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29.04.2025 à 23:29

Torture à l’électricité et sandwichs au dentifrice

Dumskaya.net

Un défenseur de l'île des Serpents raconte près de deux ans d'enfer en captivité russe.

<p>Cet article Torture à l’électricité et sandwichs au dentifrice a été publié par desk russie.</p>

Texte intégral (5516 mots)

Un défenseur de l’île des Serpents raconte près de deux ans d’enfer en captivité russe

Vladislav Zadorine, défenseur de l’île des Serpents (ostriv Zmiïnyï), a passé près de deux ans en captivité en Russie. Il est tombé entre les mains des occupants le premier jour de l’invasion à grande échelle, lorsque la phrase de son beau-frère, « Navire de guerre russe, allez vous faire… », a fait le tour du monde. Vladislav a survécu à la faim, aux mauvais traitements et à la torture, il a perdu 60 kg, mais il a survécu malgré tout. Le site ukrainien Dumskaya.net s’est entretenu avec ce soldat.

Revenu de Pologne pour devenir marin

Nous rencontrons notre héros à Arcadia. Nous avons choisi depuis longtemps un endroit où on pourra parler tranquillement. Il reste plus d’un mois avant la saison touristique et, tôt le matin, la plupart des cafés sont fermés.

Le voilà, Vladislav Zadorine. De larges pommettes, un regard ferme, concentré. Le type est souriant, avec le sens de l’humour, malgré tout ce qu’il a vécu. Il a passé 679 jours dans les conditions monstrueuses de la captivité russe. C’est de cela que nous allons parler autour d’une tasse de café.

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Vlad est né à Blahovischtchenske (anciennement Oulianivka), dans la région de Kirovograd, dans la famille d’un soudeur et d’une comptable. D’un naturel actif et sociable, le futur marin n’avait initialement pas l’intention de lier son avenir aux forces armées et, après avoir obtenu son diplôme, il a décidé de tenter sa chance à l’étranger.

« À 18 ans, j’ai dit à mes parents que je ne vivrais pas à leurs crochets, commence Vlad. Je suis allé en Pologne, où j’ai d’abord travaillé dans un entrepôt de cosmétiques dans une petite ville. Puis j’ai déménagé à Varsovie et j’ai travaillé dans un parking. Là, je gagnais déjà près de mille dollars. À 18 ans, gagner autant d’argent, c’est cool. J’ai alors pensé que je ferais toute ma vie en Pologne. »

En 2019, Vlad est rentré à la maison pour l’anniversaire de sa mère et, après une conversation avec son père, a décidé de signer un contrat avec les forces armées ukrainiennes.

« Mon père n’a fait aucune allusion à quoi que ce soit, se souvient le jeune homme. Il ne m’a pas proposé d’entrer dans les forces armées. Il a simplement raconté son service en République tchèque à l’époque soviétique. Et je me suis dit : mon père a servi, mon frère aîné a servi, pourquoi pas moi ? C’est le devoir de tout homme. »

À l’âge de 20 ans, Vlad signe un contrat, suit une formation et devient officier de défense aérienne dans l’unité de défense aérienne de l’infanterie navale. Le défenseur s’est retrouvé sur l’île des Serpents cinq mois avant la fin de son contrat avec l’État.

La tempête arrive !

« C’était en janvier. Mon contrat arrivait à échéance. Je devais terminer mon temps dans l’unité, puis remettre mes armes et mes affaires et partir. En même temps, je préparais les documents nécessaires pour partir en Allemagne. C’est alors que mon commandant m’a dit : “Boublik (c’était mon surnom), il faut remplacer des gars, un mois max.” J’ai accepté. »

Selon Vlad, le service sur l’île des Serpents était considéré comme une sorte de camp pour enfants : regarder le ciel, prendre des bains de soleil, pêcher des moules et des poissons. L’homme se souvient que même si la tension était palpable, aucun de ses compagnons d’armes ne croyait vraiment à une guerre à grande échelle, à l’exception peut-être du commandant.

« Mon commandant m’a dit quelque chose d’étrange à l’époque, mais je n’y ai pas prêté attention, se souvient Vlad. Il m’a demandé : Boublik, quand est-ce que tu termines ? En mai. Ça veut dire que tu seras encore là quand la guerre commencera. Quelle guerre, me suis-je dit. Je n’y croyais pas. »

Le 3 janvier, Vlad Zadorine est déjà l’île. Ses frères et lui ont été affectés au 88e bataillon détaché de la 35e brigade d’infanterie navale. Les jours s’étirent les uns après les autres. Le 4 février, Vlad fête son anniversaire sur l’île et décide de rester un mois de plus : « Le service continue, le salaire tombe, et il n’y a nulle part où le dépenser : c’est génial. »

Il avait l’intention de retourner sur le continent le 7 mars. Le 24 février et la veille, Vlad s’en souvient presque à la seconde près :

« Nous avons fêté le 23 février, [le jour des Forces armées soviétiques, NDLR]. Il y avait encore beaucoup de « vieux » qui fêtaient cela. On a pêché 50 kilos de moules. Il faisait très chaud. On était en short. Quand il n’y avait pas de vent, on nageait dans la mer. Nous avons fait frire une énorme poêlée. Bref, on s’est régalés. Et le 24, à 4 heures du matin, l’alerte sonne. Nous avons pensé que quelqu’un avait fait une erreur la veille, et qu’on nous punissait. Nous sortons en courant, nous prenons nos positions. J’ouvre Telegram, je vois que la guerre a vraiment commencé. Les Russes bombardent Kyïv, Odessa, Kirovograd, Lviv, des assauts ont lieu partout. J’avais le souffle coupé, je ne pouvais plus respirer. J’ai appelé mes proches. Puis je me suis un peu calmé. Je me suis dit : notre île est au milieu de nulle part, à la frontière avec la Roumanie, les Russes ne viendront probablement pas ici. Mais en fait, ils ont commencé par nous. »

Les mouches de combat

Le 24 février, vers 9 heures du matin, le premier navire russe apparaît à l’horizon. L’éclaireur, sans ralentir, tire sur l’île, la rate, fait demi-tour et disparaît. Vers midi, le croiseur Moskva et le patrouilleur Vassili Bykov apparaissent à l’horizon. Et plus loin sur les ondes, sur le 26e canal de communication générale, un dialogue entendu par chaque Ukrainien donne la célèbre réplique au navire amiral russe : « Navire de guerre russe, allez vous faire… » Cependant, notre interlocuteur n’a pas entendu les paroles légendaires, car il se trouvait sur les positions.

Après de brèves négociations, les Russes ont autorisé l’Ukraine à retirer de l’île les spécialistes civils qui surveillaient le phare et d’autres structures. Vlad se souvient que le commandant a proposé à tous ceux qui ne voulaient pas se battre de déposer les armes et de partir en bateau vers le continent, mais aucun des 80 militaires n’a accepté de quitter ses frères.

À 15 heures, dès que les civils ont quitté l’île, le croiseur russe lance la première frappe. Puis l’aviation bombarde l’île. Le bâtiment du poste frontière, le phare, le musée, la station radar et d’autres structures s’effondrent. Sous le couvert du croiseur, une force ennemie débarque sur l’île.

« Il y avait deux endroits où débarquer, raconte Vlad. La plage, où nous nous baignions, et la jetée. Sur la plage, il y avait des barbelés, nous y avons attaché un panneau de l’époque soviétique avec l’inscription “Terrain miné”. Les Russes n’ont pas pris le risque de débarquer là, ils sont entrés par la jetée. Quand nous avons été capturés, nous avons vu qu’ils étaient armés jusqu’aux dents, avec des fusils spéciaux de sniper et des fusils d’assaut très modernes. Ils nous auraient exterminés en quelques minutes, et je suis reconnaissant à notre commandant d’avoir pris la décision de se rendre et d’avoir sauvé la vie de 80 personnes. »

Jusqu’au matin, les prisonniers ont été gardés allongés sur la jetée, sous le feu des mitrailleuses, malgré la tempête. Pendant ce temps, dit Vlad, les occupants fouillaient l’île dans l’espoir d’y trouver des laboratoires biochimiques.

« Ils y croyaient vraiment, même les commandants », s’amuse notre interlocuteur. Chaque anfractuosité était examinée, chaque caillou était soulevé. Ils cherchaient peut-être des dauphins ou des mouches de combat. Je me suis alors rendu compte de l’influence de leur propre propagande. »

La limande en Crimée et le « tapik » à Koursk

Les prisonniers ont été transportés dans la ville occupée de Sébastopol. Ironie du sort, Vlad et ses frères ont été enfermés dans la même caserne que celle où son frère aîné avait servi en 2005. En Crimée, les prisonniers de guerre étaient assez bien traités. Ils recevaient la même nourriture que les militaires russes et les interrogatoires quotidiens se déroulaient sans passage à tabac.

« Ils croyaient vraiment à leur guerre éclair, au fait que le régime de Kyïv s’était emparé du pouvoir par la force et que les Ukrainiens ne rêvaient que de s’unir à leurs frères slaves contre les Américains, ils croyaient que dans trois jours tout serait fini, alors ils n’ont pas abusé », raconte-t-il. Comparé à ce qui s’est passé ensuite, nous étions au paradis. Ils nous ont donné de la limande, des boulettes, du yaourt. Les interrogatoires ont été menés par des enquêteurs du FSB. Ils ont pris les empreintes digitales, photographié les tatouages. Ils ne nous ont pas battus. »

Deux semaines plus tard, les défenseurs de l’île des Serpents ont été embarqués dans des bus et emmenés à l’aérodrome. Les prisonniers de guerre d’autres parties du front y furent également emmenés. Tous ensemble, à bord d’un avion militaire, ils ont été transférés à Koursk, d’où ils ont été emmenés dans des paniers à salade vers un village de tentes près de Chebekino (région de Belgorod, Fédération de Russie).

« Nous avons été jetés hors des fourgons, littéralement jetés, raconte Vlad. On nous a attaché les mains, et on nous a fait tomber sur le sol. Ensuite, nous sommes restés longtemps à genoux dans la file d’attente pour l’interrogatoire, certains pendant une heure, d’autres pendant deux heures, dans la neige, dans le froid. J’ai eu la chance de rester comme ça pendant une quinzaine de minutes seulement. »

Au cours de cet interrogatoire, les militaires russes n’ont plus hésité à recourir à la torture, en particulier aux chocs électriques à l’aide de vieux téléphone de campagne militaire soviétique TA-57, alias « tapik ». Des fils nus étaient attachés aux mamelons et aux parties génitales, puis on branchait l’appareil.

« C’était très effrayant », admet Vlad. À ce moment-là, le regard de l’homme change, l’interlocuteur est plongé en lui-même. « J’ai plusieurs fois basculé de la chaise à cause de la douleur dans le dos. Ils m’ont demandé où se trouvaient nos armes et nos engins. Ils ne savaient pas que je venais de l’île des Serpents. »

« Certains ne sont même pas arrivés en cellule, on les avait battus à mort dès l’accueil »

Les prisonniers de guerre ont vécu dans des tentes pendant encore deux jours, après quoi on les a divisés en groupes et emmenés dans des prisons russes. Vlad et plusieurs autres, dont des aumôniers enlevés du navire de sauvetage Sapphire), ont été envoyés à Stary Oskol, dans la région de Belgorod, où un centre de détention provisoire local, désaffecté, avait été spécialement aménagé pour accueillir les prisonniers de guerre.

« Tant que nous étions peu nombreux, nous étions traités relativement correctement, raconte Vlad. Mais plus on amenait de prisonniers, et plus ils s’en prenaient à nous. Ils nous battaient tout le temps. Avec les mains, les pieds, les matraques. Plus vous criez, ou même grognez, ou gémissez de douleur, plus ils vous frappent fort. Ils aiment ça. Et si tu te tais et que tu supportes, au contraire, ils se calment. “Ça ne fait pas mal ? Je t’en redonne ?” Si tu leur réponds que ça fait mal, ils te frappent à nouveau puis se désintéressent de toi. En général, tout dépendait de leur humeur. Certains gars ne sont même pas arrivés en cellule, on les avait battus à mort dès l’accueil. »

En plus de les frapper, les gardiens de prison profitaient de toutes les occasions pour ridiculiser les prisonniers. Quelques secondes étaient allouées pour une promenade, pendant laquelle le prisonnier devait courir jusqu’au toit où se trouvait la cour de promenade, regarder la caméra vidéo pour être comptabilisé et revenir immédiatement en courant. Le tout en position accroupie, les bras repliés derrière le dos, ce que l’on fait généralement faire aux condamnés à perpétuité dans les prisons. Il n’y avait également que quelques secondes pour se laver, ce qui était juste suffisant pour se verser de l’eau froide sur le visage et la tête. Pour les repas, quelques minutes pour avaler les quelques cuillerées de ce que le cuisinier russe jetait dans l’assiette.

Au cours de sa captivité, le guerrier ukrainien a perdu beaucoup de poids, passant de 120 à 60 kg !

« Ils nous donnaient des pelures de pommes de terre cueillies dans des marécages. Nous avons même comparé pour savoir qui avait les plus longues pelures. Parfois, on nous donnait même des pommes de terre germées. »

Les interrogatoires étaient quotidiens. Parfois avec des coups, parfois avec des tortures sophistiquées. Les agents du service pénitentiaire de la Fédération de Russie tentaient d’extorquer des aveux pour n’importe quel crime. Le compagnon de cellule de Vlad, un membre de la défense civile de Kharkiv, a eu la langue coupée en deux avec un couteau aiguisé parce qu’il refusait d’accepter l’accusation de pillage. Les uns ne l’ont pas supporté et ont signé les documents, d’autres ne l’ont pas fait. Selon l’interlocuteur en face, c’était la loterie. 

Cependant, Vlad a qualifié de « sanatorium » les trois mois passés au centre de détention provisoire de Stary Oskol. À chaque transfert, dans chaque nouvelle prison, les conditions et l’attitude des geôliers se dégradent.

L’étape suivante a été la colonie N°6 de Volouïki, dans la même région de Belgorod.

« L’accueil y a été très dur, nous avons été tellement battus que nous avons à peine réussi à rejoindre les baraquements. À Volouïki, j’ai fait la connaissance du pistolet électrique vétérinaire. C’est un énorme taser qu’on utilise là-bas pour abattre les porcs et les vaches. Ils l’ont utilisé sur nous. Au bras, à la jambe, à l’anus, aux parties génitales, à la bouche, au cou. Quand ils vous mettent une décharge comme ça dans l’anus, vous sautez au plafond. »

Des prisonniers de guerre et des civils enlevés dans les territoires occupés ont été emprisonnés à Volouïki. Tous étaient contraints de travailler, c’est-à-dire d’assembler des classeurs. Selon Vlad, ce travail monotone, même si les normes de rendement étaient énormes, était très distrayant.

Dès le début, les Russes ont désinformé les prisonniers par tous les moyens possibles, diffusant des informations fictives selon lesquelles l’Ukraine avait déjà été entièrement occupée et que les troupes russes avaient atteint la frontière polonaise.

« Au début, nous y avons cru, se souvient Zadorine. Puis nous avons commencé à nous rendre compte que quelque chose n’allait pas. S’ils avaient envahi l’Ukraine, pourquoi restions-nous ici ? Ensuite, quand on était à Koursk, de nouveaux prisonniers de guerre sont arrivés, et nous avons commencé à découvrir la vérité, à savoir que les Russes ne pouvaient même pas s’emparer complètement des régions de Donetsk et de Louhansk, et nous avons appris la contre-offensive ukrainienne dans les régions de Kharkiv et de Kherson. »

Après Volouïki, Vladislav a été transféré dans la quatrième colonie pénitentiaire, Alekseïevka, dans la région de Belgorod. Selon lui, il y a passé des mois calmes :

« Nous y étions bien traités. Le directeur de la colonie était originaire d’Odessa, et 60 à 70 % d’entre nous venaient des brigades d’Odessa. C’est probablement la raison pour laquelle je n’ai pas été battu une seule fois pendant les trois mois que j’ai passés là-bas, on me donnait des médicaments et on me nourrissait normalement. »

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Limaces et savon au petit déjeuner, dentifrice au dessert

C’est à Koursk que les pires conditions attendaient les Ukrainiens. Vlad et un autre prisonnier de guerre y ont été transférés le 31 décembre 2022. Ils étaient censés être libérés dans le cadre de l’échange du Nouvel An, mais quelque chose n’a pas fonctionné et il est resté à Koursk. C’est là qu’il a commencé à perdre du poids rapidement :

« Mon plat préféré était le dentifrice avec du pain noir. Pour une raison quelconque, ils nous donnaient autant de dentifrice que nous voulions, nous l’étalions sur le pain, c’était sucré et nous le mangions comme ça. Nous avons mangé des vers, des limaces, nous avons dépecé des souris vivantes et les avons mangées, nous avons essayé d’attraper un pigeon – ça n’a pas marché, nous avons mangé du papier toilette et de la lessive. On nous donnait trois morceaux par jour d’un pain avec de la sciure de bois ou du sable. »

C’est également à Koursk qu’ont eu lieu les interrogatoires les plus brutaux, ou plutôt la torture pour la torture, car les hommes avaient déjà raconté tout ce qu’ils avaient pu dire au cours de l’année écoulée.

« Là-bas, on nous mettait des aiguilles sous les ongles, on nous cassait des bouteilles sur la tête. Il y avait un séchoir industriel dans les bains : on poussait les hommes à l’intérieur, et ils y suffoquaient jusqu’à perdre connaissance. On m’a enfoncé les vertèbres et on m’a cassé des bouteilles de champagne sur la tête pour s’amuser. Il y a eu de nombreux cas où des gars ont été battus à mort. Beaucoup d’hommes ont été violés. Par exemple, l’un des types de violence sexuelle était, comme ils l’appelaient, le chupa-chups. Ils demandent : “Tu aimes les bonbons ?” et t’obligent à lécher et à suçer une matraque en caoutchouc. Et c’est un moindre mal. Beaucoup de gars ont été violés avec la matraque. Un gars a été violé deux ou trois fois par jour pendant trois mois d’affilée. Il est devenu complètement fou après ça. »

Il n’était pas facile de supporter la torture et les mauvais traitements constants. Certains prisonniers de guerre se sont suicidés. Vlad a fait deux tentatives de suicide. La première fois, lorsqu’il a été emmené pour être échangé, mais qu’il n’a finalement pas été échangé.

« Les gars m’ont sauvé, se souvient-il. La personne avec qui vous partagez la cellule a beaucoup d’importance. Nous avions une cellule de cinq lits. Il y avait 12 personnes : des informaticiens, des professeurs d’anglais, des agriculteurs et des hommes d’affaires. Nous communiquions beaucoup, j’ai énormément appris là-bas, maintenant je sais beaucoup de choses sur l’agriculture, comment tailler les arbres, j’ai appris l’anglais, j’ai parlé aux autres de ma vie en Pologne. »

Malgré des conditions inhumaines, les Ukrainiens trouvaient des moyens de se distraire. Vlad et ses codétenus ont fabriqué des cartes à jouer et des dominos à partir de couvertures de livres. Les Russes les laissaient lire toutes sortes de livres soviétiques. Ils cachaient les jeux dans la ventilation.

Les Ukrainiens ont également réussi à se coudre des pantalons avec des draps de lit :

« On ne nous a donné ni slips ni chaussettes, seulement un uniforme de prison. Nous avons fabriqué des aiguilles à partir d’un seau en plastique. Nous avons ensuite tiré des fils de couvertures de bagnards. Nous dessinions des patrons sur les draps de lit pour coudre des slips, afin de ressembler à des humains.

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Liberté

Vlad a été échangé après le Nouvel An, le 3 janvier 2024, lorsqu’un grand échange a eu lieu et que 230 Ukrainiens sont rentrés chez eux. Lorsqu’il se souvient de ce jour, il a les larmes aux yeux :

« Nous avons célébré le Nouvel An, on nous a versé plus de thé que d’habitude, raconte le défenseur. Le soir, on a appelé mon nom et celui de trois autres personnes. Mon nom n’avait pas été prononcé depuis un an, mais là, j’ai été appelé. Je fais de l’arythmie, mes jambes tremblent, je tombe et je perds connaissance. On me ranime et on me demande quelle taille de vêtements je porte. Je comprends que c’est un échange. Je n’ai pas dormi pendant deux nuits, je ne pouvais pas dormir. Le 3 janvier, on est venu nous réveiller, on nous a enfoncé les bonnets sur le visage, on les a fixés avec du ruban adhésif et on nous a embarqués dans des fourgons de police. Nous avons été échangés à sept heures du soir à la frontière de la région de Soumy. Les premiers mots que j’ai entendus étaient en ukrainien : “Qui veut une cigarette ?” et “Gloire à l’Ukraine”. Dire que j’étais heureux, c’est ne rien dire. Mes larmes coulaient à flots, je n’arrivais pas à m’arrêter. Je n’arrivais pas à y croire. »

Les personnes libérées ont été envoyées à Sanjary pour y être examinées. Les tortures quotidiennes ont sérieusement ébranlé la santé de chacun d’entre eux. En deux ans, des hommes robustes sont devenus des ombres, comme sur les photos du Holodomor des années 1930.

« On m’a diagnostiqué un traumatisme crânien, on m’a retiré la vésicule biliaire – elle s’était calcifiée à cause de la qualité de l’eau –, on a pensé devoir m’amputer des gros orteils, mais on a réussi à les guérir. À Koursk, on m’avait donné des chaussures de taille 41, alors que je chausse du 45. Mes orteils ont commencé à pourrir. Les Russes m’ont simplement arraché les ongles avec un coupe-ongles, et c’était tout le traitement. Ils m’ont également enfoncé trois vertèbres à coups de marteau pendant l’interrogatoire. Les médecins disent que la moelle épinière n’est pas endommagée et qu’il vaut mieux ne pas la toucher, mais soigner en douceur. »

Une longue rééducation a commencé. Grâce à des bénévoles, Vlad et trois autres personnes libérées ont pu se rendre dans l’une des meilleures stations balnéaires de Lituanie, Druskininkai, puis dans les Carpates. Selon lui, pendant deux mois, il a pratiquement perdu la capacité de ressentir quoi que ce soit. Ni joie ni colère. Il se souvient que même lorsque ses parents venaient, il ne ressentait rien.

« C’est à ce moment-là que j’ai été diagnostiqué comme souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique, explique-t-il. Tout d’abord, j’ai réalisé que je ne pouvais pas boire d’alcool. Immédiatement, une agressivité incontrôlée et un sens aigu de la justice survenaient. Ce sont des manifestations typiques. Aujourd’hui, je pense avoir appris à les contrôler et à vivre avec. On m’a reconnu comme invalide de type 3, mais maintenant je vais  passer au type 2, parce que ma santé se détériore. »

La Russie est une mince façade de Dostoïevski derrière laquelle se cache la ruine et la guerre

Le désir de continuer à combattre l’ennemi, mais désormais sur le front de l’information, l’a aidé à retrouver une vie à part entière. Vlad est devenu ambassadeur du projet Break the Fake, spécialisé dans la lutte contre la propagande et la désinformation. Il vient de rentrer de France. Avant cela, il s’était rendu en Lituanie, en Lettonie, en Estonie, en Pologne, en Autriche, en Slovaquie, en Slovénie, en Croatie, en Grèce et en Turquie, où il s’était entretenu avec des journalistes, des députés et des hauts fonctionnaires locaux.

« C’est aussi une sorte de guerre, une guerre de l’information, menée dans l’arène internationale, explique l’ancien prisonnier de guerre. Pas seulement en Ukraine. Nous avons bloqué les chaînes de télévision 112 et ZIK, les chaînes de Medvedtchouk1 qui ont été des sources de la propagande russe. Aujourd’hui, nous bloquons les récits de propagande russe en Europe. Je me sers de ma propre expérience pour parler de la Russie et des Russes. Je raconte ce qu’ils font aux gens. J’enseigne aux Européens comment filtrer les informations. Ils sont absolument aveugles face à tous ces faux et à toute cette propagande, comme de petits enfants. Ils n’ont pas de contre-propagande. Mais nous, en Ukraine, avons une grande expérience et nous pouvons la partager avec les Européens. Il faut leur montrer que la Russie, ce n’est pas la grandeur et la culture, mais la pauvreté, la destruction et la guerre. Une mince façade de ballet et de Dostoïevski, et derrière cela, de la vodka, des ours, de la balalaïka, des hommes ivres, des femmes et des enfants battus. Voilà la vraie Russie. »

« Les Européens doivent comprendre qu’il ne s’agit pas d’une guerre entre deux armées, poursuit le marine. Les Russes sont déjà aidés par la Corée du Nord, la Chine et l’Iran. C’est une guerre entre le droit et la force. Je ne veux pas vivre dans un monde où un grand pays peut attaquer un plus petit et prendre des territoires parce qu’il le veut. Pourquoi avons-nous besoin de toutes ces lois, de la démocratie ? À quoi tout cela sert-il ? Et s’il n’y avait pas les volontaires, s’il n’y avait pas ces gars qui sont maintenant au front, les Russes seraient tous ici, tous nos gars auraient été fusillés et ils auraient amené leurs hommes en Ukraine pour violer nos femmes et nos enfants. »

À la fin, Vladislav souligne que la Russie ne confirme pas la capture des soldats ukrainiens, en violation du droit international.

« Nous avons un très gros problème avec le fait que la Russie fait des prisonniers et ne confirme pas officiellement où ils se trouvent, déclare-t-il. Personnellement, je ne crois pas à l’échange de tous contre tous, absolument pas. S’il y a un échange de tous contre tous, seuls les prisonniers officiellement confirmés seront échangés. Et que fera-t-on des autres ? Que fera-t-on des civils qui ont été capturés dans les territoires occupés? Ils sont nombreux aussi, ce ne sont pas des prisonniers de guerre. Ils n’entrent dans aucune convention. Pendant mes deux années de captivité, je n’ai pas vu une seule organisation qui surveillait les conditions de détention de prisonniers de guerre. Pas une seule. La Croix-Rouge en tête est impuissante, totalement incompétente. Il existe des prisons-vitrine en Russie où les ONG sont autorisées à entrer. Mais il y a plus de 200 centres de détention en Russie à l’heure actuelle. Nos citoyens se trouvent à Magadan, à Kolyma, en Sibérie, en Tchétchénie, au Bélarus. Tous attendent la liberté et nous n’avons pas le droit de les oublier. »

Traduit du russe par Desk Russie

Lire l’original

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29.04.2025 à 23:29

Daria Kozyreva : « L’Ukraine a déjà gagné. Elle a déjà triomphé »

Mediazona

À 19 ans, Daria Kozyreva a été condamnée à 2 ans et 8 mois de colonie pour avoir cité Taras Chevtchenko et dénoncé la guerre contre l’Ukraine.

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Texte intégral (2810 mots)

Le juge du tribunal du district de Petrograd à Saint-Pétersbourg a condamné Daria Kozyreva, âgée de 19 ans, à 2 ans et 8 mois de colonie pénitentiaire pour « discréditation » de l’armée. Deux épisodes sont à l’origine de cette affaire. Le premier est lié à une action de Kozyreva en 2023 : elle a collé une feuille sur le monument du poète Taras Chevtchenko (1814-1861) à Saint-Pétersbourg, avec un quatrain de son poème « Testament ». Le second est une interview accordée, quelques mois plus tard, à Sever Realii (considéré comme agent étranger et organisation indésirable en Russie), qui selon l’accusation, contenait des propos portant atteinte à la réputation de l’armée. Mediazona résume cette affaire et rapporte la dernière déclaration de l’accusée à son procès.

L’affaire a été ouverte après que Daria Kozyreva a collé sur le monument de Taras Chevtchenko à Saint-Pétersbourg une feuille portant un extrait de son poème « Testament » : « Enterrez-moi, levez-vous, brisez vos chaînes et arrosez la liberté du sang de l’ennemi. »

Par la suite, un nouvel élément a été versé à son dossier, à paritr d’une interview donnée par Daria au média Sever Realii. Le procès a débuté à l’été dernier. Plusieurs témoins de l’accusation et de la défense ont été entendus, notamment des experts linguistiques qui ont critiqué l’analyse présentée par l’accusation.

Daria Kozyreva s’est également exprimée, expliquant que Taras Chevtchenko était son poète préféré et que ses vers n’avaient aucun lien avec l’armée russe d’aujourd’hui. Elle a précisé que ses actions avaient pour but de « soulager sa conscience ».

Le 10 avril 2025, le juge a clôturé la phase d’instruction et les parties ont été invitées à se préparer pour les plaidoiries. Les deux chefs d’accusation ont été maintenus.

Interventions de Daria Kozyreva lors des plaidoiries

Elle a qualifié l’article sur la « discréditation » de l’armée, ainsi que celui sur les « fausses informations militaires », d’illégaux, arbitraires, criminels et contraires à la Constitution, et notamment contraire à l’article 29 qui garantit aux citoyens russes la liberté de pensée et d’expression.

Daria a expliqué qu’il est impossible, selon elle, de discréditer l’armée. « À mon avis, depuis l’invasion à grande échelle, l’auto-discréditation de cette armée a atteint son maximum. En conséquence, il n’y a plus rien à discréditer », affirme Daria.

La formulation même de l’accusation, précisa-t-elle, laisse entendre qu’elle aurait tenté de discréditer l’armée russe dans son rôle de « maintien de la paix et de la sécurité internationale ». « Bien sûr, une armée peut parfois être utilisée pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Cependant, selon ma conviction actuelle – et, plus important encore, ma conviction au moment des faits – cela ne se rapporte aucunement à l’invasion de l’Ukraine, explique la jeune femme. Je considère, et je considérais déjà à l’époque, que le but de cette guerre est une atteinte à la souveraineté de l’Ukraine et l’occupation de ses territoires. Cela représente non pas un soutien, mais bien une menace pour la paix et la sécurité internationale. »

Elle a insisté sur le fait que, pour l’anniversaire de Taras Chevtchenko, elle voulait simplement citer l’un de ses poèmes : « Je ne pouvais pas discréditer l’armée russe, tout simplement parce que Chevtchenko, du haut de son XIXᵉ siècle, ne pouvait pas lui-même la discréditer. Il ne pouvait pas savoir que la Fédération de Russie, et encore moins ses forces armées, existeraient un jour. »

À propos de l’interview accordée à Sever Realii, Daria Kozyreva a précisé qu’on lui avait posé des questions sur la guerre, et qu’elle y avait répondu honnêtement : « Si on m’avait demandé quelles étaient mes oiseaux préférés, j’aurais répondu sincèrement : les aigles, les corbeaux. Mais on m’a interrogée sur la guerre. Devais-je mentir ? »

Daria Kozyreva a commenté ensuite l’expertise de l’accusation : « Selon les experts, j’aurais appelé à exterminer les Russes. Désolée, mais non. Je n’ai jamais appelé à l’ethnocide. » Selon elle, en citant le poème de Chevtchenko, elle n’a pas pu appeler les Ukrainiens à « briser leurs chaînes », puisqu’ils n’en portaient pas. « Si Kyïv avait été prise, oui, il y aurait eu des chaînes. »

« Je n’ai commis aucune faute. Ma conscience est limpide. Car la vérité n’est jamais coupable. Jamais », conclut-elle.

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Daria Kozyreva prononce sa déclaration finale // Vidéo par Dinar Idrissov, capture d’écran

Dernière déclaration

Daria se met à réciter en ukrainien un poème de Taras Chevtchenko, « À Osnovianenko » :
« Seul l’ennemi rit… Ris donc, cruel ennemi ! Mais pas trop fort, car tout périt. Seule la gloire ne périra pas. Elle ne périra pas, mais racontera… »

 « Votre Honneur ! Le procès se déroule en russe, pouvons-nous passer au russe ? Je comprends qu’il s’agit d’un poème…, s’exclame le procureur Rousskikh.
Oui, répond Kozyreva en souriant.
Pouvez-vous le dire en russe ? Notre procédure est en russe. »
Après une courte pause, Daria Kozyreva achève tout de même en ukrainien : « Notre pensée, notre chant ne mourra pas, ne périra pas. C’est cela, bonnes gens, notre gloire, la gloire de l’Ukraine ! »

Après ce quatrain, Kozyreva poursuit : « Si Chevtchenko avait vécu jusqu’à nos jours, il ne serait même pas surpris – pas du tout. L’image qu’il verrait lui serait trop familière. La Moscovie essaie encore une fois d’envahir l’Ukraine.

Bien sûr, la guerre n’a pas commencé en 2022. Même au sens étroit, il faudrait prendre 2014 comme point de départ. En 2014, ce sont les Russes qui l’ont commencée, coupables de chaque goutte de sang versé. Au sens plus large, cette guerre dure depuis des siècles.

C’est un trait étonnant de l’histoire russe. Quel que soit le régime au pouvoir, c’est comme si une sorte de religion empêchait ce régime de simplement laisser l’Ukraine tranquille. Les tsars, les communistes, peu importe qui, ils n’étaient pas différents les uns des autres.

Après tant de siècles, on pourrait penser qu’ils auraient compris : il faut laisser l’Ukraine en paix. Oui, Moscou a souvent gagné, mais elle n’a jamais obtenu de victoire définitive. Et elle ne l’obtiendra jamais. Le peuple ukrainien ne le permettra plus. Il en a assez.

Mais les amateurs d’occupation n’ont toujours pas compris cela. Ils ne sont pas très intelligents, peu importe à quel point ils voudraient le croire. Personne ne leur a donné de droit sur le passé ou l’avenir de l’Ukraine. Ils ne comprennent pas que les Ukrainiens n’ont besoin ni de grand frère, ni d’aucune forme de peuple “tripartite2”.

L’Ukraine est un pays libre, une nation libre, et elle décidera seule de son destin.
Si quelqu’un répète les récits des conquérants, les Ukrainiens le haïront.
Celui qui tentera de s’imposer en Ukraine sera repoussé. Et sans doute violemment.
Je souhaite sincèrement que les Russes se rappellent ces vérités fondamentales.
L’Ukraine est une nation libre. Elle choisira elle-même son chemin.
Elle choisira elle-même qui sera son ami et son frère. Et qui sera son ennemi mortel.
Elle décidera elle-même de la manière dont elle traitera son histoire.
Et surtout, elle décidera elle-même de la langue qu’elle parlera.

J’ai l’air d’énoncer des évidences, mais elles ne sont pas si évidentes pour tout le monde.
Il est clair que pour Poutine, c’est inconcevable que l’Ukraine soit une nation souveraine.
Il y a beaucoup d’autres choses qu’il ne comprend pas non plus, comme les droits humains ou les principes démocratiques.

Mais même parmi ceux qui semblent s’opposer au régime de Poutine, tous ne comprennent pas cela. Tous ne comprennent pas que l’Ukraine, ayant payé son indépendance par le sang, décidera seule de son avenir. »

Kozyreva continue ensuite en racontant comment, au fil des siècles, l’Ukraine s’est battue pour son indépendance. Le juge l’interrompt plusieurs fois pour lui demander de revenir au sujet du procès. 

« J’ai déjà mentionné dans ma plaidoirie qu’il serait absurde de parler de chaînes aujourd’hui pour l’Ukraine. Les Ukrainiens ne se laisseront plus jamais enchaîner. Et aujourd’hui, ils ne se laissent pas faire. Mais à l’époque de Taras, les chaînes étaient une réalité brutale. C’est pourquoi son œuvre patriotique ne contient pas d’appels à frapper les “Moskal3”.
Son œuvre est un chant de lamentation.
Un chant sur le triste sort de l’Ukraine.
Un chant sur la gloire oubliée des cosaques.
Un chant sur les erreurs et les défaites qui ont conduit à la perte de la liberté de l’Ukraine
.

Il croyait néanmoins qu’un jour la gloire reviendrait, que les fantômes des grands hetmans4 se relèveraient à travers les siècles, que l’Ukraine briserait enfin ses chaînes ennemies. Il ne pouvait pas savoir quand cela arriverait.

Il ne savait pas que cinquante ans plus tard, en 1917, naîtrait la République populaire d’Ukraine, que ces mêmes paysans ukrainiens, jadis asservis, muets, prendraient enfin le drapeau national, qu’ils prendraient les armes et combattraient les bolchéviques et les volontaires aux côtés de Petlioura. Malheureusement, ce sont les bolchéviques qui l’ont emporté. Ce fut une tragédie non seulement pour les Ukrainiens, mais pour beaucoup d’autres peuples aussi. L’Ukraine est tombée dans les griffes d’un bourreau pour encore 70 ans. »

« Je dois encore vous interrompre, ce n’est pas un cours d’histoire », intervient le juge Ovrah, las.

« Venons-en au présent. Aujourd’hui, les chaînes sont depuis longtemps brisées. Personne ne pourra jamais plus les imposer à l’Ukraine. Le peuple ukrainien a versé son sang pendant des siècles pour sa liberté. Il ne la cédera plus jamais. Les Ukrainiens se souviennent. Se souviennent parfaitement de la lutte de leurs ancêtres. Il ne reste qu’une seule question : est-ce que leur voisin de l’est s’en souvient ? Les communistes ne sont plus, heureusement. Les tsars non plus. Mais les traditions impériales semblent être restées.

Oui, comme je l’ai déjà dit, Poutine est incapable de concevoir la souveraineté ukrainienne.
Il préférerait une « Petite Russie » docile, muette, transformée en simple province, parlant une langue étrangère et oubliant lentement la sienne. Quelque part, il y a eu une erreur de calcul.

Il était difficile pour Poutine de croire que la Petite Russie ne renaîtra jamais. Que les Ukrainiens ne laisseront jamais leur pays être réduit à une province russe. Poutine a essayé. Il a annexé la Crimée en 2014. Il a attisé la guerre dans le Donbass, avec les mêmes objectifs.

En 2022, il a visiblement décidé qu’il était temps de finir ce qu’il avait commencé.
C’était un bon plan : une
Blitzkrieg, Kyïv conquis en trois jours. Mais il n’est pas étonnant qu’il n’ait pas suffi de trois jours, ni de trois ans, ni de trois décennies. L’ennemi a été repoussé des abords de Kyïv, chassé ensuite de Kharkiv, expulsé de Kherson. Les occupants n’ont pas seulement échoué à atteindre la capitale, ils ne contrôlent même pas totalement les territoires de l’ORDLO5.

Une partie de la terre ukrainienne reste occupée, c’est vrai. Et il est possible qu’elle le reste encore longtemps. C’est triste à admettre, mais c’est la réalité. Cependant, conquérir l’Ukraine, Moscou n’y est pas parvenue. Le peuple ukrainien héroïque s’est levé pour défendre sa patrie.
Et au prix de nombreux sacrifices, il a sauvé son pays. Le drapeau national flotte sur Kyïv et flottera à jamais.

Je rêve, bien sûr, que l’Ukraine récupère chaque parcelle de son territoire, y compris le Donbass et la Crimée. Je crois que ce jour viendra. Un jour, l’histoire rendra justice au peuple ukrainien.
Mais l’Ukraine a déjà gagné. Elle a déjà triomphé. C’est tout. »

Daria Kozyreva quitte la salle d’audience sous les applaudissements.

Traduit du russe par Desk Russie

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29.04.2025 à 23:28

Les élections en Ukraine : un mirage de la propagande russe

Andreas Umland

Déclarer que le pouvoir actuel n’est pas légitime n’est qu’un prétexte pour tâcher de propulser au pouvoir une nouvelle direction pro-russe.

<p>Cet article Les élections en Ukraine : un mirage de la propagande russe a été publié par desk russie.</p>

Texte intégral (3016 mots)

Moscou, mais aussi l’administration Trump continuent de faire pression sur Kyïv et sur l’opinion publique internationale, visant à instaurer un régime pro-russe en Ukraine par le biais d’élections présidentielles et législatives immédiates. Le politologue allemand explique pourquoi il ne faut pas céder à cette pression et donne des recommandations sur la ligne politique européenne à tenir face à ces manipulations.

Le 30 mars 2025, The Economist a publié un article intitulé « La perspective d’élections anticipées en Ukraine fait tourner la tête à tout le monde », spéculant sur le fait que le traitement irrespectueux de la Maison-Blanche à l’égard du président Volodymyr Zelensky et l’augmentation consécutive du soutien à Zelensky dans les sondages d’opinion ukrainiens pourraient conduire le président ukrainien à opter pour des élections anticipées en 2025. Zelensky pourrait, selon cet argument, neutraliser ainsi la récente remise en question internationale – ou américaine – sur la légitimité de son régime après l’expiration de son premier mandat régulier en 2024. Jusqu’à la récente montée en flèche de la popularité de Zelensky, le principal sous-entendu dans la demande d’organiser des élections présidentielles et parlementaires était l’idée qu’un changement dans la présidence et le gouvernement ukrainiens faciliterait les négociations de paix russo-ukrainiennes.

L’émergence d’un récit étrange

Avant même la victoire du président américain Donald J. Trump en novembre 2024, l’idée qu’un changement de direction nationale en Ukraine était une condition préalable à la fin de la guerre était devenue un sujet de débat public en dehors de l’Ukraine. Il y a deux ans, divers médias influencés par le Kremlin ou favorables à celui-ci ont commencé à répandre l’idée que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ukrainiens devraient être réélus en 2023-2024, sous peine de perdre leur légitimité politique. Depuis 2023, des commentateurs occidentaux influents, de l’ancien présentateur de Fox News Tucker Carlson au président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) Tiny Kox, ont repris à leur compte la propagande de la Russie, à des degrés divers.

Aujourd’hui, le message public du Kremlin est clair : le remplacement de Zelensky est nécessaire depuis le 21 mai 2024, car à partir de cette date, il serait devenu illégitime. Un autre chef d’État, selon la rhétorique incendiaire de Moscou, rendrait l’Ukraine moins « fasciste », et la Russie serait donc plus encline à faire des compromis. Bien que la nouvelle administration américaine n’ait pas repris mot pour mot la rhétorique anti-Zelensky de Moscou, l’aversion de la Russie pour lui semble correspondre à l’humeur actuelle de la Maison-Blanche. Zelensky est devenu un problème pour Trump pendant la première présidence de celui-ci en 2017-2021, lorsque Trump a été contraint de se soumettre à une procédure de destitution, finalement infructueuse, liée à une conversation téléphonique avec le président ukrainien alors nouvellement élu.

Devenu président des États-Unis pour la deuxième fois en janvier 2025, Trump a tenté de tenir sa promesse électorale de mettre rapidement fin à la guerre russo-ukrainienne. Cependant, le cessez-le-feu inconditionnel proposé n’a été accepté que par Kyïv, tandis que Moscou a annoncé qu’elle n’accepterait une trêve qu’une fois que certaines conditions auraient été remplies. Il s’agissait notamment des demandes russes de limitations de la souveraineté nationale, de la capacité de défense militaire et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. On ne sait même pas si les propositions du Kremlin visant à réduire l’indépendance, la taille et la stabilité de l’État ukrainien ont représenté une véritable conduite de négociations ou un simple théâtre.

Néanmoins, Washington a exercé une pression croissante sur Kyïv pour qu’elle fasse de nouvelles concessions, ce à quoi Zelensky a jusqu’à présent résisté grâce à un large soutien de la société ukrainienne. Ce faisant, il a peut-être créé davantage de malaise à la Maison-Blanche. En conséquence, l’idée russe selon laquelle un changement de direction à Kyïv sera nécessaire pour mettre fin à la guerre continue de trouver des adeptes au sein de l’administration Trump.

Élections, guerre et droit

Selon la législation ukrainienne, en temps de paix, des élections législatives et présidentielles régulières auraient dû avoir lieu respectivement en octobre 2023 et mars 2024. Cependant, la loi ukrainienne de 2000 « relative au régime juridique en temps de guerre », renouvelée en 2015, interdit la tenue d’élections présidentielles, législatives ou locales en cas d’état d’urgence. Concernant le report des élections législatives, l’article 83 de la Constitution ukrainienne précise : « Dans le cas où le mandat de la Verkhovna Rada d’Ukraine expire alors que la loi martiale ou l’état d’urgence est en vigueur, son mandat est prolongé jusqu’au jour de la première séance de la première session de la Verkhovna Rada d’Ukraine, élue après l’annulation de la loi martiale ou de l’état d’urgence. »

En conséquence, les élections nationales de 2023-2024 ont été reportées jusqu’à la fin des combats à grande échelle et après l’abrogation de la loi martiale introduite en 2022. Une telle suspension des processus démocratiques normaux pendant une guerre à grande échelle a été une pratique courante tout au long de l’histoire de nombreuses démocraties, y compris, entre autres, du Royaume-Uni pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Elle est aujourd’hui ancrée dans la législation de divers pays à travers le monde, comme par exemple dans l’article 115 de la Loi fondamentale allemande.

De plus, des élections significatives ne peuvent avoir lieu immédiatement après la fin de la guerre d’anéantissement menée par la Russie. Selon les règles actuelles, les élections parlementaires et les élections présidentielles doivent avoir respectivement lieu 60 jours et 90 jours après la levée de la loi martiale. Cependant, compte tenu des graves répercussions de la guerre sur la société ukrainienne en général et sur son infrastructure électorale en particulier, une campagne électorale et une procédure de vote concluantes, légitimes et démocratiques nécessiteraient probablement une préparation plus longue.

Un rapport publié en janvier 2025 par le groupe ukrainien réputé d’observation des élections, Opora (Base), indique que les scrutins nationaux ne seraient possibles qu’au moins six mois après la fin de l’état d’urgence. En fait, elles pourraient même devoir avoir lieu jusqu’à un an après la fin des combats. Dès 2023, les dirigeants de la Verkhovna Rada étaient parvenus à la conclusion qu’une nouvelle loi électorale devrait être adoptée pour tenir compte de tous les changements conséquents que l’Ukraine a connus depuis le début de la guerre en 2022 et qu’elle pourrait encore connaître avant la fin de celle-ci.

Les appels récents à un renouvellement politique rapide au sommet de l’Ukraine sont donc prématurés et naïfs, au mieux, ou manipulateurs et subversifs, au pire. L’invasion à grande échelle de la Russie, avec des combats constants à l’est et des raids aériens dans tout le pays, a rendu impossible la tenue d’élections ordonnées tant que la guerre se poursuit. Le 20 février 2025, une déclaration publique des ONG ukrainiennes initiée par Opora affirme : « L’instabilité de la situation sécuritaire, la menace de bombardements, d’attaques terroristes et de sabotages, ainsi que le minage à grande échelle des territoires créent des obstacles importants à toutes les étapes du processus électoral. »

L’agression de la Russie depuis 2022 a déplacé des millions de citoyens ukrainiens à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ukraine. La nouvelle situation démographique exigerait de nouvelles formes de vote, une mise à jour du registre des électeurs ukrainiens et la création d’un grand nombre de bureaux de vote à l’étranger. En Ukraine, les bombardements russes sur les localités ukrainiennes et leurs diverses répercussions ont détruit une partie de l’infrastructure électorale ukrainienne, y compris les bâtiments, le plus souvent des écoles, utilisés comme bureaux de vote. Néanmoins, le Kremlin a réussi, au cours des deux dernières années, à faire d’un prétendu manque de représentation démocratique au sein des dirigeants ukrainiens un thème saillant parmi divers publics à travers le monde dans les discussions sur les moyens de mettre fin à la guerre russo-ukrainienne.

Les demandes manipulatrices de la Russie pour les élections

Depuis 2023, les politiciens et les influenceurs russes et pro-russes ont exigé à plusieurs reprises que l’Ukraine organise des élections nationales dans des conditions de guerre totale. En insistant sur cette proposition et en la diffusant, Moscou réitère une stratégie qu’elle a commencé à utiliser en 2014, au début de son intervention secrète dans le bassin du Donets (Donbass) en Ukraine continentale. En 2014-2021, Moscou et ses collaborateurs ont utilisé les accords de Minsk, signés par Kyïv sous la contrainte, pour exiger que l’Ukraine organise des élections régionales et locales dans les soi-disant républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Cette demande a été formulée alors que le gouvernement ukrainien ne contrôlait pas les zones où il était censé organiser une campagne démocratique et un scrutin. C’est le gouvernement russe qui a continué d’exercer un contrôle effectif sur les deux régimes de facto au sein des oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk. Jusqu’à leur annexion en 2022, Moscou n’a jamais manifesté la moindre volonté de réduire son emprise sur les deux pseudo-républiques qu’elle avait artificiellement créées dans l’est de l’Ukraine au printemps 2014. Néanmoins, le Kremlin a continué d’insister pour que Kyïv organise des élections sur ces territoires sans y avoir accès.

Ni en 2014-2021 ni depuis 2023, les demandes de Moscou pour une plus grande démocratie ukrainienne n’ont été motivées par des inquiétudes russes concernant le pouvoir du peuple et la légitimité du pouvoir en Ukraine. Le Kremlin a supprimé les droits des électeurs, l’État de droit, le pluralisme politique, l’activité civique, les partis d’opposition et la liberté d’expression en Russie, parfois en recourant à une violence meurtrière. Ces circonstances, entre autres, indiquent que d’autres motifs sont à l’origine de la politique étrangère de Moscou en général et de son insistance devant les élections ukrainiennes en particulier.

Selon Maria Popova et Oxana Shevel, l’objectif final des dirigeants russes est la déstabilisation et la « vassalisation » de l’Ukraine. En fonction de la situation, la Russie utilise diverses combinaisons de guerre cinétique et non cinétique pour atteindre son objectif global de subversion de l’État ukrainien. Le Kremlin espère qu’une élection pleinement compétitive et un vote national ouvert en Ukraine, contrairement à la Russie, fourniront suffisamment de vulnérabilités pour que les interventions hybrides de Moscou aient un effet. De telles opérations, pendant une période de transition pour l’État et la politique ukrainiens, seraient conçues pour polariser la société ukrainienne, intensifier les conflits intra-ukrainiens et semer la confusion chez les observateurs étrangers.

La demande de Moscou d’organiser des élections dans des conditions impossibles est l’un des nombreux outils du manuel de guerre hybride du Kremlin, qui comprend la cyberguerre, les campagnes de désinformation, la pression économique, le théâtre de la négociation, les actes terroristes et la corruption des personnalités politiques. Les ONG ukrainiennes avertissent, dans l’appel collectif susmentionné, que « le plus grand défi pour la démocratie électorale en Ukraine sera l’ingérence de la Russie dans ce processus, qui sera prête à utiliser tous les moyens pour y parvenir – des cyberattaques à la corruption directe des électeurs, en passant par la diffusion de désinformation et la division de la société pour discréditer les candidats “inacceptables” aux yeux des autorités russes et le financement des campagnes d’hommes politiques loyaux à la Russie ».

Fin mars 2025, le président russe a tenté une nouvelle fois de provoquer un changement de direction à Kyïv en proposant de remplacer le gouvernement ukrainien par une administration temporaire des Nations Unies qui, selon les mots de Poutine, « organiserait des élections démocratiques pour mettre au pouvoir un gouvernement viable qui jouit de la confiance du peuple, puis entamerait des négociations avec lui sur un traité de paix ». Poutine a ajouté : « Sous les auspices des Nations Unies, avec les États-Unis, voire avec les pays européens, et, bien sûr, avec nos partenaires et amis, nous pourrions discuter de la possibilité d’introduire une gouvernance temporaire en Ukraine. » Cependant, la proposition de Moscou était si étrange que même Washington l’a immédiatement rejetée.

Conclusions et recommandations

Les observateurs profanes des affaires post-soviétiques, y compris les hommes politiques occidentaux et leurs conseillers, sont induits en erreur par la machine de propagande du Kremlin sur les causes profondes et la résolution possible de la confrontation russo-ukrainienne. Ce n’est pas le souci de la légitimité démocratique, mais la volonté du Kremlin de déstabiliser l’Ukraine qui est à l’origine de l’exigence de la tenue d’élections nationales en Ukraine. Dans le scénario idéal de Moscou, une campagne électorale et un processus de vote préparés à la hâte et insuffisamment sécurisés dans des conditions difficiles offriraient de multiples points d’entrée pour une ingérence extérieure. Cela permettrait au Kremlin de faire pression en faveur de candidats anti-occidentaux, d’intensifier les tensions politiques, de semer la méfiance parmi les électeurs et les observateurs étrangers et d’infiltrer l’infrastructure électorale.

La « Feuille de route pour assurer l’organisation d’élections d’après-guerre en Ukraine » d’Opora citée ci-dessus et d’autres études similaires fournissent des recommandations politiques, juridiques et techniques pertinentes pour assurer la préparation et la conduite ordonnées d’une campagne électorale et d’un vote national une fois la loi martiale levée. Les suggestions supplémentaires suivantes sont faites pour la communication publique par les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux intéressés par la souveraineté, la démocratie et la stabilité de l’Ukraine :

  1. Rappeler à votre public la législation ukrainienne d’avant-guerre, qui interdit les élections nationales en cas de conflit armé et de loi martiale.
  2. Mettre en évidence les articles pertinents des constitutions et des lois d’autres pays démocratiques qui empêchent la tenue d’élections pendant un état d’urgence.
  3. Souligner l’origine russe et les objectifs subversifs des appels à des élections nationales en Ukraine pendant ou peu après l’invasion à grande échelle de la Russie.
  4. Juxtaposer la critique de Moscou de la démocratie et de l’État de droit ukrainiens avec les réalités de la politique pseudo-électorale et de l’arbitraire juridique en Russie.
  5. Détailler les réalisations démocratiques du développement politique de l’Ukraine depuis son indépendance en 1991, telles que les fréquents changements de dirigeants.
  6. Contextualiser le discours de Moscou sur les élections ukrainiennes dans le cadre plus large des instruments de la guerre politique russe contre l’Ukraine.

<p>Cet article Les élections en Ukraine : un mirage de la propagande russe a été publié par desk russie.</p>

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