
27.11.2025 à 18:14
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Le 23 novembre dernier, Israël a de nouveau frappé au-delà de ses frontières, visant cette fois-ci la banlieue sud de Beyrouth et tuant le chef militaire du Hezbollah, Haytham Ali Tabatabaï. Menée dans un secteur densément peuplé, l’attaque a fait cinq morts et 28 blessés selon le gouvernement libanais. Malgré un cessez-le-feu conclu il y a tout juste un an, le 27 novembre 2024, la frontière israélo-libanaise – longue de 79 km – demeure une ligne de tension depuis la création de l’État d’Israël en 1948. L’existence persistante du Hezbollah, milice chiite au cœur des équilibres politico-sécuritaires du Liban, fournit ainsi un motif récurrent pour les opérations extraterritoriales israéliennes. Alors que le Liban traverse une crise économique sans précédent et que son système politique, fragmenté par une mosaïque confessionnelle sociale, peine à affirmer son autorité, quelles capacités réelles le gouvernement possède-t-il pour répondre à ces violations répétées ? Quelles perspectives stratégiques se dessinent pour Israël, mais aussi pour les acteurs régionaux et internationaux – États-Unis, France, pays du Golfe – traditionnellement engagés dans la stabilisation du théâtre sécuritaire régional ? Le point avec Thomas Sarthou, analyste en stratégie internationale, diplômé d’IRIS Sup’. Quelle est l’attitude et quelles sont les capacités actuelles du gouvernement libanais contre les opérations illégales d’Israël ? Depuis la signature de cessez-le-feu entre Israël et le Liban le 27 novembre 2024, les violations israéliennes répétées suscitent une condamnation unanime de la part de la classe politique libanaise. Au sein du nouvel exécutif, au pouvoir depuis le 9 janvier dernier, les critiques les plus fermes à l’encontre de la stratégie du voisin israélien viennent directement du président de la République Joseph Aoun. Ce dernier a été le premier officiel libanais à réagir après les frappes, condamnant un pays qui « refuse d’appliquer les résolutions internationales » pour mettre un terme […]
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Le 23 novembre dernier, Israël a de nouveau frappé au-delà de ses frontières, visant cette fois-ci la banlieue sud de Beyrouth et tuant le chef militaire du Hezbollah, Haytham Ali Tabatabaï. Menée dans un secteur densément peuplé, l’attaque a fait cinq morts et 28 blessés selon le gouvernement libanais. Malgré un cessez-le-feu conclu il y a tout juste un an, le 27 novembre 2024, la frontière israélo-libanaise – longue de 79 km – demeure une ligne de tension depuis la création de l’État d’Israël en 1948. L’existence persistante du Hezbollah, milice chiite au cœur des équilibres politico-sécuritaires du Liban, fournit ainsi un motif récurrent pour les opérations extraterritoriales israéliennes. Alors que le Liban traverse une crise économique sans précédent et que son système politique, fragmenté par une mosaïque confessionnelle sociale, peine à affirmer son autorité, quelles capacités réelles le gouvernement possède-t-il pour répondre à ces violations répétées ? Quelles perspectives stratégiques se dessinent pour Israël, mais aussi pour les acteurs régionaux et internationaux – États-Unis, France, pays du Golfe – traditionnellement engagés dans la stabilisation du théâtre sécuritaire régional ? Le point avec Thomas Sarthou, analyste en stratégie internationale, diplômé d’IRIS Sup’.
Quelle est l’attitude et quelles sont les capacités actuelles du gouvernement libanais contre les opérations illégales d’Israël ?
Depuis la signature de cessez-le-feu entre Israël et le Liban le 27 novembre 2024, les violations israéliennes répétées suscitent une condamnation unanime de la part de la classe politique libanaise. Au sein du nouvel exécutif, au pouvoir depuis le 9 janvier dernier, les critiques les plus fermes à l’encontre de la stratégie du voisin israélien viennent directement du président de la République Joseph Aoun. Ce dernier a été le premier officiel libanais à réagir après les frappes, condamnant un pays qui « refuse d’appliquer les résolutions internationales » pour mettre un terme à l’escalade et appelant la communauté internationale à intervenir « avec force et sérieux ».
Au-delà de ces appels répétés à la communauté internationale, l’État libanais souffre d’une incapacité structurelle à imposer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire et à faire cesser les agressions israéliennes. Alors que l’accord de cessation des hostilités signé il y a tout juste un an prévoyait un retrait total des forces israéliennes du Sud-Liban, Tel-Aviv maintient cinq positions – qu’il qualifie lui-même de « stratégiques ». De plus, Israël multiplie les frappes sur des cibles liées au Hezbollah, de la zone frontalière du Sud en passant par la banlieue sud de Beyrouth, la Bekaa (Est du pays), jusqu’au Nord du Liban. Cette incapacité de Beyrouth à y répondre repose sur deux facteurs majeurs.
Premièrement, la faiblesse de son institution militaire. Sous-dotée en équipements et en effectifs, cette dernière souffre de l’une des « pires crises économiques de l’histoire moderne » selon la Banque mondiale. Alors que l’inflation est galopante depuis 2019, un soldat gagne en moyenne 60 dollars et doit donc souvent, pour subvenir à ses besoins, trouver un deuxième emploi. Ce déficit capacitaire chronique rend l’armée libanaise structurellement dépendante de l’aide étrangère, notamment celle des États-Unis dont les intérêts dans la région ne sont pas forcément en adéquation avec le développement d’une armée libanaise forte à la frontière israélienne.
Deuxièmement, l’État libanais ne peut actuellement se prévaloir d’un climat régional favorable pour le soutenir dans l’expression de sa souveraineté. Joseph Aoun le sait d’autant mieux qu’il a fallu le plébiscite de cinq puissances régionales et internationales pour qu’il accède à la fonction suprême, après deux années de vacance présidentielle[1]. Or, les membres du « Quintette », à savoir les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite, l’Égypte et le Qatar, ont diminué leur soutien.
Les capitales arabes demeurent dans l’expectative face un hubris israélien toujours plus affirmé dans la région. Riyad et Doha conditionnent toujours leur aide économique pour reconstruire le Liban à des avancées significatives sur le dossier du désarmement du Hezbollah et à des mesures concrètes pour mettre un terme au trafic de captagon qui transit de la Syrie au Golfe, en passant par le Liban. L’Égypte, qui bénéficie de l’atout diplomatique de discuter à la fois avec Israël, l’État libanais et le Hezbollah, tente actuellement d’amorcer une dynamique régionale – comme le montre la visite de son ministre des Affaires étrangères à Beyrouth deux jours après l’attaque. Mais son poids économique et politique demeure trop faible pour en espérer un quelconque élan significatif.
Quant à la France, qui co-préside avec les États-Unis le comité chargé de surveiller la mise en application du cessez-le-feu, elle perd de plus en plus sa crédibilité à mesure qu’Israël poursuit ses violations. C’est ce qu’a notamment indiqué Joseph Aoun à la conseillère d’Emmanuel Macron, Anne-Claire Legendre, début novembre : le « soutien moral » affiché par la France ne suffit plus. Car, si la diplomatie française se montre aux avant-postes sur tout une série de dossiers majeurs (organisation de conférences pour soutenir l’armée et pour la reconstruction, réformes en vue de mettre en place un programme avec le Fonds monétaire international (FMI), relations entre Damas et Beyrouth) les décisions fortes se prennent à Washington, non à Paris. Un exemple récent éclaire bien cette situation : la décision du prolongement du mandat de la Finul cet été. Alors que la France liait le retrait de la force onusienne au contrôle effectif de l’ensemble du territoire libanais par l’État, les États-Unis de Donald Trump ont obtenu un retrait sine qua non dès l’année prochaine.
Finalement, Washington dicte le tempo et s’impatiente sur le dossier du désarmement. L’administration Trump a fixé comme date butoir la fin d’année pour saisir l’arsenal du mouvement chiite et propose de parrainer des discussions bilatérales entre Tel-Aviv et Beyrouth. La semaine dernière les États-Unis ont annulé toute une série de rendez-vous entre officiels américains et l’actuel chef de l’armée libanaise, le général Rodolphe Haykal. Reprenant la rhétorique israélienne, ils reprochent à l’armée libanaise ne pas être assez active dans le démantèlement de la milice.
Justement, quelles sont les dernières avancées de ce processus et qu’en est-il des capacités militaires actuelles du Hezbollah ? Comment cette dynamique est-elle perçue au Liban ? Pourrait-elle aggraver sa stabilité interne ?
Il est très difficile, au vu des informations dont nous disposons, d’évaluer l’ampleur des capacités militaires du Hezbollah. Une chose est certaine, le mouvement chiite a été durement touché par la guerre de haute intensité de 66 jours que lui a livré Israël entre mai et novembre 2024. Sur le plan militaire, c’est incontestablement une défaite pour le Hezbollah, qui était jusqu’alors le seul acteur de la région à revendiquer un succès militaire face à Israël en 2006. Cette défaite a atteint son apogée avec l’attaque dite des « bipeurs » du 17 septembre 2024 et la mort de son charismatique[2] secrétaire général, Hassan Nasrallah, 10 jours plus tard. Elle s’est traduite, sur le plan politique, par une diminution de son influence et par la nomination du général Joseph Aoun à la présidence.
Ce que montre cependant la dernière attaque israélienne qui a tué Haytham Ali Tabatabaï, haut-commandant de la force d’élite du Hezbollah, c’est que la chaine de commandement de la milice n’a pas été totalement décimée. Certains observateurs notent même que la quasi-totalité des officiers et sous-officiers qui ont été assassinés durant la guerre ont été remplacés. Cependant, les allégations de médias israéliens et américains selon lesquelles la milice continue de se renforcer sont à manier avec précaution. D’un point de vue strictement matériel, la chute du régime Assad en Syrie – qui servait auparavant de hub pour acheminer les armes – et les restrictions sur le port de Beyrouth mises en place par les nouvelles autorités libanaises, rendent difficile l’approvisionnement.
En ce qui concerne les avancées liées au désarmement du groupe, les chiffres sont également sujets à caution. Selon les déclarations des autorités libanaises, plus de 90 % des infrastructures liées au Hezbollah ont été démantelées au Sud du fleuve Litani (qui traverse le Sud-Liban d’Ouest en Est). D’après ces mêmes autorités, les opérations se seraient faites en coopération avec la milice. La Finul, qui a pour mission depuis 1978 « d’aider le gouvernement libanais à assurer la restauration de son autorité effective », corrobore ces informations et, dans son dernier rapport, salue les progrès accomplis par l’armée libanaise sur le désarmement. Cependant, la question centrale n’est pas tant de savoir si le processus de désarmement progresse mais quelle doit être sa portée.
Ici, deux lectures de l’accord de cessez-le-feu de novembre 2024 s’opposent. La première, partagée par Washington, Tel-Aviv et certains acteurs de la scène politique libanaise, considère que le démantèlement doit se faire « en commençant par la zone sud du Litani » (art. 7.a) et que, par conséquent, il vise à terme l’entièreté du territoire libanais. En face, le Hezbollah et ses alliés rétorquent que la résolution onusienne 1701 sur laquelle se base l’accord n’implique que le sud du pays. Le gouvernement libanais a finalement tranché la question. Le 5 septembre dernier, il a chargé l’armée d’établir un plan en cinq étapes débutant par le sud et visant à s’étendre au reste du pays. Cette décision a provoqué le mécontentement des ministres chiites du gouvernement qui ont décidé de quitter la réunion avant la déclaration finale.
Ainsi, tant au sein de la population que de la classe politique, le principe selon lequel le monopole des armes doit revenir à l’État fait l’unanimité. Le Hezbollah et ses partisans ne rejettent pas le démantèlement en soi, mais ses modalités. Ils critiquent la façon dont est actuellement abordée la question du désarmement par le gouvernement : elle ne doit pas constituer une « réponse à des exigences étrangères ou à un chantage israélien » mais plutôt être incluse dans un « consensus sur une stratégie globale de sécurité, de défense et de protection de la souveraineté nationale». De l’autre côté du spectre politique, certains partis chrétiens frontalement opposés au Hezbollah – et récemment auréolés de leur victoire aux élections municipales – plaident pour un désarmement immédiat, global et sans dialogue.
Dans ce climat de polarisation politique, les lignes de fracture confessionnelles ne tardent jamais à réapparaître. Joseph Aoun l’a bien compris et il tente d’incarner une position centrale et de compromis. Dans son adresse à la Nation la veille du 82ᵉ anniversaire de l’indépendance ce 21 novembre – prononcé exceptionnellement au Sud-Liban – il a renvoyé dos à dos les deux camps et a expliqué vouloir défendre « les intérêts de la patrie et de tout le peuple ». Mais, face à l’incapacité de l’État à protéger efficacement ses citoyens des agressions israéliennes, ce discours apparaît de plus en plus fragile.
Une escalade israélienne dans le sud du Liban est-elle possible dans un futur proche ?
Depuis le 7 octobre 2023, Tel-Aviv mène une stratégie régionale d’escalade. Celle-ci peut être observée dans la réponse asymétrique à Gaza et vis-à-vis des territoires palestiniens occupés, mais également en Syrie, en Iran et dans les récentes attaques ayant visé le Qatar. Au Liban, un seuil supplémentaire serait franchi si Israël décidait d’à nouveau bombarder massivement le pays et ses infrastructures ou de faire avancer ses troupes au sol comme cela a été le cas en 2024. L’hypothèse n’est pas exclue par les dirigeants libanais. Ce 25 novembre, le Premier ministre libanais a déclaré que son pays était en situation de « guerre d’usure unilatérale » et qu’il prenait toutes les « précautions pour faire face à toute escalade et à ses conséquences humanitaires, sociales ou autres ».
C’est d’ailleurs ce que menacent explicitement de faire les dirigeants israéliens. Ce 26 novembre, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a averti que Tsahal interviendra « avec force » au Liban si le Hezbollah n’est pas désarmé « d’ici la fin de l’année ». Il est cependant difficile d’affirmer que Tel-Aviv est prêt à s’engager dans un nouveau conflit de haute intensité au Liban, notamment au sol. Après l’annonce récente du lancement par Tsahal d’une vaste opération en Cisjordanie, l’ouverture d’un troisième front simultané peut s’avérer difficile à gérer pour une institution militaire déjà épuisée par plus de deux années de guerre.
À cet égard, il faudra surveiller attentivement l’attitude des États-Unis qui, pour l’instant, adoptent une position relativement conciliante vis-à-vis de la politique belliciste de Benyamin Netanyahou au Liban. Quels seraient les intérêts américains à laisser Israël envahir le Sud-Liban ? L’administration Trump, dans sa stratégie d’apporter une stabilité favorable aux affaires dans la région, semble désormais plutôt se tourner vers la Syrie. Joseph Aoun le sait bien et, dans son adresse à la Nation, il a averti les Libanais que « le monde était sur le point de se lasser de nous ».
Quels seraient ceux d’Israël ? Tel-Aviv défend que les cinq positions qu’il conserve dans le Sud du Liban sont « stratégiques ». Mais cela fait bien longtemps que la possession de points en hauteur n’offre plus l’avantage décisif qu’elle représentait autrefois, comme le montre l’usage massif des drones par Tsahal au Liban. L’occupation israélienne actuelle joue plutôt un rôle de levier de pression sur le gouvernement libanais. La création d’une zone tampon au sud pourrait servir de monnaie d’échange pour négocier une paix asymétrique – à l’instar de ce que tente de faire Israël en Syrie en occupant le Golan et ses alentours. En somme, une escalade ne peut être exclue : elle reste suspendue aux choix d’Israël et à l’attitude des États-Unis, dans un contexte où le Liban n’a que très peu de prise sur les
[1] Lors de la session de vote, un aréopage de délégations diplomatiques trônait symboliquement au-dessus des parlementaires libanais, leur présence servant implicitement de caution à l’élection du futur président.
[2] Au sens wébérien, c’est-à-dire détenteur d’une autorité fondée sur la personnalité et le prestige
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27.11.2025 à 14:21
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Le changement climatique cristallise la tension entre l’histoire du vivant et l’histoire du politique. En perturbant l’équilibre énergétique qui avait caractérisé l’Holocène, l’humanité a quitté la zone de stabilité qui avait permis l’essor des civilisations. Ce n’est pas la planète qui est en danger, mais la capacité des sociétés humaines à maintenir des conditions de vie stables dans un système Terre devenu instable. À mesure que s’intensifie le réchauffement, le climat cesse d’être un paramètre environnemental pour devenir une force structurante. Cette contrainte délimite les marges de manœuvre énergétiques, économiques et sécuritaires des États et recompose l’ordre international. Cette note fait partie de la série de papier « Géopolitique des limites planétaires ». Déja paru : Géopolitique des limites planétaires : l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère
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Le changement climatique cristallise la tension entre l’histoire du vivant et l’histoire du politique. En perturbant l’équilibre énergétique qui avait caractérisé l’Holocène, l’humanité a quitté la zone de stabilité qui avait permis l’essor des civilisations. Ce n’est pas la planète qui est en danger, mais la capacité des sociétés humaines à maintenir des conditions de vie stables dans un système Terre devenu instable. À mesure que s’intensifie le réchauffement, le climat cesse d’être un paramètre environnemental pour devenir une force structurante. Cette contrainte délimite les marges de manœuvre énergétiques, économiques et sécuritaires des États et recompose l’ordre international.
Cette note fait partie de la série de papier « Géopolitique des limites planétaires ». Déja paru : Géopolitique des limites planétaires : l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère
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26.11.2025 à 18:20
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Il y a quelques jours, Donald Trump présentait un nouveau « plan de paix » pour l’Ukraine, un document comprenant initialement 28 points, très semblable dans sa forme à celui obtenu pour la bande de Gaza en octobre dernier, désormais révisé à 19. Entre concessions territoriales, garanties de sécurité et rôle marginalisé de l’Europe, ce projet révèle un basculement du rapport de forces au sein du camp occidental et interroge autant la stratégie américaine que la capacité européenne à peser dans le règlement du conflit. Quel éclairage peut-on apporter sur le nouveau plan Trump, entre héritage d’Istanbul et ajustements imposés par le rapport de forces actuel ? Quelles conséquences une telle paix négociée aurait-elle pour l’Union européenne et son avenir stratégique ? Le point avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie. Entre ses potentiels succès et ses angles morts, quelle analyse peut-on livrer du plan Trump pour la paix en Ukraine ? Le plan de Donald Trump reprend les principales rubriques de l’accord avorté d’avril 2022, négocié à Istanbul par les conseillers des présidents russe et ukrainien (Vladimir Medinski et Andriy Yermak) : renonciation par Kiev au Donbass et à la Crimée, non-entrée dans l’OTAN, levée des sanctions, langue russe… On se souvient que l’accord avait achoppé sur les questions des garanties de sécurité pour l’Ukraine, les Russes voulant en faire partie, et le plafonnement des effectifs et matériels de l’armée ukrainienne, les Russes demandant une limitation à 100 000 hommes. À l’époque, l’armée ukrainienne repoussait victorieusement les forces russes et le Premier ministre britannique Boris Johnson avait incité Kiev, sans doute avec l’aval du président américain, à rejeter l’accord, surtout après le massacre de Boutcha. Le sommet entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, qui devait régler les points en suspens, ne s’est donc par […]
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Il y a quelques jours, Donald Trump présentait un nouveau « plan de paix » pour l’Ukraine, un document comprenant initialement 28 points, très semblable dans sa forme à celui obtenu pour la bande de Gaza en octobre dernier, désormais révisé à 19. Entre concessions territoriales, garanties de sécurité et rôle marginalisé de l’Europe, ce projet révèle un basculement du rapport de forces au sein du camp occidental et interroge autant la stratégie américaine que la capacité européenne à peser dans le règlement du conflit. Quel éclairage peut-on apporter sur le nouveau plan Trump, entre héritage d’Istanbul et ajustements imposés par le rapport de forces actuel ? Quelles conséquences une telle paix négociée aurait-elle pour l’Union européenne et son avenir stratégique ? Le point avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France en Russie.
Entre ses potentiels succès et ses angles morts, quelle analyse peut-on livrer du plan Trump pour la paix en Ukraine ?
Le plan de Donald Trump reprend les principales rubriques de l’accord avorté d’avril 2022, négocié à Istanbul par les conseillers des présidents russe et ukrainien (Vladimir Medinski et Andriy Yermak) : renonciation par Kiev au Donbass et à la Crimée, non-entrée dans l’OTAN, levée des sanctions, langue russe… On se souvient que l’accord avait achoppé sur les questions des garanties de sécurité pour l’Ukraine, les Russes voulant en faire partie, et le plafonnement des effectifs et matériels de l’armée ukrainienne, les Russes demandant une limitation à 100 000 hommes. À l’époque, l’armée ukrainienne repoussait victorieusement les forces russes et le Premier ministre britannique Boris Johnson avait incité Kiev, sans doute avec l’aval du président américain, à rejeter l’accord, surtout après le massacre de Boutcha. Le sommet entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, qui devait régler les points en suspens, ne s’est donc par tenu. Les Russes ont toujours dit que cet accord devait rester la base tout en tenant compte des réalités sur le terrain, désormais plus favorables à la Russie. C’est ce que le plan Trump en 28 points, concocté par les conseillers Steve Witkoff et Kirill Dimitriev à Miami pendant le mois d’octobre a tenté de faire. Mais les questions des garanties et des effectifs de l’armée ukrainienne restent entières, tandis que s’est ajoutée entre temps la question des acquis territoriaux russes avec l’idée difficilement acceptable pour Kiev de l’évacuation des territoires non encore occupés dans le Donbass et du gel de la ligne de démarcation à Zaporijjia et à Kherson.
Que traduit cette approche américaine dans un monde occidental fracturé ? Que révèle la situation actuelle du rapport de forces actuel entre Washington, Moscou, Kiev et les Européens ?
Donald Trump et son équipe (dont Keith Kellogg, plus favorable à l’Ukraine, vient d’être écarté) veulent se débarrasser au plus vite du conflit ukrainien et si possible tirer les bénéfices d’une paix éventuelle. Les Européens comptent peu dans son désir de normaliser les relations avec la Russie pour se consacrer au « business » et à la Chine. Mais l’Europe ne peut être écartée car elle devra intervenir dans les garanties de sécurité et dans le financement de la reconstruction de l’Ukraine dévastée. Le plan en 28 points mentionne le stationnement d’avions de chasse européens en Pologne, la participation financière de l’Europe à la reconstruction de l’Ukraine, l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, alors même qu’elle n’a pas été consultée pour la rédaction du plan. Mais elle a tenté de faire entendre sa voix et d’améliorer un plan qu’elle juge trop défavorable à ses intérêts et à ceux de Kiev : elle demande notamment une augmentation des effectifs ukrainiens minimaux à 800 000 hommes (au lieu de 600 000 dans le plan initial) et surtout, ce qui sera inacceptable pour Moscou, une négociation du compromis territorial après la mise en vigueur du cessez-le-feu et non avant. Kiev pour sa part est sous une triple pression, celle du scandale de corruption qui affaiblit Volodymyr Zelensky, celle de la poussée russe sur le terrain et celle des États-Unis qui menacent de couper toute leur aide.
Quelles pourraient être les potentielles conséquences d’un tel plan de paix pour l’Union européenne ?
Les Européens, à la différence des épisodes précédents, ont accepté de prendre comme base le texte (russo-)américain en y apportant des amendements. Ils se résignent à une éventuelle paix plus favorable aux intérêts russes, bien qu’ils cherchent à l’améliorer à la marge, car ils savent que Kiev ne peut plus gagner la guerre et qu’eux même ne pourront pas se substituer à l’aide américaine à long terme. De même qu’ils n’ont pas su faire appliquer les accords de Minsk (qui auraient épargné à l’Ukraine bien des pertes en homme et en territoires), ils n’ont pas su se poser en médiateurs et se sont vus court-circuiter par Donald Trump. Finalement, en cas de succès de l’initiative de Donald Trump, ils seront indirectement bénéficiaires de l’amélioration globale de la situation politique, militaire et économique sur le continent.
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26.11.2025 à 17:55
Déborah Yapi
Pascal Boniface · Faire face à un monde de crises. Avec Alain Bauer | Entretiens géopo Du plan Trump proposé pour la paix en Ukraine, au conflit au Proche-Orient, jusqu’à la révolution silencieuse provoquée par l’intelligence artificielle, une même dynamique traverse notre époque : un nouveau vent géopolitique et anthropologique souffle sur le monde, bouscule nos certitudes et redéfinit les équilibres internationaux comme nos manières d’exister. Comment faire face à un monde de crises ? Le plan de paix de Trump pour l’Ukraine va-t-il sceller l’issue du conflit sans apporter une paix durable ? L’Europe a-t-elle encore une marge de manœuvre politique dans un contexte de recomposition stratégique globale ? L’IA annonce-t-elle un basculement radical de nos sociétés, jusqu’à remettre en cause la place même du travail humain ? Alain Bauer, criminologue, enseignant au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et auteur de « Déclinocène » (Fayard, 2025), nous livre son analyse de ces dynamiques contemporaines.
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Du plan Trump proposé pour la paix en Ukraine, au conflit au Proche-Orient, jusqu’à la révolution silencieuse provoquée par l’intelligence artificielle, une même dynamique traverse notre époque : un nouveau vent géopolitique et anthropologique souffle sur le monde, bouscule nos certitudes et redéfinit les équilibres internationaux comme nos manières d’exister. Comment faire face à un monde de crises ? Le plan de paix de Trump pour l’Ukraine va-t-il sceller l’issue du conflit sans apporter une paix durable ? L’Europe a-t-elle encore une marge de manœuvre politique dans un contexte de recomposition stratégique globale ? L’IA annonce-t-elle un basculement radical de nos sociétés, jusqu’à remettre en cause la place même du travail humain ? Alain Bauer, criminologue, enseignant au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et auteur de « Déclinocène » (Fayard, 2025), nous livre son analyse de ces dynamiques contemporaines.
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26.11.2025 à 17:52
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Dans cet entretien, Ousmane Ndiaye dresse le bilan des élections qui se sont déroulées auCameroun le 12 octobre 2025 et en côte d’Ivoire le 25 octobre 2025. Peut-on encore parler de véritables élections politiques ? Quand l’issue semble connue d’avance, le vote conserve-t-il encore une utilité ? Existe-t-il aujourd’hui une alternance au Cameroun et en Côte d’Ivoire ? Ces élections relèvent-elles de cette « fiction démocratique » qu’Ousmane Ndiaye décrit et dénonce souvent ?
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Dans cet entretien, Ousmane Ndiaye dresse le bilan des élections qui se sont déroulées au
Cameroun le 12 octobre 2025 et en côte d’Ivoire le 25 octobre 2025. Peut-on encore parler de véritables élections politiques ? Quand l’issue semble connue d’avance, le vote conserve-t-il encore une utilité ? Existe-t-il aujourd’hui une alternance au Cameroun et en Côte d’Ivoire ? Ces élections relèvent-elles de cette « fiction démocratique » qu’Ousmane Ndiaye décrit et dénonce souvent ?
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25.11.2025 à 18:30
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Le président de la République de Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, et le Premier ministre britannique, M. Keir Starmer, ont signé, le 27 octobre 2025 à Ankara, un accord pour la vente de 20 chasseurs-bombardiers Eurofighter Typhoon. Les premières livraisons sont prévues en 2030. Le montant du contrat diffère selon M. Starmer ou le porte-parole du ministère turc de la Défense nationale. Pour le premier, il s’élève à 10,7 milliards de dollars en incluant les retombées économiques dans l’écosystème britannique, et de futures options dont les détails ne sont pas connus. Le second s’aligne sur une déclaration de BAE Systems, maître d’œuvre du projet, qui fait état de 5,4 milliards de livres sterling (environ 7 milliards de dollars) couvrant la construction en série de 20 avions neufs de dernière génération (Tranche 4[1]), ainsi que la vente de nacelles, de missiles air-air dont le Meteor, et de missiles air-sol Brimstone. En parallèle, la Turquie est en cours de discussions avec le Qatar et Oman pour l’achat de 24 Eurofighter d’occasion, 12 à chaque pays, ce qui porterait le nombre de ces appareils dans l’armée de l’Air turque à 44. Une option d’achat de 20 appareils neufs supplémentaires a été évoquée, mais sans qu’il soit précisé si ces avions s’ajouteront, ou se substitueront, aux 24 avions d’occasion. Pourquoi l’achat d’avions Eurofighter ? L’armée de l’air turque met en œuvre environ 250 chasseurs-bombardiers : un peu moins de 20 F-4E Phantom Terminator 2020 et 234 F-16C/D Fighting Falcon. Les F-4E sont très vieillissants (le premier vol de l’appareil a eu lieu le 27 mai 1958), même s’ils ont été modernisés par les programmes Simşek et Işik. Quant aux F-16, ils ne sont plus de la dernière génération. Ainsi, le besoin de renouvellement de cette flotte était impérieux pour freiner le déclassement de l’armée de l’Air […]
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Le président de la République de Turquie, M. Recep Tayyip Erdoğan, et le Premier ministre britannique, M. Keir Starmer, ont signé, le 27 octobre 2025 à Ankara, un accord pour la vente de 20 chasseurs-bombardiers Eurofighter Typhoon. Les premières livraisons sont prévues en 2030.
Le montant du contrat diffère selon M. Starmer ou le porte-parole du ministère turc de la Défense nationale. Pour le premier, il s’élève à 10,7 milliards de dollars en incluant les retombées économiques dans l’écosystème britannique, et de futures options dont les détails ne sont pas connus. Le second s’aligne sur une déclaration de BAE Systems, maître d’œuvre du projet, qui fait état de 5,4 milliards de livres sterling (environ 7 milliards de dollars) couvrant la construction en série de 20 avions neufs de dernière génération (Tranche 4[1]), ainsi que la vente de nacelles, de missiles air-air dont le Meteor, et de missiles air-sol Brimstone.
En parallèle, la Turquie est en cours de discussions avec le Qatar et Oman pour l’achat de 24 Eurofighter d’occasion, 12 à chaque pays, ce qui porterait le nombre de ces appareils dans l’armée de l’Air turque à 44. Une option d’achat de 20 appareils neufs supplémentaires a été évoquée, mais sans qu’il soit précisé si ces avions s’ajouteront, ou se substitueront, aux 24 avions d’occasion.
L’armée de l’air turque met en œuvre environ 250 chasseurs-bombardiers : un peu moins de 20 F-4E Phantom Terminator 2020 et 234 F-16C/D Fighting Falcon. Les F-4E sont très vieillissants (le premier vol de l’appareil a eu lieu le 27 mai 1958), même s’ils ont été modernisés par les programmes Simşek et Işik. Quant aux F-16, ils ne sont plus de la dernière génération. Ainsi, le besoin de renouvellement de cette flotte était impérieux pour freiner le déclassement de l’armée de l’Air turque, non seulement au sein de l’OTAN, mais surtout face à la Grèce aujourd’hui dotée du Rafale français et, dans quelques années, du F-35/JSF américain.
Les Turcs pouvaient-ils se tourner vers les États-Unis ? Ayant rejoint le programme américain F-35 en 1999 en tant que partenaire de niveau 3[2], avec l’intention d’acquérir un minimum de 100 appareils, la Turquie a été débarquée du partenariat industriel, le 17 juillet 2019, en raison de l’achat des systèmes russes de défense sol-air et antimissile S-400. Ankara avait alors décidé d’accélérer son programme d’avion de chasse national, le TF-X/Kaan, qu’elle avait lancé trois années avant, le 5 août 2016. Seulement, les déclarations les plus optimistes des industriels turcs prévoient, dans l’état actuel de la phase de développement, une livraison des premiers appareils en 2028, les échéances étant sans cesse repoussées. En outre, les premiers Kaan qui entreront en service seront dotés d’une capacité de combat minimale (une sorte de « Block 10 ») et, ce qui est un grand frein à l’autonomie stratégique recherchée par Ankara, d’un moteur qui ne sera pas encore national. Face aux délais incompressibles de montée en puissance technologique, Ankara fait pression d’une manière régulière sur Washington pour réintégrer le programme F-35, mais sans succès à ce stade, malgré un optimisme affiché des autorités politiques turques. En effet, force est de constater que, malgré les bonnes relations supposées entre les présidents Trump et Erdoğan, la relation entre la Turquie et les États-Unis n’est pas encore stabilisée : le Catsaa[3] est toujours appliqué et a pour effet de bloquer l’exportation des hélicoptères d’attaque turcs T-129 au Pakistan. Par ailleurs, les négociations en vue de l’achat de 40 F-16 Block 70 VIPER[4] par Ankara ne débouchent pas.
Alors, quels autres choix s’offraient à Ankara ? L’acquisition du Rafale n’était pas envisageable compte tenu de l’état des relations franco-turques : la confiance réciproque n’est toujours pas acquise (trop de divergences sur des sujets comme le Haut-Karabagh, la Libye et la Syrie), et Paris souhaite maintenir de bonnes relations avec Athènes dans un contexte de livraison de frégates multimissions et, en cours de discussions, de frégates de défense et d’intervention. Le Gripen suédois est un appareil de bon niveau, vendu à plusieurs pays dans le monde, mais il n’est pas un avion de 5e génération que recherche la Turquie. La Chine et la Russie restaient donc les seuls autres pays au monde en mesure proposer un avion de chasse opérationnel de 5e génération, mais il est probable que l’éviction de la Turquie du programme F-35, à la suite de l’acquisition des systèmes S-400, a dissuadé Ankara d’envisager une option d’achat ni européenne ni otanienne. L’unique solution restante restait l’Eurofighter.
L’intérêt de la Turquie pour cet avion n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1990, au moment où il était en cours de développement et n’avait pas encore effectué son premier vol. à ce moment, les pourparlers entre Ankara et le consortium Eurofighter (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni, Italie) étaient réguliers, mais ils ne se concrétisaient pas pour des raisons de spécificités du contrat et, surtout, de coûts d’acquisition et de maintenance. Mais le retour d’Ankara vers le consortium européen pour des discussions en vue de l’achat de cet avion n’a pas été simple : il a fallu lutter pour lever l’obstacle allemand, principalement lié aux désaccords concernant le respect de l’État de droit en Turquie. C’est chose faite depuis le 23 juillet 2025.
D’un point de vue industriel et financier, la vente d’appareils neufs à la Turquie est une aubaine pour la chaîne de production de Warton, au Royaume-Uni, aujourd’hui quasiment à l’arrêt. Plus généralement, elle est une aide au programme Eurofighter confronté à une baisse des commandes, à des coûts de maintenance et de mise à niveau élevés, et à la concurrence de plus en plus forte du Rafale. Elle permet également une rentrée financière permettant de mieux absorber les incertitudes sur le futur liées aux programmes SCAF (système de combat aérien du futur), dont font partie l’Allemagne et l’Espagne, et Tempest, un programme d’avion de combat de 6e génération lancé par le Royaume-Uni avec une implication de l’Italie.
Politiquement, il s’agit de la vente de chasseurs-bombardiers de 5e génération à la Turquie, pays non-membre de l’Union européenne, dans un contexte où le renforcement des capacités militaires des pays européens est jugé urgent et vital. Elle interroge donc sur la volonté et la capacité des pays de l’Union européenne à s’équiper avec du matériel européen et, sur ce plan, invite à réfléchir sur une participation de la Turquie au mécanisme SAFE (Security Action for Europe).
Quoi qu’il en soit, la vente des 20 Eurofighter du Royaume-Uni à la Turquie s’inscrit dans le cadre d’un processus « gagnant-gagnant ». Pour la Turquie, elle est une étape supplémentaire vers la voie de l’autonomie industrielle de défense car il est fort probable que le contrat soit assorti de transferts de technologies, surtout si, comme le sous-entendent certaines déclarations politiques, une fabrication commune des avions et une intégration de munitions nationales turques sont envisagées. Pour le Royaume-Uni, le Premier ministre travailliste ne peut que se féliciter des retombées économiques avec la création sur 20 000 emplois, selon ses déclarations. Dans tous les cas, les deux parties citent en exemple la relation stratégique turco-britannique, en mettant en avant qu’elle contribue efficacement aux renforcements des capacités de l’OTAN.
[1] Les « tranches » sont les phases d’évolution de l’appareil. Tranche 1 : développement initial avec capacités limitées au combat air-air ; Tranche 2 : aptitude aux missions multirôles avec ajout de capacités air-sol ; Tranche 3 : modernisation avec intégration de capacités avancées ; Tranche 4 : évolution de l’avion vers les exigences du combat futur (intégration avec des drones, missions en environnement complexe…). La Tranche 4 est actuellement en cours.
[2] Partenaire de niveau 1 : le Royaume-Uni seulement (influence industrielle majeure) ; partenaires de niveau 2 : l’Italie et les Pays-Bas (contribution au développement, mais d’une manière moins importante que le Royaume-Uni), partenaires de niveau 3 : l’Australie, le Danemark, la Norvège, le Canada et la Turquie (contributeurs plus modestes).
[3] Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act.
[4] Dernière version du F-16 (Block 70/72), qui permettrait à l’armée de l’Air turque d’accroître sa capacité opérationnelle en attendant la mise en service du Kaan.
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25.11.2025 à 14:47
admn_iris
India stands at a maritime strategic inflection point with an ambitious naval modernisation plan and a growing need for a large merchant fleet. Its aspiration to become a leading global maritime power depends not only on securing its own naval capabilities but also on emerging as a credible global supplier of ships, both naval and civil. Shipbuilding in India has deep roots, from the Vedic period (2000-500 BCE) through British rule. But the industry declined for various reasons, and resurrecting it has been arduous, particularly in terms of finance and technology – areas where China, South Korea and Japan have surged ahead. Today, the shipbuilding industry stands at a tipping point. Both the central government and coastal state governments (like Maharashtra and Tamil Nadu), working with Cochin Shipyard and Mazagon Dock Shipbuilders Ltd, are driving investment, while including foreign shipbuilders like HD Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (HD KSOE) to accelerate capability. This momentum can enable India to compete globally with affordable, high-quality warships that meet the needs of developing nations. This article was published in Vol 1, Issue 6 of India’s World magazine (November-December 2025) and is reproduced here with the kind permission of the editorial board.
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India stands at a maritime strategic inflection point with an ambitious naval modernisation plan and a growing need for a large merchant fleet. Its aspiration to become a leading global maritime power depends not only on securing its own naval capabilities but also on emerging as a credible global supplier of ships, both naval and civil. Shipbuilding in India has deep roots, from the Vedic period (2000-500 BCE) through British rule. But the industry declined for various reasons, and resurrecting it has been arduous, particularly in terms of finance and technology – areas where China, South Korea and Japan have surged ahead. Today, the shipbuilding industry stands at a tipping point. Both the central government and coastal state governments (like Maharashtra and Tamil Nadu), working with Cochin Shipyard and Mazagon Dock Shipbuilders Ltd, are driving investment, while including foreign shipbuilders like HD Korea Shipbuilding & Offshore Engineering (HD KSOE) to accelerate capability. This momentum can enable India to compete globally with affordable, high-quality warships that meet the needs of developing nations.
This article was published in Vol 1, Issue 6 of India’s World magazine (November-December 2025) and is reproduced here with the kind permission of the editorial board.
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25.11.2025 à 12:37
Déborah Yapi
Chaque mardi, Pascal Boniface reçoit un membre de l’équipe de recherche de l’IRIS pour décrypter un fait d’actualité internationale. Aujourd’hui, échange avec Mathilde Jourde, chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Climat, environnement, sécurité et co-directrice de l’Observatoire Défense et Climat autour des conclusions de la COP30 qui s’est tenue à Belém au Brésil du 10 au 21 novembre 2025.
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Chaque mardi, Pascal Boniface reçoit un membre de l’équipe de recherche de l’IRIS pour décrypter un fait d’actualité internationale. Aujourd’hui, échange avec Mathilde Jourde, chercheuse à l’IRIS, responsable du Programme Climat, environnement, sécurité et co-directrice de l’Observatoire Défense et Climat autour des conclusions de la COP30 qui s’est tenue à Belém au Brésil du 10 au 21 novembre 2025.
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24.11.2025 à 17:40
admn_iris
Cette note examine les effets épistémiques de l’intelligence artificielle sur la production et la transmission du savoir religieux. En analysant la manière dont les modèles de langage recomposent l’interprétation scripturaire, il montre comment le sacré se « calcule », comment l’autorité doctrinale se déplace vers des architectures de données, et comment se constitue un nouveau régime de vérité religieuse fondé sur la corrélation plutôt que sur la révélation. Cette note est la première d’une série de l’Observatoire géopolitique du fait religieux intitulée : « Intelligence artificielle et recomposition du croire : Le Sacré Codé »
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Cette note examine les effets épistémiques de l’intelligence artificielle sur la production et la transmission du savoir religieux. En analysant la manière dont les modèles de langage recomposent l’interprétation scripturaire, il montre comment le sacré se « calcule », comment l’autorité doctrinale se déplace vers des architectures de données, et comment se constitue un nouveau régime de vérité religieuse fondé sur la corrélation plutôt que sur la révélation.
Cette note est la première d’une série de l’Observatoire géopolitique du fait religieux intitulée : « Intelligence artificielle et recomposition du croire : Le Sacré Codé »
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24.11.2025 à 12:01
Déborah Yapi
Depuis 2015, annoncer la « chute imminente » de Donald Trump est devenu un sport national dans certains cercles intellectuels français. Un exercice de prophétie aussi prévisible qu’invariablement erroné. Ceux qui vous affirment aujourd’hui, avec la même assurance, que le Parti républicain est en train de se fissurer irrévocablement et que l’affaire Epstein pourrait terrasser Trump, sont les mêmes qui, en 2016, juraient qu’il ne serait jamais élu, puis en 2021, après le 6 janvier, qu’il finirait en prison sous six mois et n’aurait aucune chance de revenir au pouvoir. Arrêtons-nous un instant sur les faits. Donald Trump n’a jamais été aussi puissant. À de rares exceptions près, le Parti républicain le suit aujourd’hui avec une discipline quasi-militaire. L’affaire Epstein, malgré le bruit médiatique, n’est qu’un incident de parcours. À moins de révélations véritablement dévastatrices — Trump avec une prostituée mineure, par exemple — susceptibles d’entraîner une procédure d’impeachment, il y a fort à parier qu’elle glissera sur lui comme tant d’autres avant elle. Quant à Marjorie Taylor Greene, sa rébellion passagère relève du folklore : tout leader autoritaire connaît ce genre d’épisodes. Ceux qui espèrent encore voir en elle l’embryon d’une fronde d’envergure au sein du Parti républicain feraient bien de changer de lunettes — ou de s’en acheter. Le tort de Trump fut d’avoir promis durant sa campagne de rendre publics tous les dossiers Epstein, puis de s’y refuser une fois au pouvoir. Cette volte-face a naturellement alimenté tous les soupçons. Mais le vote bipartisan du Congrès – 427 élus à la Chambre et l’unanimité au Sénat – ne traduit pas un rejet de Trump par les républicains. Il révèle plutôt leur volonté de tenir une promesse de campagne face à des électeurs qui, depuis le printemps dernier, commençaient à se détourner du président en raison précisément de cette promesse […]
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Depuis 2015, annoncer la « chute imminente » de Donald Trump est devenu un sport national dans certains cercles intellectuels français. Un exercice de prophétie aussi prévisible qu’invariablement erroné. Ceux qui vous affirment aujourd’hui, avec la même assurance, que le Parti républicain est en train de se fissurer irrévocablement et que l’affaire Epstein pourrait terrasser Trump, sont les mêmes qui, en 2016, juraient qu’il ne serait jamais élu, puis en 2021, après le 6 janvier, qu’il finirait en prison sous six mois et n’aurait aucune chance de revenir au pouvoir.
Arrêtons-nous un instant sur les faits. Donald Trump n’a jamais été aussi puissant. À de rares exceptions près, le Parti républicain le suit aujourd’hui avec une discipline quasi-militaire. L’affaire Epstein, malgré le bruit médiatique, n’est qu’un incident de parcours. À moins de révélations véritablement dévastatrices — Trump avec une prostituée mineure, par exemple — susceptibles d’entraîner une procédure d’impeachment, il y a fort à parier qu’elle glissera sur lui comme tant d’autres avant elle. Quant à Marjorie Taylor Greene, sa rébellion passagère relève du folklore : tout leader autoritaire connaît ce genre d’épisodes. Ceux qui espèrent encore voir en elle l’embryon d’une fronde d’envergure au sein du Parti républicain feraient bien de changer de lunettes — ou de s’en acheter.
Le tort de Trump fut d’avoir promis durant sa campagne de rendre publics tous les dossiers Epstein, puis de s’y refuser une fois au pouvoir. Cette volte-face a naturellement alimenté tous les soupçons. Mais le vote bipartisan du Congrès – 427 élus à la Chambre et l’unanimité au Sénat – ne traduit pas un rejet de Trump par les républicains. Il révèle plutôt leur volonté de tenir une promesse de campagne face à des électeurs qui, depuis le printemps dernier, commençaient à se détourner du président en raison précisément de cette promesse non tenue. N’oublions pas que nombre de ces élus se présentent aux élections de midterm : ils ne voulaient pas que ce dossier se retourne contre eux.
Donald Trump a fini par retourner sa veste, il n’avait guère le choix. Reste à savoir si tout sera véritablement révélé. Il y a fort à parier que certains documents qu’il aurait préféré ne pas voir mis au jour le seront effectivement. Mais selon la plupart des observateurs américains bien informés, rien ne devrait le mettre véritablement en péril – des éléments gênants, certes, mais probablement moins graves que ce qui attend certaines figures démocrates. Trump sortira vraisemblablement renforcé de cette situation, les quelques tensions internes au Parti républicain s’effaceront rapidement.
Cessons de nous fixer sur l’instant. Regardons la big picture.
Je ne reviendrai pas ici sur les succès qu’a pu remporter le 47e président américain, du moins aux yeux de ses partisans, tant sur le plan intérieur qu’extérieur – j’ai suffisamment écrit sur le sujet. Bien évidemment, à moyen terme, sa politique conduira l’Amérique dans le mur et lui fera perdre une grande partie de son influence sur la scène internationale. Mais à l’heure actuelle, le régime autoritaire que lui et J. D. Vance mettent en place avec l’aide de personnes telles que Susie Wiles, la secrétaire générale de la Maison-Blanche, est bien parti pour s’ancrer.
En témoignent deux récents faits d’armes, emblématiques de la mainmise stratégique du milliardaire new-yorkais sur le jeu politique et médiatique. D’abord, le bras de fer du shutdown : les démocrates ont cédé sans la moindre compensation — c’est d’ailleurs plutôt au sein du parti de l’âne que l’on pourrait parler de véritables fractures. Ensuite, ce coup de maître en communication : recevoir avec chaleur Zohran Mamdani, le maire élu de New York, resté là comme un petit garçon, figé et tout sourire, comme complice, pendant que le maître des lieux annonçait non pas un plan de paix, mais un plan de capitulation pour l’Ukraine.
Il est fort à parier que Zelensky n’aura pas d’autre choix que d’approuver, plus ou moins, ce plan. Et si Trump obtient un cessez-le-feu, ou ce qui pourra être présenté comme tel, avant Noël — comme je le « prédis » depuis des mois —, il triomphera non seulement sur la scène nationale américaine, mais aussi sur la scène internationale auprès de nombreux acteurs.
Alors arrêtons de voir dans chaque turbulence au sein du Parti républicain ou chaque enquête d’opinion plus ou moins défavorable la fin annoncée de Trump. Ce régime est là pour rester. Et le plus dangereux, le plus inquiétant, c’est tout ce qu’il est prêt à entreprendre pour conserver le pouvoir. Les observateurs européens qui continuent à annoncer son implosion feraient mieux d’analyser comment résister à son influence croissante auprès des droites occidentales et à la normalisation d’un modèle politique qui fait fi des garde-fous démocratiques. Car c’est bien là le véritable enjeu : non pas la chute fantasmée de Trump, mais la consolidation d’un pouvoir qui transforme en profondeur les institutions américaines.
Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.
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