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16.09.2025 à 11:05

Les coupes budgétaires de Trump dans le financement mondial des droits des travailleurs atteignent 726 millions de dollars et annoncent de graves reculs dans le domaine

Plus de 726 millions de dollars américains (618 millions d'euros) de financement destinés à lutter contre le travail des enfants, l'esclavage moderne et la répression sur les lieux de travail s'évaporeront bientôt à cause du démantèlement des protections des travailleurs par l'administration Trump, révèle Equal Times.
Les abus et l'exploitation des travailleurs ainsi que la répression des syndicats seront très certainement exacerbés par ces coupes budgétaires, estime Kelly Fay Rodriguez, (…)

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Texte intégral (3122 mots)

Plus de 726 millions de dollars américains (618 millions d'euros) de financement destinés à lutter contre le travail des enfants, l'esclavage moderne et la répression sur les lieux de travail s'évaporeront bientôt à cause du démantèlement des protections des travailleurs par l'administration Trump, révèle Equal Times.

Les abus et l'exploitation des travailleurs ainsi que la répression des syndicats seront très certainement exacerbés par ces coupes budgétaires, estime Kelly Fay Rodriguez, ancienne représentante spéciale des États-Unis pour les affaires internationales du travail au sein de l'administration Biden. « Malheureusement, il est fort probable que le travail des enfants et les pratiques de travail forcé aillent en augmentant », déclare-t-elle à Equal Times. « Nous sommes conscients que ces problèmes sont endémiques, mais, dans le même temps, nous avons supprimé les ressources et la priorité accordées pour les combattre ».

« Cela signifie que les travailleurs qui font l'objet de menaces de mort en raison de leur activité syndicale — ou du travail qu'ils font — ne bénéficieront même plus de la protection ou de la couverture politique de base de la part du gouvernement des États-Unis », déplore-t-elle.

« Cela mettra en danger des personnes qui ont passé leur vie sur les premières lignes du combat pour la défense des droits des travailleurs, parfois dans des endroits très dangereux et au péril de leur vie, ce qui en fait des cibles. Cette situation est profondément troublante et, à n'en pas douter, ne sert pas nos intérêts. »

Les projets du président Trump prévoient une réduction de 577 millions de dollars américains (491,7 millions d'euros) du budget alloué aux programmes internationaux en faveur des droits des travailleurs financés par le Bureau des affaires internationales du travail du département du Travail.

Selon une estimation de Mme Rodriguez, se basant sur sa connaissance approfondie de ces programmes et sur des consultations avec d'anciens collègues, les programmes actifs du Bureau pour la démocratie, les droits humains et le travail du Département d'État seront également amputés d'environ 43 millions de dollars US (36,6 millions d'euros).

Ces fonds étaient consacrés à des programmes qui défendaient notamment les travailleurs contre les violences meurtrières en Amérique centrale, amélioraient les normes dans les mines de minéraux critiques et documentaient les violations des droits des travailleurs commises par la Chine à l'encontre de sa minorité ouïghoure.

De plus, 17,5 millions de dollars US (14,8 millions d'euros) de financement destiné aux travailleurs à travers l'USAID ont été annulés, tout comme une aide de 20 millions de dollars US (17 millions d'euros) sur cinq ans pour le Bangladesh et environ 10 millions de dollars US (8,5 millions d'euros) pour le Cambodge, indique Mme Rodriguez.

Par ailleurs, une enveloppe de 4,2 millions de dollars US (3,6 millions d'euros) destinée à des programmes de lutte contre la traite des êtres humains dans le monde du travail a été annulée, tout comme environ 55 millions de dollars US (46,6 millions d'euros) de fonds destinés à d'autres projets de lutte contre la traite des êtres humains.

Fin août, la Maison-Blanche avait annoncé qu'elle réduisait également de 107 millions de dollars US (90,7 millions d'euros) les fonds alloués à l'Organisation internationale du Travail (OIT), car « celle-ci œuvre à la syndicalisation des travailleurs étrangers et punit les intérêts des entreprises étatsuniennes à l'étranger ».

Quelques jours plus tard pourtant, la Maison-Blanche a retiré toute référence à l'OIT dans un communiqué, et ce, sans fournir la moindre explication.

Certaines sources internes à l'OIT soupçonnent que cet apparent changement de position de Trump soit lié à la nomination, à peu près au même moment, de l'un de ses proches collaborateurs économiques, Nels Nordquist, au poste de directeur général adjoint de l'OIT. L'épouse de M. Nordquist, Jennifer, a également été nommée à un poste de haut niveau à l'OMC, organisation qui a également été retirée de la liste des coupes de financement prévues par les États-Unis.

L'OIT reçoit 22 % de ses revenus du gouvernement étatsunien, qui est actuellement redevable de 173 millions de dollars d'arriérés (146,64 millions d'euros). Si l'administration Trump coupait les vivres à l'OIT jusqu'à la fin de son mandat, ses coupes budgétaires dans les groupes mondiaux de défense des droits des travailleurs s'élèveraient à plus d'un milliard de dollars (847 millions d'euros).

Le gouvernement des États-Unis n'a pas donné suite aux demandes de commentaires.

« Une menace démesurée pour les plus vulnérables »

Irit Tamir, directrice senior d'Oxfam America chargée de la responsabilité des entreprises et de la justice pour les travailleurs, a déclaré que la suppression du financement « fait peser une menace démesurée sur les plus vulnérables d'entre nous. En substance, les principales garanties contre des pratiques telles que le travail forcé, le travail des enfants et la traite des êtres humains ont été supprimées, exposant encore davantage aux abus les personnes victimes potentielles d'exploitation par le travail. Les conséquences de cette décision irréfléchie auront des répercussions pendant des années, tant pour les travailleurs eux-mêmes que pour l'économie de notre pays. »

Si les États-Unis ne sont pas à même de contrôler les normes du travail en vigueur dans les chaînes logistiques mondiales, ils ne pourront pas évaluer si leurs partenaires respectent les termes des accords commerciaux bilatéraux, ce qui risque de les entraîner dans un nivellement par le bas qui les obligera à faire concurrence avec le travail forcé ou le travail des enfants, explique Mme Rodriguez, qui occupe aujourd'hui le poste de chercheuse principale au Centre Carr-Ryan pour les droits humains de la Harvard Kennedy School.

L'un des groupes affectés par la réduction des financements étatsuniens est China Labor Watch, une organisation basée à New York qui surveille et établit des rapports sur les conditions de travail en Chine et qui plaide en faveur des droits des travailleurs.

Le fondateur du groupe, Li Qiang, a déclaré à Equal Times que certains financements alternatifs avaient été obtenus, mais que l'avenir du groupe restait incertain. « Nous ne savons pas si le financement sera à nouveau suspendu à l'avenir ni si de nouveaux programmes seront soutenus. Cela mine le moral du personnel et affecte nos partenaires », déclare-t-il.

« Pour les travailleurs [chinois], cela signifie que leurs voix et leur situation seront plus difficiles à faire entendre dans le monde extérieur et que les abus dont ils sont victimes pourraient s'aggraver. »

« Cela envoie aussi un signal inquiétant aux responsables de violations des droits humains : les institutions comme la nôtre sont instables et le gouvernement étatsunien bat en retraite dans ce domaine. Le risque existe également que l'application des lois étatsuniennes sur le travail forcé soit affaiblie ».

D'après l'OIT, l'esclavage moderne, qui prend la forme de travail et de mariages forcés, a augmenté de 20 % entre 2016 et 2021 et touche désormais 50 millions de personnes. Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies visaient à mettre fin à ces deux pratiques à l'horizon 2030.

Après avoir connu une hausse spectaculaire pendant les années Covid, le travail des enfants a diminué en 2024. Cette baisse est toutefois loin d'être suffisante pour atteindre l'ODD de l'ONU, dont l'objectif est de mettre fin à cette pratique au plus tard en 2025. Selon les estimations, 138 millions de jeunes de moins de 17 ans travaillent encore dans des champs, des usines, des magasins et des mines, dont 54 millions dans des conditions dangereuses susceptibles de nuire à leurs santé, sécurité ou moralité.

Ces priorités ne sont toutefois plus celles des États-Unis.

L'Europe emboîte le pas


Les effets de la réduction des financements se font sentir dans le secteur à but non lucratif, où Amol Mehra, directeur des programmes industriels de la Fondation Laudes, a averti au début de cette année d'une « dissolution progressive, d'une dépriorisation et d'un abandon du cadre et du langage des droits humains » chez les bailleurs de fonds philanthropiques.

À travers le monde, les dépenses consacrées aux droits humains sont appelées à diminuer de près de 1,9 milliard de dollars (1,61 milliard d'euros) l'année prochaine, soit une baisse de 31 % par rapport aux niveaux de 2023, indique un nouveau rapport publié par le Human Rights Funders Network.

Ce basculement a également gagné les gouvernements européens. Parmi eux, le gouvernement travailliste britannique de Keir Starmer a décidé de réduire son budget consacré à l'aide de 40 %, soit 6 milliards de livres sterling (6,93 milliards d'euros), afin d'augmenter les dépenses de défense.

Partout dans l'Union européenne, certaines aides au développement vitales ont baissé de 7,1 % l'année dernière, et de 8,6 % parmi les 22 États membres de l'UE qui font partie du Comité d'aide au développement de l'OCDE regroupant les principaux donateurs. Une autre baisse de 17 % est prévue pour cette année.

L'année dernière, le gouvernement d'extrême droite de la Suède a réduit de 1,8 milliard de couronnes suédoises (164,7 millions d'euros ou 194,4 millions de dollars US) le budget annuel consacré au développement, un chiffre qui devrait augmenter progressivement. Cette décision, qui fait suite au retrait des fonds alloués aux syndicats palestiniens après les événements du 7 octobre 2023, pourrait affecter jusqu'à 500 syndicats à travers le monde.

Oscar Ernerot, secrétaire général du Centre international Olof Palme, l'organisation faîtière du mouvement syndical suédois pour la solidarité internationale, explique à Equal Times que près de la moitié des fonds de son organisation seront perdus d'ici fin 2027, entraînant un avenir incertain pour 65 syndicats et groupes de défense des droits des travailleurs.

« Nous travaillons principalement avec des mouvements communautaires de jeunes syndicalistes en Afrique australe et en Amérique latine », explique-t-il. « Cela portera un coup dur à leur capacité de mobilisation. Les travailleurs ne pourront plus revendiquer leurs droits, exercer un emploi décent ou exercer leur droit d'organisation en vertu de la convention de l'OIT. La fin sera autoritaire : le développement de la démocratie ralentira, les inégalités et les injustices se multiplieront et cette approche est tout à fait contraire à l'esprit suédois. »

Ironiquement, selon lui, retirer des fonds de l'aide rendrait les pays africains à faible revenu moins résistants aux chocs et augmenterait le flux de réfugiés vers l'Europe.

Certains rapports ont critiqué le « côté obscur » qui entoure le financement des syndicats par des donateurs : celui-ci accroît leur précarité financière, leur dépendance vis-à-vis des priorités des donateurs et transfère la responsabilité de leurs adhérents à leurs bailleurs de fonds. Ce financement a pris de l'importance à mesure que le nombre d'adhérents aux syndicats a diminué et que le pouvoir des entreprises s'est accru. Une étude récente sur les restaurants de rue informels à Accra, au Ghana, a révélé que le financement par des donateurs mettait l'accent sur des solutions néolibérales, telles que la promotion de l'entrepreneuriat dans l'économie informelle, tout en faisant peu pour aider les salariés du secteur.

M. Ernerot a déclaré que ces rapports soulevaient des questions importantes pour les bailleurs de fonds concernés (de l'UE, de l'USAID et de l'Agence danoise pour le développement international, dans le cas du Ghana), mais que couper les vannes du financement pour servir ses propres intérêts était loin d'être la solution.

« La nouvelle tendance internationale de la droite en faveur de l'“aide au commerce” n'est pas suffisante, car elle ne tient pas compte des droits des travailleurs ni de l'autonomisation des femmes. Le seul problème est le suivant : Comment peut-elle profiter à la Suède ? », déclare-t-il. « Elle est simplement considérée comme un coût, et non comme un investissement. C'est une nouvelle façon d'envisager l'aide au développement, comme quelque chose qui profite à soi-même, ce qui n'a jamais été l'idée. »

12.09.2025 à 08:00

Louer, acheter et survivre dignement, un défi dans un Venezuela paupérisé

Avoir un toit au-dessus de sa tête est fondamental pour aspirer à une vie digne. Or, pour des centaines de milliers de familles au Venezuela, où le droit au logement est pourtant inscrit dans la Constitution, la location d'un espace adéquat est un luxe inaccessible et l'achat d'une propriété relève d'une mission impossible. Non seulement les prix du marché dépassent de loin le revenu moyen des ménages, mais l'inflation a pulvérisé les prêts hypothécaires, privant les citoyens de tout accès (…)

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Avoir un toit au-dessus de sa tête est fondamental pour aspirer à une vie digne. Or, pour des centaines de milliers de familles au Venezuela, où le droit au logement est pourtant inscrit dans la Constitution, la location d'un espace adéquat est un luxe inaccessible et l'achat d'une propriété relève d'une mission impossible. Non seulement les prix du marché dépassent de loin le revenu moyen des ménages, mais l'inflation a pulvérisé les prêts hypothécaires, privant les citoyens de tout accès au financement.

À la fin de l'année 2024, le revenu mensuel de 70 % des ménages vénézuéliens se situait entre 150 et 300 USD, ce qui est insuffisant pour couvrir le coût du loyer. Aussi, de nombreuses familles se sont-elles vues contraintes de rogner sur leur qualité de vie ou de chercher des alternatives de logement de plus en plus précaires et improvisées. Nairobi Lara, une mère célibataire de 30 ans, en est un bon exemple.

Elle partage actuellement avec son fils une chambre dans un logement situé à Petare, le plus grand bidonville du pays, et l'un des plus pauvres. Jusqu'à l'année dernière, elle gagnait l'équivalent de 300 USD, dont 100 USD allaient au paiement du loyer pour un logement composé de deux chambres, d'une salle de bain et d'une cuisine. Cependant, suite à la réduction de son salaire à l'ONG où elle travaille et à l'augmentation du loyer – qui a lieu tous les six mois – elle a dû se contenter d'une seule chambre, où elle partage désormais un lit avec son fils.

« Actuellement, je paie 80 USD pour vivre ici, mais je ne gagne que 185 USD. De ce montant, il me reste en tout et pour tout 105 USD pour la nourriture, l'école, l'Internet et les transports. L'argent ne suffit même pas à couvrir les dépenses courantes. J'ai la sensation d'étouffer. C'est pourquoi j'ai dû renoncer à une chambre, pour pouvoir continuer à avoir un toit au-dessus de ma tête. Je me suis installée du mieux que j'ai pu dans l'autre (pièce) avec les choses les plus nécessaires », a-t-elle confié à Equal Times.

Côté syndical, des organisations comme la Centrale ASI Venezuela réclament depuis des années une politique salariale équitable qui permette à la classe travailleuse du pays de faire face aux dépenses de logement, ce qui, pour l'instant, est purement « illusoire » compte tenu de la « capacité de financement nulle ».

ONU-Habitat, le programme des Nations Unies pour les établissements humains, utilise l'indicateur de la « capacité de paiement » pour mesurer l'accessibilité du logement. Selon cette norme, le prix à payer pour un toit ne doit pas dépasser 30 % du revenu du ménage. Or, dans le cas de Mme Lara, le montant s'élève à 43 %, soit un dépassement de 13 points par rapport au seuil de l'ONU. Dans de telles conditions, sa capacité à couvrir d'autres besoins de base tels que l'alimentation, la santé et l'éducation est sérieusement compromise.

Mais au-delà du coût du loyer, un tel prix n'est pas, non plus, justifié au regard des conditions d'habitabilité. Mme Lara n'a même pas accès à l'eau potable tous les jours. L'approvisionnement en eau ne se fait, dans le meilleur des cas, que deux jours par semaine. Elle ne dispose pas, non plus, de gaz naturel. Elle s'empresse de préciser que ces défaillances n'affectent pas seulement sa qualité de vie, mais aussi celle de huit ménages sur dix au Venezuela qui dépendent de sources d'eau alternatives – la plupart du temps dangereuses – pour mener à bien leurs activités quotidiennes à la maison.

Et non, la crise du logement n'est pas seulement vécue en silence : elle donne lieu à des actions de protestation. En 2024, le Venezuela a été le théâtre de 1.299 manifestations pour le droit à un logement décent, soit une moyenne de trois par jour, ce qui en fait la deuxième cause de mobilisation dans le pays, selon l'Observatoire vénézuélien des conflits sociaux. Les femmes, dont 65 % sont cheffes de famille au Venezuela, se trouvaient à la tête de la plupart de ces mobilisations.

« La demande de logements décents et abordables a été une constante dans les manifestations au Venezuela, reflétant la nécessité urgente de conditions de logement adéquates pour des milliers de familles dans le pays. Face à l'inaction du gouvernement et à l'absence de politiques efficaces, les citoyens ont recours à la contestation comme moyen de pression pour rendre visible leur réalité et exiger des solutions concrètes », selon le rapport Conflictividad Social en Venezuela en 2024, publié en février.

Des solutions en vue ?

Au Venezuela, la pénurie de logements continue de s'aggraver tandis que les investissements publics dans ce domaine atteignent des niveaux historiquement bas. En 2023, alors que la population était estimée à 30 millions, au moins 10 % – soit environ trois millions d'habitants – se trouvaient dans une situation de vulnérabilité sévère ou modérée en raison du manque d'accès à un logement décent, selon l'Enquête nationale sur les conditions de vie (Encovi).

Bien que la Constitution consacre le droit à un logement « adéquat, sûr, confortable, hygiénique et doté des services essentiels de base », le budget alloué au secteur reflète une réalité différente. Au cours de la même année, le ministère de l'Habitat et du Logement a reçu à peine 0,41 % du budget national approuvé par le Parlement.

Pour Cristofer Correia, spécialiste du logement, de l'habitat et des villes auprès du Centre ibéro-américain de développement stratégique urbain, l'investissement nécessaire pour inverser cette tendance est considérablement plus élevé, étant estimé à au moins 10 % du produit intérieur brut (PIB). Rien qu'à Caracas, l'intégration des établissements informels au sein de la structure urbaine nécessiterait un investissement minimum de 1,3 milliard USD, selon les estimations de l'expert, basées sur des expériences récentes de régénération urbaine dans des métropoles sud-américaines telles que São Paulo et Medellín.

« C'est conséquent, certes, mais cela ne représente que 5 % du PIB national. Et échelonné dans le cadre d'un plan quinquennal, l'investissement annuel ne représenterait que 1 % », a expliqué M. Correia.

Sa proposition rompt avec la formule traditionnelle de la construction en masse de logements et se concentre sur une véritable intégration des secteurs populaires dans le développement urbain. La clé, a-t-il expliqué dans un entretien avec Equal Times et dans son livre Regeneracion Urbana Inclusiva (Regénération urbaine inclusive), est de garantir les infrastructures et les équipements sociaux, ce qui implique des services essentiels tels que l'eau, l'électricité et les transports, ainsi que des environnements adéquats pour l'éducation, l'emploi et les loisirs.

Mais là encore, il ne s'agit pas seulement de construire plus de logements. Si, dans certains cas, le relogement est indispensable – notamment pour les familles vivant dans des zones à haut risque, comme les terrains instables ou sujets aux glissements de terrain – la solution structurelle consiste à formaliser le régime foncier et à améliorer les conditions de vie dans les quartiers existants.

« Des efforts doivent être entrepris pour mettre aux normes ces habitations afin de leur donner la possibilité et la capacité de se développer. Cela implique de fournir des documents qui garantissent la légalité du bâti et du terrain, ainsi que de créer des conditions de vie décentes, par exemple des rues suffisamment larges pour permettre le passage d'une benne à ordures ou d'une ambulance », a expliqué M. Correia.

Démolir des quartiers pour ensuite les reconstruire de fond en comble, comme certains le proposent, ne serait pas viable, souligne l'expert. Non seulement en raison de l'impact social, mais aussi du coût exorbitant. Alors que la construction d'un appartement dans n'importe quel pays d'Amérique latine revient à environ 20.000 USD par unité, une intervention globale au sein des communautés – comme celle menée dans la Comuna 13 de Medellín, qui comprend des escaliers roulants, des bibliothèques et des espaces de loisirs – a coûté 4.000 USD par unité.

« Cela nous reviendrait au moins cinq fois moins cher que de construire des appartements dans des conditions souvent inhumaines, comme c'est le cas dans certains chantiers de la Gran Misión Vivienda Venezuela. Ce n'est pas toujours le cas, mais ça arrive », avertit-il.

Lancée en 2011, la Gran Misión Vivienda Venezuela (Grande Mission Logement Venezuela) a été présentée comme une réponse à la pénurie de logements, avec la construction de logements sociaux pour les personnes à très faibles revenus et les personnes sinistrées. Depuis lors, le gouvernement vénézuélien affirme avoir livré des millions d'unités, cependant nombre de ces projets ne sont pas conformes aux normes d'habitabilité.

Des rapports émanant de Transparencia Venezuela, la section nationale de Transparency International, ont dénoncé le fait que certains de ces ouvrages ont été construits sur des failles géologiques, ce qui a provoqué des ruptures de canalisations, des défaillances des systèmes de collecte des eaux usées, des fissures dans les murs et des glissements de terrain.

Leur coût moyen s'élève à 60.000 USD, selon les chiffres officiels du gouvernement de Nicolás Maduro, qui s'engage à présent à en construire deux millions de plus au cours de son nouveau mandat, entre 2025 et 2030. Si cet engagement est tenu, cela signifierait la construction de 333.000 logements par an. M. Correia s'interroge toutefois sur la viabilité économique de ce plan.

« Pour 2025, le budget de la nation s'élève à 22 milliards USD. Si M. Maduro construisait effectivement deux millions de logements au prix indiqué par son propre gouvernement, à savoir 60.000 USD par unité, le coût total atteindrait 20 milliards USD, soit 90 % du budget national », a-t-il calculé.

Et qu'en est-il du marché ?

Acheter ou louer dans les quartiers les plus défavorisés des villes vénézuéliennes est devenu, pour beaucoup, la seule option possible face à l'effondrement du crédit et au coût croissant du marché immobilier formel. C'est une sorte de bouée de sauvetage dans un climat économique houleux. En témoigne le cas de Dennis Linares, 33 ans, qui a réussi à acheter, en 2023, une maison de 60 mètres carrés à El Guarataro, une communauté populaire de l'ouest de Caracas. Il vivait auparavant dans un petit studio à San Agustín, dont il était également propriétaire.

« Pour acheter celle-ci, nous avons vendu la maison précédente et avec l'argent de cette vente, après avoir économisé un peu, nous avons tout rassemblé. Cela nous a pris deux ans. Nous n'avons pas pu obtenir de prêt hypothécaire », explique-t-il.

Bien qu'il dispose désormais de plus d'espace, Dennis admet se sentir oppressé par le cadre de vie : escaliers sans fin, cahutes de part et d'autre et pannes constantes d'approvisionnement en eau. Cependant, il estime qu'il vaut mieux avoir quelque chose à soi, même si c'est dans une zone vulnérable, que de payer un loyer disproportionné sans aucune garantie. « Ils demandent trois mois de caution et jusqu'à un an d'avance. C'est impossible », explique-t-il.

L'économiste Jesús Castillo, professeur à l'Universidad Católica Andrés Bello (UCAB) et consultant auprès d'Ecoanalítica, avertit qu'avec un crédit hypothécaire « presque totalement restreint », la mobilité et la possibilité d'évolution des ménages se voient sévèrement limitées.

« Près d'un quart de la population a quitté le pays. En termes de logement, cela se traduit par une offre et une disponibilité de biens immobiliers, mais cette offre reste structurellement chère pour un marché dépourvu d'accès au crédit et une population paupérisée », indique M. Castillo.

Diverses initiatives privées ont tenté de proposer des plans de financement, mais ceux-ci ne sont pas viables pour la majorité. Face à cette situation, de nombreuses familles ont été contraintes de partager leur logement. « Des ménages multifamiliaux sont apparus », explique M. Castillo. « Vous grandissez dans la maison de votre grand-mère, vous avez des enfants qui, à leur tour, ont des enfants. On se retrouve ainsi avec une famille où un arrière-grand-parent et même un arrière-petit-enfant vivent sous le même toit. Comme les Vénézuéliens ne peuvent pas devenir indépendants, voilà le résultat. »

Au Venezuela, le logement a donc cessé d'être un tremplin vers la sécurité et le bien-être pour devenir une course aux obstacles marquée par la précarité, l'inégalité et l'absence d'options réelles. Disposer d'un logement décent relève, à ce jour, non pas d'un droit, mais d'un privilège. En l'absence de politiques publiques soutenues, de salaires décents, de crédit accessible et de solutions urbaines globales, des milliers de familles se voient contraintes de déménager dans des zones vulnérables, de partager des espaces ou de renoncer à des conditions minimales d'habitabilité. Cette situation éloigne durablement le pays de l'objectif mondial fixé par les Nations Unies, à savoir garantir l'accès à un logement adéquat, sûr et abordable à l'horizon 2030.

09.09.2025 à 10:26

Dans le cœur logistique de l'Europe, les fausses promesses faites à la main d'œuvre espagnole exploitée aux Pays-Bas

En 2014, l'avocat Rafael Polo travaillait au département du Travail et des Migrations de l'ambassade d'Espagne aux Pays-Bas. Son rôle consistait à informer les migrants espagnols, dont un grand nombre était arrivé à partir de 2007 lorsque la crise économique avait fait grimper le taux de chômage en Espagne à plus de 20 %, sur les questions juridiques et liées à l'emploi.
Si les Pays-Bas comptaient 28.000 citoyens espagnols en 1996, ce chiffre était passé à près de 40.000 après la crise. La (…)

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En 2014, l'avocat Rafael Polo travaillait au département du Travail et des Migrations de l'ambassade d'Espagne aux Pays-Bas. Son rôle consistait à informer les migrants espagnols, dont un grand nombre était arrivé à partir de 2007 lorsque la crise économique avait fait grimper le taux de chômage en Espagne à plus de 20 %, sur les questions juridiques et liées à l'emploi.

Si les Pays-Bas comptaient 28.000 citoyens espagnols en 1996, ce chiffre était passé à près de 40.000 après la crise. La plupart étaient venus pour un emploi sûr, assorti d'un salaire trois fois supérieur à celui qu'ils auraient pu toucher dans leur pays. Du moins, c'est ce qu'ils pensaient, jusqu'au jour où ils atterrissaient dans le bureau de M. Polo. « Les histoires qu'ils ont commencé à nous raconter nous ont surpris, nous ont dépassés », explique-t-il aujourd'hui à Equal Times.

Tous avaient le même profil : des jeunes recrutés en Espagne pour travailler dans des entrepôts logistiques par l'intermédiaire d'agences d'intérim. On leur avait promis à tous un bon salaire et un logement, mais, dès leur arrivée aux Pays-Bas, ils découvraient la précarité, un salaire inférieur à celui escompté et un logement, certes, mais misérable, dans des campings, des baraquements ou des appartements surpeuplés.

Ils se retrouvaient dans une situation tellement extrême que, ayant épuisé toutes leurs ressources, ils demandaient de l'aide à l'ambassade pour survivre, parfois pour rentrer en Espagne. M. Polo n'en revenait pas. « L'ambassade n'était pas préparée à répondre à un tel niveau de nécessité. »

Un système en « zone grise »

« On m'a dit de venir, qu'on me paierait trois mille euros, qu'on me donnerait une voiture, une maison. On nous a tous piégés comme ça », raconte Manuel*. Lui est arrivé aux Pays-Bas en 2017. Cette offre, il l'a trouvée comme tout le monde, sur Internet. Des petites agences ou des particuliers néerlandais se chargent de les enrôler et de leur proposer, soit verbalement, soit au moyen de documents sans valeur juridique, des conditions très différentes de celles qu'ils signeront à leur arrivée dans un contrat rédigé en néerlandais.

La même année où Manuel est arrivé aux Pays-Bas, un groupe de chercheurs espagnols a documenté pour la première fois tout ce système conçu pour approvisionner de grandes zones logistiques, comme le port de Rotterdam, en main-d'œuvre abondante, bon marché, fragile, interchangeable et toujours disponible. Ce système repose sur un vaste maillage d'agences d'intérim qui frôle l'illégalité sans jamais y tomber complètement et qui se maintient toujours dans une « zone grise ».

« À peine arrivés, ils vous emmènent dans leur bureau pour signer, mais ce n'est pas un contrat normal, c'est du travail à l'heure. Quand vous avez des heures, vous travaillez, quand vous n'en avez pas, vous ne travaillez pas », explique encore Manuel.

Il fait allusion à ce que l'on appelle des contrats « zéro heure », que le Parlement européen et la Cour de justice de l'UE critiquent pour leur précarité, même s'ils sont autorisés par des États tels que le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Il s'agit de contrats ne garantissant pas le nombre d'heures travaillées et, par conséquent, le montant de la rémunération.

« Au départ, ce type de contrat est légal, conçu pour les jeunes qui veulent travailler quelques heures pendant les week-ends, mais il s'est généralisé », explique Pablo López, professeur de sociologie à l'université Complutense de Madrid et coauteur du travail de recherche sur les nouvelles migrations espagnoles aux Pays-Bas. « L'illégalité apparaît lorsque ces contrats sont prolongés en utilisant des subterfuges, tels que le transfert des travailleurs vers d'autres agences d'intérim. Les entreprises recherchent des espaces non régulés afin de ne pas enfreindre la loi, mais aussi pour ne pas s'y conformer ».

Ses recherches ont révélé qu'en réalité, les agences d'intérim néerlandaises embauchent plus de personnes qu'elles n'en ont besoin. Elles créent délibérément un « excédent de main-d'œuvre » à laquelle elles attribuent des heures de travail par l'intermédiaire d'une application. À l'instar des emplois sur les plateformes, c'est l'algorithme qui attribue les quarts de travail et les horaires. Entre-temps, les travailleurs vivent dans l'attente d'être choisis pour travailler.

« Il ne s'agit pas là d'un déséquilibre qui pourrait être amélioré, mais d'une production consciente de temps d'attente et d'incertitude, qui oblige les travailleurs à toujours être disponibles », déplore M. López.

C'est pour cette raison que le salaire ne correspond pas toujours à celui qui avait été promis. Les quarts de travail changent, ils sont réduits, certaines semaines, ils travaillent 40 heures, d'autres moins de 20. Personne ne leur explique pourquoi.

« Le caractère aléatoire de l'algorithme répond à un objectif. Une main-d'œuvre plus précaire, soumise à un renouvellement hebdomadaire selon des critères arbitraires, devient plus vulnérable, a plus de mal à s'organiser et à revendiquer de meilleures conditions de travail », explique María Laura Birguillito, chercheuse en droit du travail.

« Il s'agit de pratiques à mi-chemin entre l'illégalité et la légalité », déclare-t-elle, « mais, en réalité, elles enfreignent les droits fondamentaux des travailleurs, parce qu'ils attendent sans être indemnisés, parce qu'ils ne disposent pas d'informations adéquates sur leur contrat, parce qu'ils n'ont pas de jours de repos ».

Des logements indignes

« En théorie, ma maison devait accueillir quatre personnes, mais nous étions sept, avec une seule salle de bain et une seule plaque de cuisson. Je disposais d'une chambre individuelle, mais elle était très petite, avec un casier au lieu d'une penderie et mes affaires n'y rentraient même pas », raconte Veronica*. Elle a tenté sa chance aux Pays-Bas au début de l'année 2025.

Lorsqu'en Espagne, on lui a parlé de logement, elle ne s'attendait pas à cela. Une petite maison vieillotte, partagée avec des inconnus, mais cela aurait pu être pire. Certains travailleurs sont cantonnés dans des campings, des auberges, des lieux de vacances transformés en campements pour travailleurs étrangers. Des lieux en mauvais état, sans intimité, où il n'est même pas possible de se faire enregistrer, car ils ne sont pas considérés comme des espaces de logement ; qu'en plus, ils doivent payer. Chaque semaine, les agences d'intérim retiennent le loyer sur leurs fiches de paie, ainsi que l'assurance maladie et d'autres dépenses, comme le transport.

« Ils m'ont retiré de l'argent pour des choses que je ne comprenais même pas et, à la fin, il ne vous reste plus rien », confie Veronica.

« Malgré toute cette situation, le problème principal, le plus grave », rappelle Rafael Polo, « c'est quand les gens perdent leur emploi ». Ce qui est assez facile dans le secteur des agences d'intérim, dont la convention comporte une « clause d'agence » qui leur permet de licencier à n'importe quel moment, sans devoir fournir une quelconque explication.

« D'un trait de plume, ils perdent leur emploi et leur logement. Ils n'ont pas la possibilité de louer, car se loger est un véritable problème ici, et dans certains cas, ils n'ont même pas l'argent nécessaire pour rentrer dans leur pays. Les gens ne le comprennent pas, on ne leur explique rien, ils sont une main-d'œuvre jetable. Beaucoup sont venus dans nos bureaux nous demander ce qu'ils pouvaient faire, mais nous ne pouvions rien faire. À l'ambassade, certains fonctionnaires ont même parfois donné de l'argent de notre poche pour qu'ils puissent rentrer en Espagne. »

« Nous considérons qu'il s'agit d'exploitation »

L'enquête menée par Pablo López en 2017 évoquait une cinquantaine de milliers d'Espagnols affectés, bien qu'il soulignait déjà à l'époque que ce nombre pourrait sûrement être plus élevé, puisqu'au moins 30 % des travailleurs migrants n'apparaissent pas dans les registres faute de s'être fait enregistrer. Quoi qu'il en soit, le nombre et la gravité des faits étaient suffisants pour être portés à la connaissance du public.

Les médias espagnols et néerlandais ont commencé à s'en faire l'écho et, une fois le silence rompu, les dénonciations se sont intensifiées. En 2018, l'ambassade d'Espagne aux Pays-Bas a reçu 487 plaintes individuelles et collectives concernant cette affaire. Le ministère des Affaires étrangères lui-même a dû publier sur son site Internet une série de recommandations telles que : « N'acceptez pas un contrat qui n'est pas écrit en espagnol » ou « Assurez-vous que vous travaillerez au moins 35 heures par semaine. Avec moins d'heures, vous ne gagnerez pas assez pour pouvoir vivre aux Pays-Bas ! »

Les plaintes sont également arrivées jusqu'à des organisations telles que Fairwork, qui assiste les travailleurs migrants victimes d'exploitation aux Pays-Bas.

« Nous considérons également qu'il s'agit de cas d'exploitation, mais la réglementation néerlandaise est très restrictive en la matière. Trois conditions doivent être réunies pour que l'on reconnaisse l'exploitation : une rémunération nulle ou très faible, des conditions déplorables et la coercition. Or, très peu de cas remplissent la condition de coercition ou celle-ci est difficile à prouver », explique María Bruquetas, membre de Fairwork et présidente du Conseil des résidents espagnols (CRE) des Pays-Bas.

« Cela ressemble vraiment à un iceberg : les cas d'exploitation en sont la partie émergée, mais en dessous, il y a une énorme zone grise », déclare-t-elle.

Incité par les plaintes de travailleurs espagnols, mais aussi d'autres groupes de migrants et de réfugiés victimes d'abus encore plus graves, Emile Roemer, représentant du Parti socialiste à la Chambre des représentants des Pays-Bas, a lancé sa propre enquête. Les conclusions, publiées en 2020 sous le titre « Non aux citoyens de seconde classe », critiquent le fait que le Gouvernement manque d'informations sur le secteur du travail intérimaire. Les agences d'intérim (plus de 20.000 dans tout le pays) agissaient librement dans un secteur qui prétendait s'autoréguler.

Son opinion critique a contribué à promouvoir un certain nombre de réformes : Les inscriptions au registre ont été encouragées, la mise en place d'un registre et d'un système de certifications de qualité des agences d'intérim a été proposée, les travailleurs ont obtenu la possibilité de rester dans un logement jusqu'à quatre semaines après un licenciement, le droit à une garantie de revenus », ont confirmé à Equal Times des sources de l'ambassade.

« Bien que le problème soit reconnu, les avancées en matière de solutions n'ont pas été aussi importantes », reconnaît Rafael Polo qui, aujourd'hui, en tant qu'avocat indépendant, traite plusieurs affaires liées à des licenciements abusifs, des accidents du travail, le non-respect du salaire minimum, mais aussi des menaces ou même des cas d'abus sexuels. « Je suis face à des situations difficiles et j'ai très peu de marge de manœuvre. Parfois, je suis contraint de négocier avec les entreprises pour qu'elles paient au moins le billet d'avion pour qu'ils puissent rentrer en Espagne ».

De nombreux travailleurs migrants sont encore désemparés des années plus tard, perdus de vue par les syndicats, à la fois dans leur pays d'origine et dans le pays où ils travaillent.

« Très peu de travailleurs migrants sont membres, c'est un fait, reconnaît le principal syndicat néerlandais, la FNV. La langue constitue la principale difficulté, car nous n'offrons nos services qu'en néerlandais. Une deuxième difficulté est que les travailleurs migrants ne savent pas comment nous joindre et une troisième est liée à leur situation précaire. Cela complique fortement la défense de leurs droits ».

C'est la raison pour laquelle la FNV s'est engagée à unir ses forces avec les organisations syndicales d'autres pays, comme l'Espagne. « Certaines choses ont changé, mais même si de nouvelles lois ont été adoptées, nous voyons encore des agences qui ne les respectent pas. » Les abus continuent d'être rentables et il souligne « l'utilisation massive de contrats instables » comme étant le « cœur du problème ».

María Bruquetas se félicite de ces réformes, même si elle reconnaît qu'ilreste encore beaucoup à faire. « Il existe un projet de loi sur la certification des agences d'intérim, mais chaque fois que vient le moment de l'approuver, il est à nouveau reporté. En ce qui concerne les contrats “zéro heure”, il semblait qu'ils allaient être interdits, mais ils ont juste été limités (en théorie, ils ne peuvent être utilisés que pendant les 26 premières semaines). M. Roemer a permis de faire bouger les choses, mais cela a été lent et à chaque amélioration, les agences d'intérim développent de nouvelles méthodes ».

Mme Bruquetas cite en exemple l'embauche de faux travailleurs indépendants ou le recours à la réglementation européenne sur les travailleurs détachés pour faire venir des personnes de pays tiers (par exemple d'Amérique latine) par le biais d'autres points de passage en Europe. Des travailleurs encore plus vulnérables.

« Il existe bien une Autorité européenne du travail et une coopération entre les services d'inspection, mais il est très difficile d'enquêter sur ces cas. Il ne suffit donc pas d'améliorer les lois : il faut une inspection du travail plus efficace et une application plus stricte des lois », défend-elle.

Surtout dans un pays où le recours à l'emploi ultra-flexible est monnaie courante. Pour reprendre la définition du professeur Pablo López, les Pays-Bas pourraient bien servir de « laboratoire social » où l'on teste aujourd'hui le modèle de production du futur, un modèle de plus en plus dépersonnalisé (à cause de la sous-traitance et des algorithmes) où « la figure centrale est un travailleur qui attend, qui est activé en temps réel, puis désactivé quand on n'en a pas besoin et qui ne vit que pour travailler ».


* Les prénoms ont été modifiés pour préserver l'anonymat des personnes.

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