
12.12.2025 à 12:52
Déborah Yapi
Vendredi 5 décembre, Netflix annonçait le rachat de Warner Bros Discovery pour 82,7 milliards de dollars. Lundi 8 décembre, Paramount Skydance ripostait avec une offre hostile de 108,4 milliards, entièrement en cash. À première vue, une bataille classique de titans hollywoodiens pour s’emparer des franchises Harry Potter, DC Comics et HBO. En réalité, cette guerre cache un enjeu bien plus politique : qui contrôlera CNN, la bête noire de Donald Trump ? Car derrière les communiqués lénifiants sur la « valeur actionnariale » et la « synergie des contenus », se joue une partie d’échecs dont Trump tire déjà les ficelles. Et le président a tout à y gagner, quel que soit le vainqueur final. L’offre Netflix : CNN n’est pas dans le paquet Dans la proposition de Netflix, il n’est pas question d’acheter CNN. La chaîne d’information, avec les autres chaînes de télévision linéaires (TNT, Discovery Channel), sera séparée dans une entité indépendante baptisée « Discovery Global » avant la finalisation du rachat. CNN deviendra donc une société cotée en bourse, détachée de Warner Bros et de Netflix. Mais cette mise à l’écart de CNN ne protège nullement Netflix de Donald Trump. Le président a déjà fait savoir que l’union Netflix-Warner « pourrait être un problème » en raison de la position déjà dominante sur le marché du streaming de Netflix. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren a immédiatement dénoncé un « cauchemar anti-monopole ». En abandonnant CNN, Netflix pensait s’épargner des ennuis. Il pourrait bien découvrir que Trump a d’autres plans. L’offre Paramount : CNN sur un plateau pour la Maison-Blanche L’offre de Paramount Skydance ne fait aucune concession : 108,4 milliards de dollars pour racheter l’intégralité de Warner Bros Discovery, CNN inclus. Et c’est précisément là que les choses deviennent explosives. Qui finance cette offre pharaonique ? Larry Ellison, deuxième fortune mondiale avec 270 milliards de dollars et ami personnel […]
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Vendredi 5 décembre, Netflix annonçait le rachat de Warner Bros Discovery pour 82,7 milliards de dollars. Lundi 8 décembre, Paramount Skydance ripostait avec une offre hostile de 108,4 milliards, entièrement en cash. À première vue, une bataille classique de titans hollywoodiens pour s’emparer des franchises Harry Potter, DC Comics et HBO. En réalité, cette guerre cache un enjeu bien plus politique : qui contrôlera CNN, la bête noire de Donald Trump ?
Car derrière les communiqués lénifiants sur la « valeur actionnariale » et la « synergie des contenus », se joue une partie d’échecs dont Trump tire déjà les ficelles. Et le président a tout à y gagner, quel que soit le vainqueur final.
L’offre Netflix : CNN n’est pas dans le paquet
Dans la proposition de Netflix, il n’est pas question d’acheter CNN. La chaîne d’information, avec les autres chaînes de télévision linéaires (TNT, Discovery Channel), sera séparée dans une entité indépendante baptisée « Discovery Global » avant la finalisation du rachat. CNN deviendra donc une société cotée en bourse, détachée de Warner Bros et de Netflix.
Mais cette mise à l’écart de CNN ne protège nullement Netflix de Donald Trump. Le président a déjà fait savoir que l’union Netflix-Warner « pourrait être un problème » en raison de la position déjà dominante sur le marché du streaming de Netflix. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren a immédiatement dénoncé un « cauchemar anti-monopole ». En abandonnant CNN, Netflix pensait s’épargner des ennuis. Il pourrait bien découvrir que Trump a d’autres plans.
L’offre Paramount : CNN sur un plateau pour la Maison-Blanche
L’offre de Paramount Skydance ne fait aucune concession : 108,4 milliards de dollars pour racheter l’intégralité de Warner Bros Discovery, CNN inclus. Et c’est précisément là que les choses deviennent explosives.
Qui finance cette offre pharaonique ? Larry Ellison, deuxième fortune mondiale avec 270 milliards de dollars et ami personnel de Trump. Son fils David Ellison, patron de Skydance, qui a obtenu en juillet le feu vert de la FCC pour racheter Paramount après avoir promis « une modification de la ligne éditoriale de CBS ». RedBird Capital. Et surtout, selon le Wall Street Journal, Affinity Partners – la société d’investissement de Jared Kushner, gendre de Donald Trump – accompagnée de plusieurs fonds souverains du Moyen-Orient : Arabie saoudite, Qatar, Abu Dhabi.
Autrement dit : l’argent saoudien, les amis de Trump, et la promesse explicite de « changements radicaux au sein de CNN ». David et Larry Ellison ont mené, selon le WSJ, « une campagne de plusieurs semaines pour convaincre Donald Trump » de soutenir leur offre. Leur argument massue ? Ils promettent de « refondre la programmation » de la chaîne détestée par le président.
Trump, interrogé lundi, a joué l’innocent : « Aucun d’eux n’est un de mes amis proches. Je veux faire ce qui est juste. » Il prétend n’avoir pas parlé à Kushner du dossier Warner. Personne à Washington n’est dupe.
Le vrai jeu de Trump : il gagne dans tous les cas
Voilà le génie pervers de cette configuration. Si Paramount l’emporte, le 47e président des États-Unis obtient directement ce qu’il veut : CNN sous contrôle de ses alliés financiers et politiques, avec une ligne éditoriale « refondue » – autrement dit, muselée.
Mais si Netflix l’emporte ? Trump ne perd rien. Au contraire. Il peut user de son pouvoir de nuisance réglementaire pour mettre Netflix sous pression. « Vous avez une position dominante. Cela pourrait être un problème antitrust. À moins que… vous ne rachetiez finalement CNN à Discovery Global, cette nouvelle entité indépendante. Et que vous acceptiez quelques ajustements éditoriaux. » Netflix, acculé, pourrait bien finir par céder – soit en rachetant CNN malgré tout, soit en facilitant son acquisition par un tiers ami de l’administration.
Elizabeth Warren a beau dénoncer un « trafic d’influence, du favoritisme politique et des risques pour la sécurité nationale », elle prêche dans le désert. Les républicains contrôlent le Congrès. La FCC est aux ordres. Le ministère de la Justice appliquera la politique antitrust selon les desiderata présidentiels. Et les fonds souverains moyen-orientaux, déjà sous influence trumpiste depuis les Accords d’Abraham et le rapprochement avec Riyad, sont des partenaires dociles.
Une prise d’otage politique
Arrêtons de nous raconter des histoires. Cette bataille pour Warner Bros n’a rien d’une guerre industrielle classique. C’est une prise d’otage politique orchestrée depuis la Maison-Blanche, avec l’argent saoudien et les réseaux trumpistes comme bras armés. CNN, symbole d’une presse indépendante que Donald Trump rêve de voir disparaître depuis 2015, est le véritable trophée de cette partie d’échecs.
Que Paramount ou Netflix l’emporte, Trump a compris que le contrôle des médias passe désormais par le contrôle des plateformes de streaming et des studios. CNN aujourd’hui, demain HBO, Warner Bros, et pourquoi pas Netflix si l’entreprise ne se montre pas coopérative ?
Nous verrons qui remporte la mise. Mais le Donald, lui, a déjà gagné.
Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.
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12.12.2025 à 11:58
Déborah Yapi
Forte d’une croissance économique soutenue, d’avancées technologiques majeures et d’une diplomatie d’influence de plus en plus affirmée, Pékin s’impose désormais comme un acteur central d’un ordre international en recomposition. À travers la Belt and Road Initiative, qui redessine les routes du commerce mondial, et l’élargissement du cadre des BRICS, la Chine cherche à promouvoir un modèle alternatif de gouvernance et de coopération. Cette trajectoire ascendante se heurte toutefois à des vulnérabilités internes et à une compétition stratégique croissante avec les États-Unis. Dans quelle mesure la Chine peut-elle s’imposer comme première puissance mondiale, selon quelles modalités, dans quels domaines, et avec quelles implications pour la structure même de l’ordre international ? Valérie Niquet, maîtresse de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, a répondu à nos questions à l’occasion de la première édition des Géopolitiques de Grenoble organisées par l’IRIS et Grenoble École de Management, des conférences et débats sur les enjeux géopolitiques d’aujourd’hui :
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Forte d’une croissance économique soutenue, d’avancées technologiques majeures et d’une diplomatie d’influence de plus en plus affirmée, Pékin s’impose désormais comme un acteur central d’un ordre international en recomposition. À travers la Belt and Road Initiative, qui redessine les routes du commerce mondial, et l’élargissement du cadre des BRICS, la Chine cherche à promouvoir un modèle alternatif de gouvernance et de coopération. Cette trajectoire ascendante se heurte toutefois à des vulnérabilités internes et à une compétition stratégique croissante avec les États-Unis. Dans quelle mesure la Chine peut-elle s’imposer comme première puissance mondiale, selon quelles modalités, dans quels domaines, et avec quelles implications pour la structure même de l’ordre international ?
Valérie Niquet, maîtresse de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, a répondu à nos questions à l’occasion de la première édition des Géopolitiques de Grenoble organisées par l’IRIS et Grenoble École de Management, des conférences et débats sur les enjeux géopolitiques d’aujourd’hui :
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11.12.2025 à 14:49
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This ARES Group commentary examines how Spain perceives and approaches armament cooperation within the European Union (EU) level, asking “Which type of armament cooperation do we want and need?”. It argues that Spain views armament cooperation as a means to strengthen European strategic autonomy, industrial competitiveness and interoperability while improving cost efficiency. It finds that Spain’s performance in research cooperation under the European Defence Fund has been strong, but translating these successes into major joint procurement programmes remains a challenge. Persistent obstacles include a fragmented industrial coordination, limited managerial capacity and regulatory divergences. The commentary concludes that Spain seeks pragmatic but ambitious cooperation: capability-led, lifecycle-oriented and financially sustainable, with fair industrial returns and alignment between EU and NATO priorities. For EU joint defence procurement to be a success for Spain, Madrid must align its national strategy with EU instruments and strengthen domestic capacity to lead future cooperative programmes.
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This ARES Group commentary examines how Spain perceives and approaches armament cooperation within the European Union (EU) level, asking “Which type of armament cooperation do we want and need?”. It argues that Spain views armament cooperation as a means to strengthen European strategic autonomy, industrial competitiveness and interoperability while improving cost efficiency. It finds that Spain’s performance in research cooperation under the European Defence Fund has been strong, but translating these successes into major joint procurement programmes remains a challenge. Persistent obstacles include a fragmented industrial coordination, limited managerial capacity and regulatory divergences. The commentary concludes that Spain seeks pragmatic but ambitious cooperation: capability-led, lifecycle-oriented and financially sustainable, with fair industrial returns and alignment between EU and NATO priorities. For EU joint defence procurement to be a success for Spain, Madrid must align its national strategy with EU instruments and strengthen domestic capacity to lead future cooperative programmes.
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11.12.2025 à 11:37
Déborah Yapi
La guerre a fait son retour dans la réalité politique européenne et la métaphore guerrière continue de s’affirmer comme outil rhétorique. Depuis 2022, le réarmement – démographique, moral, intellectuel – s’impose comme motif récurrent des discours politiques et médiatiques, en miroir d’un effort de préparation militaire et capacitaire à l’échelle du continent : une nouvelle « course aux armements », à la fois qualitative et quantitative. Les moyens de la conflictualité évoluent également et l’enchevêtrement des domaines, des temporalités et des intensités crée une complexité inédite, imparfaitement reflétée par l’inflation théorique et linguistique que représente la multiplication des « guerres » immatérielles – informationnelles, cognitives, etc. – et des « armes » associées. À l’occasion de la parution du n°140 de La Revue internationale et stratégique sur « Armements et arsenalisations : moyens et mots de la guerre », Louise Souverbie, chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Europe, UE, OTAN sur les évolutions politiques des pays européens, répond à nos questions: 📕 Se procurer la RIS : https://www.iris-france.org/produit/armements-et-arsenalisations-moyens-et-mots-de-la-guerre/
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La guerre a fait son retour dans la réalité politique européenne et la métaphore guerrière continue de s’affirmer comme outil rhétorique. Depuis 2022, le réarmement – démographique, moral, intellectuel – s’impose comme motif récurrent des discours politiques et médiatiques, en miroir d’un effort de préparation militaire et capacitaire à l’échelle du continent : une nouvelle « course aux armements », à la fois qualitative et quantitative. Les moyens de la conflictualité évoluent également et l’enchevêtrement des domaines, des temporalités et des intensités crée une complexité inédite, imparfaitement reflétée par l’inflation théorique et linguistique que représente la multiplication des « guerres » immatérielles – informationnelles, cognitives, etc. – et des « armes » associées.
À l’occasion de la parution du n°140 de La Revue internationale et stratégique sur « Armements et arsenalisations : moyens et mots de la guerre », Louise Souverbie, chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Europe, UE, OTAN sur les évolutions politiques des pays européens, répond à nos questions:
Se procurer la RIS : https://www.iris-france.org/produit/armements-et-arsenalisations-moyens-et-mots-de-la-guerre/
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11.12.2025 à 11:27
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Au cours des deux dernières décennies, l’Histoire a connu plusieurs accélérations brutales que les Européens n’ont pas vues venir, et qui les ont laissés tétanisés. Le dernier drame en date est la rupture de la relation transatlantique, officiellement entérinée, pour ceux qui ne l’avaient pas encore compris, le 4 décembre 2025. En publiant, en cette fin d’année, une nouvelle Stratégie de sécurité nationale, les États-Unis de Donald Trump ont adressé plusieurs messages à leurs soi-disant partenaires atlantiques. Certains sont d’ordre idéologique et portent sur des thèmes comme l’immigration ou l’identité nationale. D’autres, en revanche, sont beaucoup plus concrets et opérationnels : ils dessinent une véritable feuille de route. Dans les domaines géopolitique et stratégique, le message adressé au Vieux Continent est on ne peut plus concret, et il est double. Premièrement, les Européens doivent « européaniser l’OTAN ». Deuxièmement, ils doivent mettre de côté l’Union européenne (UE), voire la dissoudre. Or, ces deux injonctions sont étroitement liées entre elles. Ce serait une erreur de les analyser séparément. Européaniser l’OTAN L’idée d’européaniser l’OTAN ne vient en réalité pas de Washington. Elle a d’abord germé à Bruxelles, avant d’être subtilement détournée par le locataire de la Maison-Blanche. Pour comprendre ce que le président des États-Unis entend par européanisation de l’OTAN, il faut d’abord distinguer ce concept d’une autre notion, qui l’a précédé et qui est elle aussi d’origine européenne : celle de pilier européen de l’OTAN. Dans un passé encore récent, la notion de pilier européen de l’OTAN ne prenait pas en compte l’hypothèse d’un désengagement américain. Les Européens se demandaient plus simplement comment ils pouvaient renforcer leurs capacités militaires, afin de mieux contribuer à l’Alliance et rééquilibrer ainsi le partage du fardeau sécuritaire avec les États-Unis. Au fond, pour qu’une institution repose sur des bases solides, se disaient les Européens, elle […]
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Au cours des deux dernières décennies, l’Histoire a connu plusieurs accélérations brutales que les Européens n’ont pas vues venir, et qui les ont laissés tétanisés. Le dernier drame en date est la rupture de la relation transatlantique, officiellement entérinée, pour ceux qui ne l’avaient pas encore compris, le 4 décembre 2025. En publiant, en cette fin d’année, une nouvelle Stratégie de sécurité nationale, les États-Unis de Donald Trump ont adressé plusieurs messages à leurs soi-disant partenaires atlantiques. Certains sont d’ordre idéologique et portent sur des thèmes comme l’immigration ou l’identité nationale. D’autres, en revanche, sont beaucoup plus concrets et opérationnels : ils dessinent une véritable feuille de route.
Dans les domaines géopolitique et stratégique, le message adressé au Vieux Continent est on ne peut plus concret, et il est double. Premièrement, les Européens doivent « européaniser l’OTAN ». Deuxièmement, ils doivent mettre de côté l’Union européenne (UE), voire la dissoudre. Or, ces deux injonctions sont étroitement liées entre elles. Ce serait une erreur de les analyser séparément.
L’idée d’européaniser l’OTAN ne vient en réalité pas de Washington. Elle a d’abord germé à Bruxelles, avant d’être subtilement détournée par le locataire de la Maison-Blanche. Pour comprendre ce que le président des États-Unis entend par européanisation de l’OTAN, il faut d’abord distinguer ce concept d’une autre notion, qui l’a précédé et qui est elle aussi d’origine européenne : celle de pilier européen de l’OTAN.
Dans un passé encore récent, la notion de pilier européen de l’OTAN ne prenait pas en compte l’hypothèse d’un désengagement américain. Les Européens se demandaient plus simplement comment ils pouvaient renforcer leurs capacités militaires, afin de mieux contribuer à l’Alliance et rééquilibrer ainsi le partage du fardeau sécuritaire avec les États-Unis. Au fond, pour qu’une institution repose sur des bases solides, se disaient les Européens, elle doit s’appuyer sur des piliers de taille comparable. L’enjeu était donc de se mettre à niveau par rapport à l’effort fourni par les États-Unis.
L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a bouleversé ce paradigme et contraint les Européens à revoir leur logiciel stratégique. Craignant que les États-Unis ne se désengagent complètement du continent, ils ont élaboré le concept d’ « européanisation » de l’OTAN, dans l’espoir de les maintenir à bord. Cette notion ne se limite pas à un simple rééquilibrage des rôles entre Européens et Américains : elle postule que les forces engagées au sein de l’Alliance soient principalement européennes, tout en conservant les États-Unis au cœur du dispositif otanien.
Donald Trump a repris cette idée à son compte, en y ajoutant un détail non insignifiant. À ses yeux, l’Europe doit certes réapprendre à se défendre seule, mais elle doit le faire en dehors de toute ambition politique d’intégration ou d’autonomie stratégique. Les Européens sont ainsi invités à demeurer au sein d’une Alliance dont les États-Unis entendent se tenir à distance, tout en continuant à la superviser. Cette posture leur permettrait au passage de garder la main sur le réarmement du continent, appelé à se poursuivre principalement par l’achat de systèmes militaires américains. En contrepartie, les États-Unis s’engageraient à ne pas abandonner l’Alliance et à soutenir les Européens en cas de conflit en appliquant le principe « leading from behind », déjà mis en œuvre en Libye.
Dans ce schéma, l’Union européenne n’a pas sa place. Elle est sommée de se mettre en retrait, voire de disparaître de l’équation. Depuis quelques années, en effet, elle a eu l’impertinence d’esquisser une nouvelle politique industrielle à visée stratégique, interventionniste et protectionniste, susceptible de concurrencer les entreprises américaines des secteurs militaire et dual. Cette politique, qui concerne d’abord la défense, reste certes embryonnaire et lacunaire, mais elle pourrait s’avérer prometteuse. Elle marque en tout cas une étape importante dans la longue et tourmentée histoire de l’intégration européenne et dans la quête d’autonomie stratégique.
En attaquant frontalement l’Union européenne tout en demandant, parallèlement, d’européaniser l’OTAN, Donald Trump cherche à enrayer cette dynamique. Il veut que les Européens coopèrent dans le cadre de l’Alliance afin d’éviter qu’ils ne s’intègrent politiquement, au sein de l’UE.
La plupart des capitales européennes, de leur côté, ne voient pas cette option d’un si mauvais œil. Elles ont toujours eu une attitude bipolaire face au processus d’intégration : elles l’appellent de leurs vœux le jour et le redoutent la nuit, surtout lorsqu’il s’adresse au secteur de la défense. L’européanisation de l’OTAN leur apparaît dès lors comme une solution commode, puisqu’elle leur permettrait de coopérer militairement dans le cadre intergouvernemental de l’Alliance, tout en contournant l’UE et en continuant ainsi à cultiver l’illusion de leur souveraineté nationale. À travers cette approche, toutefois, c’est la pérennisation de la souveraineté des États-Unis sur leur continent qu’ils finiraient par cultiver.
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10.12.2025 à 19:28
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Au delà des enjeux sécuritaires et humains, les conflits engendrent également de nombreuses dégradations sur le plan environnemental impactant ainsi les sols, l’air, l’eau, la biodiversité et les écosystèmes. Comment ces dégradations sont-elles encadrées par le droit international ? Comment le droit international a-t-il évolué en matière de protection de l’environnement en temps de guerre ? Tour d’horizon sur la protection juridique de l’environnement et les opérations militaires en contexte de conflit avec Charlotte Touzot-Fadel, docteure et chercheuse en droit, membre de la société française pour le droit de l’environnement (SFDE).
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Au delà des enjeux sécuritaires et humains, les conflits engendrent également de nombreuses dégradations sur le plan environnemental impactant ainsi les sols, l’air, l’eau, la biodiversité et les écosystèmes. Comment ces dégradations sont-elles encadrées par le droit international ? Comment le droit international a-t-il évolué en matière de protection de l’environnement en temps de guerre ?
Tour d’horizon sur la protection juridique de l’environnement et les opérations militaires en contexte de conflit avec Charlotte Touzot-Fadel, docteure et chercheuse en droit, membre de la société française pour le droit de l’environnement (SFDE).
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10.12.2025 à 19:11
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Pour la première fois sur un terrain de guerre, des soldats filment et diffusent en permanence des vidéos tournées par eux-mêmes. C’est le cas depuis plus de trois ans sur le front ukrainien. Cette pratique inédite permet-elle de mieux faire connaître le quotidien des combattants ? De mieux mobiliser l’arrière du front ? De maintenir une cohésion plus forte de la population face à l’envahisseur ? C’est pour répondre à ces questions que Julie Delbos a fait cette enquête dans le cadre de l’IRIS, où elle a suivi la spécialité Défense, sécurité et gestion de crise à IRIS Sup’. Aujourd’hui, elle travaille pour Médecins sans frontières, après avoir fait en 2023, une mission humanitaire de six mois en Ukraine.
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Pour la première fois sur un terrain de guerre, des soldats filment et diffusent en permanence des vidéos tournées par eux-mêmes. C’est le cas depuis plus de trois ans sur le front ukrainien. Cette pratique inédite permet-elle de mieux faire connaître le quotidien des combattants ? De mieux mobiliser l’arrière du front ? De maintenir une cohésion plus forte de la population face à l’envahisseur ?
C’est pour répondre à ces questions que Julie Delbos a fait cette enquête dans le cadre de l’IRIS, où elle a suivi la spécialité Défense, sécurité et gestion de crise à IRIS Sup’. Aujourd’hui, elle travaille pour Médecins sans frontières, après avoir fait en 2023, une mission humanitaire de six mois en Ukraine.
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10.12.2025 à 18:30
Déborah Yapi
Pascal Boniface · Inégalités sociales et enjeux climatiques. Avec Féris Barkat | Entretiens géopo Insalubrité, exposition à la pollution, dégradations des conditions de vies et de travail, expositions aux catastrophes climatiques… Les changements climatiques, que ce soit à l’échelle locale et globale, frappent avant tout les populations les plus vulnérables. Ainsi aux inégalités sociales viennent s’ajoutent des injustices environnementales, nourrissant les rapports de force non seulement au sein des sociétés mais également entre les États. En d’autres termes, ces violences environnementales ne sont pas neutres : elles se superposent aux inégalités existantes et contribuent à les amplifier. Dans quelle mesure la crise écologique est-elle un facteur aggravant des injustices sociales ? Comment les personnes les plus vulnérables aux violences environnementales parviennent-elles à se réapproprier les questions climatiques ? Pourquoi les banlieues sont-elles faiblement représentées dans les combats écologiques et comment y remédier ? Dans ce podcast, Féris Barkat, activiste et co-fondateur de l’association Banlieues Climat, revient sur son parcours et sa lutte contre les inégalités sociales et environnementales.
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Insalubrité, exposition à la pollution, dégradations des conditions de vies et de travail, expositions aux catastrophes climatiques… Les changements climatiques, que ce soit à l’échelle locale et globale, frappent avant tout les populations les plus vulnérables. Ainsi aux inégalités sociales viennent s’ajoutent des injustices environnementales, nourrissant les rapports de force non seulement au sein des sociétés mais également entre les États. En d’autres termes, ces violences environnementales ne sont pas neutres : elles se superposent aux inégalités existantes et contribuent à les amplifier. Dans quelle mesure la crise écologique est-elle un facteur aggravant des injustices sociales ? Comment les personnes les plus vulnérables aux violences environnementales parviennent-elles à se réapproprier les questions climatiques ? Pourquoi les banlieues sont-elles faiblement représentées dans les combats écologiques et comment y remédier ?
Dans ce podcast, Féris Barkat, activiste et co-fondateur de l’association Banlieues Climat, revient sur son parcours et sa lutte contre les inégalités sociales et environnementales.
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10.12.2025 à 14:15
Déborah Yapi
Le 4 décembre, dans le magnifique siège de l’Institut américain pour la paix, à deux pas du célèbre Mall de Washington, Donald Trump a parrainé la signature « historique » d’un accord de paix final entre la République démocratique du Congo et la République du Rwanda. Les présidents des deux pays étaient présents pour signer le document, et plusieurs autres chefs d’État africains, la présidente de l’Union africaine, et des médiateurs des États du Golfe avaient fait le déplacement pour assister à la cérémonie. Cet accord, ainsi que les autres signés ce jour dans la capitale américaine, représentaient, selon le département d’État américain, un profond engagement à « mettre fin à des décennies de conflit, favoriser la coopération économique et jeter les bases d’une paix durable ». Une victoire pour la politique étrangère américaine. Peut-être. Pourtant, à bien des égards, cet événement dans l’Institut américain pour la paix aujourd’hui dissout était la métaphore parfaite de tout ce qui est creux, intéressé et hypocrite dans la politique étrangère de Washington à l’ère de Donald Trump. Pour commencer, on peut légitimement s’interroger sur les motivations de l’administration Trump dans l’accouchement de cet accord. S’il y avait sans doute des membres de la délégation américaine sincèrement engagés à mettre fin à des décennies de conflit dans la région, Trump lui-même semble, publiquement du moins, principalement pressé à ajouter le Congo à son dossier de candidature pour le prix Nobel de la paix. Dans son message sur les réseaux sociaux consacré à la signature d’un accord préliminaire en juin dernier, Trump a à peine mentionné l’accord lui-même – ou les centaines de milliers d’Africains profondément affectés par les hostilités – préférant se lancer dans une plainte acerbe sur le fait qu’il ne serait jamais reconnu pour tous ses efforts en faveur de la paix. […]
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Le 4 décembre, dans le magnifique siège de l’Institut américain pour la paix, à deux pas du célèbre Mall de Washington, Donald Trump a parrainé la signature « historique » d’un accord de paix final entre la République démocratique du Congo et la République du Rwanda. Les présidents des deux pays étaient présents pour signer le document, et plusieurs autres chefs d’État africains, la présidente de l’Union africaine, et des médiateurs des États du Golfe avaient fait le déplacement pour assister à la cérémonie. Cet accord, ainsi que les autres signés ce jour dans la capitale américaine, représentaient, selon le département d’État américain, un profond engagement à « mettre fin à des décennies de conflit, favoriser la coopération économique et jeter les bases d’une paix durable ». Une victoire pour la politique étrangère américaine.
Peut-être. Pourtant, à bien des égards, cet événement dans l’Institut américain pour la paix aujourd’hui dissout était la métaphore parfaite de tout ce qui est creux, intéressé et hypocrite dans la politique étrangère de Washington à l’ère de Donald Trump.
Pour commencer, on peut légitimement s’interroger sur les motivations de l’administration Trump dans l’accouchement de cet accord. S’il y avait sans doute des membres de la délégation américaine sincèrement engagés à mettre fin à des décennies de conflit dans la région, Trump lui-même semble, publiquement du moins, principalement pressé à ajouter le Congo à son dossier de candidature pour le prix Nobel de la paix. Dans son message sur les réseaux sociaux consacré à la signature d’un accord préliminaire en juin dernier, Trump a à peine mentionné l’accord lui-même – ou les centaines de milliers d’Africains profondément affectés par les hostilités – préférant se lancer dans une plainte acerbe sur le fait qu’il ne serait jamais reconnu pour tous ses efforts en faveur de la paix. « Non, je n’obtiendrai jamais un prix Nobel de la paix quoi que je fasse », s’est-il lamenté. Une explication plus plausible de l’intérêt américain pour la région réside dans la richesse de ses ressources minérales, et plus particulièrement dans les minerais rares. Au moment même où il signait l’accord de paix, le gouvernement de la RDC a également mis en place une commission conjointe avec les États-Unis visant à accroître l’accès américain à l’or et aux ressources minérales congolaises. Étant donné la fixation de Trump sur les terres rares et l’implication profonde de la Chine dans leur exploitation dans l’est du Congo, son nouvel intérêt pour ce conflit africain de longue date devient plus compréhensible.
En outre, il y a une certaine ironie à voir l’administration Trump se poser en championne de la médiation africaine alors que le président minimise ses relations avec l’Afrique et s’en prend à la diaspora africaine aux États-Unis. Deux jours seulement avant la cérémonie de signature, Trump avait lancé une attaque publique venimeuse contre les Somaliens vivant aux États-Unis, les qualifiant d’« ordures ». L’administration Trump a totalement ou partiellement interdit l’entrée sur le territoire américain à dix pays africains, les relations des États-Unis avec des dirigeants africains comme ceux d’Afrique du Sud ou du Nigeria se sont détériorées après des attaques verbales de Trump, et l’administration a laissé expirer l’initiative commerciale phare des États-Unis avec le continent, l’African Growth and Opportunity Act. L’Afrique n’obtient que trois maigres paragraphes sur la toute dernière page des 30 pages de la nouvelle stratégie de sécurité nationale de Trump.
Comme c’est si souvent le cas, l’administration Trump a commencé à chanter les louanges du président avant même que tout le travail difficile ne soit accompli. Le secrétaire d’État Marco Rubio n’y est certainement pas allé de main morte lors de la signature de l’accord préliminaire en juin. « Le président Trump est un président de paix. Il veut vraiment la paix. Il la priorise avant tout », s’était enthousiasmé Rubio. Malgré cette priorité accordée à l’harmonie, la paix n’a pourtant pas encore fleuri dans l’est du Congo. Le lendemain de la signature, de violents combats ont de nouveau éclaté entre groupes rebelles et forces gouvernementales. Le groupe rebelle AFC/M23, soutenu par le Rwanda, continue de tenir des territoires cruciaux au Nord et au Sud-Kivu, et des civils continuent de mourir dans les affrontements.
Il y a ensuite le lieu choisi pour la cérémonie. L’US Institute of Peace (USIP) est — ou plutôt était — un petit groupe de réflexion créé par le Congrès dans les années 1980 pour soutenir la résolution des conflits. Il produisait des analyses très respectées sur les questions de paix et de sécurité dans le monde, organisait des discussions entre experts, et menait de petites initiatives de consolidation de la paix dans des zones sensibles à travers le globe, y compris en Afrique. En février, Trump a signé un décret supprimant l’agence, bien qu’il reste peu clair qu’il en avait l’autorité, et le « Département de l’efficacité gouvernementale » d’Elon Musk a pris possession du bâtiment en mars, licenciant presque tout le personnel de l’Institut. Juste avant la cérémonie de signature, le bâtiment a été rebaptisé, bien sûr, « Institut Donald Trump pour la
paix ». Toutes les recherches internet sur les programmes et initiatives de l’USIP renvoient désormais au communiqué de presse sur la cérémonie.
Voilà. Au bout du compte, nous avons un accord de paix sponsorisé par Trump qui n’a pas encore apporté la paix, une grande initiative de paix africaine portée par une administration qui ne s’intéresse guère au continent autrement que pour ses richesses minérales, et une cérémonie dans une institution désormais estampillée Trump qui ne poursuit plus ni la paix ni quoi que ce soit d’autre. Quelle petite métaphore parfaite de la politique étrangère américaine de nos jours.
Retrouvez régulièrement les éditos de Jeff Hawkins, ancien diplomate américain, chercheur associé à l’IRIS, pour ses Carnets d’un vétéran du State Department.
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09.12.2025 à 18:30
Déborah Yapi
L’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016, puis sa réémergence sur la scène politique, ont marqué une rupture profonde dans la tradition diplomatique américaine. Dénonciation des accords multilatéraux, réorientation stratégique vers un unilatéralisme assumé, remise en cause des alliances historiques : la politique étrangère américaine s’est redéfinie sous le sceau d’un nationalisme décomplexé. Cette redéfinition a eu des conséquences majeures sur les équilibres géopolitiques, les rapports de force internationaux, ainsi que sur la légitimité des institutions globales. Dans quelle mesure la présidence Trump a-t-elle durablement transformé la place des États-Unis dans l’ordre mondial et redéfini les logiques de puissance à l’échelle internationale ? François Clémenceau, éditorialiste international à BFMTV et La Tribune du Dimanche, a répondu à nos questions à l’occasion de la première édition des Géopolitiques de Grenoble organisées par l’IRIS et Grenoble École de Management.
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L’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016, puis sa réémergence sur la scène politique, ont marqué une rupture profonde dans la tradition diplomatique américaine. Dénonciation des accords multilatéraux, réorientation stratégique vers un unilatéralisme assumé, remise en cause des alliances historiques : la politique étrangère américaine s’est redéfinie sous le sceau d’un nationalisme décomplexé. Cette redéfinition a eu des conséquences majeures sur les équilibres géopolitiques, les rapports de force internationaux, ainsi que sur la légitimité des institutions globales. Dans quelle mesure la présidence Trump a-t-elle durablement transformé la place des États-Unis dans l’ordre mondial et redéfini les logiques de puissance à l’échelle internationale ?
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