27.11.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth, 27 novembre 2025) – Les autorités houthies au Yémen ont arrêté des dizaines d'opposants politiques, y compris des dirigeants de plusieurs partis politiques, depuis juillet 2025 ; certains cas pourraient constituer des disparitions forcées, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Au moins 70 personnes liées à la Congrégation yéménite pour la réforme, connue sous le nom de parti Islah, ont été arrêtées en moins de 24 heures dans le gouvernorat de Dhamar, le 28 octobre.
Ces dernières arrestations s'inscrivent dans le cadre d'une campagne plus large menée depuis un an et demi, qui vise les membres de la société civile, le personnel des Nations Unies, des employés d’organisations non gouvernementales, des personnalités du monde des d'affaires et même des personnes parmi les autorités houthies. Au moins 59 membres du personnel des Nations Unies sont toujours détenus sans pouvoir consulter d'avocat et avec un accès limité, voire inexistant, à leur famille. Parallèlement, les Houthis multiplient les accusations douteuses d'espionnage contre les personnes qu'ils ont arrêtées, notamment dans le cadre d'un récent procès inéquitable contre 21 personnes, dont 17 ont été condamnées à mort. Beaucoup d'entre elles ont été accusées d'espionnage sans avoir eu accès à une procédure régulière.
« Plutôt que de répondre aux besoins urgents des Yéménites dans les territoires qu’ils contrôlent, les Houthis semblent avoir le réflexe de détenir toute personne qu'ils considèrent comme une menace pour leur mouvement », a déclaré Niku Jafarnia, chercheuse sur le Yémen et Bahreïn à Human Rights Watch. « Ils devraient immédiatement libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, protéger plutôt les droits des personnes vivant dans les zones sous leur contrôle, et répondre à leurs besoins. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 13 personnes, dont des proches des détenus, des journalistes et des membres de la société civile qui ont suivi ces affaires. Les chercheurs ont également examiné des documents liés aux détentions, notamment des déclarations de partis politiques, des actes d'accusation officiels et des listes de détenus.
Les Houthis détiennent des personnes affiliées à des partis politiques d'opposition depuis leur prise de contrôle de Sanaa, la capitale du Yémen, en 2014. Cependant, ils ont intensifié ces arrestations au cours des derniers mois. Un porte-parole d'Islah, Adnan al-Odaini, a déclaré à Human Rights Watch que la campagne contre ce parti avait commencé après que les forces houthies eurent tenté d'arrêter le cheikh Saleh Hantos dans la province de Rayma, avant de le tuer le 1er juillet 2025. Les Houthis avaient accusé le cheikh Hantos, un érudit religieux âgé de plus de 70 ans et membre d'Islah, d'« adopter des positions alignées sur celles des États-Unis et d'Israël et de nuire aux activités populaires et officielles soutenant la résistance palestinienne ».
Le 3 août, les autorités houthies ont arrêté Rami Abdulwahab, un responsable du Parti socialiste arabe Baas. Le 20 août, les Houthis ont arrêté Ghazi al-Ahwal, secrétaire général du Congrès général du peuple, le parti politique affilié à l'ancien président Ali Abdullah Saleh. Le 25 septembre, ils ont arrêté Aaidh al-Sayadi, secrétaire adjoint du Parti socialiste yéménite dans le gouvernorat de Dhamar.
Les proches d'Abdulwahab et d'al-Sayadi ont déclaré que les deux hommes n'avaient pas été autorisés à recevoir la visite de leur famille ni à désigner des avocats pour les représenter.
Les arrestations du 28 octobre à Dhamar ont porté à plus de 200 le nombre total de membres du parti Islah détenus, a déclaré le parti dans un communiqué. La plupart des personnes récemment arrêtées n'étaient pas des responsables du parti, mais des fonctionnaires, des enseignants et des personnalités sociales, a déclaré Najeeb al-Sheghdari, secrétaire général de l'Organisation Musawah pour les droits humains et les libertés.
Le fils d'un des détenus du parti Islah a déclaré à Human Rights Watch que son père avait été enlevé dans sa voiture par des hommes armés et masqués à Dhamar en novembre. Le jeune homme, ainsi que les familles de six autres détenus, ont déclaré que les Houthis n'avaient pas présenté de mandats d'arrêt ni communiqué où ils emmenaient leurs proches. Les familles ne connaissent pas les charges retenues contre leurs proches ni leur lieu de détention et n'ont pas pu communiquer avec eux, ce qui équivaut à une disparition forcée.
Human Rights Watch a déjà documenté des cas où les Houthis ont arrêté et fait disparaître de force des dizaines de personnes en raison de leur affiliation politique, notamment en avril 2020, lorsqu'ils ont arrêté 25 membres du parti Islah à Dhamar.
En juin 2024, la Cour pénale spécialisée a condamné à mort 44 personnes détenues en 2020, dont 16 jugées par contumace, et 5 autres à des peines de prison, a rapporté le site Musawah. Aucune d'entre elles n'a eu accès à un avocat.
Un proche de l'une des personnes condamnées à mort a déclaré que la famille avait tenté de désigner Abdulmajeed Sabra, un éminent avocat de Sanaa, pour défendre son dossier, mais que le juge « a refusé de lui remettre une copie du dossier, ne lui a pas permis de s'exprimer et lui a demandé à plusieurs reprises de se taire ». Lorsque Sabra a voulu voulu exprimer une objection, a poursuivi le proche, « le juge lui avait ordonné de quitter la salle d'audience ». Le 25 septembre 2025, des hommes armés houthis ont effectué une descente dans le bureau de Sabra à Sanaa, et l'ont emmené de force vers un lieu secret.
Dans son rapport d’octobre 2025, le Groupe d'experts des Nations Unies sur le Yémen a observé ceci : « Le pouvoir judiciaire [sous les Houthis] a été instrumentalisé pour réprimer les voix dissidentes et la liberté d’expression. Le parquet spécialisé de Sanaa a inculpé des centaines de personnes pour trahison et espionnage. » Le rapport ajoute : « Souvent, les personnes sont détenues sans qu’aucun mandat d’arrêt ne leur soit présenté, sans qu’aucune inculpation officielle ne leur soit communiquée et sans que la possibilité d’avoir accès à un avocat et au dossier ne leur soit donnée. Nombre d’entre elles sont maintenues en détention pendant de longues périodes sans procès ni contrôle judiciaire. »
Human Rights Watch et d'autres organisations, dont l'ancien Groupe d'experts éminents des Nations Unies sur le Yémen, ont documenté le recours à la torture par les Houthis pour obtenir des informations ou des aveux.
Arrêter une personne sans mandat et sans chefs d'accusation clairs constitue une violation de l'article 132 du Code de procédure pénale yéménite. Interroger une personne accusée d'un crime sans la présence de son avocat constitue une violation de l'article 181. La loi prévoit également, en vertu de l'article 6, que « toute déclaration dont il est prouvé qu'elle a été faite par un accusé ou un témoin sous l'influence de tels actes [torture, traitements inhumains, dommages physiques ou psychologiques] est nulle et non avenue et ne peut être prise en considération ». La détention d'une personne sans fondement juridique ou, dans le cadre d'une procédure pénale, sans qu'elle soit rapidement mise en accusation, constitue une violation tant du droit yéménite que du droit international des droits humains.
« Les Houthis devraient libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement uniquement en raison de leurs affiliations politiques », a conclu Niku Jafarnia. « Ils devraient également libérer les autres personnes détenues arbitrairement, notamment celles qui sont détenues pour avoir commémoré la révolution du 26 septembre, les journalistes, les avocats et des dizaines d'employés des Nations Unies et de la société civile. »
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25.11.2025 à 14:52
Human Rights Watch
En février 2026, cela fera 80 ans que les Nations Unies ont choisi leur tout premier Secrétaire général, un homme. Depuis lors, les huit autres personnes ayant occupé ce poste étaient tous des hommes. Il est grand temps qu'une femme occupe ces fonctions.
António Guterres, l'actuel Secrétaire général, terminera son mandat en décembre 2026. Les tractations pour désigner son successeur sont déjà bien engagées. Une campagne est également en cours, menée par 1 for 8 Billion, pour que le·la prochain·e Secrétaire général·e soit une femme. Plusieurs femmes se sont portées candidates.
Nous sommes au cours d’une crise mondiale des droits humains, en particulier pour les femmes. L'ONU a estimé en 2022 qu'au rythme actuel, il faudrait 300 ans pour parvenir à l'égalité des genres. Mais même cela semble désormais trop optimiste. En 2025, l'ONU signalait qu'un quart des pays connaissaient un recul des droits des femmes.
L'autoritarisme est en hausse et la misogynie est un outil couramment utilisé par les dirigeants autoritaires. Les conflits atteignent également des niveaux jamais vus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au cours des dix dernières années, le nombre de femmes et de filles vivant dans des zones de conflit a augmenté de 50 %, avec des conséquences dévastatrices, notamment l'exacerbation des inégalités entre les genres.
La pleine participation des femmes à toutes les prises de décision est un principe fondamental de l'ONU. Adoptée en 2000, la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité a établi que les femmes devaient participer pleinement, en toute sécurité, sur un pied d'égalité et de manière significative à toutes les discussions concernant l'avenir de leur pays, notamment lors des pourparlers de paix. En 2024, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a publié des orientations sur la manière dont les pays peuvent parvenir à la parité entre les genres dans la prise de décision et sur les raisons pour lesquelles ils y sont tenus.
La participation des femmes est cruciale, car elles représentent la moitié de la population. Elle est également particulièrement nécessaire en cette période de conflits croissants ; des recherches montrent que lorsque les femmes sont pleinement impliquées, les processus de paix aboutissent plus souvent à des accords, et que ces accords ont plus de chances d'être mis en œuvre.
L'ONU a la responsabilité de garantir la participation des femmes et l'égalité des genres. Les objectifs de développement durable de l'ONU exhortent les pays à « mettre fin à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles partout dans le monde » d'ici 2030.
Ces efforts devraient inclure le processus de sélection du/de la Secrétaire général·e des Nations Unies. Tous les États membres devraient présenter et soutenir des candidates avec une solide expérience dans le domaine des droits humains. Une fois constitué un groupe de candidat·e·s diversifié, les États membres devraient sélectionner le·la candidat·e le plus qualifié·e. En ces temps périlleux, nous ne pouvons-nous permettre d'avoir un club exclusivement masculin à la tête des Nations Unies.
25.11.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Abuja, 25 novembre 2025) – Les autorités nigérianes devraient agir d’urgence pour assurer la libération des élèves et des enseignants récemment enlevés dans le nord-ouest du pays et prendre des mesures concrètes pour protéger les écoles et les communautés contre de nouvelles attaques, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Les groupes responsables des enlèvements devraient immédiatement libérer les élèves et les enseignants détenus.
Le 18 novembre, 25 écolières ont été enlevées par des hommes armés non identifiés à l'école secondaire publique pour filles de Maga, dans l'État de Kebbi. Trois jours plus tard, le 21 novembre, au moins 303 élèves (filles et garçons) et 12 enseignants ont été enlevés à l'école primaire et secondaire catholique St. Mary's de Papiri, dans l'État du Niger.
« Ces enlèvements massifs dans des écoles mettent une fois de plus en évidence le ciblage délibéré des élèves, des enseignants et des écoles alors que la situation sécuritaire continue de se détériorer au Nigeria », a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur le Nigeria à Human Rights Watch. « L'aggravation de la crise met en lumière l'incapacité du gouvernement à protéger les communautés vulnérables. »
Aucun groupe n'a revendiqué la responsabilité de ces attaques. Ces dernières années, le Nigeria a été en proie à des attaques violentes et à des enlèvements perpétrés par des gangs criminels communément appelés « bandits ». Ces groupes ont procédé à des enlèvements contre rançon, notamment d’élèves des régions du nord-ouest et du centre du Nigeria. Le 18 novembre, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, NIM), lié à Al-Qaïda et actif dans tout le Sahel, a revendiqué la responsabilité d'une attaque contre une patrouille militaire menée dans l'État de Kwara le 29 octobre ; il s’agissait apparemment de sa première incursion sur le territoire nigérian.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec les parents de deux des filles enlevées dans l'État de Kebbi. Isa Nazifi, le père de Khadija Nazifi, une élève de 13 ans qui figurait parmi les personnes enlevées, a déclaré : « J'ai immédiatement pris une moto et je me suis précipité à l'école, où j'ai trouvé ma deuxième fille, également élève dans cette école. Elle m'a dit que Khadija avait été enlevée. Nous sommes extrêmement inquiets. Ma femme est en larmes. Je resterai ici à l'école jusqu'à ce que ma fille revienne. Si je rentre à la maison sans elle, que vais-je dire à ma famille ? »
Malam Sani Zimri, dont la fille, Salima Sani Zimri, est une lycéenne qui a également été enlevée, a déclaré avoir entendu des rumeurs provenant d'autres parents concernant une possible attaque de bandits au cours de la semaine ayant précédé l'incident : « Nous avions repris confiance après avoir vu des militaires surveiller la zone, mais nous avons réalisé qu'il n'y avait aucun agent de sécurité sur place pendant les trois heures qu'a duré l'incident. »
En 2014, l'enlèvement d'écolières à Chibok, dans l'État de Borno par le groupe islamiste armé Boko Haram avait provoqué l'indignation mondiale. Depuis lors, une série d'enlèvements dans des écoles du nord du Nigeria a laissé des familles traumatisées et des communautés entières vivant dans la crainte que si leurs enfants allaient à l'école, ils ne rentrent jamais à la maison. En 2016, Human Rights Watch a rapporté que Boko Haram avait également enlevé plus de 300 enfants de l'école primaire Zanna Mobarti à Damasak, dans l'État de Borno, en 2015.
En décembre 2020, plus de 300 garçons ont été kidnappés dans un internat à Kankara, dans l'État de Katsina. Début 2021, des élèves ont de nouveau été enlevés lors d'incidents majeurs à Kagara, dans l'État du Niger, et à Jangebe, dans l'État de Zamfara, suivis par l'enlèvement de plus de 100 élèves du lycée baptiste Bethel dans l'État de Kaduna. La vague d'enlèvements s'est poursuivie en 2024 avec l'enlèvement d'élèves dans des écoles à Kuriga, dans l'État de Kaduna, et à Gidan Bakuso, dans l'État de Sokoto.
Les autorités nigérianes n'ont pas tiré les leçons des attaques précédentes pour mettre en place des systèmes d'alerte précoce et d'autres mesures susceptibles de prévenir ces atrocités, a déclaré Human Rights Watch.
En réponse aux récents enlèvements, le gouvernement a promis de secourir les élèves kidnappées et de traduire les responsables en justice. Le président Bola Tinubu a ordonné aux agences de sécurité d'agir rapidement pour ramener les filles, tout en exhortant les communautés locales à partager leurs renseignements.
Les autorités ont également fermé 47 écoles secondaires fédérales connues sous le nom de Federal Unity Colleges, et certains États, dont Katsina, Taraba et Niger, ont également fermé des écoles ou restreint les activités scolaires, en particulier dans les internats. Si ces mesures visent à protéger les élèves, elles ont perturbé l'éducation de milliers d'enfants, les privant d'accès à l'éducation et du soutien social et psychologique que leur apportent les écoles. Sans mesures concrètes visant à offrir d'autres possibilités d'apprentissage afin d'assurer la continuité de leur éducation, les élèves risquent de prendre du retard scolaire et de subir des revers à long terme dans leur développement.
Le Nigeria est l’un des pays signataires de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui engage le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour protéger l'éducation en période de conflit et d'insécurité. Pourtant, les enlèvements se poursuivent à grande échelle, à un rythme sans relâche. Le 19 novembre, le Sénat nigérian a ordonné une enquête approfondie sur la mise en œuvre du Fonds pour la sécurité des écoles du gouvernement, demandant pourquoi les fonds destinés à la protection des écoles n'avaient pas permis d'empêcher les attaques récurrentes. Le gouvernement devrait agir d’urgence pour faire avancer une proposition visant à introduire une législation afin de mettre en œuvre la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, a déclaré Human Rights Watch.
« Les enfants nigérians ont le droit d'aller à l'école sans craindre pour leur vie », a conclu Aniete Ewang. « Les autorités nigérianes devraient donner la priorité à la libération en toute sécurité des enfants et des enseignants kidnappés, et traduire en justice les responsables. »
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