
19.11.2025 à 12:33
Yurani Marcela Lancheros, 36 ans, est en Espagne depuis deux ans et quatre mois. « Non, cinq. Le 13, ça en fera cinq », rectifie-t-elle. Les comptes ont leur importance. Yurani, infirmière de métier, est arrivée de son pays d'origine, la Colombie, avec ses enfants de 12 et 7 ans. Tous avec des visas de tourisme. C'est comme ça que ça marche et pas autrement, lui a-t-on dit. On atterrit en touristes puis on reste. On reste et on se fond dans la masse, on « n'existe pas » juridiquement, mais (…)
- Actualité / Espagne, Travail décent, Migration, Réfugiés, Politique et économie, UE, Extrême-droite , Salman YunusYurani Marcela Lancheros, 36 ans, est en Espagne depuis deux ans et quatre mois. « Non, cinq. Le 13, ça en fera cinq », rectifie-t-elle. Les comptes ont leur importance. Yurani, infirmière de métier, est arrivée de son pays d'origine, la Colombie, avec ses enfants de 12 et 7 ans. Tous avec des visas de tourisme. C'est comme ça que ça marche et pas autrement, lui a-t-on dit. On atterrit en touristes puis on reste. On reste et on se fond dans la masse, on « n'existe pas » juridiquement, mais on travaille. Dans l'agriculture, la construction, l'hôtellerie et la restauration, les soins et les services de nettoyage à domicile. Des secteurs où il est possible de travailler sans « exister ».
« Vivre sans papiers, c'est très dur. Cela implique de devoir être prête à tout endurer, jusqu'à la maltraitance, l'humiliation. Cela veut dire s'échiner à la tâche, être très mal payée, ne presque jamais voir sa famille, ne pas avoir de liens sociaux, ne pas avoir de vie », confie Yurani.
Son profil, celui d'une femme d'origine latino-américaine appartenant à la tranche d'âge de 30 à 60 ans, employée dans les soins et le travail domestique, est aujourd'hui représentatif d'une grande partie de la population migrante en situation irrégulière en Espagne. Une population difficile à quantifier – environ 700.000 personnes, selon certaines estimations – qui, contrairement à ce que l'on croit généralement, arrivent le plus souvent non pas sur des embarcations de fortune via la Méditerranée, ni en franchissant physiquement les frontières, mais par les aéroports, comme n'importe quel autre touriste.
Une fois entrées, ces personnes subsistent du mieux qu'elles peuvent, avec toutes les limitations qu'implique la vie dans la clandestinité, jusqu'à ce qu'elles trouvent – avec un peu de chance – un moyen de régulariser leur situation. Deux ans et cinq mois plus tard, Yurani vient d'y parvenir.
« Lorsque j'ai appris que ma demande d'“arraigo” avait été acceptée, j'ai pleuré de joie. Je ne pensais qu'à une seule chose : ça y est, nous existons enfin, nous avons une carte d'identité ».
Le terme « arraigo » vient de « prendre racine » et désigne une notion juridique propre au système espagnol, la seule procédure ordinaire qui permette, sous réserve de remplir certaines conditions, de régulariser tous ces travailleurs invisibles et de leur accorder un permis pour séjourner et travailler dans le pays. Ce qu'ils et elles faisaient déjà, mais cette fois sans crainte et avec des papiers en règle.
En 2025, le gouvernement espagnol a décidé de s'engager dans cette voie, à contre-courant de la tendance anti-immigration mondiale actuelle, en élargissant et en facilitant les possibilités pour des personnes comme Yurani de se sortir de leur situation irrégulière.
L'arraigo n'était toutefois pas la première option. L'Espagne, à l'instar d'autres pays européens (Italie, Portugal, Grèce, France), a d'abord tenté des régularisations extraordinaires. Il s'agissait dans ce cas de procédures exceptionnelles et massives visant à régulariser en bloc des centaines de ressortissants étrangers. En Espagne, neuf régularisations extraordinaires ont été menées entre 1986 et 2005, sous des gouvernements de différents bords, jusqu'à ce que la Commission européenne n'intervienne. Tout en reconnaissant la nécessité d'intégrer ces personnes, elle a proposé que la régularisation se fasse au cas par cas et non en bloc.
C'est ainsi qu'a vu le jour le concept d'arraigo, à savoir la possibilité de demander un permis de séjour et de travail temporaire, à condition de pouvoir prouver que l'on réside en Espagne depuis au moins trois ans et que l'on y a établi des liens, qu'ils soient familiaux, professionnels (en fournissant un contrat de travail provisoire) ou sociaux (en fournissant une attestation d'intégration délivrée par la municipalité).
« L'arraigo est une voie de sortie », souligne M. Fanjul. « Imaginez une baignoire dans laquelle l'eau coule en continu : l'arraigo est comme un trop-plein qui empêche la baignoire de déborder et que la situation ne devienne comme aux États-Unis, où une population indéterminée comprise entre 12 et 15 millions de personnes vit depuis des décennies en situation irrégulière. »
Depuis 2005, l'arraigo a connu différentes réformes, mais la plus « ambitieuse et complète » – selon les termes de la ministre des Migrations, Elma Saiz – a eu lieu en 2024 et est entrée en vigueur en mai 2025. La norme prévoit jusqu'à cinq modalités d'arraigo : en plus de la régularisation sociale, familiale et de deuxième chance (pour les étrangers qui ont perdu leur ancien permis pour des raisons administratives), la régularisation est surtout facilitée par la voie socio-professionnelle (à condition de disposer d'un contrat d'au moins 20 heures semaine) et socio-éducative (en s'inscrivant à une formation professionnelle ou secondaire non obligatoire).
Un autre aspect important est que la durée de séjour obligatoire en Espagne pour la régularisation est écourtée de trois à deux ans, ce qui représente une année de moins d'insécurité, de précarité et de travail non déclaré.
La nouvelle réglementation espagnole se démarque de la politique actuelle de rejet des migrants économiques. Le problème, estiment les acteurs sociaux, est qu'elle laisse les demandeurs d'asile sans protection. Pour tenter de décourager ce recours, la réglementation pousse directement vers l'irrégularité les personnes dont la demande d'asile est rejetée. Ces personnes ne seront de fait pas éligibles à l'arraigo sans être passées par le calvaire de deux années sans papiers.
C'est précisément ce que craint le plus Sara María Viafra. Pharmacienne d'origine colombienne de 52 ans, elle est arrivée en Espagne en 2022, après avoir fui les menaces de la guérilla. Elle est arrivée avec un visa touristique, car elle ne pouvait pas faire autrement. Ce n'est qu'une fois dans le pays qu'elle a déposé une demande d'asile, ce qui lui a permis d'obtenir la « carte rouge (tarjeta roja) » qui autorise les demandeurs de séjourner et de travailler légalement pendant que leur demande est traitée.
C'est ainsi que Sara travaille, avec une autre collègue paraguayenne, en tant que soignante auprès d'une femme atteinte de sclérose en plaques et de sa mère atteinte d'Alzheimer. Un emploi qu'elle risque de perdre après trois ans si sa demande d'asile est rejetée. « Si ma demande est refusée, je vous avoue sincèrement que je n'oserais pas sortir dans la rue. L'idée de passer deux ans sans papiers me fait très peur. »
Des cas comme celui de Sara ont conduit plusieurs organisations à saisir la Cour suprême, et d'autres à réclamer une nouvelle régularisation extraordinaire – une pétition qui a déjà recueilli le soutien de 600.000 signatures citoyennes – afin de pouvoir traiter tous ces cas.
« Il s'agit de personnes qui travaillaient, cotisaient, payaient des impôts et que nous avons soudainement placées dans une situation irrégulière pendant deux ans, avant de les ramener à la régularité. Cela n'a aucun sens », explique Elena Muñoz, coordinatrice nationale du département juridique de la Commission espagnole d'aide aux réfugiés (CEAR).
Des propos que partage Antonio Borrego, l'avocat de Sara à l'Asociación Málaga Acoge. « Dans l'hypothèse où sa demande d'asile se verrait rejetée, Sara ne disposerait plus que de deux options : faire appel de cette décision et prolonger l'agonie, ou attendre deux ans dans l'irrégularité. Une punition gratuite. »
En 2024, le nombre total de régularisations accordées en vertu de l'arraigo en Espagne a atteint 223.396 cas. Pour cette année, le gouvernement estime que la nouvelle réforme permettra de régulariser en moyenne 300.000 personnes. Les syndicats ont toutefois revu leurs attentes à la baisse, étant donné que de nombreuses nouvelles demandes sont déjà retardées en raison d'un manque de ressources dans les offices des étrangers. Le renforcement des effectifs n'a pas été à la hauteur de la norme.
Malgré cela, les syndicats sont généralement favorables à cette approche. Du côté de l'UGT, Patricia Ruiz, secrétaire à la santé au travail, reconnait que « la réforme représente une avancée réelle et concrète en matière d'immigration ; il est nécessaire de reconnaître à ces personnes la possibilité d'être des citoyens à part entière, puisqu'elles contribuent à l'économie ».
La question qui se pose face aux nouvelles dispositions de l'arraigo est de savoir pourquoi une procédure censée sortir les personnes de l'irrégularité continue de contraindre celles-ci – ainsi que les demandeurs d'asile – à passer deux ans sur ce territoire dans la clandestinité, les condamnant à vivre dans la précarité de l'économie informelle, avec tous les abus que cela suppose. Il est bien connu que le statut de migrant irrégulier est aujourd'hui l'un des déterminants les plus défavorables de la vulnérabilité sociale et juridique, que leur statut irrégulier fait de ces personnes des citoyens de troisième ordre, restreignant leurs droits, limitant leur accès à la justice, à la santé ou à l'éducation, ainsi qu'aux aides publiques, rendant difficile leur accès au logement et les conduisant au chômage et à l'exploitation.
Cette conjonction de difficultés explique leurs niveaux très élevés d'exclusion sociale, 81 % contre 68 % pour les ressortissants de pays non membres de l'UE en situation régulière, soit 26 % de la population espagnole. Le sort des enfants sans papiers est également dramatique. Pour eux, l'irrégularité est synonyme de peur et de précarité, mais aussi de manque d'opportunités puisqu'ils ne peuvent pas obtenir de diplômes, de bourses d'études ou d'aides publiques.
Pour Juan Iglesias, sociologue et chercheur à l'Institut des migrations internationales de l'université de Comillas, l'irrégularité persiste dans la mesure où tous ces travailleurs invisibles, précaires, productifs et sans droits soutiennent le système.
« Personne ne veut le dire explicitement, mais l'immigration irrégulière telle qu'elle existe a été fondamentale pour notre marché du travail, pour la croissance de notre économie, pour les grandes entreprises, pour les petits employeurs, pour les familles qui doivent répondre à leurs besoins en matière de soins. Nous sommes tous concernés. »
À plus long terme, toutefois, l'irrégularité est également préjudiciable pour le pays dans son ensemble. Selon une étude de la Fundación porCausa, l'Espagne perd chaque année au moins 3.400 euros en impôts et cotisations pour chaque travailleur sans papiers.
« Vous aurez beau augmenter la taille du trop-plein, le problème fondamental est que la baignoire continue de se remplir de personnes arrivant de manière irrégulière. Le fait est que nous avons un modèle migratoire défaillant. Ce qu'il faut, c'est faciliter des voies de migration sûres, légales et ordonnées : visas de recherche d'emploi, mécanismes de recrutement à l'origine, modèles de mobilité temporaire. Il s'agit de programmes pas toujours faciles à mettre en œuvre. Dans certains pays, il faut composer avec des institutions faibles et un manque de ressources financières. Le principal problème n'est cependant pas d'ordre technique ou économique, mais politique. Le système est étouffé par une prudence pathologique, du fait qu'il s'agit d'un enjeu hautement inflammable. »
Quatre mois à peine après l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur l'immigration, les groupes politiques de droite et d'extrême droite PP et Vox se sont alliés pour voter au Congrès en faveur d'une proposition visant à « restreindre la régularisation des immigrés par le biais de l'arraigo ». La proposition, bien qu'elle n'ait pas été adoptée, reflète un positionnement clair : l'intention de profiter de ce potentiel « inflammable », de l'attiser suffisamment pour rallier le soutien de la population.
« Ceux qui soutiennent ces arguments contre le droit à la régularisation le font soit par ignorance, soit par pure hypocrisie. Ils savent comment fonctionne le système, mais ils préfèrent alimenter les narratifs xénophobes à des fins électoralistes », souligne M. Iglesias.
« La suppression de l'arraigo ferait beaucoup de tort aux migrants, mais elle ferait un tort extraordinaire à la société dans son ensemble, elle engendrerait un véritable chaos. Elle créerait des poches de marginalité, des sociétés de deuxième et troisième classe, elle rendrait nos sociétés plus difficiles, plus insécurisées, plus pauvres », a déclaré Gonzalo Fanjul.
L'arraigo ne constitue pas une garantie de conditions justes et égales. Il n'est pas toujours facile de faire pousser des racines dans une terre aride. Comme le montre l'étude Un arraigo sobre el alambre (« L'arraigo sur le fil »), réalisée par Juan Iglesias et d'autres auteurs, si les migrants, une fois régularisés, parviennent à une bonne intégration socioculturelle, l'intégration économique et professionnelle, en revanche, est loin d'être simple. Même avec des papiers, ils continuent de faire l'objet d'une ségrégation, qui se traduit par des emplois, des salaires et des logements moins bons. Il s'agit d'un enracinement précaire, néanmoins, rappelle M. Iglesias, la démarche « s'inscrit dans le sens de la dignité ».
En définitive, que l'on modifie ou non le dispositif d'arraigo, « ce qui ne changera pas », insiste le sociologue, « c'est notre besoin structurel de main-d'œuvre, d'immigration. Ils continueront à venir travailler, mais dans de moins bonnes conditions, avec plus d'informalité, avec moins de droits, comme aux États-Unis ».
17.11.2025 à 12:24
Principale cause de blessure au travail en Suède, les lésions dues à l'exposition régulière aux vibrations mécaniques toucheraient des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs dans le monde, alors que personne ou presque n'en parle.
Ces lésions dues aux vibrations transmises aux mains et aux bras (également connues comme syndrome vibratoire mains-bras ou HAVS, selon l'acronyme anglais) résultent généralement d'une exposition prolongée aux vibrations produites par le type (…)
Principale cause de blessure au travail en Suède, les lésions dues à l'exposition régulière aux vibrations mécaniques toucheraient des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs dans le monde, alors que personne ou presque n'en parle.
Ces lésions dues aux vibrations transmises aux mains et aux bras (également connues comme syndrome vibratoire mains-bras ou HAVS, selon l'acronyme anglais) résultent généralement d'une exposition prolongée aux vibrations produites par le type de machines-outils portatives (meuleuses, pilonneuses, scies rotatives, clés à chocs et perforateurs, pour n'en citer que quelques-unes) utilisées par les travailleurs dans des secteurs tels que la construction, l'industrie manufacturière, l'industrie de la pierre et la sylviculture.
« On voit des jeunes d'à peine 19 ans qui souffrent de séquelles à vie en raison de l'utilisation de ces machines », déplore Johan Torstensson Aas, coordinateur santé et sécurité pour Byggnads, un syndicat suédois représentant plus de 100.000 travailleurs de la construction.
Les types de lésions et de maladies causées par le syndrome HAVS affectent les mains, les poignets et les bras, ce qui a un impact à la fois sur la capacité d'une personne à accomplir son travail et à effectuer des tâches quotidiennes simples.
La lésion professionnelle la plus courante est un trouble communément désigné comme « doigt blanc dû aux vibrations ». Il s'agit d'une variante du phénomène de Raynaud dans lequel l'utilisation d'outils à main vibrants endommage de manière permanente les vaisseaux sanguins, les nerfs et les muscles, entraînant un blanchiment des doigts, ainsi qu'une diminution de la force de préhension et de la dextérité des doigts. D'autres symptômes incluent le syndrome du canal carpien et le syndrome de Dupuytren, également appelé « maladie des Vikings », qui se caractérise par la formation de bosses dans la paume de la main, entraînant une déformation progressive d'un ou plusieurs doigts vers la paume.
Après des années de discussions et des décennies de recherche et de sensibilisation sur ce sujet, qui ont abouti, en 2023, à la 15e Conférence internationale sur les vibrations main-bras à Nancy, en France, où les participants ont discuté de la manière d'évaluer les chocs mécaniques transmis à la main (en anglais « hand transmitted mechanical shock » ou HTS) et les vibrations à haute fréquence (également appelées « ultra-vibrations » ou UV), une nouvelle norme visant à protéger les travailleurs contre ces traumatismes fait actuellement l'objet d'un vote final. La norme qui en résultera devrait être rendue publique d'ici janvier 2026.
La norme ISO 5349-3, parfois désignée sous la référence 5349 Partie 3 ou sous son titre complet Vibrations mécaniques – Mesurage et évaluation de l'exposition des individus aux vibrations transmises à la main – Partie 3 : Évaluation de chocs isolés ou répétés en utilisant la gamme de fréquences couverte par l'ISO 5349-1, est un addendum à l'ISO 5349-1, qui a été publiée pour la première fois en 1986 avant d'être mise à jour en 2001. La norme ISO 5349-1 décrit les critères généraux pour mesurer les vibrations en vue de l'évaluation du risque de HAVS, mais elle n'inclut pas les chocs. La norme ISO 5349-3 prévoit pour la première fois de mesurer les fréquences de vibration jusqu'à 1250 Hz ainsi que les HTS (il convient toutefois de noter qu'il n'existe aucune recommandation sur ce qui constitue un niveau de choc sûr, dans la mesure où ce niveau n'a jamais été mesuré auparavant).
Le chercheur suédois Hans Lindell est une éminence mondiale en matière d'impact de l'exposition humaine aux vibrations et aux chocs transmis par la main, ayant travaillé sur cette question pendant plus de 35 ans. Entre 2014 et 2024, il a dirigé le projet de recherche pionnier « Zero-Vibrations Related Injuries », qui visait à éliminer toutes les blessures liées aux vibrations sur le lieu de travail. Aujourd'hui, il poursuit ses recherches dans le cadre du Research Institute of Sweden (RISE), tout en animant le Comité technique de l'ISO (ISO/TC 108/SC 4/WG 3) chargé d'élaborer cette nouvelle norme. Selon lui, le nouveau Réglement européen sur les machines, qui remplacera la directive européenne existante sur les machines et deviendra une loi nationale dans les 27 États membres de l'UE le 20 janvier 2027, a donné l'impulsion nécessaire à l'élaboration de la norme ISO 5349-3.
« La norme actuelle, ISO 5349 Partie 1, ne prend pas en compte les risques liés aux pics d'accélération », explique M. Lindell. Ces risques sont toutefois pris en compte dans le nouveau Règlement sur les machines, qui impose aux fabricants et aux fournisseurs de machines de déclarer l'amplitude maximale de l'accélération résultant de vibrations répétitives. La norme ISO 5349-1 est une norme harmonisée, ce qui signifie qu'elle soutient le Règlement sur les machines en établissant une présomption de conformité. La norme a toutefois dû être mise à jour afin d'être conforme au nouveau Règlement.
Mais voilà où les choses se compliquent. « D'une part, cette nouvelle norme est une excellente initiative », signale M. Lindell. « Il est enfin reconnu que les accélérations maximales, les chocs et les vibrations impulsives ont un impact sur la santé des opérateurs de machines. »
Cependant, la nouvelle norme ne tient pas compte des chocs à haute fréquence supérieurs à 1.250 Hz, qui, selon M. Lindell, constituent la grande majorité des chocs et sont de loin les plus dangereux. Il explique qu'étant donné le délai de 42 mois accordé entre l'adoption du nouveau Règlement sur les machines en 2023 et son entrée en vigueur en 2027, l'industrie des outils électriques ne considérait pas être en mesure de mettre à jour ses produits ou ses équipements de mesure suffisamment rapidement si des valeurs plus basses étaient fixées. Un compromis a donc été trouvé. « Par conséquent, cette nouvelle norme [Partie 3] ne couvrira qu'environ 5 % des vibrations [de choc] qu'elle visait à prévenir. Ce qui est évidemment problématique. »
En réponse à cela, M. Lindell et son Comité technique ISO planchent actuellement sur une nouvelle norme, ISO 5349 Partie 4, qui vise à mesurer les ultra-vibrations jusqu'à 10.000 Hz, couvrant ainsi la majeure partie des vibrations de choc. « La norme ISO 5349-4 présente l'avantage d'être très moderne, car nous ne devrons plus nous appuyer sur une norme de mesure/équipement [ISO 8041 sur la réponse humaine aux vibrations] qui remonte à près de 40 ans et qui est vraiment obsolète. » Cependant, « cela nécessitera la mise à niveau de tous les systèmes de mesure actuellement présents sur le marché », explique Torstensson Aas. « C'est ce qui fait actuellement l'objet de discussions et c'est à ce niveau que nous devons exercer une pression [sur l'industrie] ».
Un problème subsiste toutefois, voire plusieurs. « Alors que les fabricants doivent désormais indiquer la valeur moyenne de l'amplitude maximale dans le mode d'emploi de leurs produits, aucune limite n'est encore fixée quant à l'intensité des vibrations d'une machine », explique Torstensson Aas, qui note qu'il existe :
« des machines si puissantes qu'une personne ne peut les manipuler que pendant 30 secondes, sans que cela ne pose de problème en termes de leur commercialisation. Comment est-ce possible ? Même si on respecte les règles, des travailleurs continueront à se blesser. »
Il y a également la question de l'accès des travailleurs et des employeurs aux règles mêmes qui sont censées garantir la santé et la sécurité des opérateurs de machines. « On ne peut pas s'assurer que les normes sont respectées si les gens n'y ont pas accès », explique le syndicaliste suédois, faisant référence au fait que les normes sont des documents élaborés en privé et protégés par le droit d'auteur, et qui doivent être achetés. Bien qu'un récent arrêt de la Cour européenne de justice ait statué que le grand public devait avoir librement accès aux normes harmonisées, « cela reste compliqué. Il faut déposer une demande, et même dans ce cas, l'accès est limité à la lecture seule. Il est essentiel que l'accès aux normes soit libre et ouvert », affirme Torstensson Aas.
Tout ceci soulève la question : pourquoi les fabricants sont-ils autorisés à lancer des produits aussi dangereux sur le marché ? Bien que le guide officiel pour l'application de la directive machines stipule que les fabricants doivent « concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à réduire la génération de vibrations à la source », les mesures prises sont loin d'être suffisantes, selon les défenseurs de la santé et de la sécurité au travail. Et ce, malgré le fait que le projet Zero Vibration ait développé plusieurs prototypes d'outils à faibles vibrations et d'accessoires anti-vibrations pour les machines existantes. Parmi les exemples, on peut citer un amortisseur de vibrations à calibrage automatique (ATVA) pour les marteaux pneumatiques, l'insertion d'une bague d'équilibrage à roulement à billes pour réduire les vibrations sur les machines rotatives, ou encore l'application d'une fine couche de mousse polymère sur les machines existantes.
Toutes ces solutions sont peu coûteuses – l'option à roulement à billes revient à environ 1 € par unité une fois produite à grande échelle – et ont eu un impact considérable sur les vibrations : il a été démontré que le revêtement en polymère réduisait jusqu'à 80 % les pics d'accélération des vibrations à haute fréquence. Pourtant, dans l'ensemble, les fabricants n'utilisent toujours pas ces options.
« Les effets néfastes des vibrations sont largement connus, mais même lorsque les coûts sont faibles, le fait est que les personnes qui achètent ces outils ne sont pas celles qui les utilisent, de sorte que très souvent, elles optent simplement pour le prix le plus bas », explique M. Lindell. Ce qui a pour conséquence, toujours selon M. Lindell, que le marché des machines à faibles vibrations est peu développé et que les incitations pour les fabricants à réduire les vibrations sont limitées. M. Torstensson Aas partage cet avis : «
Les fabricants de ces machines répondent à la demande des clients. Si personne ne demande des machines à faibles vibrations ou des mesures de réduction des vibrations et qu'aucune réglementation ne les y oblige, les fabricants ne se donneront pas la peine de le faire. »
Cela revient en somme à transférer « la responsabilité de protéger les travailleurs aux travailleurs et aux employeurs, ce qui est une tâche impossible dans la plupart des lieux de travail », explique M. Lindell.
Il évoque aussi un autre obstacle : « Ces blessures touchent une catégorie de travailleurs dont la voix n'est peut-être pas très entendue. Si ce type de blessures touchait des cols blancs, nous ne serions certainement pas dans cette situation », affirme-t-il, établissant un parallèle avec les efforts considérables déployés en Suède il y a quelques années pour protéger les travailleurs sensibles aux champs électromagnétiques émis par les appareils électroniques.
« Bien qu'il n'existe aucune preuve médicale réelle à ce sujet, par pure précaution, les employeurs et l'industrie ont déployé des efforts considérables pour réduire ces émissions électriques provenant des écrans d'ordinateur. Si l'on compare cela à ce qui est fait aujourd'hui pour les lésions dues aux vibrations, le contraste est frappant. En effet, malgré des preuves médicales abondantes depuis plus de 100 ans, très peu de mesures ont été prises. »
Pour Torstensson Aas, il est urgent et essentiel d'introduire des limites strictes sur les vibrations des machines, mais aussi sur le niveau d'UV. « Ce que je ne comprends vraiment pas, et c'est peut-être la plus grande faille des normes et des règles, c'est comment est-il possible de commercialiser un produit dangereux, susceptible de rendre les gens malades et de les blesser à vie, alors qu'il existe d'autres options ? Nous avons des limites sur le bruit, la vitesse, les émissions dans l'atmosphère, alors pourquoi n'y a-t-il pas de limites concernant les vibrations de ce type d'outils ? Pourquoi existe-t-il deux produits qui font exactement la même chose, mais dont l'un peut être utilisé pendant huit heures sans causer de blessures et l'autre seulement pendant 15 minutes en raison de la puissance de ses vibrations ? Les fabricants devraient être tenus de respecter des limites claires afin de garantir la santé et la sécurité des travailleurs », insiste le syndicaliste suédois.
14.11.2025 à 05:00
Été après été, les feux de forêt ravagent des zones de plus en plus étendues de l'Europe. Depuis le début de l'année 2025, plus d'un million d'hectares sont partis en fumée sur le continent, dont plus de la moitié entre le Portugal (278.121 hectares) et l'Espagne (391.938 hectares), où les incendies dévastateurs d'août et septembre derniers ont révélé de manière tragique la profonde précarité des conditions de travail et des ressources, de même que dans certains cas, une préparation (…)
- Actualité / Travail décent, Environnement, Santé et sécurité, Crise climatique, Morts au travail, Développement durable, Salman Yunus, Transition justeÉté après été, les feux de forêt ravagent des zones de plus en plus étendues de l'Europe. Depuis le début de l'année 2025, plus d'un million d'hectares sont partis en fumée sur le continent, dont plus de la moitié entre le Portugal (278.121 hectares) et l'Espagne (391.938 hectares), où les incendies dévastateurs d'août et septembre derniers ont révélé de manière tragique la profonde précarité des conditions de travail et des ressources, de même que dans certains cas, une préparation insuffisante des effectifs.
Leur situation scandaleuse place ces travailleurs, et la société dans son ensemble, dans une situation de risque potentiel injustifié face aux incendies d'été qui, sous l'effet du changement climatique, deviennent plus importants, plus voraces et plus difficiles à maîtriser, et touchent des latitudes de plus en plus septentrionales du continent.
Les Européens – et leurs responsables politiques – n'en sont pas encore pleinement conscients, mais ces incendies ne sont pas comme avant. « Malheureusement, la tendance est à des incendies de plus en plus graves, non pas en quantité, mais en ampleur », explique dans un entretien avec Equal Times Roberto Cribeiro, agent environnemental de la Xunta (le gouvernement régional de Galice, au nord-ouest de l'Espagne) pour la comarque de Ferrolterra.
« Les incendies de cinquième génération, qui saturent les dispositifs d'urgence en raison de la simultanéité des foyers et de leur extrême virulence, et ceux de sixième génération, de plus en plus imprévisibles, modifient les conditions météorologiques de la zone et sont, pour un temps, inextinguibles. Sous l'effet du changement climatique, ces incendies surviennent de plus en plus au nord et cessent d'être l'apanage du pourtour méditerranéen », avertit-il.
M. Cribeiro possède plus de 30 années d'expérience dans le nord-ouest de la péninsule ibérique, la région où se concentrent les plus grandes plantations d'eucalyptus du continent. Pendant des heures, nous avons arpenté avec lui les pistes de montagne de la Sierra de la Capelada, sur la côte nord-ouest de l'Espagne, où la culture de ces arbres à croissance rapide et économiquement rentables, arrivés d'Australie il y a un siècle et demi et convoités par les industries du bois et du papier, a jusqu'à présent permis de limiter le nombre d'incendies, tout en introduisant un important facteur de risque. « L'eucalyptus est pyrophile, c'est-à-dire qu'il brûle facilement et survit aux flammes, suivant une stratégie évolutive qui consiste à éliminer les autres espèces concurrentes », explique M. Cribeiro.
L'agent déplore le dépeuplement, l'exode rural et l'absence de gestion adéquate des terres, autant d'éléments qui rendent la prévention plus difficile que jamais. En attendant, il prévient que pas même la côte nord humide de l'Espagne n'est épargnée. En effet, on dénombre en été de plus en plus de jours où sévissent les redoutables conditions dîtes « 30/30/30 » (soit plus de 30 degrés de température, moins de 30 % d'humidité et des vents de plus de 30 km/h, généralement en provenance de l'Atlantique).
« Les incendies sur lesquels je suis intervenu en 2005 n'étaient pas ceux de 2015, ni ceux de cette année en Galice », convient Ángel Rubio, pompier forestier du gouvernement régional d'Andalousie (au sud de l'Espagne) et coordinateur chargé de l'action climatique et de la transition écologique juste auprès de l'UGT. « Ces incendies laissent présager le pire pour l'avenir. J'ignore si ces phénomènes majeurs pourraient toucher d'autres régions d'Europe de la même manière, mais nous avons assisté à l'apparition simultanée d'incendies dans les pays de l'arc méditerranéen, ce qui a obligé des pays présentant un risque moindre à transférer leurs ressources de secours, sans que le système européen ne s'effondre pour l'instant, et je ne suis d'ailleurs pas sûr si ce scénario pourrait se produire à court terme », a déclaré M. Rubio à Equal Times.
Ce n'est pas de la science-fiction, insiste-t-il : « Nous avons déjà vécu des phases de simultanéité du Portugal, de l'Espagne, de la France et de l'Italie aux Balkans, à la Grèce et à la Turquie. Si l'Europe centrale venait s'y ajouter, entraînant un possible effondrement du système tout entier, cela dépendrait avant tout de la météo »... et donc, du changement climatique.
« C'est précisément là, au centre de l'Europe, que se trouvent les grandes réserves forestières d'Europe, et si une situation de blocage anticyclonique se produit, avec des vagues de chaleur continues et un manque de précipitations, on obtient alors un cocktail parfait capable d'engendrer un scénario assez complexe », explique-t-il.
Les pays d'Europe centrale et septentrionale ne sont pas encore habitués ni préparés à des incendies de cette ampleur : « Pourvu que je me trompe, mais au vu de la rapidité avec laquelle les incendies ont évolué depuis le début du siècle, et de la manière dont nous sommes passés en Espagne de la lutte contre les incendies de forêt à la nécessité de nous concentrer sur la protection et l'évacuation des populations, je ne considère pas impossible, d'ici cinq ou six ans, un scénario dans lequel l'Europe entière serait débordée. » « Cela mérite réflexion », insiste-t-il, « car ces dernières années, l'évolution a été exponentielle ».
La péninsule ibérique a déjà connu des incendies de forêt aux proportions dantesques, tels que ceux survenus en 2017 au Portugal et, en particulier, ceux qui ont fait rage en 2025 en Espagne, où l'émoi social a été immense, et ce pendant plusieurs semaines. Les médias n'ont cessé de répéter qu'en réalité, « les incendies sont éteints en hiver », car ce qui est apparu au grand jour, c'est une réalité du travail insoutenable, qui perdure depuis des années, sans améliorations : la précarité scandaleuse, la saisonnalité et le manque de ressources des pompiers forestiers, qui souffrent non seulement de salaires indignes pour un travail à haut risque, mais aussi d'un manque d'équipement adéquat et, bien souvent, d'un manque de formation professionnelle adéquate, sans compter une organisation du travail qui se traduit par des heures de travail littéralement exténuantes.
Pour un pays qui depuis trois décennies ne cesse d'accroître sa masse forestière (laquelle représente aujourd'hui 56 % de son territoire), l'Espagne n'investit que 0,08 % de son PIB dans la prévention et l'extinction des incendies. À cela s'ajoute le fait que cette compétence relève des gouvernements autonomes, de sorte que chaque région dispose d'une gestion et de ressources différentes.
« Si on se représentait la structure d'aménagement et de gestion du territoire telle une chaise, la précarité existante représenterait un pied cassé », affirme lors d'un entretien avec Equal Times Anxo Pernas, responsable galicien des pompiers forestiers au sein de la centrale syndicale espagnole CCOO.
Il met en garde contre l'incompatibilité des approches, même dans des communautés limitrophes dirigées par des gouvernements de même bord politique (en l'occurrence, de droite) : « En Galice, on tend vers le public, et en Castille-et-Léon vers le néolibéralisme le plus crasse, avec une détérioration totale du modèle de gestion », basé sur la privatisation, la temporalité et une réduction radicale des dépenses. « En tant que gestionnaire public, ce que vous ne pouvez pas faire, c'est vous désengager et affirmer que la Castille-et-Léon ne peut pas se permettre de maintenir un service de prévention et d'extinction des incendies toute l'année », rappelle-t-il. Un propos d'ailleurs partagé en 2018 par son conseiller régional à l'environnement, qui parlait d'“absurdité”, de “gâchis” et de “dilapidation de fonds publics”. »
« Pour eux, il n'y a que la rentabilité économique qui compte, or la Constitution garantit un usage social de l'environnement ». Pour le protéger, il faudrait « des conditions professionnelles, et non des conditions minimales » et ne pas « jouer avec un service qui ne relève, en partie, guère plus que du volontariat ».
Il est également nécessaire de « gérer le territoire de l'Espagne vide », car à l'heure actuelle, estime-t-il, les investissements sont réalisés lorsque le mal est déjà fait, et « est-ce que nous gagnons quoi que ce soit en dépensant des millions dans l'extinction alors que nous ne faisons pas d'investissements dans la prévention » ? Il s'agit de trouver le juste milieu. Si seulement les corps de sapeurs-pompiers étaient inactifs toute la journée, mais maintenus en service de garde tout au long de l'année. Un tel cas de figure supposerait qu'il y ait surtout de très petits incendies, maîtrisés, ce qui représenterait une gestion efficace du territoire : empêcher la formation d'incendies si importants que, au lieu de les éteindre, nous devrions nous concentrer sur l'évacuation des zones habitées.
Bien que le traumatisme de l'été ait donné lieu à des initiatives prometteuses, dans de nombreuses régions espagnoles, la leçon n'a pas encore été tirée, contrairement à ce qui s'est passé au Portugal, le pays européen le plus touché par ce problème jusqu'à présent. « Les incendies de 2017 ont marqué une rupture profonde dans le modèle de gestion et ont conduit à une réforme structurelle du système », a expliqué dans un entretien avec Equal Times Bruno Reis, pompier de Covilhã et délégué du Syndicat des travailleurs de l'administration locale (STAL).
Une agence unique a été mise sur pied pour coordonner la prévention, l'extinction et la récupération des zones touchées, ainsi qu'un système de gestion intégrée des incendies de forêt, ce qui a impliqué « une professionnalisation accrue des agents de la protection civile, une augmentation des équipes permanentes, une modernisation technologique et une amélioration de la coordination opérationnelle ». Le résultat n'a pas tardé à se faire sentir et « entre 2018 et 2022, nous avons constaté une réduction significative de la superficie moyenne des zones incendiées et une augmentation de l'efficacité de notre réponse sur le terrain », précise M. Reis.
Pour ce pompier, il faut sortir du court-termisme budgétaire et « privilégier la prévention et la gestion active du territoire, avec une professionnalisation complète » de l'ensemble des personnels impliqués.
Il s'agit de « mettre en œuvre un changement de paradigme, de passer d'une approche essentiellement réactive à une vision proactive et adaptative » aux nouvelles circonstances, dit-il, et ici la précarité « a une incidence directe sur l'efficacité et la sécurité des opérations de prévention et de lutte contre les incendies de forêt » : les bas salaires, les contrats temporaires, la pénurie de ressources adéquates et les cadences de travail épuisantes entraînent une fatigue chronique et une forte rotation du personnel, ce qui se traduit par une « perte de l'expérience accumulée ». De fait, « l'atténuation de la précarité ne doit pas être abordée comme un enjeu du travail », conclut M. Reis, « mais bien comme un élément structurel de l'efficacité opérationnelle et de la sécurité collective ».
Après l'Espagne et le Portugal, en 2025, l'Italie et la Grèce ont également connu des incendies de forêt simultanés avec respectivement 84.141 et 47.819 hectares brûlés. En Italie, les pompiers s'occupent principalement des zones urbaines, alors que la prévention dans les zones forestières est assurée par des volontaires et les carabiniers. Ainsi, la coordination – au niveau de l'État – est bonne, mais la précarité des conditions de travail complique la relève générationnelle pour ces tâches, explique Nunzio de Nigris, représentant syndical de la Confédération générale italienne du travail pour la fonction publique (FP-CGIL).
« Nos besoins les plus urgents concernent la pénurie de personnel », qui nous oblige souvent à déplacer des ressources d'une région à l'autre, en fonction de l'urgence, et « la pénurie d'équipements de sécurité », qui complique les tâches de décontamination à la suite d'interventions sur des incendies.
En Grèce, qui a connu cet été « des dizaines de départs de feu chaque jour dans tout le pays », bien que seuls quelques-uns se soient transformés en incendies de grande ampleur, le gros problème réside dans « l'excès d'heures supplémentaires, dû à l'état d'urgence permanent et à l'attribution de tours de garde illégaux », a expliqué à Equal Times Nikos Lavranos, président de la Fédération panhellénique des syndicats de sapeurs-pompiers (POEYPS).
Le manque d'effectifs est pesant : la Grèce compte environ 15.500 pompiers permanents et 2.500 pompiers de renfort saisonniers. Cependant, au moins 3.500 nouvelles recrues seraient nécessaires au cours des deux ou trois prochaines années pour compenser les pertes d'effectifs en cours. « En définitive, les pompiers éteignent le feu avec tous les moyens disponibles, mais la pratique des heures supplémentaires non rémunérées doit cesser, et un cadre juridique complet doit être mis en place pour garantir leur sécurité et leur santé au travail, afin de réduire le nombre de décès et de blessures que nous avons malheureusement subis à nouveau cette année », insiste M. Lavranos. « Le changement climatique ne laisse pas de place à la complaisance », poursuit-il.
Un avis partagé par Pablo Sánchez Centellas, coordinateur pour les autorités locales, les pompiers et les services publics à la Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU), à Bruxelles. « Chaque année – et en 2025, nous avons déjà atteint un record – la superficie des forêts détruites continue d'augmenter, alors que les investissements locaux nécessaires ne sont toujours pas à la hauteur », déplore-t-il. « Nous avons besoin d'un engagement sérieux de la part des autorités, ce qui implique qu'il faille mettre fin aux mesures d'austérité qui limitent la bonne marche de ces activités. L'austérité tue non seulement les travailleurs, mais aussi la planète », a-t-il conclu.