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17.10.2024 à 16:41

Sanofi : les scandales derrière le scandale - La lettre du 17 octobre 2024

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De quoi le Doliprane est-il le nom ?
L'annonce par le groupe Sanofi qu'il était entré en négociations exclusives avec le fonds CD&R pour lui revendre ses activités dans les (…)

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De quoi le Doliprane est-il le nom ?

L'annonce par le groupe Sanofi qu'il était entré en négociations exclusives avec le fonds CD&R pour lui revendre ses activités dans les médicaments sans ordonnance – dont la célèbre petite boîte jaune du Doliprane – a suscité un tollé général qui était éminemment prévisible.

L'attention se focalise avant tout sur la nationalité étasunienne des repreneurs. Cette opération fait revenir le spectre d'affaires précédentes où des fleurons industriels tricolores ont été vendus à des intérêts américains avec la complaisance, si ce n'est la complicité active, des plus hautes sphères de l'État.
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En réalité, le scandale en cache beaucoup d'autres.

D'abord, ce n'est pas tant l'origine américaine de CD&R que la nature même de son « business » , le capital-investissement ou private equity qui pose question. Certes, CD&R n'est sans doute pas le plus rapace des fonds qui sévissent aujourd'hui dans son secteur d'activité. Il n'en reste pas moins que son modèle consiste à racheter des entreprises en contractant des dettes importantes (le fameux LBO pour leveraged buy-out) pour se rembourser un peu plus tard après avoir restructuré l'entreprise pour la rendre plus profitable et la revendre ensuite avec une copieuse plus-value. CD&R n'achète Opella, la filiale dédiée aux médicaments grand public de Sanofi, que pour quelques années tout au plus, et les salariés ont raison de s'inquiéter (tout comme les consommateurs).

De ce point de vue, il n'est pas sûr que la solution alternative d'une reprise par le fonds de private equity « français » PAI Partners, appuyée par les fonds souverains singapourien et émirati, soit beaucoup plus prometteuse.

S'il est une entreprise qui illustre la profonde illusion, pour ne pas dire supercherie, qui se niche au cœur de la notion de « champions nationaux », c'est bien Sanofi. Ses dirigeants l'exploitent d'ailleurs avec un cynisme que l'on pourrait presque qualifier d'admirable tant il est éhonté. On se souvient qu'au plus fort de la pandémie de Covid, le patron de Sanofi Paul Hudson avait froidement annoncé qu'il livrerait ses premiers vaccins (lesquels ne se sont d'ailleurs finalement pas matérialisés) aux États-Unis parce qu'ils avaient offert plus d'argent. Il avait enchaîné en reprenant à son compte le slogan de la « souveraineté » pour réclamer des aides publiques, qu'il a d'ailleurs obtenues. Le jour même ou presque, comme pour bien faire passer un message, il annonçait des centaines de suppressions d'emplois en France. (Nous avons parlé de tout ceci dans le cadre de notre projet Allô Bercy sur les aides publiques aux entreprises, voir Sanofi, ou l'indécence au sommet).

Le sujet des aides publiques dont bénéficie Sanofi depuis des années en France est légitimement au centre de la polémique autour de la cession d'Opella. Le nouveau ministre de l'Économie Antoine Armand a promis aux parlementaires un bilan de toutes les aides perçues par le groupe (au passage : quel aveu d'impuissance ou d'incurie qu'un tel bilan ne soit pas déjà disponible !). La somme de 1,5 milliard d'euros de crédit impôt-recherche est par exemple évoquée – alors même que Sanofi n'a cessé de tailler dans ses effectifs de recherche-développement depuis des années. C'est loin d'être la seule forme de soutien financier dont a bénéficié l'entreprise. Si Bercy produit jamais le bilan promis par le ministre, on verra si celui-ci inclut toutes les aides indirectes dont a bénéficié Sanofi au titre des divers crédits d'impôts, exonérations de cotisation, rachats d'obligations par les banques centrales et autres.

L'aide n'a pas été seulement financière. C'est l'État qui a donné naissance à Sanofi au sein du groupe Elf Aquitaine et qui favorisé son essor en l'encourageant à racheter à tour de bras la plupart de ses concurrents français (Synthélabo, Aventis) pour constituer un « champion » mondial qui n'a ensuite eu de cesse de supprimer des emplois et de redistribuer massivement ses profits (et parfois davantage) à ses actionnaires (lire Sanofi, ou la restructuration permanente au service des dividendes et voir le quatrième volet de nos « Pharma Papers »).

Aujourd'hui, les cadres de l'entreprise et ses défenseurs dans les médias font valoir que Sanofi n'est plus aussi français que ça et réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires aux États-Unis. Ce qui ne l'empêche pas de continuer de faire appel aux dirigeants français. Ses déclarations d'activités de lobbying auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique sont une litanie de demandes de soutien à la diplomatie tricolore, ici pour ses affaires au Mexique, en Turquie, en Libye ou en Algérie, là pour obtenir le soutien de la France au niveau des institutions européennes.

Si Sanofi décide aujourd'hui de revendre Opella à des fonds d'investissement, ce n'est pas avec le souci d'assurer la pérennité de sa filiale, mais pour en retirer le maximum de cash le plus rapidement possible. Les milliards d'euros promis par CD&R serviront à ce qui est maintenant le cœur du métier du groupe comme de toutes les autres multinationales du médicament : spéculer sur les molécules les plus prometteuses acquises auprès de start-ups et grâce auxquelles elles pourront extorquer les prix les plus exorbitants possibles aux patients et aux système d'assurance maladie (voir, à nouveau, nos Pharma Papers).

Le pire des scandales, qui se cache derrière tous les autres, n'est-il pas justement la réalité de l'industrie pharmaceutique d'aujourd'hui, totalement colonisée par la finance et par une logique de maximisation brutale des profits sur le dos de la santé publique ?

L'idée brandie par le gouvernement d'une entrée de l'État ou de Bpifrance au capital d'Opella ne va pas changer grand chose à cet état de fait, et ne fera qu'y ajouter une couche de vernis public, avec l'espoir d'en atténuer un petit peu les dégâts. La vraie question que pose l'affaire du Doliprane, c'est celle de sortir véritablement le médicament de l'emprise de la finance et de multinationales dont on ne peut plus sérieusement, dans ce domaine, attendre rien de bon.

« Cachez ce lobbying que je ne saurais voir »

Peut-on être financé par des grandes entreprises, n'avoir à son comité de direction que des représentants des grandes entreprises ou de cabinets d'avocats d'affaires, défendre des propositions favorables aux grandes entreprises (parfois sous la forme de mesures prêtes à l'emploi), favoriser l'accès des grandes entreprises aux décideurs et ne pas être un « représentant d'intérêts », et donc être exempté de toute obligation de transparence ?

C'est apparemment ce que semble penser le Conseil d'État, qui a donné raison le 14 octobre à l'institut Montaigne. Celui-ci contestait la demande que lui avait adressée la Haute autorité pour la transparence de la vie publique de s'inscrire au registre public des représentants d'intérêts et d'y déclarer ses dépenses et ses activités de lobbying, argumentant qu'il n'effectuait que des activités de réflexion, de recherche et d'expertise. La même requête avait été adressée par la HATVP à d'autres think tanks qui ont obtempéré.

La décision du Conseil d'État est problématique sur la forme, puisqu'il invente des critères de ce qui constitue ou non un représentant d'intérêts qui vont à l'encontre de ce qu'a prévu le législateur. Elle l'est aussi sur le fond, puisque les think tanks sont en réalité une composante importante du travail d'influence des entreprises et des milieux d'affaires, d'autant plus redoutable qu'elle se cache derrière un voile d'objectivité, de neutralité et de prestige intellectuel.

On lira à ce sujet notre enquête Think tanks : laboratoires d'influence.

On rappellera en outre que les obligations de transparence prévues par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique restent assez modestes. On voit mal en quoi elles constitueraient une menace ou une charge excessive pour l'institut Montaigne, qui a été fondé et présidé par les dirigeants d'Axa (Claude Bébéar puis Henri de Castries) et dont il est de notoriété publique qu'il est un outil d'influence au service des milieux d'affaires.

On en vient à se demander si la décision du Conseil d'État n'est pas elle-même le produit de ce lobbying qui selon lui n'existe pas. On sait en effet que la Cour est elle-même une cible directe d'influence pour les milieux économiques, et que le corps des conseillers d'État est lui aussi familier des portes tournantes avec les grandes entreprises et les grands cabinets d'avocats d'affaires. Sur ce sujet, lire notre enquête Les Sages sous influence ?. Un des membres du comité directeur de l'institut Montaigne, le PDG de La Poste Philippe Wahl, est lui-même ancien conseiller d'État.

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En bref

Vers la fin de l'omertà sur les relations entre institutions d'enseignement supérieur et grandes entreprises ? Il y a quelques années, la controverse autour de l'implantation d'un centre de recherches de TotalEnergies sur le campus de Polytechnique à Saclay avait attiré l'attention sur les relations souvent problématiques entre grands groupes et établissements de recherche et d'enseignement. La prestigieuse école a refusé de divulguer la convention la liant au groupe pétrogazier pour la chaire « énergie responsable », invoquant le secret des affaires. C'est suite à ce scandale – qui fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État (on espère qu'il fera mieux que sur les think tanks) – qu'a été lancée récemment Acadamia, l'« Association pour l'accès citoyen aux documents administratifs dans le milieu académique et culturel ». Son objet est d'obtenir la publication des convention de mécénat et autres documents contractuels qui régissent les relations de plus en plus fréquentes entre universités et groupes du CAC40. Pour Libération, Marie Piquemal s'est fait l'écho de la création de cette association et a dévoilé la teneur de certaines conventions de partenariat qui étaient restées jusque là dérobées aux regards du public. La convention entre L'Oréal et l'université Paris Sciences et Lettres (PSL) en vue de la création de la chaire « Beauté(s) » inclut ainsi des clauses de confidentialité et de non-dénigrement, mais aussi une participation de l'entreprise à la sélection et à l'évaluation des doctorants.

Affaire Lafarge en Syrie : la perspective d'un procès se rapproche. Les juges d'instruction ont renvoyé l'entreprise Lafarge SA et quatre de ses dirigeants devant un tribunal correctionnel pour financement du terrorisme et violation d'embargo. Le procès se rapproche donc pour l'entreprise, accusée d'avoir versé des sommes d'argent importantes à Daech et d'autres groupes terroristes entre 2012 et 2014 pour maintenir sa cimenterie de Jalabiya en activité. L'instruction se poursuit en ce qui concerne le chef d'accusation de complicité de crime contre l'humanité, pour lequel la Cour de cassation a définitivement validé la mise en examen de l'entreprise Lafarge – une première historique – en janvier dernier. Sur ce sujet, nous vous conseillons le livre de Justine Augier Personne morale, paru récemment aux éditions Actes Sud. La Cour de cassation a en revanche invalidé la mise en examen pour mise en danger de la vie d'autrui (en l'occurrence les ex salariés syriens de la cimenterie, qui accusent Lafarge de les avoir abandonnés à leur sort lorsque Daech a finalement pris le contrôle de l'usine), au motif que les protection du droit du travail français ne s'appliquerait pas à eux.

La publicité au service du tout-bagnole. L'association Résistance à l'agression publicitaire (RAP) a mené l'enquête sur l'industrie automobile, et le rapport qui en résulte lève le voile sur les efforts de communication massifs déployés par les constructeurs pour continuer à nous vendre des automobiles et nous faire oublier toutes leurs nuisances. Parmi les chiffres qui émaillent le rapport, on retiendra les 1516 euros de dépenses publicitaires engagées pour chaque véhicule vendu en France (inclus dans le prix acquitté par l'acheteur final). Au niveau mondial, l'industrie automobile a dépensé 118 milliards de dollars en publicités entre 2015 et 2022. L'association montre aussi que les constructeurs ont choisi ces dernières années d'insister sur la voiture électrique pour verdir leur image, tout en misant sur des véhicules de plus en lourds, les fameux SUV, annulant ainsi les bienfaits écologiques du passage à l'électrique (et créant en sus de nombreux autres problèmes de sécurité).

Formations ! Les formations de l'Observatoire des multinationales reprennent avec une session « Comment enquêter sur le lobbying à Paris et à Bruxelles » les 13 et 14 novembre à Paris (plus d'infos et inscription ici. Surtout, nous avons le plaisir d'organiser pour la première fois un stage à l'École des Vivants, qui aura lieu à La Zeste, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à proximité de Sisteron du 11 au 15 décembre. Programme, informations utile et inscription sur le site de l'École des Vivants.

Cette lettre a été écrite par Olivier Petitjean.

10.10.2024 à 15:07

Vous avez dit justice fiscale ? - La lettre du 10 octobre 2024

C'est la rentrée (tardive, toutes nos excuses) de la lettre d'information de l'Observatoire des multinationales.
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Budget 2025 : cacahuètes, levées de bouclier et sulfateuse sociale
Le gouvernement de Michel Barnier présente ce jeudi 10 octobre, avant de le défendre devant l'Assemblée nationale, un budget 2025 qui est avant tout un vaste plan (…)

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Texte intégral (2833 mots)

C'est la rentrée (tardive, toutes nos excuses) de la lettre d'information de l'Observatoire des multinationales.

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Bonne lecture

Budget 2025 : cacahuètes, levées de bouclier et sulfateuse sociale

Le gouvernement de Michel Barnier présente ce jeudi 10 octobre, avant de le défendre devant l'Assemblée nationale, un budget 2025 qui est avant tout un vaste plan d'austérité. Un effort de 60 milliards d'euros est annoncé pour ramener le déficit public sous la barre des 5%, composé pour partie d'économies et pour partie de hausses d'impôts.

Un temps au moins, alors qu'il espérait encore débaucher des figures « classées à gauche » dans son équipe ministérielle, Michel Barnier a annoncé qu'il placerait son action sous le signe de la justice fiscale. Qu'en est-il concrètement ? Il est bien sûr trop tôt pour tirer des conclusions définitives tant que le budget ne sera pas définitivement adopté, les différentes pistes évoquées ayant déjà provoqué des levées de boucliers de toutes parts. La tendance générale, cependant, semble claire.

Certes, des dispositifs exceptionnels sont annoncés qui cibleront les profits des plus grosses entreprises et les revenus des ménages les plus fortunés. De portée toute symbolique, ces mesures sont également conçues comme provisoires, et ne remettront donc pas en cause les déséquilibres qui se sont exacerbés depuis 2017 – à savoir une baisse de la charge fiscale acquittée par les entreprises et les détenteurs de capitaux et une hausse de la part supportée par les ménages. Elles semblent là pour cacher le reste.

Une contribution exceptionnelle des armateurs serait également sur la table, mais sans qu'il soit envisagé que l'on revienne sur la niche fiscale qui permet depuis des années à des géants comme CMA-CGM de minimiser leurs impôts (voir ici).

Le gouvernement prévoit aussi de mettre en œuvre une idée déjà avancée en 2023 par Emmanuel Macron alors qu'il tentait de détourner l'attention du mouvement contre la réforme des retraites : la taxation des rachats d'actions. Cette pratique consiste en ce qu'une entreprise rachète elle-même ses propres actions en bourse pour les supprimer et faire monter mécaniquement la valeur des actions restantes. C'est une autre manière, en complément du versement de dividendes, de gratifier les actionnaires. Ces dernières années, les groupes du CAC40 ont enregistré de tels superprofits qu'ils ne savaient apparemment plus quoi faire de tout leur argent : leurs rachats d'actions ont augmenté en flèche, de 7,5 milliards d'euros en 2020 à plus de 30 milliards en 2023 (sur ce sujet, voir CAC40 : « Tout va très bien, madame la marquise » et CAC40 : le véritable bilan annuel 2023). À nouveau, au regard de ces chiffres, la taxe annoncée (autour de 1%) apparaît bien modeste, de même que les revenus que l'on peut en espérer.

On notera au passage que l'État sait être généreux avec lui-même en tant qu'actionnaire, puisqu'il souhaite qu'EDF lui verse en 2025 un « dividende exceptionnel » de 2 milliards d'euros pour l'aider à boucler son budget. On ne sache pas pourtant que l'entreprise soit dans une situation financière florissante.

On pourrait aussi assister à un coup de rabot sur certaines aides publiques aux entreprises. Dans le cadre de notre initiative Allô Bercy, nous avons abondamment documenté l'augmentation incontrôlée de ces aides, les doutes qui subsistent sur leurs bienfaits économiques, et l'absence totale à la fois de transparence et de conditionnalités sociales, fiscales ou environnementales. Sont aujourd'hui dans le viseur le crédit impôt recherche (CIR), pour lequel les effets d'aubaine sont bien documentés (voir ici et ), ainsi que certaines exonérations de cotisations sur les bas salaires. Sans surprise, l'annonce de ces mesures a provoqué des cris d'orfraie du côté patronal, le président du Medef promettant des « centaines de milliers » (sic) d'emplois détruits au cas où ces exonérations seraient limitées.

D'autres mesures sont annoncées, parfois avec un vernis de justification écologique, comme une augmentation du malus automobile ou des taxes sur les billets d'avions. Le secteur aérien estime que cette dernière disposition nuira gravement à la compétitivité des opérateurs français par rapport à ses concurrents européens. En réalité, comme le rappelait récemment l'ONG Transport and Environment, le niveau de taxation dans ce domaine est bien plus faible en France qu'en Allemagne et au Royaume-Uni.

D'où viendront en réalité l'essentiel des 60 milliards ? D'économies réalisées sur le dos des ménages : les retraités dont les pensions ne seront pas revalorisées comme elles le devraient, les usagers qui verront le prix de l'électricité augmenter ou se maintenir à des niveaux élevés en raison de l'augmentation de l'accise (lire à ce sujet l'entretien de Jade Lindgaard de Mediapart avec Anne Debregeas), les assurés sociaux qui supporteront de nouvelles baisses de remboursements. Ce sont aussi les ménages, et surtout les moins favorisés d'entre eux, qui subiront le plus les effets des plans d'économies annoncés dans les services publics et les collectivités locales.

Malgré les gesticulations politiques, la trajectoire de fond reste donc la même que sous les mandatures précédentes.

Retour des formations de l'Observatoire des multinationales, avec de nouveaux formats

Les formations de l'Observatoire des multinationales font leur rentrée. Une nouvelle session de notre formation « Comment enquêter sur le lobbying à Paris et à Bruxelles » est déjà prévue pour les 13 et 14 novembre à Paris (plus d'infos et inscription ici. D'autres dates seront prochainement annoncées.

Surtout, nous avons le plaisir d'organiser pour la première fois un stage à l'École des Vivants, qui aura lieu à La Zeste, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à proximité de Sisteron du 11 au 15 décembre. Sous le titre « Rage against the machine économique », cet atelier interactif qui se déroulera dans un cadre magnifique a pour objectif d'outiller les participants pour comprendre enfin pourquoi on a (très souvent) raison de dénoncer les multinationales et les lobbys, et aussi comment documenter les abus des grandes entreprises sur les plans financier, fiscal, environnemental et social, comment identifier les véritables responsables, comment trouver des leviers d'action pour changer les choses, quels sont les risques et pièges à éviter. Tout un programme.

Informations utiles et inscription sur le site de l'École des Vivants.

Portes tournantes, la nouvelle saison

Qui dit changement de gouvernement dit intensification des allers-retours entre secteur public et secteur privé – ces fameuses « portes tournantes » que l'Observatoire des multinationales s'efforce de traquer (voir notre page spéciale, qui explique entre autres pourquoi c'est un problème et pourquoi nous parlons de portes tournantes plutôt que de pantouflage).

Cette fois-ci, cependant, en raison des incertitudes qui continuent de peser sur la pérennité du gouvernement, les conseillers venus du secteur privé semblent moins nombreux que les fois précédentes – à l'exception des habituels débauchages dans les agences de communication dont nous parlions dans cet article.

Dans le sens inverse, en revanche, les reconversions problématiques d'anciens responsables publics continuent. L'ex ministre de la Santé Olivier Véran, qui avait publiquement annoncé vouloir redevenir médecin – en se spécialisant toutefois dans la chirurgie esthétique – semble avoir changé d'avis puisqu'il a finalement monté – à l'instar de nombre de ses anciens collègues au gouvernement – sa propre société de conseil (entendre : de lobbying). Nous avons alerté sur ce phénomène dans notre article Sociétés de « conseil » : le très discret business des anciens ministres d'Emmanuel Macron. Olivier Véran rejoint également le conseil d'administration de l'entreprise Lunettes pour tous.

Un autre cas qui attire l'attention est celui de Victor Blonde, inspecteur des Finances et ancien conseiller « concurrence, consommation et participations publiques » auprès d'Emmanuel Macron à l'Elysée et simultanément en Matignon. Il rejoint la banque d'affaires Perella Weinberg, à laquelle il a souvent eu affaire dans le cadre de ses fonctions, notamment au moment des affaires Veolia et Atos, et où il retrouve... l'ancien patron de l'Agence des participations de l'État, David Azéma. Lire Le conseiller « concurrence et participations publiques » de l'Élysée rejoint directement une banque d'affaires spécialiste des fusions-acquisitions.

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En bref

Le monde brûle, TotalEnergies flambe. L'extension de l'offensive israélienne au Liban, et les risques d'un conflit régional avec l'Iran ont fait remonter les prix du pétrole à un moment où ils semblaient devoir baisser et inaugurer une ère de profits moindres pour les majors. Ces dernières ne prévoyaient pas, de toute manière, de réduire leurs dépenses, à l'image de TotalEnergies qui a confirmé ses rachats d'actions et annoncé une nouvelle hausse de son dividende en 2025. Le groupe a aussi validé un investissement record de 10,5 milliards d'euros pour développer l'extraction de pétrole et de gaz offshore au large du Suriname. Une confirmation, s'il en était besoin, que le groupe compte bien continuer à extraire et brûler des hydrocarbures dans les décennies à venir en dépit de l'urgence climatique. Et les acteurs financiers semblent applaudir des deux mains, puisque, comme l'a rappelé récemment Reclaim Finance, le groupe français a réussi à lever plusieurs milliards d'euros à travers des obligations d'une durée record – jusqu'à quarante ans pour certaines. Sur la stratégie de TotalEnergies et ses liens avec le monde financier, on relira notre étude TotalEnergies : comment mettre une major pétrogazière hors d'état de nuire.

« Démantelez-les » Il y a plus d'un siècle, la lutte contre les grands trusts aux États-Unis avait mené au démantèlement de la Standard Oil de John D. Rockefeller en 34 sociétés différentes. Le slogan « Break'em up » (« démantelez-les ») est remis au goût du jour depuis quelque temps par le nouveau mouvement antitrust qui cible, en particulier, les GAFAM. Avec un certain succès, puisque le Département de la justice a recommandé, suite à la condamnation de Google en août pour son monopole sur la recherche sur le web, d'envisager une séparation forcée de ses activités dans les système d'exploitation et les navigateurs (Android et Chrome) et de son moteur de recherche. Une autre procédure vient de commencer qui vise cette fois le monopole de la régie publicitaire de Google. La bataille ne fait que commencer, et dans les deux cas sera probablement tranchée en dernière instance, dans quelques années, par la Cour suprême. En 1911, c'est déjà elle qui avait entériné la fin de la Standard Oil.

Massacre au Mozambique. Parmi les projets d'extraction contestés de TotalEnergies, celui d'ouvrir à l'exploitation les vastes gisements de gaz offshore au large du Mozambique figurent en bonne place (lire Meurtri par le dérèglement du climat, le Mozambique s'ouvre à Total et aux multinationales pétrolières). Les travaux sont en suspens depuis 2021, du fait de la présence dans la province de Cabo Delgado d'un groupe armé islamiste. Malgré la sécurisation relative de la zone, la relance du projet – qui bénéficie d'un soutien appuyé du gouvernement français – se fait attendre. Une enquête de Politico lève le voile sur la face cachée de ladite « sécurisation ». L'armée mozambicaine aurait détenu, torturé et finalement exécuté plusieurs dizaines de civils qui fuyaient les combats dans les locaux abandonnés par TotalEnergies. Le groupe a assuré n'avoir plus aucun employé sur place à ce moment, mais il collabore depuis toujours avec l'armée mozambicaine pour assurer la sécurité de son site. TotalEnergies est par ailleurs sous le coup d'une plainte pour non-assistance à personne en danger et homicide involontaire suite à la mort de sous-traitants du projet lors des violences de 2021.

Machine de guerre pro-pesticides et pro-OGM. On n'arrête pas le progrès. Il y a quelques années, la révélation de l'existence de « fichiers Monsanto » créés par la firme de lobbying FleishmanHillard pour cibler les opposants aux OGM avait défrayé la chronique (lire notre article). Aujourd'hui, c'est une opération de plus grande envergure encore qui est révélée par Lighthouse Reports et Le Monde en France. La société v-Fluence, dirigée par l'ancien directeur de communication de Monsanto, a créé une base de données qui contient des informations y compris personnelles sur des dizaines de scientifiques et autres personnalités critiques des pesticides ou des OGM, mais également des argumentaires clés en main pour défendre l'industrie agrochimique. v-Fluence se targue aussi de diffuser des contenus favorables à cette dernière à travers tous les canaux possibles, depuis les blogs et les chaînes YouTube jusqu'aux commentaires de lecteurs en bas des articles parus dans des titres comme le New York Times.

La France, 19e au classement mondial des paradis fiscaux. Ce titre est un peu un raccourci, mais c'est aussi un rappel utile que les vrais paradis fiscaux ne sont pas forcément de petits archipels tropicaux. Le Tax Justice Network vient d'actualiser sa liste des pays et territoires les plus favorables d'un point de vue fiscal aux multinationales. Un classement certes dominé par les îles Vierges britanniques, les Caïmans et les Bermudes, mais où la France occupe une position pas forcément flatteuse, devant par exemple Malte, la Belgique ou le Panama. En cause : non pas tant le taux officiel de l'impôt, qui reste comparativement élevé dans l'Hexagone, mais la masse des « niches et exemptions », pour lesquelles la France affiche l'une des pires performances au monde. Voir le site dédié mis en place par le Tax Justice Network, riche de nombreux autres enseignements.

01.10.2024 à 14:17

Le conseiller « concurrence et participations publiques » de l'Élysée rejoint directement une banque d'affaires spécialiste des fusions-acquisitions

Olivier Petitjean

Selon La Lettre de l'Expansion, le conseiller d'Emmanuel Macron en charge des entreprises publiques et de la concurrence rejoint le bureau parisien de la banque d'affaires Perella Weinberg Partners en tant que « executive director ». La banque, impliquée dans la plupart des grandes fusions-acquisitions de la place parisienne de ces dernières années, apparaît comme un véritable nid de pantoufleurs, puisqu'il y retrouvera David Azéma, l'ancien patron de l'Agence des participations de l'État, (…)

- Les portes tournantes / , , , ,
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Selon La Lettre de l'Expansion, le conseiller d'Emmanuel Macron en charge des entreprises publiques et de la concurrence rejoint le bureau parisien de la banque d'affaires Perella Weinberg Partners en tant que « executive director ». La banque, impliquée dans la plupart des grandes fusions-acquisitions de la place parisienne de ces dernières années, apparaît comme un véritable nid de pantoufleurs, puisqu'il y retrouvera David Azéma, l'ancien patron de l'Agence des participations de l'État, ainsi que Stéphane Richard, l'ancien PDG d'Orange.

Victor Blonde était conseiller « participations publiques, consommation et concurrence » dans le cabinet du président de la République Emmanuel Macron depuis septembre 2020. Il exerçait conjointement cette fonction auprès de Matignon. Inspecteur des Finances, il avait exercé des fonctions au sein de l'Agence des participations de l'Etat, où il s'occupait du secteur des transports. Au sortir de l'ENA, il a même passé quelques mois au sein de la direction « exploration & production » de TotalEnergies [1].

La banque Perella Weinberg est familière avec les sommets de l'Etat français puisqu'elle est dirigée depuis 2017 par David Azéma. Commissaire de l'Agence des participations de l'Etat entre 2012 et 2014 (et passé auparavant par la SNCF, Vinci et Keolis), celui-ci avait d'abord rejoint Bank of America - Merill Lynch, avant d'être appelé par Perella Weinberg pour ouvrir leur bureau parisien. Il y est rejoint l'année suivante par Philippe Capron, lui aussi Inspecteur des Finances et ancien directeur financier d'Arcelor, Vivendi et Veolia. En 2022, un autre Inspecteur des Finances les rejoint en tant que président non-exécutif, l'ancien PDG d'Orange Stéphane Richard, débarqué en raison de son rôle dans l'affaire « Crédit lyonnais-Tapie » à l'époque où il était directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy.

Lire aussi Les portes tournantes

Fondée en 2006 par des anciens de Goldman Sachs et Morgan Stanley, la banque d'affaires est spécialiste des grandes opérations de fusions-acquisitions. En France, David Azéma et Perella Weinberg ont notamment conseillé Veolia dans le cadre de sa bataille pour mettre la main sur Suez en 2020 et 2021 – un dossier que Victor Blonde a probablement eu à suivre dans le cadre de ses fonctions, tout comme celui de la restructuration et de la revente d'Atos, pour lequel Perella Weinberg a également été mandaté. La banque a également accompagné le groupe Lactalis au moment où il envisageait de racheter Danone, en 2022. Auparavant, elle a conseillé PSA en vue de sa fusion avec FiatChrysler pour former le groupe Stellantis (un autre dossier impliquant l'État actionnaire).

L'Agence des participations de l'État fait régulièrement appel à des banques d'affaires pour la conseiller sur des opérations impliquant des entreprises dans lesquelles elle détient des parts. Les montants des honoraires ne sont pas connus. Plusieurs des anciens dirigeants de l'APE de ces dernières années ont rejoint le secteur financier, à l'image de Régis Turrini (aujourd'hui chez UBS), Bruno Bézard (Cathay Capital) et Martin Vial (Montefiore).

Olivier Petitjean

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