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16.05.2024 à 21:20

« MBS: le vrai visage du maître du Golfe » avec Christian Chesnot

Retrouvez notre animatrice Bénédicte Martin en compagnie de Christian Chesnot, grand reporter, auteur de « MBS confidentiel » chez Michel Lafon. Entre férocité proverbiale, paranoïa sécuritaire, luxe hors de toute imagination, et modernisme à marche forcée, qui est vraiment le roi Mohamed Ben Salmane, devant qui tous les puissants se courbent ?

Retrouvez notre animatrice Bénédicte Martin en compagnie de Christian Chesnot, grand reporter, auteur de « MBS confidentiel » chez Michel Lafon. Entre férocité proverbiale, paranoïa sécuritaire, luxe hors de toute imagination, et modernisme à marche forcée, qui est vraiment le roi Mohamed Ben Salmane, devant qui tous les puissants se courbent ?

16.05.2024 à 19:01

« L’austérité ne réduit pas le poids de la dette publique, bien au contraire »

« Et ça continue, encore et encore ! / C’est que le début, d’accord, d’accord !) ». Des paroles de Cabrel qui ne sont pas sans évoquer la rengaine gouvernementale consistant à masquer son incompétence en matière de gestion des finances françaises, en annonçant des coupes dans la dépense publique. Quand le gouvernement tente de réduire celle-ci, cela n’aboutit … Continued
Texte intégral (2316 mots)

« Et ça continue, encore et encore ! / C’est que le début, d’accord, d’accord !) ». Des paroles de Cabrel qui ne sont pas sans évoquer la rengaine gouvernementale consistant à masquer son incompétence en matière de gestion des finances françaises, en annonçant des coupes dans la dépense publique. Quand le gouvernement tente de réduire celle-ci, cela n’aboutit qu’à réduire les recettes fiscales et sociales, dès lors l’objectif s’éloigne. On joue ce jeu-là depuis plus de 20 ans : qui peut encore croire que cela finira par marcher ? Une politique contre-productive et mensongère, souligne l’économiste Bruno Tinel. Pour QG, il fustige l’austérité infligée à la santé et à l’assurance-chômage, qui ne sont pas les causes du déficit public, pointant plutôt les réformes fiscales épargnant les plus riches et dépouillant la puissance publique de ses recettes. Avec d’autres, Bruno Tinel appelle à une remise en place de la progressivité de l’impôt, en plus d’un renforcement de l’investissement public, permettant de stimuler l’investissement privé et in fine la croissance économique. Interview par Jonathan Baudoin

Bruno Tinel est économiste, professeur d’université à Johannesburg et auteur de « Vive la dépense publique » (avec Liêm Hoang-Ngoc, éditions H&O, 2021)

QG : Quelles sont les causes du déficit public établi à 5,5% du PIB en 2023 selon l’Insee, bien plus important que ce que prévoyait le gouvernement (4,9%) ?

Bruno Tinel : Dans un premier temps, il y a eu un ralentissement de l’inflation plus rapide que prévu. Le gouvernement aurait pu réviser ses plans en cours d’année. Mais il a été pris dans un effet ciseaux avec un ralentissement de l’inflation ayant généré un manque de recettes fiscales, qui ont moins augmenté que si l’inflation s’était maintenue au même rythme qu’auparavant. En plus, du côté des taux d’intérêt, il y a eu une tendance à la hausse, voire à une accélération de cette hausse fin 2023. Cela a un effet direct sur la dépense. Voici les principales explications de ce déficit record.

Néanmoins, le gouvernement avait toutes ces informations, de première main, avant nous tous. Je ne crois pas du tout à la surprise, qui relève plus d’une mise en scène. C’est une opération de com’, sur laquelle les médias devraient s’interroger. Je pense qu’il y a un effet politique derrière cela, afin de jouer, comme trop souvent, sur une forme de catastrophisme, et cela afin d’imposer moins de redistribution, des baisses de dépenses de l’État social. C’est un discours qu’on entend continuellement depuis les années 1990. Le ministre de l’Économie a repris le flambeau de François Fillon, à savoir une volonté de mettre à bas l’État social, d’en finir avec la Sécu notamment. Il euphémise, certes, mais c’est clairement un programme qui revient sur le devant de la scène, alors qu’il a pourtant été désavoué par les Français, dont une partie de l’électorat de droite, si on en juge par le score de M. Fillon. On voit néanmoins la chose resurgir sous la plume de M. Le Maire.

Tableau des ratios des finances publiques montrant un déficit public à 5,5% en 2023. Source : Insee

Je tiens à dire que la question du déficit ne s’explique pas par la dynamique des dépenses en 2023. Il n’y a pas eu d’explosion inconsidérés dans la dynamique de celles-ci. La question de fond qui se pose, c’est celle des tendances. On est dans une situation où, depuis les années 1980, on a un déficit public structurel qui tend à augmenter. On a une dette publique, rapportée au PIB, qui augmente, sans que la qualité des services publics ne s’améliore pour autant, sans que la qualité du système de soins s’améliore. On a bien vu, à travers tous les mouvements sociaux, depuis trois-quatre ans, que les personnes qui oeuvrent dans ces services peinent à travailler correctement. Ils ont notamment été soumis à rude épreuve durant la crise du Covid. On voit plutôt un contrôle de plus en plus étroit des finances publiques depuis 30 ans. Mais en parallèle, il y a eu des baisses d’impôts massives de la part des gouvernements successifs à partir de 1987. Sous le quinquennat Macron, les baisses sont finalement moins importantes, mais c’est tout de même 50 milliards d’euros de recettes en moins en cumulé, par divers biais, avec la baisse de l’impôt sur les sociétés, la baisse de la CVAE [Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, NDLR], la transformation de l’ISF en IFI [Impôt sur la fortune immobilière, NDLR], la mise en place de la flat tax, la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle. Ce qui conduit à une érosion de la capacité de l’État à prélever l’impôt, mais surtout à une érosion de la progressivité fiscale, qui a un impact très clair sur les finances publiques et sur la dynamique macroéconomique. Sur le fond, ce qu’il faut interroger, c’est l’efficacité économique des choix politiques faits par le gouvernement, et la capacité qu’elle induit à créer de la valeur, à amortir les chocs, à répondre aux besoins des Français. Le tableau n’est pas très reluisant. Après un rebond post-Covid, la croissance ne cesse de diminuer. On a un investissement de nouveau en berne. L’investissement privé ne peut pas être dynamique s’il n’y a pas d’investissement public dynamique ! Cela n’existe pas dans l’histoire de l’économie française. Je m’interroge, et je ne suis pas le seul, sur la capacité de l’économie française à faire face, à long terme, à l’ensemble des défis qui sont les siens, avec en supplément la question de la transition énergétique bien sûr.

Le gouvernement a annoncé des coupes budgétaires visant notamment l’assurance-chômage et la santé. Quels en seraient les effets économiques et sociaux ?

On voit le débat extrêmement biaisé idéologiquement parce que les comptes de la santé, comme ceux de l’assurance-chômage, sont des comptes équilibrés par construction. Si vous coupez dans les dépenses, c’est que vous voulez réduire les prélèvements de ces comptes-là. C’est une arnaque intellectuelle ! Je voudrais que les médias s’en saisissent car cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Ce n’est pas vrai que la santé et l’assurance-chômage sont la cause du déficit public. Ce sont des dépenses quasiment équilibrées. C’est une orientation idéologique, sûrement pour faire plaisir à ce noyau dur de leur électorat, dont les macronistes sentent qu’il s’effrite. Ce qui est intéressant, c’est de voir les réactions dans la presse française, au sein même de la majorité présidentielle, où une bonne partie n’est pas d’accord sur ce sujet.

Audition du ministre de l’économie Bruno Le Maire par la commission des finances, concernant les coupes budgétaires, à l’Assemblée nationale, le 6 mars 2024

Je pense qu’heureusement, certaines personnes se rendent compte du problème. Cela ne répond absolument pas à la question et c’est grave car le système de santé français est dans une situation de tension, alors qu’il est fondamental pour le bien-être de nos concitoyens. En Afrique du Sud, où je vis actuellement, un tel système n’existe pas. Il y a une inégalité face aux soins qui est monstrueuse et inhumaine. Le système d’assurance santé en France est imparfait ; il doit être amélioré dans un souci d’efficacité. Mais vouloir purement et simplement en réduire la dépense pour raisons bureaucratiques, c’est une insulte à la dignité humaine: une logique de besoin doit prévaloir sur une logique comptable. La solidarité nationale doit être maintenue.

Quant à la question de l’assurance-chômage, j’invite simplement à regarder le nombre de fois où il y a eu des modifications de la législation en la matière au cours des dernières décennies : les droits des chômeurs ont constamment été revus à la baisse ! Est-ce vraiment nécessaire d’en remettre une couche aujourd’hui ?

Dans un contexte marqué par la transition écologique, est-il possible de rendre compatibles réduction du déficit public, réduction de la dette publique et stimulation de l’activité économique ? Si oui, quelles seraient les mesures économiques et budgétaires, les plus pertinentes à mettre en place ?

Même s’il n’y a pas de baguette magique, je pense qu’il est très important de réfléchir aux indicateurs. Par contre, l’obsession du déficit est extrêmement contraignante à court terme. Vouloir réduire le déficit public à tout prix, risque de conduire à une simple hausse du ratio de dette/PIB, car la baisse du déficit a un impact négatif sur l’activité. Il convient de penser les choses à plus long terme. Face à la transition écologique, le gouvernement aurait besoin de mobiliser des ressources qui sont très abondantes sur les marchés financiers. Ces ressources sont mobilisables par la dette ou par la voie de l’impôt. Il serait légitime, et de nombreuses voix se sont élevées en ce sens ces 15 dernières années, pour que les impôts augmentent sur les revenus les plus élevés. Après 30 ans d’érosion, il est plus que temps de restaurer la progressivité fiscale. Ceci redonnerait de la profondeur, en termes de financement, à l’action publique, tout particulièrement pour la transition écologique.

Pancarte affichant la fortune annuelle de Bernard Arnault lors d’une manifestation contre la réforme des retraites à Paris, janvier 2023

Si le gouvernement agissait de la sorte, l’investissement s’en trouverait amélioré, il en résulterait un surcroît de recettes fiscales. Il y aurait un déficit public qui, peut-être, demeurerait élevé, mais réorienté vers l’investissement public, ceci stimulerait la croissance économique. C’est ce que les Américains ont fait depuis l’arrivée de Joe Biden, avec un bilan remarquable. Il ne s’est pas privé de procéder à des dépenses massives d’investissement sur les infrastructures, pour assurer la capacité de long terme de l’économie américaine à croître. Cela a permis aux Américains de limiter les effets inflationnistes auxquels nous avons fait face ces dernières années parce qu’ils étaient moins contraints sur leur offre. La France, l’Europe en général, a choisi de ne rien faire, d’être une fois de plus attentiste, là où les Américains ont remis sur les rails leur économie tout de suite après le Covid. Il faut sortir de la passivité plutôt que de taper sur les chômeurs et le système de santé. Cela génère de la misère sociale et n’améliore pas les comptes publics. On le voit depuis 20 ans.

Propos recueillis par Jonathan Baudoin

Bruno Tinel est économiste, professeur à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg (Afrique du Sud). Il est l’auteur de : Vive la dépense publique (avec Liêm Hoang-Ngoc, éditions H&O, 2021) ; Dette publique : sortir du catastrophisme (éditions Raisons d’agir, 2016)

11.05.2024 à 09:38

« Gauche, réveille-toi: ta responsabilité est historique »

En ce printemps 2024, en France, comme ailleurs en Europe et dans le monde occidental, nous vivons peut-être nos dernières années, nos derniers mois de liberté. Ou, pour être plus exact, tant il est hasardeux, et délicat, de fixer des limites temporelles aux phénomènes quels qu’ils soient : nous sommes déjà entrés en régime de … Continued
Texte intégral (1919 mots)

En ce printemps 2024, en France, comme ailleurs en Europe et dans le monde occidental, nous vivons peut-être nos dernières années, nos derniers mois de liberté. Ou, pour être plus exact, tant il est hasardeux, et délicat, de fixer des limites temporelles aux phénomènes quels qu’ils soient : nous sommes déjà entrés en régime de semi-liberté, et nous assistons à la gestation d’un régime autoritaire de type populiste-identitaire.

Rarement, dans l’histoire récente, la situation n’a été aussi défavorable aux forces de progrès, à la démocratie et à la vie sociale en général. À la tête de l’État, la coalition d’extrême centre, pour reprendre l’expression de l’historien Pierre Serna, poursuit avec virulence les politiques néolibérales mises en œuvre depuis les années 1990, en démantelant les services publics et en amenuisant les droits sociaux. Convaincue de tenir la position centrale d’un introuvable « arc républicain », cette étroite coalition ne cesse paradoxalement de porter atteinte aux libertés démocratiques, comme elle l’a fait encore dernièrement en dévoyant la procédure judiciaire. Après sept années d’exercice du pouvoir de celui qui, par deux fois, a prétendu la sauver face au Rassemblement national, la République est plus menacée que jamais. Au point où nous sommes, la Macronie rappelle immanquablement le gouvernement de Cavaignac, à l’été 1848, faisant la courte-échelle au Parti de l’ordre.

Point presse de Jordan Bardella. Le numéro un de la liste RN aux européennes au micro de CNews, 14 septembre 2022

Dans cette ambiance de fin de règne, on s’attend à voir Bardella arriver en tête, de très loin, aux élections européennes du 9 juin prochain. Grâce au soutien actif de médias d’opinion déterminés, financés par des capitalistes réactionnaires, grâce à l’extraordinaire puissance de manipulation et de mobilisation des réseaux socionumériques, les entreprises politiques d’extrême droite déploient leur discours tous azimuts, désignant à la vindicte publique toute forme de vie sociale qui ne correspond pas à leur vision fantasmatique de l’homogénéité nationale et de l’ordre. Après avoir vampirisé LR, y compris par l’intermédiaire de Reconquête !, le RN, réalisant discrètement l’union des droites, poursuit son ascension conquérante des degrés du pouvoir. L’État régalien lui est en partie acquis, la presse, dans sa généralité, ne lui est que très modérément hostile, les institutions à fort potentiel autoritaire de la Ve République lui sont offertes sur un plat d’argent; quiconque a confondu extrême centre et extrême droite pourrait en être bientôt pour ses frais.  

Fuite en avant de l’extrême centre, marche conquérante de l’extrême droite… le tableau ne serait pas si épouvantable si la gauche partidaire n’avait pas failli à sa promesse d’union, si elle occupait effectivement la fonction pour laquelle elle a été mandatée aux dernières législatives. Las, deux ans après avoir envoyé 130 députés à l’Assemblée pour constituer la première force d’opposition à Macron dans un Parlement miraculeusement rendu à ses prérogatives, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale s’est délitée. Elle est partie aux européennes en ordre dispersé, et ses chefs, ou du moins certains d’entre eux, ne se parlent désormais que pour s’insulter, par médias interposés.

Cette rupture n’est pas sans motifs, elle n’est pas artificielle ; elle a des racines profondes, multiples, complexes ; elle engage des idées, des sensibilités, des questions de stratégie et de personnes. Cela ne signifie pas qu’elle soit irrémédiable, tant s’en faut. L’union a été faite, elle peut être refaite; l’obstination louable avec laquelle certains membres de l’ex-Nupes œuvrent à maintenir les voies du dialogue en porte témoignage. Malgré ces efforts, la désunion perdurera aussi longtemps que les partis associés le temps d’une campagne feront prévaloir leurs objectifs propres d’hégémonie, de reconquête de positions perdues, ou même simplement de survie dans le système, sur le seul objectif qui devrait être le leur en ces temps gros de périls : faire front commun, certainement pas sur tout, mais au moins sur l’ensemble des combats théoriquement partagés par la gauche et dont elle apparaît ces temps-ci étonnamment absente, laissant bien souvent la société civile livrée à elle-même face aux politiques antisociales du gouvernement et aux menées de l’extrême droite. Pas plus que la Nupes en son temps, cette idée de front commun n’implique la dépossession des spécificités propres à chaque mouvement. Il s’agit bien plutôt d’assumer une alliance de circonstance, donc potentiellement durable, fondée sur les bases programmatiques de 2022, adossées pour cette fois à un engagement revendiqué de défense de la République démocratique et sociale contre le danger autoritaire. Il y a quatre-vingt-dix ans, malgré leurs divergences profondes, les organisations syndicales et politiques de gauche se rassemblaient sur des bases proches pour faire pièce au fascisme français et jeter ainsi les bases du Rassemblement, ou Front Populaire. Il n’est pas interdit d’apprendre du passé.

L’histoire politique de la dernière décennie l’a amplement démontré : aucune formation de la gauche partidaire ne peut avoir raison contre les autres. Le hollandisme a durablement abîmé le camp progressiste, le populisme ne l’a pas fait gagner, et le succès relatif aux législatives de 2022 n’a été rendu possible que parce que les quatre principaux partis alors encore représentés au Parlement, pressés par la masse lucide de leurs sympathisants, ont consenti à l’association, sur une base programmatique reprenant certains des principaux items communs à la gauche, portés à l’élection présidentielle par le candidat Mélenchon. La leçon à tirer de cette affaire est que si une victoire électorale majeure n’est pas exactement à portée de main, s’il faudra bien des efforts pour s’en donner seulement les moyens, il est possible, sans jamais perdre de vue cette perspective, de constituer un bloc de résistance politique destiné à accompagner, légitimer, protéger, amplifier, donner enfin un horizon à la résistance sociale à l’autoritarisme et à la haine des minorités qui s’apprêtent probablement à prendre leurs quartiers au sommet de l’Etat, pour mieux déferler ensuite sur la société, avec, on le pressent, une implacable violence.

Manifestation du Front de gauche, contre l’austérité et pour le partage des richesses, 2014. Photo Alain Bachelier

Il est des moments où l’éthique, la morale communes doivent primer les ambitions, les psychologies particulières, des moments où les questions de stratégie électorale doivent être tenues pour secondaires. En poussant la logique à son extrémité, les mots de Michel Feher peuvent ici donner à réfléchir. « À gauche », écrit cet auteur dans une récente tribune publiée sur AOC, « l’enjeu n’est pas de convertir une majorité sociale supposée en majorité politique avérée : ses champions auront beau hausser le ton, s’ouvrir au centre, convoquer un passé vénérable ou opter pour la verticalité populiste, aucune potion ne transformera le ressentiment épurateur en indignation émancipatrice. Aussi, plutôt que de dénier qu’elle sera durablement minoritaire, on avancera qu’il appartient à la gauche de s’y résoudre, mais afin de l’être résolument« , la « résolution requise » appelant selon Feher « à se tenir fermement au croisement des causes, sans céder à la tentation de les trier ou de les hiérarchiser, mais aussi sans nier les problèmes que pose leur coexistence. » Toujours selon ce philosophe, du refus de la gauche « de sacrifier le foisonnement et la complexité de ses engagements au vain espoir de former une majorité dépendra l’aptitude des siens à supporter le long hiver dans lequel nous sommes entrés.« 

Un tel fatalisme n’est certes pas de nature à susciter l’engouement des électrices et électeurs. On n’entretient pas la fougue sans espoir de victoires, à moins bien sûr d’avoir cerné le caractère problématique de la victoire sous le régime du gouvernement par procuration, plus encore en Ve République. Mais l’auteur de ce texte a raison de pointer – c’est ainsi en tout cas que je l’interprète – que l’ « union des droites » ayant « manifestement de beaux jours devant elle », beaux jours qui feraient nécessairement pendant à notre « long hiver », la gauche ne peut plus se risquer à des stratégies particulières dont aucune, en l’état, n’apparaît gagnante à un tel degré de certitude que toutes et tous pourraient convenir de la préférer aux autres.

Je l’ai dit, considérer la gravité d’une défaite potentielle ne revient pas à renoncer à des succès futurs, tout au contraire. Le fait est que dans la situation de danger mortel où nous nous trouvons, seuls importeront, en fin de compte, les moyens que les forces politiques de gauche se seront donnés pour faire bloc ensemble, quoi qu’il advienne, sur l’essentiel. Bien sûr, au moment où ces lignes sont écrites, après tant de déchirements, l’idée même d’union revêt le caractère d’une utopie, mais il arrive que l’utopie revête le caractère de la nécessité. Et de la responsabilité historique.

Alphée Roche-Noël

Cette tribune est publiée à titre personnel par notre camarade Alphée Roche-Noël, essayiste, blogueur sur QG et ex-membre de Quartier Constituant

Photo d’ouverture : Fête de l’Huma 2022, François Ruffin, Elsa Faucillon (PCF) et Olivier Faure (PS) dialoguent ensemble
Photo Mathieu Delmestre

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