direct à Paris, Aude Lancelin a reçu un des meilleurs connaisseurs du conflit russo-ukrainien. Jacques Baud, ancien membre du renseignement stratégique suisse et ex-chef de la doctrine des opérations de maintien de la paix à l’ONU. Auteur de nombreux best-sellers aux éditions Max Milo, parmi lesquels « Gouverner par les fake news » et « Opération Z », il est l’un des seuls observateurs à avoir vu juste depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. Son expertise est particulièrement bienvenue, alors que les opinions publiques s’affolent et que la propagande fait rage
10.03.2025 à 17:27
Le reflux du soutien militaire, financier et politique des États-Unis à l’Ukraine a sauté aux yeux du monde entier depuis la rencontre entre Donald Trump, son vice-président J.D. Vance, et Volodymyr Zelensky, le 18 février dernier, qui a tourné au pugilat. Peut-on pour autant parler d’un pas franchi dans l’alliance objective entre Trump et Vladimir Poutine, son homologue russe? Pas vraiment, estime David Teurtrie, chercheur associé à l’INALCO. Déjà intervenu sur QG début 2024, le politologue, spécialiste de la Russie, souligne que Washington entend dicter son tempo et compte même accroître les sanctions si Moscou temporise dans les négociations. De même, selon Teurtrie, les annonces de renforcement militaire des pays européens illustrent en réalité une dépendance extrême à l’égard des États-Unis car l’industrie de l’armement européenne n’est pas en mesure d’y répondre, à court terme. Interview par Jonathan Baudoin
Comment analysez-vous la rencontre entre Volodymyr Zelensky et Donald Trump le 28 février dernier à Washington et quels effets estimez-vous que cela peut amener sur la guerre russo-ukrainienne?
C’est une rencontre qui a été beaucoup commentée à chaud mais dont il faudrait rappeler le contexte. Il était question d’un accord portant sur la captation d’une partie des ressources ukrainiennes, notamment des métaux rares, par les États-Unis. C’était présenté par Donald Trump comme une forme de remboursement de l’aide américaine aux Ukrainiens. Le prétexte de la venue de Zelensky à Washington était la signature de cet accord.
Cependant, la partie américaine aurait souhaité que l’accord soit signé à Kiev, sans passer par une rencontre au sommet entre les deux présidents. Selon la presse anglo-saxonne, ce serait Emmanuel Macron qui aurait insisté auprès de Donald Trump en relayant une demande de la partie ukrainienne. Donald Trump n’était donc pas à l’initiative de cette rencontre et ne la souhaitait pas forcément.
Le résultat est évidemment catastrophique pour la partie ukrainienne. Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu une intention initiale du président américain et de son vice-président de tendre un piège à Zelensky. Si on regarde l’ensemble de l’échange, cela n’en donne pas l’impression. Par contre, il est évident qu’il y a un changement radical d’approche de l’administration américaine sur le dossier ukrainien et que Zelensky n’était pas prêt à l’accepter.
On a vu que Washington a décidé de suspendre une grande partie de l’aide militaire et financière à l’Ukraine. Plus les jours passent, plus l’ampleur du désengagement américain apparaît importante. Il s’agit non seulement d’une pause dans les fournitures en armement, mais aussi de restrictions en termes de partage du renseignement et des moyens satellitaires.
Reste à savoir s’il s’agit d’un abandon, qualifié de trahison en Europe, ou bien d’une pause dans l’optique de faire pression sur Zelensky pour atteindre deux objectifs : la signature de l’accord économique par la partie ukrainienne et l’alignement de Kiev sur Washington dans l’optique de négociations avec la Russie.
Dans la majeure partie des médias occidentaux, Trump est présenté comme l’allié de Vladimir Poutine. Considérez-vous que c’est objectivement le cas, ou est-ce à nuancer?
Les médias européens et français sont dans une lecture court-termiste et manichéenne, ce qui n’aide pas à la compréhension des évolutions lourdes et de la complexité de la situation que ce soit dans ce conflit ou à l’égard d’autres évolutions dans les relations internationales. D’un côté, il est vrai que l’ampleur et la rapidité des changements opérés par la nouvelle administration donnent l’impression d’un retournement d’alliance. On se rappelle la rencontre russo-américaine en Arabie Saoudite, qui a été présentée sous un jour très positif par l’administration américaine. Quand on compare avec la rencontre entre Trump et Zelensky, qui a été catastrophique, et qu’on y ajoute toutes les déclarations et les mesures prises ces dernières semaines, cela peut effectivement donner l’impression d’un rapprochement extrêmement important entre Washington et Moscou.
Pourtant, je pense qu’il faut nuancer, pour plusieurs raisons. La première, c’est que l’objectif de Trump est d’obtenir un cessez-le-feu rapidement. Or, le Kremlin, dont les troupes avancent en Ukraine depuis un an, pense que le temps joue en sa faveur et conserve l’espoir d’un effondrement des positions ukrainiennes. Le fait que Trump veuille accélérer les choses n’est pas forcément bien vu au Kremlin.
Deuxièmement, la politique de Trump donne l’impression de s’opposer totalement à celle de Biden. Mais ne serait-ce pas plutôt une opposition de style ? En effet, si on prend un peu de hauteur, il faut se rappeler que lors des derniers sommets de l’OTAN, il y avait certains pays européens qui voulaient qu’on s’engage définitivement sur l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. Or, Washington s’y était opposé ce qui veut dire que l’administration Biden laissait la porte ouverte de la négociation avec la Russie sur cette question de l’appartenance, ou non, de l’Ukraine à l’OTAN. Ainsi, avant même l’arrivée de Trump, il était évident que ce point serait une concession à faire à une Russie en position de force sur le terrain. Même chose pour les territoires : de nombreuses voix en Occident admettaient qu’il serait impossible de les reprendre dans le contexte actuel. Ainsi, ce que propose Trump n’est pas aussi « révolutionnaire » qu’il n’y paraît au premier abord. Seulement Trump est pressé de se débarrasser de ce dossier assez rapidement parce qu’il a d’autres priorités. D’ailleurs, Trump vient de déclarer que si la Russie traîne dans les négociations, il est prêt à accentuer les sanctions contre Moscou. En effet, le risque pour Trump, qui a déjà fait beaucoup de concessions à la Russie, est que le Kremlin veuille jouer la montre.
Quel regard portez-vous sur l’allocution d’Emmanuel Macron, mercredi 5 mars, présentant la Russie comme une « menace » pour la France, justifiant ainsi son annonce de renforcement du budget de la Défense?
Il y a plusieurs éléments qui concourent à cette rhétorique martiale d’Emmanuel Macron. Le premier, que bien des commentateurs ont oublié, c’est qu’avant et durant les premiers mois de la guerre, Emmanuel Macron a été accusé d’avoir une certaine complaisance à l’égard de la Russie. Il est vrai, par exemple, qu’Emmanuel Macron avait œuvré pour que la Russie soit réintégrée dans le Conseil de l’Europe. On se rappelle aussi qu’il avait affirmé « qu’il ne faut pas humilier la Russie » au début du conflit. Depuis, il a changé d’attitude à 180 degrés : il tente désormais de se présenter comme le dirigeant occidental le plus ferme vis-à-vis de Moscou. Mais en réalité, si on regarde les dépenses réelles de la France en faveur de l’Ukraine, elles sont proportionnellement nettement plus faibles que chez beaucoup de nos voisins européens. Il y a une rhétorique qui semble vouloir nous faire oublier, en partie, un positionnement plus ambigu avant et durant une partie du conflit.
Le deuxième facteur majeur relève de la politique intérieure. Beaucoup de commentateurs, en plus des oppositions politiques, font remarquer que le président français est extrêmement affaibli sur la scène intérieure, à l’issue de sa dissolution ratée. En agitant la « menace russe », Emmanuel Macron tente de faire oublier son bilan. L’activisme sur la scène internationale permet, en général, au président en français de tenter de reprendre la main et de faire oublier les problèmes en interne.
Troisième élément, et en l’espèce, Emmanuel Macron est cohérent depuis son arrivée au pouvoir, c’est sa volonté d’un réengagement de la France en Europe et une politique ambitieuse de la France dans une optique européenne. Il semble vouloir surfer sur un début de consensus européen renvoyant aux positions françaises d’autonomie stratégique. Accentuer l’idée d’une menace russe permet de placer la France comme un acteur majeur de la sécurité européenne. Ce qui n’est pas sans arrière-pensée en matière de vente d’armes. Cependant, les implications stratégiques liées à la rhétorique du déploiement d’armes nucléaires françaises en Europe, sont énormes. Le président français semble vouloir avancer sur ce dossier avec beaucoup de légèreté. L’arme nucléaire sert en principe uniquement à la protection du territoire français dans une perspective de dissuasion. Or, nous n’avons pas de conflits directs à nos frontières ce qui éloigne fortement tout risque d’escalade pour la France. Mais si demain les armes nucléaires françaises sont déployées en Pologne et qu’un conflit surgit entre cette dernière et la Russie, la France et les Français pourraient être entraînés dans un conflit nucléaire à leur corps défendant et pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres. C’est extrêmement grave.
Au-delà de cette allocution, l’idée d’un renforcement militaire des pays de l’Union européenne est-elle crédible pour pousser à la négociation entre Russes et Ukrainiens?
Cette idée n’est pas crédible pour plusieurs raisons. La première, c’est que cela fait trois ans qu’on explique qu’il faut renforcer les positions ukrainiennes pour amener les Russes à la table des négociations. Cela n’a pas fonctionné. Sauf à imaginer un improbable effondrement russe, continuer dans la même logique va donner les mêmes résultats. Au mieux, cela permet de freiner l’avancée russe mais ne met pas fin au conflit.
Par ailleurs, renforcer les capacités de défense européennes est une nécessité. Mais c’est un objectif à moyen-long terme. Ce n’est pas dans les semaines, les mois qui viennent, qu’on va renforcer ces capacités pour la bonne raison que les armées des pays européens ainsi que l’industrie militaire européenne ne sont pas prêtes à une telle accélération.
Qu’est-ce qu’une hausse rapide des dépenses militaires européennes risque de générer ? Dans la mesure où les industriels européens ne sont pas prêts à absorber cette demande potentielle, ces dépenses iront aux deux-tiers vers les États-Unis. Quand les Européens prétendent s’opposer à Trump en voulant accélérer leurs dépenses militaires, en réalité, ils jouent son jeu. Ils vont augmenter leurs commandes auprès du complexe militaro-industriel américain. Concrètement, les livraisons qui étaient faites directement par les États-Unis vers l’Ukraine, financées par les États-Unis, vont être maintenant financées par les Européens, et vont profiter, en grande partie, au complexe militaro-industriel américain. On est dans un vrai jeu de dupes.
Les pays européens ne paient-ils pas leur dépendance extrême à l’égard des États-Unis et quid de la survie de l’OTAN?
C’est l’un des seuls éléments qui semble faire désormais consensus. C’est nouveau car pendant longtemps, c’était la France qui prêchait dans un désert européen et personne ne voulait l’écouter. Maintenant, que faire face à cette situation ? Les choses deviennent plus complexes. Pour réorganiser la défense européenne, ce sont des programmes à moyen-long terme, sauf à effectuer un effort extrêmement important à court terme, au prix d’un coût social élevé, pour des objectifs qui ne sont pas très clairs. Il faudrait donc d’abord avoir des objectifs stratégiques clairs en analysant l’ensemble des menaces pour les pays européens avant d’engager une politique ambitieuse.
L’Europe est l’un des grands perdants de ce conflit russo-ukrainien. Au niveau économique, c’est catastrophique, toute l’Europe est impactée par la rupture avec la Russie, l’impact des sanctions, le coût de cette guerre. L’Europe et – jusqu’à récemment – les États-Unis, portent à bout de bras l’Ukraine. Tout cela coûte très cher et les pays européens devraient logiquement pousser à une sortie du conflit. Or, on a donc une situation paradoxale dans laquelle on a d’un côté les États-Unis, qui ont souvent été présentés comme les grands gagnants de ce conflit, souhaitent désormais s’en retirer au plus vite ; et de l’autre des élites européennes qui s’accrochent à une position qui ne laisse pas entrevoir de solution diplomatique. Très concrètement, je n’ai pas vu de proposition structurée de solution diplomatique portée par les Européens.
Dans cette perspective, toute cette rhétorique sur le réarmement de l’Europe contribue plutôt à son isolement. On oublie assez souvent que ce conflit est regardé de très près par la planète entière. Les BRICS et les émergents ont une lecture très différente du conflit de celle des occidentaux. Et le risque pour l’Europe, c’est de donner l’impression que les élites européennes s’enferment dans une position belliciste. De plus, si les Européens donnent l’impression de prendre le contre-pied systématique de l’administration Trump, ils risquent d’accélérer ce qu’ils redoutent le plus : le désengagement américain de l’OTAN.
Propos recueillis par Jonathan Baudoin
David Teurtrie est maître de conférences à l’Institut catholique d’Etudes supérieures (ICES), membre de l’Institut des études slaves et chercheur associé à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Il est l’auteur de Russie : le retour de la puissance (Dunod, 2021), essau qui a été récompensé par le prix Albert Thibaudet de l’Académie des sciences morales et politiques
06.03.2025 à 21:20
Tentatives d’invalidation de son élection, accusations infondées, injures, contrôles au faciès: élu en juillet 2024, le député LFI Aly Diouara a été confronté au mépris de classe et au racisme, comme d’autres élus issus des quartiers populaires, avant et après son arrivée à l’Assemblée nationale.
Invité exceptionnel d’Aude Lancelin sur QG le jeudi 6 mars, il est revenu sur son entrée au Palais Bourbon, la cohabitation parfois compliquée avec les élus du RN, ses désaccords avec François Ruffin et sa vision de Jean-Luc Mélenchon, qu’il considère comme le seul candidat de la gauche de rupture qui soit à la hauteur des enjeux, accusant le PS d’avoir tout trahi, notamment sous François Hollande, et plus récemment en ne votant pas la censure.
04.03.2025 à 21:15
Entre dépenses injustifiées, impunité judiciaire et enrichissement personnel, des élus s’octroient des privilèges exorbitants tout en demandant au peuple de se serrer la ceinture. Des sénateurs reçoivent des retraites confortables, nettes d’impôt, des ministres épinglés par le Fisc restent en poste sans la moindre sanction, tandis que les salariés, eux, sont traqués au centime près.
Haussman Vwanderday a reçu le mardi 4 mars sur QG, Philippe Pascot, écrivain, journaliste et auteur de Pilleurs d’État – Encore et encore, pour parler d’un système où les élus sont protégés par des instances telles que la CJR, où l’inéligibilité est contournée pour permettre aux mêmes visages de revenir encore et encore. Pendant que la société s’appauvrit, une élite politique s’engraisse en toute impunité.
03.03.2025 à 10:47
À droite toute ! C’est la direction prise par les électeurs allemands à l’issue des élections fédérales anticipées du 23 février où le parti libéral-conservateur CDU est sorti en tête (29% des voix), suivi par le parti d’extrême-droite AfD (21%); le tout avec une abstention historiquement faible. Pour QG, l’économiste Bruno Amable, co-auteur de « L’Illusion du bloc bourgeois », professeur à l’université de Genève, revient sur une campagne électorale centralisée sur la question de l’immigration, occultant les thématiques économiques et sociales, favorisant ainsi le vote AfD. Un vote qui illustre également le maintien d’un fort clivage entre l’Ouest et l’Est de l’Allemagne, 35 ans après la réunification. Mais aussi un appel du pied de la CDU vers l’AfD à l’avenir, comme en atteste la loi anti-immigration portée par la CDU en janvier et votée avec les voix des députés AfD. Ce qui a, tout de même, contribué au rebond électoral de Die Linke, qui devra être scruté pour la suite, notamment face à un SPD, parti social-démocrate, en fort recul. Interview par Jonathan Baudoin
Comment analysez-vous les résultats des élections fédérales allemandes du 23 février dernier?
Il y a un déclin des partis dits de gouvernement, une montée spectaculaire du parti d’extrême-droite AfD [Alternative pour l’Allemagne, NDLR] et un rebond quasi inespéré du parti de gauche Die Linke. Parmi les partis de gouvernement, les libéraux ont été lourdement frappés, n’atteignant pas le seuil de 5%, disparaissant ainsi du parlement. Le SPD [Parti social-démocrate d’Allemagne, NDLR] fait une des plus mauvaises performances de toute son histoire. Même la CDU [Union démocrate-chrétienne, NDLR], pourtant parti vainqueur des élections, ne fait pas un score terrible.
L’extrême-droite en revanche fait plus que doubler son nombre de voix, pour atteindre près de 21%. Ce qui est un énorme choc pour un pays comme l’Allemagne.
Avec une participation record depuis la réunification de 1990, peut-on dire que les votes pour la CDU et l’AfD marquent une adhésion très forte des électeurs allemands des à idées conservatrices, voire même réactionnaires?
Ce qu’il y a, c’est que tout a été fait pour que la campagne électorale soit dominée par la question de l’immigration. Celle-ci est prédominante car, contrairement à la France, sur les deux grandes vagues de réfugiés, Syrie et Afghanistan d’abord, Ukraine ensuite, l’Allemagne a accueilli beaucoup de personnes. Cette question de l’immigration est présente, car il y a eu un nombre très élevé de réfugiés.
D’un autre côté, les partis ont tout fait pour prendre position sur cette question et faire en sorte que la campagne électorale soit dominée par cette question-là. La CDU et le SPD n’ont pas d’énormes divergences sur le plan de la politique économique, ni sur la politique extérieure. Donc, une façon d’attaquer, pour la CDU, et une façon de se défendre, pour le SPD, était de se placer sur cette question migratoire. Ils ont fait de façon à être le plus restrictif possible en disant: « On va limiter les entrées », etc.
Comme on pouvait s’y attendre, à l’instar de ce qui se passe en France, la mise au premier plan du thème de l’immigration sur le mode « inquiet » a favorisé le parti qui a ce thème-là comme principal cheval de bataille. C’est-à-dire l’AfD, qui s’est trouvé valorisé par cette mise en avant de l’immigration.
Le basculement à droite serait mieux évalué si on avait une mise en avant plus prononcée des thèmes économiques et sociaux. Ce qui n’a pas été le cas au cours de la campagne qui vient de se passer.
La primauté à l’immigration dans les débats, ainsi que les influences extérieures en provenance des États-Unis avec Elon Musk, ont-elles biaisé la participation et les résultats, notamment en faveur de l’AfD?
Sur l’effet Elon Musk, je viens de lire un graphique qui montre que suite à l’intervention de Musk, il n’y a pas eu d’effet positif sur les votes conservateurs, mais plutôt sur le vote pour Die Linke. Mais cela semble être plutôt une coïncidence. Il n’y a pas de preuve que l’intervention de Musk ait joué en la faveur de l’AfD ou, au contraire, favorisé une mobilisation contre l’AfD.
La question du vote de la résolution anti-immigration, proposée par la CDU au Bundestag et votée avec les voix de l’AfD, a eu un effet probablement plus fort que les déclarations de Musk, à mon avis.
Est-ce que ces élections illustrent encore un fort clivage entre les Allemands de l’Ouest et les Allemands de l’Est selon vous?
Cela se constate toujours. L’AfD est le premier parti à l’Est. Ce qui n’est pas le cas à l’Ouest. Ce qui s’est passé, en revanche, c’est que Die Linke, qui était marginal à l’Ouest et fort à l’Est, s’est renforcé à l’Ouest, perdant en parallèle son héritage du PDS et donc son caractère de parti de l’Est pour être un parti de gauche pour toute l’Allemagne.
Quel regard portez-vous sur le recul historique du SPD, ainsi que des Verts et du FDP, qui formaient l’ancienne coalition gouvernementale depuis 2021?
Si on regarde sur une période longue, donc plusieurs décennies, il y a une tendance à la baisse du score du SPD. Cela se manifeste par le fait que son électorat de base est vieillissant. Il connaît, un peu, le déclin de tous les partis de centre-gauche en Europe, qui sont orientés dans une politique de moins en moins sociale-démocrate, qui ont perdu leur base populaire et qui ont du mal à renouveler leur base sociale parce qu’ils ne sont, soit pas assez écologistes, soit pas assez à gauche, soit pas assez en prise avec les thèmes qui intéressent les électeurs les plus jeunes.
Quant aux Verts, c’est un peu différent. Il y a un recul, mais il n’est pas aussi prononcé. Sur une longue période, c’est difficile à dire. Ce qui est notable, c’est qu’il devenu de plus en plus un parti centriste. Ce qui faisait la distinction historique des Verts, l’engagement pour le désarmement, pour la paix, est gommé depuis un bon moment. Mais cela a été particulièrement manifeste durant la participation au gouvernement Scholz. C’est un parti de gens assez aisés, qui ont, certes, des préoccupations pour l’environnement, mais qui ont aussi des préoccupations habituelles de gens aisés. C’est pour ça que je dis que les Verts sont un parti centriste, ou de centre-gauche, avec une particularité qui est l’orientation vers l’environnement.
Comment analysez-vous la dynamique observée autour du vote pour Die Linke et quelles leçons ce parti de gauche devrait en tirer pour avoir une base solide auprès de la population allemande à l’avenir?
Une bonne partie des problèmes de Die Linke était une sorte de flottement dans la ligne, qui se reflétait dans des conflits de leadership. C’était très compliqué d’avoir une orientation. Cela a culminé avec la scission, lorsque Sahra Wagenknecht a emporté une partie des députés de Die Linke pour créer son propre parti BSW. Cela a semblé très mauvais pour Die Linke, dans la période immédiatement consécutive à la scission, mais finalement, cela lui a permis de régler, au moins, les hésitations dans le leadership, dans la ligne politique, etc. Et comme ils ont pu réorienter leur ligne politique dans une direction définitivement antiraciste, sociale, contre l’extrême-droite, cela a plu à une partie des électeurs qui ne voyaient plus le SPD comme un parti de gauche porteur de valeurs sociales et économiques comme les valeurs d’ouverture vis-à-vis de l’immigration. Le SPD s’était présenté comme un parti qui présentait des mesures de limitation de l’immigration. Finalement, la scission a été un mal pour un bien, permettant à Die Linke de revenir sur les fondamentaux d’un parti de gauche.
Pour l’avenir, on peut dire qu’ils ont intérêt à poursuivre sur cette voie et à élargir leur offre politique en direction d’une politique économique et sociale qui soit vraiment une alternative à ce que proposent les partis traditionnels, la CDU mais aussi le SPD ou autres, et à ce que propose l’AfD, à savoir une ligne très trumpienne.
Dans une précédente interview que vous nous aviez accordée, nous avions évoqué l’alliance Sahra Wagenknecht (BSW), du nom de sa cheffe, ancienne leader de Die Linke ayant quitté le parti en 2023 sur fond de divergences, notamment sur l’immigration. Est-ce que l’échec de BSW à atteindre le seuil de 5% des voix pour obtenir des sièges au Bundestag marque un coup d’arrêt pour ce parti ?
BSW a échoué de peu à obtenir des députés, n’ayant manqué que 13.000 voix. Cela aurait pu changer la donne, car si le parti avait franchi ce seuil, la formation du gouvernement se serait compliquée : la CDU aurait dû chercher deux partenaires pour une coalition majoritaire au lieu d’un seul. Toutefois, cet échec ne signifie pas nécessairement un coup d’arrêt pour BSW. La dynamique ascendante du parti est temporairement freinée, et sa stratégie visant à récupérer des voix de l’AfD n’a pas porté ses fruits. Le transfert de voix entre les deux partis reste faible, voire négligeable. Ainsi, BSW n’a pas atteint son objectif initial : convaincre un électorat économiquement précaire, réticent à l’immigration mais potentiellement réceptif aux propositions économiques de gauche, de voter pour lui plutôt que pour l’AfD, dont le programme est loin d’être social.
Est-ce qu’un scénario de coalition CDU-AfD est plausible ou faut-il anticiper une nouvelle « grosse coalition » CDU-SPD?
Cette dernière suggestion est celle qui tient le plus la corde. Cela paraît très difficile de faire passer une coalition CDU-AfD en l’état actuel. À l’avenir, plus ou moins proche, ce sera plus envisageable. Là, telle quelle, cela me semble assez difficile. Les sondages disent qu’entre 2/3 et 3/4 des électeurs allemands sont opposés à une telle coalition.
Mon interprétation au sujet de la résolution sur l’immigration proposée par la CDU et votée par l’AfD est que la CDU a envoyé un signal disant qu’il pourrait très bien, sans avoir une coalition gouvernementale avec l’AfD, faire passer des textes avec les votes de l’AfD. Cela donnerait à la CDU une carte supplémentaire pour peser sur les négociations avec le SPD et pour avoir un accord de coalition sur un programme.
Pour l’instant, dans l’état actuel de l’électorat, je vois assez mal une coalition CDU-AfD crédible. D’autant plus que Friedrich Merz, leader de la CDU, a beaucoup insisté sur les différences avec l’AfD, notamment sur le plan de la politique extérieure et de l’attitude à tenir vis-à-vis de la Russie.
Quelles conséquences ces élections peuvent avoir sur la place de l’Allemagne en Europe et dans sa relation avec la France?
Cela a été un thème spécifique de la CDU qui, pour attaquer la coalition sortante et le chancelier Olaf Scholz, a déclaré que dans la situation actuelle avec la Russie, avec Trump, etc, il est important d’avoir un lien très fort avec la France et de renouer une coopération étroite avec la France dans le cadre de l’Union européenne. Merz en fait un de ses objectifs, accusant Scholz de n’avoir rien fait sur ce plan. S’il tient ses promesses, on peut s’attendre à ce qu’il tente de renouveler cette alliance, au niveau européen, entre les deux plus grands pays. Avec un objectif, celui de l’augmentation des dépenses militaires, des capacités de défense. Ce qui implique la question de la dette, du frein à la dette, avec une possibilité de changement de la constitution allemande pour abroger ce frein à la dette, pour pouvoir permettre un endettement supplémentaire. Pour Merz, ce serait la possibilité d’augmenter les dépenses militaires, augmentant éventuellement l’endettement pour la défense nationale. Dans cette optique-là, cela offre un rapprochement avec la position française, qui considère que cette histoire de limitation de l’endettement public est plus un empêchement sur le plan économique qu’autre chose. On est moins dans une opposition France-Allemagne sur la question de la dette publique et la nécessité de respecter les critères quantitatifs sur le déficit public.
Propos recueillis par Jonathan Baudoin
Bruno Amable est économiste, professeur à l’université de Genève (Suisse). Il est l’auteur de : Le Néolibéralisme (PUF, 2023), Où va le bloc bourgeois ? (avec Stefano Palombarini, La Dispute, 2022), La résistible ascension du néolibéralisme (La Découverte, 2021), L’Illusion du bloc bourgeois (avec Stefano Palombarini, Raisons d’Agir, 2017), L’économie politique du néolibéralisme (Presses de l’École normale supérieure, 2012), Les cinq capitalismes (Seuil, 2005)
Photo d’ouverture : Alice Weidel, cheffe du parti d’extrême droite allemand Alternative für Deutschland (Alternative pour l’Allemagne, AfD), arrivé en deuxième position des élections fédérales allemandes avec un score historique.
28.02.2025 à 10:02
En poussant la porte de la librairie Publico, à deux pas de République à Paris, une forte odeur de papier et de café vous sautent aux narines, tandis que des portraits de figures de la gauche radicale s’étalent largement sur les murs. Papiers en main et notes griffonnées sur un bout de feuille, l’administratrice du lieu, Hélène Hernandez, nous accueille avec un large sourire. Rapidement, elle prévient qu’ici “on vend des livres, on ne vend pas du livre”. La nuance semble essentielle pour celle qui anime aussi des émissions sur Radio Libertaire (station de radio de la Fédération anarchiste, NDLR).
Publico fait partie de la centaine de librairies ayant signé la tribune publiée par le site Contre-Attaque en novembre 2024: « Ne laissons pas Bolloré et ses idées prendre le pouvoir sur nos librairies ». Elle fait suite à la mainmise de Vivendi (groupe français de médias et de divertissement appartenant à Vincent Bolloré, NDLR) sur le groupe Hachette depuis 2023 grâce au rachat de 60% de Lagardère (JDD, Europe 1, Relay). Depuis deux ans, le monde du livre s’affole et voit sa liberté se réduire au profit de groupes industriels détenus par des milliardaires comme Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky (qui a récupéré Editis à l’industriel breton) ou Pierre-Édouard Stérin (autre milliardaire classé très à droite, qui espère faire naître près de 300 librairies). Des fortunes au service de projets “idéologiquement marqués et dangereux”, nous souligne un membre de l’association Les Soulèvements de la Terre, qui souhaite rester anonyme. Porteuse de cet engagement, l’association se bat contre la concentration de l’édition entre les mains de grandes fortunes d’extrême droite. Une tribune qui a servi de prélude à une série de contestations et de blocages à la fin janvier. En effet, depuis la dissolution de l’Assemblée l’été dernier, des dizaines d’antennes locales de syndicats, des associations antifascistes, des mouvements d’écologie radicale tels qu’Extinction Rébellion et les Soulèvements se sont affiliés à un appel à Désarmer Bolloré. Une manière de répondre au bulldozer breton et d’entrer en résistance idéologique.
Publico, l’une des principales librairies anarchistes de France donc, a fait le choix de limiter au maximum la présence de livres issus du groupe Hachette. Pour sa gérante, proposer des ouvrages générant des profits pour Bolloré serait une trahison envers ses clients et ses valeurs. Hélène Hernandez rappelle en effet que le milliardaire breton « a fait fortune dans les colonies en Afrique grâce à une politique extractiviste ».
Une radicalité partagée par Utopia, librairie indépendante du 5ème arrondissement de la capitale. Pour Laure, sa responsable : “Vendre des livres, c’est faire passer d’autres choses à travers eux”. Le lieu qui se veut “populaire et éducatif” est par ailleurs spécialisé dans l’écologie politique, en opposition frontale d’après elle à la politique des entreprises du groupe Bolloré.
Il est certain pour les signataires de la tribune, dénonçant des options idéologiques fascisantes, que le contexte est alarmant, autant dans le domaine éducatif que pour le grand public. Hachette regroupe en son sein une cinquantaine de maisons d’éditions (Fayard, Grasset, Stock…), 50% des manuels scolaires, et se place comme le premier groupe français dans l’édition et le troisième au monde avec près de trois milliards de chiffre d’affaires en 2023.
Tentaculaire, le groupe Vivendi exerce désormais un contrôle sur l’ensemble de la chaîne du livre, de l’édition à la distribution, en passant par les points de vente comme L’Écume des Pages, la fameuse librairie de Saint-Germain-des-Près, à deux pas du Flore, ou par l’ensemble des Relay dans les gares et aéroports français. Pour Hélène, cette stratégie s’explique simplement : “Le milliardaire cherche à vider certaines maisons d’édition pour y installer ses propres réseaux. Obtenir le monopole nécessite de maîtriser toute la chaîne du livre.” Une ambition déjà illustrée par la nomination de Lise Boëll, éditrice d’Éric Zemmour, à la tête de Fayard sur décision directe de Vincent Bolloré, évinçant ainsi Isabelle Saporta, directrice générale de la maison à ce moment-là.
Pour la petite centaine de libraires signataires, il est hors de question de subir “le monopole de Bolloré”. Le collectif des « Soulèvements de la terre » nous précise mettre en place des actions “pour que les gens savent à qui appartiennent ces maisons et à qu’ils donnent de l’argent.”
Les « Soulèvements » assurent qu’ils n’appellent pas « au boycott total des éditions Bolloré, mais alertent et invitent les lecteurs à se tourner vers des indépendants, et les libraires à ne pas exposer explicitement les livres de chez Hachette« . Hélène Hernandez abonde dans ce sens: « Même Publico vend quelques livres de Hachette et reçoit à la librairie des auteurs qui publient dans les différentes maisons du groupe. Si on aime, on vend, mais on fait attention à ce qu’on prend et on évite de les exposer. On informe”. Chez Utopia, les libraires sont plus radicaux puisqu’ils ont “arrêté de travailler avec Fayard, ne diffusent plus leurs livres et la question de l’ensemble du groupe Hachette doit être discutée en interne”.
D’autres libraires, non signataires de la tribune, ne sont pas pour autant en reste. Pour La Librairie du Château dans le Périgord, non affiliée à l’appel, l’engagement et la prise de position « sont identiques au sein de leurs rayons« . La gérante nous confie que la ligne directrice est d’avoir en rayon « plus de maisons indépendantes, moins de Hachette. »
Tout ce tissu d’indépendants précieux se bat pour défendre la « liberté de pensée et la liberté d’expression” ajoute Hélène de chez Publico. Une action qui prend aussi la forme de marques-page, à l’effigie de Bolloré ou de figures de la gauche, pour signaler au lecteur de « qui édite le livre, à qui appartient le groupe et l’inviter à se tourner vers des indépendants » expliquent les Soulèvements.
La diffusion se fait soit directement par les libraires volontaires, soit par distribution pirate sur les grands points de vente tels que les supermarchés ou les Relay. « On n’a pas les mêmes armes que Bolloré, on ne force personne mais on informe du choix possible » affirme Laure d’Utopia.
Le sujet reste néanmoins sensible et de nombreuses librairies refusent de s’expliquer sur leur signature. D’autres semblent prises en étau entre leur liberté éditoriale et la réalité économique. “La tribune est courageuse, mais les signataires s’exposent à des pressions et des réprimandes avec des remises moins importantes. Hachette a un tel pouvoir que la maison a les moyens de sanctionner une telle prise de position”.
Une librairie parisienne confie qu’elle “ne peut pas vivre sans Hachette. Ceux qui croient le contraire, c’est bye-bye pour eux”, assumant pleinement son choix de ne pas signer la tribune, comme certains de ses collègues. Ces derniers ont été mis sous pression et se sont exposés à des menaces, des mails venant de lecteurs, de clients et même de libraires les accusant de porter atteinte à la liberté d’expression, d’être des « censeurs staliniens« , aussi dangereux que ceux qu’ils dénoncent.
Un des libraires signataire de la tribune a pu ainsi recevoir en décembre 2024 le mail qui suit.
Un exemple, parmi d’autres, de messages parfois envers bien plus virulents envers les libraires. Le collectif a également essuyé les critiques d’opposants politiques et subi le rouleau compresseur médiatique. Quelques jours après la publication de la tribune, le JDD « bolloréisé », recueillait toutes les réactions des sympathisants du milliardaire sur le sujet, de Gilles-William Goldnadel à Eugénie Bastié en passant par Fabrice Di Vizio. Les réactions sur X (ex-Twitter) furent également vives et les appels au boycott des signataires largement relayés.
Les protagonistes savaient déjà à quoi ils s’exposaient. « Il y a cinq ans, un militant anti-anarchiste a été condamné pour tentative de meurtre sur un de nos libraires. Ils n’ont pas attendu Bolloré pour s’attaquer à nous » confie Hélène.
À la Librairie du Château aussi on reçoit les « mails hostiles et les critiques affichés sur les vitrines. Une invitation d’Edwy Plenel pour une rencontre a fait grincer certains lecteurs ou habitants d’Excideuil » glisse la gérante. Les « Soulèvements » nuancent les critiques de censure auxquelles ils s’exposent, rappelant « qu’on est face à un personnage violent, Bolloré, qui interdit toute critique de ses industries et impose une ligne politique de l’ordre de la mission civilisationnelle poussée dans ses médias. » Et d’ajouter : « Eux sont des censeurs au quotidien, pas nous”.
Il est certain que la concentration dans l’édition devient de plus en plus inquiétante, dénonce la librairie Publico. Six ou sept groupes se partagent la plus grosse part du gâteau et possèdent la plupart des grandes maisons d’éditions. Une concentration qui affecte toute la chaîne du livre. Il est très difficile de se passer de ces groupes pour la plupart des librairies et de boycotter ne serait-ce que le seul Hachette. « Le danger est réel puisqu’avant on pouvait faire le choix de privilégier les maisons sans actionnaires. Aujourd’hui ils sont partout« , déplore Hélène. “L’édition, l’école de journalisme, la presse: c’est la pieuvre d’extrême droite” martèle Laure d’Utopia.
« Une catastrophe pour le monde de l’édition », assènent les signataires de la tribune. Face au rouleau-compresseur Bolloré, armé de médias audiovisuels et de relais en tout genre prêts à le défendre coûte que coûte, les quelques 80 librairies signataires refusent de plier. Le combat des libraires indépendants est inégal, et rude, mais il importe pour notre futur collectif. « Le livre reste une arme » disait Eric Hazan, fondateur de la maison La Fabrique.
Thibaut Combe
27.02.2025 à 21:15
Né du confinement et de l’image de ces rues vides où seuls les livreurs restaient visibles, le film « L’Histoire de Souleymane » témoigne de la rencontre entre la solitude de l’exilé et celle du travailleur numérique dans un capitalisme ubérisé. Présenté à Cannes 2024, le film a su se faire une place malgré l’absence de noms bankables au casting. Son acteur principal, Abu Sangaré, malgré plusieurs récompenses, est resté longtemps non régularisé, la reconnaissance artistique ne suffisant pas à obtenir des droits fondamentaux.
Son réalisateur, Boris Lojkine, était l’invité de Bénédicte Martin jeudi 27 février. Ensemble, ils sont revenus sur les étapes de création du film jusqu’à sa consécration, avec sa nomination dans de nombreuses catégories aux Césars 2025, et ont évoqué le rôle essentiel des travailleurs migrants, souvent présentés par la classe médiatique et politique comme des poids alors qu’ils participent activement à l’économie française.
25.02.2025 à 23:39
« Qu’est-ce que signifie être français ? Quels droits cela confère-t-il ? Quelles obligations cela implique-t-il ? » a lancé François Bayrou, le 7 février dernier sur RMC, invitant à une réflexion nationale sur le sujet dans les mois à venir, ainsi que Nicolas Sarkozy l’avait fait lors de son quinquennat. Une fois de plus les questions migratoires, le droit du sol, et les affaires d’OQTF se retrouvent sur le devant de la scène médiatique et politique, dans une France où le vote d’extrême droite explose. De quoi cette obsession est-elle le nom? Vraie question pour l’avenir d’un pays fracturé, ou diversion utilisée par un pouvoir très impopulaire dans une France au bord de la récession?
Pour en débattre Aude Lancelin et François Bégaudeau ont reçu Laurent Ozon, chef d’entreprise et ancien membre du bureau politique du FN, dans le troisième épisode de « L’Explication ». Un débat d’une vive intensité, à ne pas manquer !