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Organisme national, l'OPC travaille sur l’articulation entre l’innovation artistique et culturelle, les évolutions de la société et les politiques publiques au niveau territorial

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18.10.2024 à 09:49

Geneviève Gentil : une grande dame du ministère de la Culture vient de nous quitter

Lisa Pignot

C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Geneviève Gentil, personnalité active et radieuse de notre Assemblée générale pendant de longues années, qui a tant apporté à l’OPC par son esprit vif et son regard bienveillant. Au-delà des moments partagés, reste l'impressionnante collection d’ouvrages sur les politiques culturelles qu’elle a pilotée au sein du Comité d’histoire du ministère de la Culture. Philippe Poirrier lui rend ici hommage.

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Texte intégral (1008 mots)

La disparition brutale de Geneviève Gentil (1930-2024) a suscité une large émotion chez ceux qui, du Service des études et recherches (SER) devenu Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) au Comité d’histoire du ministère de la Culture, ont croisé son chemin et ont bénéficié de ses conseils et de son aide.

J’ai rencontré Geneviève au milieu des années 1990. Le petit groupe de chercheurs auquel j’appartenais, issu du séminaire d’histoire culturelle que dirigeaient Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli à l’Institut d’histoire du temps présent du CNRS, avait organisé à l’Institut d’études politiques de Paris, en février 1994, une journée d’études sur l’histoire des politiques culturelles des collectivités locales. À l’issue de cette journée, à laquelle elle avait assisté avec Augustin Girard, Geneviève nous proposa de publier les actes dans la toute jeune collection du Comité d’histoire du ministère de la Culture (CHMC). Une étroite collaboration de plus de vingt ans s’ensuivit. En 1996, Geneviève quittait le DEPS où elle était entrée en 1967 : une fausse « retraite » car elle allait s’engager jusqu’en 2011 dans le fonctionnement du Comité d’histoire, avec Augustin Girard (1993-2007) puis avec Maryvonne de Saint-Pulgent. Ensuite, elle resta officiellement « conseillère » de cette dernière et aidera ses successeurs au secrétariat général du CHMC.  

Pendant toutes ces années, Geneviève sera la grande organisatrice des multiples actions entreprises par le CHMC. Celui-ci s’imposa comme un des lieux où se construisait et s’écrivait l’histoire des politiques et institutions culturelles. Séminaires, journées d’études et colloques, campagnes d’histoire orale, actions commémoratives, opérations de sensibilisation destinées aux agents du ministère rythmaient un calendrier d’une grande densité. Je souhaite surtout insister sur l’aide essentielle qu’elle apporta aux (jeunes) chercheurs. Geneviève permettait un luxe comme nulle part ailleurs : travailler sans se soucier des questions matérielles et financières. Sa connaissance des arcanes de l’administration centrale du ministère de la Culture et ses relations personnelles avec ceux et celles qui, depuis les années Malraux, avaient porté cette politique permettaient d’ouvrir bien des portes, d’accéder à des archives, de nouer des relations fructueuses pour la recherche. Surtout, Geneviève accordait une place essentielle à la publication des travaux ; le plus souvent publiés sous la forme de livres diffusés par La Documentation française. L’expérience du DEPS lui avait appris qu’il ne reste pas grand-chose d’un séminaire ou d’un colloque si les actes ne sont pas publiés. Ensuite, elle savait que le livre vivrait sa propre vie, circulerait au sein du ministère, serait approprié par les chercheurs et pourrait toucher un plus large public, celui des acteurs des mondes de la culture, et quelquefois bien au-delà. Deux ou trois générations de chercheurs lui doivent beaucoup.

L’Observatoire des politiques culturelles (OPC) et le Comité d’histoire du ministère de la Culture partageaient certaines valeurs et convictions : que tout ne se passe pas à Paris ; un intérêt non démenti pour la décentralisation et la déconcentration culturelle ; le dialogue entre chercheurs et acteurs des politiques culturelles ; l’écho lointain, mais toujours présent, de l’éducation populaire ; la volonté de transmettre et de partager les connaissances et les expériences. L’Observatoire, revue de l’OPC, accorda toujours une large place aux publications du Comité d’histoire. Geneviève jouait un rôle d’intermédiaire. Elle avait conservé de solides amitiés chez les « Grenoblois » : René Rizzardo bien sûr ; mais aussi Jean-Pierre Saez et Guy Saez. En 2004, René Rizzardo, membre du Comité d’histoire, ancien élu grenoblois et ancien directeur de l’Observatoire des politiques culturelles, suggéra de poursuivre les travaux afin de mieux comprendre la construction historique de la coopération entre l’État et les collectivités locales. En novembre 2005, un premier séminaire se déroula sur trois demi-journées à La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Cette première manifestation a été suivie par des séminaires, des journées d’étude et une campagne de recueils de témoignages oraux. La restitution de ces travaux a fait l’objet de l’ouvrage publié en 2009 (Une ambition partagée ? La coopération entre le ministère de la Culture et les collectivités territoriales, 1959-2009) et d’une journée d’études au Sénat.

Par-delà l’ampleur du travail accompli, c’est la personnalité de Geneviève qui a frappé tous ceux qui ont eu la chance de collaborer avec elle. Une forme d’autorité naturelle était tempérée par une bienveillance de tous les instants ; une écoute et une générosité ; la volonté de vous aider pour que vos projets aboutissent. Geneviève a incarné une haute idée du service public de la culture ; ne ménageant ni son énergie, ni son temps ; avec humilité et modestie. Elle croyait au rôle émancipateur de la culture. Elle nous manque.

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17.10.2024 à 13:31

Les années 70, le développement culturel et l’esprit de Mai 68

Aurélie Doulmet

Mai 68 a-t-il eu un impact sur les politiques culturelles ? « Il faut beaucoup d’églises autour des cathédrales. » Par ces mots, Jacques Duhamel, ministre de 1971 à 1973, résume la philosophie des centres de développements culturels qu’il crée dans un esprit plus modeste, et en plus grand nombre que les maisons de la culture. Une idée qui […]

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Mai 68 a-t-il eu un impact sur les politiques culturelles ? « Il faut beaucoup d’églises autour des cathédrales. » Par ces mots, Jacques Duhamel, ministre de 1971 à 1973, résume la philosophie des centres de développements culturels qu’il crée dans un esprit plus modeste, et en plus grand nombre que les maisons de la culture. Une idée qui répond alors aux aspirations de Mai 68.

Dans ce 8e épisode, Guy Saez dépeint des années marquées par une valse de ministres et une atonie, à l’exception de l’empreinte laissée par Jacques Dumahel. Une violente conflictualité éclate au sein des milieux culturels, déchirés entre vision militante de l’action culturelle et aspiration à donner les pleins pouvoirs aux artistes.

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Un podcast imaginé par l’OPC et le Comité d’histoire du ministère de la Culture.

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10.10.2024 à 11:37

Les théâtres universitaires : où les situer dans le paysage culturel ?

Frédérique Cassegrain

En marge des scènes traditionnelles, les théâtres universitaires jouent un rôle essentiel dans la vie culturelle étudiante, mais aussi en tant que lieux d’expérimentation et d’émergence artistique. Quels sont leurs statuts et modalités de gouvernance ? Parviennent-ils à articuler leurs missions avec les politiques culturelles des universités ? Et quelles voies explorent-ils pour dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes universitaires et culturelles sur leur territoire ?

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Texte intégral (3705 mots)
© Raw Pixel

Les théâtres universitaires (TU) s’inscrivent dans une longue histoire, autour d’un passé particulièrement riche en initiatives et découvertes dans ses rapports aux artistes, aux étudiants, aux publics, avec le développement de projets (festivals, formes et pratiques théâtrales audacieuses), sans oublier qu’ils furent un incroyable vivier de l’émergence artistique Ph. Poirrier, R. Germay (dir.), Le Théâtre universitaire. Pratiques et expériences, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2013. comme en témoignent le Festival mondial du théâtre universitaire à Nancy, créé en 1963 par Jack Lang, ainsi que les parcours d’Ariane Mnouchkine, Jacques Nichet, Jean-Marie Serreau.

Ces théâtres ont longtemps été réputés pour leur place charnière entre l’univers artistique et universitaire, le monde professionnel et les amateurs, en favorisant des lieux de travail, de rencontres et de sociabilité où s’expérimentent d’autres liens et formes artistiques susceptibles de se déployer au-delà des campus.

Pourtant, ils semblent aujourd’hui s’être quelque peu effacés du monde universitaire et du paysage culturel français. Où les situer ? Si « le théâtre universitaire a toujours peu ou prou été le miroir de la place qu’occupe ou que cherche l’université dans la société R. Germay, « Le théâtre universitaire : jeux et enjeu », Coulisses. Revue de théâtre, no 8, été 1993. », quelles sont aujourd’hui ses missions dans une université française de plus en plus autonome ? Parviennent-elles à s’articuler à celles des universités, voire aux politiques culturelles qui leur sont propres ? (Re)poser cette question en 2024, c’est aussi interroger en creux la place de la culture et des humanités dans un système universitaire en grande transformation où l’utilitarisme et l’économisme sont devenus des dogmes structurants Ph. Poirrier, R. Germay (dir.), 2013, op. cit., p. 10.. C’est à ces questionnements que se consacre cet article, en s’appuyant sur le colloque Participaient à ce débat : Nolwenn Bihan (Nantes Université), Lee Fou Messica (université de Metz), Nicolas Dubourg (université de Montpellier) et Emmanuel Ethis (recteur de la région académique Bretagne). organisé lors des journées de recherche des 30 juin et 1er juillet 2022, au TU-Nantes.

Une appellation commune qui occulte une palette de missions et de statuts 

En 1997, Christian Pratoussy Chr. Pratoussy, « Théâtre et université : les effets d’une rencontre. Étude sur les conditions de l’enseignement du théâtre à l’université », thèse de doctorat en sciences de l’éducation, université Lyon 2, 1997. rappelait très justement que « le théâtre universitaire ne se résume peut-être pas qu’à la réunion d’un article, d’un nom et d’un adjectif. Il se pourrait fort bien que le tout soit différent de la somme des parties ». En France comme en Europe, on ne peut, en effet, que constater leur très grande diversité Un réseau international des TU a même cherché à les fédérer avec la Charte de Liège, établie en Belgique en 1994..

Un TU, c’est avant tout « un projet issu du terrain », pour reprendre la formule de Nicolas Dubourg, directeur du théâtre universitaire La Vignette, à l’université Paul-Valéry de Montpellier : « C’est souvent un projet qui a été amorcé par des enseignants, ou des militants de la culture et qui, peu à peu, s’est fait une place dans l’institution universitaire. » Certains entretiennent des relations étroites avec le CROUS Certains TU ont été créés par un CROUS : par exemple à Dijon, le service culturel du CROUS dispose de trois structures culturelles, fédérées autour d’un intérêt commun à agir, proposant des espaces permettant l’émergence créatrice (pour les associations culturelles étudiantes, les étudiants – spectateurs ou acteurs – et les jeunes artistes).. Des associations étudiantes peuvent être très impliquées dans la gouvernance, la gestion et la programmation. Aussi, comme le souligne Nicolas Dubourg, « les missions diffèrent d’un théâtre à l’autre, selon son territoire et son histoire », mais également selon la reconnaissance institutionnelle et les moyens humains ou financiers alloués.

Si, historiquement, chaque TU marque de son empreinte culturelle un territoire, la nature des liens entre le théâtre et l’université varie localement. Son projet, fruit d’un héritage parfois oublié par les responsables universitaires eux-mêmes, évolue, sous l’impulsion de la direction de chaque théâtre.

Aujourd’hui, on peut distinguer trois types de théâtres universitaires, selon leurs statuts et modalités de gouvernance :

  • certains existent grâce à l’engagement associatif d’un collectif d’étudiants appelés à se renouveler (comme à Besançon ou à Dijon), appuyé par les services culturels du CROUS et parfois quelques salariés permanents ;
  • d’autres (la plupart d’entre eux) sont – sur le plan institutionnel – portés par des services communs de l’université ;
  • enfin, quelques TU sont des scènes conventionnées d’intérêt national (comme ceux de Metz, Montpellier et Nantes) dans le cadre d’une convention avec le ministère de la Culture d’une durée de quatre ans, établie sur la base de leur projet Le label « Scène conventionnée d’intérêt national » est attribué à des structures de création et de diffusion du spectacle vivant reconnues par le ministère de la Culture pour la qualité de leurs programmes d’actions artistiques et culturelles. Les scènes conventionnées ont pour objectif « d’identifier et de promouvoir un programme d’actions artistiques et culturelles présentant un intérêt général pour la création artistique et le développement de la participation à la vie culturelle mis en œuvre par des structures et contribuant à l’aménagement et à la diversité artistique et culturelle d’un territoire »..

Entre culture et enseignement supérieur : une articulation ambivalente de leurs missions

Du fait de cette diversité de statuts, l’imbrication (voire la complémentarité) des missions des TU avec la politique culturelle de leur université et les éventuels autres partenaires (ville, département, région, État) présente des configurations différentes. Les orientations et la latitude que chaque théâtre déploie dans son projet et ses missions, supposent d’être analysées au prisme de cette réalité institutionnelle et statutaire mais aussi de son ancrage local.

Situé aux confins des politiques du ministère de la Culture, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et des collectivités territoriales, chaque TU se doit d’inscrire ses missions dans ce contexte politique complexe, multi-acteurs et multi-niveaux. Hormis les théâtres universitaires conventionnés avec le ministère de la Culture qui disposent d’un cahier des charges, pour les autres, les missions sont celles que les directeurs et directrices de TU inventent en composant avec les interlocuteurs, les équipes et dispositifs universitaires en place. Ainsi, sur certains territoires, les projets des TU et ceux de l’université peuvent se développer de manière parallèle, sans véritable synergie J. Panisset, « Spectacle vivant et université : un lien organique en évolution », L’Observatoire, hors-série no 5, juillet 2014, p. 42-46. et ambition commune. Une situation que les TU conventionnés ont d’ailleurs cherché à faire évoluer par le passé (mais en vain), lorsqu’ils avaient formulé l’hypothèse d’un double conventionnement (Culture et Enseignement) afin de développer des convergences et une articulation de leurs missions au bénéfice réciproque des projets de chaque TU et de la politique culturelle universitaire.

La place du TU dans une université autonome 

En 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) reconnaît à chaque université une autonomie dans la conception et le pilotage de sa politique. Cette réforme pousse les universités à se réorganiser pour mieux affronter la concurrence internationale, avec des incidences fortes sur la mise en œuvre de leur politique culturelle, la gestion de leurs ressources humaines et financières, mais aussi, par ricochet, sur les théâtres universitaires.

Après avoir alerté Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, sur les risques (notamment budgétaires) encourus par la culture à l’université, Emmanuel Ethis (alors, président de l’université d’Avignon) se voit confier, en 2009, la présidence d’une commission (composée d’universitaires, d’artistes et de représentants de la culture) : « Mon intention était d’alerter mes collègues sur l’importance de la culture à l’université… et d’avoir une réflexion de fond. » Après deux années d’observation, il défend la nécessité de préserver des budgets pour garantir l’accès à une très large offre culturelle et permettre à chaque étudiant de pouvoir choisir son université en fonction des projets et équipements culturels proposés (comme cela s’observe dans plusieurs pays).

Parmi les 128 propositions du rapport E. Ethis, De la culture à l’université – 128 propositions, rapport remis le 5 octobre 2010. figurent le soutien à un théâtre universitaire et républicain, la capacité à rémunérer les artistes dans les phases de création, la promotion de la place du théâtre auprès des étudiants comme de l’ensemble du personnel universitaire (enseignants-chercheurs, personnel administratif). Si la problématique des théâtres universitaires figurait dans les propositions de ce rapport, il appartenait ensuite à chaque présidence d’université de s’en saisir. Comme le souligne Emmanuel Ethis, « il faut qu’il y ait un sens à l’existence d’un théâtre universitaire… Il faut imaginer qui est son public réel. Est-ce un théâtre dans une université ? […] Est-ce que l’on y fait venir d’autres publics et, si oui, pourquoi ? À quelles fins ? ».

(Ré)interroger leurs missions et leur place dans la politique culturelle universitaire constitue l’étape préalable pour une présidence (trop souvent) assaillie par d’autres priorités.

De cette réflexion naîtra l’élaboration, en 2013, d’une convention-cadre « Université, lieu de culture », entre les deux ministères concernés et la conférence des présidents d’université. « La politique culturelle universitaire s’inscrit dans les missions assignées par la loi aux universités [code de l’éducation, article L.123-6] et concourt à la politique de développement culturel territorial mise en œuvre par le ministère de la Culture et de la Communication en partenariat avec les collectivités territoriales. »

Du fait de leur implantation sur les campus, les TU sont donc appelés à jouer un rôle majeur. (Ré)interroger leurs missions et leur place dans la politique culturelle universitaire constitue l’étape préalable pour une présidence (trop souvent) assaillie par d’autres priorités scientifiques, éducatives, managériales, financières et démunie face à des problématiques culturelles mouvantes. Rappelons qu’à l’époque de la réalisation du rapport, les constats étaient sévères : une enquête réalisée à l’université d’Avignon montrait qu’un étudiant n’avait que 5 euros à dépenser par mois pour la culture. Quant aux pratiques artistiques et culturelles, elles ne concernaient que 12 à 30 % des étudiants.

Le comité national de pilotage de la convention définit alors sept indicateurs annuels pour évaluer la place de la culture au sein de chaque université : 1) nombre d’universités ayant un service culturel ; 2) nombre d’actions culturelles ; 3) nombre d’ateliers et de résidences d’artistes mis en place sur le campus ; 4) nombre et typologie des spectateurs ayant assisté à un événement culturel ; 5) nombre de conventions de partenariats signées avec les institutions culturelles de proximité ; 6) pourcentage d’étudiants participant aux activités culturelles ; 7) nombre d’unités d’enseignement libres (ou d’ouverture) consacrées à la culture dans les universités.

Si ces critères donnent des indications, ils ne traduisent que grossièrement la réalité des projets menés par les universités en matière de culture et surtout ils interrogent la position et la responsabilité des TU dans la définition, le déploiement de la politique culturelle universitaire, et leur rôle dans les processus mis en œuvre autour d’actions artistiques et culturelles transdisciplinaires.

Entre cette convention-cadre et une vision idéaliste de l’université, en tant que lieu d’émancipation et de transformation de la société, quelle place réussissent à se frayer voire à conquérir aujourd’hui les théâtres universitaires ?

Des TU qui se réinventent, en conjuguant création artistique, action culturelle et recherche

Dans ce paysage universitaire en refondation, les TU explorent des voies pour dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes universitaires et culturelles sur leur territoire, à commencer par les modalités d’interaction avec l’équipe présidentielle, tant sur les volets de la formation, de la production de connaissances (via la recherche), que sur l’engagement dans la société (avec la diffusion de la culture humaniste et de la culture scientifique et technique). Conscients de leurs nouvelles responsabilités, soucieux d’impulser un autre sens à l’action artistique et culturelle sur les campus, mais également dans la cité, les responsables des TU veillent à ce que le théâtre ne soit pas réduit à un simple lieu – outil d’attractivité universitaire, voire de marketing territorial – auquel on les assimile N. Schieb-Bienfait, avec P. Boivineau, A.-L. Saives, B. Sergot, « Lieuifer le théâtre : le cas du TU-Nantes », dans A. Hertzog, E. Auclair (dir.), L’Empreinte des lieux culturels sur les territoires, Paris, Éditions Le Manuscrit, 2023. quelquefois.

La dimension « lieuitaire » des TU, leur reconnaissance Cf. les travaux menés par le collectif de recherche PACE (Publics-Artistes-Créations-Expériences) en partenariat avec le TU de Nantes et la MSH Ange Guépin. comme espaces de recherche et d’innovation qui osent des choses sur des terrains où on ne les attend pas, est cependant loin d’être acquise. Face aux difficultés actuelles du monde universitaire, ils sont confrontés à des contradictions et tensions parfois difficiles à surmonter. Entre logique de service public et privatisation, conflits de temporalité, arbitrages budgétaires, les responsables universitaires questionnent souvent les directeurs et directrices de TU sur le sens de leur action : à quoi bon un TU ? Pourquoi le financer ? Comment garantir une indépendance artistique ? Véritables caisses de résonance des problèmes socioculturels, économiques et des préoccupations qui animent le milieu étudiant, le monde universitaire et la société en général, les TU cherchent comment se dégager de ces contradictions, voire de ces controverses.

Aussi bien à Nantes qu’à Montpellier, la dimension de la recherche, très structurante dans les missions universitaires, n’a pas échappé aux responsables de ces TU, dans la conception de leurs projets respectifs. Engager des expérimentations avec des chercheurs est notamment un enjeu majeur, ainsi que l’évoque Nicolas Dubourg : « Le théâtre universitaire peut être cet espace qui permet à la création artistique de se développer dans cet esprit d’indépendance et d’éthique propre à la recherche publique. » À Montpellier, « le projet de La Vignette concerne l’ensemble des disciplines », par exemple en travaillant avec le master d’études culturelles sur les questions postcoloniales. Il a notamment répondu à un PIA (programme d’investissement d’avenir), en lien avec le conseil scientifique, portant sur les relations entre arts et création dans de nombreux domaines (philosophie, géographie, sociologie…).

À Nantes, le TU a mis en place un « laboratoire éphémère » dans une salle dédiée, pour une réflexion partagée entre artistes, enseignants-chercheurs et groupes d’étudiants sur la recherche artistique, s’interrogeant sur l’amont de toute production : de quoi est constituée la création ? Quelle est sa temporalité ? De quoi un artiste a-t-il besoin pour créer ? Par ailleurs, le TU est impliqué dans des rencontres entre artistes et chercheurs. « L’objectif est qu’ils et elles s’ouvrent, autour d’objets communs, à de nouveaux récits et imaginaires. Ce qui nous intéresse, c’est de favoriser l’essai, l’expérimentation – puisque c’est une dimension fondamentale de la recherche universitaire et de la création artistique », ajoute Nolwenn Bihan. Le TU intègre aussi des questions artistiques dans des programmes de recherche (par exemple le projet scientifique MIMI Le projet de recherche MIMI, piloté par l’IFREMER, a pour partenaires l’université de Nantes, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, l’Institut universitaire Mer et Littoral et le TU-Nantes. Chercheurs et artistes participent d’une même équipe. sur les imaginaires de la mer). Cette mission ne pouvant s’adosser à une formation spécifique en arts du spectacle, car il n’en existe pas à l’université de Nantes, « cela oblige à inventer d’autres chemins avec (et au sein de) Nantes Université, au-delà des disciplines artistiques, à partir d’enjeux transversaux et sociétaux ».

À travers cette logique transdisciplinaire, les questions se formulent de manière différente, inspirant de nouveaux protocoles à la fois dans les pratiques artistiques et l’éducation culturelle (notamment avec la création de « conversations partagées », où artistes du spectacle vivant et enseignants-chercheurs en géographie, histoire et anthropologie travaillent ensemble, par exemple, sur la question du rapport entre l’homme et l’animal).

À l’heure où les chercheurs s’interrogent sur les formes de l’écriture en sciences humaines et sociales, encore très codifiées et dominées par les normes de l’édition scientifique et les formats académiques traditionnels, ces expérimentations entre TU et chercheurs ouvrent des perspectives pour imaginer des formes renouvelées par les pratiques artistiques. Pour Nolwenn Bihan, c’est aussi un défi, en tant que responsable d’un TU : « cette manière de travailler est co-évolutive : elle produit une influence tant sur les artistes que sur les chercheurs. Il y a réellement un double enjeu à ce que cela se multiplie dans notre projet ».

En se frayant des voies de dialogue et de coconstruction avec leurs universités, les TU démontrent leur capacité à s’affirmer à leurs côtés comme des opérateurs singuliers dans la vie artistique et culturelle locale, nationale, voire internationale. Leur implication dans la conception et mise en œuvre d’une politique artistique et culturelle à l’échelle du campus et du territoire demeure un sujet encore trop délaissé par les diverses parties prenantes (politiques et universitaires). Les universités et les acteurs publics sauront-ils relever ce défi, alors que des TU sont plus que jamais des espaces vivants et actifs, moteurs du bien commun Fr. Flahault, Où est passé le bien commun ?, Paris, Fayard, 2011., autour de l’émergence artistique, du partage des pratiques, de la recherche, de la mise en débat au service de l’éducation artistique et culturelle ?

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