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20.08.2025 à 06:00

RD Congo : Le M23 a commis des massacres près du parc national des Virunga

Human Rights Watch

Click to expand Image Une photo aérienne de la rivière Rutshuru, qui passe dans le parc national des Virunga, dans l'est de la République démocratique du Congo, le 1 avril 2022. © 2022 Alexis Huguet/AFP via Getty Images Le groupe armé M23, contrôlé par le Rwanda, a exécuté sommairement plus de 140 civils en juillet 2025, majoritairement des hutus, dans au moins 14 villages et petites communautés agricoles dans l’est de la République démocratique du Congo.Ces massacres semblent faire partie d’une campagne militaire contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé principalement de Hutus rwandais formé par des personnes ayant pris part au génocide de 1994 au Rwanda, et contre d’autres groupes armés rivaux.Le Conseil de sécurité de l’ONU ainsi que les gouvernements devraient imposer de nouvelles sanctions aux responsables d’abus graves, veiller à ce que les commandants impliqués dans des crimes de guerre soient traduits en justice, et assurer que les enquêtes de l’ONU sur les atrocités se poursuivent.

(Nairobi) – Le groupe armé M23, contrôlé par le Rwanda, a exécuté sommairement plus de 140 civils, majoritairement hutus, dans au moins 14 villages et petites communautés agricoles en juillet 2025 près du parc national des Virunga, dans l’est de la République démocratique du Congo, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. D’après des informations crédibles, le nombre de personnes tuées sur le territoire de Rutshuru depuis juillet pourrait dépasser les 300 victimes, représentant une des pires atrocités commises par le M23 depuis sa résurgence fin 2021.

Entre le 10 et le 30 juillet, des combattants du M23 ont sommairement exécuté des habitants et des agriculteurs locaux, y compris des femmes et des enfants, dans leurs villages, leurs champs et près de la rivière Rutshuru dans le groupement de Binza au sein du territoire de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu. Des témoignages, des sources militaires et l’ONU indiquent que l’armée rwandaise – les Forces rwandaises de défense (Rwanda Defence Force, RDF) – étaient aussi impliquées dans les opérations du M23.

« Le groupe armé M23, qui bénéficie de l’appui du gouvernement rwandais, a attaqué plus d’une dizaine de villages et de zones agricoles en juillet et a perpétré des dizaines d’exécutions sommaires de civils principalement hutus », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch. « À moins que les responsables de ces crimes de guerre, y compris aux plus hauts niveaux, ne fassent l’objet d’enquêtes appropriées et soient sanctionnés, ces atrocités ne feront que s’intensifier. »

Entre la mi-juillet et la mi-août, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 36 personnes, dont 25 témoins, ainsi que des activistes locaux, des travailleurs médicaux, des sources militaires, du personnel des Nations Unies et d’autres sources informées. Human Rights Watch a analysé des vidéos et des photographies pertinentes, consulté des médecins légistes et corroboré les témoignages à l’aide de cartes et d’images satellite.

Human Rights Watch a établi une liste de 141 personnes qui ont été tuées ou qui sont portées disparues et dont il est à craindre qu’elles ne soient mortes. Le 6 août, le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a rapporté qu’« au moins 319 civils ont été tués par le M23, soutenu par des membres des [Forces rwandaises de défense], entre le 9 et le 21 juillet dans quatre villages de Rutshuru ». Ce chiffre confirme les informations que Human Rights Watch a reçues d’autres sources. Human Rights Watch a également reçu des informations selon lesquelles le M23 a exécuté 41 autres civils entre le 30 juillet et le 8 août dans le groupement de Binza, mais cela n’a pas pu être vérifié de manière indépendante.

Human Rights Watch a écrit aux autorités rwandaises le 7 août et à Bertrand Bisimwa, le chef du M23, le 8 août pour demander des informations sur les meurtres, mais n’a reçu aucune réponse. L’Alliance Fleuve Congo (AFC), une coalition politico-militaire qui inclut le M23, a rejeté le 7 août les allégations de l’ONU. Le 11 août, le gouvernement rwandais a nié les allégations de l’ONU selon lesquelles l’armée rwandaise était impliquée dans les opérations et a affirmé qu’un groupe armé rival du M23 avait perpétré les meurtres.

Human Rights Watch a documenté ou obtenu des informations crédibles sur des meurtres survenus en juillet dans les localités de Busesa, Kakoro, Kafuru, Kasave, Katanga, Katemba, Katwiguru, Kihito, Kiseguru, Kongo, Lubumbashi, Nyamilima, Nyabanira et Rubare. Ces zones étaient alors sous le contrôle du M23, et plusieurs commandants du M23 ont été identifiés dans certains lieux.

Click to expand Image Carte de la zone du territoire de Rutshuru, dans l’est de la République démocratique du Congo, où les massacres ont eu lieu. Graphique   © 2025 Human Rights Watch

Des témoins d’attaques ont expliqué que les combattants du M23 leur ont ordonné d’enterrer immédiatement les corps dans les champs ou de les laisser sans sépulture, privant les familles de la possibilité d’organiser des funérailles. Les combattants du M23 ont également jeté des corps, y compris de femmes et d’enfants, dans la rivière Rutshuru.

Ces massacres semblent faire partie d’une campagne militaire contre des groupes armés rivaux, en particulier les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais à majorité hutue, créé par des personnes ayant pris part au génocide de 1994 au Rwanda.

Dans les cas de meurtres signalés à Human Rights Watch, la plupart des victimes appartenaient à l’ethnie hutue et, dans une moindre mesure, à l’ethnie nande. Le fait que le M23 cible des civils hutus vivant à proximité des bastions des FDLR soulève de graves préoccupations de nettoyage ethnique dans le territoire de Rutshuru, a indiqué Human Rights Watch.

Les recherches de Human Rights Watch indiquent que les opérations militaires du M23 ont été menées par le 1er Bataillon de la 1re Brigade, commandé par le colonel Samuel Mushagara et le général de brigade Baudoin Ngaruye, respectivement. Le général Baudoin Ngaruye fait l’objet de sanctions de l’ONU pour son rôle dans les crimes de guerre commis par le M23. Les habitants ont également décrit la participation des forces militaires rwandaises dans l’opération du M23, identifiant les soldats rwandais grâce à leurs uniformes et leurs accents. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des sources militaires ont confirmé l’implication de l’armée rwandaise dans les opérations.

Le gouvernement rwandais, qui contrôle de facto le territoire occupé par le M23, devrait permettre aux experts médico-légaux internationaux indépendants et de l’ONU de préserver et d’analyser les preuves de crimes de guerre, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et la Commission d’enquête indépendente sur la RD Congo, une fois que celle-ci sera opérationnelle.

Le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union européenne et les gouvernements devraient condamner ces abus graves, imposer de nouvelles sanctions aux responsables d’abus et faire pression pour que les commandants impliqués dans des crimes de guerre soient arrêtés et traduits en justice. Les gouvernements bailleurs de fonds qui fournissent une assistance militaire au Rwanda devraient revoir de toute urgence leurs programmes pour s’assurer que leur aide ne soutient pas les violations.

Les meurtres dans le territoire de Rutshuru ont été commis quelques semaines après un accord préliminaire dans le cadre de l’accord de paix négocié par les États-Unis et signé le 27 juin entre la RD Congo et le Rwanda, qui exige que la RD Congo mette en œuvre un plan pour « neutraliser » les FDLR pendant que le Rwanda se retire du territoire congolais. Cet accord exige aussi des parties au conflit de protéger les civils, y compris en facilitant la liberté de mouvement de la mission de maintien de la paix de l’ONU, autrement connue sous le nom de MONUSCO. Le mécanisme conjoint de coordination de la sécurité de l’accord devrait veiller à ce que les crimes commis lors de toute opération menée contre les FDLR fassent l’objet d’enquêtes crédibles, a déclaré Human Rights Watch.

« Les massacres perpétrés par le M23, soutenu par le Rwanda, mettent en lumière les écarts qui existent entre la rhétorique sur la scène internationale et la réalité pour les civils dans l’est de la RD Congo », a conclu Clémentine de Montjoye. « Les gouvernements qui concluent des accords de paix restent soumis au droit de la guerre, et les personnes responsables de crimes de guerre devraient encore faire l’objet d’enquêtes approfondies et être traduites en justice. »

Pour de plus amples détails, des précisions sur le droit international et des témoignages, veuillez lire la suite.

Allégations de massacres perpétrés par le M23

Les meurtres commis par le M23 qui ont débuté autour du 10 juillet auraient commencé dans des champs au nord et au sud de la route qui traverse Kiseguru et Katwiguru dans le territoire de Rutshuru. Des témoins et des habitants ont déclaré que des combattants du M23 ont encerclé et bloqué toutes les routes dans le secteur pour empêcher les personnes de partir. Après le 14 juillet, des témoins ont raconté que le M23 a exécuté sommairement des personnes à Nyamilima, à 25 kilomètres de Kiseguru. Human Rights Watch a documenté des exécutions perpétrées par le M23 jusqu’au 30 juillet à Nyabanira, ciblant notamment des personnes venues chercher ou enterrer leurs proches ou chercher de la nourriture dans leurs champs.

Human Rights Watch a analysé 21 photographies et vidéos envoyées directement aux chercheurs qui montraient les corps des victimes. En raison du manque de métadonnées dans les fichiers, Human Rights Watch n’a pas été en mesure de confirmer avec exactitude les lieux, dates ou heures d’enregistrement de ces images. L’identité de certaines victimes a cependant été confirmée par les récits de témoins.

Les images correspondent fortement à des exécutions à la machette et par balles, d’après le Groupe d’experts médico-légaux indépendants (Independent Forensic Expert Group, IFEG) du Conseil international de réhabilitation des victimes de torture (International Rehabilitation Council for Torture Victims).

Dans sa déclaration du 7 août, l’AFC/M23 a affirmé que certaines des localités où l’ONU a signalé des meurtres – certains corroborés par les recherches de Human Rights Watch – se trouvent principalement dans le parc national des Virunga où les terres agricoles « n’existent pas ». Cette tentative de discréditer les allégations de l’ONU concernant les meurtres d’agriculteurs par le M23 dans ces zones ne reflète pas les faits : les images satellite et les témoignages indiquent que ces zones sont utilisées comme terres agricoles depuis des années.

Click to expand Image Dans sa déclaration du 7 août 2025, l’AFC/M23 a affirmé que « Kanyakiri, Kigaligali, Dubai, Katanga, Lubumbashi, Kasave, Kakoro et Busesa se situent majoritairement à l’intérieur du parc national des Virunga, une aire protégée où toute activité agricole est strictement interdite. Comment des agriculteurs auraient-ils pu être massacrés dans des champs qui n’existent pas ? » Même si la plupart des villages se trouvent à l’intérieur du périmètre du parc, les images satellites du 2 juillet 2025 montrent que ces zones étaient cultivées à l’époque, la zone protégée et boisée ne commençant effectivement qu’à l’ouest de la rivière Rutshuru. Des images antérieures attestent la présence de champs depuis au moins 2015. Image  © 2025 Planet Labs PBC.

Récits de témoins

Trois agriculteurs ont indiqué que les attaques sur leurs champs et la forêt voisine ont commencé le 10 ou le 11 juillet. « Je suis parti pour cacher des outils, mais quand je suis revenu chercher ma famille, j’ai vu que le M23 était avec eux », a raconté un agriculteur qui vivait dans un champ près de Kiseguru. « Je pouvais les voir [les membres de sa famille] de loin … ils ont tous été abattus. » Sa femme et leurs trois enfants – âgés de 9 mois à 10 ans – ont été tués devant lui.

Un autre homme a raconté que cinq membres de sa famille ont été tués à Katanga, à environ 12 kilomètres au nord-ouest de Kiseguru. « Nous nous sommes réveillés le 11 juillet et [le M23] était là en grand nombre.... [I]ls étaient déjà à notre porte.… [I]ls ont tué des gens avec des fusils et des machettes. »

Des villageois ont décrit avoir retrouvé les corps d’un homme de 47 ans et de ses quatre enfants, âgés de 11 à 17 ans, dans un champ à environ 18 kilomètres de Kiseguru le 11 juillet. « Nous l’avons trouvé dans son champ avec la tête coupée », a déclaré un homme qui a découvert et enterré les corps. « Ils ont tous été tués avec des machettes. Ils avaient la gorge tranchée. »

Un homme dont la femme et les deux enfants, âgés de 14 et 21 ans, ont été tués a déclaré avoir vu le M23 emmener sa famille depuis leur champ à Katanga le 10 juillet avec deux autres femmes et un enfant. Un témoin lui a dit plus tard qu’il avait vu le M23 les exécuter au confluent des rivières Rutshuru (également appelée Kitchuru) et Ivi (également appelée Rive), à environ 10 kilomètres au nord.

Une femme qui a vu des combattants du M23 tuer son mari à la machette le 11 juillet a décrit que, ce jour-là, le M23 avait rassemblé les femmes et les enfants. « Vers 10 heures du matin, nous avons été forcés de marcher vers l’endroit où nos vies allaient se terminer », a-t-elle raconté. « Nous marchions en silence. Si un enfant se mettait à pleurer, ils menaçaient de le tuer. Ils tuaient avec des couteaux. » Elle a précisé que le groupe comptait environ 70 personnes, y compris des femmes et des filles : « Nous avons marché toute la journée jusqu’à ce que nous atteignions le confluent des rivières Kitchuru [Rutshuru] et Rive [Ivi] le soir.… Ils nous ont ordonné de nous asseoir au bord de la rivière, et ils ont commencé à nous tirer dessus. » Elle a indiqué que les exécutions ont eu lieu près de Kafuru, et a identifié 47 personnes, dont des enfants, qui ont été tués. Elle a pu s’échapper parce qu’elle est tombée dans la rivière sans être touchée par une balle. Human Rights Watch a reçu des informations indiquant que le M23 avait commis des massacres à proximité de la rivière Rutshuru pendant plusieurs jours.

Des habitants et des témoins ont déclaré que le M23 avait continué à exécuter des personnes au moins jusqu’au 30 juillet.

Une femme a affirmé qu’un de ses proches figurait parmi les morts sur une photographie, analysée par Human Rights Watch, qui montrait six cadavres :

« Il était de Nyabanira et a fui jusqu’ici à Kiwanja, mais comme la vie est difficile ici, nous devons retourner dans nos champs à Nyabanira pour trouver de la nourriture. Lorsqu’on a de la chance, on en revient, lorsqu’on n’a pas de chance, on tombe sur le M23 et c’est la fin, c’est la mort. Mon [proche] est allé chercher de la nourriture le 30 juillet et n’est jamais revenu.… Une personne qui a vu son corps est venue nous le dire et nous a donné son chapeau. Nous l’avons reconnu sur la photo avec cinq autres hommes. »

Human Rights Watch a confirmé de manière indépendante les identités de quatre hommes sur la photo. Le Groupe d’experts médico-légaux indépendants ont analysé la photo et a conclu que des liens visibles aux mains ont été utilisés sur trois des hommes, tandis qu’un quatrième avait très probablement les mains liées dans le dos. Le groupe a confirmé que tous avaient des blessures compatibles avec des plaies par balles.

Plusieurs civils, dont le nombre exact est indéterminé, ont également été blessés dans les attaques. Trois sources médicales ont indiqué que des blessés, dont un enfant de 22 mois, ont été emmenés dans des établissements médicaux à proximité pour y être soignés. Ils présentaient des blessures par balles ou par machette.

Opérations anti-FDLR

Le secteur où les opérations militaires du M23 ont eu lieu jouxte le parc national des Virunga et les zones où les FDLR opèrent depuis des décennies. Depuis des années, les civils sont pris entre au milieu du conflit du fait des combats entre les forces gouvernementales congolaises et des groupes armés tels que les FDLR.

De nombreux agriculteurs tués dans les opérations de juillet étaient soit des habitants locaux, soit des travailleurs migrants qui avaient quitté des villages et des villes plus éloignés, tels que Tongo et Kanyabayonga, pour travailler dans la vallée fertile en bordure du parc. Certains vivaient dans les champs, où ils travaillaient avec toute leur famille.

Human Rights Watch a été informé par des habitants et par une source indépendante que le M23 avait interdit par intermittence l’accès aux terres agricoles parce qu’ils y menaient des opérations anti-FDLR, y compris le 10 juillet, et avait ordonné à la population de se rendre dans des centres urbains. Trois habitants ont expliqué qu’en juin, un commandant du M23, le colonel Claude Imani, avait donné aux agriculteurs l’autorisation de travailler à nouveau dans les champs.

Les images satellite confirment que la zone était à nouveau cultivée après le début du mois de juin, car de nombreux nouveaux défrichements sont visibles dans des champs précédemment envahis par la végétation. Les agriculteurs interviewés ont affirmé qu’ils ont dû payer chacun une taxe unique de 10 USD au M23 pour être autorisés à travailler à nouveau dans les champs.

« Ils sont toujours dans nos champs, ils disent qu’ils poursuivent les FDLR », a raconté un homme dont la femme et les deux enfants ont été tués le 11 juillet. « C’est pourquoi ils ont laissé les corps des hommes dans les champs, mais ils ont emmené les femmes et les enfants pour les tuer près de la rivière. »

Human Rights Watch a reçu des informations crédibles indiquant qu’il y a eu des combats entre le M23, les FDLR et d’autres groupes armés dans le secteur avant et au moment des exécutions sommaires. Une faction dissidente des FDLR, le RUD-Urunana rwandais (Rassemblement pour l’Unité et la Démocratie), contrôle certaines zones limitrophes du parc national des Virunga, y compris au sein de la chefferie de Bwisha, qui inclue le groupement de Binza, et possède une base près du confluent des rivières Ivi et Rutshuru.

Le 11 août, le ministre rwandais des Affaires étrangères, dans un message publié sur X, a imputé les meurtres aux combattants du Collectif des mouvements pour le changement (CMC)-Nyatura, un groupe armé hutu opposé au M23. Cependant, des témoins et des habitants ont raconté à Human Rights Watch que les combattants des FDLR et du CMC-Nyatura étaient rarement vus dans les villages depuis que le M23 a pris le contrôle de la zone en août 2024, et toutes les personnes interviewées ont attribué les meurtres au M23.

Le 30 juillet, des responsables du M23 ont annoncé par haut-parleurs à Ishasha que ceux qui étaient récemment arrivés devaient se présenter à l’administration. Cela incluait les personnes qui avaient fui les massacres dans les zones voisines, selon deux sources locales. Des hommes de moins de 45 ans ont été arrêtés et transférés vers un bâtiment près de la frontière avec l’Ouganda, où ils auraient été battus, et, le lendemain, ont été chargés dans des camions. Une source faisant partie du groupe a déclaré que le M23 leur a dit qu’ils ne voulaient pas qu’ils fuient leurs villages pour venir à Ishasha et les accusait de soutenir les FDLR, l’armée congolaise ou la coalition de groupes armés Wazalendo soutenue par le gouvernement congolais.

Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 1er août, que Human Rights Watch a géolocalisée et vérifiée, montre des dizaines d’hommes contraints de marcher le long de la route principale à Ishasha en direction de la partie nord de la ville où se trouve le poste frontalier. Quelques-uns de ces hommes au moins ont été libérés par la suite.

Le M23 accuse régulièrement des opposants présumés, souvent sans preuve, de collaborer avec les FDLR, d’autres groupes armés ou l’armée congolaise. Human Rights Watch a documenté l’exécution le 7 juillet à Katwiguru d’un pasteur par le M23, qui l’accusait de collaborer avec les Wazalendo.

En mai, le M23 a rassemblé et arrêté des personnes à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, et dans les zones environnantes, les accusant de soutenir les forces rivales. Le M23 a conduit certaines de ces personnes vers des lieux inconnus. Certaines des personnes arrêtées étaient originaires de Karenga, dans le territoire de Masisi, qui est également considéré comme un bastion des FDLR.

Droit international

Toutes les parties au conflit armé dans l’est de la RD Congo, y compris les groupes armés non étatiques, sont soumises au droit international humanitaire, qui interdit les attaques contre les civils, les exécutions sommaires, la torture, les déplacements forcés, le pillage et autres exactions.

Bien que le « nettoyage ethnique » ne soit pas formellement défini par le droit international, une commission d’experts des Nations Unies a défini le terme comme une « politique délibérée conçue par un groupe ethnique ou religieux visant à faire disparaître, par le recours à la violence et à la terreur, des populations civiles appartenant à une communauté ethnique ou religieuse distincte de certaines zones géographiques ».

Les individus qui commettent des violations graves du droit de la guerre avec une intention criminelle se rendent coupables de crimes de guerre. Les commandants qui avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de violations graves commises par leurs forces et qui n’ont pas pris les mesures appropriées peuvent être poursuivis au titre de la responsabilité de commandement.

Les crimes de guerre et autres crimes d’atrocité relèvent de la compétence universelle, qui permet à d’autres pays de les juger indépendamment du lieu où les crimes ont été commis ou de la nationalité des victimes et des auteurs.

En octobre 2024, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé que son bureau allait réactiver ses enquêtes en RD Congo en accordant la priorité aux crimes commis dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022. L’enquête de la CPI devrait inclure les exécutions sommaires de civils par le M23 et les autres abus graves commis dans l’est de la RD Congo, a déclaré Human Rights Watch.

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18.08.2025 à 09:00

États-Unis : Recours excessif à la force contre des manifestants à Los Angeles

Human Rights Watch

Click to expand Image Des agents du département de police de Los Angeles tirent des projectiles à impact cinétique sur des manifestants devant l'hôtel de ville à Los Angeles, en Californie, le 8 juin 2025. © 2025 Apu Gomes/Getty Images Les forces de l’ordre ont répondu aux manifestations qui se sont déroulées entre le 6 et le 14 juin contre les raids d’immigrants à Los Angeles et dans ses environs en faisant usage d’une force excessive et d’une brutalité délibérée.La réponse agressive des forces de l’ordre aux niveaux local, étatique et fédéral à ces manifestations a été de violemment réprimer le droit du public à exprimer son indignation et celui des médias à informer en toute sécurité.Toutes les agences chargées du maintien de l’ordre qui ont été impliquées dans ces événements devraient respecter le droit de manifester et s’assurer que les responsables d’abus répondent de leurs actes.

(Los Angeles, 18 août 2025) – Les forces de l’ordre ont répondu aux manifestations qui se sont déroulées entre le 6 et le 14 juin 2025 contre les raids d’immigrants en Californie, à Los Angeles et dans ses environs, en faisant usage d’une force excessive et en faisant preuve d’une brutalité délibérée, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. 

Les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes, des billes au poivre, des balles en mousse dure et des grenades assourdissantes directement sur des manifestants, journalistes et d’autres observateurs, souvent à bout portant et fréquemment sans avoir été provoqués, et sans donner d’avertissement suffisant. Des dizaines de personnes ont été blessées et souffrent de contusions et graves lacérations, de fractures, de commotions cérébrales, d’une amputation du doigt et de lésions oculaires graves.

« Les raids généralisés contre les immigrants ont terrorisé les communautés de Los Angeles et poussé des milliers de personnes à descendre dans les rues pour manifester », a déclaré Ida Sawyer, directrice de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « La réponse agressive des forces de l’ordre aux niveaux local, étatique et fédéral à ces manifestations a été de violemment réprimer le droit du public à exprimer son indignation et celui des médias à informer en toute sécurité. » 

Les manifestations ont été déclenchées par une escalade spectaculaire du nombre de raids contre les immigrants à Los Angeles et dans ses environs, après que l’administration Trump a ordonné à l’agence chargée de l’immigration et des douanes (Immigration and Customs Enforcement, ICE) d’augmenter le nombre d’arrestations quotidiennes d’immigrants sans papiers. Des agents fédéraux lourdement armés ont fait irruption dans des magasins, des entrepôts, des hôtels, des restaurants, des fermes, des stations de lavage de voitures, des stands de tacos et d’autres lieux de travail, et ont arrêté ceux qu’ils soupçonnaient d’être sans papiers dans le but de les expulser.

Human Rights Watch a observé les manifestations, s’est rendu sur les lieux des raids menés par l’ICE à Los Angeles et dans ses environs du 10 au 14 juin et a interrogé 39 personnes, parmi lesquels des manifestants, des journalistes, des observateurs spécialistes des questions juridiques, des secouristes bénévoles, des défenseurs des droits des immigrants et des organisateurs, ainsi que d’autres personnes touchées par ces raids. Les chercheurs ont analysé plusieurs poursuites judiciaires, des documents de la Los Angeles Press Club, des informations publiées dans les médias, ainsi que des photos et vidéos enregistrées pendant les manifestations et publiées sur les réseaux sociaux ou partagées directement avec les chercheurs. 

Human Rights Watch a recensé 65 cas dans lesquels les agents des forces de l’ordre de diverses unités locales, étatiques et fédérales ont blessé des manifestants, des journalistes et d’autres observateurs, bien que leur nombre réel soit probablement beaucoup plus élevé. Au cours des trois semaines qui ont suivi le 6 juin, plus de 280 personnes ont contacté l’American Civil Liberties Union (ACLU) de Californie du Sud, et ont pour la plupart signalé avoir été blessées par des agents des forces de l’ordre alors qu’elles participaient à des manifestations.

Les premières manifestations importantes ont commencé le 6 juin, quand des agents de l’ICE ont fait des descentes dans plusieurs endroits, dont deux usines d’Ambiance Apparel dans le Fashion District à Los Angeles. Le 7 juin, une altercation entre un groupe de manifestants et des agents fédéraux armés et des adjoints du département du shérif de Los Angeles (LASD) a eu lieu dans la banlieue de Paramount, en face d’un magasin Home Depot juste à côté d’un complexe de bureaux où une descente était prévue. 

Dans une directive publiée le 7 juin, le président américain Donald Trump a déclaré que les manifestations de Los Angeles « constituaient une forme de rébellion contre l’autorité du gouvernement des États-Unis », a fait appel à la Garde nationale et a autorisé le déploiement de « tout autre membre des forces armées régulières si nécessaire ». Le 9 juin, l’administration a mobilisé 700 marines en service actif qui ont rejoint plusieurs milliers de soldats de la Garde nationale, dont la mission principale est de garder les bâtiments fédéraux. Des responsables locaux et étatiques se sont opposés aux mesures prises par Trump, alors même que la police locale avait agi de manière agressive pour mettre fin aux manifestations. 

À partir du 6 juin et jusqu’au 14 juin au moins, les manifestants se sont rassemblés tous les jours devant le Metropolitan Detention Center, où des agents détenaient de nombreuses personnes sans papiers. Les manifestants ont également défilé devant d’autres bâtiments du gouvernement dans les environs du centre-ville de Los Angeles.

Human Rights Watch a maintes fois été témoin et documenté des cas où des agents des forces de l’ordre ont obligé des manifestants à quitter certaines zones, souvent sans justification apparente et sans donner d’ordres ou d’avertissements clairs et audibles. Des policiers ont fréquemment pointé et fait usage de dispositifs de lancement de projectiles « moins létaux » directement contre des manifestants, parfois à bout portant, notamment en tirant des gaz lacrymogènes, des billes au poivre, des balles en mousse dure et des grenades assourdissantes. Ces armes, bien que moins mortelles que les balles, peuvent causer des blessures graves et être parfois mortelles. 

Human Rights Watch a documenté 39 cas de journalistes blessés par les forces de l’ordre, dont la plupart tenaient des caméras et portaient des badges identifiant clairement leur appartenance à la presse. Plusieurs d’entre eux semblent avoir été délibérément pris pour cible. Le 8 juin, un policier a tiré un projectile à impact cinétique directement sur Lauren Tomasi, une journaliste australienne de 9News, alors qu'elle faisait un reportage en direct à la télévision depuis le centre-ville de Los Angeles, lui laissant une contusion à la jambe.

Nick Stern Click to expand Image Photojournalist Nick Stern’s wound and the canister that was lodged in his leg. © 2025 Nick Stern

A deputy from the Los Angeles Sheriff’s Department fired a flash-bang device directly at British photojournalist Nick Stern, as he was covering the protest in Paramount and neighboring Compton, on June 7, 2025. Doctors later performed surgery to remove a three-inch canister from Stern’s leg, which had left a gaping hole that exposed muscle tissue.

Ryanne Mena Click to expand Image © 2025 Ryanne Mena

Los Angeles Daily News reporter Ryanne Mena was hit with kinetic impact projectiles fired by Department of Homeland Security officers twice, first in her leg on June 6 in downtown Los Angeles, and then to her head in Paramount on June 7, giving her a concussion.

Jeremy Cuenca Click to expand Image © 2025 Jeremy Cuenca

Police officers fired kinetic impact projectiles at journalist Jeremy Cuenca in downtown Los Angeles in the early afternoon on June 8, at close range, nearly severing the top of his little finger, damaging his camera, and leaving a large bruise on his inner thigh. Cuenca was in surgery for four hours later that day, as doctors worked to reattach his finger

Marshall Woodruff Click to expand Image © 2025 Marshall Woodruff

On June 14 in downtown Los Angeles, police officers fired less lethal projectiles at Marshall Woodruff, a filmmaker and photographer documenting police conduct during the protests, hitting him in the face and arm. The injuries caused a fracture to his face, serious bruising on his arm, and severe eye damage. Two months later, Woodruff remains unable to see out of his right eye.

Lauren Tomasi

On June 8, a police officer fired a kinetic impact projectile directly at Lauren Tomasi, an Australian journalist from 9News, while she was reporting live on television from downtown Los Angeles, leaving a bruise on her leg. 

Le 9 juin, un policier du Département de la police de Los Angeles (LAPD) a tiré à bout portant sur trois personnes, toutes connues pour leur engagement dans la lutte contre l’impunité policière, à l’aide de projectiles à impact cinétique (en mousse dure), causant à chacune d’entre elles de graves douleurs pendant plusieurs jours, selon deux de ces activistes et des vidéos examinées par Human Rights Watch. Avant de tirer sur l’un d’entre eux à l’aine, le policier a déclaré : « Je vais te tirer dessus parce que tu m’empêches de me concentrer. » 

Un secouriste bénévole, qui a lui-même été hospitalisé après avoir été blessé par un projectile en mousse dure qui lui a causé une blessure profonde et béante, a déclaré avoir passé plusieurs heures dans le centre-ville de Los Angeles le 14 juin pour venir en aide à des personnes qui demandaient de l’aide. Parmi elles se trouvaient des manifestants touchés par des projectiles et saignant au niveau de la tête ou du visage, l’un d’entre eux avec une jambe cassée, et d’autres ayant des difficultés à voir ou à entendre à cause des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes. 

Quelques actes de violence contre la police, ainsi que des destructions de biens, ont été commis par des manifestants, principalement au début des manifestations. Human Rights Watch a constaté que la plupart des actes de violence perpétrés par des manifestants ont eu lieu à la suite d’actes de violence des forces de l’ordre, et que seule une minorité de manifestants s’était livrée à des actes de destruction. Dans la mesure où certains individus se sont livrés à des actes violents ou destructeurs, les forces de l’ordre n’ont pas limité leurs ripostes agressives à ces individus.

Human Rights Watch a établi que les forces de l’ordre avaient clairement violé le droit international relatif aux droits humains. Ces conclusions ont aussi des implications quant à la protection des droits civils garantie par la Constitution des États-Unis, ainsi qu’à deux lois récemment amendées de l’État de Californie, qui imposent des limites sévères quant aux circonstances et aux modalités dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent recourir à la force pour disperser des manifestations et qui prévoient des mesures de protection pour les journalistes qui couvrent ces manifestations. 

Le 31 juillet, Human Rights Watch a écrit au département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS), au LAPD et au LASD, mais n’a pas reçu de réponse. 

Dans une déclaration du 23 juin, le chef de la police de Los Angeles, Jim McDonnell, a déclaré que le LAPD procéderait à une « évaluation complète de chaque incident impliquant l’usage de la force » et prendrait des mesures à l’encontre de tout policier « qui n’aurait pas respecté » les normes établies du LAPD. Bien qu’il ait déclaré que les manifestations avaient « le plus souvent été marquées par des formes d’expression pacifiques », il a ajouté qu’elles avaient parfois été « détournées par des actes de violence, de vandalisme et d’agression criminelle » et que « les policiers étaient en droit de prendre des mesures rapides et mesurées pour prévenir d’autres dommages et rétablir la sécurité publique ».

Des journalistes, des manifestants et des observateurs spécialisés dans les question juridiques ont introduit plusieurs actions en justice contre la ville et le comté de Los Angeles et contre le DHS pour les dommages causés pendant ces manifestations. Plusieurs poursuites pour des abus commis par le passé par les forces de l’ordre lors de manifestations à Los Angeles ont coûté des millions de dollars de dommages et intérêts aux contribuables, mais n’ont abouti qu’à un nombre limité, voire à aucune condamnation établissant les responsabilités des agences et hauts responsables impliqués dans ces abus, pas plus qu’à des changements dans les méthodes utilisées par les forces de l’ordre.

« Les forces de l’ordre de Los Angeles ont fait usage d’une force brutale, excessive et inutile contre des personnes qui défendaient les droits humains et celles qui couvraient les manifestations pour les médias », a conclu Ida Sawyer. « Toutes les agences chargées du maintien de l’ordre impliquées dans ces événements devraient respecter le droit à la liberté d’expression et de manifestation, protéger les journalistes et veiller à ce que les responsables des abus rendent des comptes. » 

Suite détaillée en anglais : en ligne ici.

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Articles

Le Figaro  L’Humanité  Mediapart/AFP 

18.08.2025 à 06:00

Sénégal : Les familles déplacées à l’intérieur du pays par les inondations dans l’incertitude

Human Rights Watch

Click to expand Image Des pêcheurs travaillant à Saint-Louis, ville portuaire située à environ 250 kilomètres au nord de la capitale du Sénégal, Dakar, le 8 janvier 2025. © 2025 Andres Gutierrez/Anadolu via Getty Images  Depuis neuf ans, à Khar Yalla, les autorités ont abandonné de fait les familles sénégalaises déplacées à l’intérieur du pays par les inondations côtières depuis la péninsule de la Langue de Barbarie, violant ainsi leurs droits à un niveau de vie suffisant, à l’éducation, à la santé et de prendre part librement à la vie culturelle.Les autorités sénégalaises n’ont pas inclus ces familles dans un projet de réinstallation planifiée, financé par la Banque mondiale, pour d’autres familles des mêmes communautés touchées par les inondations côtières.Le Sénégal devrait relocaliser d’urgence les familles de Khar Yalla vers un site où leurs droits pourront être respectés, améliorer leurs conditions de vie dans l’intervalle, et élaborer une politique nationale visant à garantir les droits lors de futures réinstallations planifiées liées au climat.

(Johannesbourg, le 18 août 2025) – Des Sénégalais déplacés par les raz-de-marée que le changement climatique aggrave et rend plus fréquents subissent des violations continues de leurs droits humains, sans aucune solution durable en vue, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

Ce rapport de 72 pages, intitulé « “Waiting for God”: Flood Displacement and Planned Relocation of Fisherfolk in Saint-Louis, Senegal,” » (« ‘En attendant Dieu’ : Déplacements dus aux inondations et réinstallation planifiée de pêcheurs à Saint-Louis, au Sénégal » - résumé et recommandations en français), concerne des familles qui ont tout perdu lorsque les inondations côtières ont frappé leurs communautés historiques de pêcheurs de la péninsule de la Langue de Barbarie en 2015 et 2016. Elles ont été déplacées vers un site appelé Khar Yalla, que les autorités sénégalaises reconnaissent comme impropre à l'habitation permanente. Par leur inaction, les autorités ont violé leurs droits économiques, sociaux et culturels, et les ont exclues d'une réinstallation planifiée liée au climat, qui a bénéficié à d'autres membres de leurs communautés.

« L'expérience de Khar Yalla montre qu'une planification inadéquate des réinstallations liées au climat peut entraîner des déplacements prolongés, au lieu de solutions durables », a déclaré Erica Bower, chercheuse sur les déplacements liés au changement climatique à Human Rights Watch. « Le Sénégal devrait remédier de toute urgence aux violations des droits à Khar Yalla et élaborer une politique qui garantisse que les futures communautés déplacées par le climat reçoivent un soutien adéquat, notamment une réinstallation planifiée respectueuse des droits. »

Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de plus de 100 personnes, dont des personnes déplacées, des responsables gouvernementaux et des experts, et a analysé des images satellite, des publications universitaires ainsi que des documents du gouvernement sénégalais, de la Banque mondiale, d'agences des Nations Unies et d'organisations non gouvernementales.

Les quelque 1 000 personnes qui vivent à Khar Yalla, à l'extérieur du centre-ville de Saint-Louis, sont issues de communautés centenaires de pêcheurs de la Langue de Barbarie, une zone fortement exposée aux conséquences de la crise climatique. Après avoir perdu leurs maisons lors des inondations côtières et avoir vécu plusieurs mois sous des tentes, les familles ont accepté le projet des autorités locales de les reloger temporairement à Khar Yalla, fin 2016.

Les autorités leur avaient assuré que ce serait une solution de courte durée et leur ont accordé des permis temporaires pour occuper des maisons construites pour un autre projet de relogement destiné à d'autres ménages exposés aux inondations, qui n’avait pas abouti.

Cependant, les familles déplacées sont toujours à Khar Yalla, privées de services essentiels et vivant dans des conditions qui violent leur droit à un logement convenable. Il y a une promiscuité extrême, pas d’électricité et pas de système de traitement des déchets. Le site est situé en zone inondable ; pendant la saison des pluies, les eaux usées pénètrent dans les maisons et contaminent l'approvisionnement en eau.

L'incapacité du gouvernement à fournir les services essentiels à Khar Yalla ou à le connecter aux services d'autres régions a violé les droits des populations à l'éducation et à la santé. On estime qu'un tiers des enfants ne sont pas scolarisés ; un grand nombre de personnes ont dû renoncer aux soins de santé.

Les familles y sont également confrontées à des violations constantes de leur droits à un niveau de vie suffisant et de prendre part librement à la vie culturelle. Les revenus de la plupart des ménages ont été réduits à des niveaux inférieurs au seuil de pauvreté international pour un pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure comme le Sénégal, et les gens ont du mal à nourrir leur famille. Les autorités ont échoué à combler ces lacunes.

Les membres de la communauté peinent à maintenir leurs moyens de subsistance liés à la pêche dans la Langue de Barbarie, à cinq kilomètres de là, compte tenu de la distance et du coût élevé des taxis et des bus privés. La perte des moyens de subsistance liés à la pêche a également des conséquences culturelles négatives. La pêche « c'est toute notre vie », a déclaré un homme âgé de Khar Yalla.

Les autorités ont également contrecarré les tentatives des dirigeants de Khar Yalla de reconvertir les personnes dans de nouvelles professions. « Nous n’avons aucun soutien de la part des autorités, et lorsque nous avons essayé de trouver notre propre solution, ils nous ont empêché de le faire », a déclaré une femme à Khar Yalla.

De plus, le gouvernement n'a pas inclus les familles de Khar Yalla dans le projet de relocalisation permanente, lié au climat, de 15 000 pêcheurs de la Langue de Barbarie vers un site à l'intérieur des terres appelé Djougop, mis en œuvre dans le cadre du Projet de Relèvement d’urgence et de Résilience de Saint-Louis, financé par la Banque mondiale.

Parmi les bénéficiaires figurent plus de 200 familles qui ont également été déplacées de la Langue de Barbarie par les inondations côtières, en 2017 et 2018, puis hébergées temporairement dans des tentes à Khar Yalla. La Banque mondiale et le gouvernement ont réinstallé ces familles à Djougop, après avoir déterminé que Khar Yalla n'était pas un site de réinstallation permanent approprié. Mais les familles déplacées en 2015 et 2016 ont été laissées pour compte.

Une réinstallation planifiée peut faciliter la mise en place d’une solution durable pour les personnes déplacées par les catastrophes climatiques, à condition qu'elle inclue les personnes en situation de déplacement prolongé et que le processus de planification respecte les normes relatives aux droits humains, notamment une consultation significative des personnes affectées. Aucun processus de ce type n'a été mis en place pour les familles qui ont été déplacées en 2015 et 2016.

« Nous nous demandons parfois si les autorités nous considèrent comme des êtres humains », a déclaré Khady Gueye, une dirigeante de la communauté de Khar Yalla. Les responsables gouvernementaux interrogés ont fait preuve d'une méconnaissance de Khar Yalla. Certains ont même nié que les familles aient été déplacées par les inondations.

Le gouvernement sénégalais est tenu, en vertu du droit national et international, de respecter et de réaliser les droits économiques, sociaux et culturels des personnes et de les protéger des risques raisonnablement prévisibles pour leurs droits, notamment les impacts du changement climatique tels que l'élévation du niveau de la mer.

Le Sénégal a investi davantage que de nombreux pays pour soutenir les communautés déplacées par le climat, mais a injustement laissé les familles de Khar Yalla à l'écart de ces mesures. « Pour atteindre son objectif de devenir un leader mondial en matière d'adaptation au changement climatique, le Sénégal doit mettre fin aux violations des droits humains à Khar Yalla et planifier l'avenir », a déclaré Fatoumata Kine Mbodji de Lumière Synergie pour le Développement.

Le Sénégal devrait ratifier la Convention de Kampala pour protéger les droits des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Il devrait également élaborer une politique sur la réinstallation planifiée liée au climat, qui prévoie des mécanismes permettant aux communautés déplacées par le climat de demander un soutien, privilégie une consultation significative et établit des critères de sélection des sites de réinstallation afin de garantir le respect des droits des bénéficiaires tout au long de la réinstallation.

La Banque mondiale devrait également réformer ses politiques. Les politiques actuelles ont été conçues pour les réinstallations effectuées dans le cadre de projets de développement, qui sont fondamentalement différentes des réinstallations planifiées liées au climat. Les nouvelles politiques devraient exiger des pays bénéficiaires de ces projets qu'ils identifient les personnes déplacées pour les périodes les plus longues et qui ont besoin d'une solution durable.

« Il est urgent que le Sénégal et la Banque mondiale changent de politique car les réinstallations planifiées ne feront que se multiplier à mesure que la crise climatique s'intensifie », a conclu Erica Bower. « Les politiques devraient être axées sur les droits des personnes déplacées par la crise climatique, comme les familles de Khar Yalla. »

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