Les paramilitaires ont mené jeudi plusieurs frappes de drones sur une ville du nord du Soudan abritant un important barrage selon l'armée, alors que les combats et les déplacements s'intensifient dans la région centrale du Kordofan.
Mercredi, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont tiré la sonnette d'alarme sur l'escalade du conflit dans le troisième plus grand pays d'Afrique, au coeur depuis 2023 d'une guerre sanglante de pouvoir entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) de son ancien bras droit Mohamed Daglo.
Les ministres ont déploré son « impact dévastateur » sur les civils et « notamment la famine qui a conduit à la plus grande crise humanitaire au monde ».
Dans la foulée, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a demandé l'arrêt des livraisons d'armes aux paramilitaires : « Quelque chose doit être fait pour arrêter les livraisons d'armes et le soutien dont bénéficient les FSR ». Les Émirats arabes unis, alliés des Etats-Unis, sont régulièrement accusés par l'armée et par des rapports indépendants de fournir des armes, du carburant et des mercenaires aux FSR, ce qu'ils démentent.
Dans le nord du Soudan, les attaques de drone « ont visé le quartier général de l'armée, l'aéroport et le barrage de Merowe », une ville située à environ 350 kilomètres au nord de la capitale Khartoum, a indiqué l'armée dans un communiqué, en attribuant ces frappes aux FSR et en affirmant les avoir interceptées.
Aucune information sur d'éventuelles victimes n'était disponible dans l'immédiat.
Une source des services de renseignement a fait état de sept missiles tirés, un correspondant de l'AFP se trouvant dans la région a entendu dix tirs, des témoins évoquent jusqu’à 28 détonations entre minuit et l’aube. La ville de Merowe a été plongée dans le noir après une coupure totale d’électricité, selon ces mêmes témoins.
Le recours aux attaques de drones est devenu courant ces derniers mois dans le conflit. Les FSR ont à plusieurs reprises visé des infrastructures militaires et civiles, notamment à Khartoum en octobre, et à Port-Soudan, dans l'est, au printemps. L'armée frappe de son côté des positions tenues par les FSR.
Fin octobre, les paramilitaires se sont emparés d'El-Facher, dernier bastion de l'armée au Darfour, prenant le contrôle total de cette région de l'ouest couvrant le tiers du pays.
Depuis, près de 90.000 civils, - hommes, femmes, enfants dont les trois quarts étaient déjà des déplacés - ont fui la ville et ses environs, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Kifah, une jeune femme d'une vingtaine d'année, a réussi à rallier à pied le camp de déplacés d'Al-Dabbah, une marche de plus 770 km. La jeune femme enceinte, veuve depuis fin octobre, s'est dite « épuisée par le manque de nourriture et d'eau », dans un témoignage recueilli par une équipe de l'AFP dans le cadre d'un convoi de presse organisé par l'administration pro-armée.
Après une visite sur place, le général Burhane a affirmé que les civils fuyant les zones contrôlées par les FSR, notamment El-Facher « préfèrent parcourir des milliers de kilomètres » vers les territoires de l'armée, « où ils trouvent sécurité et moyens de subsistance », dans un message jeudi sur son compte X. Les négociations pour obtenir une trêve humanitaire sont dans l'impasse depuis des mois.
Des témoignages de déplacés d'El-Facher « décrivent l'impact des (frappes de) drones qui tuent les civils à l'aveugle, ainsi que les violences sexuelles (...) et les exécutions de jeunes hommes », a déclaré mercredi soir à l'AFP Amy Pope, la patronne de l'OIM.
Depuis la chute de la ville, les affrontements se concentrent sur la riche région pétrolifère du Kordofan voisin, zone stratégiquement située entre la capitale Khartoum et le Darfour.
Quelque 50.000 civils y « ont fui les combats », a précisé Mme Pope mercredi soir lors d'une visioconférence depuis le Soudan. « De nombreux rapports font état des mêmes violences » que celles rapportées à El-Facher, avec « des violences sexuelles, des civils abattus », « des cadavres le long des routes », a-t-elle dit en soulignant les difficultés de communication avec les deux régions.
Babanusa, dernier bastion de l’armée au Kordofan-Ouest et nœud ferroviaire stratégique, a été ces derniers jours le théâtre d’affrontements et d’incendies, selon des images satellites analysées par l'AFP et Vista map, une plateforme spécialisée.
Cette ville est assiégée depuis plusieurs mois, comme El-Obeid (Kordofan-Nord), Kadougli et Dilling (Kordofan-Sud), toutes coupées de toute aide extérieure. Lundi, les paramilitaires ont affirmé sur leur chaîne Telegram avoir déployé « en grand nombre » leurs combattants autour de Babanusa pour s’emparer du quartier général de l’armée.
Vous avez déjà un compte? Connectez-vous ici
Veuillez vous connecter pour visualiser les résultatsLes branches armées du Hamas et du Jihad islamique ont annoncé la remise à 18h00 GMT d'une nouvelle dépouille d'un otage se trouvant à Gaza, dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre dans le territoire palestinien sous la pression des États-Unis.
« Les Brigades Al-Qods (branche armée du Jihad islamique, NDLR) et les Brigades Ezzedine al-Qassam (branche militaire du Hamas, NDLR) vont remettre le corps d'un des prisonniers de l'occupation, qui a été retrouvé aujourd'hui dans la région de Morag au nord de la ville de Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza, à 20h00 heure de Gaza » (18h00 GMT), écrit le Hamas dans un communiqué.
Sur les 28 otages décédés que le Hamas a accepté de remettre à Israël dans le cadre de l'accord, 24 ont été restitués à ce jour. Après onze ans d'attente, Israël avait annoncé dimanche le rapatriement du corps de l'officier israélien Hadar Goldin, tué en 2014 dans la bande de Gaza.
Depuis le début de la trêve à Gaza, le mouvement islamiste a libéré les derniers 20 otages vivants capturés lors de l'attaque du 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre. En échange, Israël a libéré près de 2.000 prisonniers palestiniens, et rendu les corps de 15 Palestiniens tués pour chaque otage israélien décédé rendu.
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Veuillez vous connecter pour visualiser les résultatsUn seau après l'autre, une dizaine d'ouvriers en gilets fluorescents dégagent le sable et les gravats de ce qui reste du Musée du Palais du Pacha, un complexe historique de la ville de Gaza endommagé par deux années de bombardements israéliens.
À la main, ils trient les pierres : celles à réutiliser d'un côté, les débris à jeter de l'autre. Le travail se fait en silence, seulement troublé par le bourdonnement d'un drone israélien qui vrombit au-dessus d'eux.
« Le Musée du Palais du Pacha est l'un des sites les plus importants détruits pendant la (...) guerre à Gaza-ville », raconte à l'AFP Hamouda al-Dahdar, expert du patrimoine culturel chargé des travaux de restauration, précisant que plus de 70% des bâtiments du palais ont été détruits.
L'ancien fort, construit en pierre ocre-sable, abrite notamment une chambre où Napoléon Bonaparte aurait dormi une nuit en 1799. En octobre, l'Unesco a recensé 114 sites endommagés par la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, déclenchée le 7 octobre 2023, parmi lesquels le complexe du Musée du Palais du Pacha.
Figurent également sur cette liste le complexe du monastère de Saint-Hilarion, l'un des plus anciens monastères chrétiens du Moyen-Orient, ainsi que la mosquée al-Omari de Gaza-ville, située dans le nord du territoire palestinien.
L'histoire de la bande de Gaza remonte à plusieurs millénaires, faisant de ce petit territoire un véritable trésor archéologique, abritant des vestiges de civilisations cananéennes, égyptiennes, perses et grecques.
« Il n'y a plus de matériaux, nous nous contentons de nous occuper des décombres: rassembler les pierres, les trier, et intervenir au minimum pour consolider le site » du Musée, explique Issam Juha, le directeur du Centre pour la préservation du patrimoine culturel.
Basée en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, cette association est chargée de la restauration du monument.
Dès les premiers jours de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas en territoire israélien, Israël a imposé de sévères restrictions sur Gaza, provoquant des pénuries - jusque dans l'approvisionnement en nourriture et en médicaments.
Après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu négocié par les Etats-Unis le 10 octobre, les camions d'aide humanitaire ont commencé à entrer en plus grand nombre, mais les organisations humanitaires déplorent des restrictions et des lourdeurs administratives les empêchant d'opérer au mieux.
D'après M. Zuha, qui coordonne la restauration depuis la Cisjordanie, la trêve permet aux équipes de reprendre leurs fouilles, après une période où « il était dangereux de travailler" et où "les drones qui survolaient la zone tiraient parfois ».
Il estime qu'au moins 226 sites patrimoniaux et culturels ont été touchés pendant la guerre, un chiffre supérieur à celui de l'Unesco, explique-t-il, car ses équipes ont eu un meilleur accès aux lieux.
« Notre patrimoine culturel est l'identité et la mémoire du peuple palestinien », affirme M. Dahdar, l'expert basé à Gaza-ville. « Avant la guerre, le Palais du Pacha abritait plus de 17.000 artefacts, mais malheureusement, ils ont tous disparu après l'invasion de la vieille ville de Gaza. »
Son équipe a retrouvé 20 artefacts importants datant des époques romaine, byzantine et islamique, avance-t-il. « Nous sauvons les pierres archéologiques en vue d'une future restauration, tout en récupérant les artefacts qui étaient exposés à l'intérieur du Palais du Pacha », poursuit Hamouda al-Dahdar.
Alors que la montagne de gravats atteint déjà plusieurs mètres, un artisan restaure délicatement une pierre ornée d'une croix surmontée d'un croissant islamique, tandis qu'un autre époussette une sculpture gravée d'une calligraphie arabe.
Face à ces indices de temps passés, palimpseste de civilisations ayant traversé le petit territoire côtier, M. Dahdar résume: « Il ne s'agit pas seulement d'un vieux bâtiment, mais de monuments issus de différentes époques. »
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