En cette fin de 2024, les évaluations par l'ONU de la catastrophe humanitaire donnent le tournis : 87 % des bâtiments d'habitation (soit 411 000) ont été détruits totalement (141 000), sévèrement ou partiellement (270 000). Plus de 80 % des commerces et deux tiers du réseau routier sont hors d'usage. 1,9 million de femmes, d'hommes et d'enfants ont dû fuir d'une à dix fois, une enquête menée auprès des 800 employés locaux de MSF livrant une moyenne de cinq déplacements consécutifs.
Mais, derrière les données patiemment collectées par les organisations humanitaires, il y a la réalité des décharges à ciel ouvert où grouillent des enfants nu-pieds. Il y a les tentes de plastique qui vacillent sous le vent et la pluie, avec un simple balai pour soutenir l'ersatz de plafond et écluser les fuites à répétition. Il y a les trous creusés dans le sable en guise de sanitaires, avec une sommaire cloison de bâches pour préserver une illusion d'intimité. Il y a les puits domestiques forés à l'arrache au coin de la tente. Il y a la puanteur des cloaques de boue stagnante que l'humidité persistante interdit d'assécher.
[Le jour de Noël,] je pénètre dans Khan Younès en passant entre l'hôpital de campagne jordanien et un cimetière ouvert à tout vent. (…) Encore un virage, et un panorama s'offre à moi de ce qui fut Khan Younès. Et là, je chavire à la recherche de repères aujourd'hui pulvérisés, vacillant entre les cratères béants et les amoncellements de décombres. J'ai beau avoir fréquenté par le passé quelques théâtres de guerre, de l'Ukraine à l'Afghanistan, en passant par la Syrie, l'Irak et la Somalie, je n'ai jamais, au grand jamais, rien expérimenté de similaire. (…) Et je comprends mieux pourquoi Israël interdit à la presse internationale l'accès à une scène aussi bouleversante.