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24.09.2025 à 00:08

ICE hors de l’Illinois, ICE hors de nos vies : Un compte-rendu sur les blocages au centre de détention de Broadview

CrimethInc. Ex-Workers Collective

Des participant·es aux blocages contre un centre de détention de l'ICE près de Chicago racontent leur expérience et partagent leurs premières conclusions.
Texte intégral (4977 mots)

Après des efforts désordonnés pour réprimer les immigrants à Los Angeles, l’administration Trump a annoncé que Chicago serait la prochaine cible des attaques concentrées de l’agence américaine de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE). Cette opération dite « blitz » se heurte déjà à une résistance. En juin 2025, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Chicago en solidarité avec la résistance en cours à Los Angeles ; dans le même temps, des manifestant·es de Seattle à Chicago ont tenté de bloquer les agents de l’ICE lorsqu’ils se sont présentés pour kidnapper des personnes lors d’audiences au tribunal. Aujourd’hui, les habitant·es de la région de Chicago cherchent à mener des actions stratégiques aux différents points névralgiques des opérations de l’ICE. Dans ce compte-rendu, les participant·es aux blocages visant un centre de détention de l’ICE près de Chicago racontent leurs expériences et partagent leurs premières conclusions.


Aux premières heures du 19 septembre, des personnes se sont rassemblées devant le centre de détention de l’ICE de Broadview, dans l’État de l’Illinois, une banlieue située à l’ouest de Chicago. Nous nous sommes réuni·es bien avant les mobilisations annoncées publiquement pour 7h du matin et plus tard dans la soirée, dans l’espoir d’intercepter les agents fédéraux en train de transporter dans leurs véhicules des personnes arrêtées et enlevées dans tout le Midwest.

Le centre de détention de Broadview contient environ 150 prisonnier·ères constamment ; il sert de plaque tournante pour les activités de l’ICE dans toute la région du Midwest. Les centres de détention de l’ICE de plus grande capacité sont illégaux dans l’Illinois, ce qui fait de cet endroit un goulet d’étranglement logistique pour le transport des prisonnier·ères. Les ressources fédérales allouées à ce centre ayant explosé pour satisfaire le désire de violence xénophobe des politicien·nes d’extrême droite, Broadview est devenu rapidement une infrastructure de plus en plus importante et essentielle dans la région.

Lorsque les manifestations ont commencé à Broadview, les petits groupes d’individus avaient initialement tendance à se livrer à des actes spectaculaires et auto-sacrificiels, consistant généralement à s’asseoir devant les fourgons de l’ICE qui quittaient le centre de détention, pour être ensuite évacués de force par la police de Broadview. À mesure que les reportages et images de chaque action se diffusaient et que la confiance dans l’efficacité de la résistance non-violente s’estompait, les mobilisations ont changé de forme : l’objectif principal de l’action est passé du sacrifice à la résistance. L’ICE a commencé à brutaliser et arrêter les manifestant·es à sa guise et les tentatives de bloquer les fourgons ont échoué ; en réponse, les foules d’individus matinales ont troqué leurs masques N-95 contre des équipements et tenues de black bloc et ont choisi de suivre les agents plutôt que de simplement s’asseoir devant le centre.

Il est claire qu’une approche plus proactive était nécessaire. Les efforts déployés le vendredi 19 septembre en ont été le résultat.

« Les agents de l’ICE sont la véritable menace ! »

Vendredi matin

Depuis plus d’une dizaine d’années, tous les vendredis à 7h du matin, des bus transportent les détenu·es du centre de Broadview vers l’aéroport international Gary/Chicago dans l’Indiana et, plus récemment, vers d’autres centres de détention du Midwest. L’établissement a réagi aux premiers actes de désobéissance civile télévisés en transférant les détenu·es de plus en plus tôt.

Nous nous sommes donc, nous aussi, réveillé·es plus tôt. Le 19 septembre, vers 4h30, une vingtaine de manifestant·es se sont rassemblé·es près du centre. Certain·es étaient vêtu·es de noir, d’autres portaient des vêtements plus classiques. Contrairement à la désobéissance civile sacrificielle des semaines précédentes, la plupart des personnes (à l’exception d’une prétendante au Congrès et de son équipe de presse) ont décidé de focaliser leur action sur le fait de se tenir debout devant un véhicule lorsque ce dernier entrait ou sortait du centre de détention afin de le bloquer. Ce changement de stratégie a permis à la petite foule de se déplacer comme l’eau.

Un agent de l’ICE se rendant à son travail au petit matin s’éloigne rapidement des manifestant·es.

Le premier fourgon qui a tenté de quitter Broadview a dû rebrousser chemin, car la plupart des personnes présentes l’ont encerclé pendant que trois autres se sont assises dans l’allée. L’énergie ambiante était palpable, et les personnes présentes ont suivi de près tous les agents qui quittaient les lieux, interpellant ceux qui se rendaient dans un parking voisin où se trouvaient des fourgons sérigraphiés de l’ICE, des voitures banalisées et des véhicules personnels des agents.

Pris au dépourvu par les lève-tôt, les agents étaient affolés, certains sprintant du parking jusqu’aux portes d’entrée du centre de Broadview. En réponse aux hués, ils se sont regroupés par groupes de trois ou plus pour se rendre ensemble et à pied jusqu’au centre. Certains ont enfilé leur équipement avant d’entrer. Cette lâcheté mérite d’être soulignée.

Un groupe de mercenaires entre dans le centre de détention.

L’enthousiasme des participant·es mantinaux·ales a donné le ton pour le reste de la journée. Alors que le soleil commençait à se lever, les agents à l’intérieur du bâtiment ont repris là où ils s’étaient arrêtés la semaine précédente. Vêtus d’équipements tactiques, certains se sont regroupés sur le toit, d’autres derrière le portail d’entrée.

Bloqués par la foule, les agents de l’ICE ont commencé à conduire leurs véhicules sur le trottoir pour contourner les manifestant·es. Il n’y avait tout simplement pas assez de monde, ni assez de préparation technique, pour bloquer ou arrêter les voitures à ce moment-là. La première arrestation de la matinée a eu lieu vers 6h, lorsqu’un fourgon essayant de quitter le centre a de nouveau été bloqué par des manifestant·es. Cette fois-ci, six agents des forces spéciales équipés de pistolets lanceurs de balles au poivre et d’un lanceur de gaz lacrymogène se sont précipités hors de l’enceinte. Ils ont attrapé les personnes au sol et les ont traînées plus loin ; une femme a été violemment jetée au sol et une autre personne a été traînée sur l’asphalte par deux agents avant d’être attrapée et transportée à l’intérieur du centre.

Alors que les agents reculaient vers le portail, l’un d’eux a tiré plusieurs balles au poivre sur les personnes qui se trouvaient dans l’allée. Les agents de l’équipe d’intervention spéciale (SRT) ont continué tout au long de la matinée à se précipiter pour escorter les véhicules qui entraient et sortaient du centre de détention.

Vendredi après-midi

Entre 7h et midi, l’ambiance des deux côtés de la clôture du centre a changé. Alors que de plus en plus de gardes entraient dans l’enceinte avec leur équipement et des seaux remplis de munitions, des tendances distinctes se sont manifestées au sein de la foule présente devant le centre de détention. Certains groupes chantaient, tandis que d’autres s’énervaient de plus en plus en voyant les manifestant·es se faire tirer dessus à plusieurs reprises avec des balles au poivre ou en se faisant traîner de force à l’intérieur du bâtiment. D’autres encore aidaient des familles à prendre contact avec leurs proches détenus dans le centre.

Les agents du SRT ont lancé des gaz lacrymogènes sur la foule pour la première fois aux alentours de midi, lors d’un affrontement au sujet de la sortie de fourgons. Les agents ont tiré des grenades lacrymogènes et des balles au poivre sur la foule avant de ramener de force un homme avec eux dans le centre. Peu d’individus étaient préparé·es à ces munitions chimiques et la foule a fini par se disperser dans la rue, tandis que certain·es aidaient des manifestant·es à se rincer les yeux et mettaient leur·es camarades les plus touché·es en sécurité. Dans l’après-midi, la foule présente à l’extérieur du centre de détention a diminué en nombre, les personnes se regroupant plus loin et attendant le début de la deuxième manifestation annoncée publiquement.

Des agents fédéraux appréhendent un manifestant à Broadview dans l’après-midi.

Vendredi soir

Une deuxième manifestation était prévue à 19h. Les images d’individus arrêtés et visés par des gaz lacrymogènes avaient fait le tour des médias et galvanisé de nombreuses personnes qui ne s’étaient pas encore rendues à Broadview.

Vendredi soir, des personnes ont rejoint le petit groupe d’individus qui restait après les manifestations de la journée. Tout au long de la soirée, deux ou trois agents sont restés sur le toit du centre, tirant par intermittence des balles au poivre sur les manifestant·es présent·es dans la rue. Vers 19h, alors que les manifestant·es se rassemblaient, une trentaine d’agents du SRT se sont regroupés derrière les grilles du centre de détention. Les manifestant·es leur ont demandé de libérer les centaines de personnes détenues à l’intérieur, ainsi que les manifestant·es arrêté·es plus tôt dans la journée.

Après une confrontation avec des manifestant·es devant l’entrée du bâtiment, Gregory Bovino, qui a dirigé l’invasion de Los Angeles par l’ICE, intervient avec des agents et tente de repousser la foule.

Après 19h, des boucliers sont arrivés. Une douzaine de militant·es les ont récupérés, mais la majorité de la foule est restée à distance. Reflétant peut-être la tendance de la semaine précédente où des actes symboliques avaient été menés par un petit nombre de personnes, il y avait un vide important entre le petit groupe d’individus à l’avant et les personnes qui observaient à l’arrière en maintenant leur distance, et il n’y avait aucune réelle compréhension organique de la nécessité pour les individus de participer activement à l’action derrière la ligne de front. Les personnes formant la ligne de boucliers ont commencé à interpeller la foule et à lui faire des signes, demandant aux journalistes de s’écarter et à tou·tes les autres participant·es de se regrouper pour prêter main-forte.

Les agents sont sortis en force vers 19h30. Les individus constituant la première ligne ont repoussé les premières vagues de munitions, affrontant un barrage de gaz lacrymogène, de balles au poivre et de grenades assourdissantes. Mais ils et elles ont été contraint·es de battre en retraite en raison de la combinaison des munitions dites « moins létales » des agents et de la désintégration de la foule derrière eux. Cela était compréhensible : tout le monde ne dispose pas d’équipement de protection, et même celles et ceux d’entre nous qui portaient des masques à gaz ont ressenti les effets du gaz. La plupart des individus présents dans la foule ne se soutenaient pas mutuellement ni ne soutenaient la ligne de boucliers.

Un mur de boucliers bloque les munitions anti-émeutes dans la nuit du vendredi 19 septembre.

La ligne de front ne peut pas être seulement composée d’un groupe de « spécialistes » qui agit seul tandis que les autres se contentent de documenter ou d’observer l’action. La spécialisation des compétences pertinentes, allant des techniques pour se laver les yeux suite aux attaques liées au gaz lacrymogène au soutien envers les prisonnier·ères, isolent les militant·es lorsque la pression monte. Une ligne de front bien organisée intègre les rôles offensifs avec le soutien nécessaire pour maintenir la résistance et mener à bien les objectifs fixés.

Mais alors que le fossé entre les « militant·es » perçu·es comme tel·les qui composent les premières lignes de l’action et les autres individus situés à l’arrière continue d’entraver une défense efficace, la tendance croissante à la résistance se situe bien au-delà. Nous voulons fermer Broadview, pas seulement symboliquement, mais complètement. La stratégie du spectacle repose sur l’idée que la brutalité répétée envers nos camarades finira par persuader ceux qui enlèvent nos voisin·es de cesser leurs opérations. Mais à mesure que les individus sont témoins de ces enlèvements et font l’expérience de la brutalité des « forces de l’ordre », beaucoup abandonnent progressivement cette approche. Certain·es pour qui la violence d’État était auparavant un concept abstrait, se retournent contre les mercenaires qu’ils et elles voient debout sur le toit du centre de Broadview, mercenaires qui les regardent à travers la lunette d’une arme et choisissent d’appuyer sur la gâchette.

Contrôle des foules

Les agents de l’ICE se sont révélés brutaux mais peu intelligents. À plusieurs reprises, ils semblaient perdus, fonçant dans la foule de manifestant·es avant de battre en retraite tout aussi rapidement. Malgré des conditions favorables, ils ne savaient pas comment nasser les manifestant·es. Lorsque les agents s’approchaient des manifestant·es, ils rompaient souvent les rangs et ne formaient plus qu’une seule ligne peu compacte. Utilisant des pistolets lanceurs de balles au poivre, ils tiraient de manière sporadique et aléatoire, souvent sans cible précise.

Les agents ont souvent reculé face aux manifestant·es, semblant ébranlés même par des slogans et chants peu convaincants. De même, les agents du SRT ont généralement évité de s’approcher trop près des manifestant·es et ce, malgré leur avantage significatif. Que ce soit par flemme, par confusion ou les deux, ils ont même hésité à arrêter celles et ceux qui tentaient activement d’empêcher les véhicules de sortir du centre de détention.

Ce n’est qu’une hypothèse, mais il faut rappeler que le centre est relativement petit, qu’il est utilisé en permanence et qu’il ne peut accueillir qu’environ 150 prisonnier·ères à la fois. Compte tenu de l’opération Midway Blitz et d’autres activités de l’ICE à Chicago et ses environs, il est probable que l’établissement fonctionne déjà à pleine capacité. Ceci, ajouté à leur manque apparent d’expérience en matière de contrôle des foules, a peut-être influencé la manière dont les agents de l’ICE et du SRT ont interagi avec les manifestant·es.

Une grenade assourdissante explose alors que les agents fédéraux attaquent le mur de boucliers.

Devenir proactif·ive

Si le courage dont nous sommes témoins vise à échapper à des affrontements de « spécialistes » et répétitifs avec des forces étatiques toujours mieux équipées, il faudra renoncer au spectacle médiatique pour mener des actions plus proactives contre les infrastructures de déportation. Nous devons définir ce que signifierait une victoire sur les agents et les installations de l’État et articuler la lutte pour la libération qui sous-tend le passage à une confrontation plus généralisée avec les représentant·es de l’État et du capital. Agir à cette échelle nécessite d’aller au-delà d’un groupe d’activistes spécialistes (sans parler des politicien·nes en herbe moins louables et plus clairement carriéristes) pour établir des relations avec celles et ceux qui vivent autour du centre de détention et, plus largement, avec tou·tes celles et ceux dont l’instinct est déjà de protéger les personnes contre l’ICE.

Partout dans le pays, les individus ont spontanément pris des mesures intelligentes et opportunes contre les raids de l’ICE dans leurs quartiers, agissant avant même que les militant·es spécialistes et les ONG n’arrivent pour les exhorter à se limiter à documenter les événements ou à témoigner. Plutôt que de compter sur des réseaux d’intervention rapide qui arrivent rarement à temps, compte tenu de la rapidité des raids, des actions plus proactives pourraient consister à cibler localement les différents points de passage névralgiques de la machine à expulser tels que Broadview ou, comme à Los Angeles, à mettre en place des centres de défense communautaires dans les zones sensibles où l’activité fédérale est intense. Toute stratégie efficace anti-ICE dépendra des actions des habitant·es qui choisissent d’intervenir directement dans leur quartier. Bien que les médias aient minimisé bon nombre de ces événements, les affrontements à Broadview ne sont possibles que grâce au courage de celles et ceux qui ont chassé l’ICE hors de leurs quartiers à Los Angeles, Chicago et partout ailleurs dans le pays.

Une fois le mur de boucliers dispersé, les manifestant·es restant·es avancent pour affronter les agents devant le portail du centre de détention.

Nous avons également besoin d’un développement tactique rapide. Étant donné que la police de Chicago a régulièrement recours à la stratégie de nasse, à la collaboration avec les organisateur·rices d’événements politiques et, lorsqu’elle le juge nécessaire, aux matraques, les habitant·es de Chicago sont moins bien équipé·es pour faire face aux gaz lacrymogènes que ne l’étaient les manifestant·es de Los Angeles. La situation évolue rapidement mais nous en tirons des leçons très importantes.

Nous avons constaté une ouverture d’esprit croissante en termes de tactiques. Au cours de la première phase de luttes contre l’ICE, des barricades plus ou moins solides ont été utilisées pour bloquer les quais de chargement d’un tribunal de l’immigration du centre-ville, retardant ainsi les expulsions prévues de plusieurs années. Pendant les actions à Broadview, empêcher les arrestations est devenu la norme, les boucliers sont désormais largement acceptés, l’utilisation d’équipements de protection tels que des masques respiratoires et des lunettes de protection est devenue courante, et les manifestant·es commencent à renvoyer les grenades lacrymogènes en direction des agents de l’ICE. Ces évolutions ne sont pas nécessairement liées à des engagements politiques particuliers ; nous voyons encore des personnes qui sont prêtes à retenir des agents de l’ICE ou à bloquer des véhicules, mais qui qui continuent malgré cela d’appeler chimériquement la police pour signaler les activités de l’ICE.

Les ONG et autres organisations cherchant à recruter

L’émergence d’une activité autonome visant à mettre fin aux expulsions montre qu’il est possible de sortir du cadre classique des longues marches qui ne mènent à rien organisées par les organisations traditionnelles cherchant à recruter, mais aussi de l’accent mis par les ONG sur l’aide juridique après que les arrestations en vue d’expulser les personnes concernées aient déjà eu lieu. Cette activité autonome s’est développée en grande partie parce que les ONG ont abandonné des lieux et des luttes clés.

La Coalition de l’Illinois pour les droits des immigrants et des réfugiés et les Communautés organisées contre les expulsions, les deux principales organisations à but non lucratif qui dominent la lutte contre les expulsions à Chicago, n’ont pas pris de mesures contre les expulsions répétées qui ont eu lieu au tribunal de l’immigration au début de l’été 2025, tandis que des groupes autonomes sont intervenus pour monter des barricades sur les quais de chargement, coordonner des campagnes téléphoniques, interpeller la direction, distribuer des tracts aux autres occupants du bâtiment et apporter leur soutien aux personnes qui comparaissaient devant le tribunal. Ces actions ont entraîné la fermeture du tribunal à plusieurs reprises, repoussant les audiences de plusieurs années, et ont finalement contraint la direction du bâtiment à révoquer l’accès de l’ICE à ses quais de chargement, mettant ainsi fin aux kidnappings à cet endroit. Cela ne se serait pas produit si les manifestant·es autonomes n’avaient pas bloqué le flux commercial entrant et sortant du bâtiment.

Au-delà des appels et des pétitions, les ONG ont également renoncé à toute action autour de Broadview. C’est l’un des facteurs qui a permis aux actions des semaines précédentes d’avoir lieu.

Un parapluie sert de protection improvisée pendant les affrontements.

Tensions internes

Lorsque les individus se sont mobilisés pour la première fois contre le centre de détention de Broadview il y a quelques semaines de cela, celui-ci n’avait pratiquement pas attiré l’attention du public, et certain·es se sont donc concentré·es sur la stratégie médiatique. Cela a provoqué des tensions, entre les infuenceur·euses des réseaux sociaux qui conseillaient de disperser la foule et les nuées de journalistes qui empêchaient les libérations et isolaient celles et ceux qui tentaient de protéger les militant·es visé·es par les arrestations. Celles et ceux qui ont le plus impliqué la presse et l’opinion publique dans leur activité ont fini par laisser cette attention entraver leur approche stratégique. S’il est clair que nous devons tenir compte de l’attention de la presse et du public dans nos mouvements, nous ne devons jamais compromettre l’objectif le plus prometteur du moment : chasser l’ICE partout.

Si les manifestant·es ont prouvé qu’ils et elles pouvaient rassembler et constituer une masse critique, ils et elles ont parfois limité leur propre efficacité. Dans les semaines qui ont précédé le 19 septembre, les messages concernant les efforts visant à fermer Broadview ont été repris par toute une série de personnes et d’organisations qui, présumant qu’elles savaient mieux que quiconque, ont utilisé des notions telles que « sécurité » et « visibilité » pour discipliner les manifestant·es à leur propre avantage. En partant du principe que le seul objectif envisageable de ces manifestations était de dire la vérité au pouvoir, plutôt que de fermer Broadview, les individus n’étaient pas préparés aux affrontements qui ont suivi. Dans la nuit du 19 septembre, alors que « fermer le centre » signifiait prendre de sérieux risques, celait signifiait aussi qu’il n’y avait pas de deuxième ligne pour soutenir le mur de boucliers. Sans soutien, la ligne de front ne pouvait pas tenir, ce qui a donné aux unités SRT l’occasion de traquer les manifestant·es dispersé·es.

Néanmoins, grâce à des manifestations régulières et à la couverture médiatique, les habitant·es des zones voisines ont commencé à se mobiliser. Sans financement ni soutien d’aucune organisation ou coalition de renom, la lutte pour fermer le centre de détention de Braodview repose sur le courage de personnes ordinaires.

Le parapluie d’un·e manifestant·e montre les effets des balles au poivre.

Le fiasco de la fermeture

Au moment où cet article était rédigé, une série de fuites provenant du département de la sécurité intérieure (DHS) suggérait que le centre de détention de Broadview était temporairement fermé. Une situation similaire s’était produite auparavant au centre de détention de Delaney Hall, dans le New Jersey, après que des manifestant·es l’aient bloqué et finalement envahi, mais ce site avait repris ses activités quelques mois plus tard avec des mesures de sécurité renforcées.

Cependant, à la suite d’un scandale public impliquant une secrétaire adjointe du DHS et des déclarations enthousiastes de victoire de la part d’organisations qui n’avaient pas été particulièrement visibles sur le terrain, il a été officiellement confirmé que le centre de détention de Broadview resterait ouvert. Depuis le matin du 23 septembre, le centre de détention est bloqué par de hautes clôtures métalliques, vraisemblablement pour empêcher les manifestant·es d’accéder à ses portes d’entrée et de sortie, et les affrontements se poursuivent à l’extérieur. Les bus que nous avons vus quitter les lieux pour se rendre à l’aéroport de Gary/Chicago transportaient des détenu·es qui avaient été contraint·es de signer des documents d’auto-expulsion.

D’une part, nous savions depuis un certain temps que le centre de détention avait atteint sa capacité maximale. Il s’agit d’un bâtiment relativement petit avec un nombre limité de lits, ce qui en fait un point vulnérable pour l’ensemble du dispositif d’expulsion dans l’Illinois et les États voisins. D’autre part, la succession confuse d’événements qui a abouti au maintien de l’activité du centre de détention suggère un désordre interne. Cela correspond aux informations que nous avons recueilles à l’intérieur même du centre, selon lesquelles bon nombre des mercenaires impliqués travaillent ensemble pour la première fois, souvent dans des buts et objectifs contradictoires.

Il est possible qu’à un certain niveau de la bureaucratie de l’ICE et du DHS, la décision ait été prise d’éviter une situation du type Delaney Hall et d’améliorer la sécurité, mais les hauts responsables ont rejeté cette suggestion et insisté pour que le centre reste en service. Quoi qu’il en soit, il est clair que, d’une certaine manière, ce que nous faisons fonctionne. Cela crée des situations stressantes et chaotiques pour nos ennemis, ce qui conduit à des conflits internes. Le seuil d’efforts nécessaires pour réussir est peut-être plus bas que nous le pensions, et nos ennemis plus craintifs que nous l’avions prévu. Dans le même temps, la bureaucratie fédérale, lente et incompétente, est régulièrement confrontée à des conflits internes de ce type, et nous devrions chercher à en tirer parti.

ICE hors de nos vies !

Le combat n’est pas terminé ! Continuons d’avancer et abattons les murs !

23.09.2025 à 00:10

Des anarchistes népalais sur le renversement du gouvernement : Entretien avec Black Book Distro

CrimethInc. Ex-Workers Collective

Entretien avec Black Book Distro.
Texte intégral (4103 mots)

Au Népal, un mouvement de protestation début septembre 2025 s’est transformé en une insurrection spontanée en réponse à la violence policière, aboutissant à l’incendie du parlement et d’une série de bureaux gouvernementaux, de commissariats, de sièges de partis et de manoirs de politiciens. En un jour et demi, le Premier ministre Khadga Prasad Oli a pris la fuite et le gouvernement s’est effondré. Mais renverser un gouvernement n’est que la première étape d’une lutte beaucoup plus longue ; dans cette agitation, les monarchistes, les néolibéraux et les antiautoritaires se disputent pour déterminer l’avenir du Népal. Pour mieux comprendre le contexte de l’insurrection et les dynamiques qui en découlent, nous avons interviewé Black Book Distro, un collectif anarchiste qui fait tourner une bibliothèque à Katmandou.

L’insurrection au Népal fait partie d’une série de soulèvements qui ont balayé l’Asie ces dernières années. Nous pouvons remonter la piste des événements à 2022, et le renversement du président du Sri Lanka, en a suivi le soulèvement de 2024 au Bangladesh et celui en Indonésie en août 2025, sans parler de la guerre civile en cours au Myanmar. Depuis la chute du gouvernement népalais, d’immenses manifestations ont également éclaté aux Philippines. Cette série d’actions et de mobilisations répondent aux difficultés économiques généralisées et à l’échec des promesses des politiciens.

La complicité des partis communistes institutionnels dans le massacre qui a catalysé le soulèvement devrait rappeler à tous les révolutionnaires en herbe qu’il est impossible de résoudre les problèmes du capitalisme simplement en utilisant la violence de l’État—même si vous avez « communiste » au nom de votre parti. Les impasses que le capitalisme crée pour les gens exigent des changements radicaux. On ne peut pas régler indifiniment les problèmes avec des flics et des réformes négociées dans les couloirs du pouvoir.

De même, cette insurrection devrait faire réfléchir les politicien-nes et les polices du monde entier qui imaginent qu’ils peuvent piller et terroriser en toute impunité. Aujourd’hui, l’argent qu’ils obtiennent peut les protéger des conséquences de leurs actes—mais demain, tout est possible.

Aucune de ces révoltes n’a encore atteint tous ses objectifs, mais alors que les gens du monde entier luttent contre l’oligarchie et la répression étatique, chacune d’elles offre des leçons.

Comme l’a dit un commentaire sur Bluesky : Juste un jeune homme portant la peau de l’ennemi.


Parlez-nous de vous. Qui êtes-vous et que faites-vous ?

Nous sommes Black Book Distro, un collectif et une bibliothèque anarchiste basé à Katmandou, au Népal, dédié à la politisation par l’éducation sur l’histoire de la gauche ainsi qu’un engagement actif dans les luttes et mouvements populaires qui nous semblent alignés avec nos objectifs (la protestation de Gen Z, le mouvement Meter Byaj,1 mouvement Guthi.2 Nous vous parlons en tant que mouvement anarchiste sous la répression d’un régime communiste défaillant et d’un Congrés corrompu.

La Black Book Distro propose des lectures et du matériel en anglais durant un festival anarchiste au Népal.

Pouvez-vous nous donner un bref aperçu des mouvements sociaux et des luttes au Népal au cours de la dernière décennie ou des deux dernières années. Quelles ont été les principales préoccupations à l’origine des soulevments populaires ?

Suite à la révolution maoïste,3 le Népal a connu des vagues de bouleversements sociaux, économiques, géographiques et politiques. Les principaux problèmes se situent autour de la discrimination rampante des castes, une épidémie mortelle de trafic de travailleurs migrants alimentée par le manque d’opportunités chez eux, des conflits frontaliers routiniers avec nos voisins dotés d’armes nucléaires, et une corruption politique si intense qu’elle a permis aux monarichistes partout dans le pays de faire un retour en force terrifiant.

Les mouvements populaires pour le changement ont inclus la lutte madhesh pour les droits et la dignité,4 des manifestations contre la corruption à l’époque du COVID sous la bannière « Enough Is Enough » , des belligérences nationalistes sur des zones frontalières comme Lipulekh,5 Des grèves de la faim du Docteur KC pour améliorer les infrastructures sanitaires,6 les résistances aux investisseurs parasites, et la défense des terres communales appartenant au peuple Newar. Ces luttes sont motivées par un tissu social complexe encore empreint par le patriarcat, la caste et la religion, au milieu des efforts constitutionnels vers la représentation, la liberté d’expression, la liberté économique et le fédéralisme.

Le Congrès, les partis maoïstes et marxistes-léninistes, ainsi que des factions royalistes sont les principales organisations politiques. En dessous de cela se trouvent des groupes de jeunes autonomes, des espaces gauchistes et des groupes communautaires autochtones. Historiquement parlant, la plupart des manifestations ont été dirigées ou influencées par les grands partis politiques, bien que les initiatives spontanées de la jeunesse et de la base aient agi de manière de plus en plus indépendante (y compris le récent « soulèvement de la génération Z »).

« Des balles réelles ont été utilisé aujoud’hui sur la foule. On était devant, on a vu des gens se faire tuer ».

Comment comprenez-vous les objectifs des participants de la base dans ce soulèvement ? Y a-t-il plusieurs courants avec des objectifs différents ou contradictoires ?

Le mouvement actuel « Gen Z » a ses racines dans le mouvement « Enough Is Enough » mené par des jeunes en 2019, qui se concentrait sur la justice sociale et les questions environnementales au milieu de la mauvaise gestion des revenus pendant la crise du COVID-19. Ce soulèvement initial consistait en plusieurs groupes autonomes soutenus par des citoyens ordinaires, des libéraux et des gens issus de l’extrême gauche, sans direction centrale. Depuis lors, le gouvernement n’a cessé d’intensifier sa surveillance en ligne et ses répressions totalitaires sur la jeunesse, alimentant le mouvement pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Leurs principales revendications sont plus de liberté d’expression, des mesures de lutte contre la corruption et la mise en place d’un gouvernement dont le rayon d’action sera hors de la main mise des différents partis corrompus.

La fusillade mortelle de manifestant-es pacifiques, y compris des étudiant-es inspirés par la philosophie de la série animée « One Piece », a déclenché une indignation générale.

Des manifestants au Népal exibent le drapeau pirate de « One Piece », devenu un symbole de la révolte indonésienne.

L’insurrection a été décentralisée et spontanée, culminant dans l’incendie du parlement et de la plupart des bureaux gouvernementaux, des maisons de politiciens, des commissariats de police et des sièges de partis, provoquant la chute du gouvernement en moins de 35 heures. Divers courants existent au sein du mouvement : les monarchistes cherchant à restaurer le roi sur le trône, les centristes visent quant à eux de à gagner en influence au sein d’un nouveau gouvernement néolibéral, et les radicaux d’extrême gauche poussent pour un fédéralisme authentique, la laïcité et la participation inclusive des communautés marginalisées. Cette multiplicité d’objectifs reflète les aspirations et tensions complexes au sein du mouvement.

Comme nous le comprenons ici de très loin, les communistes au Népal ont mené un mouvement de résistance pendant de nombreuses années avant de prendre le pouvoir en 2006. Nous avons l’impression que les conflits internes au sein du mouvement révolutionnaire dans son ensemble ont abouti à une série de compromis entre les communistes et la classe dirigeante népalaise. Comment ces compromis ont-ils affecté la société népalaise, en particulier les mouvements de la base plus radicale qui a participé à la lutte populaire, ainsi que les syndicats et d’autres groupes ?

Le succès de l’insurrection maoïste reposait sur son opposition aux vestiges du système « Panchayat », une structure agricole féodale d’oppression par des élites de la caste supérieure alliées à la monarchie sur l’ensemble de la population, qui avait été officiellement abolie en 1990. Cependant, une fois au pouvoir, de nombreux dirigeants maoïstes ont compromis leurs objectifs révolutionnaires pour maintenir le contrôle, en adoptant progressivement des pratiques capitalistes qui reflètent le même système d’oppression qu’ils prétendent avoir détruit. Ces compromis ont sapé leur crédibilité auprès des masses, et les maoïstes sont maintenant largement considérés comme des politiciens corrompus plutôt que comme des révolutionnaires.

Pendant ce temps, les violations des droits de l’homme par les forces militaires et policières ont été généralisées, et la justice reste insaisissable pour les victimes de toutes parts. L’image ternie des politiques de gauche a donné de l’espace au mouvement monarchiste ; même le récent mouvement Gen-Z a intentionnellement interdit aux partis politiques et aux syndicats de participer, craingant que ces entités imposent des programmes égoïstes. En même temps que ça a protégé l’intégrité du mouvement, cela a rendu plus difficile l’organisation pour les gauchistes plus anciens. Heureusement, le mouvement anarchiste émerge tranquillement, avec une acceptation croissante, malgré certaines idées fausses assimilant l’anarchisme au chaos.

Une voiture de police calcinée est abandonée sur la place Patan Durbar le 9 septembre 2025.

Comment la coalition au pouvoir a-t-elle émergé ? Comment comprenez-vous la différence entre les deux partis communistes, et quel est le rôle du Parti du Congrès dans la coalition au pouvoir ?

La coalition au pouvoir a émergé pour obtenir une majorité parlementaire dans un système multipartite fragmenté après la guerre. Les deux partis communistes ont adopté la corruption et les pratiques capitalistes, l’UML [le Parti communiste du Népal (Marxiste unifié–léniniste)] étant actuellement le plus organisé des deux. En raison de leur utilisation abusive des idéologies communistes et des histoires de corruption, le mouvement communiste perd rapidement du terrain, et les membres du parti sont souvent moqués lorsqu’ils revendiquent des identités communistes. Le Parti du Congrès, avec son rôle historique dans la « fin officielle » du régime Rana et du système Panchayat, reste la principale force néolibérale du gouvernement. En 2008, les maoïstes et les marxistes-léninistes se sont alliés pour voter contre le Parti du Congrès, et en 2024, le Congrès et les marxistes-léninistes se sont alliés pour voter contre les maoïstes. Bien que les différences idéologiques les aient autrefois divisés, ces distinctions ont presque complètement disparu aux yeux du peuple.

L’Inde et la Chine appartiennent toutes deux au puissant bloc industriel et commercial connu sous le nom de BRICS. Comment cela affecte-t-il les gens ordinaires au Népal ? Quels groupes aspirent à capitaliser sur le renversement du gouvernement népalais ?

L’impact de l’adhésion aux BRICS sur les Népalais n’est pas encore clair, avec des cercles politiques et intellectuels divisés. Certains considèrent les BRICS comme un moyen de réduire l’hégémonie américaine, tandis que d’autres y voient une extension de l’influence autoritaire chinoise. Le gouvernement népalais a suivi prudemment l’évolution de la relation entre l’Inde et la Chine et n’a pas encore décidé s’il devait participer aux BRICS.

Il reste incertain de savoir quels groupes bénéficieront finalement de la chute du gouvernement, mais aucune décision politique au Népal n’est prise sans l’implication de l’agence de renseignement indienne RAW [Research and Analysis Wing]. La CIA [Central Intelligence Agency] joue probablement aussi un rôle, conformément à son histoire dans les révolutions mondiales. Les principaux dangers incluent des factions royalistes susceptibles de prendre le pouvoir avec le soutien des Indiens, poussées par la politique nationaliste hindoue extrémiste, et la résurgence d’anciennes élites politiques sans changement substantiel. Alors qu’un coup d’État militaire était une menace réelle, il n’a heureusement pas eu lieu.

Le 9 septembre 2025, le parlement est en flammes.

Le Népal étant un pays enclavé avec une dépendance sociale et économique vis-à-vis de l’Inde, les investissements chinois ont quelque peu changé, avec l’ouverture d’autoroutes reliant le Népal. Pendant que la Chine et l’Inde aiguisent leur rivalité, le Népal, contrairement à d’autres nations partageant la frontière avec les géants géographiques, devient une arène de contrôle et d’équilibre…

Les deux puissances ont jusqu’à présent évité un conflit ouvert, transformant le Népal en une zone d’équilibrage géopolitique. Le Népal, géographiquement piégé entre ces deux géants nucléaires, a des options limitées pour résister à leur bras de fer sans fin. Le blocus du carburant imposé par l’Inde après le tremblement de terre de 2015 était clairement un coup de force lié au mouvement madhesi, que l’Inde a soutenu officieusement. La Chine exerce une influence en exhortant le gouvernement népalais à contrôler les manifestations liées au Tibet. Les liens culturels et l’ouverture des frontières renforcent l’influence de l’Inde, tandis que les investissements chinois, tels que les projets d’autoroutes dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route », sont largement accueillis par la population comme des opportunités d’indépendance économique vis-à-vis de l’Inde.

De nombreux obesrvateurs occidentaux examinent la relation du Népal avec la Chine et l’Inde—qui sont tous deux des partenaires commerciaux des États-Unis et d’Israël, bien que la Chine soit perçue comme un antagoniste géopolitique des États-Unis — et concluent que les insurrections au Népal et en Indonésie doivent être soutenues par la CIA et aboutir à des révolutions de couleur conçues pour installer des dictatures alignées sur l’Occident. Qu’est-ce que voud en pensez ?

Bien que l’influence étrangère de l’Inde, de la Chine et des États-Unis soit indéniable, réduire le soulèvement à une révolution de couleur soutenue par la CIA écarte la colère authentique et les sacrifices du peuple népalais. Des millions de personnes se sont mobilisées pour brûler les bâtiments du parlement, les bureaux gouvernementaux et les maisons des dirigeants politiques—non pas parce que des organisations étrangères ou nationales leur ont dit de le faire, mais à cause de décennies d’échec gouvernemental et de corruption. Étiqueter ce mouvement comme une révolution de couleur sape notre solidarité avec des mouvements populaires similaires à travers le monde. Des militants du Bangladesh, d’Indonésie et du Sri Lanka célèbrent les luttes de chacun sans les considérer comme des complots étrangers. C’est un soulèvement populaire né de l’injustice vécue. Si ces soulèvements sont des révolutions de couleur, alors des mouvements mondiaux puissants comme le Printemps arabe et Black Lives Matter le sont aussi. Il est temps pour les observateurs occidentaux de soutenir ces luttes plutôt que de les délégitimer.

Quels liens voyez-vous, le cas échéant, entre le soulèvement au Népal et les soulèvements précédents au Sri Lanka, au Bangladesh et en Indonésie ? De quelles manières ceux-ci ont-ils nourri l’imagination populaire qui a aidé à produire cette révolte ? Quelles sont les différences entre le contexte népalais et ces autres contextes ?

Les soulèvements partagent des points communs évidents, notamment la corruption généralisée, l’exclusion, le pouvoir enraciné détenu par des familles népotistes, la censure gouvernementale et une forte ingérence étrangère. Le Sri Lanka, l’Indonésie et le Népal ont chacun des histoires de mouvements communistes et d’éventuels échecs liés à ces histoires. Un lien intéressant entre le Népal et l’Indonésie est la présence de mouvements antiautoriatires actifs et l’influence culturelle de l’anime « One Piece », qui symbolise pour les jeunes des deux pays leur lutte contre l’autoritarisme.

La principale différence est que le mouvement communiste népalais a réussi à prendre le pouvoir mais s’est ensuite corrompu et a abandonné ses promesses, alimentant la désillusion populaire, alors qu’en Indonésie et au Sri Lanka, le gouvernement communiste n’a pas réussi à prendre le pouvoir.

Sur la base de votre expérience récente au Népal, avez-vous des conseils pour les personnes qui participent à la résistance populaire dans d’autres parties du monde ?

Une résistance efficace doit combiner l’éducation organisée, l’agitation et la préparation à une insurrection de masse spontanée. Préparer les gens à pousser les mouvements sociétaux dans la bonne direction est essentiel, en particulier pour gérer les vides de pouvoir créés lorsqu’un gouvernement s’effondre, qui sont souvent saisis par des forces capitalistes visant à restaurer l’ordre ancien. Les anciennes élites essaieront de reprendre le pouvoir, mais la population révolutionnaire au Népal a démontré un refus féroce, détruisant les infrastructures et affrontant physiquement les dirigeants.

Cependant, ce soulèvement n’était pas entièrement préparé pour ce qui se passera ensuite. Jusqu’à présent, nos efforts se sont concentrés principalement sur l’éducation et les manifestations, sans envisager de structures post-effondrement. Notre conseil aux camarades du monde entier est de se préparer non seulement à la révolte, mais aussi à des structures non hiérarchiques et à la reconstruction sociétale une fois que les régimes tombent.

Que font les anarchistes et les groupes anti-autoritaires au Népal ? Quelles choses concrètes pouvons-nous faire pour soutenir les efforts anarchistes et globalement anti-autoritaires au Népal ?

Des groupes au Népal organisent des ateliers, des discussions, des projections, des expositions, des soirée musicales, ainsi que des actions directes dans la rue. La majorité de nos collectifs anarchistes croient en une organisation sans hiérarchie, favorisant des conversations ouvertes même avec les communistes radicaux qui recherchent véritablement des sociétés égalitaires. Nous croyons que la solidarité au sein du mouvement de gauche est essentielle, donc nous jugeons par les actions plutôt que par l’idéologie seule. Pour soutenir ces efforts, nous exhortons à sensibiliser le public aux violations continues des droits humains, y compris la mort d’au moins 72 manifestants, dont beaucoup de jeunes, tués pour avoir exigé la fin de la corruption et du totalitarisme. Les responsables doivent être confrontés et la justice doit être faite sans délai.

Un message du 13 septembre 2025 : « Ceux qui collaborent avec la police. Vous oubliez qu’ils ont tué nos enfants. Ceux qui disent que le vandalisme, la destruction par le feu, le pillage sont injustes. Vous oubliez que c’est le résultat d’une colère collective qui était contre ce régime depuis plus de 40 ans. Que c’est le résultat de l’enfer capitaliste où les gens ne peuvent plus rếver tant ils sont bombardés par les publicités. Pensez-vous que l’élite de Katmandou était là pour piller à Bhatbhatani (la plus grande chaîne de magasins au Népal) ? Non, c’était des gens de la classe ouvrière et de la classe moyenne. Pensez-vous que Bhatbhatani ai perdu beaucoup d’argent ? Ils ont une assurance. L’hôtel Hilton a une assurance. Les parents des enfants décédés ont-ils une assurance de millions de roupies ?


Translation courtesy of la Grappe.

  1. Meter-byaj est une forme de prêt avec des taux d’intérêt exorbitants. Un mouvement est né en opposition a cette mesure dans les années précédentes. 

  2. En juin 2019, des milliers de personnes ont pris la rue pour protester contre la mise en place d’une taxe visant à nationaliser et capitaliser sur des fondations religieuses et communautaires. Connu comme “guthi,” ce système pour entrenir les temples, les services publics et l’organisation de festivals est enracinée dans la communauté Newar indigène de la vallée de Katmandou. 

  3. La guerre civile a pris fin en 2006. 

  4. Un mouvement pour les droits de Madhesis Tharus, les musulmans, et les groupes Janjati au Nepal, avec des vagues d’activités en 2007, 2008, et 2015. 

  5. Lipulekh est un passsage dans l’Himalaya sur la frontière entre l’Inde et le Tibet sous contôle chinois. Le gouvernement népalais réclame des territoires au sud de ce passage, qui est sous le contrôle de l’Inde depuis la domination coloniale anglaise. 

  6. Chirurgien et medecin activiste, le Dr. Govinda KC a mené 23 grèves de la faim pour demander des réformes. 

18.09.2025 à 21:36

Comment répondre aux menaces de Donald Trump sur le mouvement antifasciste

CrimethInc. Ex-Workers Collective

Donald Trump has declared that he is designating “Antifa” a “terrorist organization.” What does that mean? How can we prepare to weather the storm?
Texte intégral (3812 mots)

Le 17 septembre, dans un post publié sur Truth Social, Donald Trump a déclaré qu’il allait désigner « Antifa » comme « une organisation terroriste majeure ». Qu’est-ce que cela signifie ? Comment pouvons-nous nous préparer à affronter la tempête ?


Il est toujours difficile de savoir à quel point il faut prendre au sérieux les déclarations performatives de Trump. Il fait souvent des déclarations délirantes pour tester leur impact sur son public : il lance des idées en l’air pour voir ce qui fait mouche, et ensuite il s’acharne là où il n’y a pas de réaction en retour.

Mais cette fois, son administration suit à la lettre le manuel classique du fascisme. Un de ses partisans est même allé jusqu’à déclarer, sans ironie, que l’assassinat de Charlie Kirk était « l’incendie du Reichstag américain ».

L’étape suivante de ce manuel est évidente : élargir ses cibles, allant des immigré·es jusqu’aux anarchistes, aux gauchistes, et s’étendant au bout du compte à tous les opposant·es au régime.

Alors oui, par le passé, Trump a déjà fait des déclarations dans lesquelles il désignait « Antifa » comme une « organisation terroriste », notamment au début de la révolte qui a fait suite au meurtre de George Floyd.

Mais à l’époque, le reste du gouvernement fédéral jouait en grande partie un rôle de frein à son impulsivité1 alors qu’aujourd’hui, l’ensemble de l’exécutif fédéral est composé de serviteurs zélés qui sont incapables de distinguer leurs propres intérêts de ceux de Trump.

Certes, aucune loi ne permet au président de désigner des organisations terroristes intérieures. Mais même sans nouvelle législation ou nouveau décret, Trump a un contrôle direct sur le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité intérieure, le FBI et d’autres agences fédérales. Ce qu’il publie sur les réseaux sociaux indique probablement ce qu’il ordonnera bientôt à ses subordonnés.

Le fait que « Antifa » ne désigne pas une organisation en soi, mais plutôt une catégorie floue qui peut inclure à peu près n’importe quel opposition à son programme autoritaire, cela en fait un terme très pratique pour Trump 2. Cela signifie que peu importe qui vous êtes ou ce que vous faites, vous aussi pourriez devenir une cible.

Si aucune désignation d’« organisation terroriste intérieure » n’existe actuellement (et il n’existe aucun mécanisme évident pour en créer une), les procureurs d’extrême droite ont déjà l’habitude de porter des accusations infondées de terrorisme, pour intimider les militant·es et les participant·es aux mouvements sociaux. Trump a explicitement appelé à l’utilisation de la loi RICO3 pour réprimer ses détracteurs et détractrices. Certains sénateurs républicains soutiennent déjà un projet de loi qui ajouterait les émeutes à la liste des infractions poursuivies sous la loi RICO.

Il y a des précédents à ce qui pourraient se passer : ainsi, il y a deux ans, un grand nombre de personnes à Atlanta (Géorgie) ont été accusées au hasard sous la loi RICO pour leur implication dans le mouvement Stop Cop City.

Les procès ont été reportés sans cesse, et il y a moins d’une semaine, un juge a finalement rejeté la majorité des charges pour vice de procédure.4

Il reste à savoir dans quelle mesure l’administration mettra réellement à exécution les menaces de Trump, et si elle commencera par s’attaquer à des groupes de base ou agira de manière descendante, en ciblant de grandes institutions libérales et des plateformes de financement.

Dans tous les cas, notre avenir à long terme dépendra de notre capacité à permettre à un grand nombre de personnes d’agir solidairement, en adoptant des formes d’action directe à la base, qui peuvent être efficaces même si les personnes au pouvoir refusent d’écouter.

C’est pourquoi chacun devrait consulter les suggestions ci-dessous, que vous pensiez ou non qu’elles vous concernent directement. Plutôt que de céder à la panique, il s’agit de se préparer concrètement afin d’aborder cette situation calmement et efficacement.

Ne pas se laisser intimider.

Garder le moral est essentiel à la résistance. Ne nous rendons pas sans lutter ! Nos adversaires veulent nous soumettre par la peur, car ils savent qu’ils ne peuvent pas nous vaincre par la seule force brute. N’oubliez pas que la gestion des perceptions est au cœur du projet fasciste : ils cherchent à projeter leur force en permanence, précisément parce qu’ils ne sont pas invincibles. Même lorsque la situation semble désespérée, gardez espoir et continuez le combat ! Le défaitisme ne sert que l’ennemi.

Plusieurs exemples récents montrent qu’un mouvement déterminé peut vaincre la répression. Ainsi, le 20 janvier 2017, quelques heures après l’investiture de Trump, des centaines de personnes ont été arrêtées et chargé·es de huit chefs d’inculpation chacun·e (dont deux qui n’existaient même pas dans la loi). Plutôt que de plaider coupable ou de se battre individuellement, près de 200 personnes ont choisi de se défendre collectivement. Après un an et demi, toutes les charges ont été abandonnées.

L’affaire RICO de Stop Cop City a échoué jusqu’à présent pour les mêmes raisons, car ces affaires reposent souvent sur la capacité à effrayer certains accusé·es pour les pousser à coopérer. Si les accusé·es forment un front uni et sont soutenu·es avec force, les principaux atouts de l’État s’évanouissent. La solidarité, c’est le pouvoir !

Misez sur vos points forts.

Trump dirige des institutions centralisées, hiérarchiques, figées et axées sur le profit. Il préfèrerait affronter un adversaire qui leur ressemble. Or, à l’opposé, nos mouvements sont pour une très large part horizontaux, décentralisés, sans hiérarchie officielle ni dépendance financière. C’est une bonne chose, car cela rend moins crédibles les fables inventées par les procureurs, et les autorités ne savent pas qui cibler : si elles doivent se concentrer sur la population toute entière, si la résistance peut surgir de toutes parts, elles ne pourront pas concentrer leurs forces.

Les autocrates de tout poil ne sont pas en mesure de réprimer toutes celles et tous ceux qui s’opposent au fascisme. Le 14 juin 2025, ce sont plus de 5 millions de personnes qui sont descendues dans la rue lors de la manifestation « No King » pour défier Trump. La sécurité ne viendra pas de la clandestinité, mais bien de la diffusion massive de nos tactiques, au sein d’un élan de résistance le plus large possible.

Toutes celles et tous ceux qui s’opposent au fascisme sont antifascistes. En cherchant à cibler tous ceux qui s’opposent au fascisme, Trump ne peut pas digérer ce qu’il tente d’avaler, à condition de ne pas le laisser faire.

Préparez-vous à des perquisitions.

Apprenez quoi faire en cas de visite de la police ou d’agents fédéraux, que ce soit pour une demande d’information, une assignation à comparaître, ou une perquisition. Sauvegardez vos données informatiques et stockez-les en lieu sûr. Retirez de chez vous tout ce qui pourrait être compromettant entre de mauvaises mains. Mettez vous en lien dès maintenant avec un·e avocat·e.

Si une perquisition a lieu chez quelqu’un d’autre, filmez-la : plus l’attention sera portée sur chaque attaque de l’État, plus il y aura de monde en sécurité.

Informez vos ami·es à l’avance de la manière dont ils peuvent vous soutenir en cas de perquisition ou d’arrestation, qu’il s’agisse de nourrir votre chat, de vous occuper de vos enfants ou de contacter votre employeur ou des membres de votre famille. Faites connaître vos intentions à l’avance : par exemple, si vous êtes arrêté·e, préférez-vous être libéré·e sous caution immédiatement ou attendre de voir si votre caution est réduite ? Plus vous préciserez ce que vous souhaitez à l’avance, mieux ce sera. Dans le pire des cas, vous éviterez que des branches rivales de votre comité de soutien se disputent vos préférences sans pouvoir les trancher.

Soyez transparent·e face à la répression.

Si vous êtes ciblé·e par la répression, parlez-en ouvertement. Leur objectif est de vous isoler et de vous rendre paranoïaque. Si vous êtes déjà dans leur collimateur, vous n’avez aucun intérêt à essayer de cacher qu’ils vous ciblent. Ne leur facilitez pas la tâche, ne vous rendez pas inutilement facile à repérer, mais renforcez vos relations publiques. Si des agents fédéraux vous rendent visite ou vous assignent à comparaître, le meilleur moyen d’obtenir le soutien nécessaire et de conserver la confiance de votre communauté est de refuser de coopérer, de documenter toutes les rencontres et de les rendre publiques afin que tout le monde soit au courant.

Ne soyez pas irremplaçable.

Si vous participez à un projet formel ou informel, assurez-vous que les autres sachent comment faire la même chose que vous. Cela vaut pour vous, individuellement, comme pour tous les groupes auxquels vous participez. Diffusez vos compétences et vos connaissances à grande échelle. Faites une copie de la clé de la librairie, partagez les identifiants de votre compte de réseau social avec une personne de confiance, aidez les autres à organiser une distribution alimentaire ou fournir une aide juridique… Faciliter la tâche des autres pour vous remplacer peut diminuer le risque d’être ciblé·e.

De même, diffusez au plus grand nombre les informations sur la lutte contre la répression : organisez des formations dans votre communauté sur la sécurité et distribuez des documents à ce sujet. Expliquez aux gens comment réagir si des agents de l’État les poussent à devenir des informateurs ou les assignent à comparaître devant un grand jury. Plus les gens sont informés, mieux c’est, car les agents fédéraux commencent parfois par exercer des pressions sur celles et ceux qu’ils perçoivent comme étant en marge des mouvements sociaux.

Organisez un soutien collectif.

Tendez la main à celles et ceux qui sont dans la même situation : par exemple, si vous gérez une librairie ou un groupe étudiant, vous pouvez créer un réseau de projets similaires afin que chacun·e puisse agir dès que l’un·e d’entre vous est ciblé·e par la répression. Réfléchissez aux moyens de pression que vous pouvez utiliser pour vous assurer que toute attaque contre vous va mobiliser les gens au lieu de les intimider.

Préparez une liste de contacts et une liste de réponses adaptées à différents scénarios. Distribuez des copies de ces documents aux camarades sur lesquels vous pouvez compter pour vous soutenir en cas de répression, afin que, dès qu’un incident se produit, chacun·e soit informé·e et sache quoi faire. Exemple de message : « Si nous sommes arrêtés et non libérés immédiatement, [nom du groupe] tiendra une conférence de presse le lendemain, [nom de la personne] mènera une campagne de communication en ligne et [une autre personne] organisera une collecte de fonds. »

Discréditer la police et les tribunaux.

Alors que Donald Trump et ses hommes de main cherchent à plier le système juridique à leur volonté et à le contourner carrément quand ce n’est pas possible, cela comporte certains inconvénients, car cela délégitime les institutions desquelles ils dépendent malgré tout. De manière encourageante, plusieurs grands jurys ont refusé d’inculper des personnes accusées par les procureurs à la solde de Donald Trump. Nous devrions populariser la tactique de l’annulation du jury comme un moyen par lequel les jurés ordinaires peuvent gripper les engrenages de la répression fédérale. Dans la mesure du possible, nous devrions éroder la foi aveugle du public dans les institutions que Trump utilise pour mener ses actions répressives.

Malgré les fausses promesses des politiciens libéraux, la vague d’élan vers le définancement de la police qui a culminé en 2020 n’a pas assuré de changements majeurs dans la législation ou les budgets ; le seul effet durable du mouvement a été que, grâce à l’action populaire, de nombreuses personnes ont été contraintes de quitter les forces de police. Aujourd’hui, exercer une pression continue de basse intensité contre l’administration Trump et ses laquais diminuera le nombre de personnes qui sont prêtes à servir Trump en tant que traîtres à leurs communautés, que ce soit en tant qu’agents de l’ICE ou à un autre titre.

Fracturer la classe politique.

Nous avons besoin d’une stratégie pour obliger les politicien·nes de « l’opposition » à entraver réellement l’État policier plutôt que de simplement se tenir à distance. Sans pression, la plupart des politicien·nes vont simplement cultiver leur image plutôt que d’aider celles et ceux qui sont attaqué·es. Leur image dépend de la façon dont est perçue leur opposition à Trump : cela peut offrir des points d’appui pour les pousser à prendre position.

Identifiez chaque institution, groupe et individu influent auquel vous avez accès et qui n’est pas inextricablement investi dans la montée du fascisme. Voyez de quels moyens vous disposez pour faire pression sur chacun d’eux. Avec certain·es, une conversation suffira ; avec d’autres, cela pourra nécessiter d’autres moyens. Fixer des objectifs concrets : dissuader les demandeurs d’emploi de travailler pour l’ICE, obtenir de personnalités influentes qu’elles fassent des déclarations de solidarité ou contraindre des politiciens locaux à demander à la police de ne pas coopérer avec les opérations fédérales. L’État policier exige le bon fonctionnement de l’ensemble de l’appareil de pouvoir ; cela le rend vulnérable à de multiples niveaux.

Les libéraux qui ont contribué à créer une fracture entre Trump et Elon Musk simplement en tenant des pancartes chez les concessionnaires Tesla ont démontré comment diviser l’alliance qui soutient Trump. Cela devrait être reproduit encore et encore, en ciblant en particulier celles et ceux qui sont impliqué·es à la marge, plutôt que celles et ceux qui sont plus profondément engagé·es dans son projet autoritaire. Il faut saper les piliers de sa structure de soutien un par un.

Les États-Unis sont polarisés et divisés, tant au niveau régional que local. Si les communautés, les villes ou des régions entières peuvent éventuellement se mettre concrètement hors de portée de la répression fédérale, un modèle de véritable résistance émergera.

Passer à l’offensive.

Aux échecs, avec un jeu purement défensif, vous perdrez la partie. Pour faire face à la prise de pouvoir de Trump, nous avons besoin de stratégies proactives. Plutôt que de simplement réagir encore et encore, nous devons choisir l’heure et le lieu des conflits ; cela peut être un moyen de bloquer les ressources et les cycles de travail qui seraient autrement dirigés contre nous.

Les politiques oligarchiques de Trump appauvrissent des millions de personnes à travers le monde. Nous devons montrer comment répondre aux besoins urgents qu’il crée, en véhiculant une vision révolutionnaire de changement social. La meilleure défense, c’est l’attaque !

Refuser la division.

Lorsque la répression réussit, son effet le plus dommageable n’est pas son impact immédiat, mais les lignes de fracture qu’elle ouvre. L’objectif principal de Trump est de nous faire douter de nous-mêmes, et de nous monter les un·es contre les autres. Résoudre les malentendus et les conflits est un élément fondamental de la résistance.

Présentez des critiques de bonne foi, en ouvrant la porte à celles et ceux qui sont actuellement vos rivales et rivaux pour qu’iels deviennent éventuellement des allié·es, à condition qu’iels apprennent à se comporter de manière responsable. Ceux qui répandent la division et entretiennent des relations toxiques font le travail de l’État.


Thanks to La Horde for the translation.

  1. Par exemple, le tweet de Trump à la fin du mois de mai 2020 a été suivi d’une déclaration similaire du procureur général William Barr, qui s’était déjà plaint publiquement de Trump et avait été contraint de démissionner quelques mois plus tard. Le directeur du FBI à l’époque, Christopher Wray, a reconnu lors d’une audition que « antifa » est une idéologie, pas une organisation. 

  2. À noter qu’en Italie, les procureurs ont souvent traité des mouvements flous tels qu’Autonomia Operaia comme s’il s’agissait d’organisations formelles, et ont fabriqué de toutes pièces des organisations imaginaires là où il n’en existait pas, comme dans le cas de l’« Organisation révolutionnaire anarchiste insurrectionnelle ». 

  3.  NdT : le Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act est une loi fédérale américaine qui concerne les activités d’une organisation criminelle. 

  4. Sous Donald Trump, de nombreuses agences fédérales sont désorganisées, ce qui expliquent les accusations RICO de manière chaotique en Géorgie il y a deux ans. Si l’évolution de l’affaire RICO liée au mouvement Stop Cop City peut servir d’indication sur la manière dont d’autres persécutions via la loi RICO contre des activistes pourraient se dérouler, la principale menace n’est peut-être pas que la répression voulue par Trump envoie des gens en prison, mais plutôt que ces accusations découragent et paralysent les personnes visées, créant ainsi les conditions pour que son administration remplace cette forme de répression par quelque chose de pire. 

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