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03.07.2025 à 16:28

Déchets textiles : l’Union européenne face à un défi environnemental majeur

Florian Chaaban

Un mal qui ne dit pas son nom. Selon le Parlement européen et le Conseil, l'UE génère 12,6 millions de tonnes de déchets textiles par an. Les vêtements et chaussures représentent 5,2 millions de tonnes de déchets, soit 12 kg de déchets par personne chaque année. Au total, seulement 1 % des textiles sont recyclés, et la plupart (87 […]

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Texte intégral (2655 mots)
Selon l'Agence européenne pour l'environnement, les achats de textile dans l’UE ont généré des émissions de CO2 équivalentes à 270 kg par personne en 2020 - Crédits : montiannoowong / iStock
Selon l'Agence européenne pour l'environnement, les achats de textile dans l’UE ont généré des émissions de CO2 équivalentes à 270 kg par personne en 2020 - Crédits : montiannoowong / iStock

Un mal qui ne dit pas son nom. Selon le Parlement européen et le Conseil, l'UE génère 12,6 millions de tonnes de déchets textiles par an. Les vêtements et chaussures représentent 5,2 millions de tonnes de déchets, soit 12 kg de déchets par personne chaque année. Au total, seulement 1 % des textiles sont recyclés, et la plupart (87 %) sont incinérés ou mis en décharge.

L'essor de la mode rapide a joué "un rôle majeur dans l'augmentation de la consommation, tirée en partie par les médias sociaux et l'industrie, apportant les tendances de la mode à davantage de consommateurs à un rythme plus rapide que par le passé", écrit le Parlement européen.

Cette hausse de la consommation a des effets néfastes pour l'environnement. L'Agence européenne pour l'environnement (AEE) estime que les achats de textile dans l’UE ont généré en 2020 des émissions de CO2 équivalentes à 270 kg par personne, soit un total de 121 millions de tonnes de gaz à effet de serre. À cela s’ajoute un impact alarmant pour le secteur de l'eau, la production textile étant responsable d’environ 20 % de la pollution mondiale d’eau potable, à cause des teintures et autres produits de finition.

Face à l’urgence, l’Union européenne entend agir : elle ambitionne de réduire drastiquement les déchets textiles, de prolonger la durée de vie des vêtements et de favoriser leur recyclage. Une stratégie qui s’inscrit dans le vaste plan de transition vers une économie circulaire d’ici à 2050.

Une politique européenne claire et ciblée

Dans le cadre de ce plan, la Commission européenne a présenté en mars 2022 une feuille de route visant à rendre les textiles plus durables, réparables, réutilisables et recyclables, à lutter contre la fast fashion et à stimuler l'innovation dans le secteur. Elle comprend de nouvelles exigences en matière d'écoconception pour les textiles, des informations plus claires et un passeport numérique pour les produits. Elle appelle également "les entreprises à prendre leurs responsabilités et à agir pour minimiser leur empreinte carbone et environnementale", selon les termes du Parlement européen.

Cette stratégie a donné naissance à plusieurs textes. Tous ne visent pas directement l'industrie de la mode, mais contribuent à encadrer la production et la consommation de textile sur le continent.

Depuis le 1er janvier 2025, les États membres de l’UE doivent ainsi organiser, conformément à une directive européenne, la collecte systématique des déchets textiles. L'objectif : en finir avec l’ère des vêtements "jetables", et développer une nouvelle industrie à l’échelle de l’Europe tirant tout le parti possible des vêtements usagés, dans une perspective écologique. Toutefois, les municipalités n'étant pas tenues de collecter ces articles directement auprès des ménages, les nouveaux conteneurs ne sont pas encore disponibles partout. La mise en œuvre de cette obligation repose sur la création de points de collecte sélective dans les villes.

En parallèle, le texte introduit la responsabilité élargie des producteurs (REP) : les marques et fabricants sont tenus de financer la collecte, le tri et le recyclage des textiles qu’ils mettent sur le marché européen, via une redevance modulée selon la durabilité et la recyclabilité de leurs produits. Ce dispositif vise à responsabiliser l’ensemble de la filière et à encourager l’écoconception.

Cinq réflexes à avoir pour mieux consommer 🔎

  • S’interroger sur son besoin avant d’acheter ;
  • Favoriser l’achat de seconde main ou l’échange de vêtements ;
  • Privilégier les textiles faits d'une seule matière ;
  • Allonger la vie de ses habits, en respectant leurs consignes d’entretien ;
  • Apporter tous ses textiles et chaussures usagés dans un point de collecte (borne, association, déchèterie…), même les plus abîmés. Seuls les textiles moisis ou souillés de substances chimiques n’y sont pas acceptés.

L'Afrique, premier destinataire des déchets textiles européens

Les images d’immenses décharges à ciel ouvert sur les plages du Ghana suscitent l’indignation. Au point que l'ONG The Or Foundation qualifie la situation de "colonialisme du déchet" en Afrique. Des mots forts, qui s'appuient sur des chiffres éloquents.

D'après un rapport de l'Agence européenne pour l'environnement, en 2019, près de la moitié (46 %) des textiles usagés ont fini en Afrique. Sur ce continent, les textiles usagés importés sont principalement destinés à une réutilisation locale, car il existe "une demande de vêtements usagés bon marché en provenance d'Europe", indique l'AEE. Dans le même temps, la part de l’Asie dans les exportations de textiles usagés européens est, elle, passée de 26 % en 2000 à 41 % en 2019.

Ce qui n'est pas réutilisable termine le plus souvent dans des décharges à ciel ouvert et des flux de déchets informels, provoquant une forte dissémination de fibres plastiques dans l’environnement, qui met en danger la santé des populations locales et des milieux aquatiques.

L’AEE souligne que la pression environnementale des produits textiles s’exerce à la fin de la chaîne de valeur, lorsqu’ils sont jetés à des milliers de kilomètres de l’Europe. Et relève que le secteur du textile-habillement représente la quatrième catégorie de consommation ayant l’impact le plus important sur l’environnement et le changement climatique après l’alimentation, le logement et le transport.

Des effets néfastes pour la planète

Avant même la consommation, la production textile est très gourmande en eau, et exige des terres pour cultiver le coton et d’autres fibres. Selon des estimations, la fabrication d’un seul t-shirt en coton nécessite 2 700 litres d’eau douce, soit ce qu’une personne boit en 2,5 ans.

En 2020, la production de vêtements et de chaussures destinés à chaque citoyen de l’Union européenne a nécessité en moyenne 9 mètres cubes d’eau, 400 mètres carrés de surface terrestre et 391 kilogrammes de matières premières, rapporte le Parlement européen.

Un seul lavage de vêtements en polyester peut libérer jusqu'à 700 000 fibres de microplastiques dans l’eau. Ces particules minuscules peuvent ensuite remonter la chaîne alimentaire, jusqu’à se retrouver dans nos assiettes. La majorité de ces fibres sont relâchées lors des tout premiers lavages. Or, la fast fashion - fondée sur une production massive, des prix bas et des achats fréquents - multiplie ces premiers lavages, augmentant considérablement la pollution.

Chaque année, le lavage des textiles synthétiques déverse plus de 500 000 tonnes de microplastiques dans les fonds marins. À cela s’ajoute la pollution liée à la fabrication des vêtements, aux lourdes conséquences sur la santé des populations locales, de la faune et des écosystèmes autour des sites de production.

Face à l’ampleur du problème, l’Union européenne amorce un virage ambitieux vers une gestion plus durable des textiles, misant sur la responsabilité des producteurs, l’écoconception et le recyclage. Mais la réussite de cette transition dépendra autant de la mobilisation des industriels que des comportements des consommateurs. Car repenser notre rapport à la mode - en achetant moins, mieux, et en prolongeant la durée de vie de nos vêtements - reste l’un des leviers les plus puissants pour réduire l’impact environnemental de ce secteur. Un défi collectif, à la hauteur de l’urgence écologique.

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03.07.2025 à 15:46

Intelligence artificielle : que fait l'Union européenne ?

Arthur Olivier

Une intelligence artificielle qui bat un pilote humain lors d'une course de drones en Suisse, un programme informatique qui remporte un tournoi de mots croisés aux Etats-Unis ou encore un robot champion de poker… Depuis quelques années, les exploits de l'intelligence artificielle se multiplient. Mais le lancement en novembre 2022 du logiciel de conversation ChatGPT, […]

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Texte intégral (5116 mots)
L'intelligence artificielle est utilisée dans des secteurs comme l'industrie, les transports, la santé ou l'énergie
L'intelligence artificielle est utilisée dans des secteurs comme l'industrie, les transports, la santé ou l'énergie - Crédits : Ivan Bajic / iStock

CE QUE VOUS ALLEZ APPRENDRE DANS CET ARTICLE

L'Union européenne souhaite encadrer le développement de l'intelligence artificielle, tout en favorisant l'innovation technologique.

Elle met en place les conditions pour que les données, moteurs de l'intelligence artificielle, circulent plus facilement dans l'UE et puissent être réutilisées sans porter atteinte à la vie privée des Européens.

Un règlement, dont les premières mesures s’appliquent depuis le 2 février 2025, classe les systèmes d'IA selon les risques qu'ils font porter aux droits fondamentaux, de minime à "inacceptable". Avec plus ou moins de contraintes et une interdiction pour les technologies les plus controversées considérées comme "inacceptables" (notation sociale, reconnaissance biométrique à distance en temps réel…).

Une intelligence artificielle qui bat un pilote humain lors d'une course de drones en Suisse, un programme informatique qui remporte un tournoi de mots croisés aux Etats-Unis ou encore un robot champion de poker… Depuis quelques années, les exploits de l'intelligence artificielle se multiplient. Mais le lancement en novembre 2022 du logiciel de conversation ChatGPT, capable de générer des textes à la demande, a nettement accéléré le phénomène.

Au-delà de ces quelques exemples, l'IA prend une place de plus en plus importante dans l'économie et les sociétés. Mais ses applications diverses, balbutiantes ou bien installées dans des secteurs d'activités variés, rendent sa régulation difficile au regard des enjeux industriels et éthiques qui l'accompagnent. A côté des utilisations ludiques de l'IA, des pratiques plus controversées se sont développées : reconnaissance biométrique de masse, développement des vidéos deepfake, notation des citoyens selon leurs comportements en Chine, ou encore traitement à grande échelle des données personnelles par les multinationales américaines du numérique, dans un but commercial ou politique.

Première tentative d'encadrement international de cette technologie, l'AI Act a été adopté par l'Union européenne en 2024. Contraignant pour tous les acteurs qui proposent leurs services en Europe, il vise principalement à encadrer les risques que l'IA fait peser sur les droits fondamentaux des êtres humains. Ses premières mesures s'appliquent depuis le 2 février 2025, les autres devant se déployer en plusieurs phases jusqu'en 2027 dont plusieurs dispositions importantes à compter du 2 août.

Plusieurs voix se sont toutefois élevées pour demander un report ou un assouplissement de certaines d'entre elles, en vue de réduire les lourdeurs administratives qui pèsent sur les entreprises, en particulier les PME. La révision de l'AI Act devrait ainsi figurer dans le "paquet de simplification numérique" présenté par la Commission européenne d'ici la fin de l'année 2025. Son suivi compte aussi parmi les priorités de la présidence danoise du Conseil de l'Union européenne, du 1er juillet au 31 décembre 2025.

D'autres initiatives européennes (Data gouvernance act, fonds pour les centres de données, plan d'action sur l'IA…) visent quant à elles à faciliter le déploiement de l'IA sur le continent pour profiter des nombreux bénéfices sociaux et économiques, en particulier dans des secteurs tels que l'agriculture, les mobilités et la santé.

Nouveau règlement sur l'IA : une approche par les risques

L'Union européenne part aussi du principe que l'IA peut porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens. Comme le droit à la dignité humaine, le respect de la vie privée et le principe de non-discrimination.

C'est pourquoi le règlement sur l'intelligence artificielle adopté en 2024 fait le choix d'une approche par les risques, pour une intelligence artificielle "digne de confiance". En fonction des risques auxquels les usagers de l'IA peuvent être confrontés, les fournisseurs de services et de modèles d'intelligence artificielle doivent respecter des obligations particulières.

L'IA Act distingue ainsi quatre niveaux de risque pour les systèmes d'IA, auxquels s'ajoutent une catégorie transverse de modèle d'IA à usage général.

Risque inacceptable

Une interdiction s'applique depuis le 2 février 2025 pour les pratiques qui exploitent la vulnérabilité des enfants ou des personnes en situation de handicap, comme un jouet qui inciterait un enfant à se blesser. C'est également le cas de la notation sociale, qui conditionne certains avantages ou services sociaux aux "bons citoyens" ou aux "bons clients".

Entre aussi dans cette catégorie l'utilisation de systèmes d'identification biométrique à distance en temps réel, tels que des caméras à reconnaissance faciale directement connectées à des bases de données. Cette dernière entend toutefois plusieurs exceptions, comme la recherche d'un enfant disparu et la localisation d'un auteur ou d'un suspect dans des affaires de terrorisme, de trafic des êtres humains ou encore de pédopornographie.

Haut risque

Les règles s'appliqueront à partir d’août 2027, ou août 2026 pour les modèles créés après cette date. Des règles de traçabilité, de transparence et de robustesse s'appliquent lorsqu'un préjudice pour la sécurité ou les droits des personnes est possible. Cela concerne l'identification biométrique, la gestion des infrastructures critiques (eau, électricité…), les systèmes d'IA destinés à l'affectation dans les établissements d'enseignement ou pour la gestion des ressources humaines, les applications de l'IA pour l'accès aux services essentiels (crédits bancaires, services publics, prestations sociales, justice…), son utilisation pour les missions de police ainsi que la gestion des migrations et des contrôles aux frontières.

Les systèmes à haut risque sont les plus concernés par ce nouveau règlement. Des normes de qualité et de sécurité vont s’appliquer, telles que la traçabilité de l'utilisation de la technologie, la transparence vis-à-vis des utilisateurs, ainsi que la nécessité d'un contrôle humain. Ils doivent par ailleurs "atteindre un niveau approprié d’exactitude, de robustesse et de cybersécurité". Des contrôles ex ante et ex post sont également prévus. Le fournisseur devra enregistrer officiellement son système d'intelligence artificielle dans une base de données de l'UE après une évaluation de sa conformité aux exigences décrites ici.

Risque limité

Lorsque les risques sont considérés comme limités, le règlement oblige à une certaine transparence de la part du fournisseur. Par exemple, si les usagers utilisent un chatbot en ligne, ils doivent être tenus au courant qu'ils s'adressent à un robot.

De la même manière, une vidéo "deepfake" reprenant le visage et la voix d'une personnalité célèbre doit être signalée comme un contenu généré par l'IA.

Une partie de ces règles s'appliquera à compter du 2 août 2025.

Risque minimal

Toutes les utilisations qui ne présentent pas de risque pour les droits des citoyens selon l'UE, comme les filtres anti-spams dans les courriels, ne font pas l'objet d'un encadrement spécifique.

Les fournisseurs d'applications comportant un risque faible ou minimal d'atteinte aux droits fondamentaux sont toutefois encouragés à appliquer, sur la base du volontariat, des codes de conduite facultatifs.

Modèles d'IA à usage général

Au-delà de cette classification par types de risque, les "modèles d'IA à usage général" constituent une catégorie spécifique et doivent s'acquitter d'obligations supplémentaires. Il s'agit de systèmes entraînés avec une grande quantité de données et capables d'effectuer un large éventail de tâches, comme ChatGPT.

A compter du 2 août 2025, tous les fournisseurs de ces modèles devront mettre à disposition une documentation technique et des instructions d'utilisation, se conformer à la directive sur les droits d'auteur et publier un résumé du contenu utilisé pour l'entraînement de leurs algorithmes. Parmi ces modèles, ceux présentant des "risques systémiques", c’est à dire les plus puissants, vont être soumis à des audits de sécurité.

Gouvernance et sanctions

Chaque Etat membre de l'UE doit désigner (d'ici le 2 août 2025) une autorité compétente pour appliquer le texte européen sur son territoire.

Composé de ces régulateurs nationaux, un Comité européen de l'intelligence artificielle coordonnera ces mesures et veillera au respect de l'AI Act par les Etats. Il entrera en fonctions le 2 août 2025.

Créé en février 2024, un Bureau européen de l'IA est quant à lui chargé de faire appliquer le règlement pour les modèles à usage général. Il est placé sous l'autorité de la Commission européenne, responsable de la mise en œuvre et du suivi du règlement.

Les sanctions peuvent aller jusqu'à 35 millions d'euros ou 7 % du chiffre d'affaires en cas de non-respect des règles relatives aux pratiques prohibées. L'amende est moins salée pour les plus petites infractions, avec une sanction allant jusqu'à 15 millions d'euros ou 3 % du chiffre d'affaires.

Annoncé le 9 avril dans le plan d'action sur l'IA, un futur service d’assistance européen doit accompagner les entreprises dans le respect de l'AI Act. Une simplification de ce règlement est également à l'étude, afin de réduire la charge administrative pesant sur les acteurs économiques.

Le règlement s'appuie sur l'article 114 du TFUE concernant les mesures destinées à renforcer le marché intérieur européen. La Commission fonde également ces dispositions en droit sur l'article 16 du TFUE qui dispose que "toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant".

En outre, le règlement ne s'applique pas à l'IA utilisée "exclusivement à des fins militaires, de défense ou de sécurité nationale, quel que soit le type d'entité exerçant ces activités".

Favoriser le développement de l'IA en Europe

Au-delà de la régulation de l'intelligence artificielle, l'Union européenne cherche à limiter son retard technologique par rapport aux Etats-Unis et à la Chine. Plusieurs initiatives adoptées ou à venir doivent lui permettre de rester dans la course. La dernière en date, le plan d'action sur l'IA, a été présentée le 9 avril 2025 par la Vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Sécurité technologique, Henna Virkkunen.

Créer un marché unique de la donnée

La stratégie européenne de 2020 affiche un objectif "créer un espace européen unique des données, un véritable marché unique des données". Celles-ci doivent ainsi mieux circuler entre les différents pays et secteurs d'activités de l'UE, tout en respectant les règles européennes de concurrence et de protection de la vie privée.

Les données sont en effet au cœur de l'IA : elles permettent à un programme informatique d'apprendre à discerner des images, des sons ou des comportements. Un bien rentable, qui explique en partie pourquoi nos données personnelles et l'activité en ligne des internautes sont devenues une marchandise dans les modèles économiques des géants du numérique.

La construction de ce marché unique avait déjà commencé avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de 2016, qui encadre l'utilisation des données personnelles. Moins connu, un règlement de 2018 avait par ailleurs aboli les restrictions de circulation des données à caractère non personnel, c'est-à-dire celles qui ne portent pas sur des individus en particulier. C'est par exemple le cas des informations sur l'utilisation de l'eau ou des pesticides dans l'agriculture. Une directive de 2019 assure également la libre réutilisation et la libre consultation des données ouvertes des organismes publics des Etats membres, notamment celles relatives à l'observation de la terre et de l'environnement, aux statistiques ou encore aux mobilités.

Plus récemment, deux lois européennes sur la gouvernance des données (Data Governance Act) et sur les données (Data Act) tentent d'aller plus loin. Pleinement applicable depuis septembre 2023, la première définit les règles et les mécanismes permettant de réutiliser certaines données publiques ou détenues par le secteur public mais qui sont protégées, comme celles relevant de la propriété intellectuelle. La seconde vise à faciliter l'accès et le partage des données entre entreprises (B2B) et avec les consommateurs (B2C), en particulier pour les données générées par les objets connectés. Elle s'appliquera à partir de septembre 2025.

Des dispositions y sont également prévues afin de faciliter le traitement d'informations personnelles, recueillies avec le consentement des individus concernés, à des fins non commerciales, pour la recherche médicale, la lutte contre le changement climatique ou l'amélioration des services publics par exemple. C'est ce qui est appelé "l'altruisme des données".

Dans son plan d'action sur l'IA, la Commission européenne souligne l'importance d’un accès à de grands volumes de données de haute qualité pour stimuler l’innovation. Elle a annoncé la création de laboratoires de données au sein des usines d’IA, ainsi que le lancement en 2025 d’une stratégie visant à établir un véritable marché intérieur des données au service de l'IA. La Commission envisage également une nouvelle législation pour simplifier l’installation de centres de données, en agissant notamment sur les procédures de permis de construire et de raccordement au réseau électrique. L’objectif est de multiplier par au moins trois la capacité existante d’ici cinq à sept ans.

Giga-fabriques et bacs à sable

Le 11 février 2025, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé un plan de 200 milliards d’euros visant à développer l’intelligence artificielle en Europe. Baptisé "InvestAI", le programme inclut un nouveau fonds européen de 20 milliards d’euros destiné à la création de giga-fabriques spécialisées dans l’entraînement des modèles d’IA avancés, y compris ceux des concurrents européens au ChatGPT d’OpenAI.

Ce dispositif sera financé à hauteur de 50 milliards d’euros par des programmes européens existants comme Europe numérique, Horizon Europe ou InvestEU, complétés par d'éventuelles contributions des Etats membres provenant des fonds de cohésion. Les 150 milliards d'euros restants proviendraient de l’alliance "EU AI Champions Initiative", qui regroupe plus de 60 entreprises telles qu'Airbus, L’Oréal, Mercedes, Spotify ou encore Mistral AI.

L'AI Act autorise par ailleurs quelques dérogations. Il installe notamment un cadre juridique pour les "bacs à sable réglementaires" en matière d'intelligence artificielle. Ces dispositifs permettent aux entreprises et aux chercheurs de tester ponctuellement certaines technologies sans avoir à respecter l'intégralité de la législation, par exemple au sujet des données personnelles. Les autorités désignées par les Etats membres vont alors être chargées de surveiller ces initiatives, dont les données personnelles qu'elles utilisent et qui ne doivent pas être transmises ou utilisées par des tiers.

En outre, les déclinaisons nationales du plan de relance européen doivent contribuer à hauteur de 20 % à la transition numérique des Etats membres. L'UE a déjà financé plusieurs initiatives utilisant l'IA comme Fabulos, qui teste des mini-bus autonomes dans plusieurs villes, ou Nevermind, une chemise connectée à un smartphone qui promet aux personnes atteintes de dépression de prévenir une rechute en analysant leurs modes de vie.

Favoriser l'adoption de l'IA et renforcer les compétences des Européens

Aujourd’hui, seules 13,5 % des entreprises européennes utilisent l’IA, selon la Commission européenne. Pour combler ce retard, celle-ci envisage une stratégie "Appliquer l’IA" afin de promouvoir l'usage de l'IA dans les secteurs publics et privés jugés stratégiques, comme la santé, l’énergie ou les services publics. Elle soutiendra également la formation de talents européens et facilitera l’arrivée d’experts internationaux grâce à plusieurs programmes et bourses. Elle prévoit aussi de mettre en place des formations pour les jeunes et les professionnels en reconversion.

Règlement européen sur l'intelligence artificielle (AI Act) : historique des négociations

L'IA Act est entré en vigueur le 1er août 2024, 20 jours après sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. Ses premières mesures sont entrées en application le 2 février 2025.

Le texte a fait l'objet de longues négociations. Une communication intitulée "L'intelligence artificielle pour l'Europe" avait été publiée en avril 2018. La Commission européenne a publié sa proposition de règlement en avril 2021. Celle-ci s'appuie sur des travaux préparatoires menés avec un groupe d'experts sur l'IA, composé de 52 membres, qui a fait connaître ses lignes directrices au printemps 2019. Au début de l'année 2020, la Commission avait également dévoilé son Livre blanc pour une approche européenne en matière d'IA basée sur "l'excellence et la confiance".

Avant de discuter avec les Etats membres, le Parlement européen a adopté sa position le 14 juin 2023. En mai, les eurodéputés des commissions des Libertés civiles et du Marché intérieur avaient élargi la liste des technologies entrant dans la catégorie des risques inacceptables, afin de bannir de l'UE une utilisation "intrusive et discriminatoire de l’IA" (systèmes de police prédictifs fondés sur le profilage, localisation ou antécédents judiciaires, systèmes de reconnaissance des émotions dans les domaines de la justice, des frontières, sur le lieu de travail et dans l'enseignement, ou encore reconnaissance biométrique à distance en temps réel dans l'espace public). Les élus ont par ailleurs ajouté à la liste des technologies à risque élevé celles utilisées pour influencer les électeurs lors de campagnes politiques (systèmes de recommandations des réseaux sociaux…) afin de compléter le Digital Services Act (DSA).

Les Etats membres, réunis en Conseil, ont quant à eux adopté leur position le 6 décembre 2022. Ils ont restreint la définition de l'IA "à des systèmes développés au moyen d'apprentissage automatique et d'approches fondées sur la logique et les connaissances". Le Conseil a aussi étendu aux acteurs privés l'interdiction d'utiliser l'IA à des fins de notation sociale, là où la Commission l'appliquait aux seules autorités publiques. Invoquant la lutte contre le terrorisme, les Etats ont également introduit dans la version finale de l'accord des exceptions dans l'interdiction de la reconnaissance faciale en temps réel, une mesure qui va à l'encontre de la position des députés ainsi que d'associations et d'ONG, qui avaient appelé à interdire complètement le recours à la "reconnaissance faciale et à la reconnaissance biométrique à distance permettant une surveillance de masse".

Un accord entre le Parlement européen et le Conseil sur le règlement de l'intelligence artificielle (AI Act) a été conclu le 9 décembre 2023. Le Parlement européen a formellement adopté le projet de règlement européen sur l'IA le 13 mars 2024 par 523 voix pour et 46 contre. Le Conseil de l'Union européenne a adopté le texte le 21 mai 2024, ce qui a permis sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Après la publication de la proposition de règlement en 2021, certains organismes du secteur de la tech avaient critiqué le document, soulignant un mauvais équilibre entre, d'un côté, la régulation des pratiques risquées et, de l'autre, l'encouragement à l'innovation. D'aucuns pointaient du doigt en particulier les coûts de mise en conformité, potentiellement élevés pour les entreprises, concernant les systèmes d'intelligence artificielle considérés comme à haut risque. Certains Etats membres sont vigilants sur la question. La France comme l'Allemagne ne souhaitent pas tuer dans l’œuf les espoirs de leurs champions nationaux en devenir. La première abrite par exemple la start-up Mistral AI, tandis que la seconde a vu naître le traducteur automatique DeepL.

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03.07.2025 à 14:46

La Moldavie sur la voie de l’UE : entre résilience et réformes

Alexandra Lesur

C’est une petite nation, prise entre deux mondes, qui rêve d’Europe. En mars 2022, dans le sillage de l’invasion russe en Ukraine, la Moldavie a officiellement déposé sa candidature pour rejoindre l’Union européenne, aux côtés de Kiev. Moins de deux ans plus tard, en juin 2024, les négociations d’adhésion ont débuté, comme pour son voisin […]

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Texte intégral (2245 mots)
La présidente du Parlement européen Roberta Metsola et le Premier ministre moldave Dorin Recean, en juin 2025, à l'occasion d'une réunion du Conseil d'association UE-Moldavie, chargé de mettre en œuvre l'accord d'association en vigueur depuis 2016 - Crédits : Parlement européen

C’est une petite nation, prise entre deux mondes, qui rêve d’Europe. En mars 2022, dans le sillage de l’invasion russe en Ukraine, la Moldavie a officiellement déposé sa candidature pour rejoindre l’Union européenne, aux côtés de Kiev. Moins de deux ans plus tard, en juin 2024, les négociations d’adhésion ont débuté, comme pour son voisin ukrainien. Un signal fort pour Chișinău qui se bat sur plusieurs fronts : réforme de ses institutions, transition énergétique, lutte contre la corruption - le tout sous la pression constante de Moscou. Comme les huit autres pays candidats, le pays doit suivre un processus d'intégration à l'Union européenne long et exigeant avec de nombreux critères encore à remplir.

Située en Europe orientale, la Moldavie est enclavée entre deux grands voisins : l'Ukraine à l’est et la Roumanie à l’ouest, deux pays dont la superficie est respectivement 18 et 7 fois plus importante. D'une taille comparable à celle de la région Pays de la Loire avec 33 850 km², le pays compte parmi les plus petits d'Europe.

Un partenaire stratégique en première ligne

Située à la frontière orientale de l’UE, la Moldavie joue un rôle de plus en plus stratégique pour la stabilité européenne. Accueillant des milliers de réfugiés ukrainiens, elle reste un allié solide de Kiev. Mais ce positionnement la rend aussi vulnérable : cyberattaques, désinformation, campagnes d’ingérence… La Russie ne ménage pas ses efforts pour saper les fondations démocratiques moldaves.

En octobre 2024, un référendum constitutionnel approuvant l’adhésion à l’UE a été remporté de justesse après une campagne marquée par des tentatives de manipulation de l’opinion publique orchestrées depuis l’étranger.

Un mois plus tard, le 3 novembre 2024, la réélection de Maia Sandu, présidente pro-européenne depuis 2020, a confirmé l'adhésion de la Moldavie à son programme réformiste et sa politique d’ouverture vers l’Union européenne. Les élections législatives prévues le 28 septembre prochain seront un nouveau test. "Soit nous devenons forts et indépendants au sein de la grande famille européenne, soit nous restons divisés et sous influence russe", a mis en garde la cheffe de l’État le 17 avril 2025 devant le parlement moldave.

Transnistrie : un territoire au cœur des enjeux géopolitiques moldaves

Les obstacles sur la route européenne de la Moldavie sont nombreux. La question de la Transnistrie, région séparatiste pro-russe à l'est du pays, continue de poser un casse-tête géopolitique. Cette petite république sécessionniste a proclamé son indépendance de la Moldavie en 1990, avant même la chute de l’Union soviétique. Son indépendance n’est reconnue par aucun État membre de l’ONU. Majoritairement peuplée de russophones, elle bénéficie aujourd’hui du soutien de la Russie, qui y maintient une présence militaire.

En début d'année, un épisode a pu donner l'illusion d'un rapprochement entre la Moldavie et la Transnistrie. Confrontée à une grave crise énergétique provoquée par l’interruption de l’approvisionnement en gaz par la Russie, la Transnistrie a, pour la première fois en trente ans, reçu du gaz de la part de la Moldavie. Avant que le gaz russe ne soit rétabli via une société hongroise financée par Moscou, le 14 février 2025.

Quelques jours plus tôt, le 4 février, la Commission européenne et la Moldavie avaient convenu d'une stratégie pour renforcer l’indépendance énergétique du pays, avec un appui financier de 250 millions d’euros, ainsi que 60 millions pour la Transnistrie. Un soutien refusé par cette dernière.

Des réformes saluées et un soutien renforcé

Dans ce contexte, l'Union européenne appelle la Moldavie à renforcer sa résistance aux ingérences étrangères, mais aussi à poursuivre des réformes structurelles : indépendance de la justice, lutte contre le blanchiment d’argent, promotion des droits fondamentaux. L’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées et la lutte contre les discriminations font également partie des priorités fixées par Bruxelles.

Malgré tout, la Moldavie montre des signes encourageants. Son désengagement du réseau énergétique russe, au profit d’une connexion au marché européen via la Roumanie, marque un tournant stratégique. Des efforts sont également visibles dans les domaines de la décarbonation, de la sécurité et de l’égalité des genres.

Les institutions européennes le reconnaissent : en mars 2025, le Parlement européen a validé un plan de réforme et de croissance de 1,9 milliard d’euros pour accompagner les transformations moldaves - une aide sans précédent dans l’histoire du pays. Objectif : stabiliser l’économie, accélérer les réformes et contenir l’influence russe.

En outre, dans un rapport adopté lors de la session plénière de juin 2025, le Parlement européen a reconnu que les relations UE-Moldavie avaient franchi une nouvelle étape. La coopération s’est intensifiée en parallèle des efforts du gouvernement de Chișinău pour aligner les lois moldaves sur l’acquis communautaire de l’UE.

Par ailleurs, avec près de 200 millions d’euros d’aide militaire et sécuritaire entre 2021 et 2025, la Moldavie est devenue le deuxième bénéficiaire de la Facilité européenne pour la paix, un instrument clé dans la politique de sécurité extérieure de l’UE.

Le chemin vers l’UE reste long, mais les fondations se posent. Le rapport du Parlement européen, adopté en juin 2025, souligne les efforts constants du pays malgré un contexte hostile. Il plaide pour des fonds de pré adhésion conséquents dans le prochain cadre du budget pluriannuel (2028-2034), condition essentielle à une transition réussie. Le 25 juin 2024, l'Union a tenu la première conférence intergouvernementale au niveau ministériel afin d'ouvrir officiellement les négociations d'adhésion avec la Moldavie. Le premier sommet Moldavie-UE aura lieu le 4 juillet à Chișinău. Selon la présidence moldave, ce nouveau format marque le passage à une nouvelle étape dans le parcours d’intégration européenne.

Neuf pays sont officiellement candidats pour intégrer l'Union européenne, avec en première ligne, les Balkans occidentaux. Pour six d’entre eux, les négociations ont déjà démarré : la Serbie, le Monténégro, l'Albanie, la Macédoine du Nord, l'Ukraine et la Moldavie.

Pour la Géorgie, candidat officiel depuis 2024, les négociations n'ont pas encore débuté. La Bosnie-Herzégovine, candidate officielle depuis 2022, a reçu le feu vert du Conseil européen mais elle doit encore remplir certains critères. En Turquie, les négociations initiées en 2005 sont suspendues depuis 2018 en raison de la dérive autoritaire du régime.

Enfin reste le cas du Kosovo qui a déposé sa demande de candidature à l'adhésion à l'UE en décembre 2022. Celle-ci n'a pas encore été validée par Bruxelles.


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