08.12.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Bruxelles, 8 décembre 2025) – Le retard pris par la Bulgarie dans la fermeture de ses centrales à charbon contribue à une dangereuse pollution atmosphérique, risque d’empêcher son respect des nouvelles normes de l’UE sur la qualité de l'air et ralentit sa transition vers l'abandon des combustibles fossiles, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. En 2023, le gouvernement bulgare a reporté à 2038 son projet de fermeture des centrales à charbon, s'éloignant ainsi des calendriers plus ambitieux d'autres pays de l'Union européenne qui dépendent aussi du charbon, tels que la République tchèque et la Roumanie.
8 décembre 2025 “Like a Prisoner in My Home”Le rapport de 45 pages, intitulé « “Like a Prisoner in My Home”: Coal Fueling Toxic Air in Bulgaria”» (« “Comme un prisonnier chez moi” : Pollution atmosphérique toxique par le charbon en Bulgarie »), analyse les données révélant des niveaux alarmants de pollution atmosphérique à Dimitrovgrad, une ville du sud de la Bulgarie proche de la centrale Maritsa 3, l'une des plus anciennes centrales à charbon du pays. La centrale Maritsa 3 émet des polluants atmosphériques dangereux qui contribuent à la mauvaise qualité de l'air et nuisent à la santé des habitants, en particulier des enfants.
« La dépendance continue de la Bulgarie à l’égard du charbon coûte des vies et freine la transition énergétique du pays », a déclaré Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer senior auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « À Dimitrovgrad, la pollution atmosphérique empêche des enfants d'aller à l'école parce qu'ils souffrent de maladies chroniques. »
Une part importante de la pollution en Bulgarie provient de l'activité industrielle liée aux 10 centrales à charbon du pays, qui brûlent du lignite hautement polluant et dégagent des émissions toxiques telles que du dioxyde de soufre, des oxydes d'azote et des particules. En vertu de la Directive révisée de l’UE sur la qualité de l'air ambiant, les États membres dont la Bulgarie doivent renforcer leurs normes de qualité de l'air d'ici fin décembre 2026, et s’y conformer entièrement d'ici 2030.
Human Rights Watch a effectué une analyse approfondie des données sur la la pollution atmosphérique à Dimitrovgrad, et a mené des entretiens avec des habitants, des experts, ainsi que des responsables locaux, nationaux et européens. Les chercheurs ont constaté que les habitants de Dimitrovgrad souffraient de taux élevés de maladies respiratoires telles que la bronchite, l'asthme et le cancer du poumon.
Click to expand Image Tableau montrant la différence entre le nombre de cas de maladies respiratoires touchant des enfants à Dimitrovgrad (ligne rouge) et à Haskovo, une ville voisine (ligne bleue) durant la période 2017-1013. Sources : Données des Directions municipales de la santé de Dimitrovgrad et de Haskovo, Institut national des statistiques de Bulgarie. © 2025 Human Rights WatchLes enfants vivant à Dimitrovgrad, en particulier, semblaient beaucoup plus susceptibles de souffrir de maladies respiratoires que ceux vivant dans les villes voisines.
Un garçon de 7 ans vivant à Dimitrovgrad a été diagnostiqué asthmatique chronique à l'âge de six mois. Il est fréquemment hospitalisé en raison de ses symptômes et manque souvent l'école. « Je voudrais que le gouvernement sache que je ne veux plus être malade, et que je veux respirer de l'air pur », a-t-il déclaré aux chercheurs. Bien que d'autres secteurs contribuent également à la pollution atmosphérique à Dimitrovgrad, les autorités environnementales nationales ont reconnu que la centrale thermique Maritsa 3 est une une source majeure de dioxyde de soufre, un polluant nocif pour la santé humaine. Des niveaux élevés ont conduit à la fermeture administrative temporaire de cette centrale en avril 2022.
En analysant les données gouvernementales sur la qualité de l'air, Human Rights Watch a évalué l'impact de l'exploitation de Maritsa 3 sur les niveaux de dioxyde de soufre à Dimitrovgrad, en tenant compte de plusieurs conditions environnementales, ainsi que de l'exploitation et de la production d'autres centrales à charbon situées à environ 40 kilomètres à l'est. Les recherches ont montré que le facteur le plus déterminant pour les niveaux de dioxyde de soufre à Dimitrovgrad est le fonctionnement de la centrale Maritsa 3.
Dans sa correspondance avec Human Rights Watch, la société TPP Maritsa 3 AD, qui exploite Maritsa 3, a reconnu que cette centrale contribuait aux niveaux de dioxyde de soufre, mais a souligné que ses émissions respectaient les limites actuelles de qualité de l'air et n'avaient donné lieu à aucune sanction administrative depuis 2022. La société a ajouté qu'elle procédait à une « planification stratégique afin d’évaluer les mesures nécessaires pour s'adapter aux nouvelles exigences, devenues nettement plus strictes ».
Dans ses réponses écrites à Human Rights Watch, confirmées lors de réunions en personne avec les autorités environnementales nationales, le gouvernement bulgare a clairement indiqué son intention de renforcer la réglementation sur la qualité de l'air d'ici fin 2026. Les nouvelles normes seront moins strictes que les lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais permettront de mieux protéger la santé publique et de faire progresser le droit à la santé en Bulgarie.
L'analyse par Human Rights Watch des données sur la pollution atmosphérique à Dimitrovgrad permet d’anticiper que même si la centrale Maritsa 3 continue de fonctionner en deçà de sa capacité et suspend provisoirement ses opérations de manière intermittente, le niveau de dioxyde de soufre à Dimitrovgrad risque de dépasser souvent les seuils correspondant aux normes renforcées selon les exigences de l'UE.
Le retard pris par la Bulgarie dans l’abandon progressif du charbon a contribué à nuire à la santé des habitants vivant près des centrales, et a ralenti les progrès de ce pays en matière de réformes clés de la transition énergétique ; ceci expose la Bulgarie au risque de perdre l'accès aux financements de l'UE. La Bulgarie pourrait en principe mobiliser certains mécanismes de l'UE tels que le Fonds pour une transition juste et la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), pour contribuer à financer cette transition. Toutefois, les retards répétés dans l'élaboration d'une feuille de route pour la transition énergétique et la mise en œuvre des réformes nécessaires ont mis en péril 1,2 milliard d'euros de financement par le biais de ces deux mécanismes de l’UE.
« La Bulgarie ne devrait pas continuer à retarder sa transition énergétique », a conclu Myrto Tilianaki. « Le gouvernement devrait fixer une date pour la sortie du charbon d'ici 2030 afin de protéger la santé des habitants, honorer ses engagements climatiques envers l'UE et assurer une transition juste vers une économie basée sur les énergies renouvelables. »
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04.12.2025 à 21:45
Human Rights Watch
L’accord signé aujourd'hui par le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, et le président du Rwanda, Paul Kagame, à la Maison Blanche à Washington, est présenté comme une avancée majeure pour la coopération régionale à l’opposé de la continuation des confrontations.
S'il est mis en œuvre de manière transparente et avec une participation réelle, cet accord pourrait contribuer à stabiliser l'est de la RD Congo et à former les bases d'une paix durable.
Mais il ne faut pas confondre optimisme et résultats. Le président américain Donald Trump a affirmé à plusieurs reprises, à tort, que la paix avait été rétablie dans l'est de la RD Congo. Un premier accord-cadre signé en juin n’a pas permis de mettre fin aux atrocités commises dans la région. Human Rights Watch a documenté une série de massacres perpétrés par le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda à Rutshuru avant même que l'encre de cet accord-cadre ne soit sèche, preuve que les signatures seules ne protègent pas les civils.
Si l’accord et son cadre économique prévoient certaines mesures de maintien de la paix, telles que le retrait des troupes rwandaises de la RD Congo, leurs engagements généraux manquent de mécanismes applicables.
Ni l'accord ni aucun autre accord proposé n'aborde un problème clé : l'impunité pour les abus commis alimente les conflits. Les commandants impliqués dans des massacres, des déplacements forcés et des recrutements illégaux continuent d'opérer librement. Les principaux responsables militaires et gouvernementaux impliqués dans le soutien de forces abusives agissant par procuration ne font l'objet d'aucun contrôle. Sans obligation de rendre des comptes, les nouveaux accords économiques ou sécuritaires n'auront que peu d'effet sur ceux qui agissent illégalement.
L'Union européenne et les autres partenaires de la région devraient rester engagés et faire pression sur la RD Congo et le Rwanda pour que ces deux pays prennent des mesures essentielles, telles que traduire en justice les responsables de crimes graves et mettre immédiatement fin à leur soutien aux groupes armés responsables d’abus.
Il y a peu de raisons de croire que le M23, qui occupe une grande partie du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, mettra en œuvre les dispositions économiques prévus dans l’accord. Mais s’il a pour but d’apporter des avantages tangibles aux communautés locales, il faudra davantage d'investissements et de revenus miniers pour créer des emplois, renforcer les infrastructures locales et améliorer les moyens de subsistance quotidiens. Et pour cela, il faudra procéder à la démobilisation, à la protection des civils, à la cessation du soutien aux groupes armés violents et, surtout, à l’obligation de rendre des comptes.
Cet accord comporte de belles promesses. Mais à moins que les gouvernements de la région ne choisissent enfin la justice plutôt que l'opportunisme, il ne s'agira que de promesses vides sur le papier.
04.12.2025 à 19:20
Human Rights Watch
Sur l'île grecque de Lesbos, 24 travailleurs humanitaires comparaissent actuellement devant un tribunal ; ils sont visés par des accusations criminelles sans fondement, passibles de 20 ans de prison. Les procureurs poursuivent ces humanitaires depuis sept ans pour avoir sauvé des vies en mer ; le Parlement européen a qualifié ce procès de « plus grande affaire de criminalisation de la solidarité en Europe ».
En 2015, jusqu'à 10 000 demandeurs d'asile et migrants effectuaient chaque semaine la périlleuse traversée maritime entre la Turquie et Lesbos. Au moins 805 personnes, dont 271 enfants, sont mortes ou ont disparu en mer Égée cette année-là. L’ONG Emergency Rescue Center International (ERCI), une petite organisation à but non lucratif, a lancé des opérations de recherche et de sauvetage pour aider les autorités locales débordées.
Mais en 2018, deux bénévoles étrangers de l'ERCI ont été emprisonnés pendant 107 jours sur la base d'un rapport de police erroné décrivant les opérations de sauvetage comme du trafic et de l'espionnage, malgré la déclaration d'un responsable des garde-côtes grecs à la police selon laquelle le groupe l'avait régulièrement informé de l'arrivée des bateaux de migrants. Deux Grecs ont également été placés en détention provisoire par la suite. Human Rights Watch a constaté que les accusations présentaient de manière perverse l'ERCI comme un réseau criminel.
Au lieu d'abandonner les poursuites, les procureurs grecs ont inculpé 24 personnes et ont enfreint les exigences fondamentales en matière de procédure régulière. Certains accusés n'auraient jamais été informés des poursuites engagées contre eux. D'autres actes d'accusation étaient incomplets en raison de pages manquantes, ou étaient rédigés en grec, langue que certains accusés étrangers ne comprenaient pas.
En 2021, le parquet a engagé des poursuites pour délit contre tous les accusés, mais devant un tribunal inapproprié. Une bénévole étrangère qui avait été emprisonnée en 2018 s'est vu interdire de revenir en Grèce pour son propre procès. Lorsque l'affaire a finalement été jugée, elle s'est effondrée et toutes les accusations ont été rejetées.
Le ministère public grec poursuit désormais trois chefs d'accusation pour crime. Mais après une enquête de plusieurs années qui n'a révélé aucune nouvelle preuve, l'affaire repose sur une logique profondément erronée : sauver des vies en mer est qualifié à tort de trafic de migrants (crime n° 1), le groupe de recherche et de sauvetage est donc une organisation criminelle (crime n° 2) et, par conséquent, la collecte de fonds légitime du groupe est du blanchiment d'argent (crime n° 3).
Cette affaire est un exemple flagrant d'une tendance inquiétante en Europe à criminaliser la solidarité avec les personnes en déplacement. En mars 2023, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseur-euse-s des droits humains a observé qu’en Grèce, que les défenseur-euse-s des droits humains et les travailleurs humanitaires sont confrontés à une utilisation abusive du droit pénal à leur encontre, à un « degré choquant ».
L'acquittement des accusés serait la seule issue juste à des poursuites perverses qui n'auraient jamais dû être engagées.
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