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31.10.2025 à 07:00

Pour mettre fin à l'invisibilisation des difficiles conditions de travail des ouvrières agricoles de Tunisie, un syndicat sensibilise et accompagne le changement

Comparée à d'autres pays du Sud, la Tunisie jouit d'une forte tradition syndicale. De fait, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) est considérée comme le syndicat le plus influent du monde arabe et son rôle a été déterminant dans la révolution de 2011, qui a débouché sur ce que l'on a appelé les « Printemps arabes ». Pourtant, un secteur était resté dans l'angle mort du syndicalisme tunisien en quelque sorte, alors même qu'il était l'un des plus durement touchés par l'exploitation : (…)

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Comparée à d'autres pays du Sud, la Tunisie jouit d'une forte tradition syndicale. De fait, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) est considérée comme le syndicat le plus influent du monde arabe et son rôle a été déterminant dans la révolution de 2011, qui a débouché sur ce que l'on a appelé les « Printemps arabes ». Pourtant, un secteur était resté dans l'angle mort du syndicalisme tunisien en quelque sorte, alors même qu'il était l'un des plus durement touchés par l'exploitation : celui des travailleuses agricoles. Cette situation a changé depuis 2021, grâce à la création d'un syndicat des femmes ouvrières dans le secteur agricole (FOSA), dont les sections sont présentes dans sept provinces agricoles différentes du pays.

« La création du syndicat a été très importante pour nous, car elle nous a fourni un outil pour défendre nos droits, ce qui était vraiment nécessaire au vu des abus dont nous sommes victimes », explique Munira Laheg, secrétaire adjointe et porte-parole de la section de Sidi Bouzid, la province où le syndicat a vu le jour, chapeauté par l'UGTT. Selon une étude du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) publiée en 2023, 92 % des ouvrières agricoles travaillent dans l'économie informelle et ne bénéficient d'aucune couverture sociale. En outre, 98 % d'entre elles perçoivent un salaire inférieur au salaire minimum dans le secteur agricole, qui est de 20 dinars par jour (environ 6 euros ou 6,8 dollars américains), et 78 % déclarent avoir subi une forme de violence au travail, y compris sexuelle.

« Les conditions de travail sont particulièrement pénibles, surtout en été. Nous ne nous arrêtons jamais, même s'il y a une vague de chaleur et que les températures dépassent les 40 ou 45 degrés », explique Munira Laheg.

À 46 ans, elle a déjà passé plus de vingt ans à travailler dans les champs comme journalière. En général, la journée de travail commence à 6 heures du matin et se termine à 13 heures. Souvent, les propriétaires des cultures ne respectent pas les temps de repos prévus par la loi et les poussent à atteindre un quota déterminé de fruits ou de légumes à récolter. Le fait que ce soit le wasit (ou intermédiaire) qui les contacte et leur verse leur salaire donne souvent lieu à des abus. Le wasit est chargé de les acheminer vers les champs en camion et, en échange, il empoche un pourcentage de leur salaire, généralement près de 30 %, soit environ cinq dinars (1,5 euro ou 1,74 dollar US).

En Tunisie, le secteur agricole, et en particulier celui des journaliers, est très féminisé. « Les salaires sont si bas et les conditions tellement pénibles que, par question d'honneur, les hommes refusent de faire ces travaux. C'est pourquoi la plupart des journaliers sont des femmes », explique Hind Omri, syndicaliste vétérane et activiste de l'Association tunisienne d'aide à la création et au travail (ATTAC), qui a contribué à la création du syndicat FOSA. Selon les données fournies par le gouvernement tunisien, sur le million de travailleurs agricoles que compte la Tunisie, 62 % sont des femmes, mais, dans certaines régions et certains secteurs, ce chiffre avoisine les 90 %. Ces données divergent de celles déjà disponibles sur l'ensemble de l'économie tunisienne. D'après les données de l'Organisation internationale du Travail (OIT), les hommes représentent plus de 60 % de la population active du pays, tandis que les femmes n'en représentent que 40 %.

Mme Laheg se dit satisfaite de l'évolution du nombre d'adhérentes au syndicat. Au moment de sa création, il comptait environ 86 adhérentes et aujourd'hui, quatre ans plus tard, « nous sommes près de 500 », affirme-t-elle. Si les ouvrières des plantations sont généralement des femmes, les propriétaires des terres, eux, sont majoritairement des hommes, car, traditionnellement, le patriarcat (et la charia ou loi islamique) a privé les femmes de la possibilité d'hériter de la terre après le décès de leurs parents. « C'était comme ça avant, mais aujourd'hui, les choses commencent à changer et des femmes commencent à hériter et posséder des terres », constate Mme Laheg. Parvenir à l'égalité des sexes en matière d'héritage est toutefois l'un des grands combats contemporains du féminisme tunisien.

Formulation de revendications

Pendant des décennies, la Tunisie a été considérée comme le pays du monde arabe où les femmes jouissaient du plus grand nombre de droits. Cette situation découle de l'adoption en 1956 d'un Code de la famille très progressiste pour l'époque qui, par exemple, interdisait la polygamie et le mariage forcé.

Cette législation a placé la Tunisie à l'avant-garde des droits des femmes et a permis des progrès rapides dans de nombreux domaines, notamment leur intégration dans le monde du travail. Plus récemment, en 2017, le Parlement tunisien a adopté une loi contre la violence sexiste qui compte parmi les plus avancées au monde. Cependant, l'évolution des mentalités n'a pas toujours suivi le rythme des changements législatifs, et l'État n'a pas toujours déployé les mêmes efforts pour veiller à l'application de ses propres lois.

En témoigne, par exemple, le nombre élevé d'accidents meurtriers dont sont victimes les travailleuses agricoles lors de leur acheminement vers les champs. La situation est si grave que Mme Omri n'hésite pas à placer la réduction des accidents au rang de priorité majeure des organisations qui défendent les droits des journalières.

Ces travailleuses « sont souvent transportées vers les champs à l'arrière de camions, debout, comme du bétail, sans aucune mesure de sécurité. C'est la raison pour laquelle des accidents très graves se produisent fréquemment », déplore cette activiste.

Selon les données recueillies par le FTDES depuis 2015, 69 accidents de la route ont été recensés dans le cadre du transport en camion des travailleuses, causant la mort de 55 personnes et en blessant 835 autres.

Pendant plusieurs années, la société civile a fait pression sur le gouvernement tunisien pour qu'il veille à la sécurité des journalières et empêche la circulation des « camions de la mort ». Ses efforts ont été récompensés par l'adoption de la loi 51 en 2019, qui réglemente le transport des ouvrières agricoles. Un an plus tard, le gouvernement signait également un décret établissant une série de mesures concrètes pour mettre en œuvre la nouvelle législation. Pourtant, cinq ans plus tard, la réalité des journalières n'a guère changé.

« La loi est bonne, le problème est que l'État n'a pas mis en place les mécanismes de contrôle nécessaires pour qu'elle soit effective. Par conséquent, ni les propriétaires des terres cultivées ni les wasits n'ont été contraints de changer le système », déplore Mme Omri, l'activiste et syndicaliste de Sidi Bouzid.

L'année dernière, un autre décret a également été adopté afin de mettre en place une protection sociale pour les travailleuses, comprenant une couverture santé, mais il n'a toujours pas été appliqué.

Une action concertée de l'UGTT pourrait inciter le gouvernement à mettre en place les moyens nécessaires pour mener à bien les inspections et faire respecter la réglementation. Or, les relations entre la centrale syndicale et Kaïs Saïed, président de la Tunisie, se sont fortement détériorées. Début août, une manifestation de partisans du président qui accusaient l'UGTT de corruption s'est terminée devant le siège du syndicat et des altercations ont éclaté avec les syndicalistes. La centrale syndicale a interprété la volonté des manifestants comme une tentative de prendre d'assaut le bâtiment et a convoqué une manifestation deux semaines plus tard, au cours de laquelle son secrétaire général, Noureddine Taboubi, a lancé un message de défiance aux autorités.

« À présent, le ton entre le gouvernement et l'UGTT s'est apaisé et il semble que les deux parties aient décidé de mettre fin à l'escalade des tensions. Cependant, à tout moment, le conflit pourrait éclater à nouveau », déclare Tarek Kahlaoui, professeur de sciences politiques à la Mediterranean School of Business de Tunis.

Les journalières se plaignent également de ne disposer d'aucune protection contre les produits chimiques utilisés comme pesticides dans les cultures. On dénombre plus de 200 pesticides autorisés en Tunisie, dont une cinquantaine qui est interdite dans l'Union européenne, à l'instar du malathion, que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) reconnaît comme cancérigène. Outre des tumeurs, ces produits chimiques peuvent provoquer des éruptions cutanées, des problèmes d'infertilité ou des malformations chez les fœtus.

« Il est fréquent que des ouvrières agricoles se présentent à la pharmacie avec des difficultés à respirer ou des démangeaisons cutanées ou oculaires en raison de leur exposition aux pesticides », explique Monia Mannai, pharmacienne à Ghardimaou, une localité du nord-ouest du pays où l'agriculture constitue un pilier de l'économie.

« Dans cette région, les taux de certaines maladies potentiellement liées à l'utilisation de pesticides sont exceptionnellement élevés. Par exemple, le cancer de la thyroïde et des poumons, la bronchite chronique, l'infertilité ou l'eczéma cutané », précise-t-elle.

Malgré ces difficultés, Mme Laheg envisage l'avenir avec optimisme. « Les changements ne sont pas acquis du jour au lendemain. Grâce à la création du syndicat, par exemple, nous avons déjà réussi à augmenter le salaire, qui est passé de 15 à 17 dinars », explique-t-elle au cours d'une conversation téléphonique. « Le plus important est que de plus en plus de journalières prennent conscience de leurs droits et souhaitent les défendre collectivement. C'est ainsi que surviendront les changements », conclut-elle.

29.10.2025 à 09:40

« Prenez-le ou perdez-le » : Pourquoi le congé parental des hommes reste-t-il à la traine et comment y remédier

Lorsque Javier Parra Villegas, originaire d'Espagne, est devenu père en Allemagne, la décision de prendre une période de congé ne lui a pas causé d'angoisse particulière. C'était normal. « En Allemagne, c'est très facile... l'aide sociale, en particulier pour les parents, est meilleure que dans beaucoup d'autres pays, même dans la zone euro », explique-t-il dans un entretien avec Equal Times. « Il suffit de remplir quelques formulaires et de soumettre les documents nécessaires. »
Pendant (…)

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Lorsque Javier Parra Villegas, originaire d'Espagne, est devenu père en Allemagne, la décision de prendre une période de congé ne lui a pas causé d'angoisse particulière. C'était normal. « En Allemagne, c'est très facile... l'aide sociale, en particulier pour les parents, est meilleure que dans beaucoup d'autres pays, même dans la zone euro », explique-t-il dans un entretien avec Equal Times. « Il suffit de remplir quelques formulaires et de soumettre les documents nécessaires. »

Pendant ses deux mois de congé, début 2021, il a touché environ 60 % de son salaire, et surtout, il a fait confiance aux règles et à la culture. M. Parra, qui travaille en tant qu'éducateur de la petite enfance salarié, explique que pour les employés, le système est à la fois simple et sûr : « Ici, les hommes ont le droit de demander un congé de paternité. En Espagne, il y avait, et je pense qu'il reste encore aujourd'hui, la peur de perdre son emploi. Ici, votre place est respectée », insiste-t-il. Par la suite, il a négocié deux mois supplémentaires (non rémunérés) pour rester avec sa fille avant que celle-ci n'aille à l'école. Ce qu'il conseille à l'Espagne : un revenu de remplacement qui permette de vivre, une protection de l'emploi crédible et un temps de planification pour les employeurs.

L'expérience de Javier Parra permet de tirer une leçon plus générale : si la rémunération est faible et la protection insuffisante, la plupart des pères ne prendront pas congé. Et lorsque les hommes ne prennent pas de congé parental, la charge des soins incombe par défaut aux femmes, avec des conséquences durables sur leur salaire et la continuité de leur carrière. Le fait que les droits soient perçus comme utilisables est tout aussi important que la loi elle-même.

Cette tendance se confirme à l'aune de l'écart mondial. Les chiffres les plus récents de l'Organisation internationale du travail (OIT) révèlent une arithmétique persistante : à l'échelle mondiale, les mères comptent en moyenne 24,7 semaines de congé parental rémunéré, contre 2,2 semaines pour les pères. La note d'information de l'OIT de 2025 intitulée Congés parentaux rémunérés – Combler l'écart entre hommes et femmes attribue ces écarts à la faible reconnaissance des droits individuels des pères.

Des signes de progrès sont toutefois observables. En 2024, 121 des 186 pays reconnaissaient le congé de paternité, 37 l'avaient ajouté au cours de la décennie précédente et 31 avaient créé ou prolongé le congé parental, preuve que le rôle des hommes dans les soins aux enfants est en train d'être inscrit dans les textes de loi, ce qui pourrait contribuer à faire évoluer les normes sociales.

À ce titre, il convient de souligner l'exemple de l'Espagne, avec une incidence sur le long terme. En effet, d'après une étude réalisée en 2021 par la Barcelona School of Economics, les enfants nés après l'introduction du congé de paternité en 2007 affichent des attitudes plus égalitaires et sont moins susceptibles de se conformer au modèle traditionnel de « l'homme soutien de famille ».

Le paysage juridique évolue lui aussi. Ainsi, en juin 2024, la Conférence internationale du travail a adopté une résolution concernant le travail décent et l'économie du soin. Celle-ci reconnaît les soins comme un aspect fondamental du bien-être humain, social, économique et environnemental, ainsi que du développement durable. La résolution appelle les gouvernements, les employeurs et les travailleurs à concevoir et à mettre en œuvre des politiques et des systèmes de soins intégrés et cohérents en faveur du travail décent et de l'égalité de genre, à investir dans des services de soins de qualité, à créer des emplois décents pour les travailleurs des soins et à promouvoir le partage équitable des responsabilités en matière de soins entre les femmes et les hommes.

En août 2025, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a reconnu les soins comme un droit humain à part entière, précisant l'obligation des États de « respecter et garantir le droit aux soins », d'adopter des mesures législatives pour en assurer l'efficacité et de poursuivre leur mise en œuvre progressive en mettant l'accent sur l'égalité et les groupes vulnérables. Cet avis de la CIDH confère aux défenseurs un moyen de pression, faisant du congé parental rémunéré une partie intégrante du socle de protection sociale plutôt qu'un avantage facultatif accordé selon le bon vouloir de l'employeur.

Ce qui fonctionne : conception, preuves et pratique

En comparant les pratiques dans des dizaines de pays, on constate désormais une convergence vers une formule éprouvée : des semaines (de congé parental) individuelles, non transférables (selon le principe « use-it-or-lose-it ») pour les pères, d'une durée significative et assorties d'une rémunération décente, reposant sur un financement commun ou public, une protection de l'emploi robuste et la simplicité administrative. Les pays qui suivent cette approche constatent une augmentation du recours aux congés pour soins chez les hommes ; en revanche, les systèmes qui rendent les congés transférables, faiblement rémunérés, non rémunérés ou financés par l'employeur voient ce recours reculer.

Spécialiste de la protection de la maternité et de la conciliation travail-famille à l'OIT et membre de l'équipe de chercheurs à l'origine de la note d'information 2025 de l'OIT, Laura Addati identifie une tension récurrente dans les débats politiques : le débat s'articule autour d'une préoccupation largement répandue, à savoir que l'extension des droits au congé pour soins aux pères et aux hommes, en particulier au moment de l'accouchement, pourrait nuire aux besoins biologiques des mères. Selon ce point de vue, les mères devraient bénéficier de plus de congés parce qu'elles vivent la grossesse, l'accouchement et souvent l'allaitement – des réalités physiques que les pères ne partagent pas.

Or, les données disponibles montrent que les deux parents tirent profit du partage des responsabilités de soins et de la prise de congés, à condition qu'une protection adéquate de la maternité soit garantie à toutes les mères. « Il est essentiel de mettre en évidence ce scénario gagnant-gagnant », poursuit Mme Addati.

Maria Tsirantonaki, conseillère politique auprès de la Confédération syndicale internationale (CSI), estime que les États doivent commencer par rendre l'accès aux soins universel : « Au minimum, les États doivent mettre en place des systèmes complets de soins et de prise en charge, assortis d'un cadre politique et réglementaire qui garantisse que le système est complet et réglementé. »

« Nous voulons nous assurer que toutes les personnes ayant des besoins et des responsabilités en matière de soins, indépendamment de leur milieu socio-économique, y ont effectivement accès. Il s'agit d'un service public essentiel que les gouvernements doivent fournir pour que les personnes puissent participer de manière équitable au monde du travail et, plus largement, à la société. »

S'agissant du recours aux congés, Mme Tsirantonaki ne mâche pas ses mots : ce qui compte le plus, c'est la rémunération. « L'essentiel est qu'il soit rémunéré... dans les sociétés très patriarcales, s'il n'est pas rémunéré, les hommes ne prendront pas cette décision. » La non-transférabilité est tout aussi importante : « Lorsqu'il est partagé équitablement et non transférable – si vous ne le prenez pas, vous le perdez (« use-it-or-lose-it ») – l'incitation est forte. » Et l'effet peut être transformateur : « Lorsque les politiques sont conçues pour inciter les hommes à assumer un rôle plus actif, cela peut, à long terme, modifier les normes et les stéréotypes sexistes tenaces concernant les rôles liés aux soins. »

En guise de mise en garde, elle cite en exemple les pays où le congé maternité légal n'est pas rémunéré, tels que les États-Unis : « Les femmes occupant des emplois très faiblement rémunérés reprennent le travail deux semaines après l'accouchement, car elles ne peuvent pas se permettre de perdre leur revenu, ce qui est inhumain. »

La culture d'entreprise est également importante. Le recours au congé augmente lorsqu'une partie est légalement réservée au congé de paternité, lorsque des jours supplémentaires sont prévus si les deux parents prennent leur congé, lorsque la flexibilité est réelle (temps partiel, par jour/heure) et lorsque les petites et moyennes entreprises bénéficient d'une aide financière par le biais d'un fonds commun ou d'une assurance.

Une leçon des pays nordiques

Les pays nordiques fournissent les preuves les plus détaillées de la manière dont les choix conceptuels influent sur les résultats. Ils partagent un modèle commun : du temps dédié à chaque parent, un revenu de remplacement adéquat et un financement collectif par le truchement de l'assurance sociale. Cependant, chaque pays calibre le système différemment.

Ainsi, en 2000, l'Islande a innové avec sa formule « 3+3+3 » : trois mois de congé parental égal pour les deux parents, avec trois mois supplémentaires pouvant être partagés entre les parents, le tout subventionné par un fonds d'assurance national financé par les employeurs. Lorsque l'Islande a introduit ce modèle, la participation des pères a connu une forte augmentation ; à son pic, environ 90 % des pères éligibles ont pris les trois mois de congé auxquels ils avaient droit. Cependant, par la suite, lorsque le gouvernement a plafonné les prestations, de nombreux pères, en particulier ceux de la tranche supérieure des revenus, ont choisi de ne pas y avoir recours, montrant à quel point le maintien du salaire intégral est déterminant pour la prise de congés par les hommes.

La Suède, pour sa part, offre 480 jours par enfant. Les 90 premiers jours sont réservés à chaque parent et ne peuvent être transférés. Le paiement se fait en deux tranches : 390 jours à des taux liés au revenu et 90 jours à un taux forfaitaire de base. Dans le cadre d'une nouvelle mesure introduite en 2024, la Suède autorise désormais les parents à céder jusqu'à 45 jours à un autre aidant, tel qu'un grand-parent, sans toucher aux quotas non transférables qui incitent les pères à prendre un congé. Malgré cela, les pères suédois ne prennent actuellement qu'environ 30 % du nombre total de jours auxquels ils ont droit. Un résultat que les autorités voient non pas comme un échec politique, mais plutôt comme la preuve que le cadre juridique est déjà égalitaire en termes de genre et que les obstacles restants sont d'ordre culturel et sectoriel, tout particulièrement dans les industries à prédominance masculine.

La Finlande, en 2022, a pris la décision la plus audacieuse en adoptant une approche entièrement neutre en matière de genre. Chaque parent bénéficie de 160 jours (environ six mois et demi), dont 63 jours peuvent être transférés à son partenaire. Le système est délibérément simple : des quotas égaux pour chaque parent, et ce afin de normaliser le partage des responsabilités en matière de soins tout en préservant le droit individuel de chaque parent à prendre congé.

La leçon à tirer des pays nordiques n'est pas de copier-coller des institutions, mais de mettre en place des mesures incitatives : du temps réservé aux pères, un remplacement salarial élevé, un financement commun et une simplification administrative rendent l'absence des hommes normale et gérable pour les entreprises.

L'Espagne a récemment accompli un progrès significatif. En juillet 2025, le pays a adopté le décret-loi royal 9/2025, qui prolonge le congé de naissance et le congé parental de 16 à 19 semaines par parent, entièrement rémunérés et financés à 100 % par la sécurité sociale, et qui rend ce droit individuel, égalitaire et non transférable – se rapprochant ainsi des normes européennes et des normes de l'OIT et dépassant le seuil de référence de 18 semaines de rémunération intégrale prévu par la recommandation n° 191 de l'OIT sur la protection de la maternité.

La réforme s'attaque de front à ce que Laura Addati nomme le débat « biologie vs soins » : une protection adéquate de la maternité reste en place, mais les pères disposent désormais d'un droit égal et non transférable qui les positionne comme des co-parents à part entière et qui est, par ailleurs, non négociable au sein du foyer. Des études montrent que cela a bien un effet sur les perceptions des enfants en termes d'égalité et donc contribue à remodeler les normes d'une génération à l'autre.

Des lacunes subsistent, mais les arguments sont clairs

Les travailleurs, hommes compris, ont également besoin de temps rémunéré pour s'occuper de leurs proches âgés (selon les Nations Unies, au cours de la prochaine décennie, le nombre de personnes âgées de 80 ans et plus dans le monde dépassera celui des enfants en bas âge) et de leurs proches handicapés (une population également en augmentation), et pourtant, cette dimension des soins reste largement ignorée dans les normes internationales et les législations nationales. L'architecture normative est la plus solide en matière de maternité ; il n'existe aucune norme mondiale actualisée qui reconnaisse et subventionne les congés payés pour les personnes aidantes, avec une couverture universelle et transférable.

L'OIT n'a pas encore produit d'études comparables sur les congés pour soins aux personnes âgées ou aux personnes en situation de handicap. Or, selon Mme Addati, les principes conceptuels qui ont fait leurs preuves dans le cas du congé parental pourraient s'appliquer à toutes les formes de congé pour soins, en fonction des différents contextes nationaux : droits individuels et non transférables, remplacement adéquat du revenu, financement par la sécurité sociale afin que les employeurs n'aient pas à supporter les coûts directs, couverture inclusive, modalités flexibles et protection solide de l'emploi. La résolution de l'OIT de 2024 propose également des principes fondamentaux pour l'élaboration des politiques : la fourniture, l'accès et la réception des soins doivent être fondés sur les principes de non-discrimination, de solidarité, de durabilité, d'équité, d'universalité et de coresponsabilité sociale.

Par ailleurs, Mme Addati insiste sur la nécessité de services de garde d'enfants et de soins de longue durée de haute qualité et inclusifs pour les personnes en situation de handicap, fournis par des prestataires de soins qualifiés :

« Les familles ne sont pas en mesure de répondre seules aux besoins croissants en matière de soins, même avec les meilleurs congés ou les modalités de travail les plus flexibles. Un financement durable de ces services et de ces emplois est indispensable. »

Mme Tsirantonaki partage cet avis, tout en soulignant la nécessité de mettre en place des mesures combinées sur le lieu de travail : « Une combinaison est toujours préférable, par exemple l'octroi de congés rémunérés pour soins et des modalités de travail flexibles, car il n'existe pas de solution unique qui convienne à tout le monde. »

La lacune structurelle la plus flagrante concerne la couverture. De nombreux systèmes manquent de couvrir adéquatement les travailleurs indépendants, les travailleurs informels et les travailleurs de l'économie des plateformes. Ce point a son importance, dans la mesure où les pères appartenant à ces catégories sont beaucoup moins susceptibles de prendre un congé parental lorsque le financement est assuré directement par des employeurs individuels plutôt que par des fonds communs d'assurance sociale. La note d'information de l'OIT identifie cette lacune comme structurelle et critique, soulignant que seul un petit nombre de pays ont étendu le congé paternité et parental rémunéré à ces groupes.

Mme Tsirantonaki est catégorique : « La clé réside dans un socle de protection sociale. Il faut à tout prix un socle, c'est-à-dire des prestations minimales pour tous les travailleurs, indépendamment de leur statut professionnel. Les politiques de protection sociale doivent garantir la sécurité des revenus pendant les congés de maternité, de paternité et parentaux. Il n'est pas acceptable que les travailleurs du secteur formel ayant un employeur bénéficient de tous ces droits, tandis que les travailleurs de l'économie informelle, qui représentent la majorité de la main-d'œuvre mondiale, n'ont rien. »

Si le congé parental des hommes reste marginal (jours symboliques, faible rémunération, financement par l'employeur, blocs transférables), les femmes continuent d'en supporter le coût en termes de revenus et d'emploi. Cependant, lorsque le congé parental des hommes est réservé, correctement rémunéré, financé par des fonds publics et protégé, son utilisation augmente, les lieux de travail s'adaptent, les perspectives d'emploi des femmes s'élargissent et les enfants découvrent un autre modèle de paternité.

Trois lacunes apparaissent régulièrement dans les débats politiques et cadrent parfaitement avec l'ordre du jour des prochains forums internationaux. En mai 2026, l'OIT organisera une réunion tripartite d'experts sur la protection de la paternité et de la parentalité et les autres congés pour soins. Cet événement réunira des représentants des gouvernements, des employeurs et des organisations de travailleurs afin d'examiner comment les normes internationales du travail peuvent mieux soutenir les responsabilités liées aux soins tout au long de la vie. Cette réunion sera aussi l'occasion d'aborder les lacunes persistantes en matière de couverture, de conception et de financement qui privent des millions de travailleurs d'une protection adéquate.

Les thèmes récurrents sont clairs : Codifier les droits individuels et non transférables de chaque parent (congé de paternité et congé parental). Ensuite, garantir une rémunération adéquate via l'assurance sociale ou les budgets publics (et non uniquement par l'employeur), ainsi qu'une protection solide de l'emploi et une mise en œuvre efficace (dispositions anti-représailles, renversement de la charge de preuve). Enfin, garantir une couverture universelle indépendamment du statut professionnel (travailleurs indépendants, travailleurs informels, travailleurs des plateformes et travailleurs atypiques) ou du statut migratoire, avec des droits dès le premier jour et la transférabilité et légiférer sur les congés rémunérés pour les aidants qui s'occupent de personnes âgées ou de personnes handicapées en utilisant les mêmes principes conceptuels.

L'argument budgétaire est pragmatique : combler l'écart entre les congés rémunérés des deux parents est une mesure modeste sur le plan financier par rapport aux avantages qui en découlent : gains en termes d'emploi, réduction de la pauvreté, réduction de l'écart entre les femmes et les hommes, en particulier dans le cadre d'un financement commun. Selon un rapport de l'OCDE publié en 2024, la réduction des écarts en matière de participation au marché du travail pourrait ajouter 0,10 point de pourcentage à la croissance économique annuelle, ce qui se traduirait par une augmentation de jusqu'à 3,9 % du PIB par habitant d'ici 2060.

Le bénéfice, en fin de compte, est d'ordre culturel. Lorsque les pères prennent un congé réel – de plusieurs mois, et non de quelques jours ; rémunéré, et non symbolique –, les normes qui attribuent les tâches domestiques aux femmes commencent à s'effriter. Les politiques à elles seules ne garantissent pas un tel changement, mais sans politiques adéquates, celui-ci ne peut pas se produire.

28.10.2025 à 04:00

Le travail des enfants dans l'agriculture en Égypte, un fléau social au service des exportations agricoles vers l'Europe

Benjamin Adam

Chaque jour, à trois heures du matin, Mariam, 11 ans, est réveillée par la voix de sa mère qui la presse de se lever et de s'habiller. La jeune fille ouvre les yeux, lasse et insatisfaite de n'avoir fait qu'un court sommeil. Elle sait qu'elle doit se dépêcher si elle ne veut pas perdre sa journée de travail. Rapidement, elle se prépare avec sa mère, avant qu'elles ne soient séparées dans deux camions distincts qui les emmènent vers les fermes désertiques en bordure du village Taha al-Ameda, (…)

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Chaque jour, à trois heures du matin, Mariam, 11 ans, est réveillée par la voix de sa mère qui la presse de se lever et de s'habiller. La jeune fille ouvre les yeux, lasse et insatisfaite de n'avoir fait qu'un court sommeil. Elle sait qu'elle doit se dépêcher si elle ne veut pas perdre sa journée de travail. Rapidement, elle se prépare avec sa mère, avant qu'elles ne soient séparées dans deux camions distincts qui les emmènent vers les fermes désertiques en bordure du village Taha al-Ameda, dans le gouvernorat de Minya, situé à 260 kilomètres au sud du Caire.

Dans le camion, la petite Mariam est assise avec une vingtaine d'autres jeunes filles et enfants, âgés de 9 à 16 ans. Elle est en route vers un champ, pour y passer la journée à récolter des oignons, tandis que sa mère part de son côté avec d'autres femmes pour moissonner le blé. Avant de monter dans le camion, la mère n'oublie pas de donner quelques instructions à sa fille : « Ne t'assois pas sur la porte extérieure, tiens-toi à tes amies, reste au milieu du camion ».

Mariam est l'une de ces millions d'enfants travaillant en Égypte, notamment dans le secteur agricole, pour servir une stratégie de l'État basée sur l'exportation croissante de produits agricoles, notamment vers l'Europe.

Si les chiffres de l'Agence centrale de la mobilisation publique et des statistiques (CAPMAS) – une agence gouvernementale – publiés en 2019, révèlent que plus de 1,8 million d'enfants (âgés de 6 à 16 ans) travaillent en Égypte, dont 64 % dans le secteur agricole, des chercheurs, comme Abdel Mawla Ismail, président de l'Association égyptienne pour les droits collectifs, ainsi que d'autres estimations, suggèrent que le nombre d'enfants travaillant uniquement dans l'agriculture dépasserait les 3 millions.

Selon le chercheur, « la société civile estime que les chiffres officiels sont inexacts, car ils excluent d'importants secteurs non visibles du travail des enfants et ne reflètent pas fidèlement le nombre d'enfants qui travaillent dans les zones rurales, allant jusqu'à nier l'existence même de ce phénomène ».

Des conditions de travail difficiles

Le trajet dure près de deux heures sur des routes non pavées, jusqu'à ce qu'elle atteigne la ferme où elle travaillera. Chaque jour, elle prie pour sa survie, bien consciente des accidents fréquents auxquels elle est exposée. En juin dernier, le camion dans lequel elle se trouvait avec sa mère a été impliqué dans un accident, et sa mère a été blessée, l'empêchant de travailler pendant deux semaines. Quant à Mariam, elle n'a subi que quelques contusions, pas assez graves pour la laisser à la maison sans travailler.

Vers six heures du matin, la fillette commence à récolter des oignons. Elle n'ose pas s'arrêter, tandis que le superviseur leur crie dessus pour qu'elles continuent. « Nous travaillons sous un soleil brûlant et sans protection. Parfois, nous coupons les tuyaux d'irrigation pour boire de l'eau. Elle est aussi chaude que celle que nous utilisons pour nous laver », raconte la mère de Mariam, sa fille à ses côtés.

« J'envoie ma fille travailler dans l'agriculture, parce que nous n'avons pas de revenus, et nous devons travailler toutes les deux pour subvenir aux besoins de la famille. Elle va récolter l'ail, les pommes de terre, les tomates... Moi, je vais récolter le blé, les melons et les raisins. Certains propriétaires de champs préfèrent les jeunes filles, car leur salaire journalier n'est pas élevé ».

La mère de Mariam vit avec ses quatre enfants – Mariam, l'aînée, un garçon et deux filles – dans un appartement de deux-pièces dans le village Taha al Ameda. Elle a perdu son mari d'une insuffisance rénale il y a quatre ans, ce qui l'a laissée dans une situation tragique. « Ici, dans le village, nous sommes toutes des travailleuses temporaires sans emploi fixe. Nous sortons avec d'autres femmes pour travailler dans les champs cultivés. La bonification du désert voisin nous a offert une opportunité, mais le travail est difficile », déclare la femme de 36 ans.

Une longue cicatrice noire est visible sur son visage : « C'est à cause du soufre, pendant la récolte des betteraves. Devant moi, une autre femme récoltait et jetait les tubercules derrière elle. Mais sans voir, elle les a jetées sur moi. Les betteraves sont aspergées du soufre pour qu'il mûrisse rapidement. C'est ce qui m'a brûlé le visage ».

Mariam travaille de six heures du matin à trois heures de l'après-midi, avant de charger les récoltes sur de grands camions pendant une heure, et de rentrer chez elle à 18h. Tout cela pour un salaire journalier de 100 livres égyptiennes (environ 1,80 euro). Sa mère, quant à elle, reçoit entre 130 et 150 livres (2,50 à 2,80 euros) par jour.

Elles travaillent toutes les deux six jours par semaine, et n'ont que le vendredi comme jour de repos pour récupérer. « Si nous n'avions pas ce jour de congé, nous ne pourrions pas continuer à travailler, nous nous effondrerions », confie la mère de famille.

Si Mariam et sa mère prient chaque jour pour rentrer sans un grave accident, ce n'est pas le cas pour d'autres. Le 28 juin dernier, 18 jeunes filles, majoritairement mineures, ont trouvé la mort dans un accident de la route dans le gouvernorat de Menoufiya dans le Delta, alors qu'elles se rendaient au travail dans une ferme pour la récolte du raisin dans une zone désertique voisine. Les médias indépendants les ont surnommées les « martyres à 130 livres », en référence à leur salaire journalier.

L'accident a suscité un débat houleux dans le pays concernant la situation misérable dans laquelle se trouve la campagne égyptienne, en raison des politiques économiques adoptées par le gouvernement égyptien sous la direction du Fonds Monétaire International (FMI) depuis 2016, qui ont augmenté le travail des enfants dans le pays.

La mère de Mariam est restée horrifiée en lisant cette nouvelle et commente : « Nous pourrions faire face au même sort. Chaque jour, nous sortons travailler et nous avons l'impression que c'est la fin. Et on craint aussi les accidents au travail ».

Le travail des enfants : un problème endémique

Ce que les jeunes filles et la mère de Mariam ne savent pas, c'est qu'une partie des camions qu'elles chargent à la fin de leur dure journée de travail, sans droits, est certainement destinée à l'Europe. L'Égypte consolide sa position de fournisseur agricole majeur pour le marché européen.

Selon le ministère de l'Agriculture, l'UE est la destination numéro un pour les produits agricoles égyptiens. Le 13 octobre, le ministère a annoncé un volume d'exportations agricoles de 7.5 millions de tonnes depuis le début de l'année, avec l'UE en tête des destinataires. Parmi les marchandises phares, on retrouve les agrumes, les pommes de terre, la tomate, le raisin, la fraise et autres.

Pour soutenir cette croissance fulgurante, l'Égypte et l'Italie ont lancé la ligne de livraison maritime par transport roulier (appelé RoRo ou Roll-on/Roll-off). Ce nouveau corridor maritime rapide est spécifiquement conçu pour le transport accéléré des fruits et des légumes frais vers les marchés européens. Ces exportations, encouragées par l'État, sont devenues une source essentielle de devises pour le pays. L'État égyptien adopte une stratégie pour hausser les exportations à 100 milliards de dollars par an. Cette stratégie est basée sur les produits agricoles.

« En raison de l'exportation massive, notamment vers l'Europe, le gouvernement a élargi sa politique de bonification du désert pour créer de grandes fermes agricoles, notamment pour la culture du raisin, des oranges, des oignons, etc., ce qui a aggravé le problème du travail informel et de l'exploitation, en particulier des enfants, dans les zones rurales », explique à Equal Times, Abdel Mawla Ismail.

« Le travail des enfants et des femmes est l'un des aspects sombres du secteur agricole en Égypte. Il est largement répandu dans de nombreuses cultures qui nécessitent une main-d'œuvre intensive et n'offrant pas de salaire journalier élevé », note ce chercheur.

L'exploitation d'enfants dans le travail ne se limite pas sur l'Égypte, puisqu'il y aurait près de 138 millions d'enfants dans le monde qui travaillent, selon les dernières estimations de l'Organisation internationale du Travail (OIT), publié en 2024.

Outre les enfants, il y a 5 millions de femmes travaillant dans l'agriculture, (selon un recensement mené en 2010 -dernier recensement en date, des travailleurs dans le secteur agricole), et « aucune d'entre elles n'a d'assurance sociale, ni d'assurance-maladie, rien. Elles travaillent toute la journée et dans certains cas, 10 heures par jour », dit Abdel Mawla, affirmant que l'espérance de vie de ces travailleuses ne dépasse pas les 50 ans.

De son côté, le chef du syndicat des agriculteurs, Abdel Fattah Abdel Aziz, a précisé : « Aujourd'hui, il existe une interdiction du travail des enfants en dessous de 15 ans. Il y a le Conseil national de l'enfance et de la maternité. Mais en même temps, il n'y a pas de suivi réel. Combien d'enfants travaillent vraiment ? Il n'y a pas de système d'observation précis. Et c'est ça le problème ».

Le recours au travail des enfants est particulièrement important dans la récolte du jasmin dont la majorité de la production est destinée à l'Europe. Depuis des années, l'Égypte se place comme leader mondial de la production du jasmin avec environ 60% du marché mondial, et comme le premier exportateur de cette fleur vers l'Europe, surtout pour le groupe français LVMH. Une enquête publiée en mai 2024 par le média britannique, BBC, sur le travail des enfants comme cueilleur de jasmin, a mis en lumière ce phénomène.

« Dès le début du mois de juin jusqu'à fin novembre, des milliers d'enfants récoltent chaque nuit cette fleur qui entre dans la composition de beaucoup de parfums. Ils travaillent dans des conditions difficiles, sans protection et pour un prix misérable », précise Abdel Mawla Ismail.

« Les producteurs du jasmin, comme pour certaines autres cultures, ont recours aux enfants pour leur petite taille, et parce qu'ils sont plus agiles pour ramasser sans trop se baisser », ajoute-t-il. Si le prix d'un kilo de jasmin en France dépasse les 80 euros, en Égypte, il atteint à peine 100 livres égyptiennes (moins de 2 euros). Le cueilleur touche seulement les deux tiers (soit 1,2 euro par kilo). Un prix imposé par les grossistes qui exportent leur produit en Europe.

Ce travail a des conséquences néfastes sur les enfants. « Les enfants qui travaillent comme ça, souffrent d'une mauvaise santé, et quelquefois de maladies chroniques à cause de l'utilisation des pesticides et de l'exposition prolongée au soleil. Aussi, beaucoup ne peuvent pas aller à l'école », dit le syndicaliste.

Selon des estimations officielles, il y a 18,4 millions d'Égyptiens à partir de 10 ans, sont analphabètes, dont la plupart se trouvent dans des gouvernorats considérés ruraux.

Après une journée épuisante sous un soleil de plomb, Mariam et sa mère rentrent chez elles avec 230 livres égyptiennes (3,50 euros) en poche. Une somme à peine suffisante pour nourrir une famille de six personnes. Demain, elles se lèveront à nouveau, prêtes à récolter des produits qui, très probablement, prendront le chemin de l'Europe.

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