01.07.2025 à 10:46
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Depuis le printemps 2024, le dollar américain connaît une baisse significative sur les marchés des changes, perdant progressivement de sa valeur face aux principales devises mondiales. Cette dépréciation du billet vert soulève de nombreuses questions : quelles en sont les causes ? Qui en tire avantage ou en subit les conséquences ? Quelles sont les répercussions à l’échelle mondiale ? Ce phénomène, à la fois conjoncturel et stratégique, soulève également la question de la pérennité de la suprématie du dollar dans l’ordre monétaire international. Le point avec Émilie Laffiteau, macroéconomiste, chercheuse associée à l’IRIS. Pourquoi le dollar chute-t-il ? La baisse du dollar depuis avril 2024 résulte de la conjonction de deux facteurs. D’une part, un assouplissement de la politique monétaire menée par la Réserve fédérale des États-Unis (FED). À l’instar des autres banques centrales à travers le monde, la FED avait adopté une politique monétaire restrictive entre 2022 et 2024, dans le but de contenir l’inflation provoquée par les effets post-Covid-19 et le déclenchement de la guerre en Ukraine. Avec le retour de l’inflation sous contrôle à la mi-2024, la FED a amorcé une baisse de ses taux directeurs. D’autre part, les déclarations et les prises de position de Donald Trump et de son administration, tant sur le plan commercial que géopolitique, ont accentué l’incertitude. Cette instabilité a nourri la défiance des marchés financiers envers les actifs américains, entraînant une baisse de leur demande. Cette situation n’est en rien contradictoire avec la vision économique de la nouvelle administration. Selon la doctrine de Mar-a-Lago et les prises de position répétées de l’actuel conseiller économique Stephen Miran, un dollar plus faible est nécessaire pour réduire le déficit commercial, enjeu central du programme de Donald Trump. Conformément au slogan souverainiste bien connu « America First », il vise à diminuer les importations, relocaliser […]
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Depuis le printemps 2024, le dollar américain connaît une baisse significative sur les marchés des changes, perdant progressivement de sa valeur face aux principales devises mondiales. Cette dépréciation du billet vert soulève de nombreuses questions : quelles en sont les causes ? Qui en tire avantage ou en subit les conséquences ? Quelles sont les répercussions à l’échelle mondiale ? Ce phénomène, à la fois conjoncturel et stratégique, soulève également la question de la pérennité de la suprématie du dollar dans l’ordre monétaire international. Le point avec Émilie Laffiteau, macroéconomiste, chercheuse associée à l’IRIS.
Pourquoi le dollar chute-t-il ?
La baisse du dollar depuis avril 2024 résulte de la conjonction de deux facteurs. D’une part, un assouplissement de la politique monétaire menée par la Réserve fédérale des États-Unis (FED). À l’instar des autres banques centrales à travers le monde, la FED avait adopté une politique monétaire restrictive entre 2022 et 2024, dans le but de contenir l’inflation provoquée par les effets post-Covid-19 et le déclenchement de la guerre en Ukraine. Avec le retour de l’inflation sous contrôle à la mi-2024, la FED a amorcé une baisse de ses taux directeurs. D’autre part, les déclarations et les prises de position de Donald Trump et de son administration, tant sur le plan commercial que géopolitique, ont accentué l’incertitude. Cette instabilité a nourri la défiance des marchés financiers envers les actifs américains, entraînant une baisse de leur demande.
Cette situation n’est en rien contradictoire avec la vision économique de la nouvelle administration. Selon la doctrine de Mar-a-Lago et les prises de position répétées de l’actuel conseiller économique Stephen Miran, un dollar plus faible est nécessaire pour réduire le déficit commercial, enjeu central du programme de Donald Trump. Conformément au slogan souverainiste bien connu « America First », il vise à diminuer les importations, relocaliser la production et les chaînes de valeur aux États-Unis, tout en favorisant une expansion des exportations américaines à l’échelle mondiale.
Cette approche marque un tournant par rapport aux précédentes administrations, qui ne s’étaient jamais véritablement préoccupées du déficit commercial, celui-ci étant traditionnellement compensé par un excédent de la balance des capitaux. Autrement dit, les sorties nettes en dollars sur le plan commercial (biens et services) étaient équilibrées par des entrées nettes en capitaux (bons du Trésor, actions d’entreprises, etc.). Mais Donald Trump, lui, ambitionne un double excédent : commercial et financier. Cela suppose une dépréciation du dollar afin de rendre l’économie américaine plus compétitive à l’international, sans toutefois remettre en cause la suprématie du billet vert comme monnaie de réserve mondiale.
La chute du dollar remet-elle en cause sa suprématie au niveau international ?
On assiste, ces dernières années, à une montée des velléités de « dédollarisation », notamment de la part des pays membres des BRICS. Plusieurs accords bilatéraux ont été conclus, en particulier par la Chine avec des partenaires comme le Brésil, la Russie ou l’Arabie saoudite, en vue de régler une partie de leurs échanges commerciaux dans leurs monnaies nationales. Cette démarche vise explicitement à contourner le dollar américain, ce qui n’a pas manqué de susciter des réactions hostiles de la part de l’administration américaine. Parallèlement, certaines banques centrales, notamment en Chine et en Russie, ont entrepris de réduire la part du dollar dans leurs réserves de change, lui préférant d’autres devises ou des actifs tels que l’or. Ces dynamiques, combinées à une baisse récente de la demande pour les actifs étasuniens, ont contribué à une érosion progressive du rôle du dollar, tant comme intermédiaire des échanges internationaux que comme réserve de valeur mondiale.
Cependant, les questions monétaires sont soumises à une inertie de long terme. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la mise en place du système monétaire international basé sur le dollar, celui-ci reste la principale devise de référence au niveau mondial. À titre d’exemple, lorsque Air France achète des avions à Airbus — pourtant un constructeur européen — les contrats sont toujours établis en dollars. Par ailleurs, les bons du Trésor américain restent considérés comme les actifs les plus sûrs et les plus liquides au monde. À ce jour, le dollar représente encore environ 60 % des réserves de change mondiales, tandis que l’euro représente environ 20 %, le yen 5 %, la livre sterling 4 %, et le yuan, malgré la puissance économique de la Chine, seulement 2 à 3 %.
Aucune alternative crédible ne semble aujourd’hui en mesure de détrôner le dollar comme ancre monétaire internationale. L’euro n’a pas profité de son récent recul : la baisse de la demande pour les actifs américains s’est plutôt reportée sur l’or et sur des actifs émergents, notamment asiatiques. De plus, pour que l’euro puisse sérieusement rivaliser avec le dollar, il faudrait que l’Union européenne soit capable d’émettre des titres de dette souveraine mutualisés (bons du Trésor européens), à grande échelle et de façon pérenne. Or, cela impliquerait la création d’un budget européen, perspective à laquelle les États membres restent pour l’instant très largement réticents.
À qui cette tendance monétaire bénéficie-t-elle ? Qui en pâtit ? Plus généralement, est-ce que cette baisse du dollar est inquiétante à l’échelle mondiale ?
La faiblesse actuelle de la valeur du dollar profite principalement aux exportateurs étasuniens, dont la compétitivité-prix s’est mécaniquement améliorée sur les marchés internationaux. Par ailleurs, le service de la dette des pays émergents et en développement, contractée en dollars, s’est allégé une fois converti en monnaie nationale, offrant ainsi des marges de manœuvre bienvenues pour leurs finances publiques. En outre, on observe récemment un report de la demande en actifs libellés en dollars vers des valeurs refuges telles que l’or, ou vers des obligations émises par des pays émergents, jugées plus attractives dans le contexte actuel.
À l’inverse, les importateurs américains sont confrontés à une hausse significative du coût de leurs intrants. Les capacités de substitution et de reconfiguration des chaînes de valeur n’étant pas immédiates, du moins à court terme, ce sont les consommateurs qui risquent d’en faire les frais, à moins qu’une politique de compensation ne soit mise en place. De même, les investisseurs étrangers percevant des dividendes en dollars voient la valeur de leurs revenus diminuer une fois ceux-ci convertis dans leur propre monnaie.
Mais la principale inquiétude liée à cette baisse du dollar réside dans le risque d’alimenter une « guerre des monnaies ». Les turbulences actuelles autour de la devise américaine contribuent à une double fragmentation du système monétaire mondial. D’une part, elles accentuent la logique de formation de « blocs », à l’image des tensions commerciales et géopolitiques, faisant ainsi peser un risque accru de crise financière mondiale. D’autre part, elles renforcent la confrontation entre les monnaies souveraines (émises par des banques centrales) et les monnaies privées, telles que le bitcoin. Or, face à cette seconde forme de fragmentation, le système monétaire international apparaît encore insuffisamment outillé pour garantir une stabilité durable.
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30.06.2025 à 18:38
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« Berceau de la vie il y a 3,8 milliards d’années, l’océan a permis à l’atmosphère de devenir respirable, à la vie de coloniser la forasphère, et continue aujourd’hui à maintenir la planète habitable. Il absorbe plus de 90 % de la chaleur excédentaire générée par nos activités, produit la moitié de l’oxygène que nous respirons, nourrit 40 % de la population mondiale, et génère environ 5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial à travers l’économie bleue (pêche, aquaculture, biotechnologie, transport maritime…) selon l’Organisation des Nations unies (ONU). Mais l’océan joue aussi un rôle sanitaire souvent ignoré. Il abrite des molécules thérapeutiques d’avenir – anticancéreuses issues de tuniciers, antivirales extraites d’éponges caribéennes, antalgiques puissantes issues de venins marins – et un réservoir microbiologique largement inexploré. Pourtant, cet océan vital est menacé, surexploité, pollué, et vidé de sa biodiversité… »
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« Berceau de la vie il y a 3,8 milliards d’années, l’océan a permis à l’atmosphère de devenir respirable, à la vie de coloniser la forasphère, et continue aujourd’hui à maintenir la planète habitable. Il absorbe plus de 90 % de la chaleur excédentaire générée par nos activités, produit la moitié de l’oxygène que nous respirons, nourrit 40 % de la population mondiale, et génère environ 5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial à travers l’économie bleue (pêche, aquaculture, biotechnologie, transport maritime…) selon l’Organisation des Nations unies (ONU).
Mais l’océan joue aussi un rôle sanitaire souvent ignoré. Il abrite des molécules thérapeutiques d’avenir – anticancéreuses issues de tuniciers, antivirales extraites d’éponges caribéennes, antalgiques puissantes issues de venins marins – et un réservoir microbiologique largement inexploré. Pourtant, cet océan vital est menacé, surexploité, pollué, et vidé de sa biodiversité… »
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30.06.2025 à 15:14
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Le 27 juin 2025, un accord de paix a été signé à Washington entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC), sous la pression du président américain. Cet accord met fin à un conflit vieux de plus de vingt ans, qui a causé la mort de plus de six millions de personnes. Pour la première fois, deux présidents ennemis, Paul Kagame pour le Rwanda et Félix Tshisekedi pour la RDC, se sont assis à la même table. Mais cette paix sera-t-elle durable ? Rien n’est moins sûr, tant les précédentes tentatives ont échoué À l’origine, Kigali justifiait ses violations de l’intégrité territoriale de la RDC par la traque des génocidaires hutus réfugiés dans le Nord-Kivu, à l’est du pays. Ce prétexte a servi à légitimer le soutien du Rwanda à des milices locales, en particulier le M23, dans le but de piller les ressources naturelles congolaises. La RDC illustre la malédiction des ressources naturelles. Bien que dotée d’une richesse minérale exceptionnelle, elle est souvent qualifiée de scandale géologique, sa population demeure parmi les plus pauvres du monde. L’État congolais est affaibli : armée désorganisée, institutions fragiles, corruption endémique… Le pays reste donc largement exposé aux prédations extérieures. Si l’implication du président Trump a permis la signature d’un accord, elle n’est pas dénuée d’arrière-pensées : un partenariat économique a été simultanément signé entre Washington et Kinshasa, facilitant l’accès des États-Unis aux ressources du pays. Une paix, donc, qui pourrait bien servir davantage les intérêts des multinationales américaines que ceux du peuple congolais. Reste à savoir si Kinshasa saura défendre ses intérêts, reconstruire un État fort et transformer cette paix fragile en véritable opportunité pour sa population. On ne peut que se réjouir de la signature de cet accord, mais la vigilance reste de mise. https://youtu.be/2GXtUnsgPEo
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Le 27 juin 2025, un accord de paix a été signé à Washington entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC), sous la pression du président américain. Cet accord met fin à un conflit vieux de plus de vingt ans, qui a causé la mort de plus de six millions de personnes. Pour la première fois, deux présidents ennemis, Paul Kagame pour le Rwanda et Félix Tshisekedi pour la RDC, se sont assis à la même table. Mais cette paix sera-t-elle durable ? Rien n’est moins sûr, tant les précédentes tentatives ont échoué
À l’origine, Kigali justifiait ses violations de l’intégrité territoriale de la RDC par la traque des génocidaires hutus réfugiés dans le Nord-Kivu, à l’est du pays. Ce prétexte a servi à légitimer le soutien du Rwanda à des milices locales, en particulier le M23, dans le but de piller les ressources naturelles congolaises.
La RDC illustre la malédiction des ressources naturelles. Bien que dotée d’une richesse minérale exceptionnelle, elle est souvent qualifiée de scandale géologique, sa population demeure parmi les plus pauvres du monde. L’État congolais est affaibli : armée désorganisée, institutions fragiles, corruption endémique… Le pays reste donc largement exposé aux prédations extérieures.
Si l’implication du président Trump a permis la signature d’un accord, elle n’est pas dénuée d’arrière-pensées : un partenariat économique a été simultanément signé entre Washington et Kinshasa, facilitant l’accès des États-Unis aux ressources du pays. Une paix, donc, qui pourrait bien servir davantage les intérêts des multinationales américaines que ceux du peuple congolais. Reste à savoir si Kinshasa saura défendre ses intérêts, reconstruire un État fort et transformer cette paix fragile en véritable opportunité pour sa population. On ne peut que se réjouir de la signature de cet accord, mais la vigilance reste de mise.
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30.06.2025 à 14:52
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Alors que l’Amérique s’apprête à célébrer le 4 juillet, une autre célébration se joue en coulisses, plus inquiétante : celle d’un pouvoir personnel de plus en plus affirmé. Car à presque mi-parcours de sa première année de retour à la Maison-Blanche, Donald Trump ne fait pas qu’avancer à grands pas : il fonce, pied au plancher. Après une « victoire » facile et surtout politique en Iran (voir ma correspondance précédente), après un sommet de l’OTAN qui s’est apparenté à une session d’hommages au nouvel empereur d’Occident, voilà que la Cour suprême, à majorité conservatrice, lui offre dans la même semaine un cadeau inespéré : une jurisprudence sur mesure pour neutraliser l’un des derniers freins à son autoritarisme et à celui de son très ambitieux dauphin JD Vance. Par six voix contre trois — les six juges ultraconservateurs contre les trois progressistes —, la plus haute juridiction des États-Unis a estimé vendredi 27 juin que les juges fédéraux n’avaient plus à bloquer à l’échelle nationale les décisions de l’exécutif qu’ils jugeraient illégales. En clair : un juge fédéral ne pourra plus suspendre une mesure présidentielle pour tous, mais seulement pour les quelques plaignants concernés par son tribunal. L’époque où une seule décision judiciaire pouvait faire reculer le président est donc terminée. L’affaire du moment, celle qui a servi de prétexte à cette décision, concerne un décret signé dès le 20 janvier, jour de l’investiture de la nouvelle administration. Un décret qui revient sur le droit du sol, consacré par le 14ᵉ amendement, vieux de plus de 150 ans, garantissant que tout enfant né sur le sol américain est citoyen états-unien. Désormais, les enfants nés de mères sans papiers ou présentes temporairement — si le père n’est ni citoyen ni résident permanent — ne pourront plus obtenir passeport ni certificat de citoyenneté. Une […]
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Alors que l’Amérique s’apprête à célébrer le 4 juillet, une autre célébration se joue en coulisses, plus inquiétante : celle d’un pouvoir personnel de plus en plus affirmé. Car à presque mi-parcours de sa première année de retour à la Maison-Blanche, Donald Trump ne fait pas qu’avancer à grands pas : il fonce, pied au plancher.
Après une « victoire » facile et surtout politique en Iran (voir ma correspondance précédente), après un sommet de l’OTAN qui s’est apparenté à une session d’hommages au nouvel empereur d’Occident, voilà que la Cour suprême, à majorité conservatrice, lui offre dans la même semaine un cadeau inespéré : une jurisprudence sur mesure pour neutraliser l’un des derniers freins à son autoritarisme et à celui de son très ambitieux dauphin JD Vance.
Par six voix contre trois — les six juges ultraconservateurs contre les trois progressistes —, la plus haute juridiction des États-Unis a estimé vendredi 27 juin que les juges fédéraux n’avaient plus à bloquer à l’échelle nationale les décisions de l’exécutif qu’ils jugeraient illégales. En clair : un juge fédéral ne pourra plus suspendre une mesure présidentielle pour tous, mais seulement pour les quelques plaignants concernés par son tribunal. L’époque où une seule décision judiciaire pouvait faire reculer le président est donc terminée.
L’affaire du moment, celle qui a servi de prétexte à cette décision, concerne un décret signé dès le 20 janvier, jour de l’investiture de la nouvelle administration. Un décret qui revient sur le droit du sol, consacré par le 14ᵉ amendement, vieux de plus de 150 ans, garantissant que tout enfant né sur le sol américain est citoyen états-unien. Désormais, les enfants nés de mères sans papiers ou présentes temporairement — si le père n’est ni citoyen ni résident permanent — ne pourront plus obtenir passeport ni certificat de citoyenneté. Une rupture majeure, un coup porté à un pilier historique du droit américain.
Mais ce n’est pas tant le contenu du décret, déjà vertement critiqué par une majorité de juristes et retoqué par plusieurs juridictions inférieures, qui importe ici. C’est l’architecture du pouvoir. Ce que la Cour suprême a validé, c’est un changement profond de la dynamique institutionnelle américaine : le président agit, les juges s’indignent — mais désormais, sans pouvoir empêcher quoi que ce soit. Le bras armé de l’exécutif passe, et les contre-pouvoirs lèvent mollement la main, pour la forme.
Évidemment, Trump a salué sur son réseau Truth Social une « gigantesque victoire ». Et il a raison. C’en est une. Une victoire sur les garde-fous, sur les mécanismes de contrôle et sur l’idée même que la loi puisse ralentir la volonté présidentielle.
J’en ai vu, j’en ai entendu, à l’automne dernier, répéter à l’envi que Donald Trump, revenu au pouvoir, serait plus modéré. Les mêmes, il y a encore quelque temps, soutenaient que jamais le 47ᵉ président américain n’oserait envoyer la Garde nationale en Californie, que jamais il ne s’en prendrait à un amendement aussi fondamental que le 14ᵉ et que la Cour suprême serait un garde-fou. On voit ce qu’il en est.
Je repense à tous ces débats, sur les plateaux ou ailleurs : « non, Trump ne s’en prendra pas aux universités. Jamais Columbia n’acceptera de mettre certains départements sous tutelle », « Trump n’osera pas fermer les médias publics, les agences de santé, le ministère de l’Éducation », « il ne pourra pas aller aussi loin », « le système l’en empêchera ». Mais le système, c’est lui désormais. Ou du moins, c’est lui — entouré de membres de la droite la plus radicale — qui en tient les manettes principales : la Maison-Blanche, le Congrès, une Cour suprême alignée, et bientôt, peut-être, encore plus d’États sous contrôle républicain.
La prochaine étape : les élections de mi-mandat. Et là encore, ainsi que je l’ai également expliqué dans une précédente correspondance, tout est prêt. Une offensive sur le droit de vote est en cours et la cartographie électorale est reconfigurée dans de nombreux États. Tout ce qui faisait de la démocratie américaine un modèle est lentement démantelé, pièce par pièce.
Trump ne se contente plus d’agir dans les marges. Il réécrit le cadre. Il impose sa lecture. Il transforme les exceptions en règles. Et chaque nouvelle victoire renforce cette dynamique. Nous ne sommes plus dans la dérive. Nous sommes dans la consolidation — et qu’on ne vienne pas encore me dire que je suis trop alarmiste.
En cette veille de 4 juillet, alors que l’Amérique s’apprête à célébrer son indépendance, sa liberté, sa Constitution, peut-être mes concitoyens américains devraient-ils s’interroger sur ce qu’il est en train d’advenir de tout cela. Une présidence forte, déterminée, capable d’imposer son rythme, désormais presque hors de portée des contre-pouvoirs — ce n’est plus une fiction. C’est notre réalité. Et elle s’enracine, jour après jour, dans un pays qui, en grande partie, préfère détourner le regard.
Romuald Sciora dirige l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS, où il est chercheur associé. Essayiste et politologue franco-américain, il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et documentaires et intervient régulièrement dans les médias internationaux afin de commenter l’actualité. Il vit à New York.
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27.06.2025 à 15:43
Coline Laroche
L’Asie centrale, territoire convoité par les grandes puissances et axe majeur de déploiement de la Belt and Road Initiative (BRI), aspire à un renouveau économique en s’appuyant sur sa situation géostratégique et ses sols riches en ressources pour émerger et connaître le réveil tant attendu par ses populations. Néanmoins, cette position de carrefour entre l’Asie méridionale et l’Europe favorise déjà l’essor de multiples flux et activités, licites ou non, qui exploitent l’étendue et la porosité de ces vastes espaces frontaliers, à l’instar de la frontière russo-kazakhe longue de 6 846 kilomètres. Si le trafic d’opiacés afghans, largement documenté, tire profit de ces dyades fragiles, d’autres trafics impliquant la vie humaine s’illustrent également dans la région. Tel est le cas de la traite des êtres humains (TEH), une forme de criminalité qui demeure peu mise en exergue, mais néanmoins bien présente. Un récent rapport estime qu’à l’échelle mondiale, 27 millions de personnes seraient assujetties à cette forme d’activité illicite, définie par la Convention de Palerme comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ». Cette définition établie par les Nations unies dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale organisée vise donc à sanctionner des pratiques impliquant à la fois les organisations criminelles et le franchissement de frontières. Si cette […]
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L’Asie centrale, territoire convoité par les grandes puissances et axe majeur de déploiement de la Belt and Road Initiative (BRI), aspire à un renouveau économique en s’appuyant sur sa situation géostratégique et ses sols riches en ressources pour émerger et connaître le réveil tant attendu par ses populations. Néanmoins, cette position de carrefour entre l’Asie méridionale et l’Europe favorise déjà l’essor de multiples flux et activités, licites ou non, qui exploitent l’étendue et la porosité de ces vastes espaces frontaliers, à l’instar de la frontière russo-kazakhe longue de 6 846 kilomètres.
Si le trafic d’opiacés afghans, largement documenté, tire profit de ces dyades fragiles, d’autres trafics impliquant la vie humaine s’illustrent également dans la région. Tel est le cas de la traite des êtres humains (TEH), une forme de criminalité qui demeure peu mise en exergue, mais néanmoins bien présente. Un récent rapport estime qu’à l’échelle mondiale, 27 millions de personnes seraient assujetties à cette forme d’activité illicite, définie par la Convention de Palerme comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ».
Cette définition établie par les Nations unies dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale organisée vise donc à sanctionner des pratiques impliquant à la fois les organisations criminelles et le franchissement de frontières. Si cette approche trouve évidemment matière à s’appliquer sur le territoire centrasiatique, les dynamiques historiques et structurelles propres à cet espace peuvent engendrer des formes de traite interne, voire étatique, qui contrastent avec la définition onusienne traditionnelle.
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26.06.2025 à 16:23
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Dans son ouvrage, paru récemment aux éditions du Cerf, Anne de Bongain se penche sur les « coulisses du sport business ». Business, c’est de là qu’il faut partir. La marchandisation du sport constitue en effet un enjeu financier énorme pour tout un ensemble d’acteurs économiques non seulement légaux — chaînes TV, équipementiers, multinationales, sans oublier bien sûr les États qui en font un instrument d’influence, de soft power — mais aussi illégaux. Car de ce tableau déjà passablement contrasté ressortent en arrière-plan des réalités encore plus sombres telles que la corruption, le dopage, la triche dont l’auteur nous explique qu’elles ne constituent pas de regrettables dérives étrangères aux « valeurs » du sport, mais une dimension consubstantielle découlant de l’accouplement de la logique du « plus vite, plus haut, plus fort » et de la machine à cash globalisée. Dès lors, il était inévitable que l’industrie du sport ne devienne aussi un champ d’activité du crime organisé comme le montre Anne de Bongain. Derrière le mythe de l’olympisme et les valeurs proclamées du sport, son ouvrage Le Mondial du dopage révèle une réalité sombre, complexe et mondialisée. Entretien.
L’article Citius, Altius, Illicitus : une exploration de la face obscure du sport est apparu en premier sur IRIS.
Dans son ouvrage, paru récemment aux éditions du Cerf, Anne de Bongain se penche sur les « coulisses du sport business ». Business, c’est de là qu’il faut partir. La marchandisation du sport constitue en effet un enjeu financier énorme pour tout un ensemble d’acteurs économiques non seulement légaux — chaînes TV, équipementiers, multinationales, sans oublier bien sûr les États qui en font un instrument d’influence, de soft power — mais aussi illégaux.
Car de ce tableau déjà passablement contrasté ressortent en arrière-plan des réalités encore plus sombres telles que la corruption, le dopage, la triche dont l’auteur nous explique qu’elles ne constituent pas de regrettables dérives étrangères aux « valeurs » du sport, mais une dimension consubstantielle découlant de l’accouplement de la logique du « plus vite, plus haut, plus fort » et de la machine à cash globalisée. Dès lors, il était inévitable que l’industrie du sport ne devienne aussi un champ d’activité du crime organisé comme le montre Anne de Bongain.
Derrière le mythe de l’olympisme et les valeurs proclamées du sport, son ouvrage Le Mondial du dopage révèle une réalité sombre, complexe et mondialisée. Entretien.
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